22
La philosophie de Rousseau dans son contexte Rousseau n'a pas suivi de cours de philosophie. Autodidacte, ce sont ses lectures, notamment celle de ses immédiats prédécesseurs : Descartes , Locke , Malebranche , Leibniz , la Logique de Port-Royal et les jusnaturalistes 83 ,84 , qui lui ont permis de devenir philosophe. Dès la première œuvre qui le rend célèbre, le Discours sur les sciences et les arts , Rousseau se revendique comme n'étant pas un philosophe de profession et exprime sa méfiance envers certains de ceux qui se disent philosophes. Il écrit à ce propos : « Il y aura dans tous les temps des hommes faits pour être subjugués par les opinions de leur siècle, de leur pays, de leur société : tel fait aujourd'hui l'esprit fort et le philosophe, qui, par la même raison, n'eût été qu'un fanatique du temps de la Ligue . Il ne faut point écrire pour de tels lecteurs, quand on veut vivre au-delà de son siècle 85 Trois aspects de la pensée de Rousseau sont particulièrement à relever 86 : Tout d'abord, Rousseau est le premier grand critique de la pensée politique et philosophique telle qu'elle se déploie à partir de la fin du 17 e siècle . À l'encontre de Bacon , Descartes, Locke , Newton, il soutient que ce qu'ils nomment « progrès » est d'abord un déclin de la vertu et du bonheur, que les systèmes politiques et sociaux de Hobbes et Locke basés sur l'interdépendance économique et sur l'intérêt conduisent à l'inégalité, à l'égoïsme et à la société bourgeoise (un terme qu'il est un des premiers à employer) 86 ; Ensuite, si Rousseau est un critique de la théorie politique et philosophique de son temps, sa critique vient de l'intérieur. Il ne veut revenir ni à Aristote, ni à l'ancien républicanisme ni à la moralité chrétienne car, s'il accepte bien des préceptes des traditions individualistes et empiristes de son temps, il en tire des conclusions différentes en se posant des questions différentes. Par exemple : est-ce que l'état de guerre de tous contre tous est premier ou est-ce qu'il ne s'agit que d'un accident de 1

LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

La philosophie de Rousseau dans son contexte

Rousseau n'a pas suivi de cours de philosophie. Autodidacte, ce sont ses lectures, notamment celle de ses immédiats prédécesseurs : Des-cartes, Locke, Malebranche, Leibniz, la Logique de Port-Royal et les jusna-turalistes 83 ,84, qui lui ont permis de devenir philosophe. Dès la première œuvre qui le rend célèbre, le Discours sur les sciences et les arts, Rous-seau se revendique comme n'étant pas un philosophe de profession et ex-prime sa méfiance envers certains de ceux qui se disent philosophes. Il écrit à ce propos :« Il y aura dans tous les temps des hommes faits pour être subjugués par les opinions de leur siècle, de leur pays, de leur société : tel fait aujour-d'hui l'esprit fort et le philosophe, qui, par la même raison, n'eût été qu'un fanatique du temps de la Ligue. Il ne faut point écrire pour de tels lecteurs, quand on veut vivre au-delà de son siècle85. »Trois aspects de la pensée de Rousseau sont particulièrement à relever86 :

Tout d'abord, Rousseau est le premier grand critique de la pensée poli-tique et philosophique telle qu'elle se déploie à partir de la fin du 17e   siècle . À l'encontre de Bacon, Descartes, Locke, Newton, il sou-tient que ce qu'ils nomment « progrès » est d'abord un déclin de la ver-tu et du bonheur, que les systèmes politiques et sociaux de Hobbes et Locke basés sur l'interdépendance économique et sur l'intérêt conduisent à l'inégalité, à l'égoïsme et à la société bourgeoise (un terme qu'il est un des premiers à employer)86 ;

Ensuite, si Rousseau est un critique de la théorie politique et philoso-phique de son temps, sa critique vient de l'intérieur. Il ne veut revenir ni à Aristote, ni à l'ancien républicanisme ni à la moralité chrétienne car, s'il accepte bien des préceptes des traditions individualistes et em-piristes de son temps, il en tire des conclusions différentes en se po-sant des questions différentes. Par exemple : est-ce que l'état de guerre de tous contre tous est premier ou est-ce qu'il ne s'agit que d'un accident de l'histoire ? Est-ce que la nature humaine ne peut pas être modelée pour arriver à un État démocratique ?87 ;

Enfin, Rousseau est le premier à penser que la démocratie est la seule forme légitime d'État86.

Jean Bodin, une des sources d'inspiration de Rousseau

Dans ses écrits politiques, Rousseau se place dans la continuité de Bo-din qu'il interprète à l'aide de « la théorie philosophique et juridique du droit naturel moderne88 ». Pour lui, Grotius et Pufendorf ainsi que Locke ont commis l'erreur de penser que les passions étaient natu-relles89 alors qu'elles ne sont que les produits de l'histoire. Pour Rousseau, la nécessaire satisfaction des besoins primaires (nourriture, boisson, etc.)

