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84 Ulcères vasculaires Olivier Dereure Ulcères macrovasculaires 84-1 Ulcères d’origine veineuse 84-1 Ulcères d’origine artérielle 84-3 Ulcères mixtes 84-5 Ulcères de causes microvasculaires 84-5 Angiodermite nécrotique (ou nécrosante) 84-5 Ulcères microvasculaires par occlusion primitive de la lumière artériolaire 84-6 Ulcères microvasculaires par anomalie pariétale 84-10 Vasculite livédoïde de Winkelmann (vasculite hyalinisante segmentaire) 84-10 Oxaliurie primitive et secondaire 84-11 Syndrome de Sneddon et autres syndromes ischémiques cutanéocérébraux 84-11 Vasculites 84-11 Références 84-12 L es ulcérations cutanées liées à une aection vasculaire peuventthéoriquement atteindren’importe quelterri- toire cutané, notamment en ce qui concerne les affections artérielles, mais, en pratique, elles sont quasi exclusive- mentlocalisées surles membres inférieurset plus parti- culièrement en dessous du genou et elles se confondent donc, en pratique, avec les ulcères de jambe ou du pied. Ceci est dautant plus vrai que laplaie est dorigine majoritaire- mentveineuse,les ulcères dorigine veineuse ne sgeant pas surles membres inférieurs étant en eettoutàfait ex- ceptionnels. Par ailleurs, 90 à 95 % des ulcères chroniques de jambe et du pied sont liés à des aections vasculaires, si on excepte les ulcérations neurotrophiques survenant notamment chez les diabétiques. Dautre part, et comme dans toutes les plaies chroniques, l’ origine de ces ulcérations estrarement univoque et il faut donc être trèssysmatique dans lediagnostic étiologique qui associe leplus souvent une cause principaleet des causes plus accessoires sous la forme dune combinatoire variée de lésions macrovasculaires, microvasculaires et de facteurs favorisants loco-régionaux ou généraux. Leclini- cien doit donc être trèssysmatique dans l’ examen dun ulcère des membres inférieursan de mettre en place le traitement adapqui seraavanttout étiologique avant d’être celui de la plaie proprement dite. Les ulcères dorigine vasculaire peuvent être partis en deux grandes cagories : 1o les ulcères macrovascu- laires par atteinte veineuse (variqueuse « pure » ou post- thrombotique), par atteinte des gros troncs artérielset mixtes associant une composante veineuse et artérielle dontles poids respectifs devront êtredéterminés au cas par cas ; 2o les ulcères dorigine microvasculaire asso- ciant de façon variable une composante inammatoireet une composantemicrothrombotique, entrant dans le vaste cadre des maladies micro-occlusives. Lapsence dun lymphœdème est un facteurfavorisant important, très souvent associé à une origine macrovas- culaire veineuse et on parlealors souvent dune étiologie veinolymphatique. Ulcères macrovasculaires Ulcères d’origine veineuse ¹ Il s’agit d’une maladie fréquente et récidivante dont la pré- valence augmente régulièrement avec l’âge, pouvant dans certaines séries atteindre 5 à 10 % aps 75 ans. Cette étio- logie, quelle soit pure ou dominante, est en cause dans 70 à 80 % des ulcères de jambe même si la présence d’une composanteartérielle est de plus en plus reconnue (ulcères mixtes). Si on comptabilise les ulcères passés ou présents, laprévalence peut atteindre 1,5 à 2 % de la population géné- raleetlapdominance minine est netteavec un sexratio dun homme pour2 ou 3femmes.Les facteurs favorisants sont bien connus, notamment en ce qui concerne la mala- die variqueuse :terrain familial, prise d’œstroprogestatifs au long cours, nombre de grossesses, station debout pro- longée notamment de nature professionnelle, sédentarité, surpoids, régime pauvre en fibres, etc. Les mécanismes physiopathologiques commencent à être mieux connus ²-⁴. L’ulcération est liée à un trouble de ci- catrisation aps une plaieaiguë en général, traumatique ou microtraumatique,retard lui-même secondaire à une is- chémie cutanée superficielle ou plus profonde directement en rapport avec l’ hyperpression veineuse, quelle soit su- D. Bessis, Manifestations dermatologiques des maladies d'organes © Springer-Verlag France, Paris, 2012

Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Ulcères vasculaires

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Page 1: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Ulcères vasculaires

84Ulcères vasculaires

Olivier Dereure

Ulcères macrovasculaires 84-1Ulcères d’origine veineuse 84-1Ulcères d’origine artérielle 84-3Ulcères mixtes 84-5

Ulcères de causes microvasculaires 84-5Angiodermite nécrotique (ou nécrosante) 84-5Ulcères microvasculaires par occlusion primitive de lalumière artériolaire 84-6

Ulcères microvasculaires par anomalie pariétale 84-10

Vasculite livédoïde de Winkelmann (vasculite hyalinisantesegmentaire) 84-10Oxaliurie primitive et secondaire 84-11Syndrome de Sneddon et autres syndromes ischémiquescutanéocérébraux 84-11Vasculites 84-11

Références 84-12

L es ulcérations cutanées liées à une affection vasculairepeuvent théoriquement atteindre n’importe quel terri-

toire cutané, notamment en ce qui concerne les affectionsartérielles, mais, en pratique, elles sont quasi exclusive-ment localisées sur les membres inférieurs et plus parti-culièrement en dessous du genou et elles se confondentdonc, en pratique, avec les ulcères de jambe ou du pied.Ceciest d’autant plus vrai que la plaie est d’origine majoritaire-ment veineuse, les ulcères d’origine veineuse ne siégeantpas sur les membres inférieurs étant en effet tout à fait ex-ceptionnels. Par ailleurs, 90 à 95% des ulcères chroniquesde jambe et du pied sont liés à des affections vasculaires,si on excepte les ulcérations neurotrophiques survenantnotamment chez les diabétiques.D’autre part, et comme dans toutes les plaies chroniques,l’origine de ces ulcérations est rarement univoque et il fautdonc être très systématique dans le diagnostic étiologiquequi associe le plus souvent une cause principale et descauses plus accessoires sous la forme d’une combinatoirevariée de lésions macrovasculaires, microvasculaires et defacteurs favorisants loco-régionaux ou généraux. Le clini-cien doit donc être très systématique dans l’examen d’unulcère des membres inférieurs afin de mettre en place letraitement adapté qui sera avant tout étiologique avantd’être celui de la plaie proprement dite.Les ulcères d’origine vasculaire peuvent être répartis endeux grandes catégories : 1o les ulcères macrovascu-laires par atteinte veineuse (variqueuse « pure » ou post-thrombotique), par atteinte des gros troncs artériels etmixtes associant une composante veineuse et artérielledont les poids respectifs devront être déterminés au caspar cas ; 2o les ulcères d’origine microvasculaire asso-

ciant de façon variable une composante inflammatoire etune composante microthrombotique, entrant dans le vastecadre des maladies micro-occlusives.La présence d’un lymphœdème est un facteur favorisantimportant, très souvent associé à une origine macrovas-culaire veineuse et on parle alors souvent d’une étiologieveinolymphatique.

