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MARTIN COMTOIS
MANIÈRES D’HABITER DANS LES ESPACES SOCIAUX DES MAISONS
UNIFAMILIALES DE LA BANLIEUE DE QUÉBEC
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures
de l’Université Laval
pour l’obtention du grade de maître ès arts (M. A.)
Programme d’Ethnologie des francophones en Amérique du Nord
FACULTÉ DES LETTRES
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
NOVEMBRE 2003
© Martin Comtois, 2003
i
Résumé
Les maisons de banlieue de type pavillonnaire ont transformé les pratiques
et coutumes des nombreux Québécois attirés par ce phénomène urbain et ce,
surtout après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Notre étude privilégie
l’approche ethnologique, d’abord par l’enquête de terrain puis par l’analyse de
discours des personnes interrogées. Jusqu’à aujourd’hui, les périphéries des
grands centres urbains nord-américains ont fait apparaître des pratiques
culturelles adaptées à cette nouvelle réalité. Ce mémoire vise à rendre compte des
résultats d’une recherche réalisée en banlieue de Québec sur des manières
d’habiter. Les pièces de rassemblement à vocation sociale retiennent
particulièrement notre attention, soit le salon, la salle de séjour et la cuisine-salle
à manger.
ii
Avant-propos
Pour l’ensemble du projet, un très grand merci à Mme Jocelyne Mathieu,
professeure en ethnologie, pour ses recommandations rigoureuses ainsi que sa
grande motivation portée envers mon projet de recherche. Elle a permis de mieux
synthétiser mes idées autour d’un sujet qui me passionne depuis fort longtemps :
la banlieue.
Pour la collecte de données, je dois remercier Mme Guylaine Barakatt,
professeure en sciences de la consommation de l’Université Laval, pour l’intérêt
porté envers une recherche plus qualitative sur la vie de banlieue ainsi qu’à
l’entente sur le partage du même terrain d’études, c’est-à-dire le quartier Maria-
Goretti à Charlesbourg.
La réalisation de cette maîtrise n’aurait pas été possible sans la
collaboration de nombreux spécialistes sur le sujet. Tout d’abord, je dois
remercier Mme Annick Germain de l’INRS-Urbanisation à l’Université du Québec
à Montréal pour ses quelques références utiles. Grâce à elle, j’ai pris
connaissance du Groupe de recherche sur la vie de banlieue à Québec à
l’Université Laval. J’en profite pour remercier ce groupe de recherche pour les
données récentes sur la banlieue de Québec, plus particulièrement Mme Andrée
Fortin, professeure de sociologie de l’Université Laval. Ainsi, son expertise et sa
grande disponibilité ont été des plus appréciées.
Je partage le fruit de ce travail avec les informateurs qui ont été gentils
d’accorder un moment précieux de leur vie pour l’avancement de la recherche
universitaire. Aux amis qui m’ont encouragé, à ma conjointe Marie-Ève qui m’a
nourri de son amour et de ses idées, à mes beaux-parents qui m’ont soutenu
fidèlement, à ma mère qui m’a encouragé avec confiance dans cette aventure, à
mon père qui pleure de fierté quelque part dans l’au-delà… Merci pour tout!
iii
Table des matières Résumé i
Avant-propos ii
Table des matières iii
Introduction générale 1
1. Situation du sujet……………………………………………………………. 3
1.1 L’émergence d’un nouveau type d’habitation: la banlieue …3
1.2 Le développement rapide de la banlieue en Amérique du Nord
et au Québec………………………………………………………………….. 5
2. L’étude sur la vie domestique en banlieue…………………………….. 6
3. Une méthodologie essentielle : la cueillette de données sur le
terrain………………………………………………………………………… 8
4. Le traitement des données et l’analyse…………………………………. 11
5. Le plan de rédaction………………………………………………………… 14
Chapitre I- La vie domestique en banlieue québécoise
1. L’état de la question………………………………………………………… 15
1.1 Autour des concepts relatifs à la vie domestique……………. 15
1.2 Autour de la vie domestique dans le domaine ethnologique. 22
1.3 Autour de l’intérieur domestique et de la femme……………. 24
2. L’intérieur domestique de banlieue : la problématique ……………. 25
2.1 Sur l’aménagement domestique dans le monde occidental . 25
2.2 Sur le phénomène des banlieues nord-américaines en contexte
domestique……………………………………………………………………. 27
2.3 Sur les banlieues québécoises……………………………………. 29
Chapitre II- Des témoignages: regard des informateurs
1. Présentation des informateurs……………………………………………. 32
2. Le parcours résidentiel…………………………………………….. ……… 34
iv
3. La résidence actuelle……………………………………………………….. 38
3.1 Les circonstances et les motivations relativement à l’achat. 38
3.2 L’achat de la maison : l’expérience de chacun……………….. 39
4. Le déménagement…………………………………………………… ……… 42
4.1 La pendaison de crémaillère……………………………………… 44
5. Le quartier à l’arrivée……………………………………………………….. 45
6. Les transformations dans la maison……………………………………..46
6.1 Les rénovations……………………………………………… ……… 47
6.1.1 Les rénovations chez Monique…………………………… 47
6.1.2 Les rénovations chez Pierre………………………………. 49
6.1.3 Les rénovations chez Louis et Brigitte………………….. 50
6.2 Les aménagements mobiliers…………………………………….. 55
6.2.1 Autour de la table de la cuisine…………………………. 55
6.2.2 Les fauteuils du salon…………………………………….. 56
6.2.3 La circulation des meubles ……………………………….58
6.2.4 La décoration………………………………………………… 59
6.3 Les choix et critères de l’aménagement domestique………… 60
6.4 Les changements familiaux depuis l’achat de la maison….. 63
7. Les espaces communs……………..………………………………………. 63
7.1 La cuisine…………………………………………………………….. 64
7.2 La salle à dîner………………………………………………………. 68
7.3 Le salon………………..……………………………………………… 70
7.4 Le boudoir…………………………………………………………….. 76
7.5 La salle de séjour……………………………………………………. 78
8. Des pratiques domestiques……………………………………….. ……… 82
8.1 Des pratiques individuelles……………………………………….. 83
8.2 Des pratiques familiales…………………………………… ……… 88
8.3 Des pratiques sociales……………………………………………… 92
8.3.1 L’influence de la parenté………………………………….. 96
9. La responsabilité des espaces collectifs……………………….……….. 97
Chapitre III- Des manières d’habiter les espaces à vocation sociale et collective
v
1. La personne dans son environnement………………………………….. 100
2. L’espace individuel : la maison est la représentation du Soi……… 101
3. L’espace familial : les modèles d’influence…………………………….. 103
4. L’espace social : accueillir les Autres chez soi………………………… 105
5. L’espace matériel : la représentation de l’objet……………………….. 109
5.1 La cuisine……………………………………………………………… 109
5.2 La salle à dîner………………………………………………………. 110
5.3 Le salon……………………………………………………………….. 111
5.4 Le sous-sol et la salle de séjour………………………………….. 111
5.5 Les autres pièces communes…………………………………….. 113
6. L’espace des genres : la participation des hommes et des femmes. 113
7. Les espaces sociaux dans les pièces collectives : la rencontre du Soi et
des Autres……………………………………………………………………… 114
8. Les caractéristiques de la vie domestique en banlieue……………… 116
9. L’ère du cocooning…………………………………………………………… 118
Conclusion- Ruptures ou continuités des pratiques domestiques?……………… 120
Bibliographie 123
Annexe A
Guide d’entretien……………………………………………………………………... 130
Annexe B
Données statistiques de la région métropolitaine de recensement de
Québec………………………………………………………………………………….. 133
Annexe C
Modes de saisies de la collecte de données…………………………………….. 136
Annexe D
Arborescence des codes appliqués dans le logiciel Nvivo……………………. 142
1
Introduction générale
Dans le cadre d’un projet sur les ritualités en ethnologie, j’ai réalisé une
enquête sur les rites d’aménagement et d’entretien des terrains de maisons de
banlieue. Ce travail visait la recherche de pratiques domestiques actuelles
relativement des terrains privés à Québec. Ce travail a confirmé la présence et la
richesse de plusieurs rituels et pratiques, qui sont de nature plus ou moins
traditionnelle1. D’après Erving Goffmann (1973), la vie domestique est composée
de multiples pratiques régissant la quotidienneté des ménages dans leur vie
privée. Ces activités quotidiennes sont les expressions premières de la vie
domestique. Selon ce même auteur, la vie quotidienne est une représentation
théâtrale fermée dans laquelle les individus réalisent des mises en scène en
interaction entre l’individu et le public2.
À partir de 1945, un nouveau concept d’aménagement du territoire venant
des États-Unis transforme le genre de vie des Québécois : la banlieue3. En
considérant l’étude dans un contexte québécois, plusieurs pratiques inspirées
d’anciens gestes quotidiens ou la création de nouvelles actions domestiques se
sont constituées dans les maisons de banlieue. Cet espace disponible aux
propriétaires vivant en banlieue n’est plus le fait d’une adaptation de l’homme à
la nature, mais il devient le contrôle par l’homme de son territoire à des fins
d’esthétisme et de loisirs (Rapport : 1972, 104-105). En opposition aux modèles
traditionnels, comment l’espace social de l’intérieur domestique moderne est-il
vécu dans les banlieues québécoises? En considérant les maisons de la banlieue
comme un lieu souvent considéré idéal pour constituer une famille québécoise
moderne, quelles sont leurs manières d’habiter? Constatant le courant
1 Nous devons rappeler que le terme « tradition » dans le contexte ethnologique souligne
« l’idée de conservation dans le temps, de message culturel et de mode particulier de transmission » (Lenclud : 1987). 2 Voir Erving Goffmann, La mise en scène de la vie quotidienne : 1. la présentation de soi,
traduit de l’anglais par Alain Accardo, Paris, Minuit, 1973. Le premier tome de cet ouvrage s’inscrit en microsociologie et il est une façon d’aborder une analyse originale entre la représentation théâtrale et les comportements des individus dans différentes situations domestiques. 3 Le mot « banlieue » tient son origine étymologique du mot français « banc » et qui signifiait
« la proclamation d’un suzerain s’appliquant à un territoire autour d’une ville » (Bastié et Wackermann : 2002, 775). Ayant un sens juridique, la banlieue a pris un sens d’expansion urbaine.
2
individualiste (Riesman : 1969, Kaufmann : 1988) des sociétés occidentales, entre
autres au Québec, existe-t-il des façons de sociabiliser dans ces maisons
unifamiliales? Quelles sont-elles? Qu’ont de particulier les pièces à vocation
collective dans la maison de ce type? Quel rôle ces pièces jouent-elles dans la
quotidienneté? Comment ces pièces sont-elles aménagées? Quelles sont les
pratiques courantes dans les pièces de rassemblement à vocation sociale?
Quelles sont les ruptures ou les continuités qui se dégagent de la vie des
informateurs? Cette recherche vise à connaître certaines pratiques culturelles en
ce qui concerne la vie domestique des résidants périurbains.
Nous abordons les manières d’habiter dans les pièces à vocation collective
des maisons unifamiliales québécoises. Le but de cette étude est de dégager les
différentes représentations des manières d’habiter dans les maisons
individuelles4 de la première couronne périurbaine, plus particulièrement dans
les pièces à vocation sociale ou collective, tels que le salon, la cuisine, la salle de
séjour et la salle à manger. La notion de perception de l’espace nous amène à
nous arrêter à quelques ouvrages et articles traitant de l’espace social, de
l’aménagement intérieur, des modes de vie et de l’évolution des pièces dans les
banlieues, desquels ouvrages nous avons tiré des outils méthodologiques, des
témoignages et des moyens d’analyse. Pour comprendre les manières d’habiter
dans les maisons unifamiliales des banlieues québécoises, nous avons recours à
des sources écrites et orales qui s’inspirent de l’ethnologie, de la psychologie, de
l’histoire de l’architecture, de la statistique et de la sociologie. Cette section
servira à comprendre quelques pratiques culturelles pouvant exister à l’intérieur
des espaces sociaux.
Ce mémoire est développé en trois chapitres. Le premier vise à identifier le
sujet de recherche, à établir un état de la question, en fournissant une revue de
la littérature ainsi qu’à préciser la méthodologie. Le deuxième chapitre identifie
4 La maison individuelle désigne une construction détachée comptant un seul ménage. De
plus, cette maison reconnaît la propriété exclusive d’un lot par ce même ménage. Nous excluons de cette étude les maisons habitées par des locataires, par d’autres ménages qu’eux ainsi que par d’autres unités d’habitations (duplex, semi-détachée, intergénérationnelle). Au cours du mémoire, nous utiliserons aussi le terme « ménage privé » afin de souligner la présence d’une entité familiale unique au sein d’une construction individuelle.
3
les faits saillants des entrevues réalisées et les regroupe selon les thèmes
retenus. Par la suite, le troisième chapitre consiste à analyser les données sur les
espaces sociaux afin de dégager leur sens et leurs langages. Ainsi, c’est dans
cette dernière partie du mémoire de maîtrise que nous allons interpréter les
grandes lignes des manières d’habiter ces espaces afin de déterminer les ruptures
et les continuités des pratiques culturelles domestiques par rapport à d’autres
pratiques dites traditionnelles au sein de la culture québécoise.
1. Situation du sujet
Au cours de son histoire, l’abri évolue selon de multiples facteurs : les
éléments climatiques et géographiques, les innovations techniques, les
transformations culturelles et sociales. En se référant aux contextes
socioculturels, les façons d’habiter reflètent le type d’occupation d’un territoire au
sein d’un groupe déterminé. Par l’exemple du Québec, l’aménagement de
l’intérieur prend tout son sens en période hivernale et ce, autour d’un foyer ou
d’un poêle à bois et plus tard, par le chauffage central. La maison est à la fois un
symbole de réconfort et elle procure de la chaleur. La maison peut être aussi un
pôle rassembleur et attractif, vers une plus forte concentration d’habitations et,
ainsi, à l’organisation de villages et de villes. Avant l’industrialisation, la maison
était souvent aménagée de façon plus sobre au sein de la majorité de la
population et les meubles prennent toute leur importance selon leur
fonctionnalité.
1.1 L’émergence d’un nouveau type d’habitation: la banlieue
Le commerce qui s’est développé depuis la période d’industrialisation a
provoqué une forte migration vers les villes d’Europe à la fin du XVIIe siècle puis
d’Amérique au début du XIXe siècle. Dès lors, les problèmes de logement et
d’hygiène publique apparaissent au sein de la classe laborieuse, ce qui éloigne la
classe plus aisée du centre-ville. Développée au XIXe siècle, une nouvelle classe
bourgeoise recherche une proximité plus grande avec la nature tout en
demeurant à proximité des centres urbains. Un nouveau type d’habitat individuel
4
émerge : la villa5 (Rybczynski : 1989, 177, Noppen : 1991, 17). Elle suit la
tendance au plus grand fractionnement des pièces ainsi qu’à l’appropriation
d’une valeur d’intimité et de l’ameublement (Rybczynski : 1989, 99-100, 118-
123). En Amérique du Nord, une nouvelle organisation urbaine se démarque par
une différenciation des valeurs et des lieux en rapport à l’insalubrité et à
l’instabilité sociale des villes. C’est alors que l’attrait pour la périphérie s’est
organisé au détriment du centre où sont logés les moins biens nantis
(Desrochers : 1990, 35-36). Au XIXe siècle, la notion d’intimité valorisée par la
classe bourgeoise n’a pas rejoint tout de suite la classe laborieuse car leur vie
urbaine prend tout son sens grâce à l’appropriation de la rue (Serfaty-Garzon :
1999, 18-19). À cette époque, la périphérie est l’expression symbolique d’une
frontière entre la classe bourgeoise et la classe ouvrière. Ce n’est plus le cas
aujourd’hui.
À partir de ce même siècle, de nouvelles inventions et améliorations
sanitaires font apparaître l’idée du confort dans les habitations urbaines:
l’apparition du gaz, puis de l’électricité, l’organisation d’un système d’aqueduc, la
récupération des déchets et l’apparition de nouveaux moyens de transport
(tramways, automobiles). L’ouvrier peut désormais s’éloigner de son lieu de
travail car il a davantage de moyens financiers. Aussi, l’hygiène devient une
priorité sociale, ce qui confirme l’émergence d’une nouvelle pièce destinée à
l’entretien du corps : la salle de bains à l’américaine (Rybczynski : 1989, 178-
179). Devant l’émergence d’un plus grand déplacement d’une masse importante
de la population, le centre urbain voit son cercle s’agrandir de quartiers
populaires plus espacés et de petites cités bourgeoises.
5 La villa est une habitation réduite d’une demeure aristocratique, soit trois étages et
quelques pièces à dimension plus limitée. Ce modèle a été très vogue au courant du XIXième siècle chez les familles aisées anglo-saxons. Cette appellation provient d’une planche proposée par l’architecte anglais C.J. Richardson dans son ouvrage The Englishman’s House (Rybczynski : 1989, 177).
