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"MALVOYANCE" DU MOUVEMENT DANS L'AUTISME INFANTILE ? Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementale Bruno Gepner P.U.F. | La psychiatrie de l'enfant 2001/1 - Vol. 44 pages 77 à 126 ISSN 0079-726X Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-la-psychiatrie-de-l-enfant-2001-1-page-77.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Gepner Bruno, « "Malvoyance" du mouvement dans l'autisme infantile ? » Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementale, La psychiatrie de l'enfant, 2001/1 Vol. 44, p. 77-126. DOI : 10.3917/psye.441.0077 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour P.U.F.. © P.U.F.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 161.6.94.245 - 17/04/2013 15h01. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 161.6.94.245 - 17/04/2013 15h01. © P.U.F.

"Malvoyance? du mouvement dans l'autisme infantile ?

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"MALVOYANCE" DU MOUVEMENT DANS L'AUTISME INFANTILE ?Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementaleBruno Gepner P.U.F. | La psychiatrie de l'enfant 2001/1 - Vol. 44pages 77 à 126

ISSN 0079-726X

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-la-psychiatrie-de-l-enfant-2001-1-page-77.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Gepner Bruno, « "Malvoyance" du mouvement dans l'autisme infantile ? » Une nouvelle approche

neuropsychopathologique développementale,

La psychiatrie de l'enfant, 2001/1 Vol. 44, p. 77-126. DOI : 10.3917/psye.441.0077

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“ Malvoyance ” du mouvement dans l’autisme infantile ?. Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementalepar Bruno GEPNER

| Presses Universitaires de France | La psychiatrie de l'enfant2001/1 - 44ISSN 0079-726X | ISBN 2130523161 | pages 77 à 126

Pour citer cet article : — Gepner B., “ Malvoyance ” du mouvement dans l’autisme infantile ?. Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementale, La psychiatrie de l'enfant 2001/1, 44, p. 77-126.

Distribution électronique Cairn pour Presses Universitaires de France .© Presses Universitaires de France . Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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“ Malvoyance ” du mouvement dans l’autisme infantile ?. Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementalepar Bruno GEPNER

| Presses Universitaires de France | La psychiatrie de l'enfant2001/1 - 44ISSN 0079-726X | ISBN 2130523161 | pages 77 à 126

Pour citer cet article : — Gepner B.“ Malvoyance ” du mouvement dans l’autisme infantile ?. Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementale, La psychiatrie de l'enfant 2001/1, 44, p. 77-126.

Distribution électronique Cairn pour Presses Universitaires de France .© Presses Universitaires de France . Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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“ Malvoyance ” du mouvement dans l’autisme infantile ?. Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementalepar Bruno GEPNER<RENVOI ID="RE2NO2" IDREF="NO2" TYPEREF="NOTE">2</

| Presses Universitaires de France | La psychiatrie de l'enfant2001/1 - 44ISSN 0079-726X | ISBN 2130523161 | pages 77 à 126

Pour citer cet article : — Gepner B., “ Malvoyance ” du mouvement dans l’autisme infantile ?. Une nouvelle approche neuropsychopathologique développementale, La psychiatrie de l'enfant 2001/1, 44, p. 77-126.

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Autisme infantileTroubles envahissants du développementNeuropsychopathologie développementaleLecture des visagesVision du mouvementModèle neuropsychodynamiquePensée en mouvement

« MALVOYANCE » DU MOUVEMENTDANS L’AUTISME INFANTILE ?

UNE NOUVELLE APPROCHENEUROPSYCHOPATHOLOGIQUE

DÉVELOPPEMENTALE1

Bruno GEPNER2

« MALVOYANCE » DU MOUVEMENT DANS L’AUTISME INFANTILE ?UNE NOUVELLE APPROCHENEUROPSYCHOPATHOLOGIQUE DÉVELOPPEMENTALE

Nous présentons dans cet article une nouvelle hypothèse neuro-psychopathologique développementale dans laquelle un trouble précocede la vision du mouvement, dans ses aspects attentionnels, perceptifset/ou d’intégration visuo-motrice, joue un rôle central dans certainesformes d’autisme infantile, en entraînant plusieurs cascades d’ano-malies développementales dans des domaines aussi variés et cruciauxque l’attention conjointe, la perception, l’imitation, la représentation,la compréhension et l’expression des émotions et du langage, et enfin les

Psychiatrie de l’enfant, XLIV, 1, 2001, p. 77 à 126

1. Cet article constitue une synthèse d’une dizaine d’années de recherches cli-nique, théorique et expérimentale auprès d’enfants présentant un syndrome autis-tique ou apparenté. Sur le plan purement expérimental, ces recherches ont permis detester plus de 50 enfants autistes et plus de 70 enfants témoins. Ces recherches qui sesituent dans le domaine des neurosciences cognitives ont d’abord fait l’objet d’unDEA de neurosciences (Gepner, 1991), puis de ma thèse de doctorat de neurosciences,menée sous la direction de Mme Scania de Schonen (CNRS, Marseille) et soutenue, endécembre 1997, devant Mmes Jacqueline Nadel (CNRS, Paris) et Michèle Brouchon(CREPCO-CNRS, Aix-en-Provence), et les Prs Béatrice de Gelder (Université de Til-burg, Pays-Bas) et Marcel Rufo (CHU Marseille).

2. Pédopsychiatre, psychothérapeute et docteur en neurosciences. Praticienhospitalier (responsable d’un hôpital de jour, Service de psychiatrie infanto-juvéniledu Dr Rousselot, Centre hospitalier Montperrin, Aix-en-Provence). Chargé d’ensei-gnement (Faculté de Lettres et Science humaines, Université de Provence, Aix-Marseille 1), et Chercheur associé (Laboratoire « Parole et langage », ESA-CNRS 6057,Université de Provence, Aix-Marseille 1).

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échanges visuo-gestuels et posturo-moteurs entre le bébé et son environ-nement humain. Après une présentation des principaux argumentsexpérimentaux et issus de la littérature en faveur de cette hypothèse,nous essayons d’en montrer les avantages (implication diagnostique etapplication rééducative) et les limites théorico-cliniques en la confron-tant, d’une part à plusieurs approches neuro-physio- et neuro-psychologiques contemporaines de l’autisme infantile (notamment lestravaux sur l’attention et la perception visuelles et l’imitation), d’autrepart à certains témoignages d’adultes autistes sur leur monde visuel, etenfin à quelques travaux et concepts psychanalytiques. Nous suggéronsque notre modèle est à proprement parler neuro-psycho-dynamique etqu’il pourrait nous fournir quelques bases neuropsychologiques d’unepensée en mouvement.

WHAT ROLE IS PLAYED BY TROUBLESOF MOVEMENT VISION IN INFANTILE AUTISM ?A NEW NEUROPATHOLOGICAL, DEVELOPMENTAL APPROACH

In this article, we present a new neuropathological developmentalhypothesis in which early troubles with movement vision in their atten-tional, perceptive and/or visuo-motor integration aspects play a centralrole in certain forms of infantile autism by bringing about several cas-cades of developmental anomalies in such diverse and crucial domainsas joint attention, perception, imitation, representation, comprehensionand the expression of emotions and language, and finally, visuo-gestualand posturo-motor exchanges between the baby and his or her humanenvironment. After a presentation of the principal experimental argu-ments and issues in the literature in favor of this hypothesis, we will tryto show its advantages (diagnostic implications and reeducationalapplications) and its theoretico-clinical limits by confronting the theorywith several contemporary neuro-physio and neuro-psychologicalapproaches to infantile autism (notably, works on attention, visual per-ception and imitation). Also, we present some testimony from autisticadults about their visual world, and finally, several psychoanalyticalworks and concepts. We suggest that our model is, properly speaking, aneuro-psychodynamic one and that it can offer us several neuropsycho-logical bases for thought in movement.

¿« CEGUERA » DEL MOVIMIENTO EN EL AUTISMO INFANTIL?

En este artículo presentamos una nueva hipótesis neuro-psicopato-lógica del desarrollo en la que un trastorno precoz de la visión del movi-miento en sus aspectos de atención, perceptivos y/o de integraciónvisuo-motriz tiene un papel central en ciertas formas de autismo infan-til al producir una serie de anomalias del desarrollo en campos tan dis-tintos y transcendentes como la atención, la percepción, la imitación, larepresentación, la comprención y la expresión de las emociones y dellenguaje y los intercambios visuo-gestuales y posturo-motores del bebé y

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su entorno humano. Se exponen los principles argumentos experimen-tales sacados de la literatura a favor de esta hipótesis, y se demuestransus ventajas (implicación diagnóstica y aplicación reeducativa) y suslímites teórico-clínicos confrontándola, por una parte, con otros enfo-ques neuro-fisio y neuro-psicológicos contemporáneos del autismoinfantil (especialmente los trabajos sobre la atención y la percepciónvisual y la imitación) y por otra parte con algunos testimonios de adul-tos autistas relativos a su mundo visual y por último con algunos traba-jos y conceptos psicoanalíticos.

Nuestro modelo sería neuro-psico-dinámico y podría establecer lasbases neuropsicológicas de un « pensamiento en movimiento ».

« Nous prenons des vues quasi-instantanées sur la réalité qui passe et,comme elles sont caractéristiques de cetteréalité, il nous suffit de les enfiler le longd’un devenir abstrait, uniforme, invisible,situé au fond de l’appareil de la connais-sance...

« Perception, intellection, langage pro-cèdent en général ainsi. Qu’il s’agisse depenser le devenir, ou de l’exprimer, oumême de le percevoir, nous ne faisonsguère autre chose qu’actionner une espècede cinématographe intérieur. »

H. Bergson,in L’évolution créatrice (1941).

OUVERTURE : « UN SCÉNARIO AUTISTIQUE »

Pour ouvrir cet article, je présenterai un scénario neuro-psychopathologique développemental fictif, où l’on voit unbébé qui présente, dès sa naissance, les prémisses d’un syn-drome autistique. Ce scénario développemental, ou plus exac-tement maldéveloppemental, servira de trame à la thèse quenous voulons soutenir.

Un nouveau-né vient au monde. Avant même sa nais-sance, un cocktail de facteurs génétiques, épigénétiques etenvironnementaux au sens large, ont plus ou moins altéré laconstruction de son système nerveux central. Nous suppo-sons ici qu’il présente une anomalie, pour l’instant non iden-tifiée, affectant le développement et le fonctionnement de

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son système visuel magno-cellulaire et/ou de sa voie visuelledorsale1.

Comment ce bébé voit-il le monde ? Qu’en perçoit-il ?Comment se le représente-t-il ? Comment agit-il sur le mondeet comment interagit-il avec lui ?

Sa vision du monde, son expérience visuelle du mondesont plus ou moins privées d’informations pertinentes etcohérentes sur la profondeur, le mouvement, et le contexteglobal. Tandis que sa vision du mouvement et du contexteenvironnemental est apauvrie, sa vision statique et du détails’hypertrophie, et chacune d’elle fonctionne pour son proprecompte, de manière dissociée et indépendante l’une de l’autre,sans que puisse se faire leur association et leur intégrationréciproque. Ce bébé ne peut donc pas se construire de repré-sentation cohérente et unifiée du monde, il vit dans un mondemorcelé sur lequel il ne peut agir efficacement et avec lequel ilne peut interagir correctement.

Il montre parfois une sorte de « négligence » à l’égard dumonde ambiant et dynamique, on se demande s’il n’est pasmalvoyant. Il peut s’intéresser en revanche à ce qui estdevant lui ou autour de lui mais qui ne bouge pas, ou pas tropvite. Sa mère le surprend parfois en train de regarder avecintensité le détail des petites fleurs sur les parois de son ber-ceau, l’ampoule au plafond ou la tache sur le mur, dans uneattitude contemplative. Que fait-il ? Il photographie tout cequi fait partie de son monde visuel accessible, il enregistretoutes les images, avec une précision quasi-photographiquemais sans l’illusion de la dynamique cinématographique quifait lien et continuité.

Il perçoit mal les mouvements d’anticipation posturale desa maman qui veut le prendre dans ses bras, il ne peut relier

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1. Le système visuel est schématiquement subdivisé en deux sous-systèmesvisuels neuro-physiologiquement distincts, qui véhiculent les informations visuellessur le monde environnemental depuis la rétine jusqu’au corps genouillé latéral puisau cortex visuel primaire. Le système visuel magno-cellulaire véhicule les informa-tions sur le mouvement (analyse du flux visuel), la profondeur, les fréquences spa-tiales basses et la forme globale, tandis que le système parvo-cellulaire (analyseurd’images) transmet des signaux concernant le détail des formes, les fréquences spa-tiales hautes et la couleur. La voie visuelle magno-cellulaire se prolonge par la voievisuelle dorsale, qui distribue ensuite ces informations visuelles aux différentesstructures corticales et sous-corticales avec lesquelles elle établit de nombreusesconnections.

