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© SOFFAL 2016 Page 1 / 5 Actualités sociales Octobre 2016 « Loi Travail » du 8 août 2016 : les principaux changements La loi dite Travail du 8 août 2016 « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » (loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) est entrée en vigueur après recours à l’article 49-3 de la Constitution et au terme d’un parcours législa- tif marqué par d’importants mouvements so- ciaux. Sauf indications contraires, les mesures dé- crites ci-après sont applicables depuis le 10 août 2016. Cette loi, longtemps appelée également « Loi El Khomri », réforme en profondeur de très nombreux champs du droit du travail. Parmi les nombreux changements apportés par ce texte, nous avons choisi de présenter ci- après une synthèse de ceux que nous avons ju- gés les plus notables en matière : - de durée du travail (1), - de lutte contre les fraudes au détachement (2), - de suivi médical des salariés et à l’inaptitude (3), - de négociation collective (4), - de déconnexion (5), - de licenciement économique (6). 1. Une réforme de la durée du travail Sécurisation de la pratique des forfaits jours La loi Travail reprend tout d’abord en grande partie la jurisprudence actuellement en vigueur. Elle exige des accords collectifs autorisant la conclusion de conventions individuelles de for- fait en jours de déterminer : - les modalités selon lesquelles l'em- ployeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du sala- rié ; - les modalités selon lesquelles l'em- ployeur et le salarié communiquent pé- riodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son acti- vité professionnelle et sa vie person- nelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entre- prise ; - les modalités selon lesquelles le sala- rié peut exercer son droit à la décon- nexion. Toutefois, et c’est là une avancée très significa- tive en pratique, si l’accord collectif ne com- porte pas les garanties visées ci-dessus, l’employeur a désormais malgré tout la possibi- lité de conclure une convention de forfait en jours sur ce fondement, sous réserve de respec- ter certaines conditions. Nous ne manquerons pas de revenir vers vous sur ce sujet en vous adressant très prochainement une Newsletter spécifique. Primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail En matière de durée du travail, à l’issue des nombreux débats passionnés dont les médias se sont fait l’écho, le législateur a décidé que la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche deviendra le principe, peu impor- tant donc que les dispositions de l’accord de branche soient plus favorables aux salariés. Sont visées par exemple les dispositions rela- tives à : - la détermination du taux de majoration des heures supplémentaires qui ne peut être infé- rieur à 10 % ;

Loi Travail du 8 aout 2016La loi dite Travail du 8 août 2016 « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » (loi

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Actualités sociales Octobre 2016

« Loi Travail » du 8 août 2016 :

les principaux changements La loi dite Travail du 8 août 2016 « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » (loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) est entrée en vigueur après recours à l’article 49-3 de la Constitution et au terme d’un parcours législa-tif marqué par d’importants mouvements so-ciaux. Sauf indications contraires, les mesures dé-crites ci-après sont applicables depuis le 10 août 2016. Cette loi, longtemps appelée également « Loi El Khomri », réforme en profondeur de très nombreux champs du droit du travail. Parmi les nombreux changements apportés par ce texte, nous avons choisi de présenter ci-après une synthèse de ceux que nous avons ju-gés les plus notables en matière : - de durée du travail (1), - de lutte contre les fraudes au détachement (2), - de suivi médical des salariés et à l’inaptitude (3), - de négociation collective (4), - de déconnexion (5), - de licenciement économique (6). 1. Une réforme de la durée du travail

• Sécurisation de la pratique des forfaits jours

La loi Travail reprend tout d’abord en grande partie la jurisprudence actuellement en vigueur. Elle exige des accords collectifs autorisant la conclusion de conventions individuelles de for-fait en jours de déterminer :

- les modalités selon lesquelles l'em-ployeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du sala-rié ; - les modalités selon lesquelles l'em-ployeur et le salarié communiquent pé-riodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son acti-vité professionnelle et sa vie person-nelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entre-prise ; - les modalités selon lesquelles le sala-rié peut exercer son droit à la décon-nexion.

Toutefois, et c’est là une avancée très significa-tive en pratique, si l’accord collectif ne com-porte pas les garanties visées ci-dessus, l’employeur a désormais malgré tout la possibi-lité de conclure une convention de forfait en jours sur ce fondement, sous réserve de respec-ter certaines conditions. Nous ne manquerons pas de revenir vers vous sur ce sujet en vous adressant très prochainement une Newsletter spécifique.

• Primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail

En matière de durée du travail, à l’issue des nombreux débats passionnés dont les médias se sont fait l’écho, le législateur a décidé que la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche deviendra le principe, peu impor-tant donc que les dispositions de l’accord de branche soient plus favorables aux salariés. Sont visées par exemple les dispositions rela-tives à : - la détermination du taux de majoration des heures supplémentaires qui ne peut être infé-rieur à 10 % ;

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- le dépassement de la durée quotidienne de travail jusqu’à 12 heures en cas d’activité ac-crue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise ; - la dérogation à la durée minimale du repos quotidien. Ces dispositions entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2017. 2. Un renforcement de la lutte contre le dé-tachement illégal de salariés ayant un em-ployeur établi à l’étranger La loi Travail renforce le cadre légal du déta-chement des travailleurs afin de lutter contre les abus.

• Accroissement de l’obligation de vigi-lance du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage

En premier lieu, la loi Travail renforce la res-ponsabilité du donneur d’ordre et du maître d’ouvrage (l’entreprise utilisatrice) qui font appel à un prestataire établi hors de France. L’entreprise utilisatrice doit s’assurer que l’employeur des salariés détachés établi à l’étranger (prestataire établi hors de France) a bien satisfait à son obligation de déclaration préalable de détachement. A défaut de s’être fait remettre par l’employeur établi à l’étranger une copie de la déclaration de détachement, l’entreprise utilisatrice doit adresser elle-même à l’inspection du travail compétente une décla-ration de détachement dans les 48 heures sui-vant le début du détachement. Le non-respect de cette obligation de déclara-tion « subsidiaire » par l’entreprise utilisatrice était déjà passible de la même amende que celle applicable à l’employeur des salariés dé-tachés établi à l’étranger qui n’y aurait pas sa-

tisfait lui-même (jusqu’à 2.000 € par salarié détaché, 4.000 € en cas de récidive). La loi Travail précise que le défaut de transmission de cette déclaration subsidiaire à l’issue du délai de 48 heures peut dorénavant également per-mettre à l’administration de suspendre la pres-tation de services tant qu’elle n’a pas reçu la déclaration de détachement et pour une durée maximum d’1 mois. Par ailleurs, le maître d’ouvrage est désormais tenu de vérifier que chacun des sous-traitants étrangers (à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance), détachant des salariés en France pour les besoins de la prestation, se sont bien acquittés de leur obligation préalable de détachement (sous peine de la même sanction mentionnée ci-dessus).

• Mise en place d’une contribution forfai-taire en cas de détachement de salariés en France

Tout employeur établi hors de France détachant un salarié sur le territoire national sera, à compter de la publication d’un décret à paraître (la publication est annoncée pour le mois de décembre 2016), assujetti à une contribution d’un montant forfaitaire qui ne pourra excéder 50 euros par salarié. 3. Les nouvelles règles relatives au suivi mé-dical des salariés et à l’inaptitude La loi Travail modifie les règles relatives au suivi médical des salariés et à l’inaptitude, dont les nouvelles dispositions s’appliqueront à compter de la publication de différents décrets, prévue au plus tard le 1er janvier 2017.

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• Modifications du régime de l’inaptitude

La loi Travail aménage la procédure selon la-quelle le médecin du travail peut déclarer un salarié inapte. Elle prévoit que le médecin du travail ne pourra déclarer le salarié inapte qu’après : - la réalisation d’une étude de poste par lui-même ou par un membre de l’équipe pluridis-ciplinaire ; - un échange avec le salarié et l’employeur. Un décret doit préciser les modalités pratiques de mise en œuvre de cette nouvelle procédure. Par ailleurs, l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail doit obligatoirement être éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du sala-rié. La loi a supprimé l’exigence des deux examens médicaux jusqu’ici obligatoires. Les travaux parlementaires indiquent qu’une seule visite de reprise serait nécessaire. Mais il convient d’attendre le décret d’application pour en sa-voir plus sur le ou les examens médicaux qui seraient à effectuer dans le cadre des procé-dures d’inaptitude. La loi Travail étend en outre la possibilité pour l’employeur d’être dispensé de toute recherche préalable de reclassement lorsque le maintien du salarié dans l’entreprise présente un risque grave pour sa santé. Cette possibilité, jusqu’ici limitée aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et titu-laires d’un contrat à durée indéterminée, est étendue à tous les salariés. De plus, désormais, l’employeur d’un salarié physiquement inapte doit, avant de proposer un reclassement au salarié, consulter les délégués du personnel sur les postes de reclassement de

ce salarié lorsqu’ils existent, quelle que soit l’origine de son affection, professionnelle ou non-professionnelle. Enfin, la procédure de contestation des avis d’inaptitude est remaniée : l’employeur ou le salarié qui conteste l’avis du médecin du travail devra saisir le Conseil de prud’hommes en ré-féré d’une demande de désignation d’un méde-cin-expert (et non plus l’inspection du travail).

