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Jean-Pierre MAGNAN Directeur technique
Chargé du pôle Géotechnique Laboratoire Central des Ponts et Chaussées
Cet article est issu du texte de la conférence présentée par l'auteur lors de la Conférence spécialisée de l'ASCE consacrée aux déformations verticales et horizontales des fondations et des remblais et tenue à College Station (Texas) du 16 au 18 juin 1994 (Settlement 94).
Introduction
RESUME
L'article analyse les évolutions observées au cours des dix dernières années dans la pratique de la construction des remblais sur sols mous : utilisation accrue des renforcements par colonnes rigides (pieux) ou semi-rigides (colonnes ballastées, pieux de sable compacté, colonnes de sol traité par jet à haute pression), emploi plus important des drains plats préfabriqués, renaissance de la technique du préchargement par le vide, développement de la construction des remblais ultralégers. Une attention particulière est accordée à trois techniques : préchargement par le vide, spé-
1 cifications relatives aux propriétés des drains ver-I ticaux plats préfabriqués, construction de rem-! biais sur pieux, pour lesquelles des exemples î concrets sont analysés.
1 MOTS CLÉS : 42 - Remblai - Argile - Sous-sol -I Compressibilité - Tassement - Prévention - Pieu -I Colonne ballastée - Évacuation des eaux -| Préchargement (sol) - Léger - Évolution -f Vertical - Préfabrication.
Les argiles molles et autres types de sols compressibles subissent souvent des tassements importants sous les charges qui leur sont appliquées. Si l 'on dispose de résultats d'essais de laboratoire sur un nombre suffisant d 'échanti l lons de sols représentatifs et suffisamment non remaniés, on peut en général obtenir de bonnes estimations des tassements totaux en utilisant les courbes de compressibil i té œdométr ique, à condition de tenir compte des tassements secondaires (fluage). Les courbes de tassement au cours du temps sont parfois plus difficiles à prévoir, par exemple dans le cas des massifs de sols hétérogènes ou lorsque les conditions aux limites pour le drainage ne sont pas connues précisément. Mais notre expérience montre que l 'on peut tout de même en obtenir des estimations fiables en employant les outils existants, qui exploitent notamment les tassements et déplacements horizontaux réels du sol mesurés pendant la construction, que l 'on extrapole au moyen de fonctions exponentielles ou logarithmiques du temps.
Les tassements totaux et vitesses de tassement calculés (ainsi que les déplacements horizontaux, qui sont le plus souvent proportionnels aux tassements ; Bourges et Mieussens, 1979 ; Tavenas et al, 1979) ne sont pas toujours acceptables : dans certains cas, i l faut éviter de provoquer des tassements différentiels des ouvrages voisins (ponts, bâtiments, routes ou voies ferrées) ; dans d'autres, i l est nécessaire de limiter les efforts horizontaux ou le frottement négatif sur des fondations profondes. Suivant les conditions existant sur chaque site, des mesures spécifiques doivent être prises pour contrôler soit l'amplitude totale du tassement (et du déplacement horizontal), soit le tassement (ou le déplacement horizontal) qui se produit au bout d'un certain délai.
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Jusqu ' à la fin des années 1970, les principales techniques utilisées pour maîtriser les amplitudes et vitesses de tassement des sols mous étaient les suivantes (Pilot, 1977, 1981) :
— préchargement , — préchargement avec drains verticaux, — remplacement partiel ou total des sols mous par des matériaux granulaires, — colonnes ballastées, — fondations sur pieux (ponts), — et, dans quelques cas, l 'électro-osmose ou l'électroinjection.
A u cours des années 1980, de nouvelles techniques sont devenues populaires : — les matériaux légers, — les inclusions rigides, de type pieu ou colonne de sol traité au ciment (« jet grouting »), — le renforcement par nappes horizontales de géotextiles.
Des modifications importantes se sont aussi produites dans la technique du drainage vertical, où les drains de sable ont été remplacés par des drains verticaux préfabriqués, plats ou cylindriques.
Néanmoins , ces techniques anciennes ou plus récentes dépendent toutes fortement de la qualité des données sur les sols qui seront employées pour le dimensionnement. Si l 'on ne peut pas faire d'estimations fiables des pressions interstitielles initiales et des propriétés des sols (modules, coefficients de perméabil i té et de consolidation, indice de fluage, pression de préconsolidation), les techniques de maîtrise des tassements listées ci-dessus peuvent donner des résultats très insatisfaisants, bien que les principes physiques et mécaniques servant de base à ces méthodes soient bien établis.
Comme de nombreux rapports et articles ont déjà porté sur les méthodes d 'améliorat ion ou de renforcement des sols mous au cours des vingt dernières années, le présent article sera orienté vers les aspects pratiques de la maîtrise des tassements des sols mous et sur la pertinence des spécifications de projets. Plusieurs exemples seront également analysés, pour le préchargement par le vide, les propriétés des drains verticaux et la construction de remblais sur pieux.
Quelques ouvrages utiles Différents livres et conférences ont été consacrés à la construction des remblais sur sols mous depuis 1980. On peut citer les suivants : — Soft clay engineering, sous la direction d ' E . W .
Brand and R.p. Brenner, ouvrage issu des rapports généraux du Symposium international sur
les aspects géotechniques des argiles molles (International Symposium on Geotechnical Aspects of Soft Clays), tenu à Bangkok en 1977 (Elsevier, 1981); — Congrès européen de mécanique des sols et des travaux de fondations, Hels inki , 1983 ; — Seminar on soil improvement and construction techniques in soft ground, Singapour, 1984 ; — Remblais sur argiles molles (Technique et documentation, Paris, 1985) par S. Leroueil, J.-P. Magnan et F . Tavenas, traduit en anglais par D . M . Wood (Embankments on soft clays, El l i s Horwood, 1990) ; — Embankments on soft clays (Bulletin of the Public Works Research Center, K E D E , Athens, Special Publication, 1987) ; — International Symposium on the Geotechnical Engineering of Soft Soils, Mexico City, 1987 (So-ciedad Mexicana de Mecanica de Suelos, 2 volumes) ; — International Symposium on Trial Embankments on Malaysian Marine Clays, Kuala Lumpur, nov. 1989, 2 volumes, Malaysian Road Administration.