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ses mouvements à leur intention sous-jacente, il n’anticipepas lui-même l’attitude posturale adéquate. Le début de samarche est retardé. Sa motricité volontaire est pauvre et per-turbée, il initie peu de mouvements spontanés ou de manièredésynchronisée. Il a du mal à percevoir et intégrer à la fois laforme et le mouvement d’un objet. Il distingue mal les mou-vements faciaux de ses partenaires interactifs, qu’il s’agissedes mimiques faciales ayant un contenu émotionnel (con-gruentes avec l’émotion intérieure correspondante) ou desmimiques faciales langagières (congruentes avec le phonèmeauditif correspondant). Il en comprend mal la signification. Ildétourne ses yeux et la tête quand un objet s’approche tropvite de lui. Il pense que l’objet va l’atteindre, faire intrusionen lui, le traverser, car il évalue et anticipe mal la trajectoireet la vitesse du mouvement. Il développe une aversion pourles mouvements rapides. Il évite le contact facial en général,et particulièrement le contact oculaire. Spontanément, ilexprime peu de mimiques faciales, peu d’émotions faciales,peu de langage facial. Plus grave encore, son réflexe d’imita-tion néonatale précoce n’apparaît pas et, plus tard, il n’imi-tera pas en temps réel les mimiques de son partenaire inter-actif, il imitera de manière différée et déformée. Il ne peutdonc pas rentrer dans le jeu des interactions faciales langa-gières et émotionnelles ou il le fait avec un décalage quiperturbe, désynchronise la réciprocité des échanges pré-langagiers et l’ « accordage affectif ». Tout ceci aboutit enquelques mois à une cristallisation puis une brisure du proces-sus d’échange, de réciprocité, de mutualité sociale. Les parte-naires interactifs ne comprennent pas en effet comment fonc-tionne ce bébé qui évite un monde humain et physique vécucomme intrusif et hostile, qui n’arrive pas à se faire com-prendre des autres, qui tourne en quelque sorte le « dos àl’humanité » selon l’image de Bettelheim (1969) et commenceà se replier sur son monde de sensations proprioceptivesautoengendrées (sonores, visuelles, tactilo-kinesthésiques...),un monde moins complexe pour lui, qu’il peut mieux mani-puler, maîtriser.

Quand il a 2 ans, ses parents tentent, sur les conseils dupédiatre, de le socialiser en crêche. Là, sa peur des mouve-ments se confond avec sa peur des enfants et adultes qui

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s’approchent rapidement vers lui. Il développe une crainteaversive à leur égard et exprime sa peur par des cris. Il se repliedavantage, se ferme à l’environnement extérieur bruyant etmouvementé. Il développe aussi des stratégies compensatoiresadaptatives, voire suradaptatives : il se bouche les oreilles,agite les mains devant les yeux pour décomposer et tenter deralentir le mouvement, fait écran au monde avec des stratégiescomportementales défensives, ritualisées et stéréotypées. Ilest également devenu un « collectionneur » hypermnésiqued’images et de formes visuelles ou sonores partielles et stati-ques : les sons, les dates, les noms, les chiffres, les notes demusique. Il est devenu plus ou moins « génial », au sensd’hypertrophique d’un sens, d’un domaine, ou d’une compé-tence. Voici donc cet être humain devenu radicalement diffé-rent du commun des mortels (les « neuro-typiques » commenous appellent entre eux certains autistes de haut niveau surInternet). C’est le héros de ce scénario qui va, tout au long decet article, nous guider sur le chemin qui nous mène jusqu’àlui, ou plus modestement qui nous en rapproche.

Ce scénario ne prétend certainement pas rendre compte detous les cas d’autisme, il ne prétend pas même traduire exac-tement le moindre cas d’autisme. Il permet seulementd’imager et imaginer un modèle neuro-physio-psychologiqued’autisme infantile – parmi d’autres – à la fois simple etlogique. Le lecteur en jugera lui-même la pertinence, ladémonstrativité ou la plausibilité.

INTRODUCTION

Après plus d’un demi-siècle de recherches et confronta-tions cliniques, théoriques et expérimentales sur l’autismeinfantile, il semble bien aujourd’hui qu’on voie progressi-vement apparaître un continuum, une tolérance et des pas-serelles (davantage qu’un consensus) entre les approchespsychanalytiques, développementales, neuropsychologiquescognitives et neurobiologiques, françaises et étrangères. Surle plan étiopathogénique notamment, il semble que tout le

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monde puisse à peu près s’accorder sur l’idée minimale que lessyndromes autistiques de l’enfant se présentent comme l’ex-pression clinique finale (la « voie finale commune », Golse,1995) chez un bébé ou un très jeune enfant, d’un cocktailvariable de facteurs de risques génétiques, épigénétiques etenvironnementaux au sens large, affectant le développementdu système nerveux central. Pas d’étiologie unique donc, pasde primum movens univoque, pour des syndromes complexeset relativement homogènes, les troubles envahissants dudéveloppement, dont se poursuit le démembrement avec laCFTMEA (Misès et al., 1988), la CIM-10 (WHO, 1993) et le DSM-IV(APA, 1994), mais aussi avec la Zero to three (Greenspan et al.,1994) et son concept très prometteur de « Multisystem Deve-lopmental Disorders » (Troubles touchant de multiplesdomaines du développement).

Nous appuyant sur les travaux du médecin et biologisteH. Atlan (1979) et rejoignant ceux du psychiatre A. Bour-guignon (1981), nous avons suggéré, il y a quelques années,que l’interaction de ces divers facteurs de risque, génétiques,épigénétiques et environnementaux (anté-, néo- et post-nataux), en proportions variables, altérait les processusd’auto-organisation psychosomatique normalement àl’œuvre au cours du développement, dans le sens d’une désor-ganisation et/ou d’une sur-organisation (Gepner et Soulayrol,1994). Autrement dit, des « agents psycho/somato-vulnérabilisants » affecteraient le développement neuro-bio-physio-psychologique intégratif et unifiant d’un bébé dèsavant sa naissance ou dans ses premiers mois de vie, puisdéformeraient ses modalités d’être-au-monde.

Mais aujourd’hui, un corps de plus en plus solide deconnaissances, celui de la neuropsychologie développemen-tale, qui vise à identifier des mécanismes de dissociation (non-liaison, déliaison) et d’intégration entre différentes fonctionsneuro-psychologiques, peut nous permettre d’envisager desmodèles à la fois moins holistiques, plus précis et plus intégra-tifs de l’autisme infantile et des troubles apparentés, tout enrestant psychodynamiques et interactifs.

Depuis une trentaine d’années en effet, les troubles de lacommunication verbale et non verbale, des interactionssocioémotionnelles et du comportement, rencontrés dans la

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clinique de l’autisme infantile et des syndromes apparentés,ont suscité de très nombreux travaux et de multiples inter-prétations neuropsychologiques concurrentes et/ou complé-mentaires, dont les principales sont socioémotionnelles,cognitives, attentionnelles et perceptives. Certains travaux etconcepts psychanalytiques qui se sont développés parallèle-ment ont d’ailleurs anticipé ou intégré quelques fruits de cesrecherches neuropsychologiques.

Dans ce contexte plutôt foisonnant, l’enjeu de notre con-tribution scientifique dans ce domaine était de construire unmodèle capable de rendre compte du plus grand nombre pos-sible de troubles faisant partie du syndrome autistique, maisaussi de les relier entre eux et les assembler dans une proposi-tion cohérente. Il ne s’agissait pas tant de partir à la décou-verte de la Cause primaire et unique de l’autisme (utopied’arrière-garde, que celle-ci soit psychique ou neurologique),mais bien plutôt d’identifier une des cascades maldévelop-pementales (un processus d’altération neuropsychologiquedéveloppementale) pouvant expliquer l’apparition d’un syn-drome autistique chez un enfant. Pour ce faire, nous avonsdémarré il y a dix ans une série d’études expérimentales dansle laboratoire de neurosciences cognitives du CNRS de Mar-seille, sous la direction de Scania de Schonen (directrice derecherche), puis en collaboration avec l’équipe de DanielMestre (directeur de recherche) et Christine Deruelle (chargéede recherche).

Dans cet article, je commencerai donc par décrire rapide-ment les procédures et principaux résultats de ces étudesexpérimentales. Je montrerai comment, à partir de ces résul-tats, nous sommes arrivés à formuler l’hypothèse d’untrouble précoce du développement du traitement – attention-nel, perceptif et/ou intégratif – de la vision du mouvementcomme mécanisme commun plausible de nombreux signesautistiques. Je présenterai ce modèle neuropsychopatholo-gique développemental d’autisme infantile avec ses multiplesconséquences pour le développement des systèmes de recon-naissance et d’imitation d’autrui, de communication, d’inter-action et de socialisation avec autrui.

Nous évaluerons ensuite la plausibilité de ce nouveaumodèle, d’abord à la lumière des données prouvant l’implica-

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tion majeure de la vision du mouvement dans le développe-ment postural, moteur et imitatif du bébé et du jeune enfantnormaux, puis en le confrontant à plusieurs autres modèlescontemporains de l’autisme infantile, des plus cognitifs auxplus neurobiologiques, en passant par les modèles perceptifset attentionnels. Nous verrons encore quels liens il existeentre notre modèle et, d’une part, certains témoignagesd’adultes autistes concernant leur monde perceptif, mnésiqueet relationnel, et d’autre part, certains travaux et conceptspsychanalytiques. Nous envisagerons pour finir les limites denotre modèle, en proposerons une extension, et considéreronsses possibles implications pour le diagnostic d’autisme infan-tile et la rééducation. Nous conclurons sur la portée explica-tive de notre modèle dans une visée neuropsychodynamique.

DÉMARCHE EXPÉRIMENTALE

À la suite de nombreux auteurs, nous souhaitions doncapporter notre contribution à la recherche des mécanismesneuropsychopathologiques qui sous-tendent les troublesautistiques.

Notre première question était de savoir si les particula-rités d’interaction par le regard des enfants autistes, commel’évitement du regard et leur faible attention portée aux visa-ges, notés d’emblée par Kanner dans son article princepsde 1943, s’accompagnent ou non d’anomalies dans le traite-ment des visages. Compte tenu d’un certain nombre de con-troverses dans la littérature sur ce thème (voir plus loin lesmodèles neuropsychologiques cognitifs, en particulier celuidéfendu par Hobson), nous souhaitions préciser la natureet la spécificité des marqueurs neuropsychopathologiquescognitifs dans le domaine de la reconnaissance des visages, etleur corrélation avec les comportements visuels inhabituelsdes sujets autistes. Nous voulions ainsi chercher, parmi lestroubles de la reconnaissance des visages, ceux qui sont leplus spécifique du diagnostic d’autisme, et éventuellementmettre en évidence leur(s) point(s) commun(s).

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Dans une première étude publiée en 1996 (Gepner, de Gel-der, de Schonen, 1996), nous avons d’abord examiné chez7 enfants et adolescents autistes, âgés de 6 à 17 ans, et dia-gnostiqués selon les critères de la CIM-10 (1993) pour l’autismeinfantile et l’autisme atypique, les performances dans diffé-rentes tâches de traitement des visages. Cette batterie de huittests de reconnaissance de divers aspects des visages, sur pho-tographies ou films vidéo, visait à analyser leur catégorisa-tion de l’identité faciale de visages familiers ou non et, entemps limité ou non, la catégorisation d’expressions facialesémotionnelles et non-émotionnelles, la détection de la direc-tion du regard d’autrui, la lecture sur les lèvres et l’associa-tion bi-modale auditivo-visuelle (appariement d’un phonèmeperçu auditivement et avec un mouvement de lèvres perçuvisuellement). Nous avons également testé avec ces mêmestâches 14 enfants contrôles normaux (appariés individuelle-ment avec les sujets autistes soit sur l’âge mental verbalmesuré avec les batteries de Chevrie-Müller, soit sur l’âgemental non verbal mesuré avec les matrices visuo-spatiales deRaven) et 7 enfants retardés (présentant une trisomie 21 sanssignes autistiques).

