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L’USAGE D’INTERNET DANS LES CLASSES POPULAIRES SÉNÉGALAISES Le cas de marabouts, marchands ambulants et femmes de ménage Mohamed Sakho Jimbira , Hadj Bangali Cissé La Découverte | « Réseaux » 2018/2 n° 208-209 | pages 173 à 193 ISSN 0751-7971 ISBN 9782348036071 DOI 10.3917/res.208.0173 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-reseaux-2018-2-page-173.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © La Découverte | Téléchargé le 23/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167) © La Découverte | Téléchargé le 23/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

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L’USAGE D’INTERNET DANS LES CLASSES POPULAIRES SÉNÉGALAISES

Le cas de marabouts, marchands ambulants et femmes de ménage

Mohamed Sakho Jimbira, Hadj Bangali Cissé

La Découverte | « Réseaux »

2018/2 n° 208-209 | pages 173 à 193 ISSN 0751-7971ISBN 9782348036071DOI 10.3917/res.208.0173

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-reseaux-2018-2-page-173.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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SÉNÉGALAISES

Le cas de marabouts, marchands ambulants et femmes de ménage

Mohamed SAKHO JIMBIRA Hadj Bangali CISSÉ

DOI: 10.3917/res.208-209.0173

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À la faveur de l’essor très rapide d’internet et de nouveaux dispositifs numériques ces dernières années, de plus en plus de Sénégalais issus des classes populaires utilisent les technologies de l’information et

de la communication. Cette appropriation est sans doute facilitée par trois facteurs. En premier lieu, les technologies de l’information et de la communi-cation (TIC) connaissent un fort engouement en Afrique de l’Ouest et, comme l’a justement relevé Annie Chéneau-Loquay (2010, p. 95) : « Personne ne nie plus l’utilité d’internet et du téléphone en Afrique, même si les problèmes de base – approvisionnement en eau, énergie et alimentation – ne sont toujours pas résolus. » En deuxième lieu, au Sénégal, depuis la libéralisation du sec-teur des télécommunications en 2003, l’injonction à devenir usager du numé-rique est très présente, notamment dans les discours politiques officiels1. En troisième lieu, l’accès à internet, aux nouveaux dispositifs du web 2.0 et aux applications de messagerie instantanée telles que WhatsApp, Viber, Imo se développent de manière croissante au Sénégal. Toutefois, même si très peu de ménages disposent d’un abonnement ADSL haut débit, soulignons que grâce au déploiement massif des smartphones, des réseaux de connexions mobiles 3G et tout récemment 4G, permis par les opérateurs de téléphonie mobile2, beaucoup de Sénégalais ont accès à l’internet mobile. La concurrence entre lesdits opérateurs a logiquement participé à la baisse des prix des forfaits. Puisque les Sénégalais sont de plus en plus nombreux à franchir le cap de l’équipement, concomitamment, le fossé numérique en termes d’accès aux

1. Sur ce point, signalons que le gouvernement sénégalais a mis en place le projet « Sénégal Numérique 2025 » dont l’objectif est de développer le numérique et l’économie du numérique sur l’ensemble du territoire sénégalais. D’ailleurs, le gouvernement sénégalais contribue au développement dans des infrastructures de fibre optique, indépendamment des opérateurs. Il faut également rappeler que, déjà en 2003, l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, avait lancé le concept de « “solidarité numérique” qui visait à la résorption du fossé numérique entre les pays du nord et du sud et à l’intérieur des pays africains grâce à des contributions volontaires ». Sur le projet « Sénégal Numérique 2025 », voir https://www.sec.gouv.sn/IMG/pdf/sn2025_final_31102016.pdf (consulté le 1er octobre 2017).Sur le concept de « solidarité numérique », voir https://www.idrc.ca/en/node/8546 (consulté le 10 novembre 2017).2. Les principaux opérateurs de téléphonie mobile au Sénégal sont Orange, Tigo et Expresso.

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TIC s’est amoindri. Ainsi, selon le rapport3 de l’Observatoire des télécommu-nications publié le 31 mars 2017 : « Le parc internet mobile, hors clés [repré-sente] 96,6 % du parc internet total contre 1,9 % pour le parc des clés internet et 1,2 % pour le parc ADSL. Le parc bas débit représente 0,2 % du parc inter-net total. » Une constatation qui fait écho aux chiffres relayés par l’agence Senmarketing4 qui mentionne : « Selon les derniers chiffres de l’agence de régulation des télécommunications et des postes, on compte au Sénégal, en décembre 2016, 8 701 175 internautes dont 97,4 % sont des mobinautes5. »

Rares sont les études qui interrogent l’usage des TIC par les classes popu-laires. À notre connaissance, la littérature scientifique sur l’usage d’inter-net par les individus précités reste inexistante dans le paysage académique africain. Un désintérêt qui reflète la position sociale marginale que ces der-niers – qui ne savent ni lire ni écrire en langue française – occupent dans la société sénégalaise. Nous allons présenter ici les premiers résultats d’une enquête conduite à Dakar sur une fraction particulière des classes populaires : des marabouts, des marchands ambulants et des femmes de ménage. Ils ont en commun de n’avoir jamais fréquenté l’école française et de travailler dans le secteur informel pour subvenir à leurs besoins. Bien que les marabouts aient suivi une formation coranique au sein de médersas locales, ils sont soumis, à l’instar des deux autres groupes de participants à des processus de reléga-tion sociale, économique et symbolique. Au demeurant, au Sénégal, même les autres marabouts, lettrés en langue arabe ayant fréquenté les instituts de formation islamiques réputés dans les pays du Maghreb ou du Moyen-Orient sont considérés comme des citoyens de « seconde zone ». La manière dont ils sont vus dans l’imaginaire collectif peut se comprendre si l’on sait que, bien avant l’indépendance du Sénégal, l’administration coloniale et ensuite post-coloniale promouvait seulement les lettrés en langue française. Les propos d’Hamidou Dia sont éclairants (Dia, 2015, pp. 188-191) :