1

Page 2: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

qui imprègne si fortement l'histoire des hommes, tend à les isoler. Elle ne les rapproche pas, comme chez Pufendorf, pas plus qu'elle n'attise leur discorde comme chez Hobbes90.Prenant position contre Grotius et Hobbes selon qui la liberté peut s'alié-ner parce que la vie est première, Rousseau soutient dans Du Contrat so-cial, que la liberté est inaliénable car vie et liberté sont synonymes91. De même, alors que chez Hobbes, le peuple est constitué grâce à la terreur qu'exerce sur lui le pouvoir, chez Rousseau, le peuple se constitue grâce à un pacte social qui fonde son unité politique92. À la différence de ce que pensent Locke, Spinoza ou Hobbes, pour Rousseau, une fois le pacte pas-sé, l'être humain perd tout droit naturel93. Il s'oppose sur ce point, à l'école du droit naturel de Pufendorf, Grotius, Burlamaqui, Jean Barbeyrac, qui conçoivent « le droit politique, en tant que droit des sociétés civiles ». Ce que cherche Rousseau, ce n'est pas le droit des sociétés civiles, mais le droit de l'État 94 .L'« illumination de Vincennes », les deux premiers discours et les LumièresL'illumination de Vincennes et le Discours sur les sciences et les arts

Article détaillé : Discours sur les sciences et les arts.En 1749, lors d'une visite à Diderot, alors emprisonné à Vincennes, Rous-seau lit dans le Mercure de France 86  que l'Académie de Dijon a lancé un concours sur la question suivante : « Le rétablissement des sciences et des arts a-t-il contribué à épurer ou à corrompre les mœurs ? »95. Cette lecture provoque chez lui ce qu'on nomme usuellement l'« illumination de Vincennes »96, événement qui va profondément changer le cours de sa vie : « Tout d'un coup, écrit-il, je me sens l'esprit ébloui de mille lumières ; des foules d'idées s'y présentèrent à la fois avec une force et une confu-sion qui me jeta dans un trouble inexprimable »95.

Discours sur les sciences et les arts

Dans le texte qu'il écrit pour ce concours97, Rousseau s'oppose à Montes-quieu, Voltaire et Hume qui voient la modernité et le perfectionnement des arts et des sciences comme extrêmement positifs98. Le citoyen de Ge-nève fait débuter le rétablissement des arts « à la chute du trône de Constantin », c'est-à-dire à la chute de l'empire Byzantin, « qui porta dans l'Italie les débris de l'ancienne Grèce »99. Rousseau, influencé par la pen-sée des classiques anciens, tels Tite-Live, Tacite ou Plutarque, « dresse un réquisitoire contre la société moderne et l'artifice »100. Ses modèles parmi les Anciens sont Sparte et la République romaine, du temps où elle était « le temple de la vertu » avant de devenir, sous l'Empire, « le théâtre du crime, l'opprobre des nations et le jouet des barbares »101. L'anti-mo-dèle est constitué par la Cité d'Athènes au siècle de Périclès qu'il trouve

2

Page 3: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

trop mercantile, trop portée sur la littérature et les arts, toutes choses qui, selon lui, poussent à la corruption des mœurs101.La pensée de Rousseau s'articule autour de trois axes : la distinction entre les sciences et arts utiles et ceux qu'il estime inutiles, l'importance accor-dée au génie, l'opposition au luxe qui corrompt la vertu. Concernant le premier point, Rousseau donne aux arts et aux sciences une origine peu flatteuse : « L'astronomie est née de la superstition ; l'éloquence, de l'am-bition, de la haine, de la flatterie, du mensonge ; toutes, et la morale même, de l'orgueil humain. Les Sciences et les arts doivent donc leur nais-sance à nos vices »102. Toutefois, il distingue les sciences et arts utiles, ceux qui portent sur les choses et qui ont trait aux métiers, au travail ma-nuel des hommes (au XVIIIe siècle, en France, le travail manuel est mépri-sé) d'avec les sciences et arts abstraits seulement motivés par la re-cherche du succès mondain103. L'important, chez Rousseau, c'est la ver-tu, « science sublime des âmes simples » dont les principes sont « gravés dans tous les cœurs » et dont on apprend les lois en écoutant « la voix de sa conscience dans le silence des passions »104.En concordance avec sa conception du lien entre art ou science et vertu, Rousseau distingue entre le génie, qui ne se laisse pas corrompre par le monde, et le mondain. S'adressant à Voltaire, il écrit : « dites-nous, cé-lèbre Arouet, combien vous avez sacrifié de beautés mâles et fortes à votre fausse délicatesse, et combien l'esprit de la galanterie si fertile en petites choses vous en a coûté de grandes »105. De façon générale, il es-time que les génies (Bacon, Descartes, Newton) ont su se focaliser sur l'es-sentiel et ont contribué à l'amélioration de l'entendement humain : « c'est à ce petit nombre qu'il appartient d'élever des monuments à la gloire de l'esprit humain »106.Rousseau voit une antinomie entre le luxe, qu'il associe au commerce et à l'argent, et la vertu : « Les anciens politiques parlaient sans cesse de mœurs et de vertu ; les nôtres ne parlent que de commerce et d'ar-gent »107. Pour Rousseau, le luxe conduit au développement des inégalités et à la dépravation des mœurs. Sur ce point, il est en opposition avec le courant majeur de son siècle représenté par des gens comme Mande-ville ou Voltaire qui, dans le Mondain, plaide en faveur du superflu, ou en-core par les physiocrates ou par David Hume qui voit dans le luxe un ai-guillon à l'activité économique108. Le citoyen de Genève, conscient de cette opposition, note :« Que le luxe soit un signe certain des richesses ; qu'il serve même à les multiplier : que faudra-t-il conclure de ce paradoxe si digne d'être né de nos jours ; et que deviendra la vertu, quand il faudra s'enrichir à quelque prix que ce soit107 ? »Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes

Article détaillé : Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.

3

Page 4: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

« Il retourne chez les égaux », illustration du Discours par Jean-Michel Mo-reau (1778).