La comparaison des performances des sujets autistes aveccelles de sujets contrôles normaux ou retardés, dans ces diver-ses tâches, montre que le spectre des anomalies de traitementdes visages observées chez les enfants et adolescents autistesest relativement hétérogène. Les sujets autistes sont limitésdans l’ensemble des tâches de traitement des visages mais pastoujours de façon significativement différente de leurs sujetscontrôles, et pas de manière homogène. En effet, tandis queles sujets autistes réussissent relativement bien les tâchesd’identification de visage familiers ou non familiers sanslimite de temps, ils semblent particulièrement gênés danstous les domaines impliquant ou supposant un traitement de ladynamique faciale (lecture du mouvement des lèvres pendantla parole, détection de la direction du regard, catégorisationdes mimiques faciales émotionnelles), de la configuration glo-bale des visages (comme dans la tâche de mémoire immédiatedes visages) et de l’association bimodale auditivo-visuelle.

Les comportements visuels de certains sujets autistesvis.à-vis du visage seraient non pas liés à un trouble du traite-

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ment du visage en tant que tel (comme le montrent Davieset al., 1994), ni des émotions en tant que telles (contrairementà ce que suggère Hobson, 1991), mais plutôt à des anomaliesdu traitement visuel des mouvements faciaux, de la configu-ration globale des visages (comme l’ont montré Mottronet al., 1999 ; Shah et Frith, 1983 et 1993 avec des formes« non-visage »), ainsi qu’à des altérations de l’associationtrans-modale auditivo-visuelle (comme l’ont montré en élec-trophysiologie Martineau et al., 1992, avec des stimuli élé-mentaires chez un sous-groupe d’enfants autistes).

Dans une seconde étude publiée en 1994 (Gepner, Buttin,de Schonen, 1994), nous avons cherché à savoir dans quellemesure les troubles du traitement des visages observés chezcertains enfants et adolescents autistes étaient le résultat del’aggravation de l’écart entre développement normal et autis-tique, ou si l’on observait déjà les mêmes anomalies chez dejeunes enfants autistes.

Les résultats de notre seconde étude, qui portent sur10 enfants autistes (critères DSM-IV, APA, 1994) âgés de 3 à8 ans et 10 enfants contrôles normaux appariés sur l’âge dedéveloppement (mesuré avec l’échelle de Brunet-Lézine),confirment le profil de résultats de notre première étude.Comparés aux enfants normaux de même âge de développe-ment, les enfants autistes présentent de très grandes diffi-cultés dans la reconnaissance sur photographie des mimiquesfaciales émotionnelles, des difficultés à détecter la directiondu regard d’autrui on-line (celui de l’expérimentateur), desdifficultés à extraire l’invariant d’identité d’un visage nonfamilier à travers des mimiques différentes, mais ont unebonne capacité à identifier des visages familiers. La confirma-tion des résultats de la première étude chez des enfants plusjeunes est un bon argument en faveur de la précocité destroubles du traitement des visages au cours du développe-ment de certains enfants autistes. Ces altérations du traite-ment des visages seraient déjà présentes à 3 ans et ne seraientpas, ou en tout cas pas seulement, une conséquence secon-daire du retard et/ou de la déviance des interactions socialesdes sujets autistes. Si, comme nous le supposions après notrepremière étude, les troubles du traitement des visages dessujets autistes consistent plus spécifiquement en des anoma-

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lies du traitement de la dynamique faciale et de la forme glo-bale du visage et de l’association auditivo-visuelle, nouspourrions alors déduire de notre seconde étude que ces ano-malies sont précoces au cours du développement, qu’ellesexistent déjà chez certains enfants autistes de façon mani-feste à partir de 3 ans, et probablement de façon latenteavant 3 ans.

À la suite de ces résultats, et après la lecture d’un articlede Zihl et coll. (1983) montrant les conséquences perceptiveset sociales extrêmement invalidantes et pour ainsi dire quasi« autistisantes » d’une altération brutale de la vision du mou-vement chez une adulte (voir plus loin), nous avons choisi dedévelopper préférentiellement l’hypothèse de troubles pré-coces du traitement visuel du mouvement dans certains casd’autisme infantile, car c’est celle qui nous semblait capablede rendre compte du plus grand nombre de signes cliniquesprimaires d’autisme, de leurs conséquences invalidantes et deleurs mécanismes compensatoires adaptatifs.

Afin de tester plus directement cette hypothèse, nousavons mené deux nouvelles études.

Dans la première d’entre elles publiée en 1995 (Gepner,Mestre, Masson et de Schonen, 1995), nous avons pour la pre-mière fois cherché à évaluer la perception visuelle du mouve-ment environnemental chez un groupe de 5 jeunes enfantsautistes (CIM-10) âgés de 4 à 7 ans, en la comparant à celle de9 enfants normaux du même âge. Grâce à une méthodologie nerequérant aucune réponse verbale ou motrice volontaire de lapart des sujets testés, nous avons mesuré la réactivité postu-rale à un flux visuel. Durant l’expérience, les enfants étaientdebout sur une plateforme de forces captant les mouvementslatéraux et antéro-postérieurs de leur centre de gravité. Onprojetait devant eux, sur un écran de cinéma, dans une pièceplongée dans l’obscurité, des cercles concentriques animésalternativement de mouvements de contraction et d’expan-sion, donnant l’impression à l’observateur de se trouver dansun tunnel oscillant d’avant en arrière plus ou moins rapide-ment. Les résultats de cette étude sont intéressants : contrai-rement aux enfants normaux, qui oscillent posturalementde façon synchrone à la fréquence d’oscillation du stimulusvisuel (preuve que leur réactivité posturale est véritablement

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asservie au mouvement visuel environnemental), les enfantsautistes présentent, quant à eux, une très pauvre réactivitéposturale à la vision du mouvement environnemental. Nousavons répliqué cette étude et retrouvé des résultats compara-bles chez 3 enfants autistes (CIM-10) âgés de 7, 9 et 11 ans (voirplus loin Gepner et Mestre, sous presse). Dans cet article, nousprécisons que l’insensibilité posturale des enfants autistes semanifeste en fait pour des vitesses relativement rapides. Toutse passe chez ces enfants comme si leur posture échappait aumoins partiellement aux influences du mouvement environne-mental via la proprioception visuelle, comme si leur régula-tion posturale d’origine visuelle était défaillante. La conclu-sion de notre article de 1995 était que certains enfants autistesprésentent un défaut d’intégration visuo-posturale. Une inter-prétation perceptive de ces résultats consiste à dire que lesenfants autistes présentent une altération de la sensibilitévisuelle au mouvement ambiant, une sorte de « mal-voyance » du mouvement environnemental, surtout lorsquecelui-ci est rapide. Étant donnée l’importance de la fonctionproprioceptive visuelle pour le développement et le contrôlede la posture (voir plus loin), on peut imaginer qu’une altéra-tion précoce et durable de la perception visuelle du mouve-ment environnemental puisse rendre compte des troublesvisuo-posturo-moteurs (maladresse motrice, troubles de l’an-ticipation motrice et des ajustements posturo-moteurs) dessujets autistes.

Mais notre méthodologie (dans laquelle la variable atten-tionnelle n’était pas formellement contrôlée) ne permettaitpas d’exclure que la moindre réactivité posturale des enfantsautistes à la vision du mouvement soit liée à une moindreattention visuelle à l’égard du stimulus. Si tel était le cas, eteu égard au caractère à la fois visuellement très attractif etposturalement très contraignant de ce type de stimuli visuelschez l’enfant normal, il est vraisemblable que chez l’enfantautiste, cette moindre attention visuelle n’est pas tant le faitd’un manque d’intérêt mais peut-être plutôt d’une aversion,d’un retrait attentionnel réflexe ou volontaire. Le stimulusmouvement pourrait devenir (dans certaines conditions defréquences temporelles et spatiales, donc de vitesse, puisquela vitesse s’exprime comme le rapport des fréquences tempo-

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relles sur les fréquences spatiales) un stimulus aversif, commele sont certains stimuli sonores ou tactiles.

Ces deux hypothèses, perceptive et attentionnelle, ne sontpas incompatibles entre elles, tout en étant compatibles aveccelle de troubles de la régulation posturale d’origine cérébel-leuse ou labyrinthique, troubles qui pourraient être intercon-nectés entre eux (pour approfondir cette question, voir lanotion de « sens – multisensoriel – du mouvement » chez Ber-thoz, 1997).

Après avoir mesuré la réactivité posturale des enfantsautistes au mouvement environnemental, c’est-à-dire à desstimuli visuels sollicitant la vision globale (principalementpériphérique mais aussi centrale), nous avons ensuite cherchéà évaluer leur perception visuelle du mouvement en visioncentrale uniquement (étude présentée dans ma thèseen 1997 ; voir aussi Gepner, 1999).

Pour ce faire, nous avons testé, chez 10 enfants autistes(critères DSM-IV) d’intensité légère à moyenne (critères CARS,Schopler et al., 1980) et âgés de 4 à 12 ans, et 10 enfants con-trôles normaux du même âge, leur capacité à comparer desvitesses de points en déplacement sur un écran d’ordinateur,ainsi que des tailles de formes statiques (tâche contrôle). Lesrésultats de cette quatrième étude indiquent que malgré uneattention visuelle suffisante, les sujets autistes sont moinsperformants que les enfants normaux dans toutes les tâchesdynamiques qui exigent de comparer des vitesses de points endéplacement. Par ailleurs, les performances des sujets autis-tes sont relativement bonnes lorsqu’il s’agit de comparer lesvitesses de déplacement dans des gammes de vitesses lentes,et très peu différentes de celles obtenues dans la tâche con-trôle statique, et elles chutent d’autant plus que les gammesde vitesse sont élevées et que la trajectoire du mouvement estmoins prévisible. Une enfant présentait même une véritableaversion au mouvement rapide et détournait fréquemmentses yeux de l’écran. En résumé, les résultats de cette dernièreétude suggèrent que certains enfants autistes présentent denettes limitations dans la perception du mouvement en visionfocale et que leurs compétences perceptives sont d’autantplus limitées que la vitesse est plus rapide ou que la trajec-toire du mouvement est plus complexe. Ces limitations sem-

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blent exister précocément au cours du développement et sem-blent persister au cours du temps puisqu’on les retrouveégalement chez des enfants autistes de 12 ans.

Nos deux dernières études apportent des argumentsétayant la thèse selon laquelle certains enfants autistes pré-senteraient au cours de leur développement des limitations etanomalies plus ou moins importantes de la vision du mouve-ment, dans ses aspects attentionnels, perceptifs et/ou d’inté-gration visuo-motrice. Ces limitations concerneraient le trai-tement du mouvement en vision périphérique/globale maisaussi centrale, et seraient d’autant plus manifestes que lemouvement est rapide. Nous pensons que de telles anomalies,survenant précocement au cours du développement, pour-raient entraîner et expliquer, en cascade, des troubles dans ledéveloppement des compétences nécessitant l’utilisation adé-quate d’informations visuelles sur le mouvement, au premierrang desquelles la communication langagière et émotionnelleet la visuo-posturo-motricité. C’est ce que nous souhaitons àprésent démontrer avec d’autres arguments.

IMPORTANCE DE LA VISION DU MOUVEMENT

DANS LE DÉVELOPPEMENT

Pour commencer, nous présenterons dans ce chapitrequelques données de la littérature sur la vision du mouve-ment chez le bébé normal, qui nous permettront ensuite demieux apprécier l’impact sur le développement d’un troubleprécoce de la vision du mouvement.

Le mouvement est partout et tout le temps présent dansl’environnement naturel du nourrisson. Mieux encore, le sti-mulus mouvement est ubiquitaire au sens où les mouvementsspontanés des yeux, de la tête et du corps du nourrissoncréent un mouvement quasiment continu de l’image del’environnement visuel sur sa rétine. Il est donc très impor-tant de savoir comment le nourrisson perçoit le mouvementet comment il en extrait des informations pertinentes pourson développement.

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Rappelons d’abord qu’il existe schématiquement deuxvoies visuelles, deux systèmes visuels neuro-physiologique-ment distincts, qui véhiculent les informations visuelles sur lemonde environnemental depuis la rétine jusqu’au corpsgenouillé latéral puis au cortex visuel primaire (Jeannerod,1974 ; Livingtone et Hübel, 1988 ; Zéki, 1992). Le systèmemagno-cellulaire véhicule les informations sur le mouvement(système analyseur de flux visuel), la profondeur et la formeglobale (les fréquences spatiales basses), tandis que le systèmeparvo-cellulaire (système analyseur d’images) transmet lessignaux concernant le détail des formes et des textures (lesfréquences spatiales hautes) et la couleur. La voie visuellemagno-cellulaire se prolonge par la voie visuelle dorsale, quidistribue ensuite ces informations visuelles aux différentesstructures corticales et sous-corticales avec lesquelles elleétablit de nombreuses connections (cortex temporal, parié-tal, pré-frontal et frontal, cervelet, structures thalamiquesmésencéphaliques et pontiques). Des données anatomo-fonctionnelles (chez l’animal) ont montré l’immaturité rela-tive du système analyseur d’images par rapport au systèmeanalyseur de flux à la naissance, et des données expérimenta-les (chez le bébé) ont montré la maturation rapide de ces deuxsystèmes au cours des premiers mois de la vie. Les informa-tions véhiculées respectivement par ces deux systèmes secombinent et s’intègrent progressivement au cours des pre-mières années de vie et permettent au nourrisson d’aboutir àun projet spatial, une planification de l’action et une produc-tion de gestes de mieux en mieux dirigés et maîtrisés (Büllin-ger, 1991).