• Modifications des modalités de suivi médical des salariés

La loi Travail supprime le principe de la visite médicale d’embauche au profit d’une visite obligatoire d’information et de prévention as-surée par un professionnel de santé, à l’exception des salariés affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité qui bénéficieront d’un examen médical d’aptitude. Par ailleurs, la loi Travail met fin aux visites médicales obligatoires tous les deux ans. La périodicité du suivi médical sera définie par un décret à paraître et variera en fonction des con-ditions de travail, de l’état de santé, de l’âge ainsi que les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés. 4. Une négociation collective rénovée La loi Travail instaure de nouvelles règles du jeu en matière de négociation collective en prévoyant notamment des mesures destinées à accroître les bonnes pratiques, en réformant les règles de révision et de dénonciation des ac-cords et en facilitant encore la négociation de ces accords en l’absence de délégués syndi-caux. En particulier, la loi Travail pose le principe d’une généralisation progressive de l’accord

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majoritaire pour les accords d’entreprise ou d’établissement. A ce titre, il sera rappelé qu’actuellement, l’accord collectif est considé-ré comme valide s’il est signé par une ou plu-sieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30% des suffrages ex-primés et qu’il n’a pas fait l’objet d’une oppo-sition par les organisations syndicales représen-tatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés. Selon les nouvelles règles, pour être valide, l’accord devra être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés. Dans ce cadre, le droit d’opposition est sup-primé. Par ailleurs, si les organisations syndicales si-gnataires d’un accord n’atteignent pas le seuil de 50%, mais représentent plus de 30% des suffrages exprimés, elles peuvent organiser un référendum auprès des salariés pour valider l’accord. Ces nouvelles règles de validité des accords d’entreprise s’appliquent dès maintenant aux accords spécifiques de préservation ou de déve-loppement d’emploi et elles s’appliqueront à compter du 1er janvier 2017 aux accords collec-tifs portant sur la durée de travail et à compter du 1er septembre 2019 pour l’ensemble des autres accords collectifs. 5. L’introduction d’un droit à la décon-nexion La loi Travail instaure un droit à la décon-nexion digitale des salariés en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale.

A ce titre, à compter du 1er janvier 2017, dans les entreprises disposant d’au moins un délégué syndical, des discussions devront s’ouvrir à ce sujet avec les délégués syndicaux dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur la qualité de vie de travail en vue d’aboutir à la conclusion d’un accord collectif. A défaut d’accord, l’employeur devra élaborer une charte après avis du Comité d’Entreprise ou, à défaut, des Délégués du Personnel. 6. Une définition plus complète du motif économique La loi Travail complète la liste des causes éco-nomiques de licenciement en intégrant les causes de licenciement déjà reconnues par la jurisprudence : la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité. Par ailleurs, la notion de difficultés économiques est précisée : celles-ci sont caractérisées soit par l’évolution signifi-cative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes et du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dé-gradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés. La durée durant la-quelle doivent être constatées les difficultés économiques varie d’1 à 4 trimestres consécu-tifs selon la taille de l’entreprise. Ces dispositions entreront en vigueur à compter du 1er décembre 2016.

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Outre les changements évoqués ci-dessus, la loi Travail apporte d’autres modifications notables dans de nombreux domaines (renforcement des droits des institutions représentatives du per-sonnel, sécurisation des parcours profession-nels, protection accrue des jeunes parents, lutte contre les agissements sexistes dans l’entreprise, introduction d’un principe de neu-tralité de l’entreprise etc…). Par ailleurs, 130 textes réglementaires sont at-tendus à la suite de la publication de la loi Tra-vail, permettant de donner des précisions sup-plémentaires sur les différents changements apportés et ainsi rendre applicable effective-ment nombreuses de ses dispositions. Nous restons à votre entière disposition pour vous communiquer toutes informations com-plémentaires relativement à la loi Travail et à ses futurs décrets d’application.

Viviane Krosse Avocat à la Cour Partner [email protected]

Anaïs Labiausse Avocat à la Cour [email protected] Société Juridique et Fiscale Franco-Allemande Selas (SOFFAL) 153, boulevard Haussmann 75008 Paris Tel: 01 53 93 94 00 www.soffal.fr