5
1.2 Le développement rapide de la banlieue en Amérique du Nord et au
Québec
Plusieurs réformateurs tentent de régler la densité très forte des villes au
sein des cités nord-américaines, tels que les « cités-jardins »6 pensées par le
théoricien en urbanisme Ebenezer Howard au tournant du XXe siècle (Choay :
1995, 277-289). La période de la Première guerre mondiale a apporté un nouveau
style de maison destiné à récompenser les soldats de leur collaboration à cette
guerre : le bungalow7 (Palen : 1995, 52). De création américaine le bungalow est
devenu le symbole de la banlieue nord-américaine destiné à une classe moyenne
en constante ascension sociale et économique. Depuis la fin de la Dépression de
1929-1939, la banlieue aux États-Unis est devenue très longtemps l’expression
d’une société de classe moyenne et de couleur blanche (Muller : 1981, 20-23).8
Au Québec, quelques municipalités périphériques des grands centres
urbains destinés à une clientèle aisée sont apparues timidement entre les deux
guerres, telles que Sillery à Québec et Outremont à Montréal. Amorcé
officiellement par un programme destiné aux anciens combattants vers 1941 par
l’organisme fédéral Wartime Housing Limited9 (Lessard et Marquis : 1972, 438-
440, Hallendy et coll. : 1986, 3-5, Archambault et coll.: 1996), la banlieue a
accueilli graduellement un nombre croissant de familles québécoises. Lors du
deuxième mandat de Maurice Duplessis entre 1944 et 1959, quelques
municipalités plus modestes ont accueilli une classe moyenne de plus en plus
fortunée, telles que Sainte-Foy à Québec et Longueuil à Montréal. En
conséquence, le paysage traditionnel de type rural et agricole est transformé en
6 Les « cités-jardins » sont des propositions d’urbanisme voulant joindre parfaitement les
avantages de la proximité des services urbains à l’atmosphère champêtre et naturel d’une campagne idéalisée. Ce modèle a connu un succès plus constant dans certains pays d’Europe, entre autres en Grande-Bretagne (Choay : 1995, 277-278). 7 Le bungalow est une habitation individuelle occupant une seule surface habitable, c’est-à-
dire un étage. En terme plus courant, ce type d’habitation est appelé aussi un plein-plancher. 8 Au cours des dernières décennies, certains groupes ethniques minoritaires dans les pays
occidentaux vivent de plus en plus dans les couronnes de la banlieue de type nord-américaine. Nous pouvons penser à l’installation d’une communauté chinoise dans une banlieue importante de la Rive-Sud de Montréal : Brossard. 9 Cet organisme fédéral est devenu en 1946 la Société canadienne d’hypothèques et de
logement (SCHL).
6
un lieu de spéculation foncière favorisant une nouvelle production « en série »
d’habitation résidentielle abordable.
De nos jours, une grande partie des Québécois, entre autres, ont une
propriété privée en périphérie des grandes villes québécoises (Després : 1986,
41)10. Par l’élaboration d’un milieu composé de maisons plutôt homogènes, c’est-
à-dire que ces constructions sont souvent identiques l’une par rapport aux
autres, la banlieue a fait apparaître de nouvelles pratiques. Pourtant, le symbole
de la banlieue québécoise (maison, automobile, piscine) a été peu traité.
2. L’étude sur la vie domestique en banlieue
Ce type d’urbanisme propre au XXe siècle est une sorte de compromis
entre la ville et la campagne. D’abord bourgeoise, la banlieue vise à rendre
l’habitation plus intégrée à la nature tout en demeurant proche du cercle urbain
(Desrochers : 1990, 34-37). L’étalement urbain souligne aussi l’idée d’un rêve
américain pour une classe moyenne de mieux en mieux nantie: la propriété
privée, la proximité d’une très forte concentration de grands services de la ville
(institutions, bureaux, commerces) et l’organisation d’un espace plus intime. Le
facteur le plus important lié à l’apparition de la banlieue est l’automobile. Grâce à
l’automobile, les résidents de la banlieue ont le sentiment d’un plus grand
éloignement en rapport aux grands centres d’activités urbains tout en s’assurant
un accès rapide aux services progressivement implantés en périphérie au cours
des dernières décennies.
De nos jours, certaines banlieues sont considérées comme des « villes-
dortoirs »11, où ces résidents vont se reposer après les journées de travail (Harris
10 Nous devons nuancer ce propos car les données récentes de Statistiques Canada de 1996
stipulent un nombre croissant de ménages privés résident dans les propriétés locatives au sein des premières banlieues. Nous pourrions observer une tendance similaire à la suite du recensement pan-canadien de 2001, mais au moment de déposer ce mémoire de maîtrise, aucune analyse n’a été réalisée par Statistiques Canada à ce sujet.. Voir aussi La banlieue revisitée, 2002. 11 Les villes-dortoirs s’appliquent autant dans les banlieues européennes que nord-
américaines. Très souvent, certains quartiers sont composés de gens très actifs qui travaillent à
7
et Larkham : 1999, 15-16). Plusieurs observateurs sont très critiques face à ce
phénomène contemporain: la répétition des modèles d’habitation individuelle
(Kelly : 1994), la difficulté d’adaptation des bungalows américains au climat
rigoureux québécois et la désocialisation grandissante des individus envers la vie
collective (Lessard et Marquis : 1972). Par contre, la banlieue peut créer un
sentiment d’appartenance. Par exemple, en contexte européen, malgré un espace
restreint et commun, telles que les habitations à logement modique (HLM) de
Nanterre, en banlieue de Paris, chaque famille réussit à confirmer son identité
propre au sein de cette communauté côtoyant les résidents d’origine à ceux
récemment initiés à ce territoire par le biais de célébrations annuelles locales,
telle que la fête de la rosière (Ségalen : 1990). Cet exemple ne confirme pas
implicitement ce sentiment d’appartenance au sein des banlieues nord-
américaines car la morphologie des grands ensembles parisiens contient une très
grande densification d’occupants. Malgré tout, une vie de quartier s’est organisée
au sein de certaines banlieues des États-Unis, tel qu’illustré par Herbert Gans
pour le cas de Levittown (1967).
En règle générale, les recherches sur la banlieue nord-américaine se
retrouvent dans les domaines liés à l’aménagement du territoire ainsi qu’à
l’habitation : la géographie, l’architecture et l’urbanisme. Malgré les
connaissances multiples sur ce sujet, plus particulièrement aux États-Unis, ces
grandes disciplines ne s’intéressent que très peu aux individus habitant ces
lieux. Ces études s’intéressent davantage aux aspects sociaux, démographiques,
esthétiques et environnementaux, comme par exemple les conséquences
économiques et géographiques de l’étalement urbain ou bien le problème du
transport en commun. À l’Université Laval, un groupe de recherche s’est
intéressée à la vie de relations au sein des premiers quartiers périphériques de la
rive-nord de Québec, tel que le quartier Duberger. Ce centre de recherche est
dirigé par Mme Carole Després du département d’architecture et par Mme Andrée
Fortin du département de sociologie. Récemment, un ouvrage est paru sur les
résultats des recherches réalisées : La banlieue revisitée; elle ouvre la voie à une
l’extérieur de leur milieu domestique. Ainsi, ces quartiers n’arrivent pas à instaurer une dynamique sociale au cours des périodes de travail ou bien de bénévolat (Ségalen :1990).
8
approche qualitative de la vie banlieusarde au Québec et ce, en étudiant
l’individu dans la dynamique des réseaux sociaux12.
3. Une méthodologie essentielle : la cueillette de données sur le terrain
Pour réaliser cette recherche, nous avons privilégié une collecte de
données de type ethnographique, c’est-à-dire par entretiens avec quelques
informateurs. Le nombre dix se justifie par le cadre d’une étude de maîtrise, par
les circonstances et par l’établissement d’un groupe-témoin. Pour la réalisation
des entrevues, nous avons élaboré un guide d’entrevue semi-dirigé13, en faisant
ressortir les grands thèmes de la recherche. Ces thèmes ont servi à définir les
entretiens auprès des informateurs. En ce qui concerne le guide d’entrevue, il
contient les renseignements généraux qui sont utiles à la biographie du témoin et
ces informations sont indiquées au moyen de fiches-informateurs et trois grands
thèmes sont considérés: le contexte d’acquisition et d’évolution des maisons, les
pièces et le mobilier (voir annexe A). De ce fait, les personnes demeurant depuis
au moins dix années dans leurs maisons unifamiliales seront considérées. Les
deux personnes principales de chaque ménage ont été rencontrées lors de la
collecte de données car nous devons comprendre l’influence de l’homme et de la
femme sur les espaces sociaux.
La périphérie est un territoire très vaste à étudier et les situations
socioéconomiques sont très diverses que ce soit par la composition des familles,
l’âge ou le revenu familial. Les informateurs rencontrés vivent dans la périphérie
des quartiers centraux de la ville de Québec, c’est-à-dire dans la zone actuelle de
la Communauté urbaine de Québec (CUQ), devenue depuis janvier 2002, la
nouvelle grande ville de Québec. Afin de distinguer les modèles d’habitation et les
différentes situations socioéconomiques, nous avons choisi les informateurs dans
12 Ce phénomène a déjà été souligné dans un ouvrage d’Andrée Fortin : Histoires de familles et
de réseaux : La sociabilité au Québec d’hier à demain, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1987. 13 C’est une forme d’entretien non-directif contenant des questions et des sous-questions
relativement précises sur le sujet mais ces questions suggèrent une certaine lassitude sur la manière de répondre de l’informateur. En comparaison, un sondage est un entretien dirigé et une conversation libre est un entretien non-dirigé (Létourneau : 1989, 122).
9
trois quartiers différents car certaines pratiques culturelles différent selon le
modèle culturel d’ordre familial ou bien d’ordre identitaire (un quartier, une ville,
notamment). Dans cette perspective, il était plus approprié de se concentrer sur
un seul quartier d’une ville en périphérie de Québec afin de mieux comprendre
les modes de vie et les modèles culturels d’un milieu précis, soit l’intérieur des
maisons unifamiliales de banlieue.
Une nouvelle collaboration est née à partir de l’été 2001 avec Mme
Guylaine Barakatt, professeure au Département d’économie agroalimentaire et
des sciences de la consommation de l’Université Laval. Mon projet rejoignait ses
intérêts portant sur les motivations des individus autour de la transformation de
l’espace habité en banlieue de Québec, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles les
individus rénovent leurs propriétés. Par sa démarche qualitative ainsi que par
son intérêt pour l’étude de la banlieue de la région métropolitaine de Québec,
nous avons pu développer un partenariat en ce qui concerne la collecte de
données. À la suite d’une entente avec Mme Barakatt, j’ai pu joindre mon
questionnaire à celui proposé par elle pour la réalisation des entrevues. Ce projet
de recherche subventionné par la Société canadienne d’hypothèque et de
logement (SCHL) a permis de reconsidérer les paramètres de l’échantillonnage
initial. Par conséquent, ma directrice de maîtrise et moi avons conclu qu’une
étude exploratoire auprès de trois familles est justifiée afin de préciser les grands
traits autour des manières d’habiter et, ainsi, ajuster les résultats du mémoire de
maîtrise. Le grand avantage de ce petit échantillon d’informateurs, en rapport
aux dix entretiens prévus initialement, provient du fait que les données
recueillies sont étudiées de façon détaillée et ce, afin de mieux cerner les façons
de vivre et d’habiter les espaces domestiques à caractère social.
L’étude que j’ai menée visait à interroger les personnes à revenu moyen
(telles que déterminées par les dernières données complètes sur les terrains qui
font l’objet de l’étude, soit Statistiques Canada en 1996). L’utilisation de ces
données statistiques a servi à déterminer le profit d’occupant du quartier à
enquêter. Une première observation s’impose : nous constatons que le revenu
moyen des familles dans la grande région de Québec est de 52 570$ (Statistiques
10
Canada : 1996) et celui de la Communauté urbaine de Québec est de 42 786$
(Institut de la statistique du Québec : 1996).14 De plus, nous pouvons situer la
valeur moyenne des habitations ainsi que les grandes périodes de construction
domiciliaire. Ces données statistiques sont utiles seulement pour repérer les
quartiers potentiels. Les contraintes fixées pour la maîtrise sont les quartiers
rejoignant le plus fidèlement la moyenne du revenu moyen des familles et
n’excédant pas 60 000$, et la valeur des habitations situées en dessous de 100
000$. C’est la raison pour laquelle les autres quartiers de Sainte-Foy, Cap-Rouge,
Saint-Augustin ainsi que certains quartiers de Québec (ex : Montchatel,
Lebourgneuf) ont été éliminés. À l’annexe B ci-jointe, vous retrouvez les quartiers
considérés lors de l’exploration.
L’autre critère était la proximité des axes commerciaux à vocation locale, et
non régionale. Généralement, les développements résidentiels sont situés à
proximité de grands axes routiers pour encourager l’emplacement des nouveaux
résidents. Les boulevards et autoroutes deviennent des lieux de fort
développement résidentiel et commercial dans les environs de Québec. Ce qui
démarque certains quartiers plus fréquentés au sens commercial et
institutionnel, c’est leur concentration autour d’un secteur économique local.
Nous devons sélectionner les quartiers et villes plus isolés des zones et axes
routiers très fréquentés afin d’analyser la vie des gens dans un secteur
résidentiel. Nous avons donc préféré choisir des personnes plus éloignées des
axes commerciaux.
Au cours du repérage des quartiers potentiels pour le compte du projet sur
les rénovations résidentielles de Mme Guylaine Barakatt ainsi que de mon
mémoire de maîtrise, le premier quartier sélectionné pour la présélection des
propriétaires de maisons a été le quartier Maria-Goretti, situé à l’extrémité sud-
ouest du quartier historique Trait-Carré à Charlesbourg. Premièrement, ce
secteur correspond à un parc immobilier développé au cours des années 1960.
14 Dans les données statistiques, une analyse quantitative plus détaillée des revenus est
établie sur chaque quartier de la région de Québec, c’est-à-dire la région métropolitaine de recensement de Québec (RMR) de 1996. Dans chaque secteur de recensement, nous retrouvons les données démographiques et économiques. Par exemple, dans la ville de Charlesbourg, le revenu moyen des familles est de 45 547$.
11
Deuxièmement, ce quartier est suffisamment vaste et isolé pour être considéré
comme un secteur strictement résidentiel. Troisièmement, une nouvelle
génération d’occupants remplace une population de plus en vieillissante des
premiers propriétaires de ce quartier. Malgré une situation géographique
légèrement plus avantageuse qu’à Beauport, plus particulièrement à cause de
l’accès à certains grands axes routiers (autoroutes, boulevards), ce quartier de
Charlesbourg rejoint les critères tels que convenus.
La présélection des informateurs ressemble partiellement aux méthodes de
sollicitation des recenseurs au niveau fédéral. Dans le secteur visé, nous avons
repéré un sous-secteur plus pertinent aux deux projets de recherche car il
contient un parc immobilier de type bungalow issu des années 1960. Dès lors, à
partir d’un petit questionnaire sur l’identification des profils, car le projet de
recherche sur les rénovations résidentielles visait une clientèle plus ciblée, c’est-
à-dire des personnes ayant réaliser des rénovations importantes à leurs maisons,
nous avons effectué une sollicitation de type porte-à-porte afin de choisir les
personnes les plus intéressées aux deux projets de recherche. Au cours du mois
de février 2002, j’ai pu recruter les informateurs correspondant le plus aux
critères de mon mémoire de maîtrise. Nous expliquerons au prochain chapitre les
types d’informateurs sélectionnés pour le compte de la maîtrise sur les manières
d’habiter.
4. Le traitement et l’analyse des données
L’ensemble des données recueillies a été saisi à partir de témoignages des
enregistrements sonores, des notes de terrain, des photographies prises sur les
lieux ainsi que des archives privées des informateurs, tels que les plans originaux
de leurs maisons. En lien aux données observées au cours de la recherche, nous
nous sommes inspiré des variables déterminées par la grille d’analyse comme la
typologie de Mucchielli (1991, 104). Pour ce faire, nous avons retracé les
éléments constitutifs du milieu domestique à partir de types ayant des traits
similaires. Par exemple, l’étude d’une pièce à vocation sociale, soit le salon, peut
contenir des repères tels que la description de l’espace selon le répondant, le
12
mobilier, les rôles et fonctions, la sociabilité ainsi que les activités quotidiennes
de cette pièce. Cette typologie a été précisée lors d’une saisie sommaire des
thèmes et sous-thèmes pertinents au sujet de recherche, c’est-à-dire lors de la
compilation des données d’entrevues. Cette première méthode d’identification des
données consiste en un repérage systématique des termes recherchés au cours
du projet de mémoire.
Par la suite, plusieurs coutumes et pratiques domestiques (repas, fêtes,
loisirs) donnent l’occasion d’un regroupement thématique des données. Le codage
de ces faits culturels s’inspire des grands thèmes abordés dans le questionnaire.
Comme les données sont qualitatives et qu’elles méritent un traitement axé vers
les différents contextes entourant ce phénomène, nous utilisons une organisation
appropriée aux thèmes exploités dans ce mémoire. Par exemple, nous pouvons
identifier les données du point de vue du ou des rôles des pièces: travail
domestique et professionnel, repos, divertissement, relations familiales et
sociales, consommation.
Nous devons préciser que cette codification des données a été gérée à
partir d’un logiciel de traitement qualitatif des données, en l’occurrence le
système de gestion de données Nvivo et ce, dans le cadre du projet de Guylaine
Barakatt (voir annexe C). Il permet de transcrire les citations importantes aux
thèmes identifiés auparavant et, ainsi, de coder ces citations dans un
organigramme facilement consultable, c’est-à-dire un système de codification.
La méthode d’analyse utilisée est l’analyse de discours15. Cette approche
qualitative consiste à mieux identifier les pièces à vocation sociale ainsi que les
modèles culturels pouvant exister dans cet espace domestique. Pour favoriser la
compréhension de l’espace social, nous avons établi une analyse de chaque pièce
faisant l’objet de l’étude au moyen de croquis et d’une énumération des objets
15 L’analyse de discours est une méthode d’analyse qualitative qui « vise à articuler son
énonciation sur un certain lieu social » (Mangueneau : 1996, 11). Ce type d’analyse s’intéresse aux genres de discours à l’œuvre dans les secteurs de l’espace social, telle que la façon de décrire leur milieu domestique. Ainsi, « l’analyse de discours rapporte les énoncés à leurs contextes » (Mangueneau : 1996, 22).
