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L'Orstom étudie depuis plus de quinze ans l 'épidémio logie desfièvres hémorragiques vira les provoquées par des aréna- virus en A f rique Centrale. Les scientifiques ont re cher ché, iso lé et culti vé, d'Afrique aux A mériques, des vi rus 'sauvag es" .

L'Orstom étudie depuis

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Page 1: L'Orstom étudie depuis

L'Orstom étudie depuisplus de quinze ansl'épidémiologie desfièvreshémorragiques viralesprovoquéespardes aréna­virusenAfrique Centrale.Les scientifiques ontrecherché, isoléet cultivé,d 'Afrique aux Amériques,des virus 'sauvages" .

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DES VIRUS, DES RONGEURS ET DES FIÈVRES

Glossaire .

BIODIVERSITÉ DES ARÉNAVIRUS

Les arénavirus appartiennent à la famille desArenaviridae, avec 17 espèces virales connues. Cesvirus infectent des hôtes différents dans des écosys­tèmes variés. Il en résulte une épidémiologie corn-

u début des années 80, des virus responsablesde fièvres hémorragiques ont été reconnuset identifiés. A l'origine d'épidémies vio­lentes et dévastatrices, ils laissaient la com­munauté scientifique et médicale désampa­rée. Les fièvres hémorragiques montraient

un génie épidémique rarement égalé, et souvent, gar­daient le mystère du maintien du virus dans la natureet de sa soudaine apparition dans l'environnementhumain. Des outils, comme les laboratoires de hautesécurité, et des stratégies spécifiques, comme le déve­loppement de tests de diagnostic viral rapides, deve­naient la priorité.

Les chercheurs de l'Orstom se sont attachés àrépondre aux questions posées par ces nouvelles"pestes". Leur recherche des virus a commencé dansla forêt tropicale africaine. Puis, en alternance avecdes laboratoires spécialisés des pays industrialisés, elles'est poursuivie dans les savanes des plateauxd'Amérique du Sud.

la zone des terres émer­gées de l'hémisphèreNord.Foc! : (slng . focus)espaces géographiqueslimités où circulent lesvirus et qui sont physi­quement clairementséparés les uns desautres.Spéclatlon : phénomènebiologique évolutif quiconduit un lignaged'individus à se stabiliserdans ses caractèresgénotypiques et phéno­typiques. Le lignagedonne alors lieu à uneespèce nouvelle stable.

Prodromes : premierssignes cliniques qui peu­vent étre observés à laphase d 'installationd'une maladie et justeaprès sa période d' incu­bation.Vicariant : "qui rem ­place" . En AfriqueCentrale, le virus Mobalaremplace le virus Lassa ,lequel occupe en Afriquede l'Ouest la même nicheécologique que le virusMobala en AfriqueCentrale.Holoarctique : corres­pond à une distributiongéographique dans toute

Au pied du lit dumalade atteint de lafièvre de Lassa,Les personnels desstructures médicalesde zone d'endémie ontappr is à poser lediagnost ic clini que dela maladie, à se proté­ger de s risques detransmission et pouvoirainsi t raite r au mieuxles patients hospitalisés,

24 ORSTOM A C T U,\L J J C -;

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Viroses, rodents and levers

plexe et un spectre clinique étendu de la maladie chezl'Homme. Ils font partie de ces pathocénoses en évo­lution que seuls le hasard et la nécessité guident. L'his­torique de leur découverte dans cette seconde par­tie de siècle, montre qu'il ne s'est pas passé unedécennie, sans qu'une nouvelle espèce ne soit décrite.

Chaque arénavirus occupe une zone géogra­phique limitée, à l'exception du virus de la chorio­méningite lymphocytaire (CML) de la souris, ubi­quitaire sur la planète, à l'exception des continentsocéanien et antarctique. Mis à part le virus Tacaribe,isolé de chauve-souris, les arénavirus ont un cyclenaturel qui implique, de façon spécifique, un ron­geur, celui-ci étant réservoir et vecteur de virus. Cetteassociation, entre virus et rongeur, existe sous la formed'infection chronique et assure la pérennité du virusdans la Nature.