3. Rapport trimestriel sur le marché des télécommunications : http://www.artpsenegal.net/sites/default/files/docs_actualites/rapport_observatoire_t1_2017_vf.pdf (consulté le 10 juillet 2017).4. Senmarketing est une agence de Marketing Digital, Inbound Marketing, basée à Grenoble et à Dakar.5. « Chiffres des réseaux sociaux en Afrique et au Sénégal – février 2017 », voir le site de Senmarketing : http://www.blog.senmarketing.net/digital-marketing/barometre-et-etude-de-cas/chiffres-des-reseaux-sociaux-en-afrique-et-au-senegal-2017/ (consulté le 10 novembre 2017).

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« L’accès à la souveraineté a conforté l’influence des francophones dans la conception et la conduite des politiques publiques, l’université constituant un lieu privilégié de la valorisation, de l’apprentissage et de la délivrance de titres en français (Sy, 2013 ; Sall, 2012 ; Diagne, 2012). […] Outre une marginali-sation institutionnelle de fait, l’imaginaire social véhicule des représentations stéréotypées des détenteurs de titres scolaires et académiques en langue arabe. Dans le Sénégal contemporain, l’arabe est considéré comme consubstantiel à l’islam : il ne peut véhiculer qu’un message de type divin et les règles qui lui sont connexes. »

Au Sénégal, ancienne colonie française, la non-maîtrise de la langue officielle, le français, est un handicap important. De facto, les individus appartenant aux classes populaires et qui n’ont aucune compétence en français sont souvent vus à travers une représentation stéréotypée dépréciative : nombre d’entre eux sont infériorisés, exclus du système, et encore aujourd’hui, rares sont ceux qui parviennent à s’en sortir. Toutefois, en dépit du fait qu’ils n’aient aucune com-pétence en français, beaucoup d’entre eux développent des « compétences numériques » (digital skills) et utilisent l’internet mobile.

La présente contribution se donne un double objectif : d’une part, mettre au jour les différentes logiques d’usage sous-jacentes à l’utilisation de l’inter-net mobile par des marabouts, marchands ambulants et femmes de ménage ; d’autre part, faire émerger la manière dont ils se sont approprié cette techno-logie en dépit de leur déficit de compétences en langue française. Nous avons choisi une approche qualitative en menant une observation ethnographique au domicile des répondants et sur leur lieu de travail afin de voir de plus près le rapport qu’ils entretenaient avec internet et aux dispositifs du web 2.0. À cela s’ajoute la réalisation de trente entretiens de type semi-directifs réalisés de janvier à mai 20176. Les entretiens ont été exploités par une analyse à la

6. L’ensemble des entretiens a été enregistré en wolof sur un smartphone, ils ont ensuite été intégralement retranscrits en français pour l’analyse. Par la suite, une analyse approfondie des données recueillies auprès de dix marabouts, dix marchands ambulants et dix femmes de ménage, recrutés de proche en proche, a été réalisée. Les entretiens se sont étendus sur une durée variant de 30 à 40 minutes. De manière générale, outre des informations sociodémographiques, nous leur avons demandé depuis quand et dans quels buts ils utilisaient internet ; par quels moyens ils y avaient accès ; ainsi que des informations sur le lieu et la durée de connexion ; et enfin le rapport qu’ils entretiennent aux TIC. Ensuite, près de la moitié des répondants – soit six femmes et sept hommes – ont fait l’objet d’une seconde enquête, trois mois plus tard, pour vérifier s’il y avait une évolution des usages dans le temps. Cette seconde enquête a été enrichie dernièrement, après que nous avons contacté de nouveau via What’sApp les treize individus susmentionnés

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fois verticale et transversale. Une attention particulière a été prêtée aux signi-fications d’usage (Chambat, 1994), c’est-à-dire aux « représentations et aux valeurs qui s’investissent dans l’usage d’une technique ou d’un objet » (ibid., p. 262).

L’article est structuré en trois parties : la première est consacrée à la présenta-tion des caractéristiques sociodémographique des enquêtés. Dans la deuxième partie, nous ferons état des rapports qu’ils entretiennent aux TIC, notam-ment par la mise en évidence de leurs modalités d’usage d’internet. Comme nous le verrons, l’utilisation de l’internet se résume presque exclusivement à WhatsApp. En conséquence, la troisième partie portera sur la manière dont ils se sont approprié ce dispositif. Nous verrons que cette appropriation est très fortement liée au contexte socioculturel de la société sénégalaise.

LE PROFIL DES RÉPONDANTS

Les enquêtés qui font l’objet de cette étude ont un certain nombre de carac-téristiques communes. Il s’agit de 20 hommes – 10 marabouts (qui sont des oustâdh, c’est-à-dire des professeurs qui enseignent le Coran, ayant suivi une formation au sein des écoles coraniques locales) et 10 marchands ambu-lants – et de 10 femmes qui travaillent comme femmes de ménage. Mais, avant d’évoquer ce qu’ils ont en commun, balisons brièvement le champ sémantique des termes de « marabout », « marchand ambulant » et « femme de ménage ».

Étymologiquement, le terme de marabout est un dérivé du mot arabe murâbit, qui signifie un « homme vivant dans un ribat ». Le ribat est un espace qui avait plusieurs fonctions dont essentiellement la retraite spirituelle, la médita-tion et la préparation militaire en vue du « jihad » armé. De manière générale, murâbit désigne un saint homme, un saint musulman7.