En 1755, Rousseau publie le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes 109 . Pour Jean Starobinski, Rousseau dans cet ouvrage « recompose une « genèse » philosophique où ne manquent ni le jardin d'Éden, ni la faute, ni la confusion des langues version laïcisée, « dé-mythifiée » de l'histoire des origines, mais qui, en supplantant l'Écriture, la répète dans un autre langage »110.Rousseau imagine ce qu'aurait pu être l'humanité quand l'homme était bon : c'est l'état de nature qui n'a peut-être jamais existé. C'est ce qu'on nomme une histoire conjecturale basée sur une conjecture c'est-à-dire sur une hypothèse110. À partir de cette base, il explique comment l'homme na-turellement bon est devenu mauvais. Selon lui la Chute n'est pas due à Dieu (il le suppose bon), ni à la nature de l'homme, mais au processus his-torique lui-même, et aux institutions politiques et économiques qui ont émergé au cours de ce processus111. Chez Rousseau, le mal désigne à la fois les tourments de l'esprit qui préoccupaient tant les stoïciens mais éga-lement ce que les Modernes nomment l'aliénation, c'est-à-dire l'extrême attention que les hommes portent au regard des autres. Attention qui les détourne de leur moi profond, de leur nature112.Rousseau termine son discours en définissant, d'une part, sa vision de l'égalité où l'inégalité des conditions doit être proportionnée à l'inégalité des talents, et en constatant, d'autre part, que l'homme ne peut pas reve-nir en arrière, que l'état de nature est définitivement perdu113.Changement de vie, 1756-1759

4

Page 5: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

Moralia, 1531

Durant cette période, Rousseau ressent la nécessité de changer de vie et de suivre le précepte qu'il fait figurer désormais dans de nombreux textes « vitam impedere vero(consacrer sa vie à la vérité) »114. Tout d'abord, il change de tenue. « Je quittais la dorure et les bas blancs ; je pris une perruque ronde ; je posais l'épée ; je vendis ma montre en me di-sant avec une joie incroyable : Grâce au ciel, je n'aurai plus besoin de sa-voir l'heure qu'il est »115,116. Par ailleurs, il quitte la ville pour s'installer à la campagne, d'abord à l'Ermitage en forêt de Montmorency, puis dans la maison du Petit Mont-Louis. Enfin, il refuse les places et les rentes qu'on lui offre. Pour rester libre, il gagne sa vie en exerçant le métier de copiste de musique. Il rompt, également, le lien fort qui existait entre lui et Dide-rot depuis 1742117.Pour Jean Starobinski, la pauvreté ostentatoire de Rousseau a une double visée. C'est d'abord une « démonstration de vertu à la manière stoïcienne ou cynique » destinée à alerter les consciences, à accuser l'inégalité so-ciale alors très forte. Par ailleurs, elle est une manifestation de la fidélité de Rousseau à son origine sociale118. Toujours selon cet auteur, Rousseau a eu le génie de se conformer à un principe très à la Plutarque, qu'il énonce ainsi dans une lettre adressée à son père alors qu'il n'a que dix-neuf ans : « J'estime mieux une obscure liberté qu'un esclavage brillant119 »,118.Le Contrat social et l'ÉmileLes ouvrages Du Contrat social 120  et Émile, ou De l’éducation 121  sont tous deux parus en 1762. Ils sont presque immédiatement condamnés. En France, la condamnation émane à la fois du Parlement (Ancien régime) et de la faculté de théologie. À Genève, elle est l'œuvre du Petit Conseil. Ces condamnations auront des conséquences lourdes pour Rousseau dans la mesure où elles le condamnent à une vie d'errance. Si la Révolution fran-çaise contribue à faire du Contrat social son œuvre la plus estimée en France, la tradition allemande lui préfère le Second Discours et l'Émile122.Le contrat social

Contexte Descartes

     

5

Page 6: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

Contexte historique: Descartes (1596-1650) est un philosophe du XVIIe siècle. Le contexte historique dans lequel il a été écrit le Discours de la méthode est le français Golden Age. Politiquement, la France, est orga-nisé comme unemonarchie absolue, qui atteindra son apogée sous Louis XIV et de l'identification entre le monarque et estado.El XVIIe siècle est aussi un moment de crise en Europe: la consolidation des États modernes, leurs désirs impérialistes et la lutte pour l'hégémonie entre la France, l'Es-pagne, la Hollande et l'Angleterre, la cause des affrontements majeurs entre eux. Une bonne partie de sa vie Descartes coïncide avec la guerre de 30 ans entre les catholiques et les Etats protestants de l'Empire alle-mand. En fait, le deuxième chapitre du Discours de la méthode est situé en Allemagne, où Descartes dit qu'il avait été proposé par le «désir de connaître des guerres." Du point de vue socio-économique, dans le dix-septième siècle il y avait un fort développement la bourgeoisieliée au capital marchand, tout en favorisant l'expansion du commerce mari-time et colonial:.Cultural Context D'un point de vue culturel est le temps baroque. Dans ce pessimisme contribue largement confrontation théologique entre catholiques et protestants, dans laquelle Descartes par-ticipó.Otro intéressant trait culturel de cette époque est le développement de l'imprimerie. Un fait est particulièrement important dans la vie intel-lectuelle de Descartes: sa connaissance de la condamnation de Galilée par le tribunal de l'Inquisition à Rome. Descartes avait peur que certaines de leurs idées pourraient être soumis à une vue analogue et, par conséquent, décidé de ne pas publier son Traité sur le monde.Seulement quelques an-nées plus tard, en 1637, il publie certains de ses travaux scienti-fiques,dioptrique, les météores et la géométrie, précédée, comme une in-troduction méthodologique, le Discours de la méthode .. En 1643, le Conseil de l'Université de Descartes Utrecht condamné pour l'athéisme, alors accusé de pélagianisme, et après sa mort, certaines de ses œuvres sera condamné par l'. Contexte: Eglise de la philosophie de Descartes vie coïncide avec la fin de la Renaissance. D'un point de vue philoso-phique, nous pouvons dire que pendant un certain temps et que Dieu avait cessé d'être au centre des préoccupations philosophiques que dans le Moyen Age. L'homme devient l'objet principal de la philosophieet, en parti-culier, les questions liées àconnaissances. C'est le domaine dans lequel Descartes est considéré comme le fondateur et le principal représentant du rationaliste. Leibniz, Spinoza et Descartes lui-même bien sûr sont les principaux représentants du rationalisme. Descartes a développé une théorie sur le monde physique appelé tente mécanistes pour expliquer le monde comme une grande machine et sera le précurseur des conceptions matérialistes de poste, le rationalisme est l'opposition à l'empirisme an-glais de Locke et Hume. Ils, et surtout Hume, représentant l'opposition ra-dicale à la philosophie cartésienne a fondé un courant qui rejette l'exis-tence des idées innées et met sur une information sensorielle, la source et la limite de la connaissance humaine.