De plus, on peut trouver des informations utiles dans les comptes rendus de nombreux symposia et conférences, tels que : — le Symposium international sur le renforcement en place des sols et des roches, tenu à Paris en octobre 1984 ; — le Symposium sur le polystyrène en remblai routier (Plastic foam in road embankments), tenu à Oslo en 1985 ; — la Conférence de l'Institution des ingénieurs civils britanniques sur la construction dans les sites marginaux et à l'abandon ( I C E Conference on Building on Marginal and Derelict Land), tenue à Glasgow en 1986 ; — la 9e Conférence géotechnique d 'As ie du sud-est (9th Southeast Asian Geotechnical Conference), tenue à Bangkok en 1987 ; — le Symposium international sur la théorie et la pratique du renforcement des sols (International Symposium on Theory and Practice of Earth Reinforcement), tenu à Fukuoka, Kyushu en octobre 1988 ; — la Conférence de I ' A S T M sur l 'améliorat ion des sols, tenue à Las Vegas en 1990 (Deep Foundation Improvements : Design, Construction and Testing, S T P 1089) ; — le 10e Congrès européen de mécanique des sols et des travaux de fondations (Déformations des sols et déplacements des structures), tenu à Florence en 1991 ; — la Conférence de l ' A S C E sur l'injection, l 'améliorat ion des sols et les géosynthétiques (Grouting, Soi l Improvement and Geosynthetics), tenue à L a Nouvelle-Orléans (New Orleans) en 1992 ; — le Symposium international sur le renforcement
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des sols : Expérimentat ions en vraie grandeur des années 80, tenu à Paris en 1993 (École Nationale des Ponts et Chaussées) .
Méthodes de construction des remblais sur sols mous : généralités Avant de passer en revue les méthodes de construction qui permettent de maîtriser les amplitudes et vitesses de tassements, i l convient de rappeler que le choix entre ces méthodes dépend de nombreux facteurs, dont certains (coût, disponibilité des équipements techniques, etc.) ne sont pas purement techniques. Le tableau I donne quelques indications sur les avantages et inconvénients des méthodes disponibles.
Techniques classiques de réduction des tassements : évolutions récentes
Préchargement
L'efficacité du préchargement pour réduire les amplitudes et vitesses de tassement à long terme dépend beaucoup plus de la capacité de l ' ingénieur géotechnicien à évaluer correctement les conditions géotechniques du site et les propriétés du sol que de tout autre facteur. L a qualité des
prévisions des tassements au cours du temps a été améliorée par une meilleure compréhension de la contribution du fluage (compression secondaire) aux déformations des argiles molles (Mesri et Castro, 1987 ; Magnan et al., 1979 ; Magnan, 1992). A part cela, la seule amélioration observée au cours de la période récente a été la renaissance de la technique de la consolidation par le vide, qui avait été largement discutée au début des années 1970, mais avait ensuite disparu à cause de la mauvaise qualité des membranes disponibles et des déficiences des équipements et des procédures de chantier.
Le préchargement par le vide est devenu une technique fiable au cours des dernières années grâce aux développements technologiques de la société Ménard-Soltrai tement (Cognon, 1991). L a méthode combine des drains verticaux (drains tubulaires perforés avec une gaine géotextile), une membrane imperméable , une technique spécifique pour assurer le contact entre les bords de la membrane et le sol, et un équipement de pompage efficace, comportant une pompe à air + eau et une pompe à air. Plus de quinze sites ont été traités j u s q u ' à présent par cette technique. Ils ont des superficies comprises entre 3 000 et 80 000 m 2 , avec des durées de pompage comprises entre trois et six mois. Ces travaux se sont déroulés sans difficultés, à l'exception d'un cas où le réseau de drains verticaux avait été mal dimensionné. L 'expér ience a montré qu ' i l est moins onéreux d'augmenter le nombre de drains
TABLEAU I Principales caractéristiques des méthodes utilisées pour maîtriser les tassements
Méthodes Données nécessaires Contraintes Fiabilité Commentaires
Préchargement Compressibilité Perméabilité
Temps nécessaire Faible si les tassements désirés sont petits
Lent Bon marché
Préchargement avec drains verticaux
Compressibilité Perméabilité horizontale et verticale
Moins de temps nécessaire
Plus souple Rapide Relativement cher
Remplacement de l'argile molle
Épaisseur de la couche Dépôt pour les sols extraits Nouveau remblai
Bonne en cas de remplacement total
Cher Rapide
Colonnes ballastées et pieux de sable compacté
Résistance et détormabilité du sol
Equipement Essais préliminaires
Bonne après analyse d'un ensemble de colonnes d'essai
Cher Rapide
Radiers et ponts sur pieux
Résistance du sol Bonne Très cher
Électro-osmose et électro-injection
Propriétés physico-chimiques, Compressibilité, Perméabilité
Destruction des électrodes Électricité nécessaire
Incertaine Très cher
Matériaux légers et ultralégers
Compressibilité Perméabilité
Protection des matériaux légers et ultralégers
Faible si les tassements désirés sont petits
Cher
Remblais sur pieux Résistance et détormabilité du sol
Bonne Cher Rapide
Colonnes de sol traitées par jets à haute pression
Résistance et détormabilité du sol
Bonne Cher Rapide
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plutôt que la durée de pompage (la durée optimale du pompage est de l'ordre de quatre mois). I l est considéré comme partie intégrante des travaux de mettre en place de l'instrumentation et de suivre les tassements et pressions interstitielles en cours de chantier. Il faut, par ailleurs, tenir compte du comportement du matériau de remblai et des sols lors de la suppression du vide en fin de préchargement car les contraintes effectives horizontales vont croître, ce qui produira des déplacements horizontaux. E n outre, afin d 'évi ter l ' écoulement de l'eau interstitielle vers la membrane, qui pourrait gêner l 'application du vide, des drains préfabriqués sont installés horizontalement sur la surface du sol sous la membrane imperméable (fig. 1).
Le chantier en cours d 'exécut ion à Tonnay-Charente, lors de la rédaction du présent article, donne une idée du déroulement pratique d'un chantier de consolidation par le vide. Ce chantier fait partie des travaux préparatoires à la construction de l'autoroute A837 entre Saintes et Rochefort (Charente-Maritime), dans une zone où l 'épaisseur des sols compressibles dépasse 20 m (fig. 2 et 3). Plus précisément, on trouve sur le site, à partir de la surface du terrain naturel :
• une couche d'argile limoneuse beige à grise, de 1 à 3 m d 'épaisseur ;
• trois couches de dépôts flandriens compressibles (appelés localement « bri »), d 'épaisseur totale variant entre 11 et 20 m : - une couche d'argile vasarde, - une couche d'argile limoneuse vasarde, - une couche de vase sableuse ;
• puis le substratum, où l 'on rencontre successivement : - une couche d'argile noire du Cénomanien, - une couche de sables du Cénomanien, - et des matériaux marno-argileux du Kimme-ridgien.
