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cas cliniques | pratique 21 OptionBio | Lundi 14 Septembre 2009 | n° 423 Cas n° 1 Un homme de 45 ans consulte son médecin trai- tant avec une radiculite du membre supérieur. Il a eu une piqûre de tique au bras 15 jours aupara- vant, avec apparition, en 4 à 5 jours, d’une “plaque rouge” de 3 à 4 cm de diamètre. Une maladie de Lyme est évoquée, non plus au stade d’érythème migrant (la lésion cutanée a dis- paru), mais de neuroborréliose très précoce. Une sérologie de Lyme est effectuée : elle est négative dans le sang en IgG et IgM et légèrement positive en IgG à 10 UI (négative en IgM) dans le LCR, confirmée par Western blot. Sensibilité des tests Elisa Dans le sang, en cas de neuroborréliose précoce, la sensibilité des tests IgG est comprise entre 20 et 100 % et celle des tests IgM entre 35 et 100 %. Dans le LCR, elle est de 100 % si le test utilisé est adapté (validé dans le LCR) surtout en IgG, +/- en IgM. Compte tenu de la possibilité de faux négatif au début dans le sérum, il convient de répéter la sérologie après 15 jours. Il est impératif d’analyser le LCR pour rechercher une lymphocytose, et la synthèse intrathécale d’Ac. Évolution Le patient a été traité par ceftriaxone pendant un mois. Son état clinique s’est amélioré de façon spectaculaire en 48 heures. La sérologie de mala- die de Lyme était toujours négative 15 jours après dans le sérum ; elle s’est positivée après un mois, en IgG et IgM, confirmée par Western blot (mais il n’était pas indispensable de la refaire). Cas n° 2 Une enfant de 5 ans habitant près d’une forêt, consulte pour un léger œdème du pavillon de l’oreille gauche et de la région périauriculaire. Il n’y a pas de notion de piqûre d’insecte, mais elle a une petite lésion au niveau du bras gauche. Le pédiatre diagnostique une otite externe et prescrit un antibiotique à administrer si la fièvre persiste plus de 48 heures. La fièvre disparaît en moins de deux jours et l’œdème en six. Deux semaines plus tard, elle est anorexi- que, amaigrie, a des céphalées et une asymétrie du visage, sans signe méningé, ni fièvre. Elle est hospi- talisée : un diagnostic de neuroborréliose est posé. Conduite à tenir Une sérologie de maladie de Lyme dans le sang et le LCR est effectuée. La sérologie dans le sang montre des IgG négatives, IgM positives (1,8). Le Western blot est négatif (NB : le WB est légèrement moins sensible que les tests Elisa). Dans le LCR, il y a 330 éléments/mm 3 (85 % de lymphocytes). La sérologie dans le LCR est positive en IgG (2,4/ seuil = 1) ; le Western blot ne peut être réalisé, par manque d’échantillon. La CRP est < 5 mg/L. Évolution L’enfant est traitée par ceftriaxone pendant trois semaines. La paralysie faciale régresse à partir du 5 e jour de traitement et disparaît complètement au 15 e jour. L’asthénie persiste pendant deux mois. Évolution des sérologies dans le sang IgM IgG J0 Positives (1,8) confirmées en WB Négatives J15 Positives (2,4) Négatives + 4 mois Positives (1,1) Négatives NB : l’absence de réponse en IgG est liée au traitement précoce. Cas n° 3 Un homme de 30 ans consulte pour lombalgies et monoarthrite du genou d’apparition brutale. À l’interrogatoire, il rapporte de nombreuses piqû- res de tiques, car il est amateur de champignons et se promène souvent en forêt. Il dit avoir fait, un mois auparavant, une paralysie faciale avec photophobie et céphalées. Diagnostic, conduite à tenir et éventuels examens complémentaires Il s’agit d’une borréliose de Lyme en phase secon- daire, avec atteinte articulaire et neuroborréliose non traitée. Le patient est mis sous traitement par ceftriaxone pendant quatre semaines (NB : le trai- tement n’est pas systématique après une piqûre de tique, sauf chez le jeune enfant chez qui la piqûre est rarement vue, car souvent sur le cuir chevelu, et la femme enceinte, car l’on ne sait pas si la bactérie passe chez le fœtus). Une sérologie de maladie de Lyme est effectuée dans le sang : à ce stade (arthrite de Lyme = phase secondaire), elle est positive dans 100 % des cas. Si elle est négative, il convient d’évoquer un autre diagnostic. Généralement, les concentrations d’IgG sont élevées ; les IgM sont positives dans 15 % des cas, sans signe de gravité. La séropositivité peut persister plus de 10 ans après traitement (la répéti- tion des sérologies est inutile après traitement). Évolution Le patient est adressé à un rhumatologue qui ponctionne son genou. La sérologie dans le liquide articulaire est positive : Elisa IgG > limite de détec- tion du kit, IgM positives ; Western blot IgG : positif avec quatre protéines dont BmpA et VlsE. NB : les trois protéines importantes en Elisa et Western blot (issues des trois souches de Borrelia prévalentes en France) sont : – VlsE : très sensible pour les IgG, elle les dépiste très tôt, y compris au stade d’érythème migrant ; – OspC : sensible pour les IgM : – BmpA : surtout pour la réponse en IgG. La PCR et la culture sont négatives sur le liquide articulaire (sensibilité de la PCR : 50 à 70 % ; souvent meilleure sur biopsie synoviale : environ 70 % et sensibilité de la PCR supérieure à celle de la culture). CAROLE ÉMILE Biologiste, CH de Montfermeil (93) [email protected] Pour rappel La maladie de Lyme n’est pas rare en France où l’on dénombre 10 000 à 12 000 cas par an. Devant des signes de neuroborréliose, une ponction lombaire doit être réalisée et une sérologie effectuée parallèlement dans le sang et le LCR. Maladie de Lyme, trois processus diagnostiques différents Détectée ou non, la piqûre de tique est de plus en plus fréquente chez les promeneurs et les résidents proches d’un espace boisé. À l’observation des signes cliniques, doivent être associés des éléments biologiques, principalement par des méthodes indirectes de recherche d’anticorps spécifiques. Source Atelier animé par Murielle Cornet, Journées de biologie clinique Necker-Institut Pasteur, Paris, janvier 2009. À noter Les sensibilités de la PCR et de la culture sont moindres dans le LCR (< 30 %) et dans le sang (environ 50 %). Ces techniques ne sont pas recommandées en routine.