Comme le soulignent Aslin et Shea (1990), le mouvementest l’un des stimuli environnementaux les plus attractifs pourle nouveau-né et le nourrisson. Des études basées sur la préfé-rence visuelle (durées de fixation visuelle) ont montré que dif-férents types de mouvement suscitent préférentiellementl’attention du nourrisson. Dès la naissance, le bébé présenteune attention accrue pour une cible attrayante (notammentle faciès humain) en mouvement latéral par rapport à lamême cible statique (Goren, Sarty et Wu, 1975). Il estcapable de détecter et suivre ces stimuli visuels en mouve-ment avec ses yeux (poursuite visuelle douce, Carchon et

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Bloch, 1993) et sa tête. Jusqu’à l’âge de 2 mois, cette pour-suite visuelle serait essentiellement sous contrôle du colli-culus, et au-delà, la maturation des voies cortico-colliculairesrétroactives permettrait une stabilisation du regard sur lacible (Braddick, Atkinson et Hood, 1996). Jusque vers5 mois, les nourrissons ont une forte préférence visuelle pourles visages animés de mouvement par rapport aux visagesstatiques, et cela indépendamment de l’expression faciale(Wilcox et Clayton, 1968). Au-delà, l’information présentesur un stimulus tridimensionnel devient aussi attractive, ouplus encore, que le mouvement du stimulus en soi (Nelson etHorowitz, 1983). Par ailleurs, plusieurs études ont montréque les nourrissons avant 3 mois tendent à préférer le plusrapide d’entre deux stimuli1.

Rappelons aussi que le mouvement induit chez le nourris-son des réponses motrices systématiques comme le nystag-mus optocinétique (Hainline et al., 1984) et un comportementanticipatoire d’atteinte de l’objet (von Hofsten, 1980). Deplus, le stimulus mouvement fournit d’importantes informa-tions au nourrisson concernant les propriétés des objets,comme leur forme (Yonas et al., 1987), leur taille et distancerelatives (Granrud, 1986), et lui permet de percevoir lesobjets comme des entités distinctes (Spelke et al., 1989).

La vision du mouvement assume aussi une véritablefonction proprioceptive, cruciale pour le développement ducontrôle postural. Les nourrissons présentent des réajuste-ments posturaux en réponse à une scène visuelle animée demouvement à partir de la 24e semaine (Rose et Bertenthal,

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1. Nelson et Horowitz (1987) suggèrent deux explications possibles à cette pré-férence visuelle pour le stimulus rapide. Selon la première explication, sensorielle, lapréférence pour le mouvement rapide est liée à un timing de développement différententre la sensibilité au mouvement rapide et aux fréquences spatiales basses (sem-blant déjà largement développée à 1 mois) et la sensibilité au mouvement lent et auxfréquences spatiales hautes (qui se développe surtout entre 1 et 3 mois). Ainsi, c’estune limite sensorielle qui exclut que le nourrisson avant 3 mois manifeste une préfé-rence pour le mouvement lent. La seconde explication est cognitive. Étant donnéque la taille de l’objet et son contraste influencent la poursuite visuelle du nourris-son, il se pourrait que des stimuli se déplaçant relativement lentement sollicitenttrop de demande aux ressources cognitives limitées du nourrisson, puisque le mouve-ment lent ne facilite pas seulement la détection et la poursuite, mais aussil’identification. Au contraire, des stimuli se déplaçant rapidement ne peuvent pasêtre facilement identifiés, puisqu’ils ne peuvent pas être fixés longtemps, et ne pour-raient donc qu’être visuellement suivis (d’où la préférence visuelle pour ce type destimuli).

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1995). Des nouveau-nés de 3 jours sont déjà sensibles au fluxoptique dans la mesure où ils présentent des réponses com-pensatoires systématiques de la tête en réponse à ce flux(Jouen, 1988). La vision du mouvement fournit des informa-tions proprioceptives cruciales pour l’acquisition des posturesde la tête et du tronc et le maintien de leur stabilité, la stationassise et la station debout (Lee et Aronson, 1974 ; Butter-worth et Hicks, 1977), et l’acquisition de la marche (Büllin-ger, 1996). La vision du mouvement est essentielle pour lecontrôle de la coordination visuo-manuelle, et ceci dès la nais-sance. Comme le souligne Büllinger (1991), ce n’est que sicette fonction proprioceptive peut se développer sans entraveque le système analyseur d’images peut permettre une explo-ration oculomotrice au service d’un projet spatial. C’est àcette condition aussi que peuvent s’intégrer les fonctions péri-phérique et focale du système visuel en un système coor-donné.

Par ailleurs, dans la mise en jeu de l’imitation néonatale(redécouverte par Meltzoff et Moore, 1977), le paramètre« mouvement » semble absolument déterminant (Vinter,1986). Cette réponse en écho, quasi-réflexe, suppose une apti-tude innée à produire une équivalence entre kinesthésie etmouvement ainsi qu’une capacité d’analyse « supra-modaleou amodale » des informations sensorielles (Meltzoff etMoore, 1993). De nombreuses études attestent par ailleursclairement l’importance fonctionnelle de l’imitation et sonrôle psychogénétique dans le développement émotionnel etsocial du nourrisson, dans la synchronisation et la réciprocitéde ses échanges et interactions (Nadel et Beaudonnière, 1991pour une revue). Stern (1985) montre le rôle déterminant del’imitation précoce dans le développement de l’accordageaffectif, de la conscience intra- et intersubjective des étatsémotionnels internes et de la constitution du soi. Selon Melt-zoff (1996), l’imitation précoce est le berceau de la théorie del’esprit (c’est-à-dire de la capacité à lire et se représenter lesintentions et émotions d’autrui).

De manière analogue, le décodage auditivo-visuel du lan-gage pendant la parole et le développement langagier, quinécessitent l’appariement bimodal du son d’une voyelle avecle mouvement des lèvres du visage correspondant (compé-

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tence normalement acquise par le nourrisson à 6 mois, Kühlet Meltzoff, 1982), dépendent donc pour partie de l’acquisi-tion d’une bonne lecture labiale.

Enfin, le développement normal chez le nourrisson del’attention conjointe dans ses relations avec l’acquisition dulangage (études de Bruner, 1983 et de Baldwin, 1991) supposel’intégrité de sa capacité à détecter le regard d’autrui (Baron-Cohen, 1994), qui suppose elle-même une capacité à lire et àsuivre les mouvements des yeux et les changements de direc-tion du regard d’autrui.

UN MODÈLE AUTISTIQUE :LA « MALVOYANCE DU MOUVEMENT »

Nous reprenons dans ce chapitre notre hypothèse de trou-bles précoces du traitement visuel du mouvement (dans sesaspects attentionnels, perceptifs et/ou d’intégration visuo-motrice) comme mécanisme explicatif de nombreux signesautistiques. À la lumière du chapitre précédent, nous décri-vons ici les différentes conséquences possibles de cette hypo-thèse, en montrant comment de tels désordres pourraient, deproche en proche ou par effet « boule de neige », affecter ledéveloppement de la communication verbale et non verbale(émotionnelle et gestuelle) et de la posturo-motricité.

Conséquences sur le développementde la compréhension et de l’expressionde la parole et du langage

Notre hypothèse pourrait expliquer les difficultés de cer-tains sujets autistes à lire sur les lèvres, à percevoir les mou-vements des lèvres qui sont rapides par nature (de Gelderet al., 1991 ; Gepner et al., 1996). Ces difficultés explique-raient ensuite leur gêne à utiliser cette information labiale età l’apparier (l’associer) avec les sons (phonèmes, mots) perçusauditivement, ce qui entraînerait une désynchronisation dansl’intégration visuo-auditive de la parole. Des anomalies de

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l’imitation, de la représentation, de la planification et de laréalisation de l’action langagière pourraient en découler,comme en témoignent les altérations quantitatives et qualita-tives de leur expression verbale, notamment les signes de lalignée aphasique et dysphasique, leur manque d’initiativeverbale ou la pauvreté de leur langage facial (voir Leary etHill, 1996, pour une revue). En résumé, ces perturbationspourraient au moins en partie rendre compte des anomaliesdu développement du décodage, de la compréhension et del’imitation de la parole et du langage chez les sujets autistes.

Conséquences sur le développementde la compréhension et de l’expressiondes émotions

De manière analogue, notre hypothèse pourrait expliquerles difficultés des sujets autistes à percevoir, se représenter etcomprendre les mimiques faciales émotionnelles, et à les relieravec leur état d’âme, affectif ou psychique correspondant.Comme le suggère Hobson (1989), les sujets autistes auraientdu mal à saisir la dynamique expressive émotionnelle duvisage. Ces altérations expliqueraient les difficultés des sujetsautistes à construire des invariants perceptifs pour catégo-riser les émotions faciales (Davies et al., 1994) et à apparierces indices émotionnels faciaux avec les autres indices émo-tionnels vocaux, gestuels ou contextuels (Hobson, 1986 aet 1986 b ; Hobson et al., 1988 a ; Loveland et al., 1995). Uneautre conséquence serait leurs difficultés à imiter et à pro-duire volontairement des expressions faciales émotionnelles(Hertzig et al., 1989 ; Loveland et al., 1994). Ces troubles pré-coces de l’imitation des émotions faciales expliqueraient,selon Rogers et Pennington (1991) qui s’inspirent de lathéorie de Stern (1985), leurs difficultés à s’engager dans laréciprocité et le partage émotionnels avec autrui, à s’accorderaffectivement avec son partenaire, et leurs difficultés à déco-der et comprendre leurs propres états émotionnels internes(selon Meltzoff et Moore, 1993), ainsi qu’à se représenter lesétats mentaux (intentions, désirs) d’autrui, c’est-à-dire àdévelopper une théorie de l’esprit (Baron-Cohen, 1994 ; Melt-zoff, 1996). Ces difficultés conjuguées expliqueraient leurs

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modalités de communication et d’interaction faciale parfois sipauvres ou étranges sur le plan émotionnel. L’émotion seraitreprésentée chez eux de manière fragmentée, dissociée enchacune de ses modalités. Leur intégration plurimodale/amo-dale de l’émotion serait affectée depuis ses niveaux élémen-taires de perception et d’imitation réflexe précoce jusqu’auxniveaux complexes de représentation, de planification etd’action-interaction.

Conséquences sur le développementde l’attention conjointe

Notre hypothèse pourrait aussi expliquer les difficultésdes sujets autistes à percevoir et suivre les mouvements desyeux d’autrui, notamment quand ceux-ci sont rapides (Gran-din, 1997), autrement dit à détecter les changements de ladirection du regard d’autrui, de même que leurs anomalies ducontact par le regard, notamment leur tendance à éviter lecontact facial direct (Tardif et al., 1995) et notamment lecontact visuel (Hutt et Ounsted, 1966), interprétée ici commeune aversion au mouvement rapide et/ou un mécanisme com-pensatoire (voir plus loin). Ces difficultés pourraient dès lorsexpliquer les troubles de la détection de la direction du regardd’autrui (Baron-Cohen et al., 1995 ; Gepner et al., 1994,1996). Ces derniers expliqueraient en partie les difficultésd’attention conjointe des sujets autistes (Mundy et al., 1990)qui, selon le modèle proposé par Baron-Cohen (1994), expli-queraient secondairement leurs troubles de constructiond’une théorie de l’esprit.

Conséquences sur le développementvisuo-posturo-moteur

Compte tenu de l’importance du rôle proprioceptif de lavision dans le développement postural, un trouble de lavision du mouvement pourrait en partie expliquer les trou-bles précoces de l’ajustement postural et des attitudes antici-patrices (Sauvage, 1988), du contrôle postural (Kohen-Razet al., 1992), de la réactivité posturale au mouvement envi-ronnemental (Gepner et al., 1995) et de certaines anomalies et

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particularités posturales des sujets autistes (Leary et Hill,1996). Il pourrait également expliquer les retards ou anoma-lies, parfois assez subtiles, de l’apprentissage des stationsassise et debout, les altérations de la marche (Vilensky et al.,1981) et leur fréquente maladresse motrice (Smith et Bryson,1994 pour une revue). De la même manière, une anomalie dela régulation du geste par la vision du mouvement pourraitrendre compte de leurs troubles de la coordination oculo-manuelle (Büllinger et Robert-Tissot, 1984), de la planifica-tion de l’action et des fonctions exécutives (Rogers et Pen-nington, 1991 ; Hughes, Russell et Robbins, 1994), et in finede leur imitation de gestes plus ou moins complexes (Jones etPrior, 1985 ; Smith et Bryson, 1994) et de leurs troublespraxiques et d’initiative motrice (Leary et Hill, 1996).