Les principales propriétés de ces sols sont rassemblées dans le tableau II.
Sur ce chantier, la disposition des drains et de la membrane est conforme aux règles générales énoncées ci-dessus : les drains verticaux sont implantés selon une maille carrée de 1,5 m de côté ; la membrane est placée sur une couche de 1,5 m de sables drainants insensibles à l'eau, dans lesquels débouchent les drains verticaux et où sont placés les drains horizontaux. Une surcharge de 2,5 m de remblai a été placée sur la membrane.
Fig. 1 - Schéma du dispositif de préconsolidation par le vide (procédé Ménard Vacuum de la société Ménard-Soltraitement).
(La membrane peut être recouverte d'une couche de remblai pendant l'application du vide).
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Canal de la Daurade RD 911 Canal Saint-Louis
Profondeur (m)
Fig. 2 - Plan du chantier de Tonnay-Charente (autoroute A837).
Fig. 3 - Vue aérienne du chantier de Tonnay-Charente (photo ASF).
TABLEAU II Prop r ié tés g é o t e c h n i q u e s m o y e n n e s des s o l s c o m p r e s s i b l e s d u mara i s de T o n n a y - C h a r e n t e (au to rou te A837)
C o u c h e de s o l w (%) (kPa) (1+eD)
k (m/s) (m2/s)
Argile limoneuse 42 69 35 6,4 2 40 0,33 1,7.10" 9 3.10" 8 -Argile vasarde 72 55 22 5,8 2 60 0,37 1,4.10"" 2.10~ 8 0,047
Argile limoneuse vaseuse 52 42 15 3,1 1,4 60 0,21 i o - 9 i o - 7 0,024
Vase sableuse 30 - - - 1,2 95 0,19 4 . 1 0 ^ ÎO" 7 0,023
Argile noire 32 73 40 6,9 - - - - - -Sable cénomanien 21 1,7 - - - - - -
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Epaisseur du remblai (m) 4
Pompage
i Axe
Tassement final estimé;: 1,8in
Fig. 4 - Evolution des tassements sous l'effet du pompage (profil 248 + 10 m).
Vers le remblai 3 2 I , L
Mouvement horizontal (cm) 0 1 2 3
I I I
Remblai : 4 m " \ \ \ \ , (1 mois après) \ \ \ \ \
\ \\ ' \ v \ \
Remblai : 2,5 m
Remblai : 4 m
10
Tube inclinométrique
25 Profondeur (m) Fig. 5 - Évolution des déplacements latéraux pendant le
pompage (zone « ouest Daurade >>).
Les résultats des mesures effectuées depuis le début des travaux montrent une réponse rapide des tassements mesurés à la surface du sol (fig. 4). Les déplacements horizontaux mesurés du pied du remblai, de l'autre côté du fossé latéral (cette disposition a été adoptée pour ne pas avoir à faire des mesures à travers la membrane), montrent des mouvements vers l ' intérieur du remblai, ce qui distingue ce type de chargement du chargement classique par remblai (fig. 5).
Après la suppression du pompage, on a observé une remontée rapide (quelques jours) du sol d'un
centimètre et un déplacement latéral vers l 'extérieur de même amplitude. Ces mouvements ont évolué très lentement par la suite.
L a technique utilisée par la société Ménard-Solcompact sur ce chantier combine l'application du vide sous une membrane superficielle étanche avec des drains verticaux, qui assurent l ' homogénéité de l 'application du vide dans la masse des sols compressibles et un drainage plus rapide de l'eau expulsée par le sol au cours de sa consolidation. L a figure 6 illustre les différences créées par ce drainage par rapport à la simple application du vide sous une membrane étanche : distance de drainage plus courte (fig. 6a) et limitation à la zone périphérique (appelée « paroi de drains » sur la figure 1) des effets de l ' écoulement créé par la dépression sous le remblai (fig. 6b).
Préchargement avec drains verticaux A u cours de la dernière décennie, la plupart des drains verticaux installés en Europe et dans les autres pays développés ont été des drains plats préfabriqués. Cela a entraîné de nombreux chercheurs et fabricants à discuter le comportement de ces drains et les spécifications correspondantes. L a majorité de ces discussions étaient fondées sur des essais de laboratoire et des modélisations analytiques ou numériques, peu de publications rapportant et analysant des données expérimentales provenant de chantiers de construction. A notre avis, ces travaux ont conduit à des spécifications indûment exigeantes pour ces drains, ce qui peut conduire à utiliser des drains de prix inutilement élevé sur certains chantiers. Cette question a été examinée en détail par Magnan (1992a) après des travaux antérieurs sur le drainage vertical en général (Magnan, 1983).
Les données de terrain prouvent que la plupart des types de drains verticaux disponibles actuellement sur le marché (filtres de géotextile entourant une âme synthétique, géosynthétiques multicouches ou en un seul morceau) sont comparables en termes d'efficacité. Néanmoins , des publications décrivent régulièrement les avantages de telle ou telle marque de drains plats préfabriqués sur la base d'essais de laboratoire. Ces conclusions s'appuient principalement sur le pliage des drains pendant la consolidation et sur les effets de la pression latérale du sol sur la capacité de décharge du drain, qui contrôle la pression de l'eau dans le drain pendant la consolidation et, par conséquent, aussi la vitesse d 'écoulement de l'eau interstitielle vers le drain en profondeur.
L a première approche de la quantification du comportement des drains plats préfabriqués a porté sur la capacité de décharge q w (exprimée, par exemple, en m 3/an), qui est la capacité du drain à transporter de l'eau en son sein. Les premiers résultats publiés par Hansbo (1981, 1983) ont averti la communauté internationale des util isateurs de drains plats préfabriqués : des valeurs
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Membrane
Avec drains Sans drains
" \ Vide Fig. 6 - Schéma des écoulements sous la membrane et sous ses bords (document J.-M. Cognon).