Ulcères macrovasculaires

Ulcères d’origine veineuse ¹Il s’agit d’une maladie fréquente et récidivante dont la pré-valence augmente régulièrement avec l’âge, pouvant danscertaines séries atteindre 5 à 10 % après 75 ans. Cette étio-logie, qu’elle soit pure ou dominante, est en cause dans70 à 80% des ulcères de jambe même si la présence d’unecomposante artérielle est de plus en plus reconnue (ulcèresmixtes). Si on comptabilise les ulcères passés ou présents,la prévalence peut atteindre 1,5 à 2% de la population géné-rale et la prédominance féminine est nette avec un sex ratiod’un homme pour 2 ou 3 femmes. Les facteurs favorisantssont bien connus, notamment en ce qui concerne la mala-die variqueuse : terrain familial, prise d’œstroprogestatifsau long cours, nombre de grossesses, station debout pro-longée notamment de nature professionnelle, sédentarité,surpoids, régime pauvre en fibres, etc.Les mécanismes physiopathologiques commencent à êtremieux connus ²-⁴. L’ulcération est liée à un trouble de ci-catrisation après une plaie aiguë en général, traumatiqueou microtraumatique, retard lui-même secondaire à une is-chémie cutanée superficielle ou plus profonde directementen rapport avec l’hyperpression veineuse, qu’elle soit su-

D. Bessis, Manifestations dermatologiques des maladies d'organes

© Springer-Verlag France, Paris, 2012

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84-2 Ulcères vasculaires

perficielle (maladie variqueuse « pure ») ou profonde avecune éventuelle composante superficielle (syndromes post-thrombotiques). L’apparition de cette ischémie fait appelà des mécanismes variés, notamment un trouble de dif-fusion de l’oxygène et des nutriments en raison de la fi-brose, de l’œdème et d’un manchon de fibrine et surtoutde polynucléaires neutrophiles engainant des capillaireset limitant les échanges. Des phénomènes inflammatoirescytotoxiques, des modifications rhéologiques et des micro-thromboses peuvent également être présents. La fibrosecréée par l’ischémie chronique entraîne un épaississementcutané et un enraidissement de l’articulation de la chevillequi lui-même gêne le fonctionnement de la pompe veineusedu mollet, ce qui aggrave la stase veineuse ;un cercle vicieuxpeut ainsi se mettre en place avec une auto-aggravation pro-gressive des lésions.Le diagnostic clinique est en général relativement simple,basé d’une part sur les caractéristiques de l’ulcère et d’autrepart sur les éléments d’interrogatoire et d’examens liés auxaltérations veineuses sous-jacentes ³.Deux grands cadres étiologiques peuvent ainsi être définis,qui se différencient par un certain nombre de caractéris-tiques cliniques :− ulcères veineux proprement variqueux, évoluant dans

le cadre d’une maladie variqueuse diffuse et bien systé-matisée, souvent familiale, liée à une incontinence de

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Fig. 84.1 Ulcère veineux de jambe post-thrombotique : ulcérations

multiples à fond fibrineux de la face interne du tiers inférieur de jambe

associées à une guêtre sclérodermiforme, une capillarite purpurique et

pigmentée et des étoiles blanches atrophiques

tout le tronc principal de la saphène interne (et/ou deses branches, notamment postérieure ou veine de Léo-nard) par défaut de fonctionnement des valvules desperforantes, de la crosse terminale et étagées le long dutronc principal. Les ulcérations siègent en regard de lazone où la pression veineuse superficielle est maximale,en général en regard des perforantes de Cockett situéesen arrière de la malléole interne (fig. 84.1).Beaucoup plusrarement, l’ulcère variqueux siège sur la face externe dejambe en regard des perforantes inférieures de la veinesaphène externe (fig. 84.2). L’ulcère variqueux de taillelimitée est le plus souvent unique, superficiel, peu oupas douloureux, d’ancienneté variable selon les cas, austade détersivo-inflammatoire ou déjà bourgeonnant.Il siège sur des téguments remaniés par l’hyperpressionveineuse superficielle chronique avec notamment capil-larite pigmentée et purpurique (dermite ocre), séche-resse voire parakératose, étoiles blanches atrophiquesliées à des micro-infarctus cutanés (atrophie blanchede Millian), inflammation cutanée chronique (eczémavariqueux d’origine variée, rapporté à l’hyperpressionveineuse elle-même ou surtout à un eczéma de contactlié aux topiques appliqués). Un certain degré de lipoder-matosclérose, souvent beaucoup plus limité que dansles syndromes post-thrombotiques, peut être présent.La maladie variqueuse est en général évidente sous laforme de cordons variqueux dilatés et sinueux, asso-ciée à des dilatations ampulaires plus importantes enregard des perforantes incontinentes. La manœuvre duflot est positive. Il s’y associe souvent une dilatationdes petites veines du bord interne de la plante du pied(couronne phlébectasique) ;

− ulcères post-thrombotiques qui compliquent une ouplusieurs thromboses veineuses profondes, en généralanciennes et souvent méconnues. Ils sont souvent mul-tiples, de grande taille, plus douloureux que les ulcèresvariqueux purs, peuvent se localiser sur la face interne,postérieure ou externe de la jambe et sont parfois cir-

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Fig. 84.2 Ulcères veineux de jambe : ulcérations multiples de face

externe de jambe associées à une capillarite purpurique et pigmentée et

une parakératose

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Ulcères macrovasculaires 84-3

conférentiels (fig. 84.3). Leur évolution est souvent beau-coup plus prolongée que celle des ulcères veineux vari-queux purs car leur traitement étiologique est plus déli-cat. Il s’y associe des signes d’hyperpression veineuseprofonde chronique avec œdème chronique de la partiesupérieure de la jambe associé à des plaques de lipo-dermatosclérose souvent très significatives et pouvantprendre un aspect circonférentiel, engainant le tiers in-férieur de la jambe sous la forme d’une « guêtre » scléro-dermiforme (aspect de la jambe en «gigot »). Les ulcèrespeuvent être bilatéraux. Ils s’accompagnent parfois devarices mal systématisées dont le niveau dépend decelui de la thrombose initiale. L’atrophie blanche estsouvent très significative.

Dans le cas d’ulcères veineux « purs », il n’existe pas designes d’artériopathie et les pouls sont notamment pré-sents. En revanche, un lymphœdème associé est fréquent.Si le diagnostic clinique est souvent facile, il doit néan-moins être confirmé par des explorations complémentairesqui permettront d’établir la présence et de préciser les dif-férents facteurs étiologiques et notamment les points defuite et d’incontinence du réseau veineux superficiel et/ouprofond. La pratique d’une échographie-doppler veineuseet artérielle en position couchée et debout par un opérateurentraîné est donc capitale car elle permettra d’orienter leschoix thérapeutiques. La pratique d’autres examens com-plémentaires n’est pas systématique et doit être discutée aucas par cas ; en particulier, la réalisation d’un prélèvementbactériologique systématique doit être évitée.Les complications des ulcères de jambe d’origine veineuseincluent infections bactériennes (apparition d’un aspecttrès inflammatoire de la plaie et d’un écoulement puri-forme, voire d’un authentique tableau d’érysipèle ou delymphangite, bactériémie), handicap moteur lié au blocagede la cheville, conséquences socioprofessionnelles avec iso-lement, perte d’emploi, syndrome dépressif en cas d’ul-cère prolongé, hémorragies par rupture de varices, dou-leurs chroniques, voire transformation en carcinome épi-dermoïde notamment en cas d’évolution très prolongée,au-delà de 25 ans, des ulcères post-thrombotiques.