13
présents dans ces pièces. Cette description de l’espace matériel s’appuie d’abord
sur le discours des informateurs rencontrés puis elle est complétée des
observations de l’enquêteur. L’analyse de discours permet de comprendre et
d’interpréter le langage et le sens des façons d’habiter les espaces sociaux dans
les maisons unifamiliales.
Pour mieux saisir le regard de l’objet par les individus, il existe deux
systèmes de représentation : le système fonctionnel (l’objet est utilitaire dans son
contexte) et le système non-fonctionnel (l’objet est plus décoratif) (Baudrillard :
1968). Le système tournant autour de l’objet contient des symboles expliquant le
mythe d’origine, soit son parcours entre générations d’humains (Baudrillard :
1968, 105-107). C’est à partir de cette synthèse que nous pouvons comprendre le
mobilier et les décorations et ce, selon les perceptions des individus. De plus,
nous tentons d’approfondir l’analyse pour déceler les objets exposés dans les
pièces sociales au moyen des documents photographiques et des témoignages
recueillis. Comme ethnologue, nous avons cherché à relever et à comprendre les
pratiques domestiques. La perspective culturaliste16 adoptée par certains
chercheurs nous a influencé de même que les recherches sur la personnalité de
base17.
Pour mieux saisir les différentes pratiques et ainsi, déceler certaines
récurrences, nous avons cherché à comprendre les dynamiques de performance18
des manières d’habiter des différentes familles rencontrées et ainsi déterminer les
constantes et les variantes de ces pratiques.
La volonté des gens à participer à un type de projet par enquête orale est
plus grande chez les personnes plus âgées car ces individus sont de nature plus
disponible. Aussi, pour certains d’entre eux vivant seuls, cette rencontre
16 Le culturalisme est une école d’origine américaine qui étudie la spécificité culturelle d’un
groupe social (voir Mucchielli : 1991, 51-52). Un article d’ethnologie française utilise cette perspective analytique (voir Bernard et Jambu : 1978). 17 Voir Ralph Linton (traduit de l’anglais par J-C. Filoux), Le fondement culturel de la
personnalité, Paris, Dunod, 1986. 18 Dans une collecte de données, la performance est l’actualisation de la compétence
traditionnelle fournit par l’informateur. Ainsi, ce concept sert à l’interprétation dynamique des formes expressives des pratiques culturelles (Du Berger, 1997 : 28).
14
représente un désennuie perceptible: « Ça fait passer la journée! ». J’ai
sélectionné au moins deux personnes âgées au profil similaire (veuf-veuve) mais
de sexe opposé. En ce qui concerne le jeune couple, le recrutement est plus
difficile compte tenu des obligations plus importantes au niveau professionnel et
familial.
À l’origine, j’avais sélectionné un couple relativement jeune, c’est-à-
dire dans la trentaine, avec des enfants en bas âge. Cette entrevue a été
annulée par leur manque de disponibilité ainsi que par leur arrivée trop
récente dans le quartier, c’est-à-dire depuis deux années seulement. Donc,
ce couple ne pouvait répondre aux principaux critères pour la sélection
des informateurs, c’est-à-dire il venait d’acquérir leur maison depuis deux
années seulement. Dès lors, j’ai proposé à un autre couple correspondant
aux critères, c’est-à-dire au moins dix années d’occupation, d’inclure mon
questionnaire de maîtrise à celui du projet de recherche auquel je
collaborais. Malgré l’exigence de ce troisième entretien, il s’est bien déroulé
car mon questionnaire s’harmonisait assez bien à celui sur les rénovations
résidentielles de Mme Barakatt.
5. Le plan de rédaction
Les données ont été recueillies grâce à une collecte type ethnographique,
c’est-à-dire au moyen d’entrevues de type qualitatif. La synthèse de l’enquête est
présentée dans le chapitre suivant. Tout d’abord, nous faisons état du choix des
informateurs ainsi que du déroulement de ces entretiens. Nous avons ensuite
expliqué les différentes codifications utilisées pour les données de l’enquête et ce,
à partir de l’utilisation du logiciel de traitement des données qualitatives Nvivo
(référence au projet conjoint avec Mme Guylaine Barakatt). Les données
recueillies sont présentées dans ce chapitre selon les quatre grandes orientations
du questionnaire afin de rendre compte de l’évolution des espaces sociaux, des
15
rôles et des usages de ces pièces ainsi que des pratiques domestiques s’y
référant.
Les données faisant l’objet du deuxième chapitre sont interprétées au
regard à la problématique voulant que les façons d’habiter les espaces
domestiques contiennent des codes et des valeurs. Afin de mieux comprendre les
manières d’habiter l’espace social de la maison, ce troisième chapitre est abordé
sous trois angles. Un premier est l’espace du point de vue familial car l’utilisation
de cet espace est le reflet d’une concentration des activités collectives des
ménages. La deuxième façon d’observer l’espace est son caractère symbolique de
communication entre les membres de la maison et le milieu extérieur. L’angle
matériel est la dernière façon de considérer l’espace car les biens mobiliers
portent ou expriment des langages significatifs. Dans la conclusion de l’étude,
nous ouvrons quelques pistes intéressantes pour la poursuite des recherches sur
le sujet.
Chapitre I
La vie domestique en banlieue québécoise
1. L’état de la question
1.1 Autour des concepts relatifs à la vie domestique
D’après nos lectures, une propriété privée de banlieue est composée d’une
maison aux proportions uniformes en rapport aux habitations voisines ainsi que
d’un terrain limité et restreint par un aménagement du territoire de type
périurbain, c’est-à-dire développé selon une forme de zonage favorisant la nature,
la propriété ainsi que l’accès vers les autres quartiers ou villes (Harris et
Larkham : 1999, 8-9). Pourtant, malgré cette constitution d’un espace–résidence
uniforme et réglementé autant intérieur qu’extérieur, chacune de ces propriétés
tente d’affirmer ses différences par un aménagement domestique que l’on veut,
que l’on pense personnaliser. En effet, chaque propriété privée cherche la
16
personnalisation de son nouvel environnement qui reproduit certaines habitudes,
ses valeurs et ses goûts. Si l’extérieur démontre une perception idéalisée de la
propriété, c’est à l’intérieur des habitations que l’affirmation du soi, c’est-à-dire
de la personne, est plus évidente. Ce concept autour de la maison est clairement
défini dans les ouvrages de type anthropologique. Plusieurs ouvrages traitent de
l’humain et de son contrôle sur le social exprimé par la maison (Palen : 1995,
Muller : 1981). Lors d’une entrevue accordée à Claude-Lévi Strauss, il considère
la maison comme « une personne morale composée de biens matériels et
immatériels » (Lamaison : 1987, 34). Les différentes sociétés ont conçu des
maisons pour combler un soudain besoin de sédentarité, d’enracinement et de
sécurité; ce symbole de la maison est devenu un concept uniforme et collectif
(Pezeu-Massabuau : 1983, 20-21). L’auteur Amos Rapoport partage cette même
idée, à la différence qu’il explique que le modèle d’uniformité des maisons prend
tout son sens auprès des différentes sociétés au stade « primitif »:
« Dans la mesure où n’importe quel membre du groupe bâtit sa propre maison, il comprend parfaitement ses besoins et ses exigences; chaque problème qui se pose le touche personnellement et c’est lui qui le traite. Bien sûr, la manière dont on fait, ou dont on ne fait pas les choses est prescrite. Certaines formes étant considérées comme admises elles résistent fortement aux changements puisque des sociétés comme celles-là sont très traditionalistes. Ceci explique le rapport étroit qui existe entre la forme et la culture dans laquelle elles sont enserrées, et aussi la persistance de certaines de ces formes durant de très longues périodes. Grâce à cette continuité le modèle est en somme ajusté jusqu’à ce qu’il satisfasse la plupart des exigences culturelles, des exigences physiques et des exigences d’entretien. Ce modèle est parfaitement uniforme; aussi, dans une société primitive, toutes les maisons sont-elles fondamentalement identiques. » (1972, 5)
Très souvent, le symbole de la maison fait référence à des éléments
naturels qui sous-tendent l’idée de chaleur, de stabilité : le nid, l’arbre, le foyer
(Chiva : 1987, Serfaty-Garzon : 1999, 49-51). Dans un contexte contemporain, la
maison est une source de protection face aux agressions sociales (Becker : 1977,
99 et 105), et le renvoyant au symbole de la mère nourricière (Kaufmann : 1988,
89, Serfaty-Garzon : 1999, 61).
17
Certains auteurs affirment que la maison suit une évolution très lente des
us et coutumes. Quelques ouvrages examinent la transformation de
l’appropriation de la maison dans une perspective évolutive, c’est-à-dire Simone
Roux (1976), partiellement Witold Rybczynski (1989) ainsi que Perla Serfaty-
Garzon (1999). Selon eux, les changements sociaux, spirituels et techniques des
modes de vie des communautés humaines confirment une évolution logique, tout
en précisant que les modèles culturels peuvent différer selon certaines pratiques
des individus dans un temps et un espace précis. Par exemple, le concept de
l’intimité s’est développé au cours du XIXe siècle par quelques intellectuels et
philanthropes qui tentent de résoudre le problème d’insalubrité et d’exiguïté des
logements en Europe (Roux : 1976, 237-240). L’idéologie de l’émancipation des
individus a été influencée par les philosophes du siècle des Lumières (XVIIIe
siècle) ainsi que par les nouvelles manières d’habiter des bourgeois de l’époque
(Roux : 1976, Rybczynski : 1989). Pourtant, un obstacle d’ordre spirituel explique
une évolution discrète des mœurs inspirées de l’époque médiévale, c’est-à-dire
que l’individu s’inscrit dans son rôle collectif ou bien que chaque être humain
identifie la rue comme leur milieu domestique (Serfaty-Garzon : 1999, 16). De
plus, les locataires dans les villes industrialisées affrontent le conservatisme des
propriétaires face aux problèmes d’espace et de salubrité (Roux : 1976, 240-242).
Le concept d’intimité (désir de solitude, d’isolement) rejoint une partie plus
grande de la population à partir de la fin du XIXe siècle et sa manifestation la
plus forte provient des États-Unis. Cette tendance s’est exprimée plus tard par
une propension populaire vers des espaces privés destinés davantage pour soi,
telle que la chambre. Cette idée de l’intimité au Québec est beaucoup plus
récente que nous le pensons, particulièrement chez les francophones (Langlois :
1999, 10-11, Marchand : 1988, 8). C’est au milieu du XXe siècle, confirmé par
l’avènement de la télévision, que les Québécois ont pris davantage connaissance
d’être bien chez-soi.
Cette connaissance historique permet aussi d’expliquer le rapprochement
des deux pôles de la hiérarchie sociale par le désir grandissant de vivre en
banlieue des grands centres urbains. Les interventions sur l’hygiène publique
favorisent l’accès à la propriété privée. Par conséquent, la villa bourgeoise devient
18
une image de réussite sociale pour la classe laborieuse. Aussi, la forte
démographie des villes entraîne le désir de demeurer en périphérie des villes. Au
Québec comme ailleurs, la forte natalité vers la fin de la première moitié du XXe
siècle ainsi que la forte densité démographique dans les quartiers urbains
influencent les gouvernements à encourager l’installation en banlieue, telle que
l’instauration de taux d’hypothèque plus accessible aux familles ayant des
revenus plus modestes.19
D’autres ouvrages traitent du phénomène du territoire privé de la maison
sous un angle psychosociologique. Au cours des trois dernières décennies,
plusieurs auteurs, dont Jean-Claude Kaufmann (1988), Jacques Pezeu-
Massabuau (1983) et Perla Serfaty-Garzon (1999) sont les plus pertinents,
privilégient une nouvelle approche multidisciplinaire pour justifier les manières
d’habiter la maison : la psychologie de l’environnement. C’est dans ces ouvrages
que nous trouvons les théories sur la perception de l’intérieur domestique. Tout
en s’inspirant de la psychanalyse freudienne, madame Copper Marcus avance
que la maison représente, par la disposition et la décoration de son
environnement, le Sur-moi ou bien la version idéalisée de l’occupant principal de
l’espace habité (Cooper : 1974, Després : 1986, 6, Gironnay : 1998). En quelque
sorte, le lieu habité est l’expression symbolique d’une prise de contrôle d’une
certaine destinée et où chaque occupant conçoit sa propre vision morale et
éthique du cosmos (Kaufmann : 1988, 31). Nous devons souligner l’unanimité
des ouvrages qui considèrent la maison comme un espace régi par la famille
(Kaufmann : 1988, Pezeu-Massabuau : 1983, Serfaty-Garzon : 1999). Son rôle
prédominant à l’existence de la maison permet l’émancipation des personnes et
ce, dans un espace réservé pour favoriser l’intimité et l’interaction des sujets. En
quelque sorte, la maison est la représentation matérielle et l’affirmation
identitaire d’un symbole rassembleur, la famille.
19 Cette initiative provient la Société canadienne d’hypothèques et de logement qui octroie des
taux hypothécaires concurrentiels ainsi que des nombreux programmes de financement pour la construction résidentielle. Par ce fait même, les municipalités encourageaient l’accès rapide à la propriété privée par des coûts fonciers très peu élevés. Si la SCHL finançait en partie à partir de 1946, c’est en 1954 que cet organisme fédéral devient l’unique prêteur envers les futurs propriétaires (Hallenday et coll. : 1986).
19
L’espace intérieur de la maison est souvent en opposition avec l’extérieur :
privé/ public, dedans/ dehors, intimité/ sociabilité, individu/ groupe. Pour
illustrer cette division entre l’intérieur et l’extérieur d’une habitation de type
résidentiel, les murs des habitations protègent la famille contre les agressions
venant de l’extérieur, tels que les changements climatiques. En se référant à
l’accès principal de la maison, le seuil ou l’entrée, ce symbole peut être
subordonné aux activités menaçant l’intimité, telle que la porte qui sert de
protection contre l’accès impromptu des étrangers (Ekambi-Schmidt : 1972, 116-
117) ou bien la sensation d’ouverture vers le monde social, c’est-à-dire l’accès
vers la vie animée d’un quartier lors d’une journée chaude et ensoleillée (Serfaty-
Garzon : 1999, 87, Van Gennep : 1909, chap. II). L’espace privé est devenu un
besoin pour les membres de la famille car l’idéologie dominante depuis le XXe
siècle s’est axée progressivement vers l’individualisme et l’anonymat ou bien
l’impression d’impersonnalité avec la société (Kaufmann : 1988, 20). La chambre,
lieu de repos et de secret, cache la nudité du Soi, ce qui confirme la domination
de l’intimité en lien au besoin fondamental de chaque être humain de s’abriter,
de se protéger.
Néanmoins, l’éloge de l’individu peut porter à confusion, d'autant plus que
l’humain est généralement perçu comme un « animal social ». Si cet isolement est
facilité par l’aménagement des banlieues nord-américaines, l’humain moderne
cherche tout de même des relations sociales, que ce soit par l’appartenance à un
groupe ou par les moyens technologiques utilisés pour la communication
(téléphone, télévision, micro-ordinateur) (Kaufmann : 1988, 22). Ces
transformations culturelles confirment la nouvelle dynamique de la sociabilité qui
existe dans les maisons. L’espace privé est accessible par l’extérieur et cet
extérieur permet à l’individu de s’identifier à son milieu social. Par surcroît, la
banlieue reflète le rôle social de l’individu propriétaire par le niveau de confort, de
stabilité, d’intimité et de discipline, inspiré par l’approche anglo-saxonne de la
propriété privée : un territoire limité mais dégagé à l’environnement (Rybczynski :
1989, 120).
20
Les fonctions de sociabilité20 correspondent souvent aux rôles des pièces.
Chaque famille ou groupe social sépare les pièces dites sociales des pièces
privées. Les pièces contenues dans une habitation sont souvent définies à partir
des modèles culturels. Souvent, ces pièces à vocation sociale (salon, cuisine, salle
de séjour, salle à manger) sont le reflet d’une codification particulière qui justifie
le niveau de sociabilité tenu et visé avec les personnes non-résidentes (Ekambi-
Schmidt : 1972, 53). Ces pièces peuvent expliquer l’importance de l’accueil ou de
l’hospitalité perçue par les hôtes (Serfaty-Garzon : 1999, 86-87). En lien avec
l’idée de l’hospitalité, le modèle américain de banlieue préconise une vie privée
plus transparente, plus accessible à l’entourage (Body-Gendrot et Orfali : 1987,
550). En règle générale, ces relations s’inscrivent dans un rite séculier où
l’affirmation du soi est subordonnée au contrôle matériel et immatériel (Serfaty-
Garzon : 1999, 67). Comme Claude Rivière le souligne à propos des pratiques
individuelles et sociales (1995 : 119-120), les rites profanes ne sont pas
formellement structurés dans un système officiel de croyances mais dans un
ensemble de valeurs et de comportements auxquels les personnes adhèrent
naturellement. De plus, ce même auteur précise que les ritualités de loisirs
comprennent des microrituels, c’est-à-dire un ensemble d’activités répétitives,
compulsives et déterminées par un groupe restreint auquel le membre s’intègre à
l’intérieur d’un système de rites profanes (Rivière : 1995, 238).