/\\ /\\ /\\ /\\ /[\ /\\
i
Avec drains Sans drains
de q w de l'ordre de 10 à 25 m 3/an pouvaient provoquer un certain retard dans le déroulement de la consolidation radiale des couches de sols compressibles d 'épaisseur égale ou supérieure à 10 m. A partir du Congrès européen de mécanique des sols et travaux de fondations d 'Helsinki (1983), des valeurs de la capacité de décharge de 50 à 100 fois plus élevées ont été publiées par différents auteurs, mais cela n 'a pas fait disparaître l ' intérêt pour le critère de capacité de décharge, pour au moins deux raisons.
• Tout d'abord, les drains plats préfabriqués utilisés pour consolider le sol sous un remblai routier près de Monnickendam (Pays-Bas) ont été plies près de la surface du sol pendant la consolidation (Kremer, 1983) et ont cessé de fonctionner dans certaines parties du site (après l ' enlèvement de la partie supérieure endommagée des drains, le reste des drains s'est remis à fonctionner correctement). L a couche supérieure de sols était constituée de tourbes et d'argiles molles qui avaient tassé de près de 40 % pendant la consolidation. Des recherches ont été lancées aux Pays-Bas pour étudier l'effet sur la capacité de décharge de la déformation du drain et de la pression appliquée sur la surface latérale du drain. L a recherche sur ce qui est appelé généralement la « qualité » des drains a été part iculièrement importante aux Pays-Bas, qui sont l 'un des rares pays, avec les États-Unis, à formuler des règles de sélection des drains préfabriqués.
• L a seconde raison de la persistance de l ' intérêt pour la capacité de décharge est la compétit ion commerciale entre les producteurs de drains, qui citent volontiers des valeurs élevées de la capacité de décharge comme argument publicitaire.
On peut estimer que moins de vingt laboratoires dans le monde ont testé l 'évolution de la capacité de décharge des drains plats préfabriqués en fonction du temps et sa sensibilité à d'autres facteurs. Les données publiées sont notamment celles de Hansbo (Suède), de Cortlever et Oostveen (Pays-Bas), de Jamiolkowski et Lancellotta (Italie), de Chen et Chen (Taiwan), des Laboratoires des Ponts et Chaussées (LPC) (France) et de différents laboratoires aux États-Unis (côte Est et Californie). Les essais correspondants ont été faits avec du sol reconstitué autour de l 'échantil lon de drain ou en enveloppant le drain dans une membrane imperméable, sans sol. De nombreux facteurs influencent les résultats de ces essais : la taille de l'appareil, la durée d'application de la pression avant la mesure de la capacité de décharge, le gradient hydraulique, etc. M ê m e pour un gradient hydraulique aussi faible que i = 1, on trouve une très grande dispersion dans les résultats, comme on peut le voir dans le rapport préparé pour la FHWA par Haley & Aldr ich Inc. (Rixner et al., 1986) et les résultats des essais réalisés au Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées (LRPC) de Bordeaux en France (Queyroi, 1989). Les résultats de ces essais sont rassemblés sur la figure 7.
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Capacité de décharge q w ( m J / an) 1200
0 100 200 300 400 500 600 700 Pression latérale sur le drain (kPa)
Fig. 7 - Capacité de décharge de divers drains plats préfabriqués (d'après Ptixner et al., 1986 et Queyroi, 1989).
On possède peu d 'expér ience sur les effets des déformations sur la capacité de décharge des drains plats préfabriqués. D'importants programmes d'essais ont été réalisés aux Pays-Bas (à Delft et Rotterdam), en plaçant le drain dans un cylindre de sol très mou ou dans une membrane étanche et en pliant le drain. Des résultats d'essais ont été publiés par Cortlever (1983) et Van der Griend (1984). Des essais semblables ont été effectués plus récemment par A l i (1991) à Kuala Lumpur (Malaisie). Les pertes de capacité de décharge peuvent être très importantes dans ces essais.
Les spécifications déduites de ces données expérimentales sont très différentes d'un pays à l'autre, comme on peut le voir quand on compare les pratiques françaises et américaines.
L a principale différence des approches adoptées par les auteurs du rapport commandé par la F H W A et leurs collègues français réside moins dans les détails des résultats des essais que dans les conclusions qui en ont été tirées. Les spécifications de l 'Administration des routes américaine ( F H W A ) sont fondées sur l ' idée que, faute de connaître le niveau de dégradation que le drain subira, on doit prendre un fort coefficient de sécurité pour tenir compte des forces latérales qui seront appliquées sur le drain, de la déformation du drain, du fluage et du colmatage, des effets de temps, etc. L a capacité de décharge du drain est pour cette raison fixée à au moins q w = 100
m 3/an sous la pression horizontale maximale attendue ; cette dernière a apparemment été fixée à 276 kPa quelle que soit la profondeur d'installation
du drain. Ce fait, combiné aux préoccupations suscitées par les résultats des essais de Van der Griend (1984) aux Pays-Bas, est devenu l'argument principal pour rejeter certains types de drains. On a même proposé aux Pays-Bas d'imposer une capacité de décharge minimale de 800 m 3 /an ! Dans les projets plus complexes, les propriétés hydrauliques et mécaniques des sols de fondation doivent normalement être est imées avec plus de précision et i l est recommandé que le dimensionnement tienne compte du remaniement du sol autour des drains.
En France, par contre, sous l'influence des LPC, la pratique courante consiste à spécifier une capacité de décharge minimale de l'ordre de 15 m 3/an, qui est la valeur minimale pour que l'eau puisse être évacuée du massif de sol sans que la consolidation soit ralentie de plus que quelques pourcents par rapport à des conditions de drainage idéales (pour des épaisseurs de sols mous drainés par le haut et par le bas d'au plus 20 m). Cette condition est relative à l'instant initial du drainage, lorsque la consolidation vient juste de commencer et que la vitesse de tassement est la plus élevée (des capacités de drainage plus faibles sont nécessaires par la suite). De ce point de vue, tous les drains étudiés dans le monde dans les travaux de recherche (Alidrain, Colbond ex-1000, Amerdrain, Mebradrain, Castle Board drain, Geodrain, Desol, etc.) offrent des performances suffisantes, qu'ils soient ou non comprimés ou plies pendant la consolidation. Nous estimons, pour cette raison, que tous les drains qui possèdent des canaux capables de conduire l 'eau j u s q u ' à la surface du sol avec cette capacité de décharge peuvent être utilisés avec succès dans les conditions usuelles.