Jusqu’à une date récente, les marabouts – qui ont des compétences en langue arabe – ont été l’objet de discrimination en termes d’employabilité dans la

afin d’avoir des réponses aux questions suivantes : Quel est votre niveau de maîtrise des TIC ? Avez-vous appris à utiliser WhatsApp seul ou accompagné ? Comment l’utilisez-vous ? Actuellement, êtes-vous totalement autonome dans l’utilisation que vous en faites ?7. Les marabouts ne constituent pas une catégorie homogène. Dans le contexte sénégalais, nous pouvons identifier trois types de marabouts communément appelés serignes en wolof, la langue la plus parlée au Sénégal.

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fonction publique, et de facto ils ont été tenus en marge des statistiques éta-tiques, comme en témoignent les mots d’Hamidou Dia (ibid., p. 188) :

« En consacrant le français langue officielle, le Sénégal indépendant a profes-sionnellement privilégié les lettrés issus du système scolaire hérité de la colo-nisation (Sall, 2009). […] Les confréries d’inspiration soufie, les organisations réformistes, les diplômés en langue arabe contestent à cet égard et de façon de plus en plus appuyée le sort réservé aux “intellectuels non europhones”, c’est-à-dire ne relevant pas de systèmes de formation occidentaux (Kane, 2003). Deux éléments concourent à l’intensification du débat sur le sujet : en premier lieu, l’accentuation de la libéralisation de l’éducation depuis le début de la décennie 2000, qui se traduit par un développement de l’enseignement arabo-islamique ; en second lieu, la décision des pouvoirs publics sénégalais d’ins-crire les élèves des systèmes de formation non officiels dans les statistiques relatives aux taux de scolarisation pour répondre aux injonctions internatio-nales d’une École pour tous (EPT) et aux Objectifs du millénaire pour le déve-loppement (OMD) (Lewandowski et Niane, 2013 ; Lewandowski, 2011). »

Les « marchands ambulants » sont des vendeurs de rue, qui évoluent le plus souvent dans des conditions de travail très précaires. Dans son étude de cas sur cette catégorie de commerçants, Oscar Kamara (2012, p. 7) rappelle :

« Le commerce ambulant constitue, pour une catégorie de la population active, un moyen d’insertion professionnelle, une stratégie de survie contre le besoin et une source de revenus additionnels. Selon l’étude de l’observation écono-mique de la chambre de commerce de Dakar de 2009, il est considéré par certains acteurs comme un tremplin pour devenir un grand commerce ou pour émigrer en Europe et beaucoup de jeunes ont pu réussir grâce à cette activité. Mais le chemin à parcourir pour atteindre ce stade est parsemé d’obstacle. En effet, les marchands ambulants sont pointés du doigt et considérés comme des hors-la-loi, car ils ne disposent pas de statut spécifique justifiant l’exercice de leurs activités et ne sont pas juridiquement reconnus8. »

Enfin, les « femmes de ménage », appelées mbindanes en wolof, sont employées comme domestiques et s’occupent des tâches ménagères telles que la préparation des repas, l’entretien et le nettoyage de la maison, et parfois la garde des enfants, etc. Comme souligné par Modou Diome (2013, pp. 66-67),

8. Étude de cas disponible à l’adresse suivante : http://www.streetnet.org.za/docs/reports/2012/sp/Senegal.pdf (consulté le 10 août 2017).

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elles sont déclassées socialement, s’adonnent à des tâches manuelles routi-nières, suscitent des quolibets, et vivent dans des conditions précaires :

« La “domestique” porte en général le nom générique de “Fatou”, de “mbin-daan bi” (la recrue, servante, femme de ménage, bonne) ou bien même de “janq bi” (la fille de maison). […] En milieu urbain dakarois, c’est connu, le profil “caricaturé” de la bonne reflète quelque part l’image d’une “sauva-geonne analphabète” souffrant du complexe du citadin. Elle est qualifiée de “kaw kaw” non “branchée” (celle qui vient du monde rural). […] Quand elle décroche un emploi, elle se voit préposée à la vaisselle, au linge, à la cuisine, à l’entretien des enfants, bref à tous les travaux ménagers. Son impératif de polyvalence justifie l’expression péjorative de “bonne à tout faire”. »

Aucun des enquêtés n’a jamais fréquenté l’école française et ne sait lire ou écrire en langue française. À l’exception des marabouts serignes dara, qui maîtrisent l’arabe et enseignent le Coran, les femmes de ménage et les mar-chands ambulants n’ont aucune aptitude en lecture et écriture, même dans les autres langues. Le tableau 1 donne les grandes caractéristiques de la popu-lation enquêtée, en termes d’âge et de revenus. On constate que douze sont unilingues et s’expriment uniquement en wolof ; treize sont bilingues et cinq trilingues9. La localisation géographique est très homogène : tous les enquê-tés résident et travaillent à Dakar. L’origine, la position sociale, ainsi que les emplois occupés situent les répondants en deçà des classes moyennes, ils sont précarisés économiquement et gagnent en moyenne mensuellement entre 50 000 et 85 000 francs CFA, soit (80 à 130 euros). Donc, du fait de leur défi-cit de maîtrise du français, nos répondants peinent à s’intégrer dans le tissu socio-économique, et sont obligés de travailler dans le secteur informel afin de subvenir à leurs besoins. La débrouillardise semble être leur leitmotiv : ce sont des self-made-men.

Ils sont issus de familles disposant d’un capital scolaire très limité (ouvriers, commerçants, et agriculteurs qui n’ont jamais fréquenté l’école française). Seuls deux enquêtés, Seynabou (femme de ménage) et Bassirou (marchand ambulant), nous ont indiqué que leurs parents ont fait le cycle élémentaire de l’école française. Près de la moitié des répondants (14 individus sur 30) sont

9. Les bilingues et les trilingues s’expriment en arabe ou les langues vernaculaires. Outre le wolof, les langues vernaculaires parlées sont Le soninké (une langue mandée parlée principalement au Sénégal, en Mauritanie et au Mali) ; et ensuite la langue pular, communément appelée peul, ou fulfulde, parlée dans une quinzaine de pays africains.