6

Page 7: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

Le Léviathan

Article détaillé : Le Léviathan.

Auteur des Éléments de la loi naturelle et politique en 1640, du Ci-toyen (De Cive) en 1641 et du Léviathan en 1651, Thomas Hobbes est l'un des premiers philosophes contractualistes qui tente de refonder la légitimi-té du pouvoir des dirigeants sur autre chose que la religion ou la tradition. Son projet est de fonder l'ordre politique sur un pacte entre les individus, afin de faire de l'homme un acteur décisif dans l'édification de son propre monde social et politique12. Sa réflexion politique est fondée sur son an-thropologie, qui fait de l'homme un être mû principalement par la crainte et le désir. Il doit ainsi sortir de l'état primitif et fonder un état artificiel sur les bases de la raison : c'est le passage de l'état de nature à l'état civil.Grand penseur de la souveraineté, Hobbes a opéré une révolution coperni-cienne par rapport à l'aristotélicisme, dominant dans la pensée scolas-tique, en faisant de l'état civil un état artificiel, issu du contrat social, et non un état naturel. Pour cela, il s’est approprié le langage de la « loi natu-relle », au sens scolastique, pour défendre une thèse qui synthétise les deux principales positions qui s’y opposaient (la théorie des droits natu-rels, issue de Grotius et Pufendorf, et le conventionnalisme humaniste). Ainsi, bien qu'il ait pensé les droits naturels de l'individu, Hobbes s'appa-rente davantage au positivisme juridique qu'au jusnaturalisme. Jean-Jacques Rousseau héritera de cette position, ainsi que de plusieurs autres concernant la souveraineté, refusant, en revanche, la théorie de la repré-sentation (exposée en particulier au chapitre XVI sur la « personne », qui précède immédiatement le chapitre sur l'institution de l'État).Psychologie morale[modifier | modifier le code]Pour Hobbes, la psychologie est l'étude de la propagation de mouvements matériels qui agissent sur les dispositifs physiologiques nerveux et pro-duisent les réactions et les attitudes. Il défend ainsi une position matéria-liste, comparant, dans son introduction au Léviathan, le corps humain à une machine. Concernant l'origine de la connaissance, il défend une posi-tion empiriste: toute connaissance provient des sens et de l'expé-rience (chap. I du Léviathan).Il s'oppose à la conception traditionnelle du bonheur, qui en fait un état stationnaire, en l'envisageant de façon dynamique (chap. XI). Le bonheur,

7

Page 8: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

pour lui, ne s'oppose pas à un « désir inquiet d'acquérir puissances après puissances » (chap. XI), car seule cette course à la puissance permet de s'assurer que l'on conservera bien son être et ses biens. Ainsi, le conatus, désir de conservation de soi-même, est immédiatement dynamique. Cette conservation n'est pas à entendre comme le simple désir de ne pas mou-rir, mais comme désir de « puissance » : conscient de l'avenir et de ceci que nous aurons toujours de nouveaux désirs, nous ne désirons pas tant des biens que des pouvoirs de nous satisfaire maintenant et toujours. C'est précisément cette forme du désir qui explique que nous sommes des êtres sociaux : nous savons que nous augmentons notre puissance par nos compétences propres (« pouvoirs naturels ») mais aussi par nos relations à autrui (« pouvoirs instrumentaux »). La société n'est pas, comme on le fait dire souvent à Hobbes, une réalité extorquée à l'homme par la crainte de la mort, mais une suite naturelle du développement de notre désir13.Selon Hobbes, il n'y a pas de bien et de mal à l'état de nature, mais seule-ment à l'état civil.L'état de nature[modifier | modifier le code]Hobbes est un des premiers à imaginer un état de nature pré-existant à la société humaine, afin d'y déceler comment les hommes y agiraient sans puissance commune qui les maintienne en respect14. C'est là une idée déjà ancienne et reprise et instrumentalisée dès le XIIIe siècle, par les adver-saires qu'étaient alors le roi Frédéric II et plusieurs papes successifs, pour justifier leur propre pouvoir. Toutefois, cet état de nature est un état my-thique et non réel. Hobbes se démarque nettement de la tradition poli-tique qui reposait sur Aristote, pour qui l'homme est un être naturellement politique, et sur Thomas d'Aquin ou Cicéron pour lesquels il existerait une « loi naturelle » immuable. Il considère l'homme comme sociable, non par nature, mais par accident : c'est par crainte de la mort violente qu'il fait société avec ses semblables15. L’état de nature est un état de la « guerre de tous contre tous » (Bellum omnium contra omnes). Il ne faut cependant pas attribuer à Hobbes l'idée qu'on lui attribue communément : jamais Hobbes n'a écrit que l’homme est « un loup pour l’homme à l'état de na-ture (homo homini lupus), selon une formule de Plaute16. Il écrit bien en revanche que, dans l’état civil, l'homme est à la fois un dieu et un loup pour l’homme17. Par le contrat, l'homme garantit ce qui ne l'est pas dans l’état de nature : liberté, sécurité et l’espoir de bien vivre. En effet : « Et certainement il est également vrai, et qu’un homme est un dieu à un autre homme, et qu’un homme est aussi un loup à un autre homme. L’un dans la comparaison des Citoyens les uns avec les autres ; et l’autre dans la considération des Républiques ; là, par le moyen de la Justice et de la Cha-rité, qui sont les vertus de la paix, on s’approche de la ressemblance de Dieu ; et ici, les désordres des méchants contraignent ceux mêmes qui sont les meilleurs de recourir, par le droit d’une légitime défense, à la force et à la tromperie, qui sont les vertus de la guerre, c’est-à-dire à la rapacité des bêtes farouches » (De Cive, Épître dédicatoire). Comme le montre bien cette citation, c'est bien dans le rapport entre les Républiques que l'homme est un loup pour l'homme : pour être un dieu pour son conci-