Mécanismes compensatoires

Afin de pallier ces déficits, ces limitations ou ces anoma-lies plus ou moins sévères, les sujets autistes pourraient déve-lopper des stratégies comportementales de compensationattentionnelle, perceptive et intégrative plus ou moins effi-caces et adaptées, selon un processus largement admis auniveau du système nerveux central, et s’exprimant clinique-ment à travers l’histoire du sujet (Sacks, 1996). Voici quel-ques exemples de mécanismes compensatoires ayant unevaleur à la fois symptomatique et adaptative. De même quedans le domaine du langage, l’utilité fonctionnelle d’un symp-tôme comme l’écholalie pour le développement de la commu-nication verbale et de l’interaction sociale chez les sujetsautistes a été soulignée par Nadel (1992) et Nadel et Pezé(1992), l’évitement du regard (quasi pathognomonique dusyndrome autistique) pourrait dans certaines situations avoirla valeur d’un comportement visuel de peur ou d’aversion àl’égard de la vitesse rapide des mouvements, selon un proces-sus visant à minimiser l’excitation sensorielle (Hutt et al.,1964, 1965, 1966). Le détournement intentionnel du regardserait quant à lui destiné à solliciter la rétine périphériqueafin d’augmenter la quantité d’informations sur les mouve-ments ambiants et ceux de l’interlocuteur, à optimiser la per-ception du mouvement (comme l’ont suggéré Büllinger et

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Robert-Tissot, 1984). L’agitation des mains devant les yeuxpourrait être destinée à décomposer et ralentir le mouvement.La manipulation de roues ou de toupies pourrait avoir unevaleur autorééducative pour la perception et l’intégration demouvements rapides.

Corrélativement à l’anomalie de développement du sys-tème analyseur de flux (la vision centrale et périphérique dumouvement), le système analyseur d’images (la vision cen-trale et statique qui, selon notre modèle, est indemne et fonc-tionne de manière adéquate au début de la vie), serait pro-gressivement surinvesti par l’enfant autiste dans une viséecompensatoire, voire sur-compensatoire. Ce mécanisme expli-querait l’hypertrophie de sa vision centrale et statique, sonappétence pour le détail des formes, son attention visuellehyperfocalisée, ses performances parfois extraordinaires engraphisme ou sa mémoire visuelle du détail exceptionnelle.Selon Treffert (1988), 10 % au moins des personnes autistesauraient des supra-compétences de ce type, ce qui correspondà une tendance plus ou moins forte chez de nombreux autresenfants autistes.

En résumé, nous postulons qu’une dissociation neuro-psychologique précoce entre, schématiquement, la visionpériphérique et/ou dynamique (défaillante) et la vision cen-trale et/ou statique (hypertrophiée), avec anomalie de l’asso-ciation et de l’intégration de ces deux types de visions, peutaboutir à un tableau clinique d’anomalies développemen-tales enchevêtrées entre elles et de complexité croissante aucours du temps, dans lequel des mécanismes compensatoiresseraient à la fois symptomatiques et auraient une fonctionadaptative. Cette hypothèse est plausible car, d’une part, elles’accorde avec les données de la littérature attestant la préco-cité et l’importance de la vision du mouvement dans le déve-loppement normal, et d’autre part, elle peut rendre compted’un nombre important de troubles autistiques et les relierentre eux dans une proposition fluide et cohérente.

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CONFRONTATIONS ENTRE NOTRE MODÈLE

ET LE MONDE DE L’AUTISME

Dans ce chapitre, nous étudions les liens et compatibilitésentre notre modèle et diverses facettes du monde de l’autisme.

Nous confrontons d’abord notre modèle neuropsycho-logique développemental avec une étude de cas neuropsy-chologique adulte non autiste, puis avec quelques appro-ches neuropsychologiques cognitives et neurophysiologiquescontemporaines qui prennent en compte les anomalies atten-tionnelles, les altérations de la reconnaissance des visages, del’imitation et/ou de la motricité chez les sujets autistes. Nousvoyons enfin quelles résonances et liens intéressants sont pos-sibles entre notre modèle et, d’une part, quelques témoignagesd’adultes autistes concernant leur monde sensori-moteur, etd’autre part, quelques concepts et travaux psychanalytiques.

Le monde neuroscientifique de l’autisme

Histoire d’une femme devenue aveugle au mouvementZihl, von Cramon et Mai (1983) rapportent le cas d’une

jeune femme adulte de 43 ans qui, à la suite d’une hémorragiecérébrale postérieure bilatérale, a présenté des troublesimportants de la vision du mouvement dans les trois dimen-sions de l’espace. Elle percevait par exemple le flux du thé oudu café versé dans une tasse comme un solide. De plus ellen’arrivait pas à s’arrêter de verser le liquide au bon momentcar elle était incapable de voir le niveau du liquide monterdans la tasse. Cette patiente se plaignait aussi de ne pas arri-ver à suivre un dialogue parce qu’elle était incapable de voirles mouvements du visage et spécialement des lèvres. S’il setrouvait plus de deux personnes dans une pièce, elle se sentaiten insécurité, et quittait le plus souvent immédiatement lapièce : « Les personnes se trouvaient soudain ici ou là, mais jene les voyais pas se déplacer. » Cette patiente était confrontéeau même problème dans les rues, mais à un degré bien plusmarqué, si bien qu’elle s’était mise à les éviter. En effet, alors

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qu’elle identifiait bien les voitures, elle ne pouvait pas traver-ser la rue en raison de son incapacité à juger leur vitesse.« Quand je vois la voiture, elle semble loin. Puis quand jeveux traverser la rue, soudain la voiture est tout près. »

Différents tests neuropsychologiques effectués auprès decette patiente ont montré chez elle une abolition complète dela vision du mouvement en profondeur. Pour des ciblesvisuelles se déplaçant en champ visuel central le long d’unaxe vertical ou horizontal, la perception du mouvement étaitquelque peu préservée : la patiente pouvait distinguer diffé-rentes directions de mouvement, et juger la vitesse de la ciblesi celle-ci n’excédait pas 10 deg/s. Par contre, dans le champvisuel périphérique, sa sensibilité au mouvement se limitait àpouvoir discriminer entre une cible mobile et une cible immo-bile. Ses mouvements de poursuite visuelle étaient correctsseulement pour des vitesses lentes (moins de 8 deg/s). Sesmouvements visuellement guidés de poursuite d’un câbleavec l’index de sa main droite étaient très altérés. La patientecommente sa pauvre performance en disant que sa difficultéest « entre son doigt et ses yeux. Je ne peux pas suivre mondoigt avec mes yeux si je bouge mon doigt trop vite ». Parcontre, sa perception du mouvement en modalité tactile ouauditive était normale.

Cette étude neuropsychologique nous permet de mesurerl’ampleur des conséquences, sur les comportements perceptifs,visuo-moteurs et sociaux, d’un trouble pourtant électif de laperception du mouvement survenant brutalement chez uneadulte jusque-là indemne de toute difficulté. Cette patiente,affectée d’un trouble de la vision globale du mouvement etayant d’importantes limitations de la vision focale, présentaiten effet des altérations de la perception de la gestualité faciale(dont les mouvements labiaux), une maladresse motrice, uneappréhension des lieux animés (rues, pièces où il y a plus dedeux personnes) et de grandes difficultés dans les interactionssociales, au point qu’elle les évitait le plus possible.

En présentant ce cas, nous ne voulons pas dire que lesconduites d’évitement social d’un adulte ayant brutalementperdu la vision du mouvement sont identiques à celles d’unenfant autiste dont le développement de la vision du mouve-ment serait altéré. Nous cherchons encore moins à assimiler

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l’étiopathogénie de l’autisme infantile à une lésion cérébralefocale du type de celle de cette patiente adulte. Néanmoins,ce cas neuropsychologique peut nous aider à imaginer lesdifférentes conséquences développementales possibles d’untrouble précoce affectant la vision du mouvement chez unnourrisson ou un jeune enfant. Nous pensons notamment quece trouble pourrait sévèrement handicaper le développementnormal de sa communication et de ses interactions sociales,au point de le faire ressembler à celui de l’enfant autiste quenous avons décrit dans notre scénario initial.

Autisme et déficit émotionnel primaireLe modèle d’intersubjectivité de Trevarthen (1979) pos-

tule que les enfants normaux sont « précâblés » pour être sen-sibles et comprendre les émotions d’autrui. Les états men-taux d’autrui, comme leurs émotions, sont naturellementdisponibles pour un observateur. Ils sont directement percep-tibles dans leurs expressions corporelles ou leurs expressionsfaciales, et n’ont pas besoin d’être inférés. Selon Hobson(1989, 1991), cette disposition cognitive biologique précâbléepour comprendre les états mentaux d’autrui ne serait pasfonctionnelle dans l’autisme. Trevarthen (1989) propose dansle même sens qu’il existerait chez l’enfant autiste un troubleprimaire de la régulation du développement cognitif par lesémotions. Pour Hobson, les sujets autistes présentent untrouble spécifique et primaire de compréhension des signauxémotionnels, une incapacité innée de rentrer en contact affec-tif et social avec autrui. Cette théorie était initialement pro-posée par Kanner en 1943, mais Hobson en donne une visionà la fois plus détaillée et plus formelle.

La théorie de Hobson s’appuie essentiellement sur desétudes qui suggèrent que les sujets autistes ont des difficultésdans l’appariement intermodal d’indices émotionnels faciaux,vocaux, gestuels et contextuels (Hobson, 1986 a, 1986 b ;Hobson et al., 1988 a ; Loveland et al., 1995), tandis que lareconnaissance d’émotions dans une modalité (par exemple lacatégorisation d’expressions faciales émotionnelles sur photo-graphies) leur poseraient moins de problème (Hobson et al.,1988 b), comme en témoignent aussi d’autres résultats expéri-mentaux (Braverman et al., 1989 ; Ozonoff et al., 1990). Cette

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altération des processus d’appariement trans-modal des diffé-rents indices émotionnels nous semble être un apport majeurdans la compréhension de l’autisme infantile, mais il n’estpeut-être que la traduction, dans le domaine des émotions,d’une atteinte plus générale d’un mécanisme d’appariementintermodal (Martineau, Roux, Adrien, Garreau, Barthélémyet Lelord, 1992 ; Waterhouse et al., 1996 pour une revue). Parailleurs, Davies et al. (1994) ont montré comme nous que ladifficulté des sujets autistes à traiter les informations facialesn’était pas réservée aux seules informations émotionnelles, etque leurs difficultés à reconnaître les émotions faciales ne sem-blaient pas spécifiques puisque des sujets retardés rencon-traient également cette difficulté. La primauté et la spécificitéde ce déficit socioémotionnel dans l’autisme infantile (Hob-son, 1991 ; Trevarthen, 1989) sont donc contestables. Notrehypothèse d’un trouble précoce de la vision du mouvement,qui prévoit une altération de la reconnaissance des mimiquesfaciales émotionnelles chez les sujets autistes, permet non seu-lement de rendre compte des résultats expérimentaux de Hob-son en en donnant une interprétation différente, mais aussi derendre compte des troubles de la communication verbale et del’imitation, ainsi que des troubles visuo-moteurs des sujetsautistes.

Autisme et trouble primaire de la constructiond’une « théorie de l’esprit »Vers l’âge de 4 ans, les enfants normaux ont généralement

construit une théorie de l’esprit (traduction du terme anglaistheory of mind originellement dû à Premack et Woodruff,1978), c’est-à-dire qu’ils sont généralement capables d’attri-buer à autrui des états mentaux (intentions, croyances,désirs) différents des leurs (Wimmer et Perner, 1983). Cetteacquisition d’une théorie de l’esprit relèverait de la capacité àconstruire des représentations mentales de second ordre, oumétareprésentations, c’est-à-dire des représentations portantsur des perceptions de premier ordre.

Selon une approche neuropsychologique cognitive, déve-loppée à partir des travaux de Baron-Cohen, Leslie et Frith(1985), les sujets autistes auraient une incapacité primaire etspécifique à développer et construire une théorie de l’esprit.