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mariés et ont des enfants qui sont inscrits à l’école française et ont suivi ou suivent actuellement des cours au sein des écoles coraniques.

Sur le plan de l’équipement, ils n’ont pas d’ordinateur à domicile, ni de tablette numérique, mais disposent de smartphones et font usage d’internet, généralement par le biais des cartes de recharge mobile vendues à tous les coins de rue. Ils se connectent quotidiennement à internet, mais par manque de temps, la durée de connexion varie de 2 h à 6 h par jour. Par ailleurs, nos enquêtés peuvent être considérés dans une moindre mesure comme des utili-sateurs néophytes, car ils n’ont commencé à utiliser internet que récemment, notamment à partir des années 2012-2013.

Le recoupement de l’ensemble de ces éléments dessine un corpus de répon-dants très homogène par rapport à d’autres groupes sociaux. Toutefois, il est important de souligner que cette homogénéité ne résulte pas d’un choix déli-béré, mais s’explique en partie par le statut et la position sociale qu’occupent ces individus dans la société sénégalaise. Ces individus sont déclassés sociale-ment, et la faiblesse de leur capital culturel limite fortement leur insertion sur le marché du travail qui, lorsqu’elle existe, demeure extrêmement précaire. Ils rentrent dans la catégorisation des classes populaires proposée par Olivier Schwartz (1998), dans le sens où, outre la position subalterne qu’ils occupent dans l’échelle sociale, aussi bien professionnellement qu’économiquement, ils sont culturellement infériorisés et dominés.

Tableau 1. Caractéristiques des répondants (30 entretiens)

Sexe Hommes 20Femmes 10

Âge Moins de 25 ans 10 interviewésDe 25 à 40 ans 15 interviewésPlus de 50 ans 5 interviewés

Salaires Moins de 90 euros 9Entre 80 et 100 euros 1

Entre 100 euros et 125 euros 20Moyens d’accès à internet Carte internet prépayée 27

Wifi + Carte internet prépayée 4Durée de connexion par jour Moins de 4 h 3

Entre 4 h et 6 h 28Langue(s) parlée(s) Unilingues (Wolof) 13

Bilingues (langues vernaculaires et arabes) 12Trilingues (langues vernaculaires et arabes) 5

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MODALITÉS D’USAGE DE L’INTERNET MOBILE

Les données collectées montrent que les enquêtés ont un usage peu diversifié d’internet. Quatre modalités d’usage d’internet ont été relevées : le maintien des relations interpersonnelles à distance ; le commerce et l’échange ; la par-ticipation à des groupes de discussion sur WhatsApp ; l’affichage social en public à des fins de reconnaissance.

Le maintien des relations interpersonnelles à distance

Tous les répondants ont concédé utiliser internet pour gérer leurs réseaux de sociabilité. Ils l’investissent conjointement pour la préservation de trois types de relations sociales à distance : des relations familiales, des relations affec-tives et enfin des relations amicales que l’on peut regrouper dans le cadre des relations interpersonnelles à distance. Pour ce faire, ils privilégient essen-tiellement les applications de messagerie instantanée telles que WhatsApp, Viber et Imo – téléchargeables via Google Play Store, Apple Store, Windows Store – mais également de manière marginale Facebook, qui leur offrent la possibilité d’échanger avec leurs proches, conjoint(e)s, et ami(e)s, distants géographiquement. Il faut reconnaître que, dans une société où les échanges communicationnels sont de plus en plus médiatisés par des dispositifs socio-techniques, ces nouveaux outils de communication sont des catalyseurs rela-tionnels et intensifient les manières d’être ensemble à distance. Ainsi les enquêtés arrivent-ils à développer des relations affinitaires et préserver à moindre coût leurs réseaux interpersonnels.

Parlant de leurs usages, tous reconnaissent qu’internet, mais surtout WhatsApp – qui, selon une infographie10 réalisée en février 2017, par Senmarketing, est le média social le plus utilisé au Sénégal (55 % d’utilisa-teurs), devant Facebook (29 %), LinkedIn (5 %) et Instagram (3 %) – est leur dispositif de communication privilégié. WhatsApp est facile à utiliser et ses fonctionnalités d’échange en audio ou en visio conviennent parfaitement à leurs besoins : le dispositif facilite et participe à la sauvegarde de leurs rela-tions sociales à distance comme en témoignent les propos de Malick :

10. Sur les chiffres des médias sociaux au Sénégal, voir Senmarketing : http://www.blog.senmarketing.net/digital-marketing/barometre-et-etude-de-cas/chiffres-des-reseaux-sociaux-en-afrique-et-au-senegal-2017/ (consulté le 25 novembre 2017).