Au-delà des relations entre les humains, la culture matérielle reflète aussi
la perception du monde des résidents d’une habitation individuelle. L’être
humain moderne est avant tout défini comme un consommateur. Au fur et à
mesure que le confort et le bien-être gagnent du terrain au sein des sociétés
occidentales, le courant hygiéniste européen valorise de plus en plus la vie
intérieure au point tel que la femme est confinée à un nouveau rôle domestique;
elle devient la maîtresse de cet espace maintenant approprié (Rybczynski : 1989,
186, Roy : 1989). Face au culte domestique de l’intérieur entamé à la fin du XIXe
siècle (Roy : 1989, Marchand : 1988, 12), des spécialistes de l’aménagement du
20 La sociabilité définit toutes formes de relations entretenues entre êtres humains ou bien
selon Andrée Fortin (1987, 7) des relations entre différents groupes familiaux (parenté, voisins, amis) créant ainsi des formes différentes d’échange et d’entraide.
21
mobilier essaient d’imposer leurs visions dans une nouvelle discipline : le design
d’intérieur. Le mobilier et la façon de l’aménager valorisent l’idée du progrès
technique et social.
Au début du XXe siècle, l’austérité du décor, la normalisation et
l’industrialisation du mobilier influencent l’intérieur domestique par le biais de
l’école du Bauhaus en Allemagne (les années 1920) et du magazine français
l’Esprit Nouveau (à partir de l’Exposition universelle des arts décoratifs à Paris en
1925) (Rybczynski : 1988, chap. 8). De nos jours, le goût de l’aménagement
dégage à la fois une personnalisation structurée des modèles culturels et un
souci de correspondre aux tendances élitistes et populaires. Malgré cette pluralité
des influences culturelles sur l’aménagement, les objets disposés et mis en valeur
dans les maisons reflètent l’imaginaire des personnes ainsi que la tradition
familiale, ce qui confère un chez-soi agréable (Kaufmann : 1988, 103). Ce langage
du soi s’explique de façon complexe, tel que cité par Perla Serfaty-Garzon à
propos des activités domestiques:
« Ces rituels et ces pratiques qui sont à la fois signifiants de l’être, producteur de l’individu, et indicateurs d’une créativité, s’exercent alors et là même où les contraintes des modèles culturels, des ressources matérielles des individus, du marché et des médias semblent en aliéner le déploiement, en interdire la force d’expression et la transformation en langage ou en œuvre propre » (1999, 69)
Aussi, le mobilier peut refléter l’appartenance à un groupe culturel et une
époque précise (Bernard et Jambu : 1978). Entre autres, le fauteuil se retrouve
dans le salon car il sert à la détente et au confort. Pour ce qui est de l’idée de la
tradition autour de certains objets constituant l’ameublement domestique d’une
habitation, ces mobiliers sont souvent attachés à une nostalgie familiale ou bien
à une représentation esthétique. Ces objets issus soit de la transmission ou bien
de l’imitation s’imbriquent le plus harmonieusement possible aux biens
modernes, telle que la télévision. L’entretien du lien avec le passé s’explique par
la relation historique vécue par les membres de la famille aux objets régissant
leur univers intérieur (Ségalen et Le Wita : 1993).
22
1.2 Autour de la vie domestique dans le domaine ethnologique
Dans le domaine ethnologique, l’outil élaboré par Jean Du Berger pour
appréhender les pratiques culturelles dans un contexte contemporain inclut les
fonctions urbaines. Tel qu’illustré par l’organigramme à la page suivante, l’acteur
social, c’est-à-dire l’ego, est influencé par onze fonctions urbaines qui composent
son environnement culturel. En lien avec l’étude de la vie domestique, nous
observons que le parcours culturel s’inscrit dans la famille constituée par l’acteur
social (Maison 2) mais aussi influencé par sa famille d’origine (Maison 1). En ce
qui concerne les fonctions urbaines applicables aux pratiques domestiques, trois
d’entre elles renvoient aux manières d’habiter les espaces sociaux. Tout d’abord,
la fonction de la consommation est liée aux gestes d’acquisition d’un objet de
production. Dans un tout domestique, la consommation concerne les gestes
essentiels au mode de vie domestique, telle que l’alimentation. Comme deuxième
fonction urbaine, la circulation exprime l’idée d’un lieu d’échanges de biens et de
passages de personnes, ce qui rejoint les pratiques de sociabilité se retrouvant
dans les espaces sociaux. En ce qui concerne la fonction de la communication,
les objets mobiliers électroniques s’inscrivent dans une utilisation intermédiaire
entre le monde extérieur et le confort de l’intérieur domestique.
23
Figure 1- Voir Du Berger, Jean (1994), « Pratiques culturelles et fonctions urbaines », Canadian Folklore Canadien, Vol. 16, 1.
Sous un angle québécois, la banlieue contient vraisemblablement des
traits culturels spécifiques. D’après Després (1986), les modèles culturels par
excellence appliqués au sein de nos banlieues sont des modèles traditionnels
québécois. Juxtaposés au concept périurbain d’origine américaine, nous
connaissons les métissages culturels apparus au Québec. Fait culturel
particulier, les maisons individuelles québécoises ont apprivoisé l’élément
souterrain, c’est-à-dire que chaque bungalow à l’américaine a fait apparaître un
sous-sol habitable (Lessard et Marquis : 1972, 473). Il est possible que
l’utilisation traditionnelle du souterrain pour la conservation et l’entreposage des
aliments se soit perpétuée vers la société de consommation contemporaine.
24
Malgré les efforts sur l’approche psychologique de la maison, dont la
parution récente de l’ouvrage de Perla Serfaty-Garzon nous fournit une synthèse
théorique intéressante, nous n’avons qu’un nombre limité d’ouvrages ayant une
perspective ethnologique sur le sujet de la vie domestique en banlieue nord-
américaine, plus particulièrement en contexte contemporain et québécois.
L’ouvrage sur la sociologie du quotidien de Jean-Claude Kaufmann réussit à
s’attarder autour de notre problématique, c’est-à-dire par l’analyse du repli
domestique dans la vie quotidienne contemporaine (1988). D’autres études
considèrent l’importance de la distinction sociale et personnelle d’un quartier en
périphérie de Paris par le biais d’une appropriation domestique et matérielle (voir
Ségalen : 1990, Ségalen et Le Wita : 1993). Aussi, certains ouvrages américains et
européens mettent en relation le rôle de l’environnement sur les comportements
des humains autour de l’appropriation de l’espace habité. Appelées « la
psychologie de l’environnement » par les Français ou bien « Environnment and
Behavior » par les Américains, ces deux écoles de pensée affirment un souci
qualitatif sur les moyens d’approprier un environnement bâti. Par contre, les
outils d’analyse diffèrent car les Français privilégient une intervention inspirée
des sciences sociales (sociologie, psychologie). De l’autre côté, les Américains
recherchent une interprétation plus appliquée aux cas réels, c’est-à-dire une
intervention plus professionnelle. Par exemple, un chercheur propose une
interaction plus directe entre l’architecte et les clients afin de mieux refléter la
perception de ces individus sur la façon d’habiter leur espace anticipé (Becker :
1977, 82-85).
1.3 Autour de l’intérieur domestique et de la femme
Le milieu domestique révèle aussi des langages sur le rôle de l’homme et
de la femme. Une chercheuse a étudié le phénomène de l’habitat en lien avec la
perception de la femme en France et ce, dans une perspective historique :
L’habitat au féminin par Ursula Paravicini (1990). L’ouvrage s’intéresse aux
transformations de l’intérieur domestique entre le XIXième et le milieu du XXème
siècle. Selon l’auteure, dès le XIXième siècle, la responsabilité de l’entretien
domestique est conférée aux femmes, telle que la cuisine. Les hommes
25
représentent davantage le caractère autoritaire des pièces et ils l’affirment dans
les pièces à vocation sociale, tel que le salon. Par contre, le rôle domestique de la
femme a subi une transformation au cours des dernières décennies. Dans le cas
du Québec, la situation nouvelle des femmes remet en question certaines
pratiques domestiques (ménagère, femme au foyer, reine de la maison). Le rôle
domestique de la femme n’est plus exclusif car elle est souvent appelée à
l’extérieur de sa résidence. Par exemple, les nombreuses innovations des
appareils électroménagers font apparaître des nouvelles pratiques de travail et de
loisirs (magasinage, sorties, lecture)21. De plus, depuis les années 1970, les
femmes québécoises sont devenues majoritairement des travailleuses à l’extérieur
du foyer, ce qui provoque une réorganisation de la vie familiale (Dandurand et
Descarries : 1992, 11, Brais et Chicoine : 1998, 19-20).
2. L’intérieur domestique de banlieue : la problématique
Les écrits sont riches et variés car les études sur le phénomène
domestique ont été exploitées dans les pays occidentaux. Il existe deux types de
sources écrites qui s’intéressent à ce phénomène: 1) les études sur
l’aménagement domestique en Europe et 2) les études sur le phénomène des
banlieues nord-américaines en contexte domestique.
2.1 Sur l’aménagement domestique dans le monde occidental
Dans le premier type des sources écrites, nous pouvons extraire des
éléments sur le rôle des pièces sociales. L’ouvrage La perception de l’habitat
d’Ekambi-Schmidt est une recherche étymologique sur la perception des
21 Cette affirmation ne signifie pas que les Québécois réservent moins de périodes aux tâches
ménagères. En effet, l’auteure Suzanne Marchand (1988) souligne que l’apparition des appareils électroménagers dans certains ménages québécois entre les années 1910 et 1940 a permis l’économie de temps et d’effort physique, mais la plus grande diversité et complexité des équipements domestiques ainsi que le courant hygiéniste de cette époque a transformé les activités de la ménagère vers une organisation domestique comparable au travail. Par exemple, la cuisinière électrique a éliminé l’instabilité de la cuisson ainsi que l’approvisionnement en combustion mais certains accessoires de cuisine liés à un usage spécifique (mélangeur électrique, presse-patates, hachoir,…) ont élevé la préparation des repas en une forme d’art culinaire. Ainsi, le temps économisé lors de la cuisson a été récupéré vers la préparation des aliments.
26
occupants de la privatisation de leurs habitations. Les résultats ont été traités à
partir de la fréquence des objets ou bien des qualificatifs mentionnés au moyen
de la méthode des constellations d’attributs, c’est-à-dire au moyen de graphiques
circulaires reliés autour d’un thème précis (Ekambi-Schmidt : 1972, 21-22). Bien
que cette enquête européenne date de quelques années, elle permet de repérer
certains objets symbolisant la pièce, tel que le fauteuil pour le salon. Cette étude
facilite la compréhension de la dynamique des pièces par le biais de la perception
des gens sur les composantes de l’habitat ainsi que du degré de socialisation des
pratiques individuelles, mais comme le but de notre recherche est de tenter de
comprendre les manières d’habiter des différents individus au sein des ménages
québécois, cette source française est sommairement utile car elle vise davantage
l’identification des qualificatifs autour de l’habitat, par exemple la cuisine qui est
perçue chez certaines personnes comme petite, blanche, colorée ou bien pratique.
Il en va de même pour les données statistiques utilisées par l’auteure ont servi à
construire une méthodologie correspondant à l’étude de la vie domestique.
Les pratiques culturelles expriment parfois une appropriation
individualisée de l’espace. C’est dans cette perspective que nous pouvons
mentionner l’importance des modèles culturels ou, selon les culturalistes
américains, les « patterns ». Un article de la revue L’Ethnologie française illustre
bien une étude exploratoire des aménagements intérieurs de quatre couples
socioéconomiquement différents (voir Bernard et Jambu : 1978). Cette étude
démontre la complexité de l’interprétation des pièces car la disposition, le choix
du mobilier et de la décoration ainsi que le rôle désigné par les occupants
reflètent à la fois les influences culturelles et la situation socioéconomique. Autre
fait à noter, l’acquisition des meubles peut différer selon les origines des
occupants. Dans une monographie ethnologique sur une banlieue de Paris, les
gens issus de la classe plus aisée ont hérité de meubles usagés pour s’installer
dans leur nouvelle résidence, ce qui est différent au sein des gens issus de
milieux plus défavorisés (Ségalen : 1990, 99-101). Il va sans dire que la
problématique de recherche ne vise pas la comparaison des classes sociales mais
l’étude d’expériences ciblées chez des personnes vivant dans un contexte
socioéconomique similaire.
27
Chez-soi : objets et décors : des créations familiales? est un ouvrage collectif
qui fournit plusieurs pistes de compréhension intéressantes sur la mise en œuvre
d’une collecte de données ethnologiques sur le sujet (Ségalen et Le Wita : 1993).
Les objets existants dans les pièces prennent tout leur sens dans leur contexte
d’aménagement et ce, malgré la prédominance des objets de fabrication
industrielle (Ségalen et Le Wita : 1993, 48-50). Très souvent, le rôle et
l’aménagement d’une pièce tiennent du mythe fondateur de chaque individu : la
maison natale (Bonnin : 1993, 140). Par ailleurs, les contraintes physiques
(prises électriques, murs, fenêtres, portes) sont aussi un facteur qui peut
influencer l’aménagement des pièces (Chevalier : 1993, 90). Un fait intéressant :
certains objets d’origine utilitaire et collective deviennent au fil du temps des
objets de divertissement individuel, tel que le téléphone (Ségalen et Le Wita :
1993, 22). Cet ouvrage tiré d’une série de la revue Autrement permet de fournir
un regard neuf et contemporain sur le phénomène culturel de l’intérieur
domestique, c’est-à-dire la prise en considération de l’individu et son
environnement quotidien et non les tendances savantes et populaires entourant
la vie d’un individu dans son univers domestique.
De plus, un numéro spécial de la revue Terrain nous parle des pratiques
de consommation familiale en France (sous la direction de Morin : 1989). Cette
revue analyse les faits ethnologiques en regard des objets utilisés dans le
quotidien. Quelques articles expliquent l’apparition de nouveaux objets dans les
foyers comme une transmission modernisée de plusieurs pratiques anciennes,
telle que l’installation de congélateur dans les familles d’origine rurale habituées
à des manières de conservation d’aliments plus artisanales (la mise en conserve)
(Guillou et Guilbert : 1989, 7-14).
2.2 Sur le phénomène des banlieues nord-américaines en contexte
domestique
En ce qui concerne les écrits sur la banlieue nord-américaine, deux d’entre
eux sont utiles car ils exploitent des méthodes de recherche sur le terrain. Le
28
premier ouvrage étudie le rôle des œuvres d’art dans les pièces domestiques et ce,
en comparant cinq quartiers de la région de New York aux contextes
socioéconomiques opposés (Halle : 1993). Nous observons que les gens des
quartiers plus aisés ont une propension vers l’art abstrait et que les quartiers
plus modestes sont portés vers une culture populaire du langage esthétique,
c’est-à-dire l’art figuratif (paysages, iconographies religieuses). Cet ouvrage
discute sommairement de la transformation historique de certaines pièces au
cours des années, dont les maisons de banlieue. Malgré une considération pour
cet ouvrage ethnographique, nous devons préciser que cet ouvrage interprète
davantage l’étude des images des œuvres d’art plutôt que les nombreuses
influences des meubles dans plusieurs types d’aménagements domestiques.
Le prochain ouvrage sociologique porte sur une banlieue type des États-
Unis, Levittown (Long Island) (Kelly : 1993). Construite entre 1947 et 1958, cette
grande banlieue destinée aux anciens combattants de la Deuxième guerre
mondiale a été longuement étudiée. Ce qui démarque cet ouvrage par rapport aux
autres, c’est le souci d’analyser l’évolution de la communauté autant à l’intérieur
qu’à l’extérieur des maisons. Ce qui rend intéressant l’utilisation de cette source
est la transformation plus exhaustive des pièces d’origine selon les besoins des
occupants. Au début, les gens n’aiment pas l’espace restreint du living room, jugé
de moins en moins adapté aux nouveaux besoins de consommation des familles,
tels que les loisirs (télévision). De plus, cet ouvrage montre, par les plans des
deux grands modèles de construction en vigueur à Levittown la distinction entre
la sphère privée et publique, l’isolement du salon en rapport à la rue, la rupture
entre la fonction alimentaire et hygiénique dans la cuisine et l’ouverture des
pièces à vocation sociale. Cette étude situe l’évolution constante de
l’aménagement intérieur entre l’acquisition d’une habitation pensée par des
architectes et l’adaptation par les motivations des individus qui l’habitent.
La banlieue peut se diviser en trois grandes couronnes22. Les trois
couronnes représentent un cercle de développement résidentiel autour du noyau
22 Ce terme est couramment utilisé en géographie. Pour mieux comprendre ce phénomène
dans la région de Québec, voir François Hulbert, Essai de géopolitique urbaine et régionale : la comédie urbaine de Québec, Montréal, Méridiens, 1989.
29
central, c’est-à-dire les secteurs situés à l’extérieur des quartiers centraux des
grands centres urbains (voir fig. #2). Plus la couronne est éloignée du centre, plus
la période de développement est récente. Pour notre recherche, nous avons
considéré la première couronne; ce sont des quartiers qui ont subi récemment un
profond changement de clientèle entre la première génération d’occupants et
d’autres plus jeunes. De plus, ces quartiers de la première couronne représentent
le parc immobilier de maisons unifamiliales le plus ancien et le plus proche du
centre-ville. Donc, les villes ou quartiers de la première couronne sont situés à
proximité de grands axes routiers à utilisation interrégionale, c’est-à-dire près
des grands services institutionnels puis commerciaux.
Figure 2- Voir Fortin, Andrée, Carole Després et Geneviève Vachon (sous la direction de), La banlieue revisitée, Québec, Éditions Nota bene, 2002, p. 28.