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Selon ce modèle, il est prévu que le déficit cognitif de cons-truction d’une théorie de l’esprit soit lié à une altération dumécanisme d’attention conjointe (précurseur de la théorie del’esprit selon Baron-Cohen), mais pas à un déficit de la détec-tion de la direction du regard, mécanisme perceptif de pre-mier ordre qui serait intact chez les personnes autistes selonBaron-Cohen (1994). Or, deux de nos études (Gepner et al.,1994, 1996) retrouvent chez les sujets autistes une altérationsignificative voire spécifique de la détection de la direction duregard sur photographies, et une étude de Baron-Cohen et al.(1995) montre que les enfants autistes ont de nettes limita-tions dans ce type de tâches sur des schémas de visages. Il sepourrait qu’il y ait une certaine contradiction dans le modèlecognitif proposé par Baron-Cohen, et que ce ne soit pas seule-ment l’interprétation de la signification sociale du regard oul’utilisation communicative du regard qui sont perturbéeschez les sujets autistes, mais aussi la perception du mouve-ment des yeux et des changements de direction du regardd’autrui. Ainsi, même si l’hypothèse d’un déficit de la cons-truction d’une théorie de l’esprit est pertinente pour expli-quer certains troubles des interactions sociales chez les per-sonnes autistes, il semble que le modèle qui fait de ce déficit lecœur de l’autisme ne tienne pas compte de troubles perceptifsou imitatifs plus élémentaires observés chez ces personnes.Notre modèle en revanche, s’il prévoit des anomalies dans laconstruction d’une théorie de l’esprit chez les sujets autistes,c’est en les reliant à des troubles de l’imitation (selon lemodèle de Meltzoff, 1996) et de l’attention conjointe (seloncelui de Baron-Cohen, 1994), via des altérations de leur trai-tement visuel des mimiques faciales émotionnelles et du mou-vement des yeux. Notre modèle prévoit en outre les troublesimitatifs, praxiques et posturo-moteurs des sujets autistes.

Autisme et déficit primaire de l’imitationLe modèle de Rogers et Pennington (1991), sous-tendu

par le modèle de développement intersubjectif de Stern(1985), postule l’existence d’un déficit central, spécifique etprimaire de l’imitation dans l’autisme infantile. Ces auteurssoulignent en effet que les sujets autistes présentent des trou-bles de l’imitation non seulement de gestes à valeur symbo-

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lique (Baron-Cohen, 1988) et de mimiques faciales émotion-nelles (Hertzig et al., 1989 ; Loveland et al., 1994), mais ausside l’imitation de mouvements et gestes simples (Smith etBryson, 1994 ; Rogers, 1996 ; Leary et Hill, 1996, pour unerevue). Après avoir rappelé l’importance des processus d’imi-tation mère-enfant pour le développement précoce de la réci-procité sociale et de l’intersubjectivité (Stern, 1985) et dupartage émotionnel (Malatesta et Izard, 1984), ces auteurssuggèrent qu’un déficit précoce de l’imitation pourrait expli-quer, secondairement, les perturbations des autres processusde développement affectif et social des sujets autistes, notam-ment leurs troubles du partage émotionnel, de la constructiond’une théorie de l’esprit, leurs troubles pragmatiques de lacommunication, et leurs troubles des fonctions exécutives etde la planification de l’action. Dans cette perspective déve-loppementale, Rogers et Pennington critiquent et contestentla primauté du déficit émotionnel (Hobson) ou du déficitcognitif (Baron-Cohen) des deux modèles précédents, tout enintégrant ces deux modèles en leur attribuant une base imita-tive primaire et spécifique.

Notre hypothèse est non seulement tout à fait compatibleavec celle de Rogers et Pennington, mais elle y apporte unmécanisme explicatif sous-jacent, au sens où les troubles del’imitation de gestes et mouvements du visage et du corpspourraient provenir de troubles plus élémentaires de la visiondu mouvement.

Autisme, anomalies de l’attention visuo-spatialeet troubles de l’instrumentation du système visuelUn nombre croissant de données attestent les particula-

rités et anomalies de l’attention visuo-spatiale existant chezles sujets autistes. Ces anomalies consistent en une attentionhyperfocalisée (overfocused attention, Lovaas et al., 1971) ou« vision tunnel » (tunnel vision, Rincover et Ducharme, 1987),c’est-à-dire une marge étroite d’attention focalisée, un ralen-tissement du désengagement et de la réorientation rapide del’attention au sein de la modalité visuelle (Townsend et al.,1996 a et 1996 b ; Wainwright-Sharp et Bryson, 1993), une« négligence spatiale » (spatial neglect), principalementlorsque l’attention visuelle doit être déplacée du côté gauche

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de l’espace visuel (Bryson, Wainwright-Sharp et Smith,1990), une réponse attentionnelle visuelle plus rapide lorsquedes stimuli sont présentés centralement que lorsqu’ils sontprésentés en périphérie (Wainwright et Bryson, 1996), une dif-ficulté à traiter des informations visuelles présentées briève-ment (Gepner, 1997 ; Wainwright-Sharp et Bryson, 1993) etune lenteur dans la détection d’une cible périphérique endehors du lieu prévu (Wainwright-Sharp et Bryson, 1993).

Toutes ces anomalies sont en faveur d’une dissociationentre une attention visuo-spatiale globale déficitaire et uneattention visuelle focale hyper-investie ou hyper-instrumen-talisée chez l’enfant autiste. Nos propres résultats et notrehypothèse sont tout à fait compatibles avec ces résultatsprécédents.

La théorie de Frith (1989) d’un déficit cognitif de cohésioncentrale (central coherence), selon laquelle les sujets autistestraiteraient les informations perceptives (visuelles et audi-tives) de façon locale ou parcellaire, indépendamment du pat-tern global auquel elles appartiennent, de leur significationsociale ou émotionnelle, s’accorde également bien avec les don-nées de la littérature sur l’attention visuelle, avec cellesconcernant les troubles de la hiérarchisation et de l’intégrationvisuelle locale/globale de Mottron et Belleville (1998), ainsiqu’avec notre propre hypothèse. Mais alors que Frith suggèreque la dominance du traitement analytique au détriment dutraitement global est due à un déficit dans un module ou unprocesseur central hypothétique chargé d’assurer normale-ment la cohésion entre divers éléments perceptifs et sociaux,nous proposons un modèle en cascade à partir d’anomalies dela vision du mouvement. Nous verrons plus loin que notreperspective théorique et expérimentale actuelle, tout en s’ap-puyant sur des processus en cascade, se rapproche de celle deFrith, au sens où nous supposons que ces anomalies de traite-ment du mouvement dérivent d’un trouble plus élémentairedu codage temporel (voir Berthoz, 1997, p. 288).

Enfin, dans ce contexte, l’hypothèse de Büllinger concer-nant les troubles de l’instrumentation visuelle chez l’enfantautiste nous semble à la fois pertinente et incomplète. À par-tir de la description des anomalies des interactions posturalesentre de jeunes enfants autistes et leur partenaire adulte

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(ajustement postural et anticipation posturale), et en s’ap-puyant sur les travaux montrant l’importance de la fonctionproprioceptive visuelle pour la mise en forme du corps et larégulation visuo-posturale (voir plus haut, et Büllinger, 1996,pour une revue), ainsi que l’importance de la coordinationentre vision périphérique et vision fovéale pour la coordina-tion oculo-manuelle et l’élaboration d’un projet spatial(Büllinger, 1981, 1991), Büllinger et Robert-Tissot (1984)postulent en effet l’existence d’une anomalie de l’instrumen-tation du système visuel chez l’enfant autiste. Ces auteursproposent que le poids relatif des instrumentations fovéale etpériphérique pourrait être différent et leur coordination par-ticulière chez l’enfant autiste, point de vue avec lequel noussommes tout à fait en accord. En revanche, lorsque cesauteurs avancent l’idée que la fonction périphérique joueraitchez l’enfant autiste un rôle prédominant, au détriment de la« manipulation fovéale » (au sens de Paillard, 1971), nouspensons que ce point de vue peut éventuellement rendrecompte de signes autistiques en termes de mécanismes com-pensatoires, mais qu’il ne démontre pas les liens directs avecles signes autistiques précoces et qu’il va à contre-courant desdonnées récentes sur l’attention visuelle hyperfocalisée chezle sujet autiste. Notre hypothèse, qui prévoit des troubles del’instrumentation fovéale et périphérique (avec un désavan-tage du système périphérique au profit du système fovéal, etmise en jeu de mécanismes compensatoires), s’appuie quant àelle sur des données montrant que la vision (focale et périphé-rique) du mouvement semble en soi perturbée.

Liens entre notre hypothèseet les bases neurobiologiques de l’autisme infantileUn nombre croissant d’études neurobiologiques attestent

la multiplicité et l’intrication des territoires neurologiques etdes mécanismes neurofonctionnels potentiellement impliquésou associés dans les syndromes autistiques. Waterhouse et al.(1996) ont par exemple proposé un modèle complexe oùdiverses anomalies, portant sur le cortex temporo-pariétalassociatif, l’amygdale et l’hippocampe, le cervelet et le tronccérébral, le cortex frontal et le système oxytocine-opiacé,seraient interconnectées entre elles.

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Notre hypothèse postule quant à elle l’existence d’uneanomalie précoce du développement attentionnel, perceptifet/ou intégratif de la vision du mouvement chez l’enfantautiste. Cette anomalie impliquerait les voies visuellesmagno-cellulaires puis la voie visuelle dorsale, également res-ponsable du traitement des fréquences spatiales basses, desaspects globaux des patterns et des relations spatiales entre lesévénements visuels, et du traitement de la profondeur. Ornous savons que les voies visuelles magno-cellulaires établis-sent ensuite sur leurs parcours de nombreuses connectionsavec les cortex temporal, pariétal, préfrontal et frontal, ainsiqu’avec le cervelet, et les structures sous-corticales, thalami-ques mésencéphaliques et pontiques (voir, par exemple, Boi-sacq-Schepens et Crommelinck, 1994). Il est donc plausiblequ’une anomalie structurale et/ou fonctionnelle de ce systèmevisuel, affectant la synergie et l’intégration des systèmesvisuels périphérique et central, ait des répercussions en cas-cade sur le développement d’un nombre important de méca-nismes neuro-fonctionnels : par exemple sur la croissancedendritique, ou le pattern de connectivité entre différentssous-systèmes neurobiologiques, selon un modèle neuro-mimétique d’hypo- et/ou d’hyperconnectivité proposé dansl’autisme par Cohen (1994), ou sur l’épigenèse et l’auto-organisation neurobio-psychologique (Gepner et Soulayrol,1994), ou encore sur la neuro-modulation dopaminergiquecomme l’a suggéré Lelord (1990).

Cette dernière hypothèse permettrait de rendre compte del’analogie entre certains désordres posturo-moteurs et mou-vements anormaux chez les sujets autistes et ceux observéschez les sujets parkinsoniens adultes (Damasio et Maurer,1978 ; Vilensky et al., 1981 ; Leary et Hill, 1996). Ces désor-dres autistiques ont été attribués à une anomalie du fonction-nement de la surface mésiale des lobes frontal et temporal etdu striatum, cibles privilégiées des neurones dopaminergiques(Maurer et Damasio, 1982). Mais des études psychophysiolo-giques ont montré que les patients parkinsoniens présententdes anomalies de la perception du mouvement (Mestre et al.,1990 ; Schnider et al., 1995) et une diminution de la sensibilitéau contraste pour les fréquences spatiales basses (Mestreet al., 1990 ; Bodis-Wolner et al., 1987). Eu égard le rôle de la

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dopamine dans le filtrage et la modulation des fréquencesspatiales et de la sensibilité au contraste (Piccolino, 1988),certains auteurs postulent que les anomalies de la sensibilitévisuelle au mouvement et aux fréquences spatiales basses desparkinsoniens seraient également liées à un trouble de lamodulation dopaminergique au niveau des voies magno-cellulaires (Masson et al., 1993). Il n’est donc pas improbableque notre hypothèse d’une anomalie de la vision du mouve-ment et des fréquences spatiales basses chez certains enfantsautistes, anomalie qui serait liée à un dysfonctionnement dela voie magno-cellulaire, puisse aussi en partie expliquer lessignes parkinsoniens retrouvés chez les sujets autistes. Ledysfonctionnement de la voie magno-cellulaire pourrait êtreen rapport avec un trouble de la modulation dopaminergiqueà ce niveau.

Le monde des autistes vu de l’intérieur

Poursuivant notre démonstration d’une anomalie de lavision du mouvement et de ses conséquences sur la représen-tation et la planification de l’action, qui s’appuient sur une« mémoire du mouvement » (Berthoz, 1997), et sur l’actionelle-même, nous citerons ici quelques adultes autistes « exem-plaires » qui évoquent des particularités analogues de leurmonde visuel ou visuo-moteur, toutes en rapport avec lemouvement.