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« Je me connecte sur internet grâce aux recharges de connexion mobile pour rester en contact avec mes frères et sœurs qui sont à Louga. On se voit tous les jours sur WhatsApp, je leur parle de ma journée au travail, du temps qu’il fait à Dakar, et d’autres choses aussi. Franchement, je me sens proche d’eux et les voir tous les jours m’encourage à redoubler d’efforts dans mon travail pour qu’ils soient fiers de moi. Comme tu le sais au Sénégal, la famille est sacrée et avoir la possibilité de voir ses parents grâce à WhatsApp, c’est vraiment génial. » (Malick, 33 ans, marchand ambulant)

La possibilité d’échanger sous forme écrite, vocale et visuelle fait que WhatsApp permet des communications comparables aux échanges en face-à-face. Ainsi, en dépit de la distance géographique, la possibilité de parta-ger des événements de manière instantanée participe-t-elle à la réassurance des liens sociaux et assure dans le même temps une forme de téléprésence. Même si la dématérialisation des relations sociales n’est pas un phénomène nouveau, il faut bien reconnaître que la multiplication des dispositifs numé-riques semble avoir amplifié le processus. D’ailleurs, à l’instar des principes d’action mobilisés par les usagers du portable mis en évidence par Francis Jauréguiberry (2003), nous avons également pu relever que l’utilisation de WhatsApp renvoie à une logique d’intégration dans un « système d’apparte-nance réticulaire ». De ce point de vue, les témoignages de Seynabou, Fatima et Massar sont significatifs :

« Je suis à 200 km de mon mari et de ma famille qui résident dans la ville de Touba. Avant, c’était compliqué, j’avais des moments de blues parce que la communication coûtait cher et je n’avais pas les moyens de parler à ma famille aussi souvent que je le voulais. Aujourd’hui, WhatsApp me facilite la vie parce que c’est gratuit et facile à utiliser. Même moi, j’arrive à l’utiliser, et tous les soirs, je discute en vidéo avec mon mari et mon fils. » (Seynabou, 30 ans, femme ménage)

« J’utilise internet depuis 2012 pour discuter avec ma famille et mes amis qui ne sont pas à Dakar. En plus, je compte me marier prochainement si Dieu le veut bien et mon futur mari travaille comme ouvrier dans la ville de Thiès. On se voit plusieurs fois par jour grâce à WhatsApp. On passe presque toutes les soirées ensemble et le fait de le voir fait que je ne me sens pas seule. Aujourd’hui, moi qui n’ai jamais fréquenté l’école, je vis ma relation amou-reuse à distance sans problème. Donc, je dis merci à ceux qui ont inventé inter-net et WhatsApp [rire]. » (Fatima, 25 ans, femme de ménage)

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« Je trouve WhatsApp, très pratique, car facile à utiliser. Moi, qui suis analpha-bète, il me convient parfaitement, car je n’ai pas besoin d’envoyer de message écrit. Je n’envoie que des messages audio. Mes deux frères aînés sont immi-grés et vivent en Italie depuis 2012, et grâce à WhatsApp, on s’envoie tous les jours des messages audio. En plus, nous avons un groupe de discussion sur WhatsApp dédié uniquement au cercle familial qui nous permet de rester en contact, de resserrer nos liens. » (Massar, 22 ans, marchand ambulant)

Comme nous pouvons le voir, l’usage d’internet répond à un besoin de « reliance sociale » (Jouët, 2011). Nos enquêtés qui travaillent à Dakar, mais dont une partie de leur famille réside dans d’autres aires géographiques, éta-blissent des liens numériques et préservent grâce à WhatsApp leurs réseaux sociaux éclatés géographiquement. De ce point de vue, WhatsApp réactualise de manière plus aboutie les formes d’échange et de sociabilité qui préexis-taient à son avènement. Ce qui fait écho aux propos de Christian Licoppe (2009, pp. 30-31) lorsqu’il considère que :

« Les technologies de communication interpersonnelles (téléphonie fixe et mobile, messageries vocales et électroniques, SMS, correspondances manus-crites, etc.) constituent, au même titre que le face-à-face des ressources pour engendrer des contacts, comme autant de fils qui, ensemble, tissent la tapis-serie relationnelle. Le développement de la présence connectée s’appuie sur l’accroissement du nombre de dispositifs de communication. »

Le commerce et l’échange

Outre cette première modalité d’usage, l’internet mobile ouvre de nouvelles possibilités dans le cadre professionnel. Les marchands ambulants qui tra-vaillent dans le secteur informel le mobilisent pour deux raisons principales : d’une part, pour rester constamment en contact avec leurs clients du fait de leur mobilité ; d’autre part, pour faire la publicité de leurs produits à moindre coût avec la diffusion et le partage de photos et de vidéos via WhatsApp et Snapchat. Sur ce point, les témoignages de Mamadou et Abdou sont assez édifiants :

« Comme tout le monde, j’utilise WhatsApp et Snapchat pour rester en contact mes amis et ma famille. Mais, je me sers aussi de WhatsApp et Snapchat pour informer mes clients et faire ma propre publicité. Comme tu le sais, ce n’est pas facile d’être marchand ambulant, car on a très peu de moyens. Mais, grâce à WhatsApp et Snapchat qui sont gratuits, je peux faire de la publicité pour valoriser mes marchandises et attirer de nouveaux clients. » (Mamadou, mar-chand ambulant, 25 ans)

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Dans une veine sensiblement proche, un autre marchand ambulant, Abdou, nous confie :

« Je n’ai pas fait d’études, mais je sais que WhatsApp et Snapchat sont à la mode, et c’est important de savoir utiliser les nouvelles technologies. Des amis m’ont montré comment WhatsApp et Snapchat fonctionnaient, et depuis, je les utilise pour diffuser les photos de mes marchandises. » (Abou, marchand ambulant, 28 ans)

Par ailleurs, il arrive que les marchands ambulants se servent de WhatsApp pour signaler des opportunités de vente à d’autres collègues, notamment lorsqu’ils sont approchés pour un produit dont ils ne disposent plus en stock. Ils utilisent alors WhatsApp pour voir parmi les collègues aux alentours qui, d’entre eux, dispose du produit en question. L’opération n’est pas philanthropique, car le marchand ambulant discute préalablement et convient d’un prix avec le client, en n’oubliant pas d’y adjoindre sa petite marge, avant d’aller lui-même acheter la marchandise auprès d’un de ses collègues et de revenir avec elle. C’est préci-sément dans ce cadre que s’inscrit le propos de Khadim qui déclare :

« L’autre jour, j’avais épuisé mes stocks. Mais, je suis quand même resté au marché, car il y a toujours des opportunités qui se présentent. Tu sais, un client que je connais depuis quelque temps est venu me voir pour acheter une pochette. Vu que je n’avais plus ça en stock, j’ai utilisé WhatsApp pour appe-ler un de mes amis vendeurs qui travaillent ici au marché afin de voir s’il dis-posait du produit. Par chance, il l’avait toujours en stock, donc je suis parti le récupérer pour le client. » (Khadim, 23 ans, marchand ambulant)

WhatsApp crée des opportunités d’affaires et permet aux marchands ambu-lants d’améliorer leur statut économique. Leurs usages s’inscrivent dans une logique utilitaire, instrumentale et informative.