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Fig. 84.3 Ulcère veineux de jambe post-phlébitique : ulcération de

grande taille de la face antérieure et externe de jambe reposant sur un

socle scléreu x, purpurique et pigmenté

Le pronostic des ulcères de jambe d’origine veineuse dé-pend directement de leur étiologie. Ainsi, le pronostic estbon pour les ulcères variqueux purs à condition que la mala-die variqueuse puisse être efficacement traitée. Il est beau-coup plus réservé dans les ulcères post-thrombotiques, oùle seul traitement étiologique est représenté par la conten-tion élastique forte au long cours dont la compliance dimi-nue souvent avec le temps.Le traitement est avant tout celui de l’étiologie et doncde l’hyperpression veineuse ⁵-¹⁰. Il faut s’acharner à dimi-nuer cette pression par tous les moyens possibles en exer-çant notamment une contre-pression externe (traitementphysique par contention et compression), en faisant dispa-raître les points de reflux et d’incontinence valvulaire, no-tamment sur les perforantes et les crosses. Pour répondreà ce dernier point, la technique la plus radicale et la plusefficace consiste en l’ablation du segment de veine incon-tinent par éveinage chirurgical ; on peut également fairedisparaître la lumière veineuse en injectant un produit sclé-rosant. Cette technique ne peut toutefois être appliquéequ’aux veines superficielles. L’incontinence des veines pro-fondes dans les situations de syndrome post-thrombotiqueest pour l’instant hors de portée des ressources chirurgi-cales de routine et seule la contention forte peut être propo-sée à ces patients. Les mesures médicales n’ont qu’une por-tée très limitée, dans le cadre d’un traitement symptoma-tique. Drainage lymphatique et correction des facteurs fa-vorisants de la maladie variqueuse ne doivent en revanchepas être négligés. Le traitement de la plaie proprement ditedépendra du stade évolutif dans le cadre de la dynamiquegénérale de la cicatrisation et fera appel aux pansementsles plus adéquats.

Ulcères d’origine artérielle

L’ulcère artériel est la conséquence ultime de l’hypoxie tis-sulaire liée à une artériopathie oblitérante des membresinférieurs, donc au stade de l’ischémie critique, ce qui l’op-pose à la situation d’ischémie aiguë de membre. Sur le planhémodynamique, cette ischémie critique se traduit par unepression de perfusion à la cheville inférieure à 50mm demercure ou une pression digitale au gros orteil àmoins de30 mm de mercure, notamment chez des patients diabé-tiques, et par une TcPO2 (pression tissulaire en oxygène)inférieure à 30 mm de mercure en distalité. L’ulcère arté-riel est une véritable urgence thérapeutique qui doit faireenvisager avant toute chose un geste de revascularisationqui permettra de sauver le membre. Il s’agit le plus souventde la manifestation cutanée visible d’une ischémie critiquede tout le membre et, de façon plus générale, de la mani-festation d’une maladie artérielle beaucoup plus diffuse etmenaçante alors que l’ulcère veineux n’est que la traductiond’une affection loco-régionale n’ayant pas de caractère degravité et n’engage pas le pronostic vital général.Dans plus de 95% des cas, les ulcères par atteinte macro-artérielle sont liés à une athéromatose des membres in-férieurs dont les facteurs étiologiques sont bien connus(antécédents familiaux, tabagisme, hypertension artérielle,hyperlipidémie et notamment hypercholestérolémie, dia-

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84-4 Ulcères vasculaires

bète) ¹¹,¹². Sur le plan hémodynamique, l’apparition de l’ul-cère est essentiellement corrélée à une chute de la pressionde perfusion d’aval etnon à la baisse du débit sanguin distal,en particulier cutané. Cette chute de la pression de perfu-sion est liée à plusieurs phénomènes concomitants, notam-ment une hyperviscosité relative entraînant une baisse dudébit de perfusion nutritionnelle locale, une activation del’hémostase avec apparition de microthromboses en parti-culier cutanées etmusculaires, des anomalies vasomotricesavec une redistribution des flux vers les capillaires de faiblerésistance. La vasoplégie permanente qui s’installe, liéeau déficit nutritionnel tissulaire, augmente les surfacesd’échange ce qui, en corrélation avec l’altération des paroisendothéliales, entraîne un œdème interstitiel péricapillairequi aggrave la situation en écrasant les capillaires.Sur le plan clinique, l’apparition d’un ulcère artériel signele stade IV de la classification de Leriche et Fontaine de l’ar-tériopathie chronique des membres inférieurs, marqué parl’apparition de troubles trophiques. Sa survenue est doncen principe précédée d’un stade de claudication intermit-tente, voire de douleurs de décubitus mais ces stades préa-lables pourront être difficiles à identifier en cas de neuropa-thies périphériques en particulier chez les diabétiques etchez des patients àmobilité réduite ¹³. L’interrogatoire iden-tifie par ailleurs les autres facteurs de risque d’athéromeet des éléments en rapport avec d’autres localisations de lamaladie athéromateuse (coronarienne, cérébrale, oculaire,rénale, digestive, etc.). L’ulcère artériel est d’apparition ré-cente et souvent assez brutale, douloureux ou très doulou-reux, la douleur étant accentuée par le décubitus, souventinsomniante, en général mal calmée par les morphiniques.L’ulcère siège dans des zones de vascularisation terminale(fig. 84.4) : dos du pied, suspendu sur la face antéro-interneou antéro-externe de jambe, talon, tendon d’Achille, orteilset est de taille variable en fonction de sa durée d’évolutionet de l’importance de l’ischémie sous-jacente. Il est souventcreusant, recouvert d’une zone nécrotique et peut dénuderles tendons. Il s’y associe d’autres signes loco-régionauxliés à l’ischémie chronique : téguments froids, secs, dépi-

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Fig. 84.4 Ulcère artériel : ulcération creusante du dos du pied et nécrose

de la pulpe du gros orteil

lés, amyotrophie, abolition des pouls voire souffle vascu-laire, dystrophie unguéale, cyanose cutanée ou de façonassez paradoxale érythrose correspondant à la vasodilata-tion ischémique qui est en fait un élément de mauvais pro-nostic. La prise de l’index de pression systolique est ungeste très simple qui peut être effectué au lit du patient ;il s’agit du rapport entre la pression systolique de la che-ville rapportée à la pression systolique humérale, index quiest en principe inférieur à 0,5 ou 0,6 dans l’ischémie cri-tique. Une médiacalcose fréquente chez le diabétique etl’insuffisant rénal peut être à l’origine de chiffres fausse-ment élevés en raison d’une incompressibilité des artèrescalcifiées.Un certain nombre d’examens complémentaires doiventêtre proposés à ces patients, d’une part pour objectiveret quantifier l’ischémie et évaluer les possibilités de revas-cularisation, et d’autre part pour explorer les autres terri-toires artériels potentiellement concernés par la maladieathéromateuse qui, par essence, est une maladie diffusemenaçant le pronostic vital général. D’autres explorationspeuvent être proposées au cas par cas, notamment la re-cherche de complications d’un diabète, en particulier d’uneneuropathie, des explorations osseuses, un prélèvementbactériologique, la recherche d’une dénutrition, etc. Là en-core, une échographie-doppler artérielle et veineuse est in-dispensable, associée àune mesure de la pression d’oxygènetranscutanée (TcPO2) par un capteur spécifique qui mesu-rera l’oxygénation tissulaire étagée sur la jambe et le pied.Cet examen a un intérêt diagnostique, avec des chiffres infé-rieurs à 35 mm en cas d’ischémie critique, mais égalementun intérêt pronostique avec un pourcentage plus importantde revascularisation efficace à un an chez les patients pourlesquels la TcPO2 en déclive est supérieure à 40 mm de mer-cure. Il permet également d’apprécier au mieux le niveaud’amputation quand celle-ci se révèle nécessaire pour éviterd’effectuer un geste sur une zone ischémique où le moignonne pourra pas cicatriser dans de bonnes conditions. L’éva-luation des possibilités de revascularisation repose biensûr sur les données de l’échographie-doppler couleur, maisaussi et surtout sur les différentes techniques d’artériogra-phie soit « conventionnelles » soit par résonance magné-tique. L’artériographie, examen invasif, ne se justifie quesi une revascularisation est possible notamment en fonc-tion de l’état général du patient et des autres localisationsde l’artériopathie. En particulier, il peut être précédé dutraitement chirurgical d’une sténose carotidienne serrée.L’échographie-doppler permet également d’apprécier lesrésultats d’une revascularisation chirurgicale en vérifiantson efficacité immédiate et à distance ou en dépistant lescomplications du geste opératoire qui peut être un pontageou une angioplastie.En effet, le seul traitement vraiment efficace, en dehors desmesures symptomatiques notamment antalgiques ou plusétiologiques telle une renutrition, reste la revascularisationdu membre atteint sans laquelle aucune cicatrisation nepeut être attendue ¹⁴. Bien entendu, les facteurs de risqued’athérome doivent être pris en charge individuellement,de même que les autres localisations d’athérome qui seront