LES ARÉNAVIRUSET LES FIÈVRES HÉMORRAGIQUES

Pour des milliers de personnes vivant en zoned'endémie et en particulier dans la zone intertropi­cale, la soudaineté des épidémies, la gravité du syn­drome clinique, le défaut de prévention et le manquede vaccins, font de ces maladies de redoutables enne­mies de la santé et du développement.

Haemorrhagic fevers are devastatingiIInesses that break out in sudden epi­demics; new diseases (eg. Ebola fever)regularly emerge.Orstorn began ta study haemorrhagicfevers, and the viruses that cause them,fifteen years aga. Work has been car­ried out in tro pical Africa, in Westernhigh-security laboratories, and in thesavannas of South America.One tam ily of viruses involved are theArenaviridae. The main questionsOrs tom set out ta answer were howthese viruses surv ive in t he w ild andwhy t hey suddenly cause epidemicsamong humans.Arenaviruses nearly ail have a limitedgeograph ical range. Apart from onefound in bats, ail prave ta have a singlerodent spec ies as their vec tor andreserv oir. One early Orstom finding, forexample, was that Lassa fever virus isab sent tram the Central Af ricanRepubll c be cause it s specifie eco lo ­gical nic he is occupi ed by a relatedvirus, harmless ta humans.From the ir research on the genelics ofthe viruses and the evolutlonary historyof the rodents, Orstom's researchersnow t hink that an ancestor of today'sarenaviruses intected the earllestredents, some tortY million years aga.Then , as radents sp read around theworld and speclalion progressed , the

La chasse aux rats desavane. A la saisonsèche, les feux de

savane font fuir lesrats à découvert.

Ils sont alors faciles àcapturer surtout par

les enfants et lesfemmes du village .

viruses evolved in parallel. Later, cli­matic or ot her natural barri ers keptrodent sp eci es in their res pectiveranges, an d their viruses w ith them.Evolution and sp eciatl on conti nued.Alth ough it leaves some puzzling ques­tions, this picture fits weil with the gene­tic rela li onships found among Af ricanarenaviruses, and their very marked dif­ferences with the Amer ican viruses,. Asregards human hea lth, it suggests thatepidemics occur whe n human activitydisrupts the equ ilibrium between a virusand its hast spec ies.Besides its arenavirus research, Orstomis studying the new, deadly Sabia virusfrom Brazi l. Researchers have deve­loped a rel iable, sensitive diagnostictest and a drug which, though still atthe research stage, successfully curedan Orst om researcher infected in thelab !Orstom is also involved in the searchfo r the ani mai reservoir of the Ebolavi rus, and is working on related filavi­ruses. Other targets are the bunyav i­ruses an d hantaviruses. An d workcontinues on yellow lever, which breaksout anew when vaccination efforts slac­ken . Dengue fever is extend ing itsrange, its epidemiology becoming morecomplex; Orstom researchers are stu­dying Asia n strains of this virus at YaleArbovirus Research Unit.

ORSTüM ACTUALITÉS 25

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Paysage de savanesub-soudanienneen AfriqueCentrale.

Unlaboratoire dehaute sécurité pourl'étude des agentshautement Infectieux.Ce laboratoire fonc­tionne en pressionnégative avec ultrafiltration pour protégerl'environnement etéviter toutrisque depassage de matérielinfectieux vers l'exté­rieur. Le reste deséquipements person­nels et de laboratoiresont adaptés pour laprotection dumanipu­lateur.