La participation à des groupes de discussion sur WhatsApp

Une autre modalité d’usage d’internet concerne la participation à des groupes de discussion sur WhatsApp. Ces groupes de discussion qui peuvent accueillir jusqu’à 256 participants sont des espaces privés d’entre-soi, dans le sens où ils rassemblent des proches, ou des individus qui partagent des sensibilités com-munes et qui se connaissent généralement dans l’espace hors-ligne. À l’instar des participants d’un forum de discussion (Gauducheau, 2012 ; Clavier et al.,

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2010), les membres des groupes de discussion sur WhatsApp échangent de manière synchrone et asynchrone : ils ont la possibilité de discuter entre eux, de partager des informations, de témoigner de leurs propres expériences, etc. Même si l’usage premier de WhatsApp est plutôt orienté vers la sociabilité en ligne, les marabouts serignes dara rencontrés en entretien s’en servent comme support communicationnel et informationnel pour diffuser et vulga-riser des contenus religieux, notamment des extraits du Coran, des hadiths11, des prières à faire en langue arabe et wolof sous format audio ou vidéo. Sur ce point, les témoignages d’Abdoulahi et de Maodo sont éclairants :

« Mon usage d’internet se limite principalement à WhatsApp et Viber. Je m’en sers pour échanger avec mes amis et ma famille. Aussi, je fais partie de trois groupes de discussion sur WhatsApp, le premier porte le nom de Wakhtane12 Si L’islam, le deuxième Goorgoorlu Si Sunu Dine13, le dernier, Da’wa Fissa-billah14. Comme tu le sais, car tu es musulman, l’instruction et la da’wa sont des obligations religieuses dans l’islam. Donc, en plus de l’enseignement du Coran que je fais chez moi, WhatsApp me permet de faire des rappels isla-miques à mes connaissances. » (Abdoulahi, 55 ans, marabout serigne dara)

« J’utilise WhatsApp pour appeler mes amis et proches qui sont au Sénégal et à l’étranger. J’y discute également de questions relatives à l’islam au sein d’un groupe intitulé Parler Islam. C’est un espace de débat et d’échange sur des questions religieuses. Comme je suis serigne dara, j’y partage des prières à faire et les autres participants me sollicitent également pour avoir des conseils et éclairages sur des questions liées à la pratique de l’islam » (Maodo, 34 ans, marabout serigne dara)

L’usage que les marabouts font d’internet notamment de dispositifs tels que WhatsApp s’inscrit dans une démarche prosélyte et renvoie d’un point de vue islamique à la pratique de la da’wa. Cette pratique prosélytique des marabouts n’est pas tournée vers des non-musulmans, mais uniquement vers leurs core-ligionnaires, c’est une forme de « prosélytisme interne » (Sakho et Jimbira, 2017), dans le sens où ces groupes de discussion sur WhatsApp ne rassemblent que des participants musulmans préoccupés par des questions religieuses. Par ailleurs, un marabout nous a révélé utiliser des dispositifs sociotechniques

11. Dans la religion islamique, un hadith est une parole, un énoncé prononcé par le prophète Mohamet. Après le Coran, le hadith est le second fondement du dogme de l’islam.12. Wakhtane est un terme wolof qui signifie « discuter ».13. L’expression wolof Goorgoorlu Si Sunu Dine signifie « persévérer dans la voie de la religion ».14. Fissabillah est un terme arabe qui signifie « dans le sentier d’Allah ».

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expressifs, notamment Facebook, à des fins de sociabilité, mais également de partage de contenus religieux islamiques :

« J’utilise internet depuis 2013. […] Sur Facebook, je discute avec mes amis, mais j’y diffuse également des contenus instructifs tirés du Coran pour en faire profiter mes amis. » (Mansour, 36 ans, marabout serigne dara)

Vu que les marabouts sont des lettrés en langue arabe, nous avons cherché à comprendre la manière dont ils participaient sur WhatsApp et sur Facebook. Plus précisément, il s’est agi de voir s’ils recouraient aux lettres de l’alpha-bet arabe, latin, ou s’ils privilégiaient le wolofal15, dérivé de l’alphabet arabe utilisé pour écrire le wolof. Il ressort de manière surprenante que, pour leurs besoins communicatifs, les marabouts interviewés privilégient les échanges oraux en wolof sur WhatsApp. Cette préférence pour l’oral s’explique, d’une part, pour des raisons de commodité, d’autre part, par l’ancrage culturel de l’oralité dans les sociétés africaines. Seul Mansour, un des marabouts, a un usage écrit à travers l’interface arabe de Facebook. Les contenus (extraits du Coran et de prières) qu’il y diffuse sont en arabe. Aussi, l’intégralité de ses échanges sur Facebook se fait en langue arabe, et par conséquent sont destinés à un réseau d’amis exclusivement arabophones.