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Ulcères de causes microvasculaires 84-5

l’objet d’investigations complémentaires, notamment mor-phologiques, adaptées.

Ulcères mixtes

On désigne sous ce vocable des ulcérations chroniques desmembres inférieurs d’origine macrovasculaire où des ano-malies veineuses et des altérations artérielles sont asso-ciées. Le tableau clinique est alors intermédiaire entre ul-cères veineux et artériels « purs » et est donc très variableselon les cas. Il faut y penser systématiquement devantun ulcère considéré comme veineux mais inhabituellementprofond, douloureux, nécrotique et dont la cicatrisation serévèle problématique et notamment quand il existe des fac-teurs de risque vasculaires. La palpation des pouls se révèledifficile, voire impossible. L’importance grandissante de cesulcères mixtes (jusqu’à 30 à 40% des ulcères de jambes se-lon certaines estimations) justifie la pratique systématiqued’une échographie-doppler à la fois veineuse et artérielleet ce quel que soit le diagnostic étiologique établi sur dessimples données cliniques. Ces situations d’ulcères mixtessont en réalité de plus en plus fréquentes, notamment enraison de l’importance grandissante des facteurs de risqueartériels chez les femmes qui sont les plus atteintes parles ulcères d’origine veineuse. Ces ulcères mixtes illustrentparfaitement le caractère souventmultiple des étiologiesdes plaies chroniques et l’importance d’être systématiquesur l’évaluation des facteurs étiologiques qui sont souventintriqués.

Ulcères de causes microvasculaires

Angiodermite nécrotique (ou nécrosante)

Cette forme particulière d’ulcération d’origine micro-angio-pathique s’individualise par son tableau clinique très parti-culier et bien reconnaissable. Initialement décrit par Mar-torell dans des contextes de poussées hypertensives, sonspectre étiologique s’est ensuite élargi et cette forme par-ticulière d’ulcère aigu serait responsable de 5 à 10% destroubles trophiques d’origine vasculaire des membres in-férieurs vus en milieu hospitalier. La reconnaissance del’angiodermite nécrotique dont le diagnostic est purementclinique est un enjeu crucial car son traitement est bienparticulier.Le terrain de l’angiodermite nécrotique est assez particu-lier puisqu’il s’agit le plus souvent de femmes, en généralde plus de 60 ans, diabétiques et/ou hypertendues, queces affections soient traitées ou non, équilibrées ou non.D’autres facteurs peuvent être retrouvés comme une arté-riopathie d’intensité modérée des membres inférieurs, uneartériolosclérose sénile ou encore une thrombophilie.La physiopathologie de cette variété d’ulcère vasculaire esten faitmal connue. Le mécanisme essentiel est probable-ment une microthrombose aiguë des artérioles dermiquessuperficielles dans un territoire de vascularisation termi-nale situé à l’union tiers moyen-tiers inférieur de la faceexterne de jambe. Toutefois, les facteurs étiologiques pro-prement dits de cette microthrombose ne sont pas connusavec précision et ils peuvent d’ailleurs varier de patient à

patient en mêlant des troubles de coagulation locaux ougénéraux et des altérations pariétales. La part relative deces deux grands facteurs étiologiques est probablementvariable tandis que les facteurs déclenchants de cet oragemicrothrombotique sont en général inconnus.Quoi qu’il en soit, le tableau clinique est assez particulieret bien reconnaissable le plus souvent, autorisant un diag-nostic clinique assez rapide quand l’entité est connue. Ledébut est souvent brutal, post-traumatique dans la moitiédes cas, parfois plus progressif. Dans certains cas, en faitrares actuellement, l’angiodermite nécrotique survient lorsd’une poussée hypertensive et est alors souvent bilatérale.La lésion de base est un livedo d’évolution rapide qui débuteà l’union tiers moyen-tiers inférieur de la face externe dela jambe, livedo qui devient ensuite rapidement nécrosant,mais de façon superficielle, sous la forme d’une plaque es-carrotique noirâtre, souvent relativementmince (fig. 84.5).Cette lésion est extrêmement douloureuse, entraînant destroubles de l’alimentation et du sommeil, voire un authen-tique syndrome dépressif aigu avec une altération rapidede l’état général chez les patients âgés, notamment en rai-son d’une déshydratation. Il n’y a en principe pas de signesd’insuffisance veineuse, superficielle ou profonde, et lespouls sont perçus, même s’ils sont parfois amortis. L’indexde pression systolique est normal ou discrètement abaissé.Plus rarement, les lésions siègent sur la face postérieurede la jambe, la cheville ou le dos du pied et sont parfoiscirconférentielles. Elles peuvent être bilatérales dans 10 à20% des cas.L’évolution spontanée se fait vers l’élimination de la né-crose qui a tendance à se détacher progressivement par sapériphérie, élimination qui découvre une ulcération super-ficielle. L’extension est souvent rapide, centrifuge, pouvantêtre mesurée jour après jour. La persistance du livedo enpériphérie de la plaque escarrotique signe la poursuite duprocessus microthrombotique. La taille finale de l’ulcèreest variable et parfois importante,mais l’ulcération resteen général superficielle, sans atteinte des plans profonds.