26 O R5 TO M A CTU ALlTË 5

DES VIRUS, DES RONGEURS ET DES FIÈVRES

Sept arénavi rus sont con nus pour être pathogènesche z l'H omme : le virus Lassa en Afrique (fièvre deLassa) , les viru s Flexal, G uana rito (fiè vre hémorra­gique du Vé né zue la), [unin (fièv re h ém orragiqu ed 'A rge nt ine ), Machupo (fièv re hémor ragiqu e deBoli vie), Sa bia (fièvre hém orr agique de Saô Paulo)en A mérique du Sud et le virus CML aux Amériques,en Eurasie et en Australie. Le spec tre cl inique va del'infection inapparente, à un syndrome hémorragiquedramatique, souven t mortel. Le virus est transmis àl'Homme par con tact avec un rongeu r infecté. A prèsune inc ubat ion de 10 à 14 jour s, les prodromes* de lama ladie sont insid ieux: fièv res, mya lgies et fat igue .Lamaladie se déclare par l'accentuat ion de signes nonspéc ifiques : nausées, vomissemen ts, d ia rrhées, do u­leurs ab do mina les, cé pha lée s, maux de go rge . Dessignes neurolog iques peuvent appa raître surtout dan sle cas des fièvres d'Amérique du Sud et de l'infectionpar le virus CML. Toute la gamme des signes h émor­ragiques peut se retrouver au stade aigu de la maladie,de la simple ecchymose aux hémorragies intern es mas­sives. Les constantes d'exploration sanguines sont per­turbées, des signes de souffrance hépat iques sont notés.

Les anticorps circulanrs se déclarent tard ivement aprèstrois semaines. La guér ison ou la mort apparaissenta près 15 à 20 jours d'évo lution . Plus tard , o n peutencore c raind re une attein te ca rd iaque ou neur olo­gique. La co nvalescence dure de un à trois mois.

ÉCOLOGIEDES ARÉNAVIRUS DE CENTRAFRIQUE

En 197 8 , l'Orsto m, e n collaboration avecl'Institut Past eur de Bangui, a commencé le pro ­gramme de recherche sur les fièvre s hém orr agiq uesd 'ori gine vi ra le . La fiè vre de Lassa et la ma ladied' Ebo la é ta ie n t la préoccupa t io n du mom en t e nAfrique ce n trale . Les épidémies meurtrières surve­nues au N igeria et en Sierra Leone pour le virus Lassa ,au Souda n et au T chad pour le virus Ebola, donn aientà penser qu' il existait une large circulation de ces virusdans la région . L'A friqu e Centrale s'averera un ter­rain inépuisable de rech erches qui donneront des élé­ments essentie ls pou r la co mpréhension de la c ircu ­lati on des arénavirus et de leur origine.

Con t rai rement au virus Ebola , les prem ièr es

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evirus, roedores yfiebres...

enquêtes sérologiques sur le virus Lassa montrèrentune faible prévalence en anticorps dans les popula­tions humaines. Ces observations nous faisaientconclure à une circulation à "bas bruit" d'un aréna­

virus proche du virus Lassa. Peu après les chercheursisolèrent un nouvel arénavirus de Praomys, un ron­geur commensal de l'Homme et extrêmement répanduen Afrique. Ce virus était nommé Mobala, du nomdonné par les paysans à ce rongeur souvent piégé poursa chair.

Aprés de larges enquêtes sérologiques chez leshommes et les animaux, il nous fallait, à l'évidence,conclure que le virus de la fièvre de Lassa ne circulaitpas en Centrafrique, mais que le virus Mobala ou dessouches semblables, non pathogènes pour l'Hommeet vicariants" du virus Lassa, occupaient la niche éco­logique de ce dernier.

Enfin des études de prévalence menées auCameroun, au Gabon, en Guinée Équatoriale et auTchad, laissaient penser que le virus de la fièvre deLassa était contenu dans sa diffusion au Sud par labarrière naturelle des monts de l'Adamaoua et auNord par celle du Fouta-Djalon.