Maladie de Lyme, trois processus diagnostiques différents

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cas cliniques | pratique

21OptionBio | Lundi 14 Septembre 2009 | n° 423

Cas n° 1Un homme de 45 ans consulte son médecin trai-tant avec une radiculite du membre supérieur. Il a eu une piqûre de tique au bras 15 jours aupara-vant, avec apparition, en 4 à 5 jours, d’une “plaque rouge” de 3 à 4 cm de diamètre.Une maladie de Lyme est évoquée, non plus au stade d’érythème migrant (la lésion cutanée a dis-paru), mais de neuroborréliose très précoce. Une sérologie de Lyme est effectuée : elle est négative dans le sang en IgG et IgM et légèrement positive en IgG à 10 UI (négative en IgM) dans le LCR, confirmée par Western blot.

Sensibilité des tests ElisaDans le sang, en cas de neuroborréliose précoce, la sensibilité des tests IgG est comprise entre 20 et 100 % et celle des tests IgM entre 35 et 100 %. Dans le LCR, elle est de 100 % si le test utilisé est adapté (validé dans le LCR) surtout en IgG, +/- en IgM. Compte tenu de la possibilité de faux négatif au début dans le sérum, il convient de répéter la sérologie après 15 jours. Il est impératif d’analyser le LCR pour rechercher une lymphocytose, et la synthèse intrathécale d’Ac.

ÉvolutionLe patient a été traité par ceftriaxone pendant un mois. Son état clinique s’est amélioré de façon spectaculaire en 48 heures. La sérologie de mala-die de Lyme était toujours négative 15 jours après dans le sérum ; elle s’est positivée après un mois, en IgG et IgM, confirmée par Western blot (mais il n’était pas indispensable de la refaire).

Cas n° 2Une enfant de 5 ans habitant près d’une forêt, consulte pour un léger œdème du pavillon de l’oreille gauche et de la région périauriculaire. Il

n’y a pas de notion de piqûre d’insecte, mais elle a une petite lésion au niveau du bras gauche. Le pédiatre diagnostique une otite externe et prescrit un antibiotique à administrer si la fièvre persiste plus de 48 heures.La fièvre disparaît en moins de deux jours et l’œdème en six. Deux semaines plus tard, elle est anorexi-que, amaigrie, a des céphalées et une asymétrie du visage, sans signe méningé, ni fièvre. Elle est hospi-talisée : un diagnostic de neuroborréliose est posé.