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Fig. 84.5 Angiodermite nécrotique : livedo nécrosant centré par une

ulcération post-escarrotique suspendue au tiers moyen de la face externe

de jambe

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84-6 Ulcères vasculaires

� PDGF platelet-derived growth factor

Une cicatrisation complète est obtenue en général au boutde plusieurs semaines, mais l’évolution peut être traînante,sur plusieurs mois, émaillée de poussées, voire de réci-dives homo- ou controlatérales. Cette évolution est généra-trice de coûts importants, notamment en termes d’hospi-talisation (en général nécessaire) et de complications quipeuvent menacer le pronostic vital. Le pronostic généralest lié au terrain sous-jacent, en particulier d’hypertensionou de diabète chez des patients âgés et fragiles.Le diagnostic clinique est en général facile, à condition quele profil clinique de l’entité soit connu, ce qui n’est pas tou-jours le cas. Les diagnostics différentiels sont représentéspar les autres causes de microangiopathie thrombotique,en particulier les vasculites et les maladies micro-occlusivespar microthrombose primitive qui sont en fait peut-êtreplus des formes étiologiques que d’authentiques diagnos-tics différentiels.On peut citer en particulier les cryoglobuli-némies dont le tableau clinique est parfois très proche de ce-lui d’une authentique angiodermite nécrotique. Les vascu-lites des petits vaisseaux entrant notamment dans le cadred’une polyarthrite rhumatoïde peuvent également être trèsproches cliniquement, mais l’affection auto-immune sous-jacente est en général connue. La calciphylaxie est égale-ment une affection cliniquement très voisine qui entredans le même spectre anatomo-clinique des maladies micro-occlusives mais qui s’individualise par le terrain d’insuffi-sance rénale, la présence de calcifications vasculaires im-portantes et d’une hyperparathyroïdie secondaire quasiconstante et importante. Un ulcère macro-artériel est faci-lement éliminé par la palpation des pouls, la mesure desindex de pression et les données de l’échographie-doppler.Un certain nombre d’examens complémentaires sont re-commandés dans cette affection : échographie-doppler afind’écarter les ulcères de cause macrovasculaire, recherchede facteurs microthrombotiques généraux (numération for-mule sanguine, recherche d’anticorps antinucléaires, d’anti-corps antiphospholipides, d’un déficit en protéines C et pro-téines S, recherche d’une cryoprotéine, électrophorèse desprotéines sériques) ; la pratique d’une biopsie cutanée peutse discuter, notamment pour écarter des diagnostics diffé-rentiels très proches et tout particulièrement une vasculiteinflammatoire ou une vasculite livédoïde de Winkelmann.En revanche, la présence de microthrombose des vaisseauxdu derme superficiel et l’altération pariétale avec épaissis-sement intimal, fibrose et hyperplasie concentrique de lamédia ne sont pas très spécifiques et peuvent se rencontrerdans d’autres maladies micro-occlusives.Le traitement est effectué en général en milieu spécialisé etune hospitalisation est souvent nécessaire, voire urgentechez des patients âgés et fragiles dont l’état général se dé-grade rapidement, notamment en raison de la douleur. Letraitement symptomatique est souvent primordial, en par-ticulier prise en charge de la douleur par des antalgiques(l’utilisation d’un pallier III de l’OMS est souvent néces-saire), réhydratation et renutrition. Les facteurs étiolo-giques doivent être pris en compte, en particulier diabèteet hypertension quand ils sontmal équilibrés, ce qui n’esten fait pas souvent le cas. L’arrêt du processus microthrom-

botique est un enjeu important, mais aucun traitement n’avraiment fait la preuve de son efficacité dans cette pers-pective, qu’il s’agisse de traitements systémiques (antiagré-gants, corticoïdes, anticoagulants, échanges plasmatiques),ou locaux. L’utilisation de dermo-corticoïdes très puissants,de classe IV, peut être proposée sur le livedo périnécrotiqueafin de limiter son extension,mais cette modalité n’a pasété validée par des études contrôlées ¹⁵. Après obtentiond’un arrêt évolutif, on peut proposer une détersion de lazone nécrotique, soit chirurgicale en un temps, alors sou-vent complétée par une greffe en filet ou en pastille dans lemême temps opératoire, ou autolytique, notamment parl’utilisation d’un hydrogel relayé par des pansements grasaprès disparition de la plaque escarrotique. La pratique pré-coce d’une greffe a un double avantage : permettre une cou-verture précoce de la perte de substance et surtout obtenirun meilleur contrôle de la douleur en raison de l’effet an-talgique du greffon ¹⁶. Certains auteurs préconisent mêmel’utilisation de l’excision greffe alors même que la lésionest toujours en phase d’extension. L’emploi d’un facteur decroissance topique (PDGF recombinant) a fait l’objet d’uneétude randomisée et contrôlée récente dont les résultatsn’ont pas encore été publiés.

Ulcères microvasculaires par occlusion primitive de la lumière

artériolaire ¹²

Le mécanisme peut être soit microthrombotique in situ,soitmicro-embolique ou encore par précipitation endolu-minale de protéines anormales. Ces différents mécanismespeuvent d’ailleurs s’associer entre eux,mais également àdes troubles vasomoteurs et à des anomalies pariétales quipeuvent en elles-mêmes favoriser une thrombose intralu-minale. Dans ces situations, la biopsie cutanée peut êtrecontributive à condition qu’elle soit profonde, faite au bis-touri à cheval sur la zone nécrotique et la peau adjacentequi est souvent livédoïde ou purpurique. Elle mettra enévidence dans les meilleurs cas le facteur étiologique del’occlusion, qu’il s’agisse d’une thrombose ou d’une micro-embolie, souvent associée à un discret infiltrat lymphocy-taire périvasculaire réactionnel ne devant pas faire porterà tort le diagnostic de vasculite.Micro-occlusions par troubles de coagulation Toutesles affections responsables d’une thrombophilie peuventpotentiellement se compliquer d’une occlusion microvas-culaire :− déficits génétiques en inhibiteur de la coagulation (es-

sentiellement mutations hétéro- et homozygotes dugène codant pour la protéine C, plus rarement pourla protéine S, l’antithrombine III ou l’activateur duplasminogène). Ces déficits peuvent se révéler soitspontanément, soit surtout, notamment en ce quiconcerne la protéine C, en présence d’un facteur dé-clenchant (intervention chirurgicale, infections, notam-ment septicémie àméningocoques avec purpura fulmi-nans, mais aussi brucellose, endocardite, infections àmycoplasmes, à Coxiella burnetii ou encore mise enplace d’un traitement par antivitamine K en raison de

Page 7: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Ulcères vasculaires

Ulcères de causes microvasculaires 84-7

� TCA temps de céphaline activée

Coll.

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Fig. 84.6 Large ulcération post-nécrotique cernée d’un livedo

inflammatoire d’une face externe de jambe au cours d’un syndrome des

anticorps antiphospholipides

l’asynchronisme du déficit induit en protéine C qui pré-cède l’impact sur les facteurs de coagulation vitamine K-dépendants avec un risque microthrombotique sur 48ou 72 heures ;

− coagulation intravasculaire disséminée de causes trèsdiverses, liée ou non à des anomalies préalables desinhibiteurs de coagulation ;

− microthromboses et thrombopénie lors d’un traite-ment par héparine en raison de l’apparition de micro-thrombus multiples par agrégation plaquettaire induitepar l’héparine, notamment liés à la présence d’anti-corps anti-héparine et générateurs d’une thrombopé-nie de consommation ;

− homocystéinémie, surtout homozygote où les occlu-sions microvasculaires restent un signe rare ;

− syndrome des anticorps antiphospholipides de di-vers types (anticardiolipine, anticoagulant circulantlupique à activité antiprothrombinase, antiphospholi-pides neutres, en particulier antiphosphatidyléthanola-mine). Ce syndrome peut être primaire ou secondaire,notamment à une connectivite de type lupus érythé-mateux systémique et ces anticorps peuvent être res-ponsables d’une maladie macro- ou micro-occlusive, ar-térielle ou veineuse, pouvant toucher potentiellementtous les territoires vasculaires y compris la peau sousla forme d’un livedo souvent irrégulier, fixe, suspendu,situé en priorité sur les membres, évoluant parfois versdes nécroses en grandes plaques associées ou non à uneischémie distale (fig. 84.6). La sévérité des lésions cuta-nées est considérée comme un marqueur de risque vis-à-vis de thromboses multisystémiques et notamment dusyndrome catastrophique des antiphospholipides,maiségalement de manifestations de neurolupus, souventfocales, en cas de syndrome des antiphospholipides se-condaires au lupus érythémateux systémique. La pré-sence de ces anticorps peut être suspectée sur des anté-cédents de fausse couche à répétition, de thrombopénieet sur un allongement du TCA. Toutefois, ces élémentsne sont pas toujours présents et un dosage spécifiquedes anticorps doit être réalisé dans tous les cas où desulcères d’origine microvasculaire sont suspectés ;