2.3 Sur les banlieues québécoises
Les documents écrits sur le phénomène de la banlieue québécoise sont
relativement absents du côté des monographies au moment d’entamer la
recherche. Cependant, quelques articles traitent plus particulièrement de ce
30
nouveau mode d’appropriation du territoire habité. Un numéro de la revue
Continuité trace le parcours historique et architectural des ancêtres de la
banlieue contemporaine au Québec : les maisons de guerre ou de type Wartime.
Outre une contextualisation précise de l’émergence des maisons plus
économiques sur le plan financier, un des articles de ce numéro explique les
nombreuses transformations de l’espace habité. Cet article décrit la distinction
entre les transformations symboliques (le besoin de symétrie et le déplacement de
la porte principale au centre de la façade avant) et pratiques (le besoin d’espace et
l’ajout d’une nouvelle pièce) ainsi que les différents modèles ou tendances
exprimant les périodes de transformation. Par exemple, certaines maisons de
guerre ont été allongées d’un porche similaire aux bungalows des années 1950 et
1960 au Québec car ces constructions sont situées à proximité de leurs
propriétés (Archambault et coll. : 1996, 28-29).
Un article d’un numéro récent de la collection Monde d’Autrement traite du
phénomène de la banlieue québécoise. L’auteur de cet article souligne que les
habitants de la banlieue recherchent avant tout l’idée d’un bonheur :
« Non seulement son amélioration constante fait partie intégrante du projet banlieusard, mais elle se confond avec l’idée même du bonheur familial, qui doit être entretenu et maintenu dans une quête perpétuelle de sa propre perfection » (Batigne : 2001, 54).
Si l’article traite davantage d’une morphologie historique de la banlieue au
Québec, l’auteur dévoile une description plus détaillée de la propriété
individuelle. La séparation entre l’espace privé et l’espace public est difficilement
identifiable dans la partie avant de la propriété mais la partie arrière cloisonne les
activités familiales ou privées (p. 54). Déjà, les maisons bourgeoises étaient
organisées de cette façon. Par exemple, la façade avant des maisons est très
souvent ouverte à la rue et la cour arrière est aménagée de façon plus fermée,
c’est-à-dire qu’elle est plus agrémentée d’arbres et d’installations extérieures
(piscines, barbecue, remise).
31
Les sources orales sur la banlieue québécoise ne bénéficient pas d’études
tirées des témoignages d’enquête sur le phénomène des intérieurs domestiques.
Ce qui n’empêche pas de souligner un document fort utile sur la compréhension
domestique québécoise. Ce sont deux extraits audiovisuels réalisés par le réseau
public Radio-Québec (La maison et Le Québec moderne) sur les mœurs et
coutumes québécoises entre la fin des années 1930 et le milieu des années 1970
(Hauterive: 1978). Les images ont été tirées d’archives audiovisuelles (Super 8) de
particuliers. Le montage des clichés pris par ces familles est organisé comme un
récit. Les séquences intègrent les interventions d’un narrateur qui relate les
grands faits historiques de cette période ainsi que les témoignages oraux
anonymes des auteurs de cette époque. Outre quelques témoignages, nous
observons une multitude d’images relatant l’émergence des banlieues au Québec
dans les années 1950 et 1960 (parade sur une rue résidentielle, uniformisation,
courses automobiles sur un stationnement de Steinberg). De plus, plusieurs
séquences nous présentent l’intérieur domestique de cette période. À cette
époque de bouleversements sociaux et spirituels, certains rituels anciens se
poursuivent, telle que la bénédiction d’une maison de banlieue. Ce document est
d’une richesse suffisante pour cerner les premières banlieues dans une
perspective québécoise.
Nous avons mentionné plus haut la parution récente d’un ouvrage collectif
sur la banlieue de Québec : La banlieue revisitée (Fortin et coll. : 2002). Ce livre
contient plusieurs articles des différents collaborateurs au projet de recherche
sur la vie en banlieue, qu’ils soient recherchistes, professeurs ou bien étudiants
en études supérieures au niveau universitaire. Cet ouvrage permet d’approfondir
les résultats des enquêtes réalisées lors de ce projet de recherche et ce, sous trois
angles : les repères historiques, l’analyse des enquêtes et les solutions
d’aménagement. Entre autres, les articles remettent en question les idées
entourant les représentations de la banlieue nord-américaine à Québec, tel qu’un
sentiment d’appartenance aussi marqué des banlieusards à leur milieu de vie,
c’est-à-dire le quartier auquel ces gens vivent (Fortin : 2002, 149). Par le biais de
cet ouvrage, nous pouvons resituer le rôle auquel ce type d’aménagement est
appelé à jouer au début du troisième millénaire, plus particulièrement face au
32
vieillissement de la clientèle en lien avec le parc immobilier de la première
couronne. Ainsi, plusieurs d’entre eux souhaitent demeurés dans leurs maisons
jusqu’à leur mort mais la morphologie de la banlieue est non-adaptée à ces gens
pouvant avoir une mobilité de plus en plus réduite (Després et Lord : 2002, 255-
256).
Chapitre II
Des témoignages: regard des informateurs
Cet échantillon orientera davantage sur le phénomène de réappropriation
d’un espace domestique. Par contre, ces témoins ne sont pas une représentation
fidèle des différentes situations familiales pouvant exister dans un milieu en
périphérie des grands centres urbains.
1. Présentation des informateurs
Dans la présente section, nous allons présenter les informateurs qui ont
participé au projet de recherche sur les manières d’habiter, particulièrement
quant à certaines pièces à la maison banlieusarde (voir aussi tab. 36, p. 140).
Afin de conserver la confidentialité des renseignements obtenus, les informateurs
sont identifiés par un pseudonyme. Leur histoire permettra à la fois de brosser
leur parcours individuel et de mettre en rapport certaines pratiques domestiques
actuelles avec celles provenant de leur famille d’origine.
Monique est née en 1916 à la paroisse St-Grégoire-de-Montmorency,
maintenant située dans l’arrondissement de Beauport. Malgré une certaine
difficulté de compréhension auditive, cette informatrice s’est montrée à la fois
volubile et concise. Lors de l’entrevue en février 2002, elle a avoué avoir 86 ans.
Aînée de trois enfants, sa mère est décédée prématurément lorsqu’elle avait huit
ans. Dès lors, elle a résidé chez les grands-parents du côté de sa mère jusqu’à
son mariage à l’âge de 21 ans. Au cours de son adolescence, elle a travaillé à la
33
Dominion Textile ainsi qu’à la salle de pool de ses grands-parents où elle était
serveuse. Elle a eu un garçon et une fille de son seul mariage et la famille a vécu
dans une maison dessinée et construite par eux sur le Plateau, à la limite de
l’ancienne municipalité de Courville située en haut de Montmorency. Monique et
son mari ont vendu leur maison vers 1965 afin de s’établir dans un appartement
dans le quartier Limoilou où ils ont tenu un commerce d’accommodation jusqu’à
leur retraite en 1979. Elle est veuve depuis 1990 et elle est l’unique occupante de
cette maison.
Le deuxième entretien porte sur Pierre qui est originaire du quartier
Montcalm en haute-ville de Québec. Né en avril 1930, il était le troisième d’une
famille de cinq enfants. Il a grandi dans un milieu aisé où les parents étaient
plutôt individualistes et hédonistes à cette époque, tel que cité par lui lors de
l’entretien : « Moi, j’avais été élevé par des parents qui s’occupaient d’eux autres ».
Ayant suivi des cours universitaires en commerce, en administration ainsi qu’en
psychologie, cet homme a beaucoup voyagé au cours des années 1950 pour des
raisons de travail, allant à Montréal, à Toronto, aux États-Unis ainsi qu’à Cuba
avant le renversement du régime vers la fin des années 1950. Il reviendra à
Québec pour un emploi d’acheteur au gouvernement provincial en 1961 et ce,
jusqu’à sa retraite en 1989. Lors de son premier mariage, il a eu trois enfants.
Pierre a déjà vécu dans la paroisse Maria-Goretti dans Charlesbourg sur la rue
Binet entre 1964 et peu après le divorce d’avec sa première épouse vers 1976-77.
Peu après, il revient dans son quartier d’origine près du Parc des Braves dans un
logement luxueux et ce, jusqu’en 1985. Entre temps, il rencontre sa deuxième
épouse. Il est revenu dans le quartier Maria-Goretti en 1985. Lors de l’entretien,
Pierre est veuf depuis près de deux ans. Il s’est montré très disponible par ses
larges connaissances.
Les deux autres participants à ce projet de maîtrise sont un couple
d’enseignants au niveau secondaire. Louis enseigne la physique, Brigitte, le
français. Louis et Brigitte vivent ensemble depuis 1987. Ils ont un enfant de 12
ans au moment de l’entrevue et elle a une fille aînée issue d’une relation
précédente. Louis est originaire du quartier Rosemont à Montréal où il a fait un
34
baccalauréat en physique à l’Université de Montréal. Né en 1951, il est le seul de
sa famille d’origine qui demeure à l’extérieur de la grande région montréalaise.
Du côté de Brigitte, elle est née en 1953 à Rivière-Bleue près de Rivière-du-Loup
au Bas-Saint-Laurent. Bachelière en enseignement au secondaire, elle a déjà
résidé dans une maison à Charny au cours des années 1980. Lors du début de la
cohabitation du couple, ils ont résidé dans un appartement à Charny avant de
s’établir à Charlesbourg dans un grand appartement entre 1988 et 1990.
Finalement, ils ont déménagé à proximité de leur ancien appartement en 1990.
Couple éloquent, il a réussi à relater de façon précise sa relation difficile avec leur
maison actuelle. Selon eux, cette entrevue a ressemblé à un témoignage
psychologique: « On dirait qu’on vient de faire une thérapie sur nous et notre
maison! ».
Les résultats obtenus au cours des entrevues réalisées en février et mars
2002. Nous développerons chaque grand thème abordé dans le guide d’entretien
(voir annexe A) ainsi que dans l’arborescence des codes du logiciel Nvivo en
comparant les trois récits (voir annexe C et D). Nous devons préciser que chaque
partie est présentée selon un ordre chronologique des événements et les codes
apparus lors de la saisie de données informatiques sont en ordre de création par
le logiciel. C’est pour cette raison que nous amorçons la synthèse par le
« Parcours résidentiel » plutôt que par le code « Achat maison ». Cette partie de la
recherche est une synthèse des récits de vie domestique des trois entrevues
réalisées.
2. Le parcours résidentiel
Les quatre informateurs ont vécu une période de transition entre la
propriété antérieure et actuelle d’une habitation individuelle. C’est que chacun
d’entre eux a vécu dans une habitation de type locatif ou bien multifamilial.
Selon les notes de terrain, Monique a déjà été propriétaire d’une maison
individuelle sur le « Plateau », à la limite des anciennes municipalités de Courville
et de Montmorency (Beauport) entre son mariage et la vente de la propriété en
35
1965. Elle aurait réalisé avec son mari les plans de leur maison du Plateau sur
un terrain acheté auparavant auprès du propriétaire des lotissements du secteur
à l’époque, la Dominion Textile. Par la suite, Monique a vendu sa propriété du
« Plateau » afin de s’installer dans un bâtiment à deux étages abritant leur
dépanneur au rez-de-chaussée et leur appartement à l’étage. Jusqu’en 1979, elle
et son mari ont vécu dans un bâtiment de type duplex situé au coin de la 1ère rue
et de la 3ème Avenue dans le quartier de Limoilou à Québec.
En ce qui concerne Pierre, il a déjà résidé dans le quartier Maria-Goretti de
Charlesbourg lors de son premier mariage. Il est arrivé dans ce quartier vers
1962 ou 1963 où il a fait construire un bungalow par un architecte et des
spécialistes de la construction. À cette époque, le quartier autour de la rue Binet
n’était que très peu développé. Outre l’achat du terrain à la compagnie Quebec
Land, Pierre avait aussi acheté des terrains à Québec et à Sainte-Foy. Il voulait
s’implanter dans cette dernière municipalité mais le choix de Charlesbourg
correspondait le plus à un point de vue économique à l’époque. Cependant, il a
vécu une certaine réticence parmi les nouveaux propriétaires du quartier à
propos de son milieu d’origine:
« (…) normalement, les gens de la haute-ville, parce que je viens de Saint-Jean-Baptiste, ils ne viennent pas à Charlesbourg. Les gens restent à Sainte-Foy ou à Sillery. Moi, je suis un peu étranger. Ce sont les gens de Limoilou pis les gens de Charlevoix pis ainsi de suite qui se construisent à Charlesbourg. Tout le monde me considérait les premiers temps comme : « Ah! Tu ne devrais pas être icitte, toi! ».
À l’intérieur de cette maison, Pierre compare l’aménagement des pièces à
celle de sa résidence actuelle, plus particulièrement à proximité de l’entrée de
côté (voir plan #2, page 43). La cuisine est à proximité de l’entrée et l’escalier
donnant accès au sous-sol est installé dans cette pièce située derrière la maison
d’une superficie de 45 pieds par 28 pieds. Le salon est situé devant la cuisine et il
était muni d’un vestibule à l’entrée avant. Pierre se rappelle aussi qu’il avait une
grande salle de bains au rez-de-chaussée ainsi qu’une salle de jeux aménagée
36
pour ses enfants au sous-sol. Cet espace récréatif s’est ajouté à la suite de la
finition du sous-sol quelques années plus tard.
Pierre a vendu cette propriété vers 1976 ou 1977 à la suite du divorce
d’avec sa première épouse. Il connaît le propriétaire actuel de sa première
habitation individuelle sur la rue Binet. Récemment, Pierre a constaté au passage
la présence de ses fenêtres d’origine. Il précise aussi qu’il aurait pu reprendre
possession de cette maison vers la fin des années 1970, lors de la forte inflation
des taux d’intérêt :
« Il l’a acheté pis un peu plus tard, il n’était plus capable de la garder parce qu’un an ou deux après, les intérêts ont monté à 20%-21%-22%. Il était venu me voir et il a dit : « Seriez-vous prêt à reprendre ma maison? ». J’ai dit : « Je vais la reprendre n’importe quand! ». Mais, il a fini par passer au travers. Il a emprunté de l’argent quelque part parce qu’il n’était plus capable. Il avait acheté ça étouffé un peu à 8 ou 9% les intérêts (à l’époque d’avant l’augmentation des taux d’intérêt). Il n’était plus capable, comme bien des personnes (…). »
À la suite de la vente de sa propriété dans la rue Binet, Pierre est retourné
dans son secteur d’origine, c’est-à-dire en haute-ville de Québec. Il s’est installé
seul plus précisément dans un complexe immobilier de sept étages appelé le Parc
des Braves (à proximité du parc du même nom). Pierre considérait plusieurs
avantages à vivre dans un appartement locatif de quatre pièces et demie, entre
autres à cause du stationnement intérieur très pratique lors de la saison
hivernale. Il allait même travailler en complet veston et cravate au cours des
froides journées. Entre temps, il possédait une deuxième résidence près du fleuve
à Saint-Nicolas. Il prit possession de ce qu’il nomme « chalet »23 au début des
fréquentations de sa future deuxième épouse. La pièce qu’il aimait le plus dans
23 Par définition, le chalet est une habitation rudimentaire comparable à une construction de
bois rond non-alimenté à l’électricité (Voir Le Petit Robert, 1994 : 337). Au sens populaire, les individus confondent le sens premier du terme « chalet » afin de le désigner davantage comme une résidence habitée à temps partiel et cette construction est située dans un environnement naturel et près d’un cours d’eau. Au cours des dernières décennies, le chalet au sens populaire comprend la quasi-totalité des commodités domestiques contemporaines (électricité, téléviseur, cuisinière, laveuse, etc.).
37
cette résidence (tout comme au Parc des Braves) était la salle de bain car Pierre la
considérait comme la plus belle.
Du côté de Louis et de Brigitte, étant donné qu’ils ont reconstitué une
nouvelle famille, chacun a connu un parcours différent. Brigitte a eu une grande
maison de onze pièces de style normand à Saint-Nicolas qui appartenait à son ex-
conjoint. Brigitte se rappelle des pièces de grandes dimensions de cette maison de
pierres; elle soutient qu’elle s’ennuie de cette maison surtout pour ces grandes
surfaces intérieures. Du côté de Louis, il a été propriétaire d’une vielle maison à
Saint-Gilles (dans la région de Lotbinière) mais il considère l’existence de celle-ci
comme « perdue dans la brume », c’est-à-dire que cette habitation ne doit plus
exister réellement. Louis est resté taciturne lors de l’entrevue sur cet aspect de
son parcours résidentiel, comme s’il le considère comme un accident de parcours.
Peu de temps après les premières fréquentations au milieu des années
1980, Louis a rejoint sa nouvelle conjointe, Brigitte, dans un petit appartement de
quatre pièces et demie à Charny. Deux ou trois années après, le couple a
emménagé à Charlesbourg afin de s’approcher de la résidence du père de la fille
de Brigitte qui résidait dans cette municipalité. Aussi, la fille de Brigitte
fréquentait déjà une école dans ce secteur, ce qui favorisait un déplacement vers
Maria-Goretti. C’était une autre habitation locative mais beaucoup plus vaste que
la précédente, c’est-à-dire qu’elle « avait trois pièces de large au lieu de deux »
(Louis) et elle « occupait un plancher avec deux portes d’entrée différentes »
(Brigitte). Cet appartement situé dans un ancien domaine se trouvait sur le
boulevard Henri-Bourassa près de la 68ème Rue.
Ce qui frappe dans les douze citations intégrées dans cette partie vient du
fait que chaque entrevue compte au moins une personne ayant été propriétaire
d’une habitation unifamiliale avant celle occupée actuellement.