En outre, nous ne croyons pas nécessaire ni utile pour le dimensionnement des projets de tenir compte de l'existence d'une zone de sol perturbée autour du drain, créée par le fonçage du mandrin employé pour mettre en place les drains plats préfabriqués. L a raison principale en est que le fonçage du mandrin dans un sol « normal » (disons tout sol autre que des boues de dragage liquides ou des tourbes décomposées) crée en général des fissures autour du drain, notamment lorsque le mandrin a une section renforcée par des nervures pour augmenter sa rigidité à la flexion. Le sol est repoussé par le mandrin et ne peut revenir élast iquement à sa position initiale ; de plus, le sol se fissure en avant de la tête du mandrin et cesse d 'ê t re une masse homogène dont la perméabil i té serait réduite de trois à cinq fois comme le suggèrent certains auteurs. Le cas des argiles varvées, qui est mis en avant pour justifier le perfectionnement de la méthode de calcul pour qu'elle tienne compte d'une zone remaniée autour du drain, a été abondamment discuté dans les années 1960 (Magnan, 1983). Quel que soit l'apport des drains dans ce type de sols, ce cas ne doit pas servir de référence
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pour les méthodes de dimensionnement standard, m ê m e si l 'on démontre un jour que ce genre de méthode de calcul peut apporter un bénéfice en termes de dimensionnement. Concernant le critère d'acceptation de la capacité de décharge des drains, i l est intéressant de noter que le rapport général de la session 6 du Congrès européen de mécanique des sols et travaux de fondations d 'Hels inki (Jamiolkowski et al., 1983) citait le cr itère de 10 à 15 m 3/an sous une pression latérale de 300 à 500 kPa. L a discussion relative à cette session recommandait aussi de « sélectionner de préférence des types de drains pour lesquels i l existe un ensemble de données expérimentales in situ qui soit vaste, positif et bien documenté , un sentiment qu'aucun ingénieur n'a envie de discuter ».
L a capacité de décharge des drains plats préfabriqués doit être mesurée sous une pression latérale au moins égale à la plus forte des pressions horizontales qui existeront dans le sol, que l 'on ne peut estimer qu'approximativement. Pour des conditions de chargement unidimensionnelles, une fois que la charge appliquée à la surface du sol a été transmise au squelette du sol, c'est la somme de la contrainte effective horizontale initiale :
et de la contrainte due à la surcharge : A o ' h = K D A a v . (2)
L a contrainte due à la surcharge n'est donc pas égale à la pression A a appliquée à la surface du sol, comme on l'admet parfois. Considérons un remblai de sable de 10 m de hauteur et de densité 2, reposant sur 30 m d'argile de même densité et de K D = 0,5, la nappe étant au niveau de la surface du terrain naturel. L a contrainte horizontale maximale à 30 m de profondeur aura, en fin de consolidation, une valeur de :
G ' h = 0,5 (10 x 20 + 30 x 10) = 250 kPa. (3)
Par conséquent, i l est approprié de limiter la pression latérale à 300 kPa (ou même 200 kPa) pour les essais de qualification des drains verticaux. Pour conclure sur les drains verticaux, nous aimerions insister sur le fait que le pliage des drains, de la façon dont i l est représenté dans les essais de laboratoire, ne peut se produire en pratique que dans des sols très mous (boue de dragage, tourbe et sols très organiques) où la déformation finale peut dépasser 40 à 50 %. Les « sols mous normaux » subissent des déformations verticales de l'ordre de 10 à 20 % au plus et l 'on a toujours trouvé que les drains plats préfabriqués de largeur voisine de 10 cm se comportent comme des drains cylindriques équivalents de 5 cm de diamètre, entourés de sol non remanié. Les spécifications doivent donc être ajustées, en règle générale, à ces « conditions normales », des études spécifiques devant être faites dans le cas de sols très mous ou de couches de sols mous très épaisses, uniquement.
I - Tassements mesurés Logarithme du temps
Tassement
I I - Analyse des mesures
I I I - Autres données - Compressibilité
e t Iga'v
Fig. 8 - Détermination du diamètre équivalent des drains verticaux plats préfabriqués.
L a détermination du diamètre équivalent des drains plats préfabriqués a été décrite et commentée par Magnan (1983, 1992a). L a méthode utilisée repose sur l'analyse des courbes de tassement des sols en place autour des drains au moyen de la méthode graphique d 'Asaoka (1978, voir aussi Magnan et Deroy, 1980), qui est une méthode d'ajustement d'une fonction exponentielle sur la courbe de tassement de consolidation autour du drain. Cette méthode donne, d'une part, une estimation du tassement final de consolidation primaire sous la charge constante appliquée et, d'autre part, une estimation de la vitesse de consolidation, que l 'on peut transformer en estimation du coefficient de consolidation radiale si l 'on connaît l'espacement des drains et le diamètre équivalent du drain (fig. 8). Les analyses sont faites systématiquement avec un diamètre équivalent de'5 cm, sur la base de considérations développées par Magnan (1983). On en déduit des valeurs du coefficient de consolidation que l 'on peut comparer aux informations dont l 'on peut disposer, par ailleurs, sur les propriétés
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des sols mous sur le site ou dans le voisinage. Dans toutes les études que nous avons pu faire j u s q u ' à présent, les coefficients de consolidation déduits de l'analyse des courbes expérimentales avec un diamètre équivalent de 5 cm étaient en bon accord avec les autres données disponibles, ce qui valide l 'hypothèse faite sur le diamètre équivalent des drains plats préfabriqués de 10 cm de largeur.
Remplacement de l'argile molle Aucun changement significatif ne peut être mentionné concernant les techniques de remplacement (« substitution ») des sols mous par d'autres matériaux de meilleure qualité. Ces techniques sont, en général, très efficaces à condition que les travaux soient préparés sur la base de données géotechniques fiables et qu'aucun problème ne se produise pendant la construction. En règle générale, le remplacement des sols est limité aux sols organiques, tourbes et vases très mous et très compressibles et n'est pas utilisé pour les argiles molles « ordinaires ».