− syndromes myéloprolifératifs quels qu’ils soient, no-tammentmaladie de Vaquez et surtout thrombocyté-mie essentielle où un livedo des membres, souvent dis-tal, douloureux et symétrique, peut s’associer à un acro-syndrome a frigore et à des nécroses distales. On peuten rapprocher les lésions observées dans le myélomemultiple avec activité de type cryoglobuline ou cryocris-taglobuline de la protéine monoclonale ;

− afibrinogénémie ou dysfibrinogénémie congénitales,souvent génératrices d’un livedo distal douloureux, évo-luant volontiers vers la nécrose (fig. 84.7).

En revanche, d’autres troubles de la coagulation, telle larésistance à la protéine C activée (RPCA) liée à la présenced’un facteur V muté de type Leyden insensible à l’effetinhibiteur de la protéine C activée, la présence de l’allèle20 212A de la thrombine ainsi qu’une élévation des fac-teurs VIII, IX, XI ne semblent pas se compliquer particu-lièrement d’ulcérations en dehors peut-être de la vasculitelivédoïde (cf. infra) en ce qui concerne la RPCA.Micro-occlusions de mécanisme emboliqueMyxome de l’oreillette gauche À suspecter notamment encas de syncope post-exercice et qui peut s’intégrer dans uncomplexe de Carney associant myxomes cardiaques et cuta-nés, lentigines du visage, du tronc, neurofibromes, nævusbleu, tumeurs endocrines, notamment thyroïdienne, pa-rathyroïdienne et hypophysaire et où les lésions cutanéesde nature micro-occlusive (livedo, nécroses, ulcérations)peuvent s’associer à une éruption papuleuse acrale avecclaudication, à des lésions violacées serpigineuses et an-nulaires des pulpes, à un érythème pétéchial des paumeset des plantes, mais aussi à différentes manifestations quipeuvent en imposer pour une endocardite bactérienne avecembolies systémiques et anévrysmes artériels de topogra-phie variable. La biopsie cutanée objective inconstammentles embolies myxomateuses colorées au bleu alcian,maisparfois ne sont observées qu’une vasculite ou des micro-thromboses trompeuses.Emboliesfibrinocruoriques ou septiques D’origine cardiaquedans les cardiopathies emboligènes, les endocardites bacté-riennes notamment à Coxiella burnetii ou à Candida albicansou d’origine vasculaire (thrombose et/ou infection des pro-thèses vasculaires).

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Fig. 84.7 Ulcération de jambe cernée d’un purpura pigmenté et livedo

du bord externe du pied au cours d’une afibrinogénémie associée à une

cryoglobulinémie mixte

Page 8: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Ulcères vasculaires

84-8 Ulcères vasculaires

� PAN périartérite noueuse

Occlusions parmicro-emboles néoplasiques En particulierdans les angiosarcomes aortiques, les néoplasies rénales etmammaires et les leucémies aiguës lymphoblastiques.Dermite livédoïde de Nicolaü Liée à une injection intra-artérielle accidentelle de produits divers suivie de l’appari-tion rapide d’un livedo très douloureux dans le territoireartériel d’aval pouvant évoluer vers une nécrose subaiguësouvent génératrice d’algies prolongées et de cicatrices dys-trophiques (fig. 84.8).Embolies de cholestérol Liées à des fragments libérés pardes plaques athéromateuses artérielles de topographie trèsvariée ; cette affection redoutable apparaît classiquementchez des personnes à haut risque d’athérome (dyslipidémie,tabagisme, hypertension artérielle, diabète) dans les joursou semaines qui suivent un geste invasif (cathétérisme arté-riel, chirurgie cardiovasculaire) ou encore la mise en routed’un traitement anticoagulant ou fibrinolytique tel quel’urokinase. Toutefois, aucun facteur déclenchant n’est mis

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Fig. 84.8 Dermite livedoïde de Nicolaü : livedo plantaire à évolution

nécrosante secondaire à une injection intra-artérielle locale de corticoïdes

retard

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Fig. 84.9 Purpura pétéchial plantaire et livedo prédominant sur les

orteils au cours d’embolies de cholestérol

en évidence dans environ 30% des cas. Ces embolies sur-viennent souvent en « pluie » dans l’ensemble du lit artérield’aval avec des lésions variées en fonction de la topographiede la plaque athéromateuse d’origine (cutanées, rénales,digestives, musculaires, oculaires, neurologiques...). Leslésions cutanées représentent un point d’appel essentielavec un purpura pétéchial distal, notamment des plantes(fig. 84.9), parfois nécrotique, des troubles vasomoteurs avecaspect érythrocyanotique d’un ou de plusieurs orteils (or-teils pourpre ou bleu) et un livedo d’allure inflammatoire àprédominance distale ou d’aspect suspendu qui est présentdans au moins 50% des cas (fig. 84.10). Il peut s’y associerdes nécroses et ulcérations distales d’évolution subaiguëet des nodules sous-cutanés qui peuvent en imposer pourune authentique périartérite noueuse (PAN) systémique oucutanée pure. Les lésions viscérales sont parfois très mena-çantes et font tout le pronostic de l’affection avec un risqued’ischémie et de perforation intestinale, d’altération défini-tive de la fonction rénale et d’accident vasculaire cérébral.Les emboles sont parfois visualisés au fond d’œil lorsqueles plaques emboligènes sont localisées sur les troncs supra-aortiques. L’examen histologique peut mettre en évidencedans les cas favorables les emboles de cholestérol dans lesartères sous-cutanées sous forme de cristaux denses lan-céolée biréfringents dont il ne reste souvent que la cavitécorrespondante et de même forme après fixation (fig. 84.11).Il s’y associe souvent une réaction inflammatoire parfoisgranulomateuse, peu spécifique ou d’authentiques aspectsde vasculite des artères de moyen calibre pouvant là encoreen imposer pour une PAN. L’examen histologique doit doncêtre très précis avec des coupes multiples etun prélèvementréalisé sur la jonction nécrose-peau périphérique. Le traite-ment de cette redoutable affection repose essentiellementsur l’ablation chirurgicale du foyer emboligène tandis queles statines ont démontré récemment leur intérêt à longterme. L’intérêt du traitement par les dérivés des prostacy-clines dans les formes avec nécrose distale, l’effet bénéfiqueéventuel des corticoïdes dans les formes systémiques, lemaintien des anticoagulants quand ils sont indispensables,

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Ulcères de causes microvasculaires 84-9