Las fiebres hemorràgicas, enferme­dades devastadoras, repentinamentese convlerten en epldemias (el. la fiebreEbola) . Orstom comenz6 a estudlarlasa61 como los virus que las producenhace 15 anos. Se han lIevado estudlosen Alrica tropical, en laboratorios dealta seguridad en occidente y en lassabanas sudamericanas.Una de las familias de virus en cuesti6nson los Arenavidae. i C6mo es posibleque estas virus vivan en el media natu­rai Sin causar dano y repentinamentegeneren epidemias entre los humanos?Pràcticamente lodos los arenavirus selocalizan en un àrea geogrâfica Iimitaday, con excepci6n dei virus en los mur­ciélagos, todos lienen un depositario yun portador corn ùn: el roedar. Parejemplo, un hallazgo reciente deOrstom lue Que el virus de la fiebreLassa no existe en la Republlca CentralAfricana porque su habitat especificola ocupa un virus slrnllar, que no atacaa los humanos.Después de estudiar la genética de losvirus y la historia de la evoluci6n de losroedores, los invesligadores de Orstomahora piensan que un encastra de losactuales arenavirus Infect6 a los roe­dores prlrnltlvos, tlaee unos euarentamillones de anos. Después, los virus

Dans la savane arbo­rée du Sud-Est de laCentrafr ique les rats

sont abondantspratiquement toute

l 'année. Les champscultivés, nombreuxdans ces savanes,

constituent unesource supplémentaire

d'a liments pour lesrats aux habitudes

domest iques et péri-domest iques comme

le Mobala.

evolucionaron paralelamente al exten­derse los roedores por el mundo y alprogresar la especlaci6n. El cil ma yotras barreras naturales mantuvieron alas especies de roedores en sus limites,junto con sus virus, mientras la evolu­clén y la especiaci6n continuaron.Apesar de que esta hip6tesls dela enel aire algunas dudas, coincide con lasrelaclones genéticas encontradas entrelos arenavirus atrlcanos. y sus muymarcadas dlt èrenclas con los virusamericanos. En cuanto a la saludhumana, sugiere que las epldemlasocurren cuando la actividad humanaaltera el equilibrio entre un virus y susespecles huéspede .Orstom también trabala actualmentesobre el Sabia, virus mortal dei Brasll.Los Investiqadores han desarrolladouna prueba de dlagn6stico y un medi­camento conf/able que, aunque a ùnen experirnentaciôn, lograron curar aun investigador de Orstom ...i1nlectadoen et laboratoriolOrstom también irwestiga el animaldepositario dei virus Ebols y los filavl­rus relacionados, asi como los bunya­virus y los hantavlrus, la fiebre amarilla;y el virus dei dengue en la Unldad delnvestlqacl ôn de Arbovirus en Yale.

ORSTOM ACTUALlTËS 27

Page 6: L'Orstom étudie depuis

DES VIRUS . DES RONGEUR S ET DES FIÈVRES

Mastomys sp, estundes rongeurs lesplusrépandus d'Afrique ausud duSahara.Toutefois, au-delà deplusieurs genresdécrits, il sembleexister uncomplexed'espèces j cesobser­vations nous montrentla spécificité d'infec­tion chronique de tellesous-espèce avec uneespèce d'arénavirus.Ce rongeur est leréservoir et vecteur duvirus de la fièvre deLassa (Afrique del'Ouest), mais aussi desous types du virusMobala (AfriqueCentrale) et aussi desous types duvirusMopeia (AfriqueAustrale).

28 O RS TOM A C T UA L : r t s

PHYLOGÉNIE DU COMPLEXE LASSAET DU GROUPE TACARIBE

Des études an tigé niques pe rme ttent de d ist in­gue r cl airement les ar énavi rus d'Afriqu e de ce uxisol és aux Amériques. O n obs erve ainsi un e répa r­tit ion nette entre les vi rus du groupe Lassa dansl'A nc ien Monde et ceux d u gro upe T aca r ibe auNouveau Mo nde .