8

Page 9: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

toyen, l'homme doit être un loup pour ses ennemis. Hobbes a bien compris toute l'ambivalence de cette invention humaine qu'est l'État.L’état de nature ne doit pas être compris comme la description d’une réali-té historique, mais comme une fiction théorique. Il n'a jamais existé (ima-giner les hommes nés sans famille, par exemple), mais il est une hypo-thèse philosophique féconde, une construction de l'esprit qui vise à com-prendre ce que nous apporte l'existence sociale et à fonder le droit naturel de chacun aux moyens d'une vie satisfaisante18. Il représente ce que serait l'homme, abstraction faite de tout pouvoir politique et par conséquent de toute loi. Dans cet état, les hommes sont gouvernés par le seul souci de sa conservation. Et cependant, même dans une telle fiction, la légitime dé-fense se distingue de l'agression pure et simple : le droit naturel est irré-ductible. En outre, à l’état de nature, les hommes sont égaux, ce qui veut dire qu’ils ont les mêmes passions, les mêmes droits sur toutes choses, et les mêmes moyens (par ruse ou par alliance) d’y parvenir18. Chacun désire légitimement ce qui est bon pour lui, tente de se faire du bien et est seul juge des moyens nécessaires pour y parvenir. Comme les hommes ont également tendance à chercher la gloire et à nuire à autrui sans souci, ils ne peuvent qu'entrer en conflit les uns avec les autres pour obtenir ce qu'ils jugent bon pour eux19.La puissance anarchique de la multitude domine à l'état de nature. Doué de raison, c’est-à-dire de la faculté de calculer et d’anticiper, l'homme pré-voit le danger, et attaque avant d’être attaqué. Chacun est donc persuadé d'être capable de l'emporter sur autrui et n'hésite pas à l'attaquer pour lui prendre ses biens. Des alliances éphémères se nouent pour l'emporter sur un individu. Mais à peine la victoire est-elle acquise que les vainqueurs se liguent les uns contre les autres pour bénéficier seuls du butin.Cette guerre est si atroce que l'humanité risque même de disparaître. C'est une situation proprement humaine et qui n'est pas dépourvue de re-lations sociales, mais qui aboutirait à une vie « solitaire, besogneuse, bes-tiale et brève »20. À ceux qui penseraient que cette vision de l'humanité est pessimiste, Hobbes rétorque que même à l'état social où pourtant existent des lois, une police et des juges, néanmoins nous fermons à clef nos coffres et nos maisons de peur d'être détroussés. Or l'état de nature est sans loi, sans juge et sans police… C’est l’angoisse de la mort (la mort violente) qui, résultant de l'égalité naturelle, est responsable de l’état de guerre et fait peser sur la vie de tous une menace permanente. Cet état, fondamentalement mauvais, ne permet pas la prospérité, le commerce, la science, les arts, la société. Si ce n'est pas là une conception de la situa-tion humaine comme telle, c'est précisément qu'elle est une fiction : elle fait abstraction des rapports politiques qui ont toujours accompagné les sociétés humaines, pour mieux mettre en lumière une tendance de la vie sociale humaine, comme Galilée fait abstraction de l'air et de tout milieu ambiant pour dégager la tendance propre de la pesanteur, dans la chute des corps. L'état de nature ne fonde pas l'anthropologie et la théorie hob-besienne de la société, et c'est pour cela que dans tous les ouvrages qui exposent la pensée anthropologique et politique de Hobbes, le chapitre

9

Page 10: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

sur l'état de nature est toujours précédé des chapitres d'anthropologie, qu'il ne fonde nullement.L'état civil et le pouvoir souverain[

Thomas Hobbes, un penseur auquel Rousseau s'oppose en s'en inspi-rant. « Le célèbre Anglais Thomas Hobbes, professeur académique de Son Altesse le prince de Galles », gravure anonyme pour l'édition de 1647 du De Cive.

Une humanité livrée à elle-même, sans ordre social coercitif, aurait fini par disparaître. Ce qui sauve l'homme d'un tel état n'est autre que sa peur de mourir et son instinct de conservation. L'homme comprend que pour sub-sister, il n'y a pas d'autre solution que de sortir de l'état de nature. Ce sont les passions d'une part, la raison d'autre part, qui le poussent à sortir de l'état de nature. Du côté des passions, la peur de la mort, le désir des choses nécessaires à la vie et l'espoir de les obtenir par son travail mo-tivent cette sortie hors de l'état de nature ; du côté de la raison, celle-ci « suggère les articles de paix adéquats, sur lesquels ils se mettront d'ac-cord », que Hobbes appelle « lois de nature » (à ne pas confondre avec le droit naturel)21. Cependant, pour Hobbes, cela ne signifie pas qu'il n'y pas de droit naturel : « le droit naturel est la liberté que chacun a d'user de sa propre puissance, comme il le veut lui-même pour la préservation de sa propre nature, autrement dit de sa propre vie, c'est celui de préserver sa propre vie », ce par tous les moyens qu'il juge bon22.Les « lois de nature »23 sont dictées par la raison et conduisent à limiter le droit naturel de chacun sur toutes choses. La première et fondamentale loi de nature est qu'il faut rechercher la paix et ne rechercher le secours de la guerre que si la première est impossible à obtenir. Ces lois naturelles sont éternelles et immuables24, car elles reposent sur la rationalité. Mais elles doivent être appliquées par tous. Pour y arriver, dit Hobbes, il est néces-saire de renoncer à tous ses droits, car rien ne peut garantir l'application par tous de la loi naturelle. C'est là qu'intervient la théorie du contrat social (Hobbes lui-même n'utilise pas cette expression précise).Ce qui va fonder a priori l'état civil, c'est un contrat passé entre les indivi-dus, qui permet de fonder la souveraineté. Par ce contrat, chacun trans-fère tous ses droits naturels, à l'exception des droits inaliénables, à une « personne » qui est appelée le Souverain, dépositaire de l'État, ou « Lé-viathan ». Chacun devient alors « sujet » de ce Souverain, en devenant aussi « auteur » de tous les actes du souverain. Par ce contrat, la multi-tude des individus est ramenée à l'unité du souverain :« Le seul moyen d'établir pareille puissance commune, capable de dé-fendre les humains contre les invasions des étrangers et les préjudices commis aux uns par les autres, (...), est de rassembler toute leur puis-sance et toute leur force sur un homme ou une assemblée d'hommes qui