L’affichage social en public à des fins de reconnaissance

Enfin, la dernière modalité d’usage d’internet est liée à un besoin d’affirma-tion de soi et de reconnaissance (Honneth, 2002). Comme évoqué en intro-duction, dans la société sénégalaise, ne savoir ni lire ni écrire le français rime souvent avec préjugés et exclusion sociale. Ainsi, ne pas faire usage d’inter-net revient-il à être considéré comme un has been. Plusieurs répondants qui ont déjà fait l’objet de persiflage parce qu’ils n’ont jamais fréquenté l’école française ont confirmé cette allégation. Le fait de savoir utiliser les nouveaux dispositifs sociotechniques d’internet véhicule non seulement des représenta-tions socialement valorisées, mais participe également à la construction d’une image positive de soi en réduisant les clichés et les stéréotypes. De ce point de vue, l’usage d’internet s’inscrit dans un processus de retournement de stig-mate (Goffman, 1975). C’est cette quête de reconnaissance que recherchent certains enquêtés à travers leurs usages, comme en témoignent les propos de Chinou et de Maïmouna :

15. Le wolofal peut également s’écrire en caractères latins.

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« J’utilise internet et WhatsApp pour rester en contact avec ma famille et mes amis. […] Mais, comme tu es Sénégalais et tu sais qu’ici au Sénégal, on n’est dans une société de l’apparence. Si tu as le dernier iPhone, tu portes des habits de marque, tu utilises les nouvelles technologies, les gens te respectent, même si tu n’as pas fait d’études. Donc, pour les gens comme moi qui n’ont jamais fait l’école, c’est important d’utiliser internet, car les gens te considèrent posi-tivement. » (Chinou, 24 ans, femme de ménage)

« Moi, je connais internet depuis 2013. Mais, je ne le regrette pas, j’utilise sur-tout WhatsApp pour échanger avec mes proches. […] Vu que je n’ai pas fait l’école, savoir utiliser internet me montre que je suis comme tous les autres Sénégalais. Même si je suis une femme de ménage qui ne sait ni lire ni écrire, j’utilise internet comme tous les autres qui ont fait des études. » (Maïmouna, 30 ans, femme de ménage)

La dimension identitaire est donc très présente dans le rapport qu’une partie de nos répondants entretient avec internet. Comme nous pouvons le voir à travers les témoignages de Chinou et Maïmouna, dans la société sénégalaise marquée par un « expressivisme » patent et où la place accordée à l’image est considérable, savoir utiliser internet confère une forme d’estime de soi et de reconnaissance sociale.

Pour conclure, soulignons que nous n’avons pas constaté d’évolution des usages dans le temps : les usages relevés lors de la première phase et lors de la seconde phase d’enquête sont identiques.

PROCESSUS D’APPROPRIATION ET « MANIÈRES D’UTILISER » WHATSAPP

Après avoir mis en évidence les types d’usage de l’internet mobile, arrêtons-nous maintenant sur la manière dont les utilisateurs se sont approprié le dispo-sitif qu’ils utilisent le plus : WhatsApp. Nous verrons qu’au-delà de la question de l’analphabétisme, l’appropriation ainsi que la construction des usages s’ex-pliquent par deux facteurs fortement liés au contexte de la « culture de l’ora-lité » : la médiation des proches et la commodité du dispositif de WhatsApp.

L’enquête montre que l’entourage proche (amis et famille) a été le principal canal de transmission des avantages ainsi que des mécanismes d’utilisation de WhatsApp. Leur rôle dans le processus de découverte et d’appropriation a été déterminant. Ainsi, à la question « Avez-vous appris à utiliser WhatsApp

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seul ou accompagné ? », tous les treize répondants recontactés lors de la der-nière phase de l’enquête déclarent avoir été initiés par un proche qui était déjà usager. N’évoluant pas dans un environnement étanche aux TIC, c’est tout naturellement qu’ils ont souhaité eux aussi devenir des usagers. Les avantages et les mécanismes de fonctionnement de WhatsApp leur ont été expliqués à travers une démonstration commentée en wolof. Cette explication orale du mode d’emploi de WhatsApp a été accompagnée d’une démonstration itéra-tive pratique pour détailler les différentes fonctionnalités du dispositif. Une telle médiation oralisée n’a rien de surprenant dans les sociétés africaines, en particulier au Sénégal où l’oralité comme vecteur de transmission du savoir est si prégnante qu’elle imprègne tous les aspects de la vie socioculturelle. C’est ce qui transparaît à travers les témoignages de Seynabou et d’Abdou qui reviennent sur leur découverte de WhatsApp et la manière dont ils ont acquis des compétences pour l’utiliser :

« C’est mon cousin Bassirou qui m’a parlé pour la première fois de WhatsApp. Il m’a dit qu’on l’installait sur les smartphones pour passer des appels vidéo et envoyer des messages audio. D’ailleurs, c’est lui qui a installé l’application sur mon téléphone, car je ne savais pas comment faire le téléchargement vu que je ne sais ni lire ni écrire. J’étais très surprise, car ça a été très rapide, le téléchar-gement n’a pris que quelques secondes. Ensuite, c’est lui qui m’a expliqué et m’a montré à plusieurs reprises le mode de fonctionnement. Moi qui pensais que ces choses étaient compliquées, aujourd’hui, je sais comment enregistrer un message vocal, comment l’envoyer, comment envoyer une photo, et com-ment passer un appel visio. » (Seynabou, 30 ans, femme de ménage)

Dans le même ordre d’idées, Abdou souligne la médiation de son meilleur ami Assane dans l’appropriation de WhatsApp :

« J’ai découvert WhatsApp grâce à mon meilleur ami Assane, qui vient du même village que moi. Il m’a expliqué à quoi ça servait et en quoi WhatsApp pouvait m’être utile pour parler à mes proches et aussi pour mon travail, vu que je suis commerçant marchand ambulant. C’est lui qui l’a téléchargé et m’a expliqué les fonctionnalités pour passer des appels visio ou enregistrer des messages audio. Mais, franchement, je n’ai éprouvé aucune difficulté à comprendre le fonctionnement de WhatsApp, c’est vraiment très simple à uti-liser. » (Abdou, 28 ans, marchand ambulant)

Comme nous pouvons le voir, la découverte et l’appropriation de WhatsApp sont liées à l’environnement proche des répondants.