Il nous faut a lors tro uve r des marqu e urs q uipe uve nt expliquer la logiqu e de ce tte dispe rsio n,de la d ive rsité antigénique des souches et de leurrest ric tion à un rongeur hôte. Les réponses vontêtre ap por tées, d' un e par t , pa r l'étude du génotypedes arénav irus et, d'au tre part, pa r de s études com­paratives de la phylogénie des arénavi rus et de l'h is­toi re des rongeurs.

Les éc han t illons réco ltés en Afr ique ont é téétudiés pa r l'Orsto m aux Éta ts- U n is, en collabo­rat ion avec le C en ter for Disea se Control à Atlanta,dans un laboratoire de haute sécurité . U ne pre­mière phy logé n ie des arénav irus est proposée , pe r-

mettan t de me ttre en évidence un grad ien t de rel a­ti on génétique en t re les souche s de virus Lassa e nAfriq ue de l'Ouest e t cel les des virus proches d uvirus Lassa d'Afriq ue Cent rale et Austra le. Dès lorsle concept d'un "complexe vira l Lassa" est établi.La spéci ficité d'associat ion , la répa rt it ion géogra­phique lim it ée du virus à la n ich e éco log ique deso n hôte et l'i n fec t ion chroni que de l'h ôte-ré ser ­voi r par le vi rus lai ssent à penser qu'il a pu exis­ter un phénomè ne de coévolut ion en tre v irus e tro nge urs . Appuyée par les résul tat s acq uis, l'hypo­thèse d 'un e dispe rsio n logiqu e des arénav irus a univeau du cont ine n t africain est proposée , dont lephénomèn e de coé vo lu t ion es t la p ie rre d'angle.Au Yal e Arbovirus Re sear ch U nit, les t rava ux surle gro upe Tacaribe, apportent les él émen ts n éces­sa ires à la descrip tion globa le de l'émer gence de sa r énav irus.

Les rech e rc hes o n t exp lo ré co mme n t , il y aplus de 40 millions d'années ava nt le temps pr é­sent, la re ncontre de ces coupl es o riginaux asso ­ciant des virus et des rongeurs avait pu se fa ire .

Page 7: L'Orstom étudie depuis

Accident de chasse

Praomys, rongeurréservoir du virus

Mobala en AfriqueCentrale .

Consultation, en zoned'endémie, de la fièvre

de Lassa,

donne un espoir dans lalutte contre les virus. Letest pour le diagnosticd'infection par le virusSabl â, développé peu

avant "accident estfiable, sensible, et ser­vira notamment au Brésiloù ce virus avait été déjàIsolé à la sui te d'un casmo rtel. La phy logén ie duvi rus Sab la est tracée.

Je an- Pau l Gonzalez

d 'années BP), les C ricé t idés on t une rép artitionholoarctique", ils son t présents au Nord de l'Europe,et vont diffuser en Asie à la fin de cette pér iode . Lafaune des C ric ét id és d'Amérique du Sud, issue de ce lled'Amérique du N ord à la fin du Miocène, peut êtreclai rement sépa rée du gro upe bien moins di versifiédes C ricé t idés nord-am éric ains.

A part ir d'un réservoir origina l, e t par vagues suc­cess ives de migration , les C ricé t idés vont d iffuseren Europe à la fin du Miocène (15 milli on s d 'annéesBP), et vers l'A frique. Ils restent toutefois peu repré­sen tés et peu abondant s sur ce co n tine n t.

Les Muridés, issus des C ric ét id és depu is un mil ­lion d' années, s'é te nde n t a lors ver s l'Asie (14 mil ­lio ns d 'année s BP) , le pourtour mé d iterra né en e tl'Euro pe. Ils se d irigent d 'Europe ver s l'Afrique duNord, pour rapidement deven ir le groupe de rongeursle plus rep résenté en Afrique . Au Pleistocene (2 mi l­lions d' années BP) , ils sont présen ts en Afrique sub­saharienne et progressent vers le Sud . A cette époque,des changements de cli mat et des ph énomènes d' iso-

En essayant de pénétrerles secrets du virus mor­tel Sabià au laboratoire.celui-ci m'infecte par

accident. La chimiothé­rapie él iminera enquelques heures de monsang les particules infec­tantes, expérience dou ­loureuse mais riched'enseignement. La

mo lécule anti viraleencore à l 'é tude fu t ut ll i­

sée avec succès, ce qui

L'HISTOIRE DES RONGEURS EST-ELLE AUSSICELLE DES VIRUS?