10

Page 11: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

peut, à la majorité des voix, ramener toutes leurs volontés à une seule vo-lonté; ce qui revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée d'hommes, pour porter leur personne ; et chacun fait sienne et reconnaît être lui-même l'auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leur personne, et relevant de ces choses qui concernent la paix com-mune et la sécurité ; par là même, tous et chacun d'eux soumettent leurs volontés à sa volonté, et leurs jugements à son jugement. C'est plus que le consentement ou la concorde : il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et même personne, faite par convention de chacun avec chacun, de telle manière que c'est comme si chaque individu devait dire à tout indivi-du : j'autorise cet homme ou cette assemblée d'hommes, et je lui aban-donne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même ma-nière25. »Le contrat est plus qu'un simple consentement, car il vise à instaurer une « puissance commune » capable de tenir chacun en respect, en imposant le respect des conventions par la crainte du châtiment et de la sanction pénale. Chacun contracte avec chacun en vue de transférer ses droits à un Souverain qui les détiendra tous. Les seuls droits inaliénables sont ceux qui visent à protéger sa vie : on ne peut aliéner « le droit de résister à ceux qui vous agressent pour vous ôter la vie », non plus qu'à résister à ceux qui veulent vous emprisonner ou vous mettre dans les fers.Lois de nature et lois civiles[

Portrait de Baruch Spinoza par Franz Wulfhagen (1664, coll. priv.)

Par le biais de sa puissance, le souverain est ainsi la garantie que les hommes ne retomberont pas dans l'anarchie de l'état de nature ; et il met-tra en application ce pour quoi il a été fait en promulguant des lois ci-viles auxquelles tous doivent se soumettre « De même que pour parvenir à la paix et grâce à celle-ci à leur propre conservation, les humains ont fabriqué un homme artificiel, que nous appelons un État, de même ils ont fabriqué des chaînes artificielles appelées lois civiles »26. Le Souverain a donc pour fin la conservation des individus.Or, « la loi de nature et la loi civile se contiennent l'une l'autre et sont d'égale étendue » : c'est en effet la puissance souveraine qui, par la contrainte, permet de faire des lois de nature des véritables lois ; aupara-vant, ce ne sont que « des qualités qui disposent les humains à la paix et à l'obéissance »27. Ainsi, c'est le droit positif qui, rassemblant lois de nature et lois civiles, dicte ce qui est le juste et l'injuste, le bien et le mal, lesquels n'existent pas à l'état de nature28. Pour cette raison, Hobbes est considéré comme fondateur du positivisme juridique, par contraste avec les tenants du jusnaturalisme. Il partage aussi ce qu'on pourrait appeler, selon les termes de John Austin, une théorie du droit en tant que commandement

11

Page 12: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

appuyé par la menace d'une sanction ; la loi est l'expression de la volonté du souverain en ce qui concerne le juste et l'injuste (right et wrong).Enfin, bien que Hobbes ait souvent été présenté comme un penseur légiti-mant la monarchie absolue, et qu'il fait en effet l'éloge de la monar-chie par rapport à l'aristocratie ou à la démocratie, il a toutefois aussi théorisé des limites au pouvoir. Il précise d'abord que « la différence entre ces trois types d'État [monarchie, aristocratie et démocratie] ne consiste pas en une différence quant à la puissance, mais en une différence quant à la capacité ou aptitude à procurer la paix et la sécurité au peuple »29. Quel que soit le régime politique, la souveraineté a la même puissance.D'autre part, les limites au pouvoir sont de deux types : celles qui pro-viennent des droits naturels inaliénables, et celles qui proviennent des lois naturelles30. Hobbes distingue le droit, qui consiste en « la liberté de faire ou de ne pas faire » (liberté qu'il définit elle-même par « l'absence d'en-traves extérieures »), de la loi, qui « détermine et contraint dans un sens ou dans l'autre, en sorte que la loi et le droit diffèrent autant que l'obliga-tion et la liberté, et se contredisent s'ils sont appliqués à un même ob-jet »31. Il distingue ensuite entre la liberté naturelle, qui ne s'oppose pas à la nécessité (ni à la peur) et qui consiste à n'empêcher de faire ce que l'on veut faire, et la « liberté des sujets » ou liberté civile32.La liberté civile réside uniquement dans le « silence de la loi »: c'est la li-berté de faire tout ce que la loi n'interdit pas. Mais les lois elles-mêmes sont limitées par le « droit naturel », c'est-à-dire par la liberté ou puis-sance de chacun (conception proche de celle de Spinoza). Ainsi nul n'a d'obligation de se soumettre à l'emprisonnement ou à la peine de mort : en ce cas, chacun a la « liberté de désobéir » et le droit de résister par la force. « Nul n'est contraint », non plus, « de s'accuser soi-même »33. Les lois naturelles (qui sont contenues dans les lois civiles et ont la même ex-tension) empêchent non seulement de s'accuser soi-même, mais pro-hibent aussi l'usage des témoignages obtenus sous la torture. Enfin, dans le chapitre sur les crimes et les châtiments, Hobbes laisse une place à quelques principes qui font aujourd'hui partie de ce qu'on appelle l'« État de droit » :