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Nous avons cherché à savoir si cette médiation des proches dans l’utilisation de WhatsApp était toujours d’actualité. Ainsi, à la question : « Actuellement, êtes-vous totalement autonome dans l’utilisation de WhatsApp ? », les répon-dants analphabètes ont répondu qu’ils rencontraient peu de difficultés et n’avaient plus besoin d’être assistés. Les seules difficultés rencontrées sont liées à l’écrit, et parfois à des problèmes de bugs techniques ou de mise à jour à faire, nécessitant l’aide d’un proche. Pour contourner les obstacles liés à l’écrit sur WhatsApp, les répondants analphabètes n’utilisent que les fonc-tionnalités vocales, y compris les marabouts pourtant lettrés en arabe.

Ces « manières de faire » s’expliquent par le fait que l’outil WhatsApp s’adapte parfaitement au contexte de la « culture de l’oralité ». Les utili-sateurs réexpérimentent les usages prescrits, adaptent l’outil WhatsApp à leurs besoins ainsi qu’à leurs capacités. Il convient de souligner aussi que la communication orale sur WhatsApp est plébiscitée du fait de son carac-tère rapide, pratique et facile d’utilisation. La préférence pour l’oralité n’est donc pas exclusivement liée à des difficultés pour rédiger un message écrit, mais plutôt à sa dimension pratique. Il faut reconnaître que le process est très simple à maîtriser : il suffit d’appuyer sur un bouton pour enregistrer un mes-sage vocal, et sur un autre pour l’envoyer. Les témoignages de Mansour et de Maodo, tous deux lettrés en langue arabe illustrent bien cet aspect pratique :

« Je suis arabisant, donc je sais écrire en arabe. Mais, en ce qui concerne What-sApp, je ne me sers que des fonctionnalités vocales, je discute en wolof. Pour moi, c’est plus pratique et plus simple. En plus, mes amis avec qui je discute m’envoient également des messages vocaux. » (Mansour, 36 ans, marabout serigne dara)

« Je sais écrire en arabe, mais sur WhatsApp, je préfère envoyer des mes-sages vocaux en wolof. Parce que c’est plus simple, plus rapide, mais parfois plus marrant. Par exemple, quand on discute entre amis, ou que l’on rigole parfois sur des images ou vidéos qu’on s’est échangées, c’est toujours plus sympa d’entendre l’autre rire dans le message. » (Maodo, 34 ans, marabout serigne dara)

Même si le dispositif de WhatsApp prévoit des émoticônes destinées à décrire des émotions, par exemple la joie, en suivant le raisonnement de Maodo, il est permis de penser qu’un rire audible, du fait de son fort degré d’expressi-vité, traduit toujours mieux la joie qu’une émoticône censée la symboliser par écrit. Ajouté à cela, dans la société sénégalaise, le français voire l’arabe sont

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des langues formelles, très souvent utilisées dans les interactions écrites, ou encore au niveau de l’administration et des institutions. En revanche, le wolof est la langue des interactions orales, celle du quotidien, de la rue, de la plai-santerie, et elle est tout naturellement privilégiée dans les échanges vocaux sur WhatsApp.

CONCLUSION

L’objectif de cette recherche exploratoire était de proposer une réflexion sur l’usage d’internet par des individus appartenant aux classes populaires séné-galaises. En nous situant du point de vue des acteurs pour éviter toute consi-dération normative, nous avons pu mettre au jour quatre modalités d’usage de l’internet mobile et constater que l’usage de l’internet mobile se limite princi-palement aux applications de messagerie instantanée, et surtout de WhatsApp. En dépit de la petite taille de l’échantillon, nos résultats mettent en lumière d’autres enseignements. L’entourage joue un rôle essentiel dans le proces-sus de découverte et d’appropriation des TIC : les compétences numériques acquises par nos répondants l’ont été par le biais d’initiation oralisée faite par un proche. Le contexte socio-culturel impacte fortement la construction des usages et l’appropriation qui est faite des TIC : l’oralité, qui est une compo-sante essentielle des cultures africaines, conditionne l’appropriation ainsi que les usages. Ainsi, au-delà de la question de l’analphabétisme, avons-nous pu observer à travers l’exemple de WhatsApp que la préférence pour la commu-nication orale est fortement ancrée dans les habitudes culturelles locales.

Enfin, à l’aune des résultats empiriques, nous pouvons considérer que nos répondants ont un usage peu diversifié d’internet, qui ne se réduit pas à un simple problème d’équipement, car la « fracture numérique de premier niveau » s’est beaucoup résorbée. On pourrait l’expliquer en partie par les tur-bulences du contexte politique actuel au Sénégal, qui contribuent à freiner les usages avancés d’internet : suite à une vague d’arrestations intervenues der-nièrement, beaucoup de Sénégalais, ont développé un sentiment de défiance et de crainte à l’égard d’internet. D’autre part, la « fracture numérique de second niveau » est une réalité toujours présente au sein des classes populaires séné-galaises, notamment analphabètes. Ce qu’avait déjà relevé Gado Alzouma en 2008, lorsqu’il déclarait : « En Afrique, un fossé s’est creusé aujourd’hui entre ceux qui sont allés à l’école moderne, de langue européenne, et qui sont à même d’utiliser internet et ceux que l’introduction et l’utilisation de plus en plus courante de cette technologie n’a fait que marginaliser un peu plus. »

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RÉFÉRENCES

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