Donna Williams (1994) écrit dans Si on me touche, jen’existe plus :

« Le changement perpétuel qu’il fallait affronter partout ne medonnait jamais le temps de me préparer. C’est pourquoi j’éprouvaistant de plaisir à faire et refaire toujours les mêmes choses. J’ai tou-jours aimé l’aphorisme “Arrêtez le monde, je veux descendre !” Est-ce pour avoir été absorbée dans les taches et les “étoiles” aumoment précis où les autres enfants s’ouvrent au monde extérieurque je suis restée sur le bord de la route ? Toujours est-il que la ten-sion qu’exigeait la nécessité d’attraper les choses au vol pour se lesassimiler fut le plus souvent trop forte pour moi. Il me fallut trou-ver un biais pour ralentir les choses afin de m’accorder le temps denégocier avec elles. [...] L’un des procédés qui me permettaient deralentir le monde consistait soit à cligner des yeux, soit encore à fer-mer et allumer alternativement la lumière rapidement. Si vous cli-

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gniez des yeux vraiment vite, vous pouviez voir les gens sautillercomme dans les vieux films ; vous obteniez le même effet qu’avecun stroboscope [...] »

Donna décrit bien ici son trouble de la perception visuelledu mouvement rapide et quelques-unes de ses stratégies decompensation adaptative.

Temple Grandin (1997) écrit dans Penser en images :« Il se pourrait que les problèmes de contact oculaire rencontrés

par les autistes résultent en partie d’une incapacité à supporter lemouvement des yeux d’un interlocuteur. Un autiste a raconté qu’illui était difficile de regarder les yeux de quelqu’un parce qu’ilsn’étaient jamais immobiles. » Plus loin, elle écrit : « L’éclairagefluorescent est à l’origine de problèmes importants chez un grandnombre d’autistes, parce qu’ils perçoivent les soixante clignote-ments de l’éclairage électrique [...] L’éclairage fluorescent dans lessalles de cours était un problème pour Donna Williams. Les refletsbondissaient partout, et la pièce ressemblait à un dessin animé [...]La formation d’images altérées explique peut-être la préférence decertains autistes pour la vision périphérique. Il est possible queceux-ci reçoivent des informations plus fiables quand ils regardentdu coin de l’œil [...] »

T. Grandin suggère ici aussi une stratégie de compensa-tion de problèmes visuels possiblement liés à l’hypersensibi-lité aux fréquences temporelles élevées et au flux visuelrapide. La vision périphérique utilisée seule permet de mini-miser l’excitation fovéale, de débarrasser les informations surle mouvement des autres informations visuelles « parasites »,du « bruit » visuel.

Décrivant sa pensée visuelle ou pensée en images, elle dit :« Je pense en images. Pour moi, les mots sont comme une

seconde langue. Je traduis tous les mots, dits ou écrits, en filmscolorisés et sonorisés ; ils défilent dans ma tête comme des cassettesvidéo [...] Quand je lis, je traduis les mots en films en couleurs, oubien je stocke simplement la photo de la page imprimée pour la lireplus tard. Quand je cherche dans ma tête, je vois la photocopie de lapage. Il est probable que Raymond, l’autiste de haut niveaudépeint dans le film Rain Man , utilise une méthode semblable pourmémoriser les annuaires téléphoniques, les cartes routières et lesautres informations. Il photocopie simplement chaque page du livredans sa mémoire. Quand il a envie de retrouver un numéro, il balaieles pages de l’annuaire dans sa tête. Pour retrouver des informa-tions dans ma mémoire, je dois repasser la cassette vidéo. Il est par-fois difficile de retrouver certaines données parce qu’il faut que

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j’essaie différentes cassettes jusqu’à ce que je trouve la bonne. Etcela prend du temps [...] » « Je continue de ne penser qu’en images,même si la pensée est de moins en moins visuelle à mesure qu’ons’éloigne de l’autisme de Kanner sur le continuum [...] » « J’ignoraisque mon mode de pensée visuel était à l’origine de mes difficultésd’interaction avec autrui. »

Ici, Temple Grandin décrit sa pensée en images, et l’ex-ceptionnelle mémoire photographique de certains autistesgéniaux (voir aussi Treffert, 1988). À partir de ces autodes-criptions, nous pouvons imaginer que sa pensée en images,avec toutes ses limitations pour accéder rapidement au sym-bole et aux mots, est très différente d’une pensée en mouve-ment dont nous ferons l’esquisse au dernier chapitre.

Pierre, un autiste adulte, a écrit en Communication Faci-litée (in Vexiau, 1996), à propos de la planification et de laréalisation de ses mouvements :

« J’avais un gros problème de synchronisation et de commandedu geste. J’étais comme paralysé. Serrer la main était très difficile.Je composais intérieurement le geste. Je l’envoyais image par imagecomme dans un film muet. Je percevais mes gestes comme saccadés,comme des images manquantes qui n’arrivaient pas assez vite. Il yavait parfois un très long temps entre le moment où j’avais l’inten-tion de faire un geste et celui où j’arrivais à le réaliser. L’impulsionmentale voulait faire le geste, mon corps se mettait à vibrer, commeun picotement électrique, et tout se bloquait. Le schéma corporel nesuivait pas ma volonté. J’avais l’impression de pousser un mur. Jeparlais à mon corps comme à une personne étrangère. »

Ici encore, nouvelle allusion à la pensée et l’action en ima-ges arrêtées, saccadées, opposées à la fluidité de la pensée etde l’action en mouvement. Notons la difficulté de cet adulteautiste à relier la volition à l’action, l’action mémorisée etplanifiée à la réalisation de l’action.

Pour finir, nous extrayons cette phrase stéréotypée deRaymond, l’adulte autiste génial du film Rain Man : « Papadit que je suis un excellent conducteur ! » Or on se souvientdes « prouesses » de Raymond au volant de la voiture pater-nelle : à une vitesse proche de celle d’un marcheur, il la faitrentrer dans le décor, la haie d’arbustes. A contrario de sescapacités d’analyse statique et focale fantastiquement rapi-des, quasi photographiques (voir plus haut la description deGrandin), cette phrase touchante et naïve de Rain Man

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témoigne à elle seule que les autistes ne sauraient aisémentfaire d’excellents pilotes de course, qu’elle fut automobile ouautre...

Liens avec l’observation directe psychanalytique

Pour clore ces « explorations dans le monde de l’au-tisme », nous évoquerons les concepts psychanalytiques deDonald Meltzer et collaborateurs, et les travaux psychanaly-tiques concernant les effets de la dépression maternelle surson bébé (Ferrari et coll., Diatkine, Lamour et Lebovici).

Les travaux de Meltzer et coll. (1980) ont permis de déga-ger deux concepts fondamentaux qui permettent d’éclairer lemonde dans lequel vivrait l’enfant autiste : le « démantèle-ment perceptif » et l’ « identification adhésive », termes tra-duisant tous deux une altération dans la dimensionnalité dela relation d’objet. À la suite des travaux de M. Klein, Melt-zer a montré la nécessité pour le nourrisson d’une force deconvergence de tous ses intérêts sur un même objet, capablede rassembler et de lier entre eux ses différents champsd’investissement sensoriels, une force unifiante capable derassembler les différentes parties de sa personnalité. Si pourune raison ou une autre, cette convergence ne peut pass’opérer, chaque modalité sensorielle de l’enfant retombedans un fonctionnement autonome, sans capacité de liaisonavec les autres modalités sensorielles. Meltzer écrit : « Lesenfants emploient alors (passivement) un type spécial de pro-cessus de clivage selon lequel ils démantèlent leur moi en sescapacités perceptuelles séparées : le voir, le toucher, l’en-tendre, le sentir [...] et ainsi, réduisent l’objet en une multipli-cité d’événements unisensoriels dans lesquels animé et ina-nimé deviennent indistinguables. » Meltzer ajoute que « ceprocessus aboutit à transformer l’objet en de petites partiessimplifiées, séparées selon les modalités de l’expérience senso-rielle plutôt que clivées selon les lignes de l’expérience émo-tionnelle ». Dans cet état défensif de démantèlement, l’inves-tissement ne porterait plus vers l’objet mais vers la sensationelle-même, faisant vivre l’enfant autiste dans un univers uni-sensoriel, unidimensionnel. Ce démantèlement du Moi empê-cherait donc la constitution d’un espace psychique et l’élabo-

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ration du temps. Lorsque l’enfant autiste commencerait àrentrer en contact, celui-ci se ferait sur le mode de l’ « identi-fication adhésive », c’est-à-dire un processus par lequell’enfant autiste s’identifie, se colle, se confond avec l’objet, cequi le conduirait à « l’imitation étroite de l’apparence et ducomportement de surface de cet objet, beaucoup plus que deleurs états ou attributs mentaux ». L’objet, la peau, la senso-rialité de l’enfant autiste seraient ainsi en contiguité plane,bidimensionnelle, ce qui le priverait encore de la possibilité dedéfinir un espace interne. « Penser à signifie être hors de, tan-dis que dans un état de fusion, aucune perspective, aucunevue tridimensionnelle, aucune pensée ne peuvent naître. » Cen’est que plus tard au cours du traitement que pourront éven-tuellement apparaître chez certains enfants un langage et unepensée propres, traduisant l’accès à une tridimensionnalité dela relation d’objet et la constitution d’un espace psychiqueinterne. Si l’évolution continue à être favorable, l’enfantatteint la quadri-dimensionnalité avec autonomisation de ladimension temporelle.

Ces deux concepts de démantèlement et d’identificationadhésive, qui ont une valence à la fois physique et psycholo-gique, sont en bonne adéquation avec notre modèle neuro-psychologique développemental de l’autisme infantile. Celui-ci suppose en effet des troubles de la vision du mouvement,des formes globales et de la profondeur, qui aboutiraient àune double dissociation perceptive, au sein de la modalitévisuelle, entre vision périphérique et vision centrale, et entrevision dynamique et vision statique, mais aussi à des disso-ciations intermodales. Ces processus s’apparentent claire-ment au « démantèlement perceptif » de Meltzer. Par ail-leurs, l’altération de la vision en profondeur perturberaitl’accès de l’enfant à l’espace physique et psychique tridimen-sionnel, et le trouble de la vision du mouvement (le mouve-ment s’exprime comme un rapport entre temps et espace)perturberait l’accès de l’enfant à l’espace-temps physique etpsychique quadri-dimensionnel, à une forme de pensée dansl’espace et en mouvement. L’enfant autiste vivrait au départcoincé dans un monde à deux dimensions, qui serait encorepéjoré par une vision statique et focale hypertrophique : lemonde et la pensée en images successives de Temple Grandin.

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Le dernier aspect concerne les effets de la dépressionmaternelle sur son bébé. L’observation directe d’interactionsmère déprimée/bébé a mis en évidence des dysfonctionne-ments interactionnels précoces patents et montré leur reten-tissement comportemental sur l’enfant (Field, 1984 ; Fieldet al., 1988). D’autres études et observations ont montré leretentissement psychopathologique de certaines dépressionsprolongées du postpartum (Lamour et Lebovici, 1991 pourune revue), et même que ces dernières pouvaient constituerun facteur de risque d’apparition d’un syndrome autistiquechez l’enfant (Diatkine et Denis, 1985 ; Ferrari et al., 1991).Les travaux expérimentaux de Tronick et collaborateurs(Cohn et Tronick, 1983 ; Tronick et Gianino, 1986), utilisantle paradigme du still face (en situation de face-à-face avec sonbébé, la mère simule la dépression à travers un visage impas-sible et dépourvu d’expression), permettent d’interpréter, entermes « neuropsychologiques environnementaux », le reten-tissement psychopathologique sur l’enfant de ses interactionsavec une mère déprimée. Dans le contexte de notre hypo-thèse, il n’est peut-être pas illégitime de se demander si l’effetdésorganisateur du still face sur le comportement du bébén’est pas au moins en partie dû à l’appauvrissement deséchanges visuels en mimiques faciales à point de départmaternel. Autrement dit, on pourrait se demander si ladépression maternelle ne serait pas une sorte de modèle dedéprivation de mouvements faciaux, gestuels et tactilo-kinesthésiques émotionnels et affectifs, un modèle environne-mental, probablement réversible, de « malvoyance du mou-vement dans l’autisme infantile ».

IMPLICATIONS DE NOTRE MODÈLE

POUR LA RECHERCHE CLINIQUE ET THÉRAPEUTIQUE

Pour finir, nous évoquerons quelques avantages de notremodèle (implication diagnostique, application rééducative) etsa principale limite, ainsi que la perspective théorique etexpérimentale dans laquelle nous nous trouvons à présentpour tester cette limite.