Colonnes ballastées et pieux de sable compacté Les colonnes ballastées comme les pieux de sable compacté sont une méthode de contrôle des tassements très intéressante pour les sites complexes comportant des couches d'argiles molles et de sables lâches irrégulières. Ces techniques étaient employées i l y a déjà quelques siècles pour la construction des forteresses et des fortifications des villes en Europe occidentale (on peut, par exemple, trouver des discussions sur les méthodes de contrôle des tassements des sols mous sous ces ouvrages de poids élevé dans les annales des ingénieurs militaires français du début du XVIIIe siècle). A u cours de la période moderne, les pieux de sable compacté sont plus fréquemment utilisés en Asie et les colonnes ballastées en Europe et en Amérique du Nord. Des exemples d'application de ces techniques de construction peuvent être trouvés dans les volumes de comptes rendus de certaines conférences spécialisées, comme la conférence de I ' A S T M sur l 'améliorat ion des sols de fondation en profondeur : dimensionnement, construction, essais (Las Vegas, janvier 1990) ou les autres conférences listées précédemment .
Les méthodes de dimensionnement pour les colonnes ballastées sont fondées sur la répartition des contraintes entre les colonnes ballastées et le sol environnant. Malgré quelques tentatives de modélisat ion en laboratoire de l'interaction entre une colonne et le sol, on doit reconnaître que, de nos jours, le dimensionnement des colonnes ballastées est encore semi-empirique car i l consiste à choisir le diamètre de la colonne en s'appuyant principalement sur l 'expérience locale (type et état des sols, équipement) . Des abaques de dimensionnement basés sur l 'expérience pour estimer la taille des colonnes ballastées ont été publiés par
Besançon et al. (1984). Greenwood (1991) présente de nombreux cas d'essais de chargement qui mettent en évidence le comportement spécifique des colonnes ballastées et les méthodes de contrôle associées.
L 'exécut ion par pilonnage de « plots ballastés », dont le diamètre est de l'ordre de 2,5 m dans des couches de sols mous de 4 à 7 m d 'épaisseur , représente une alternative intéressante aux colonnes ballastées classiques. Liausu et Juillié (1990) décrivent l'une des très nombreuses applications de ce procédé.
Radiers et ponts sur pieux Dans quelques pays, par exemple l 'Allemagne, i l a été longtemps considéré comme une pratique courante de construire des ponts pour éviter tout déplacement postérieur à la construction des routes sur sols mous. D ' u n point de vue technique, les particularités de la construction d'un pont sur un massif d'argile molle se réduisent au dimensionnement des pieux, en tenant compte du frottement négatif et des charges horizontales. En général , la construction d'un pont est la technique la plus onéreuse pour la construction des remblais sur argiles molles. Les deux classes de solutions envisageables dans les sols mous (remblai sur radier reposant sur des pieux et pont) sont onéreuses et sont, pour cette raison, rarement utilisées en pratique.
Électro-osmose et électro-injection Il y a p r è s de vingt ans, l 'é lectro-osmose et l 'é lectroinjection étaient décrites comme des techniques prometteuses pour la réduction des déformations des argiles molles sur les sites où l 'on ne pouvait pas employer d'autres techniques. Ces techniques posent beaucoup de problèmes en pratique, notamment des problèmes liés au maintien des capacités de l 'équipement électrique sur le terrain. Elles ont pour cette raison été pratiquement abandonnées. Des travaux sont actuellement consacrés à leur redéveloppement .
Techniques récentes
Matériaux de remblai légers et ultralégers Depuis les travaux de pionnier du Laboratoire de Recherche Routière Norvégien au début des années 1970, sur l 'utilisation du polystyrène expansé comme matériau de remblai en construction routière, les remblais ultralégers en polystyrène expansé sont devenus populaires dans de nombreux pays. Le nombre de remblais édifiés par cette technique est probablement supérieur à mille aujourd'hui, avec des applications plus nombreuses dans certains pays (Norvège, Japon, France, Allemagne, États-Unis, etc.). L e Symposium sur
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l 'utilisation du polystyrène en remblai routier, tenu à Oslo en 1985, sous les auspices de l 'Administration des routes de Norvège, a fourni des informations détaillées sur dix années d 'expér ience de l 'u t i lisation du polystyrène expansé pour la construction de remblais ultralégers. L a situation actuelle est toutefois quelque peu différente dans la mesure où l'utilisation de polystyrène expansé est maintenant considérée comme une technique classique pour la construction de remblais et que les projets ne sont plus contrôlés par des organismes centraux dans chaque pays. C'est le cas en France où les recommandations LCPC- SETRA sur le. dimensionnement et la construction des remblais routiers comportant du polystyrène expansé ont été publiées en 1990, afin d'encourager une large utilisation de cette technique. Bertaud et al. (1991) ont présenté différents exemples de remblais en polystyrène construits en France au cours de cette période.
Des études en laboratoire et en place sur les propriétés mécaniques et physiques du polystyrène expansé ont été conduites dans quelques pays, soit par les producteurs de polystyrène expansé, comme en Belgique, soit par des laboratoires de recherche publics, comme en France. Ces études ont donné une bonne connaissance des principaux traits du comportement à long terme du polystyrène expansé sous les charges permanentes (Magnan et Serra-trice, 1989 ; Delmas et ai, 1989). Une autre conclusion importante de ces travaux de recherche est que les propriétés mécaniques du polystyrène expansé peuvent être caractérisées par son poids volumique et que les charges admissibles à long terme sur une couche de polystyrène ne devraient pas dépasser 35 à 40 % de la limite de plasticité, déduite d'essais de compression lente uniaxiale.
L'util isation croissante de polystyrène expansé comme matériau de remblai a suscité la fabrication d'autres matériaux ultralégers, de forme cellulaire en nid d'abeille, comme le Nidaplast et le Géolight en France. Ces matériaux présentent l'avantage annexe de se remplir d'eau en cas d'inondations. Des matériaux ultralégers de ce type ont été utilisés sur un certain nombre de projets au cours des dix dernières années.
A notre avis, les utilisations futures du polystyrène expansé ou d'autres matériaux ultralégers devraient dépendre moins des propriétés de ces matériaux que de considérations sur les problèmes géotechniques particuliers rencontrés sur le chantier étudié et des coûts des différentes solutions. E n particulier, certains matériaux plus lourds, comme le laitier ou les pneus usagés, pourraient jouer un rôle utile dans le contrôle des tassements des remblais sur sols mous.