� VIH virus de l’immunodéficience humaine

l’intérêt des antiagrégants ont également été soulignés.Micro-occlusions Par injection intra-artérielle de buprénor-phine (Subutex) dans un contexte de toxicomanie, proched’une dermite livédoïde de Nicolaü (fig. 84.12).Livedo nécrosant divers des embolies gazeuses (accidentde décompression, maladie des caissons) et de l’emboliegraisseuse (polytraumatisme avec fractures osseuses) quisurviennent dans des contextes facilement identifiables.Micro-occlusions par précipitation endoluminale d’uneprotéine anormaleCryoglobulinémie Notamment de type I, monoclonalepure, qui se manifeste par un livedo distal des membres,souvent douloureux, parfois ecchymotique voire nécrosantassocié à des nécroses parcellaires étoilées à l’emporte-piècepouvant laisser des cicatrices de type atrophie blanche.Ces anomalies cutanées précèdent ou accompagnent deslésions viscérales, notamment rénales ou neurologiquespériphériques, parfois très menaçantes. Il peut s’y associerd’autres manifestations a frigore comme une urticaire aufroid et un phénomène de Raynaud. Le diagnostic biolo-gique est souvent difficile et il faut savoir répéter les prélè-vements qui seront au mieux effectués dans le laboratoirequi effectue cette recherche. Les lésions sont souvent net-tement moins importantes pour les cryoglobulinémies detype II et de type III qui apparaissent notamment dans uncontexte d’hépatite C.Autres cryoprotéines Agglutinines froides de type IgM,cryofibrinogène avec un tableau assez similaire à celui descryoglobulinémies.Protéine monoclonale À activité cristalglobulinémique, no-tamment dans le cadre d’un myélome, qui peut cristalliser

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Fig. 84.10 Livedo distal, orteils pourpres et nécrose distale partielle du

cinquième orteil gauche au cours d’embolies de cholestérol

Coll.

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Fig. 84.11 Examen histologique d’embols de cholestérol : cavité

lancéolées intravasculaires et infiltrat inflammatoire périvasculaire du

derme

dans les vaisseaux de petite taille,mais sans activité cryo-globuline obligatoire.Micro-occlusions de mécanisme plus discutéD’origine médicamenteuse Notamment liées aux interfé-rons alpha et bêta avec apparition d’un livedo parfois nécro-sant souvent associé àun phénomène de Raynaud (fig. 84.13) ;microangiopathie thrombotique liée à certains cytosta-tiques, en particulier la gemcitabine.Maladies micro-occlusives De mécanismes très variés, as-sociées à certaines maladies infectieuses, notamment bac-tériennes (endocardites bactériennes, infection à myco-plasmes, à Coxiella burnetii, brucellose...) ou virales (hé-patite C en dehors de la présence de cryoglobulinémie,VIH, etc.)Angiodermites nécrotiques (Cf. supra.)Maladiemicro-occlusive Souvent diffuse associée à des néo-plasies viscérales, liée ou non à la présence d’anticorps an-tiphospholipides.Livedo nécrosant des insuffisants rénaux, souvent dialysés,plus connu sous le nom de calciphylaxie et qui peut s’asso-

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Fig. 84.12 Livedo nécrosant unilatéral de l’avant-bras et de la main

secondaire à des injections intraartérielles répétées de buprénorphine dans

l’artère humérale

Page 10: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Ulcères vasculaires

84-10 Ulcères vasculaires

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Fig. 84.13 Nécrose cutanée abdominale au site d’injection d’interféron

alpha au cours du traitement d’une hépatite virale chronique C

cier à une panniculite calcifiante nécrosante et/ou à uneacrocyanose très sévère à évolution distale parfois nécro-sante. Le tableau clinique est très stéréotypé avec appari-tion brutale d’un livedo, souvent inflammatoire àmaillesouvertes, débutant à l’extrémité distale des membres infé-rieurs, en particulier sur la face externe de jambe et pro-gressant rapidement vers la racine du membre, puis sur letronc. Ce livedo se complique très généralement de lésionsnécrotiques souvent impressionnantes et profondes et uneévolution fatale est rapportée dans plus de la moitié descas publiés notamment par sepsis (fig. 84.14). L’histologiemontre une micro-occlusion thrombotique des artériolesdermiques et hypodermiques accompagnée d’une calcifica-tion importante des parois de ces vaisseaux et parfois dedépôts calciques extravasculaires. Ces calcifications sontsouvent visibles dès les clichés radiologiques standardssous la forme d’un fin réseau calcifié s’étendant jusqu’àla surface du membre. Malgré la dénomination de cetteaffection, le mécanisme de la micro-occlusion est discutéet est probablement multifactoriel : hyperparathyroïdie,d’autant plus qu’un tableau similaire peut être rencontrédans l’hyperparathyroïdie primaire, lié à l’action vasocons-trictive directe et prothrombotique de la parathormone ;troubles de coagulation avec déficit quantitatif et/ou fonc-tionnel en protéine C ou S en particulier dans la dialysepéritonéale ; carence en vitamine K avec diminution desprotéines C et S ; anticorps antiphospholipides secondairesà la néphropathie ou liés à la cause de cette dernière ; vascu-lite à complexes immuns, etc.En revanche, le mécanisme deprécipitation aiguë du calcium invoqué par Selye paraît trèsdifficile à retenir dans la grande majorité des cas. L’hyper-parathyroïdie est souvent ancienne et importante dans cessituations. Le traitement est très discuté : parathyroïdec-tomie subtotale, cinacalcet qui mime l’effet du calcium surla parathyroïde et qui ralentit donc la production de para-thormone,mesures anti-infectieuses, traitement local despertes de substance, contrôle de la calcémie en modifiant lacomposition des bains d’hémodialyse, anticoagulation effi-cace, antiagrégants plaquettaires, utilisation du thiosulfatede sodium... Le principal diagnostic différentiel est repré-senté par l’oxalose soit primitive qui est alors responsable

à la fois de l’atteinte rénale et d’un livedo nécrosant soitsecondaire à l’insuffisance rénale chronique quelle que soitson origine.

Ulcères microvasculaires par anomalie

pariétale

Il s’agit en général d’une inflammation et/ou de dépôtsanormaux dans les parois des artères dermiques et hypo-dermiques, anomalies visibles sur des biopsies profondeseffectuées si possible sur des lésions récentes.

Vasculite livédoïde de Winkelmann (vasculite hyalinisante

segmentaire)

Cette entité rare, décrite en 1967 parWinkelmann restecontestée dans son individualisation par rapport à d’autrestableaux cliniques assez voisins. Typiquement, il s’agit d’unlivedo suspendu, évoluant par poussées très douloureusesatteignant essentiellement des femmes jeunes ou d’âgemoyen, souvent associé à des éléments purpuriques ounécrotiques circonscrits laissant des cicatrices atrophiqueset déprimées en cupule, de type atrophie blanche (fig. 84.15).Les facteurs déclenchant des poussées ne sont pas claire-ment identifiés dans la majorité des cas. Les lésions siègentsurtout sur la face antéro-externe du tiers inférieur et dutiers moyen de la jambe. L’aspect histologique est assez par-ticulier et a permis de proposer l’individualisation de cetteentité sous la forme d’une atteinte des petites artères der-miques, sièges d’une inflammation peu importante avecsurtout une hyalinisation des parois pouvant se compli-quer d’une obstruction luminale par fibrose ou thrombose.Il peut s’y associer, quoique rarement, des atteintes extracu-tanées de type maladie micro-occlusive. L’étiologie est en-core très controversée et pourrait être liée à des anomaliesdiverses de la coagulation, notamment la présence d’anti-corps antiphospholipides, une résistance à la protéine Cactivée, un déficit en protéine C, etc. L’intensité de la dou-leur est parfois expliquée par une neuropathie sensitiveinduite par un même mécanisme thrombotique ou par une

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Fig. 84.14 Livedo nécrosant (calciphylaxie) d’une cuisse au cours d’une

insuffisance rénale chronique

Page 11: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Ulcères vasculaires

Ulcères microvasculaires par anomalie pariétale 84-11

vasculite associée. Certaines formes sont probablementsecondaires à des connectivites et peuvent également s’as-socier à un diabète, une athéromatose diffuse ou à unenéoplasie viscérale. Le traitement de cette affection récidi-vante est difficile et peut faire appel aux anticalciques, auxantiagrégants plaquettaires, aux corticoïdes, à la puvathé-rapie, à la prostacycline ou encore aux immunoglobulinesintraveineuses.