Conduite à tenirUne sérologie de maladie de Lyme dans le sang et le LCR est effectuée. La sérologie dans le sang montre des IgG négatives, IgM positives (1,8). Le Western blot est négatif (NB : le WB est légèrement moins sensible que les tests Elisa). Dans le LCR, il y a 330 éléments/mm3 (85 % de lymphocytes). La sérologie dans le LCR est positive en IgG (2,4/seuil = 1) ; le Western blot ne peut être réalisé, par manque d’échantillon. La CRP est < 5 mg/L.

ÉvolutionL’enfant est traitée par ceftriaxone pendant trois semaines. La paralysie faciale régresse à partir du 5e jour de traitement et disparaît complètement au 15e jour. L’asthénie persiste pendant deux mois.Évolution des sérologies dans le sang IgM IgG

J0 Positives (1,8) confirmées en WB Négatives

J15 Positives (2,4) Négatives

+ 4 mois Positives (1,1) Négatives

NB : l’absence de réponse en IgG est liée au traitement précoce.

Cas n° 3Un homme de 30 ans consulte pour lombalgies et monoarthrite du genou d’apparition brutale. À l’interrogatoire, il rapporte de nombreuses piqû-res de tiques, car il est amateur de champignons et se promène souvent en forêt. Il dit avoir fait, un mois auparavant, une paralysie faciale avec photophobie et céphalées.

Diagnostic, conduite à tenir et éventuels examens complémentairesIl s’agit d’une borréliose de Lyme en phase secon-daire, avec atteinte articulaire et neuroborréliose non traitée. Le patient est mis sous traitement par

ceftriaxone pendant quatre semaines (NB : le trai-tement n’est pas systématique après une piqûre de tique, sauf chez le jeune enfant chez qui la piqûre est rarement vue, car souvent sur le cuir chevelu, et la femme enceinte, car l’on ne sait pas si la bactérie passe chez le fœtus).Une sérologie de maladie de Lyme est effectuée dans le sang : à ce stade (arthrite de Lyme = phase secondaire), elle est positive dans 100 % des cas. Si elle est négative, il convient d’évoquer un autre diagnostic. Généralement, les concentrations d’IgG sont élevées ; les IgM sont positives dans 15 % des cas, sans signe de gravité. La séropositivité peut persister plus de 10 ans après traitement (la répéti-tion des sérologies est inutile après traitement).

ÉvolutionLe patient est adressé à un rhumatologue qui ponctionne son genou. La sérologie dans le liquide articulaire est positive : Elisa IgG > limite de détec-tion du kit, IgM positives ; Western blot IgG : positif avec quatre protéines dont BmpA et VlsE.NB : les trois protéines importantes en Elisa et Western blot (issues des trois souches de Borrelia prévalentes en France) sont :– VlsE : très sensible pour les IgG, elle les dépiste très tôt, y compris au stade d’érythème migrant ;– OspC : sensible pour les IgM :– BmpA : surtout pour la réponse en IgG.La PCR et la culture sont négatives sur le liquide articulaire (sensibilité de la PCR : 50 à 70 % ; souvent meilleure sur biopsie synoviale : environ 70 % et sensibilité de la PCR supérieure à celle de la culture).

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

Pour rappelLa maladie de Lyme n’est pas rare en France

où l’on dénombre 10 000 à 12 000 cas par

an. Devant des signes de neuroborréliose,

une ponction lombaire doit être réalisée et

une sérologie effectuée parallèlement dans

le sang et le LCR.

Maladie de Lyme, trois processus diagnostiques différentsDétectée ou non, la piqûre de tique est de plus en plus fréquente chez les promeneurs et les résidents proches d’un espace boisé. À l’observation des signes cliniques, doivent être associés des éléments biologiques, principalement par des méthodes indirectes de recherche d’anticorps spécifiques.

SourceAtelier animé par Murielle Cornet, Journées de biologie clinique Necker-Institut Pasteur, Paris, janvier 2009.

À noterLes sensibilités de la PCR et de la culture

sont moindres dans le LCR (< 30 %) et dans

le sang (environ 50 %). Ces techniques ne

sont pas recommandées en routine.