En l'absence de fossiles, il paraît difficile de retr a­cer l'origine des virus et leur histoi re. Toutefois, quanddes viru s para sitent de façon spéc ifique un hôt e , ons'accorde pour reconnaître à l'histoire de leur hôt e lava leur de marqu eur pour leur prop re hi stoire. S i lacoex iste nce ancienne du couple virus-rongeur est pro­posée com me ax iome , l'hist oire de la d iffusion desrongeurs se rt de fil co nducteur à ce lle des a r énav irus.

Ce tte réflexion, soutenue par la descript ion de la phy­logé n ie des a ré n a v irus , permet de co mp rend re etd 'exp liq ue r ce qu e nou s o bservo ns aujourd' h ui , auniveau planétai re, de la diversité et de la répartitiondes virus et des rongeurs qui leurs son t assoc iés.

Pour cela, c'est l'hi stoire des rongeurs et plus par­ticuli èrem ent à ce lle des Muridés et des C ric ét id és

d'Améri qu e qu'il convient de s' in té resse r. EnAm ériqu e du Nord, dès l'Éocène, 65 millions d'annéesBP, Simimys, l'ancêtre des rongeurs, présente des carac­tère s de C ricé t idé. A l'Ol igocène (3 7 millions

O R5 TO M A CTU AL IT ts 29

Page 8: L'Orstom étudie depuis

DES VIRUS , DES RONGEURS ET DES FIÈVRES

Cellule transportableen plastique souplepour l'isolement et lamanipulation surleterrain des prélève­ments biologiquesinfectieux. Ce mêmetype de matériel aété mis au point pourisoler et transportersurle terrain, avecaspiration et filtrationautonomes, despersonnes potentielle­mentinfectées pardes virus hautementpathogènes.

30 OR5 TüM A L T lIALI T L S

lemen t géog rap hique vont in fluencer la spéc iat ion etla r épart ito n des rongeu rs ca r la va llée d u R ift e t leSa hara d ivisent le continent africa in. Certains genresd u Pleistocène sont toujours présents en Afrique del'Est a lors que d'autres ont disparu d'Afr ique d u Nord.

Toutefois il semble que les ancê tres des Muridés aien tété très proc hes des ge nres prése nts . Enfin , à l'ép oqu erécente , les Hommes vo n t jo uer un rô le importa n tda ns la dispe rsio n des rongeurs.

LA THÉORIE GÉNÉRALEDE DISPERSION DES ARÉNAVIRUS

S i vi rus e t ro ngeurs on t pu coévo lue r, pe ut-onenvisager le mom ent d u pre mier co n tact? Les aré­n avirus on t un génome cons ti t ué d 'ac ide ribonu ­clé ique (ARN) e t ce type de virus est cons idé récomme la forme primordia le de vi e appa rue su r laTerre . N ou s pensons que l'assoc iation très spécifiquea ré nav irus- ro nge u rs, pou rrait avoir pri s pl ace d èsl' appartion d es ro nge urs. Ap rès cette associa t io nanc ie n ne , les virus o n t é ta b li leu r doma ine là o ùleu rs h ô tes o nt marqué leur n iche éco logique.

O n pe ut donc penser q u'un virus à A RN,

a ncêt re des ar énavi rus, ai t infecté les pre mi ersC ricét idés il y a enviro n 40 m ill io ns d'a n nées, e t

se so it répa ndu des A mériqu es vers l'Eu rasi e. LesC ric ét idés du N ou veau Monde , a lors po rteurs de ce

v irus e t in st all és avec succès aux A mé riq ues, o n tfavo risé l'émergence , que lques millions d'a nnées plus

tard , des a ré navi rus du groupe T acar ibe.