principe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité ; si la peine est plus grande que ce que la loi a prescrit, il ne s'agit plus

d'un châtiment, mais d'un acte d'hostilité ; de même, en cas de détention préventive, « tout mal subi par celui qui

est dans les fers ou entravé, au-delà de ce qui est nécessaire pour le garder à vue, et avant que sa cause ne soit entendue, est contraire à la loi de nature » ;

la punition des sujets innocents est aussi contraire à la loi de nature.De façon générale, toute peine qui ne vise pas à favoriser l'obéissance des sujets n'est pas une peine, mais un acte d'hostilité (la vengeance, par exemple, ne peut pas être une sanction pénale). Et tout acte d'hostilité

12

Page 13: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

conduit à légitimer la résistance des sujets, qui deviennent de facto enne-mis de l'État34.Causes de dissolution de l'État[modifier | modifier le code]Le pouvoir souverain, qui décide des lois, des récompenses ou des puni-tions, en vue de la conservation de chacun et de permettre à chacun de conserver sa propriété privée et de contracter avec d'autres individus, au-quel tous les individus sont soumis, reste toutefois fragile : le Léviathan est un « dieu mortel »35. Les causes de dissolution sont les suivantes36 :

l'imperfection de leurs institutions ; l'absence de pouvoir vraiment absolu ; le jugement privé de chacun sur ce qui est bon ou mal ; des mauvais préjugés contre le pouvoir ; prétendre être inspiré divinement ; l'assujettissement de la puissance souveraine aux lois civiles ; l'attribution à des sujets d'une propriété absolue ; la guerre avec les nations voisines ; l'émancipation du religieux de la sphère publique.La religion[

Moïse et les dix commandements, tableau de Philippe de Champaigne.

Hobbes a entièrement conscience du problème théologico-politique, c'est-à-dire des problèmes et des interférences souvent néfastes entre la sphère religieuse (chrétienne) et la sphère politique. Notamment parce qu'il a connu lui-même les guerres de religion en Angleterre. C'est ainsi qu'il consacre pratiquement la moitié de son œuvre politique à la question religieuse.Le pouvoir ecclésiastique n'est que le pouvoir d'enseigner37. Il ne peut donc pas se permettre d'imposer des règles de lui-même aux individus. C'est la religion catholique qui est clairement visée par Hobbes, car elle est une sphère de pouvoir autonome et crée une dualité entre le pouvoir souverain civil et le pouvoir ecclésiastique, entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Hobbes résout le problème en subordonnant le pouvoir religieux au pouvoir politique, de sorte que le souverain décide des ques-tions religieuses et tous doivent lui obéir : « Dieu parle par ses vices-dieux ou lieutenants ici sur terre, c'est-à-dire par les rois souverains »38. De plus, puisque le souverain est institué par la volonté de tous, et doit faire res-pecter les lois de nature, qui sont de Dieu, il n'y a pas d'opposition fla-grante.Hobbes est encore l'un des pionniers de l'exégèse historico-critique. En particulier, il fut le premier à dire ouvertement39, contre la tradition, que Moïse n'était pas l'auteur du Pentateuque40.

13

Page 14: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

Postérité politique[modifier | modifier le code]Hobbes est encore très présent aujourd'hui. On peut même l'opposer à Rousseau dans les conflits politiques liés à l'application de la souveraineté démocratique. Il est reconnu comme étant le penseur d'une bourgeoi-sie éclairée de pouvoir, puisque amené à résumer parfois les contraintes politiques ainsi : faire le bien de la société civile parfois malgré elle. Si l'homme emboîté dans les contraintes des destinées communes vient à protester contre ceux qui les commandent, il faudra juger de la recevabili-té de ses griefs au regard des impératifs devant mener au développement de la société chaque jour renouvelée.Hobbes peut être vu comme le véritable fondateur de la « doctrine mo-derne du contrat social ». Il a repris de Jean Bodin le concept novateur de souveraineté tout en l'articulant avec celui de droit naturel développé par Hugo Grotius et celui de contrat social, pour véritablement proposer une synthèse cohérente : « il pense le droit naturel à partir d'une anthro-pologie indépendante de toute morale. Il fait également du corps politique une personne et rompt tout lien entrl'histoire en concevant le contrat comme un artifice ou une fiction41. »

PhilosophieLes principes

Article détaillé : De l'esprit des lois.

Tome II, édition de 1749 chez Châtelain.

Dans cette œuvre capitale, qui rencontra un énorme succès, Montesquieu tente de dégager les principes fondamentaux et la logiquedes différentes institutions politiques par l'étude des lois considérées comme simples rap-ports entre les réalités sociales. Cependant après sa mort, ses idées furent souvent radicalisées et les principes de son gouvernement monarchique furent interprétés de façon détournée. Ce n'est qu'au moment de la Révo-lution française que les révolutionnaires monarchiens tenteront vainement de les faire adapter par l'Assemblée constituante pour contrer l'abbé Sieyès, partisan de la rupture avec tout héritage et tout modèle.Son œuvre, qui inspira les auteurs de la constitution de 1791, mais égale-ment des constitutions suivantes, est à l'origine du principe de distinction des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, base de toute république.Il est aussi considéré comme l'un des pères de la sociologie, notamment par Raymond Aron.

