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Macules dépigmentées du tronc

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Page 1: Macules dépigmentées du tronc

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 563—565

CAS POUR DIAGNOSTIC

Macules dépigmentées du tronc

Mycosis fungoides with depigmentation

M. Rafaaa, A. Cauvaina, A. Awwada, M. Grossinb,M.-L. Sigal a,∗

a Service de dermatologie, hôpital Victor-Dupouy, 69, rue du LC-Prudhon,95100 Argenteuil, Franceb Service d’anatomie-pathologique, hôpital Victor-Dupouy, 69, rue du LC-Prudhon,95100 Argenteuil, France

té le 24 juin 2010aout 2010

F

Recu le 21 mai 2010 ; accepDisponible sur Internet le 5

Observation

Un homme de 20 ans, né en France de parents sénégalais,nous était adressé pour avis diagnostique.

Ce patient n’avait pas d’antécédents particuliers, ilétait en bonne santé. L’anamnèse indiquait l’existence,depuis l’âge de six ans, d’une lésion dépigmentée du brasgauche, puis l’extension progressive d’autres lésions authorax, qui s’étendaient plus rapidement depuis deux anset entraînaient une gêne esthétique. Les lésions étaientasymptomatiques. À l’examen clinique, nous avions notéde nombreuses macules dépigmentées, très finement squa-meuses arrondies ou ovalaires sans bordure nette, de 2 à5 cm de diamètre, parfois confluantes, prédominant au tronc(Fig. 1), aux membres supérieurs et à la racine des cuisses.On notait une xérose modérée et diffuse du torse. Le visageétait épargné. Le reste de l’examen somatique était normal.

Le bilan biologique était normal ou négatif pour les

paramètres suivants : hémogramme, CRP, ionogramme, bilanhépatique, LDH, électrophorèse des protides, FAN, complé-ment et ses fractions. Plusieurs biopsies cutanées avaientété faites.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M.-L. Sigal).

0151-9638/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droitsdoi:10.1016/j.annder.2010.06.012

igure 1. Macules dépigmentées du tronc.

Quel est votre diagnostic ?

réservés.

Page 2: Macules dépigmentées du tronc

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Hypothèses du comité de rédaction

Les hypothèses du comité de rédaction étaient :• une sarcoïdose ;• des dartres ;• un mycosis fongoïde (MF) ;• une lèpre ;• un lupus érythémateux subaigu.

Commentaires

Les lésions n’étaient pas hypoesthésiques. L’examen his-topathologique (Fig. 2) mettait en évidence un épidermeortho- et parakératosique d’épaisseur normale, infiltré pardes éléments lymphoïdes de taille variable, à noyaux irrégu-liers, parfois cérébriformes, sans spongiose ni vésiculation.Ces lymphocytes se regroupaient par place dans la couchebasale, réalisant des microabcès de Pautrier. Le derme étaitle siège d’un infiltrat lymphohistiocytaire peu abondant.

La confrontation anatomoclinique était en faveur d’unMF dans une forme dépigmentante.

L’immunohistochimie montrait un infiltrat épidermiqueCD3+, CD4− et CD8+, dans le derme, les cellules étaient pourla plupart CD3+, CD4+ et CD68+ avec un petit contingentde cellules CD8+. La recherche d’une clonalité lymphocy-taire cutanée et sanguine était négative. Un traitement parphotothérapie était proposé.

Le MF hypopigmenté est une forme clinique rare dela maladie. Cette forme sémiologique a été décrite pourla première fois en 1978 et plus d’une centaine de casont été rapportés [1—3]. La forme hypopigmentée du MFprésente des particularités épidémiologiques et immuno-phénotypiques. Elle touche principalement les sujets dephototype IV—V et atteint des sujets plus jeunes et enparticulier, les enfants [4—7]. La prévalence du MF dansla population générale est estimée à 0,36 pour 100 000 caspar an et touche typiquement une population adulte [7].L’atteinte pédiatrique est rare, estimée de 4 à 11 % avecune prévalence de 0,1 par million d’habitants pour les 0 à19 ans et de 0,3 par million pour les dix à 19 ans [7—9]. Dansune étude rétrospective concernant 131 patients atteints

Figure 2. Microabcès de Pautrier infiltrant l’épiderme (colorationHES).

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C

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M. Rafaa et al.

e MF et de syndrome de Sézary, l’aspect hypopigmentétait trouvé dans 36 % des cas : ceux-ci étaient significa-ivement plus jeunes que les sujets atteints de formeslassiques de MF (âge médian = 17 ans versus 33 ans) [5]. Uneérie récente de 22 cas pédiatriques concluait égalementue l’aspect dépigmenté est, après l’aspect classique deF en plaques, la forme clinique la plus fréquemment ren-ontrée chez l’enfant (59 % des enfants) [7]. Chez le jeunenfant ou l’adolescent, le retard diagnostique était de cinqns en moyenne [8], d’autant que la forme hypopigmentéeeut orienter vers d’autres diagnostics : eczématides achro-iantes, vitiligo, lèpre, dépigmentation postinflammatoire

ur peau noire [3]. Le diagnostic de MF dépigmenté étaitait plus précocement chez l’enfant de peau noire, pro-ablement parce qu’il était plus visible pour les parents7]. L’aspect histologique est non différentiable des MFlassiques : épidermotropisme, infiltrat lymphoïde atypiquevec un noyau typiquement cérébriforme, associé de faconnconstante à des abcès de Pautrier. Le MF hypopigmentée caractérise en revanche par un phénotype fréquemmentD8+, contrairement au MF classique le plus souvent CD4+8,10]. Ce phénotype semblerait par ailleurs plus particulierux formes de l’enfant et de l’adolescent, indépendammente la couleur de la peau [11].

Dans la série pédiatrique, le phénotype cytotoxique CD8+tait plus fréquent que le phénotype facilitateur CD4+ (67 %ersus 33 %). Une clonalité cutanée était trouvée dans 21 %es cas [7].

Chez le patient au moment du diagnostic, la maladie étaitu stade IA ou IB [7,8]. Globalement, le pronostic du MFépigmenté semble identique à celui des autres formes cli-iques, dans la série de 34 MF à début infantile, avec uneériode médiane de suivi de six ans (extrême 1—45 ans),5 % des cas étaient restés aux stades IA ou IB [8]. Les traite-ents proposés sont le plus fréquemment ceux du stade I de

a classification TNM : dermocorticoïdes seuls ou associés àne photothérapie (TL01 ou PUVAthérapie) [7]. La méchlor-thamine a également été proposée [3,4].

onflit d’intérêt

ucun.

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Mycosis fongoïde dépigmentant

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