Inclusions rigides (remblais sur pieux) L a construction de remblais sur des têtes de pieux non jointives a été proposée en Suède et employée principalement en Asie du sud-est au cours des
années 1980. Ooi et al. (1987) décrivent l 'utilisation réussie de cette technique pour la construction de la voie rapide à péage Seremban-Air Hitam, en Malaisie. Sur ce site, les sols de fondation du remblai routier étaient constitués de dépôts de sols mous de 6 à 14 m d'épaisseur, reposant sur un sub-stratum de grès et de schistes. L a hauteur du remblai était assez uniforme (10 m dans une section et 16 m dans l'autre). Les travaux furent réalisés de décembre 1985 à mai 1986 : 14 000 pieux, de longueur totale 120 000 m, furent installés sur ce site. Les spécifications de compactage du matériau de remblai étaient fondées sur l 'épaisseur totale et la hauteur du remblai au-dessus des têtes de pieux. Dans ce projet, le tassement après la fin de la construction devait être inférieur à 100 mm ; la valeur stabilisée dès la fin des travaux fut limitée à 30 mm. L'article de Ooi et al. (1987) donne des informations détaillées sur la disposition des têtes de pieux, les effets de voûte, etc.
L a technique des remblais sur pieux a été aussi utilisée sur le site expérimental d'argiles molles de Muar Flats (Malaisie). Parmi les nombreuses techniques testées sur ce site, des pieux furent foncés sur la section 6/4. Cette expérience fut stoppée par une rupture inattendue, due au fait que les pieux avaient été mis en place seulement sous la partie centrale du remblai, sans tenir compte des tassements différentiels et mouvements latéraux pendant la construction du remblai. Ce remblai avait été aussi dimensionné pour maintenir les tassements à long terme inférieurs à 100 mm au-delà d'une date fixée. Cet accident rappelle que le dimensionnement des remblais n'est jamais très simple, m ê m e quand des pieux rigides sont inclus dans le projet. Mais i l ne permet pas de tirer d'autres conclusions négatives concernant l 'applicabilité de cette méthode de construction.
Dans un article récent, Combarieu et al. (1994) décrivent quatre cas réussis de construction de remblais sur des sols mous renforcés par des pieux rigides en France : • l ' échangeur routier de Carrère (Martinique, 1989-1990) : des remblais d ' accès à un pont de 6 à 7 m de hauteur, sur 6 à 7 m de limon plastique (teneur en eau w = 50 % ; indice de plasticité I P = 40 ; limite de liquidité w L = 80-90 ; rapport de
compression C c / ( l + eQ) = 0,1 - 0,15 ; pression limite pressiométrique p, = 0,1 à 0,2 M P a ; module pressiométrique E M = 1 à 1,5 M P a ; résistance à la pénétration dynamique q d = 0,3 à 0,5 MPa) . Sur ce site, le niveau de la nappe est à une profondeur de 1 m. 124 pieux en béton de 8 à 9 m de longueur et 0,3 m de diamètre furent coulés dans des tubes métalliques vibrofoncés, avec des espacements de 1,1 à 2,5 m. Des dalles carrées de 0,8 m de côté furent installées sur les têtes de pieux. Pour cette première application de cette technique en France, un radier en béton armé de 10 cm d'épaisseur fut
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coulé à l ' intérieur du remblai, sur la première couche de 20 cm de matériau de remblai. Les tassements mesurés furent inférieurs à 5 cm, au lieu de 50 cm sans renforcement du sol. Néanmoins , la technique utilisée sur ce site ne peut être considérée comme optimale : le fonçage des pieux fut trop long et les dalles de tête de pieu ont nécessité trop de travail ;
• les ponts sur la Lézarde et le canal du Lamentin (Martinique, 1990-1991) : des remblais d 'accès de 4 et 6,5 m de hauteur reposant sur une couche de mangrove très compressible de 4 à 14 m d 'épaisseur. 352 pieux et 165 pieux, respectivement, furent mis en place sur ces sites, avec des espacements variant de 1,5 à 2 m. Comme dans le cas précédent, les pieux furent coulés à l ' intérieur de tubes métalliques vibrofoncés de 0,4 m de diamètre, avec une barre d'armature axiale en acier de 25 mm de diamètre. Ces pieux devaient réduire le tassement total, qui variait de 1 à 5 m en l'absence de pieux, à 10 cm seulement. Ils étaient couverts par des dalles carrées de 0,8 m de côté, 20 cm de matériau de remblai bien compacté et une dalle de béton armé continue de 10 cm d 'épaisseur . Les tassements observés furent nettement inférieurs aux 10 cm autorisés ;
• la déviation de la route départementale 925 à Eu-Le Tréport (Seine-Maritime, 1991-1992): des pieux forés de 13 à 14 m de longueur et 0,4 m de diamètre, renforcés par cinq barres d'acier de 12 m de longueur, furent utilisés sur ce site. L 'épaisseur totale des couches limoneuses et tourbeuses molles était de 11 m. Les teneurs en eau variaient de 35 % pour les limons à 150 % pour la tourbe brune et 300 % pour la tourbe noire, avec des rapports de compression C c / ( l + eu) de 0,05, 0,35 et 0,5, respectivement, et des cohésions non drainées comprises entre 40 et 50 kPa. 346 pieux furent installés sur ce site, avec des espacements de 2 à 2,5 m, afin de limiter à moins de 10 cm les tassements est imés à 0,6 - 0,7 m sans renforcement du sol. Dans ce cas, la dalle en béton armé fut remplacée par un treillis d'acier placé sur 50 cm de gravier bien compacté . Les tassements observés furent de 3 à 6 cm, pour la surface du sol et de 1 à 5 cm pour les têtes de pieux. D'autres sites de construction ont été traités de la même façon en France depuis lors, comme par exemple la construction de remblais de 8 à 9 m de hauteur sur des couches d'argiles molles et de tourbes de 10 m d 'épaisseur à Deauville (Calvados). L a technique de construction de remblais sur pieux devient donc populaire en France et dans d'autres pays, à cause des spécifications plus restrictives imposées aux remblais d 'accès aux ouvrages d'art et du raccourcissement des délais de construction. L 'expér ience montre que ces renforcements peuvent être dimensionnés de façon sécuritaire, mais des recherches sont encore nécessaires pour définir des règles de dimensionnement optimales.