38
3. La résidence actuelle
Ce deuxième grand thème s’intéresse particulièrement à la période
d’acquisition de leurs propriétés actuelles.
3.1 Les circonstances et les motivations relativement à l’achat
Comme nous venons de l’esquisser, les événements antérieurs expliquent
en partie les différentes circonstances dans lesquelles les individus ont acquis
leur résidence actuelle. Pour Louis et Brigitte, qui sont déjà installés à
Charlesbourg, ils ont constaté que le coût mensuel du loyer sur Henri-Bourassa
était comparable au coût mensuel d’une habitation individuelle. De plus, le loyer
de leur ancien appartement était sur le point d’être augmenté entre 50 et 100
dollars par mois. Jugeant plus avantageux d’acquérir une maison, malgré le fait
qu’ils avaient peu d’argent à investir, plus particulièrement dans une nouvelle
construction, ils ont entamé des recherches dans les secteurs résidentiels établis
de Charlesbourg, de Loretteville ainsi que de Neufchâtel (ces deux derniers
secteurs correspondent à leurs lieux de travail). À la suite des visites de quelques
constructions récentes, ils avaient exclu l’achat d’une maison neuve car ils
considéraient les constructions de bas de gamme en rapport au prix de vente
demandée par les entrepreneurs. Dans le choix de leur maison actuelle, Louis et
Brigitte ont été fortement aidés par la sœur de cette dernière qui était agente
immobilière. Quelques mois plus tard, ils ont constaté que les maisons au prix
comparable à celle achetée « faisaient très dures (…) » (Brigitte). Donc, ils ont
poursuivi leurs recherches en espérant trouver une maison abordable.
Du côté de Monique, lors de la vente de son bâtiment ainsi que de son
commerce en 1979, elle voulait profiter de sa retraite avec son mari afin de « bien
finir ses jours ». Dès lors, ils ont voulu acquérir une modeste maison aux
dimensions raisonnables à proximité de Québec afin de vivre à la fois dans un
secteur proche des services et « comme en campagne ». Elle a cependant constaté
à l’époque que c’était très difficile de visiter des maisons à vendre et, ainsi, de
39
réussir à en trouver une « bien placée ». Par conséquent, elle et son mari ont
magasiné une maison dans certains secteurs.
Peu après le mariage, la deuxième épouse de Pierre souhaitait s’installer
dans une maison unifamiliale car elle en rêvait depuis son enfance. Son plus
grand souhait était de posséder une vieille résidence sur une falaise avec une vue
sur le fleuve Saint-Laurent. À partir de ce moment, Pierre entame la visite des
maisons à vendre dans la partie sud du fleuve, de Beaumont à Sainte-Croix-de-
Lotbinière et dans la partie nord, de Beauport à Neuville. Il en fait un constat
expliquant la valeur très élevée des maisons à proximité du fleuve à cette époque,
ce qui illustre le lien étroit entre la valeur d’une habitation résidentielle et des
éléments favorisant cette valeur:
« Ce n’était pas achetable! (…) Moi, j’ai vu une maison à côté de Saint-Romuald où le terrain avait 120 pieds de façade par 125 pieds de profondeur. La maison était maganée, ça n’avait pas de maudit bon sens. C’était quasiment pour jeter à terre. Il demandait 325 000 piastres. Alors que, moi, j’avais pensé qu’il vendrait ça à peu près 150 000$. Pis, il l’a vendu pis le gars qui l’a acheté, il a mis le bulldozer dedans… juste le terrain (qui restait). Les maisons sur la falaise à Saint-Nicolas, ça n’a pas de bon sens les prix! »
3.2 L’achat de la maison : l’expérience de chacun
Au printemps de 1979, Monique et son mari ont acheté la maison à
Charlesbourg afin d’y emménager lors de la période la plus importante de
déménagement à l’époque, soit au mois de mai. C’est une maison qui a appartenu
à une dame ayant vécu seule qui a obtenu cette maison par succession familiale
en 1965. Elle considère avoir obtenu une aubaine pour le prix d’achat de sa
maison actuelle car l’ancienne propriétaire voulait s’en débarrasser, d’autant plus
que Monique et son mari l’ont acheté quelques mois avant l’augmentation
démesurée des taux d’intérêt. Outre les souhaits mentionnés auparavant, ils ont
aussi acquis cette maison car ils ont observé une assez forte concentration de
personnes dans ce secteur afin de « se désennuyer un peu », de « parler au
monde ».
40
Au moment de l’acquisition de la maison de Monique, l’extérieur de la
maison était entouré d’un aménagement de grosses pierres reposant sur le sol et
servant aux activités extérieures (aire de repos, barbecue). Le terrain avant n’avait
pas de trottoir au moment de leur installation. À l’intérieur de la maison, un petit
muret séparait le salon et l’entrée principale. Du côté de la cuisine, les armoires
étaient blanches et l’accès à la cour arrière ainsi qu’à l’escalier du sous-sol était
séparé par un mur ainsi qu’une porte. Les murs et plafonds de la majorité des
pièces étaient de couleur pâle au moment de l’aménagement dans ce nouvel
espace domestique.
Pour Louis et Brigitte, le choix de leur maison correspondant à leur budget
s’est finalement effectué en 1990. Premièrement, ils ont choisi la maison pour la
qualité du terrain ainsi que la vue imprenable du centre-ville de Québec. Ce qu’il
aimait le plus du terrain était son aménagement plus isolé et plus intime par
rapport aux autres cours arrières, c’est-à-dire que le terrain arrière était de 15 à
20 pieds plus profonds par rapport aux propriétés voisines, ainsi que son grand
nombre d’arbres matures. Cette maison fut construite en 1962 et sept
propriétaires l’auraient occupée. La maison était en mauvais état et peu
entretenue mais ils ont fait le raisonnement d’acquérir cette habitation abordable
afin de la rénover à leur goût et selon leur style. Ils ont payé 70 000 dollars à
l’époque comparativement à environ 85 000 dollars exigé au départ par la
propriétaire précédente. Au moment de l’installation, la famille était composée du
couple, de la fille de Brigitte ainsi que leur fils qui était né quelques mois
auparavant.
Selon Louis, la maison était affreuse à leur arrivée. Au cours de la
description de l’état de la maison, lors de leur installation, le couple exprime un
sentiment de dégoût envers le choix des couleurs de l’ancienne propriétaire. Le
salon était composé d’un vestibule à l’entrée principale et cette pièce fermée était
recouverte d’une tapisserie beige « drabe » (Louis). Entre le salon et la cuisine, un
poêle à combustion lente était installé à l’emplacement actuel d’une garde-robe.
La salle à dîner était de couleur rose et verte. Le mur contenant les portes et les
41
fenêtres de la salle à manger était recouvert d’un tapis brun-beige que Louis a
surnommé cette couleur « perce-oreille écrasé » car ils ont découvert une forte
quantité de cet insecte à la surface de ce tapis. Les chambres ainsi que la salle de
bain étaient très petites et en mauvais état. Au sous-sol, l’espace se divisait en
quatre pièces prévues pour la location : une salle de bain, deux chambres et une
cuisinette. La cuisinette occupait une superficie de quatre mètres carrés et les
chambres étaient sombres car elles n’avaient que de très petites fenêtres. L’une
des chambres a été rénovée peu avant leur arrivée en préfini et en tapis sur un
plancher en aspenite (revêtement en copeaux de bois pressés). Une bonne partie
des murs du sous-sol était recouverte de bardeaux de cèdre.
À cause des prix élevés des maisons situées sur le bord du fleuve Saint-
Laurent, Pierre n’a toujours pas trouvé une habitation à prix plus raisonnable.
Lors d’une visite chez son médecin personnel pour un examen annuel, Pierre
constate que la maison en face de la résidence de celui-ci est en vente. Il
considère alors la maison belle et bien entretenue. En 1985, il décide d’acheter
cette maison construite au début des années 1960 d’un dentiste au coût
approximatif de 100 000 dollars. Cet ancien propriétaire avait réalisé des
rénovations majeures à l’intérieur de la maison. Entre autres, il a réaménagé les
divisions du salon, de la chambre principale et de la cuisine afin que les pièces
plus communautaires soient à aires ouvertes. Fait à noter, les nouvelles divisions
ont été conçues en partie de façon angulaire, c’est-à-dire que certains murs sont
placés à 45 degrés plutôt qu’à 90 degrés (voir plan #2, page 43). Son épouse
n’était pas très enthousiaste à l’idée d’emménager dans une installation n’ayant
pas un cachet rustique situé près du fleuve. Aussi, Pierre n’avait plus l’intérêt
d’acquérir une autre propriété :
« Les maisons, tu sais, c’est le fun quand tu es jeune, hein. Après ça, quand tu vieillis un peu, tu dis : « Aille! Ça va faire moi là! ». Une maison, c’est comme un cheval à l’écurie. Il y a toujours de quoi (à faire). Il y a de la peinture, il y a ci, ça… Il faut que tu entretiennes une maison. »
42
Malgré les divergences sur l’acquisition de la maison, ils ont fait un
compromis et ils ont proposé une offre d’achat que l’ancien propriétaire a
acceptée en été 1985. Entre temps, la deuxième conjointe de Pierre est tombée
gravement malade et il hésitait sur la pertinence d’acheter cette maison car elle
était menacée de mourir. Il décida d’acquérir cette habitation en cas de
réhabilitation de sa conjointe. L’acte notarié a même été signé pendant qu’elle
était aux soins intensifs d’un centre hospitalier.
4. Le déménagement
Le déménagement est une période importante pour les individus en
processus de transition résidentielle. Les informateurs rencontrés le considèrent
comme une promesse d’un milieu domestique plus fidèle à leur personnalité,
c’est-à-dire un moyen plus clair d’exprimer leur existence par le biais d’objets ou
bien d’espaces appropriés à leurs besoins. Pour eux, c’est aussi une étape
nécessitant une grande réorganisation de leur vie quotidienne. Voici les
différentes façons dont les individus rencontrés ont procédé pour leur
déménagement.
Pour Monique, le déménagement s’est déroulé en famille, c’est-à-dire que
les deux enfants ainsi que la blonde du fils ont apporté leur contribution pour le
transport des équipements ainsi que pour des menus travaux (empaquetage,
dépaquetage, nettoyage, peinture). À la première journée officielle d’acquisition de
la maison, soit un dimanche du mois de mai, ils ont procédé au nettoyage et à la
peinture des pièces. Monique précise qu’elle n’a jamais peinturé de son existence
car elle laisse cette tâche aux hommes. Par la suite, peu après le souper dans
leur ancienne résidence, ils ont empaqueté les dernières boîtes, plus
particulièrement les surplus d’inventaire de récipients en conserve qu’ils ont
gardés peu après la vente de leur propriété ainsi que leur commerce à Limoilou.
C’est à la deuxième journée qu’ils ont déplacé les meubles ainsi que les boîtes
dans leur nouvelle demeure. Selon elle, c’est « de la job de charvoyer24 tout ça… ».
24 Au sens de « transporter, apporter ».
43
Certaines boîtes qui n’étaient pas nécessaires de dépaqueter sur-le-champ pour
le rez-de-chaussée ont été entreposées temporairement au sous-sol.
Plan #2- Pierre
Rez-de-chaussée
Échelle approximative 1:10
N
Du côté de Pierre, le déménagement s’est déroulé dans une atmosphère
d’inquiétude car sa deuxième épouse était hospitalisée depuis quelques
semaines. Au cours d’une journée du mois d’octobre, Pierre a délégué la
responsabilité du déplacement des équipements domestiques à des spécialistes
du déménagement. Ce sont ces derniers qui ont empaqueté les différents objets
de l’ancien appartement et qui les ont transportés jusqu’à la nouvelle propriété à
Charlesbourg. Ce sont aussi ces mêmes spécialistes qui ont installé l’ensemble
du mobilier de Pierre et ce, dans la même journée. Selon son témoignage, il n’a
rien touché car les déménageurs sont spécialisés en ce domaine et il préfère leur
laisser cette responsabilité car il économise du temps et de l’énergie. Même s’il
44
reconnaît le coût élevé de cette opération, il n’avait pas besoin de s’occuper
physiquement de l’aménagement; il dirigeait seulement les déménageurs qui
installaient les meubles et accessoires selon son goût. Peu de temps après le
déménagement, sa conjointe est venue s’installer dans leur nouvelle maison afin
de poursuivre sa convalescence. Elle constate que le nouvel aménagement
domestique mérite d’être mieux réorganisé. Pierre a jugé nécessaire de
réaménager et ainsi, de réinvestir ce nouvel espace selon les préférences de son
épouse :
« (…) Elle était écartée en maudit. Tout était placé mais tout n’était pas tout à fait à son goût. On a tout replacé ça et je n’ai rien touché. Enquêteur : Qu’est-ce qu’elle a changé? Pierre : Elle a changé les meubles de place. On a fait revenir le déménageur pis il a replacé toutes les choses comme elle voulait. Je n’ai rien touché. »
Dans l’esprit de Louis et de Brigitte, l’installation s’est réalisée dans l’espoir
de rénover et ainsi, de réaménager leur nouvelle habitation selon leurs besoins
d’intimité et leurs préférences esthétiques. Par exemple, ils voulaient éliminer
certains murs non-porteurs afin « d’éclater l’espace! » (Louis). Outre de nombreux
changements à réaliser dans la maison, Louis et Brigitte souhaitaient s’installer
dans un espace plus familier afin qu’ils ne soient pas trop encombrés par la
grande quantité de « caisses » qu’ils devaient installer graduellement. Dès lors, la
famille, ainsi que le frère de Brigitte au cours du déménagement, a aménagé des
espaces temporaires, c’est-à-dire que le couple a installé un divan-lit pour le
couple dans le salon afin de léguer les deux chambres du rez-de-chaussée à leurs
enfants.
4.1 La pendaison de crémaillère
Règle générale, les individus installés dans un nouvel univers domestique
ont l’intention de célébrer ce changement. Ce phénomène prend tout son sens
lorsque les occupants jugent s’être adaptés suffisamment à leur nouvel espace
domestique, c’est-à-dire lorsque les individus sont officiellement chez-eux. Cette
étape importante correspond à la période du déménagement ainsi que de la fin
45
officielle du grand dérangement de la vie domestique. Cette activité se déroule en
présence des proches ainsi que des participants au déménagement qui assistent
au « vernissage » de la nouvelle demeure : « la pendaison de la crémaillère »25.
C’est une expression employée souvent dans le milieu populaire. Cette rencontre
sociale se déroule généralement peu de temps après l’acquisition du nouvel
espace, c’est-à-dire après quelques semaines ou quelques mois.
Dans le cas de Pierre, ce fut l’occasion d’inviter une vingtaine de membres
proches de leur entourage autour d’une soirée composée de champagne et d’un
buffet conçu par un traiteur. Ainsi, les gens ont pu festoyer dans la nouvelle salle
à dîner ainsi que le nouveau salon des hôtes. Parfois, cette pendaison n’est pas
nécessairement célébrée dans leur nouvelle installation. Selon Monique, cette
célébration s’est déroulée à la fois lors du déménagement et dans la cuisine de
leur ancienne résidence à Limoilou. Il est aussi possible que certains individus ne
pendent pas la crémaillère de façon explicite. C’est le cas de Louis et de Brigitte
qui n’ont toujours pas réalisé cette activité spéciale car ils n’ont pas considéré
leur installation officiellement terminée. L’idée d’une célébration n’est pas rejetée,
mais elle sera quelque peu modifiée, tel qu’expliqué par Louis:
« Non, je te dis, on pendrait la crémaillère un jour mais on n’appellera pas ça « pendre la crémaillère ». Quand on aura tout fini, on fera peut-être un gros party… Ce n’est pas encore fait mais on reçoit plein de monde… »
5. Le quartier à l’arrivée
Parfois, l’état du quartier de la nouvelle résidence (présence de services et
de commerces, vie communautaire, type d’aménagement du secteur) fait partie
des motivations du choix de leur propriété. C’est le cas de Louis et de Brigitte qui
ont choisi le quartier pour la proximité des écoles de leurs deux enfants. Cette
25 La crémaillère qui est une « tige de fer munie de crans qui permettent de la fixer à
différentes hauteurs dans une cheminée et d’un crochet pour y suspendre une marmite » (Le Petit Robert, 1994 : 506). En quelque sorte, « pendre une crémaillère » dans un âtre est maintenant au sens figuré, c’est-à-dire une façon de consolider l’occupation d’un nouvel environnement domestique.
46
même motivation revient chez Pierre. Aussi, il considérait l’emplacement
avantageux car la maison est située à proximité des grands axes routiers ainsi
que des grands centres commerciaux. En plus, ce type de maison dans ce secteur
est très en demande auprès d’une nouvelle clientèle :
« Les maisons installées ici, en un mois, c’est vendu. Ça n’a pas de bon sens! Tout le monde cherche ça. D’abord, pour les jeunes qui achètent ça, même si les maisons ne sont pas rénovées, les prix ont du bon sens. »
Le choix de s’installer dans Maria-Goretti vient aussi du fait que ce
quartier a atteint le seuil de son développement au moment de l’achat, c’est-à-
dire que le territoire est entièrement entouré de constructions résidentielles et
commerciales. Pour Monique, les grands ensembles locatifs à l’extrémité Est de la
68ème Rue étaient déjà présents lors de son installation en 1979, ce qui était une
situation favorable à la rencontre de nouveaux voisins. Selon elle, à l’époque, la
majorité des habitants lors son installation dans ce secteur était âgée et ces
mêmes personnes ont été les témoins privilégiés du développement du quartier
au cours des années 1960.