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Fig. 84.15 Vasculite livedoïde de Winkelmann : ulcères chroniques

du pied associé à un purpura et des cicatrices blanches atrophiques

particulièrement visibles sur la face dorsale de l’avant-pied

Oxaliurie primitive et secondaire

L’hyperoxaliurie ou oxalose primitive est une anomalie mé-tabolique congénitale rare qui se transmet sur un modeautosomique récessif. Elle est liée à un déficit en alanine-glyoxylate aminotransférase (oxalose de type I la plus fré-quente) ou en D glycérate déshydrogénase (type II plusrare) voire un trouble de l’absorption de l’oxalate (type III),avec, dans tous les cas, accumulation de cristaux d’oxalatedans les tissus et hyperoxaliurie. Elle se caractérise en ef-fet par une précipitation de cristaux d’oxalate de calciumdans divers tissus, notamment dans les vaisseaux périphé-riques, le cœur, les reins, les voies urinaires, les yeux et lapeau. Quelle que soit l’anomalie biochimique sous-jacente,le tableau clinique et biologique est assez similaire aveclithiases rénales précoces et dépôts de cristaux d’oxalatede calcium dans le parenchyme rénal à l’origine d’une in-suffisance rénale terminale, parfois avant l’âge de 20 ans.D’autres organes peuvent être touchés,notamment le cœuravec bloc auriculo-ventriculaire, les os, la moelle osseuse,la paroi des vaisseaux périphériques, ce qui se manifeste auniveau de la rétine et de la peau avec notamment un livedoréticulaire nécrosant ou des nécroses parcellaires distalesqui restent en fait relativement rares. Des formes modé-rées ont été décrites avec révélation à l’âge adulte. L’oxaloseacquise ou secondaire peut être liée à l’insuffisance rénale,à un régime riche en oxalate, à une intoxication à l’éthylèneglycol ou encore à un déficit en pyridoxine. Le diagnosticdes formes primitives est évoqué sur une insuffisance ré-nale chronique précoce associée à une lithiase égalementprécoce et repose sur le dosage du taux d’oxalate urinairequi est élevé avant l’installation de l’insuffisance rénale. La

biopsie cutanée faite sur les mailles montre un dépôt decristaux biréfringents d’oxalate de calcium dans le dermeet notamment dans les médias vasculaires, mis en évidencepar la coloration de Von Kossa. Il s’y associe souvent unethrombose intraluminale.

Syndrome de Sneddon et autres syndromes ischémiques

cutanéocérébraux

Prototype du syndrome ischémique cutanéocérébral, Lesyndrome de Sneddon, décrit en 1965, se caractérise parl’association d’accidents vasculaires cérébraux ischémiquesà un livedo inflammatoire fait de lésions suspendues àmailles souvent irrégulières, évoluant très rarement versla nécrose. Cette affection atteint en priorité les femmesentre 20 et 40 ans, souvent hypertendues et/ou tabagiques.Le livedo précède en général les accidents vasculaires céré-braux qui peuvent toucher tous les territoires vasculairesencéphaliques. L’atteinte artérielle intéresserait en fait l’en-semble de l’organisme, mais avec une nette prédominancecutanée et cérébrale. La biopsie cutanée effectuée au centredes mailles du livedo a une bonne valeur diagnostique àcondition de répéter les prélèvements (au moins 3 prélève-ments) puisqu’elle montre typiquement une inflammationdes artères de moyen et petit calibre, suivie d’une occlusioncellulo-fibrineuse, puis d’une prolifération de cellules mus-culaires lisses avec obstruction artérielle définitive. Ceslésions sont également visibles sur les artériographies céré-brales avec sténoses segmentaires multiples à l’origine d’ac-cidents récidivants de topographie variée. Ces anomaliesaboutissent parfois à des aspects d’angiomatose cérébro-méningée diffuse pouvant rappeler le syndrome de Divry-Van Bogaert dont les relations avec le syndrome de Sned-don sont encore discutées tant sur le plan étiologique quenosologique. L’étiopathogénie du syndrome de Sneddon esten effet encore relativement obscure puisque la responsabi-lité d’anticorps antiphospholipides ou d’anticorps anticel-lules endothéliales est souvent évoquée bien que leur rôlepathogène exact reste incertain (cause ou conséquence ?).Ainsi, le syndrome de Sneddon pourrait s’intégrer dans unsyndrome des antiphospholipides un peu particulier et cer-tains continuent à considérer le syndrome de Sneddon sansantiphospholipide comme une entité nosologique tempo-raire puisque tous les anticorps antiphospholipides n’ontpeut-être pas encore été identifiés. Toutefois, certains élé-ments cliniques et biologiques différencient les formes avecet sans anticorps antiphospholipides, avec notamment desmailles plus petites et un réseau plus fin, plus discret, etune fréquence plus élevée de la thrombopénie, des crisesd’épilepsie et de l’insuffisance mitrale dans les cas associésaux anticorps antiphospholipides tandis que les zones de li-vedo sont plus importantes dans les syndromes de Sneddon« purs » sans anticorps antiphospholipides.

Vasculites

Toutes les vasculites notamment leucocytoclasiques despetits vaisseaux, la maladie de Wegener, la maladie deChurg et Strauss, la maladie de Horton et la périartérite

Page 12: Manifestations dermatologiques des maladies d’organes || Ulcères vasculaires

84-12 Ulcères vasculaires

Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dereure O. Ulcères vasculaires. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie etMédecine, vol. 4 : Manifestations dermatologiques

des maladies d’organes. Springer-Verlag France, 2011 : 84.1-84.12.

noueuse «microscopique » ou « classique » cutanée pure ousystémique qui touche en priorité des artères de moyencalibre peuvent être responsables d’ulcérations cutanéespar atteinte (micro)vasculaire et la symptomatologie asso-cie le plus souvent divers types de lésions : livedo notam-ment infiltré, à mailles ouvertes, irrégulières, inflamma-toires ; nécroses parcellaires ou confluentes ; nodules sous-cutanés, etc. Ces signes cutanés peuvent être associés d’em-blée ou non à des anomalies viscérales évocatrices, tellesune atteinte rénale avec ou sans hypertension artérielle,une multinévrite, une atteinte digestive, mais peuvent éga-

lement rester très longtemps isolés, notamment dans lecadre débattu des périartérites noueuses cutanées pures.Les nécroses cutanées apparaissant dans ce cadre sont sou-vent de mécanisme mixte associant inflammation parié-tale et thromboses intraluminales qu’il y ait ou non des an-ticorps antiphospholipides associés. Certaines vasculitessont plus fréquemment en cause telle les vasculites asso-ciées au lupus érythémateux systémique, la dermatomyo-site ou la polyarthrite rhumatoïde. La biopsie permet leplus souvent un diagnostic de certitude, en général large-ment évoqué sur la situation clinique.

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