Colonnes de sol traitées par jets à haute pression L'utilisation de colonnes de sol traitées par jets à haute pression « jet-grouting » pour limiter les tassements d'argiles molles ou de sols organiques a été décrite par différents auteurs. Le cas le mieux documenté est celui du remblai ferroviaire d ' A l -bate en Italie du nord, qui a été décrit par F. Gallavresi (1992) : sur ce site, qui est situé près du lac de Côme, la couche de sol tourbeux a une épaisseur comprise entre 4 et 6 m et elle repose sur un substratum sablo-graveleux. Les caractéristiques typiques de la tourbe sont les suivantes :
— teneur en eau : 200-400 %, — poids volumique : 12 k N / m 3 , — teneur en matières organiques : 40-60 %, — module œdométr ique : 150-300 kPa, — taux de compression secondaire : 0,02-0,03.
L a hauteur du remblai est inférieure à 2 m au-dessus du terrain naturel. Le maître d'ouvrage a imposé un temps de construction très court pour la création d'une nouvelle ligne de chemin de fer sur ce site. Sur la base de l'analyse du comportement de neuf colonnes d'essai, cinq rangées de colonnes de 2,1 m de diamètre, espacées de 2,15 à 2,8 m d'axe à axe, furent mises en place avec succès. Ces colonnes furent exécutées par la technique du jet triple, avec prélavage. Elles furent encastrées de 0,5 m dans le substratum : environ 60 % du volume total du sol tourbeux furent ainsi traités. Il fallut quatre mois pour construire un remblai de 800 m de longueur, sur 1 300 colonnes de sol traité, de longueur totale 7 000 m et de volume 25 000 mètres cubes.
Les méthodes de dimensionnement de tels dispositifs de renforcement des sols mous ne peuvent être considérées comme bien établies actuellement. Des colonnes d'essai furent nécessaires sur ce site pour obtenir une estimation du diamètre de la colonne en fonction des paramètres d 'exécut ion. Les essais de chargement, les études expérimentales et les observations faites sur les chantiers de construction devraient néanmoins permettre, dans le futur, de proposer des méthodes de dimensionnement empiriques, comme celles utilisées pour les colonnes ballastées.
Utilisation des géotextiles
Les géotextiles sont couramment employés en construction routière, principalement pour la construction des remblais sur argiles molles et sols organiques. Ils sont estimés comme utiles pour éviter la pénétration des matériaux de remblai granulaires dans le sol naturel, pour faciliter la circulation de chantier et pour renforcer le remblai lu i -même, en augmentant sa stabilité. Tous ces aspects de l'utilisation des géotextiles dans les remblais sur argiles molles ont été discutés en détails ailleurs.
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Le rôle des géotextiles pour réduire les tassements des sols mous sous les remblais, qui a été mentionné par certains spécialistes et promoteurs des géotextiles, est moins évident. L'analyse détaillée des données expérimentales utilisées pour démontrer l'influence bénéfique des géotextiles sur l 'amplitude des tassements conduit à la conclusion que les conditions géotechniques étaient toujours différentes d'un remblai à l'autre. On ne peut donc considérer comme prouvé que les géotextiles sont un moyen efficace de contrôle direct des tassements des sols mous sous les remblais.
Conclusion Les problèmes géotechniques associés à la pratique de la construction des remblais sur sols mous sont toujours très liés au site de l'ouvrage à construire. On ne peut donc jamais exprimer de conclusions générales et permanentes sur les avantages et inconvénients respectifs des différentes méthodes qui peuvent être employées pour maîtriser les tassements des remblais sur argiles molles. Néanmoins , on peut donner des indications utiles sur les particularités des différentes méthodes de construction, leur évolution et les questions que pose leur utilisation pratique. L 'expér ience récente montre que :
• pour la plupart des remblais sur sols mous, les déformations finales sont de l'ordre de 10 à 20 % et l 'on peut donc utiliser tous les types de drains verticaux dont la capacité de décharge est au moins égale à 15 m 3/an sous une pression latérale de 200 kPa ;
• le préchargement par le vide, qui a été longtemps oublié à cause de ses déficiences techniques, est maintenant pleinement opérationnel et mérite l'attention pour la résolution de beaucoup de problèmes de construction dans les sites de sols mous les plus difficiles ;
• les matériaux ultralégers ont été largement utilisés pour limiter les tassements des sols mous et
les recommandations publiées sont généralement adéquates pour le dimensionnement et la construction de remblais légers, Néanmoins , i l reste indispensable de tenir compte des modifications possibles de l'environnement du remblai léger en polystyrène ou autre matériau léger (modifications des charges appliquées, changements de géométrie, etc.) avant de décider d'employer cette technique ;
• l 'utilisation de pieux pour renforcer les argiles molles sous les remblais se répand pour les situations où des tassements très faibles sont imposés et où la construction doit être effectuée dans une courte période de temps. Des utilisations réussies de cette technique ont été rapportées, mais des recherches sont encore nécessaires pour améliorer les méthodes de dimensionnement existantes ;
• les colonnes de sol traitées par jets à haute pression offrent une alternative aux colonnes ballastées et aux pieux de sable compacté dans les cas où le renforcement du sol est jugé préférable au préchargement . Dans l 'état actuel des connaissances, ces techniques doivent être testées au préalable sur chaque site pour définir leurs paramètres de dimensionnement. Des méthodes de dimensionnement semi-empiriques sont disponibles, mais elles doivent encore être validées sur des ouvrages réels.
A u cours de la période récente, le développement de méthodes de construction plus rapides et assurant des tassements faibles à très faibles témoigne de la capacité d'innovation des entreprises et bureaux d 'é tudes spécialistes de géotechnique, en réponse à des exigences plus fortes des maîtres d'ouvrages publics et privés. L'attention des projeteurs ne doit pourtant pas être détournée de l 'emploi des méthodes traditionnelles plus lentes mais nettement moins onéreuses, comme le préchargement par remblai, qui permettent de traiter correctement la plupart des problèmes courants de construction sur sols compressibles.
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Remerciements. Lors de la préparation de cet article, l'auteur a utilisé des documents préparés par O. Combarieu (LRPC de Rouen), J.-M. Cognon et ses collaborateurs de Ménard-Solcompact, ainsi que des dossiers préparés pour une journée d'étude sur les travaux de consolidation des sols sur l'autoroute A837 organisée par le LRPC de Bordeaux, avec la participation d'ASF (Autoroutes du Sud de la France), de Scétauroute Centre-Ouest et de la Société Ménard-Soltraitement. Qu'ils en soient remerciés ici.
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