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À la suite de notre étude montrant la faible réactivitéposturale de jeunes enfants autistes au mouvement visuelenvironnemental (Gepner et al., 1995), et en utilisant un pro-tocole expérimental analogue, nous avons cherché à précisercette anomalie visuo-posturale et à évaluer sa spécificitédans l’autisme infantile (Gepner et Mestre, sous presse).Notre question était de savoir si des enfants présentant unsyndrome d’Asperger (un syndrome apparenté à l’autismesur le plan social et relationnel, avec possible maladressemotrice, mais sans retard de langage ni intellectuel majeur,DSM-IV, 1994), présenteraient ou non une insensibilité postu-rale au mouvement visuel telle que celle retrouvée chez desenfants autistes. Dans cette étude, 3 enfants autistes typi-ques (critères CIM-10) âgés de 7, 9 et 11 ans, étaient comparésà 3 enfants atteints de syndrome d’Asperger (CIM-10) âgésde 5, 7 et 9 ans, ainsi qu’à 9 enfants contrôles normaux dumême âge. Nos résultats montrent premièrement que l’insen-sibilité visuo-posturale se manifeste en fait chez les enfantsautistes pour des vitesses de mouvement relativement rapi-des, alors que leur réactivité posturale à un mouvement lentest normale. Deuxièmement, les enfants atteints du syn-drome d’Asperger se distinguent bien des enfants autistesdans la mesure où ils présentent une réactivité posturalesimilaire à celle des enfants contrôles normaux dans les deuxgammes de vitesse lente et rapide testées. L’insensibilité pos-turale au mouvement rapide semble spécifique aux enfantsprésentant un autisme infantile typique.

À la suite de cette étude, et si celle-ci était étayée par desrésultats convergents, on pourrait imaginer d’une part que cetest de sensibilité posturale au mouvement visuel rapidepuisse servir d’indicateur – précoce – d’autisme infantile pourcertains enfants. D’autre part, eu égard à la sensibilité postu-rale des enfants autistes au mouvement relativement lent,nous avons suggéré que ce dispositif pourrait ouvrir de nou-velles pistes rééducatives de la posturo-motricité des sujetsautistes, au sens où il pourrait permettre une habituationprogressive des enfants autistes à des mouvements environ-nementaux de plus en plus rapides.

Dans le même sens, sur la base des résultats de nos deuxprécédentes études sur le visage (suggérant des difficultés

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dans le traitement de tous les aspects dynamiques du visage,le langage des yeux, des lèvres et des émotions) et de celle surla perception du mouvement en vision centrale (qui montraitune limitation importante dans la discrimination de vitessesrapides, avec préservation d’une capacité à discriminer desvitesses lentes), nous avons cherché à savoir dans une récenteétude (Gepner, Deruelle et Grynfeltt, 2001) dans quellemesure, en ralentissant les mouvements des expressionsfaciales, on pourrait fournir à l’enfant autiste les moyensd’extraire une information qu’il ne peut pas extraire à partirde mouvements plus rapides. Dans cette étude, de jeunesenfants autistes (CIM-10) âgés de 4 à 7 ans, comparés à desenfants normaux plus jeunes mais de même âge développe-mental (mesuré avec l’échelle de Brunet-Lézine), devaientobserver des séquences vidéo d’une femme exprimant, à par-tir d’une expression neutre, des mimiques émotionnelles ounon émotionnelles, sur une durée de deux secondes (donnantainsi une impression de ralenti) et reconnaître ensuite cesmimiques sur photographies.

Nos résultats montrent que les enfants autistes ne diffè-rent pas significativement des enfants normaux plus jeunes,et qu’ils ont une certaine aptitude à percevoir des mouve-ments faciaux présentés lentement sur vidéo, ou à tout lemoins une aptitude à extraire une information faciale d’uneséquence dynamique lente. Les enfants autistes sont capa-bles, grâce à un mouvement lent, d’extraire la forme d’unpattern complexe. Autrement dit, le mouvement lent sembleoffrir aux enfants autistes la possibilité d’extraire une infor-mation que, ni la présentation statique (les enfants autisteséchouent généralement dans le même type de tâches présen-tées sur photographies), ni le mouvement trop rapide de lavie quotidienne, ne leur permettent d’extraire. Il n’est pasimpossible que la présentation dynamique lente, par la modi-fication discrète des relations spatiales entre les éléments duvisage qu’elle suppose, minimise le traitement visuel focalcontraignant des enfants autistes et sollicite chez eux un trai-tement plus global du pattern. On peut alors se demander s’ilne serait pas utile de « ralentir le mouvement » de la vie desenfants autistes, par exemple en leur parlant ou en se dépla-çant lentement. On peut aussi se demander si la présentation

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dynamique lente de mimiques faciales émotionnelles ou lan-gagières ne pourrait pas permettre de rééduquer certainsaspects perceptifs, cognitifs et conatifs des sujets autistes.Notons de plus qu’au cours de la présentation des séquencesvidéo, nous avons souvent observé que les enfants autistes,au même titre d’ailleurs que les enfants normaux plus jeunes,mimaient les expressions faciales de la présentatrice. Noussupposons que l’induction chez l’enfant autiste de cette imi-tation immédiate pourrait être un autre argument en faveurde l’utilisation chez lui de la présentation de stimuli faciauxdynamiques lents pour la rééducation fonctionnelle de sestroubles perceptifs, imitatifs et expressifs du langage et desémotions. À l’appui de cette proposition rééducative, les étu-des de Dawson et Galpert (1990), de Nadel et Pezé (1992) etde Tiegerman et Primavera (1984), montrent que l’imitationdes conduites d’un enfant autiste par sa mère ou un adultemoins familier a un effet facilitant et dynamisant sur soncontact par le regard, ses interactions sociales et sur son jeu.

La principale limite de notre modèle, en tout cas dans saformulation, est qu’il semble ne concerner que la modalitévisuelle. Néanmoins, à travers la notion de démantèlementperceptif, à travers la perturbation fondamentale des enfantsautistes dans l’association et l’intégration pluri-modale, notremodèle permet de comprendre comment une anomalie déve-loppementale de la vision du mouvement pourrait engen-drer des désynchronisations ou dissociations visuo-auditives,visuo-motrices, visuo-posturales, visuo-émotionnelles, voiredes synesthésies ou confusions sensorielles (Grandin, 1997 ;Sacks, 1996), mais aussi des compensations intramodales ouintermodales. Toutefois, jusque-là, nous examinions la plau-sibilité d’un modèle maldévelopemental en cascade dont lasource était essentiellement visuelle.

Actuellement, avec un collectif de cliniciens et chercheurs(Massion et coll., en préparation) qui regroupe des spécialistesde la vision du mouvement, de la perception dynamique dessons de la parole et de l’anticipation motrice, nous avonsdémarré auprès d’un groupe d’une vingtaine d’enfants autis-tes, une recherche qui vise à tester une hypothèse permettantde rendre compte des troubles autistiques dans différentesmodalités sensorielles et sensori-motrice simultanément.

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Cette hypothèse unificatrice est celle d’une anomalie plusfondamentale du codage temporel des événements visuels,sonores et sensori-moteurs, qui perturberait en même tempsle développement de la vision du mouvement, de la percep-tion dynamique des sons et de la parole, et de l’anticipationmotrice. Dans ce nouveau scénario, l’enfant autiste seraitplongé dans un monde en mouvement trop rapide pour lui,dans un ou plusieurs « sens » du terme (dans une ou plusieursmodalités), un monde désynchronisé, dissocié, morcelé, noncohérent, qu’il tenterait par tous ses moyens de ralentir, maî-triser et rendre plus cohérent, au point parfois de le rigidifiercomme le cristal, ou de le mettre en mouvement selon sondésir, en s’affranchissant des contraintes environnementalesphysiques et humaines. Cette hypothèse d’un trouble ducodage temporel dans certains syndromes autistiques impli-querait très probablement le cervelet (voir « Le rôle du cerve-let dans le réglage temporel », in Massion, 1997).

CONCLUSION

Notre article vise à montrer la pertinence et l’importancedu paradigme du mouvement pour aborder les mécanismesneuro-psycho-pathologiques en jeu dans les comportementsdes enfants présentant un syndrome d’autisme infantile ouapparenté à l’autisme.

L’idée selon laquelle les troubles du développement desenfants autistes pourraient être en rapport avec une anomalieprécoce du traitement visuel du mouvement est à la fois issuede l’observation clinique prolongée de ces enfants, de la litté-rature sur le développement de la vision du mouvement et surl’autisme infantile, et des résultats de nos deux premières étu-des expérimentales.

La vision du mouvement est à la fois phylogénétiquementancienne en certaines de ses composantes, et ontogénétique-ment cruciale pour le développement d’un nourrisson. Le sti-mulus mouvement est un puissant organisateur de la cons-truction du monde visuel et visuo-moteur chez l’enfant. Il estdès lors plausible qu’une perturbation du développement de la

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vision du mouvement désorganise certains aspects des interac-tions entre l’enfant et son environnement, notamment la per-ception et l’imitation des mimiques faciales émotionnelles,donc les interactions sociales primaires, la perception des mou-vements labiaux et le décodage auditivo-visuel de la parole, laperception du mouvement des yeux d’autrui et l’attentionconjointe, et les ajustements posturaux-moteurs. Nous avonsainsi imaginé un scénario développemental dans lequel uneanomalie dans la mise en place et le fonctionnement des sys-tèmes de traitement des informations dynamiques viendraitretarder, perturber, altérer, à des degrés divers, le développe-ment d’un nourrisson dans ses divers aspects communication-nels et interactionnels avec l’environnement. Ces différentsretards et anomalies seraient plus ou moins compensés au fildu temps, faisant apparaître de nouveaux symptômes. Nousavons vu que ce scénario est compatible à la fois avec le mondescientifique et objectif de l’autisme, et avec le monde vécu etsubjectif de quelques personnes autistes.

Nous ne prétendons pas ici qu’une anomalie de la vision dumouvement puisse à elle seule expliquer l’ensemble des trou-bles caractérisant les personnes autistes. Nous prétendonsencore moins qu’une telle anomalie soit le primum movens del’Autisme infantile. Nous voulons en revanche soulignerqu’une telle anomalie peut rendre compte d’un grand nombrede troubles de la communication verbale et affective, desinteractions sociales et des comportements caractérisant lesyndrome autistique. Nous proposons que dans la cascade desévénements neuro-bio-physio-psychopathologiques structu-raux, fonctionnels et développementaux qui conduit à l’émer-gence d’un syndrome autistique chez un tout jeune enfant,une telle anomalie joue peut-être un rôle central. Le para-digme du mouvement et celui, plus en amont, de codagetemporel pourraient ouvrir une nouvelle voie de compréhen-sion des anomalies de l’interaction visuelle, sonore, tactilo-kinesthésique et sensori-motrice entre une personne autiste etson environnement humain et non-humain. Il pourrait égale-ment ouvrir de nouvelles pistes pour la rééducation de ces per-sonnes.

Pour conclure, j’esquisserai une dernière portée explica-tive possible de notre modèle. Celui-ci nous semble à propre-

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ment parler neuro-psycho-dynamique, au sens où il permet dese représenter comment la pensée sur soi, sur l’autre et sur lemonde, s’inscrit dans le mouvement (réflexe, perçu, repré-senté, mémorisé, planifié, agi), et comment un trouble pré-coce de la vision du mouvement pourrait entraver le coursnormal de la constitution et de l’expression de la pensée. LaMotion (action de mouvoir, mise en mouvement d’un corpsphysique), la Motilité (faculté de se mouvoir physiquement),la Motion pulsionnelle (triebregung, terme apparenté aumobile, au motif, à la motivation dont Freud dit : « Nous nepouvons avoir rien d’autre en vue qu’une motion pulsionnelledont le représentant-représentation est inconscient », 1915,in Laplanche et Pontalis, 1967), tout comme enfin l’Émotion(mouvement de l’âme, mouvement ou transport psychique),procèdent essentiellement d’un même élan, d’un même mou-vement. Altéré dans sa capacité à associer et intégrer desparamètres sur le mouvement visuel, sonore et sensori-moteur, l’enfant autiste serait aussi perturbé dans le ressentide ses émotions, de ses mouvements d’âme ou mouvements psy-chiques, et conséquemment dans l’expression de sa pensée. Sice modèle est pertinent, il pourrait nous fournir quelquesbases neuropsychologiques pour une théorie du mouvementpsychique, ou de la pensée en mouvement.

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Dr Bruno GepnerAFRTDET137, rue J. Mermoz13008 MarseilleE-mail : [email protected]

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