Règle générale, ces résultats obtenus dans ce chapitre n’ont eu que peu
d’intérêt lors de l’analyse des manières d’habiter dans les pièces à vocation
sociale, mais elles fournissent des outils de compréhension le type de sociabilité
entretenue entre les occupants interrogés et les gens de ce quartier, c’est-à-dire
une relative indifférence envers leurs voisins.
6. Les transformations dans la maison
Dès leur arrivée dans leur nouvelle propriété, les nouveaux occupants
cherchent à adapter cet espace selon leurs besoins quotidiens qui évolueront au
fil des ans. C’est alors que quelques interventions sont souvent souhaitées. Dès
lors, deux niveaux d’interventions peuvent être réalisés, qu’ils soient majeurs ou
mineurs. Premièrement, les occupants redistribuent la disposition du mobilier
ainsi que les accessoires qui servent souvent à la décoration de l’espace
47
domestique, tels que les travaux de peinture : les réaménagements. Ce premier
type touche les travaux mineurs. L’autre type d’intervention concerne plus
directement une réorganisation majeure de la structure de l’intérieur, c’est-à-dire
la transformation de la superficie totale des pièces afin d’améliorer la vie
domestique : les rénovations. Les motivations diffèrent selon les interventions
réalisées par les informateurs rencontrés. Voici les grandes lignes des
transformations plus ou moins importantes relatées par les personnes
interrogées.
6.1 Les rénovations
6.1.1 Les rénovations chez Monique
Compte tenu de notre sujet d’études, nous nous attarderons aux
rénovations touchant les pièces collectives ainsi que les espaces dits communs,
c’est-à-dire les entrées et les passages. Règle générale, les individus réorganisent
certaines pièces ou espaces afin de rechercher un sentiment de mieux-être.
Au moment de l’installation de Monique et de son mari, ils n’appréciaient
pas l’aménagement de l’accès entre l’escalier du sous-sol, la cuisine et de la cour
arrière:
« La première chose quand on arrivait (par) la porte arrière, c’était un mur au complet avec une porte entre la cuisine et l’entrée arrière. En plus, il y avait une porte pour descendre dans la cave. Les deux portes se rencontraient. S’il y avait une porte ouverte ou bien une personne ouvr(ait) une porte pis l’autre est derrière, il va la faire tomber en bas de l’escalier. »
Afin de remédier à ce problème, ils ont décidé d’éliminer le vestibule
arrière. De plus, ils ont profité de ce changement afin d’éliminer une partie du
mur séparant l’escalier de la cuisine. Cette autre intervention permettait de
rendre la cuisine moins « ennuyante » ainsi que plus accessible et éclairée vers
l’extérieur. La porte d’accès du sous-sol a été transférée vers la partie basse de
l’escalier. Ils ont aussi profité de cette rénovation afin de changer le revêtement de
la partie escalier en remplaçant les panneaux de gypse par des planches de pin
48
verni. Le mur séparant la cuisine et l’escalier du sous-sol a été transformé en
demi-mur de trois pieds dans la partie basse et de barreaux de pin dans la partie
haute. Cette rénovation a été réalisée en totalité par le neveu de Monique et qui
est menuisier de profession. Cette transformation a duré de deux à trois jours.
(voir fig. 3)
Figure 3- L’espace rénové dans la partie nord-est de la cuisine de Monique. Un autre changement important a été réalisé chez Monique en même temps
que la rénovation des accès entre la cuisine, vers la partie arrière du terrain et
l’escalier du sous-sol. Ils ont profité de l’expertise de son neveu afin de remplacer
le recouvrement de bois et de peinture du comptoir de la cuisine en pin traité. Ce
sont les seules rénovations importantes à l’intérieur de la maison, si nous faisons
exception de l’installation des espaces de rangement, c’est-à-dire d’une grande
armoire le long d’un des murs du sous-sol afin d’entreposer certains objets ou
récipients à conserve. Cet aménagement « grand comme deux planches » a été
construit par son mari peu de temps après la rénovation des accès au rez-de-
chaussée. En terminant, la majorité des changements ont été produits à
l’extérieur de la maison, plus particulièrement sur le terrain de la propriété.
49
6.1.2 Les rénovations chez Pierre
Du côté de Pierre, cette maison a été rénovée auparavant par l’ancien
propriétaire. Il a profité d’une maison plus dégagée et d’apparence plus neuve.
Depuis ce jour, aucune transformation de la superficie des différentes pièces du
rez-de-chaussée n’a été faite, sauf l’installation d’un tapis au salon peu après leur
arrivée à Charlesbourg. Aussi, Pierre a décidé de changer la majorité des
ouvertures de la maison, c’est-à-dire les portes et les fenêtres, car les anciennes
ouvertures étaient en bois et elles nécessitaient un rafraîchissement jugé inutile
par l’informateur, soit repeindre les cadres de fenêtres. Ainsi, il a présenté
différentes soumissions auprès des fournisseurs potentiels afin de choisir celui
qui offre le coût le plus raisonnable. Pour la porte de la façade avant, sur quatre
soumissions, il a choisi un spécialiste des portes en boiseries de Limoilou au coût
de 3 000 dollars. La porte en aluminium située sur le côté Est de la maison a été
léguée à une autre entreprise. En ce qui concerne la porte patio de la salle à
dîner, il a porté son choix sur une entreprise spécialisée en fenêtres de bois. Les
fenêtres changées proviennent de la même entreprise et elles ont des châssis en
aluminium. Chaque porte ou fenêtre a été installée dans une période rapprochée
et chaque changement d’ouverture a nécessité une journée complète en période
estivale.
La seule ouverture qui n’a pas été rénovée Pierre n’a pas rénové est la
grande fenêtre du salon. Dès leur arrivée dans leur nouvelle habitation, sa
conjointe souhaitait une fenêtre de type bay-window26 pour des raisons
esthétiques. Au moment des soumissions, Pierre a constaté que le coût estimé
pour cette fenêtre était d’environ 6 500 dollars. Il a jugé que cette fenêtre était
toujours de bonne qualité car il voulait investir une somme considérable.
26 En réalité, le mot exact est « bow-window » qui signifie « fenêtre en saillie » (Corbeil : 1992,
196). Graduellement, le terme s’est déformé au sens populaire en « b-window » ou bien « bay-window ».
50
6.1.3 Les rénovations chez Louis et Brigitte
Dans le cas de Louis et de Brigitte, les surprises et les déceptions feront
partie des nombreuses rénovations qu’ils ont pu réaliser à ce jour. À ce moment,
le but principal était de refaire la finition, la décoration ainsi que les ouvertures
afin de rendre agréable cet espace de manière à ce qu’il ne ressemble pas à un
sous-sol (selon Brigitte) non plus resté un endroit humide (selon Louis). Le couple
voulait seulement faire quelques petites rénovations mais dès la première
semaine après leur installation, ils ont constaté que le sous-sol méritait plus
qu’une remise à neuf du revêtement du plancher et des murs ainsi qu’un
aménagement d’une nouvelle chambre pour la fille de Brigitte. En marchant sur le
plancher du sous-sol, Louis sent que le plancher bouge drôlement. C’est alors que
le couple ainsi que le frère de Brigitte ont entrepris la démolition des murs et du
plancher du sous-sol. En retirant une partie du plancher, c’est alors que Louis a
constaté qu’une assez bonne quantité d’eau s’est infiltrée dans les fondations de
la maison, ce qui a fait pourrir le plancher. « C’est la foire au malheur qui
commence… », souligne-t-il.
Dès lors, Louis et Brigitte ont entrepris de changer le plancher devenu
« flottant ». Par la suite, ils ont retiré les murs ainsi que l’isolant blanc collé
entourant la partie intérieure de la fondation de béton afin de constater une
importante fissure. Afin de colmater ces fissures, Louis a entrepris « au pique pis
à la pelle » de creuser autour de la partie extérieure des fondations de la maison.
Par la suite, ils ont attendu deux années sans réussir à aménager le sous-sol afin
de certifier que la fondation soit redevenue étanche. Entre temps, au cours de
leur deuxième été d’occupation, ils ont profité de cet incident afin d’agrandir les
ouvertures des fenêtres du sous-sol, de façon à rendre les pièces plus éclairées.
Sauf la fenêtre située dans la partie sud-ouest de la salle familiale, qui a été
ajoutée, les autres ouvertures ont été agrandies en hauteur ainsi qu’en largeur
par un entrepreneur spécialisé. Louis a profité de la période entre
l’agrandissement des ouvertures et la pose des fenêtres afin d’intégrer d’autres
matériaux de construction. Il s’explique ainsi :
51
« Avant qu’ils viennent poser les fenêtres le lendemain, j’avais commandé 60 panneaux de gypse pour finir le sous-sol, les feuilles de 12 pieds. J’avais peur que ça (ne) descende pas des escaliers. Ça fait qu’on a tout rentré par la fenêtre à la course le soir pour les poser… (Rires). On a passé une année avec ça d’épais de matériaux ici dedans (la salle familiale) jusqu’au plafond. Le gypse montait jusque là pis par-dessus (les ouvertures de fenêtres). »
Deux années après l’aménagement dans leur maison actuelle, ils ont
amorcé graduellement l’aménagement du sous-sol. Au moment de l’entretien, ils
étaient sur le point d’achever l’ensemble de l’aménagement du sous-sol car ils
organisaient l’installation d’un plancher de bois franc dans la salle familiale au
cours de la prochaine fin de semaine (voir fig. 4). Généralement, ce sont pendant
les fins de semaine ainsi que les soirs de semaine que le couple, plus
particulièrement Louis, a rénové leur maison. Dès le départ, avec la collaboration
d’un de ses amis, Louis a finalement aménagé la chambre pour la fille de sa
conjointe. Par la suite, il a eu recours à un menuisier professionnel pour terminer
les éléments restants de la structure du sous-sol, c’est-à-dire le 2/3 des travaux
à terminer, car il avait une plus grande difficulté à joindre certains morceaux de
gypse dans le secteur sud-est de la salle familiale. Peu après, il a recouvert les
panneaux de gypse d’une couche d’apprêt (primer) afin de rendre le sous-sol plus
agréable à vivre. L’année précédant le moment de l’entretien, il a réaménagé
l’escalier entre le sous-sol et la cuisine au moyen de marches en bois verni. La
rampe d’escalier n’a toujours pas été installée afin qu’elle ne soit pas un obstacle
lors du transport des matériaux de construction vers l’étage inférieur de
l’habitation résidentielle (voir fig. 5).
52
Figure 4 (à gauche)- Voici l’état de la salle familiale chez Louis et Brigitte au moment de l’entrevue. Dans cette pièce aux allures rénovées, nous remarquons au coin droit de la photographie quelques boîtes de bois franc. Figure 5 (à droite)- L’escalier du sous-sol de Louis et Brigitte est complété mais la rampe n’est pas terminée pour des raisons pratiques, soit le transport de matériaux et d’équipements pour la rénovation du plancher.
En ce qui concerne le rez-de-chaussée, ils ont retiré les murs séparant le
salon, la salle à dîner ainsi que le corridor allant vers les chambres dans les
premières années de leur installation. Les démarcations des anciens murs sont
toujours présentes sur le plancher et vers les accès à la salle de bains ainsi
qu’aux chambres (voir fig. 6). À l’intérieur du salon, Louis ainsi qu’un de ses amis
ont démoli le vestibule de l’entrée principale afin d’aérer l’espace. Il y a environ
quatre ou cinq ans, ils ont entrepris d’agrandir et de rénover la salle de bain du
rez-de-chaussée. Ils ont jugé cette pièce en mauvais état ainsi que trop petite à
leur goût. Ce projet de rénovation est venu de la part de Brigitte qui constatait
qu’ils pouvaient condamner la fenêtre située sur le côté ouest de la porte
principale. Grâce à cet agrandissement, ils ont pu éliminer toutes traces de
l’ancienne salle de bain (plancher, équipements, espace de rangement, demi-mur
entre le bain et la toilette). Les nouveaux éléments ajoutés dans la salle de bain
sont : des nouveaux équipements sanitaires (bain, toilette, évier), une nouvelle
53
fenêtre, un nouveau comptoir, un changement sur la tuyauterie et un revêtement
de plancher en céramique.
Figure 6 (à gauche)- Dans le corridor de la maison de Louis et de Brigitte, nous retrouvons les traces des anciennes divisions sur le plancher de bois franc. Figure 7 (à droite)- L’entrée principale de la maison de Louis et de Brigitte après l’élimination du vestibule. Peu après la rénovation de la salle de bain, ils ont amélioré l’entrée
principale en ajoutant un revêtement de plancher en céramique (voir fig. 7). Louis
décrit en ses mots les motivations sur les rénovations subies autour de l’entrée
principale :
« (…) Tout ça, c’est pour faire un peu éclater l’espace parce qu’avant, il avait… Des fois, on reste pris des anciennes structures aussi. C’était intéressant. Il y avait un portique derrière cette porte-là. Il y avait comme un plancher qui n’était pas de la même structure. Ça fait qu’on a fait l’entrée en céramique. Mais au début, l’entrée en céramique, c’était juste un petit rectangle qui était là devant la porte. Tu restes pris par ça, tu vois. Pis la tuile à terre, on ne trouvait pas ça beau… Finalement, ça n’a pas rapport dans l’espace. C’est un ancien mur qui n’est plus là, qui n’a plus à
54
apparaître dans le plancher. On a pensé de s’ouvrir pis ça invite à rentrer dans la maison pis en même temps, ça t’amène vers la garde-robe. Ça veut dire : « Accroche ton manteau! » Ça fait que ça joint l’utilitaire et la beauté. »
De plus, ils ont agrandi la fenêtre le plus à l’ouest de la salle à dîner sur le
mur arrière et ils ont changé les autres ouvertures de la cuisine et de la partie
avant de la maison. La raison principale de ce changement vient du fait qu’ils
avaient l’impression de « chauffer dehors », plus particulièrement lors de grands
vents en saison plus fraîche. Par contre, Louis découvre l’automne dernier une
grande quantité de fourmis de type termites mangeaient la charpente de la porte-
patio et ce, vers l’abri d’auto à l’extrémité sud-est de la maison. Avant que le toit
leur tombe sur la tête, il a remplacé les poutres du toit. Pensant avoir irradié le
problème, il fut surpris et désappointé de constater que les termites poursuivent
la désintégration du bois lors de l’installation de la fenêtre de la cuisine. Face à
ce pronostic, Louis n’avait plus le choix :
« (…) Je suis rentré un vendredi soir dans la maison pis j’ai dit à ma femme : « J’arrache le lavabo, je sors le lave-vaisselle, j’arrache toutes les armoires pis les murs par l’intérieur. » parce que je ne peux pas démancher la cheminée par-dehors. L’automne passé, j’avais changé le coin du mur (Sud-Est) jusqu’au gyproc mais par-dehors. Tu déshabilles tranquillement, il y a le mur de pierres, il faut tout que tu recommences, tu remontes le tentest de fibre naturelle. Pis après ça, les 2x4, pis la laine pis le coupe-vapeur. On remet le parement extérieur… J’ai refait la même chose par en dedans. (…) Ça fait que j’ai rapiécé ça le plus vite possible pis refermer le mur pis on a juste remis la couleur en attendant de savoir si… on fait une petite cuisine dans l’espace qui a là ou faire éclater ça dans le mur. »
En résumé, nous constatons que ce couple interrogé a considérablement
transformé son espace intérieur. Nous allons maintenant dégager les
interventions plus esthétiques autour des pièces collectives.
55
6.2 Les aménagements mobiliers
Cette partie sur la transformation intérieure domestique des informateurs
touche davantage les aspects plus esthétiques ainsi que les objets mobiliers. Ces
interventions peuvent se dérouler dans un cadre plus flexible que celle des
rénovations et elles suivent souvent des motivations plus subjectives car elles
révèlent les goûts et les préférences des informateurs. Les personnes rencontrées
lors de l’enquête orale ont démontré une plus grande difficulté à se remémorer
des changements esthétiques et mobiles. Très souvent, la présence quotidienne
des objets est considérée par chacun comme des éléments familiers (« Ça fait
partie des meubles! »). C’est le cas de Monique qui a trouvé difficile de se rappeler
les déplacements, les échanges ainsi que les changements de style des pièces. Par
exemple, Monique précise qu’elle a déplacé des meubles depuis son arrivée à
Charlesbourg sans réussir à déterminer lesquelles d’entre eux ont été déplacés.
Nous allons maintenant décrire les réaménagements identifiés par les
informateurs sous deux angles : le mobilier et la décoration.
Le mobilier concerne les objets domestiques plus volumineux et souvent
d’ordre utilitaire. Le mobilier inclut tous les équipements mobiles ayant au moins
un usage pratique (fauteuil, table, télévision). Nous allons s’attarder sur
l’interprétation de quelques meubles identifiés ou bien exprimés davantage par
les informateurs de la première et de la troisième entrevue.
6.2.1. Autour de la table de la cuisine
Chez Monique, le meuble ayant été changé depuis son installation dans sa
propriété actuelle est la table de la cuisine. Elle a remplacé l’ancienne table en
bois verni et six chaises par une autre table en mélamine « moins riche » et moins
volumineuse. Ce changement vient du fait qu’elle est habituée d’accueillir
fréquemment des membres de son entourage : « J’étais toujours obligé d’avoir six
chaises et il y avait toujours du monde pour venir luncher ici. » En ce qui
concerne Louis et Brigitte, malgré leurs nombreuses perturbations immobilières,
ils ont changé quasi annuellement les tables de cuisine afin qu’elles soient plus
56
grandes pour l’accueil des invités. Généralement, ces tables sont reçues
sporadiquement de leur entourage immédiat, c’est-à-dire ce sont des dons des
amis ou bien des membres de leur parenté.