Il ya envi ro n 15 m ill ions d 'années, les Mur idéshér itent d 'un ar éna virus t ransm is par leu rs ancêt resC r ic ét idés asia t iques . L'ext ensio n fan tas ti que d es

Muridés fait évoluer le premier arénavirus de Muridés

ind épendamm ent de la souche vira le héritée pa r lesC ricé t idés aux A rn ériq ues . Il y a 2 mill ions d' années,

les M uridés bien é ta blis en Eu rope et présents enA friq ue sub-saha rien ne, s'éte nde n t vers l 'A friq ueA ustra le . A ce t te époq ue une barriè re clim a tiqueisol er a virus e t hôtes au S ud d u Saha ra, da ns leursfoci *, pour donner la répart it ion ac t ue lle desmembres du comp lexe vi ra l Lassa . Le gradie n t derelation géné t ique décou vert en tre les souches vira lesd'Afrique, co rrespond au sens des m igrat ions des ron­geurs, de l'Afr ique sub-sa ha rienne ve rs l'A friqu e aus­trale.

D'Afrique e t d 'Amériqu e , les vi rus liés à leurshôtes, après un long proce ssus de co évo lutio n se sontretrouvés dans des écosyst è mes bornés pa r la diffu­sion de leurs propres h ô t es . A ins i, la sp éci at ion"s'intensifie avec le temps, les po pula t io ns de ron­geurs plus isolées géogr aphiquement , les so uc hesvirales vont évoluer indép endamment po ur do nne rla mosaïque d'espèces de virus résultant de la b iod i­versité génétique d es so uches q ue obse rvéesaujourd 'h ui.

Plu sieurs questions se posent encore aux c he r­cheurs : pourquo i les G erbillinae, ma lgré le ur règ neép hé mère sur les Muridae au Ple isto cè ne réce nt , nese mb lent-e lles pas avoir é té infectés pa r un aré na ­virus ?Pourqu oi des cha uves-souris ont-elles été trou­vées porteu ses d' une espèce d'aré navi rus da ns uneî le des Caraï bes ?Pourquoi , ma lgré leurs migra tions,n 'a t-on jam ais trou vé de trace d 'Ar éna virus chez lesro nge urs d 'Asie à l'exception d u v irus C ML en AsieC en t ra le ?

Les a ré nav irus, e t sa ns do u te d'a u tr es viruscom me les hantavirus, on t coévo lu és avec les ro n­

ge urs , vecteurs et réser voirs de v irus à la fois . Nousobse rvons le résultat de cette évo lut io n, une si tua­tion d'équilibre qui réun it l' infec ta n t e t l' in fectédans un même écosystème. Qu'en sera- t- il si ce t équi­libre est perturbé? Nous avons d éj a l' exp ér ienced'épidémies graves comme la fièvre de Lassa (ar é­navirus). la fièvre hémorragique de Corée (hanta­virus), et de l'apparition de m al adies nou vell escomme la fièvre du Vénézuela (ar énavirus) ou le syn­drome pulmonaire aïgu aux Etat s-Unis (hantavirus) .Ces phénomènes procèdent de l'action de l'Hom mesu r cet équilibre virus-hôte n aturel. Les fac teu rsd 'évolution de s virus so n t à l' é tude afin de dé tec­

ter les signes de l'émergence de ces mal ad ies v iralesnou velles, de tr a iter et de préve nir.

SUR LES TRACES DES VIRUS SAUVAGES

Des arboviroses aux malad ies vi ra les éme rge ntes,

en passant par les fièvr es hémorragiqu es vi ra les, s ila fo rm u la tio n a c ha ngé en mo ins d e d ix a ns, les

ob je ts e t les motiva t ions de la rec he rc he so n t rest és

les mêmes : l'id entification, la lutte et la préven tionde maladies et de ge rmes n ou veau x q ui menacentl'humanité .