14

Page 15: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

Cependant, malgré l'immensité de son apport à la théorie moderne de la démocratie parlementaire et du libéralisme, il est nécessaire de replacer un certain nombre de ses idées dans le contexte de son œuvre, De l'esprit des lois :

1. Il n'a pas eu de réflexion réellement poussée sur le rôle central du pouvoir judiciaire ;

2. Il n'a jamais parlé d'une doctrine des droits de l'homme ;3. La réflexion sur la liberté a moins d'importance à ses yeux que celle

sur les règles formelles qui lui permettent de s'exercer.La distribution des pouvoirs

Article connexe : Séparation des pouvoirs.

Montesquieu prévoit la « distribution des pouvoirs » au chapitre 5 de De l'esprit des lois. Montesquieu distingue trois pouvoirs : la « puissance légis-lative », la « puissance judiciaire des choses qui dépendent du droit des gens », chargée particulièrement des affaires étrangères et de la défense, et la « puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil », qui correspondent respectivement à ce que l'on nomme aujourd'hui le pouvoir législatif, judiciaire et exécutif. Ceux-ci devraient être séparés et dépen-dants les uns des autres afin que l'influence de l'un des pouvoirs ne prenne pas l'ascendant sur les deux autres. Ainsi, Montesquieu est l'un des penseurs ayant inspiré le principe de séparation des pouvoirs, aujourd'hui encore considéré comme un élément essentiel des gouvernements répu-blicains et démocratiques. Cette conception était radicale en ce qu'elle contestait la structure en trois États de la monarchie française: le clergé, l'aristocratie et le peuple, représentés au sein des États généraux, effa-çant ainsi le dernier vestige du féodalisme.Selon Pierre Manent 10 , il n'y a principalement chez Montesquieu que deux pouvoirs : l'exécutif et le législatif, qu'un jeu institutionnel doit mutuelle-ment restreindre. Le principal danger pour la liberté viendrait du législatif, plus susceptible d'accroître son pouvoir. Les deux pouvoirs sont soutenus par deux partis qui, ne pouvant ainsi mécaniquement pas prendre l'avan-tage l'un sur l'autre, s'équilibrent mutuellement. Il s'agit selon Manent de « séparer la volonté de ce qu'elle veut » et ainsi, c'est le compromis qui gouverne, rendant les citoyens d'autant plus libres.Les régimes politiquesMontesquieu s'appuie sur l'importance de la représentation. Les corps in-termédiaires sont les garants de la liberté — la Révolution française mon-trera toute son ambiguïté quand elle supprimera les corporations, défen-dant à la fois la liberté du travail et dissipant les corps intermédiaires, lais-sant l'individu seul face à l'État — et le peuple doit pouvoir simplement élire des dirigeants.Montesquieu distingue alors trois formes de gouvernement11 — dans les deux premiers, la transparence est indispensable —, chaque type étant

15

Page 16: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

défini d'après ce que Montesquieu appelle le « principe » du gouverne-ment, c'est-à-dire le sentiment commun qui anime les hommes vivant sous un tel régime :

la monarchie, « où un seul gouverne, mais par des lois fixes et éta-blies »11, fondée sur l'ambition, le désir de distinction, la noblesse, la franchise et la politesse12 ; le principe en est l'honneur;

la république, « où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance »11, comprenant deux types : la démocratie, régime libre où le peuple est souverain et sujet. Les

représentants sont tirés au sort parmi les citoyens qui sont tous égaux. Elle repose sur le principe de vertu (dévouement, patrio-tisme, comportements moraux et austérité traditionaliste, liberté, amour des lois et de l'égalité)13. Montesquieu voit ce système comme plus adapté aux communautés de petite taille ;

l'aristocratie, régime où un type de personnes est favorisé à travers les élections. Repose sur le principe de modération (fondée sur la vertu et non sur une « lâcheté ou paresse de l'âme »14) pour éviter le glissement à la monarchie ou le despotisme

Le principe en est la vertu.

et le despotisme, régime d'asservissement où « un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices »11 dirigé par un dictateur ne se soumettant pas aux lois, qui repose sur la crainte15.

Selon le jugement actuel, il est surprenant de constater que, pour Montes-quieu, la monarchie permet plus de liberté que la république puisqu'en monarchie il est permis de faire tout ce que les lois n'interdisent pas alors qu'en république la morale et le dévouement contraignent les individus.Les régimes libres dépendent de fragiles arrangements institutionnels. Montesquieu affecte quatre chapitres De l'esprit des lois à la discussion du cas anglais, un régime libre contemporain dans lequel la liberté est assu-rée par la balance des pouvoirs. Montesquieu s'inquiétait que, en France, les pouvoirs intermédiaires comme la noblesse s'érodaient, alors qu'à ses yeux ils permettaient de modérer le pouvoir du prince.[réf. nécessaire]

Comme nombre de ses contemporains, Montesquieu tenait pour évidentes certaines opinions qui prêteraient aujourd'hui à controverse. Alors qu'il dé-fendait l'idée qu'une femme pouvait gouverner, il tenait en revanche qu'elle ne pouvait être à la tête de la famille. Il acceptait fermement le rôle d'une aristocratie héréditaire et de la primogéniture, qui permet de conserver les patrimoines.[réf. nécessaire]

Alors que, selon Thomas Hobbes, l'homme a pour passion naturelle la quête de pouvoir, Montesquieu ne voit de danger que dans « l'abus du pouvoir », considérant que celui qui dispose d'un pouvoir est naturelle-ment porté à en abuser. Il convient dès lors d'organiser les institutions, notamment en instaurant une séparation des pouvoirs : « pour qu'on ne

16

Page 17: LYCEE DES CADRES DE NOUAKCHOTT€¦ · Web viewprincipe de connaissance de la loi (« nul n'est censé ignorer la loi ») ; principe de non-rétroactivité si la peine est plus grande

puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pou-voir arrête le pouvoir. »

17