Les filoviru s (ma lad ies d 'Ebol a et de M arburg)

son t redoutés pour leur v irulence. Des effo rts consi-

Page 9: L'Orstom étudie depuis

Pour en savoir plus .Bazin, H. 1994. Le neu­vième jour. Edit. B.Grasset, Paris.Camlcas Jl., CornetJP ., Gonzalez JP ., etcoll. , 1993. La fièvrehémorragique deCrim ée-Congo auSénégal : dernières don­nées sur l'écologie duvirus de la fiè vre hémor­rag ique de Crimée­Congo. Bull et in de laSoc. de path . ex. 87: 11­16.Co imbra TLM. , NassarES ., Surattin l MN. etcoll. , 1994 . New arenavi­rus isolated in Brazil ,Lancet , 343 : 391 ·92.Germain M., Cornet

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d érables n'ont pas perm is jusq u'à ce jou r d' ide nt ifie rle réservoir de virus. U n nou veau filovirus , le virusReston éta it isolé en 1989 de singes au x Eta ts-U n is,puis, de n ouveau en 1992 en Ital ie e t fa isa ie n t àch aque fo is cra indre le pire . En nov em bre 1994 , uneautre nou vell e espè ce de virus Ebola é ta it iso lée chezune pri ma to logue en Cô te d' Iv oire . Cette a n née ,l'I nst itu t Pasteu r d e Ba ng ui , l'Inst itu t de viro log iede Mar burg e t l'O rsrorn un issent leurs effo rts po urrec hercher le vir us e t ten te r d 'iden tifier le rése rvoirdans ce même mass if fo rest ier où cou le la riv ièreEbo la.

Parmi les fièvres hémorragiqu es causées par lesbuny av irus, la fièvre hémorragique de Crimée-C ongogarde le mystère d'une réparti tion globa le d'un mêmevirus avec un e éco logie var iée e t un e pathogén ic itéchange ante . Dans les an nées 80, le vi rus de la fièvrede la va llée du Rift se mon tra it po ur la premiè re foisen Afrique de l'Ouest , sous forme d' ép idémies meur­t rièr es c he z les Hommes et les ani maux. Les éq uipesde l'Orstom o n t largem ent co ntribué à la co n na is­sance de l'écologie de ces v irus e t à l'ép idém iol ogiedes fièvres q ui leur so n t assoc iée s.

Les h antavirus, responsables de fièv res hémor­ragiques, d 'a ffect ions rénales e t pu lmona ires graves,so n t assoc iés aux rongeurs e t so n t .aussi un modèlede co évo lut io n , U n nouvel hantav irus ha ute men t

pathogè ne, S in Nombre, frappait en 1993 la nationN avajo a u Nouvea u M exiqu e. Nous avons re trouvét race d' un Ha ntav irus ju squ 'au coeu r de l'A frique

sans enco re isol er de vi rus .La fièvre jaune rev ient , des truc trice , qua nd la

vaccination fait défa ut. Les recherches épidérniolo­giq ues des che rcheurs de l'Orst o rn sur ce tte ma lad ie

sont un cl assique en arboviro logie, et ces t ravau x seconti nu ent en A mé riq ue du Sud. La de ngue hémo r­ragiqu e vo it so n do ma ine s'agrandi r e t so n épidé­miologie deveni r p lus complexe _

Jean-Paul G on zalezDépartement "Santé" U R "Ma lad ies infect ieuseset pa rasi ta ires"

En lisière forest ière,dans les savanes

cult ivées, les rongeur ssont nombreux et

viennent aisément aucontact de l'Homme.

OR 5 T OM A C T U A LI T ÉS 31

Page 10: L'Orstom étudie depuis

Gonzalez Jean-Paul

Des virus, des rongeurs et des fièvres

ORSTOM Actualités, 1995, (47), p. 23-31. ISSN 0758-833X