6.2.2 Les fauteuils du salon
Du côté du salon, dans un intervalle de trois à six ans, Monique a remplacé
entre autres le canapé à trois places usé par le temps par un plus récent ainsi
qu’une vieille télévision en bois préfinis pour une autre « moins grosse et
embarrassante ». Selon elle, c’était un vrai meuble en soi et difficile à manœuvrer,
occupant le double du volume de la télévision actuelle. Monique a aussi acheté il
y a cinq ans un vaisselier vitré d’une hauteur similaire au mur et conçu en coin.
Elle a changé le réaménagement des meubles du salon afin qu’ils soient
confortables pour les invités ainsi que pour eux. Monique précise sa façon
d’aménager convenablement le salon et ce, à partir d’une observation sur le
confort des invités :
« Ça là, on ne peut quasiment pas changer les deux fauteuils de place, comprenez-vous. C’est parce que si je mets le long là (de la fenêtre), si on reçoit quelqu’un, c’est mieux d’être assis là (sur le mur Nord) que d’être assis là-bas. Ça fait qu’il faut penser à toutes
sortes d’affaires de même quand on fait un aménagement. » (voir
aussi plan #1, p. 72)
Généralement, Monique choisit certains meubles en fonction de
l’aménagement projetée car elle sait très bien qu’un meuble « ferait bien à telle
place. » Parfois, certains meubles changent de vocation et de pièce car ils sont à
la fois usés et symboliques pour l’occupante interrogée. Par exemple, dans son
boudoir, elle a conservé un ensemble de salon composé d’un divan à trois places
ainsi que d’une chaise rembourrée (voir fig. 8). Les raisons pour lesquelles elle
affectionne ces deux meubles datant d’une soixantaine d’années sont d’abord
pour sa valeur historique durant son parcours familial (« Quand elle (la fille de
Monique) est venue au monde (…) et que nous étions en loyer »). Aussi, ce meuble
évoque un autre moment historique dans le parcours familial dans lequel le divan
57
a servi pour le repos prolongé (« C’était aussi pour faire coucher le petit
bonhomme (le fils de Monique)… »).
Figure 8- Voici une chaise rembourrée d’origine d’une soixantaine d’années ayant fait partie de l’ancien ensemble de salon de Monique à Montmorency (Beauport).
Pour Louis et Brigitte, ils ont pu réaliser certains réaménagements de
certaines pièces, plus particulièrement vouées aux échanges sociaux et familiaux.
En observant l’aménagement domestique de ce couple, nous remarquons une
volonté d’intégrer les meubles anciens et nouveaux. Par exemple, les canapés
d’inspiration antiques s’harmonisent avec le système de son (voir fig. 26).
Après l’aménagement des chambres, Louis et Brigitte ont réaménagé
graduellement la salle familiale, le salon, la cuisine et le bureau. Premièrement,
ils ont changé les couleurs des pièces à leur goût. Par exemple, le salon est de
couleur vert foncé. Il est important de préciser que les réaménagements ont été
constants car les nombreuses rénovations nécessitaient un déplacement
périodique des meubles et accessoires de la maison. Comme exemple de ce type
de déplacement, ils ont installé un divan-lit placé près du mur ouest de la salle à
dîner vers une pièce du sous-sol afin de le remplacer par une armoire en bois
antique récemment achetée. À proximité de l’armoire, ils ont laissé une chaise
dans la salle à dîner car ils voulaient conserver les échanges pouvant se faire avec
58
les gens présents dans la cuisine. Dans le salon, outre l’ajout d’un piano il y a
sept ou huit années, ils ont acheté un nouveau divan-lit et ils ont déplacé
récemment la télévision vers la salle de séjour puis l’ordinateur vers le sous-sol
afin d’éliminer une « surdose d’écran cathodique » selon Louis, plus
particulièrement pour son fils qui avait tendance à regarder la télévision tout en
jouant sur l’ordinateur. Aussi, le retrait de la télévision du salon visait à améliorer
la dynamique domestique :
« Louis: (…) pis c’était important de séparer la télé de…
Louis et Brigitte: Notre milieu de vie familial. Louis : On n’est pas de la gang qui va avoir sa TV sur le coin du comptoir de la cuisine, tu sais, la petite TV. Que t’ailles toujours tout ça… Brigitte: On ne veut pas que la TV fasse partie de notre vie. »
6.2.3 La circulation des meubles
Certains meubles proviennent d’échanges plus informels au sein des
différents réseaux que les individus entretiennent (famille, amis, voisinage).
Prenons l’exemple de Monique qui a offert son mobilier de chambre à son fils il y a
quelques années afin de conserver un lien patrimonial. Un objet domestique peut
aussi circuler dans un réseau d’amis. Du côté du couple, ils ont acquis un piano
provenant d’une des amies à Brigitte qui voulait s’en débarrasser car elle
déménageait dans un endroit plus exigu à Montréal. Dès lors, ce piano
appartenant à l’origine à la mère de son amie et originaire de la Gaspésie a été
conservé pendant quelques années. Un peu plus tard, l’amie a décidé de vendre à
prix symbolique ce piano d’une soixantaine d’années au couple afin qu’ils
puissent jouer et, ainsi, utiliser cet instrument de musique lors de
rassemblements familiaux et amicaux. D’autant plus que Louis souhaitait
acquérir un piano car ses parents avaient cet instrument lorsqu’il était plus
jeune.
Pour Pierre, les seuls réaménagements importants réalisés à ce jour ont été
faits lors de l’arrivée de sa deuxième épouse dans leur nouvelle demeure. Depuis
le décès de cette dernière, il confirme n’avoir jamais déplacé des meubles, ce qui
59
sous-entend une indifférence relative face à la volonté de changement jugée
toujours douloureuse car ces objets sont chargés de sens.
6.2.4 La décoration
Le prochain type de réaménagement touche davantage le côté plus
esthétique de l’aménagement domestique, tels que les plantes, la peinture, les
équipements d’éclairage. Le choix des styles et des nuances reflète aussi une
évolution constante du cadre personnel de la maison. Pierre est davantage attiré
par le mobilier d’influence italienne, plus particulièrement les lampes. Il explique
qu’il aime le style moderne que conçoivent les Italiens mais il leur reproche leur
côté peu pratique sur le changement d’une lumière incandescente.
Pour Louis et Brigitte, les nombreuses rénovations ont perturbé un
aménagement esthétique plus satisfaisant de leur univers domestique. Par
conséquent, certaines pièces sont toujours considérées non achevées. Par
exemple, Louis mentionne que la salle de bain ne contient toujours pas de barres
à serviettes. Selon lui, ce n’est pas une priorité (ce sont plutôt des « niaiseries »)
car il aimerait acquérir un accessoire de bonne qualité correspondant à
l’aménagement de la nouvelle salle de bains. C’est la même chose pour la cuisine
qui est temporairement peinte et aménagée et ce, en attendant la rénovation
prévue pour cette pièce. Étant donné certaines rénovations qui ont eu lieu
auparavant, la décoration de certaines pièces est restée en suspens. Lors des
premières années, les fenêtres du salon et de la cuisine n’avaient pas de
draperies. C’est lors du changement des ouvertures qu’ils ont finalement installé
des « stores ». Aussi, pendant environ cinq ans, ils avaient des tableaux ou bien
des peintures qui n’étaient pas accrochés sur les murs du salon et de la salle à
dîner. Ils ont récemment exposé ces tableaux qui étaient entreposés derrière le
piano du salon. Selon lui, « le fait qu’on a commencé à accrocher des tableaux,
c’est un autre symptôme (ou signe) qu’on commence à être chez-nous ».
Pour Monique, elle et son mari ont installé du tapis dans le salon peu après
leur arrivée dans le secteur Maria-Goretti. Aussi, ils ont peint les armoires
60
blanches de la cuisine afin de ramener l’ensemble de cette pièce à couleur « pâle
brunâtre ». Elle collectionne d’une certaine manière un assez grand nombre de
figurines en céramique qu’elle a reçu au fur et à mesure par sa fille à la suite de
ses nombreux voyages à l’extérieur du pays. Elle les déplace graduellement soit
sur des tablettes en face de la fenêtre du salon ou bien dans sa chambre.
6.3 Les choix et critères de l’aménagement domestique
Très souvent, les idées proposées par les spécialistes de l’aménagement
intérieur sont véhiculées soient au moyen de revues spécialisées en décoration
(Décoration Chez-soi, Décormag, etc.) ou bien en rénovation (Les idées de ma
maison, Rénovation Bricolage, etc.) (les titres de ces revues mensuelles sont
parmi les plus courants actuellement au Québec). Mais, les informateurs ont des
motivations d’aménager leur espace domestique d’abord selon leurs goûts et
influences d’ordre personnel et familial. Les entrevues réalisées confirment qu’ils
sont parfois influencés par les tendances en design d’intérieur, plus
particulièrement lors de l’élaboration préliminaire d’un nouvel espace domestique
mais qu’ils ne veulent pas reproduire fidèlement les grandes modes. Même pour
certains, les modes ne sont pas nécessairement la représentation idéale de leur
perception de la beauté.
Pour Monique, la nouveauté est souvent synonyme de laideur et d’inconfort,
plus particulièrement les meubles aux lignes plus modernes. Elle ne néglige pas
du tout une certaine fantaisie dans l’aménagement de ses pièces car certains
meubles ou objets peuvent être aussi beaux et de bonne qualité. Elle souligne
qu’elle « n’est pas obligé(e) de mettre des affaires de l’ancien temps » car elle l’a
« vu en masse », c’est-à-dire qu’elle reste ouverte aux meubles rejoignant une
certaine contemporanéité car elle n’est pas attachée à reproduire des meubles
reproduisant un passé au sens nostalgique et rustique. Ce qu’elle recherche
davantage est de reproduire le confort pour elle ainsi que pour ses invités. Selon
elle, « tous les goûts sont dans la nature. »
61
Du côté de Pierre, le choix de cette maison vient du fait qu’il aime les aires
ouvertes des pièces plus collectives au rez-de-chaussée, en opposition au sous-
sol. Cette disposition favorable des pièces facilite l’accueil des invités lors d’une
réception quelconque :
« (…) J’aime que ça soit ça parce que tu as de l’espace, tu peux recevoir du monde. Tandis qu’un salon, juste un salon, à moins que ça soit une maison très grande pis une grande pièce, tu ne peux pas recevoir bien du monde. Tandis qu’à aire ouverte comme ça, 20 personnes icitte, ça ne paraît pas. Ça va assez bien. (…) »
Généralement, la deuxième épouse de Pierre a été celle qui a décidé de
l’aménagement domestique jusqu’au moment de son décès l’année dernière. Il est
très porté vers le style moderne pour ses formes rectilignes tandis que sa
conjointe, ce sont « les vieilles affaires ». Selon lui, « c’est pour ça qu’elle m’a
marié! ». Cette particularité s’exprime bien par l’achat de ce dernier d’une
reproduction d’un secrétaire en boiserie et que son épouse voulait l’installer vers
le boudoir. Ce qui est le plus douloureux pour Pierre, c’est que ces objets
représentent celle qui est décédée récemment et qu’il est resté attaché aux
souvenirs du couple.
Louis et Brigitte préfèrent aussi les espaces aérés contenant une assez
grande superficie d’occupation ainsi qu’une grande luminosité. Par contre, leur
maison actuelle ne répond pas tout à fait à leurs attentes et ce, malgré plusieurs
rénovations réalisées à ce jour. Cette remarque s’applique davantage à Brigitte
car, depuis qu’elle a recommencé la peinture, elle constate que cette maison n’a
pas suffisamment de lumière et d’espace. De plus, elle aimerait conserver une
plus grande intimité envers la grande fenêtre du salon qu’elle juge trop accessible
au voisinage et à l’extérieur. Tandis que Louis apprécie davantage cette fenêtre
car elle permet l’entrée d’une forte quantité de lumière du jour, plus
particulièrement pour les plantes. Ainsi, il perçoit différemment la relation entre
l’intérieur et l’extérieur, c’est-à-dire qu’ « elle est la personne vue alors que moi, je
suis celui qui regarde. Tout ce qui se passe par la fenêtre, elle a l’impression que
tout le monde peut voir par la fenêtre. » (voir fig. 9)
62
Figure 9- Voici une autre partie du salon de Louis et Brigitte. Nous remarquons la grande fenêtre, deux causeuses ainsi que la partie haute de la chaise berçante.
Chez le couple, les modes sont davantage des concepts (ou des « kits »),
c’est-à-dire qu’elles proposent des clins d’œil ou bien des conseils et qu’elles
peuvent favoriser certaines idées d’aménagement pour leur chez-soi. Ainsi, les
critères principaux sont la beauté ainsi que la pérennité. Ils consultent peu les
revues spécialisées en décoration mais lorsqu’ils ont en possession un
exemplaire, ils vont consulter afin de comparer certaines tendances à leurs
intentions esthétiques. Tout de même, la beauté est en soi relative, c’est-à-dire
que le couple peut à la fois apprécier un objet avec un design plus moderne ainsi
qu’un autre objet aux « matériaux plus nobles, tel que le bois ». Même si certains
meubles réfèrent au passé par son style classique, ils considèrent qu’ils n’ont pas
peur de l’audace. Ainsi, ils choisissent des objets et accessoires qu’ils considèrent
les plus beaux et les plus représentatifs de leur espace domestique. Ce qu’ils
reprochent le plus dans les tendances, c’est la propension de certains ménages à
vouloir transformer leur univers domestique selon les tendances en cours :
« Louis : Ils y en ont qui veut des couleurs pastel ou bien le monde qui va aller magasiner les tableaux pour qu’ils aient avec les couleurs du divan. Ça, c’est aberrant. Brigitte : Si tu veux un tableau, un impressionniste, tu as beau pis je vais trouver une abstraction belle. Ça dépend… Louis : C’est ça. Si on trouve un tableau qui est beau, on va le trouver beau parce qu’il est beau. On ne dirait pas : « Ah! Ça serait beau dans notre salon! ». On va arriver avec le tableau pis on se dit : « Où on le met? C’est où qui va paraître le plus? »… Les couleurs
63
pastel, les petits rideaux pareils, les couleurs de la mode, on n’est pas là-dedans. Enquêteur : Donc, tous les éléments s’imbriquent… Louis : C’est ça. Pis, un moment donné, je ne sais pas si on peut utiliser ce mot-là, ça fait comme une synergie des éléments, un mariage ou bien d’autre chose… les objets… C’est une déformation scientifique (ou professionnelle) (Rires). »
6.4 Les changements familiaux depuis l’achat de la maison
Chaque maison évolue aussi selon la composition du ménage à différentes
périodes d’occupation. Certaines situations peuvent favoriser des transformations
d’ordre architectural, esthétique, social ainsi que culturel dans l’espace
domestique. Dans chacun des trois cas étudiés pour le projet de mémoire, il est
arrivé au moins un événement marquant qui a pu perturber la vie quotidienne.
Pour Monique et Pierre, c’est le décès respectif de l’autre moitié qui a bouleversé
leur milieu domestique. Ainsi, leur espace domestique est réduit en un milieu
vécu et entretenu quotidiennement par une seule personne. Si pour Monique, le
décès de son mari remonte à plus de dix ans, Pierre vit toujours le deuil de la
mort de sa deuxième conjointe l’année dernière. Fait à noter, la fille de Monique a
demeuré quelque moment chez ses parents car au cours de la visite de la
propriété, Monique m’a montré l’une des chambres de la maison comme étant
celle de sa fille. Du côté du couple, la fille de Brigitte a quitté récemment leur
maison afin de poursuivre ses études. Malgré un impact important sur
l’aménagement domestique, ils soulignent qu’elle vient souvent faire un tour chez
eux.
7. Les espaces communs
Voici la partie qui permet d’identifier les pièces jugées sociales ou
collectives par les informateurs rencontrés, c’est-à-dire les lieux de la maison
servant à plus d’une personne. Cette partie reflète davantage l’espace physique
des pièces que l’espace humain qui sera développé davantage lors de l’analyse des
pratiques domestiques contenues dans ces mêmes pièces. Nous allons décrire
l’organisation des pièces au moment de la collecte de données. Nous inclurons le
64
rôle et la représentation des pièces selon les témoignages véhiculés par les
informateurs au cours des entrevues. Au cours de cette partie du chapitre, nous
retrouvons les croquis résumant l’organisation matérielle du milieu domestique
des trois maisons étudiées.
7.1 La cuisine
Cette pièce est située dans la partie arrière de la maison, plus
particulièrement derrière le salon. Tout comme l’ensemble des gens, les
informateurs considèrent cette pièce comme une pièce nécessaire à la préparation
et à la cuisson des aliments ainsi qu’au nettoyage des équipements et accessoires
de cuisine en cas d’utilisation. Par extension, le rôle de la cuisine sert aussi aux
rassemblements familiaux et sociaux. Dans le cas de Brigitte, la cuisine est
l’espace dans lequel les Québécois vivent le plus, c’est-à-dire que, comme eux, ils
ont « ça dans le sang ». Selon Louis, c’est un phénomène vraiment culturel (« c’est
là que ça se passait! ») et il l’explique par le fait qu’ils sont tombés dedans quand
ils étaient plus jeunes. Du côté de Monique, la cuisine inclut aussi la table munie
de six chaises afin de bien recevoir les membres de sa famille ainsi que les
visiteurs. En ce qui concerne Pierre, la cuisine n’est pas un espace de réception
mais plutôt le reflet d’une efficacité ergonomique car elle est conçue de façon
laboratoire, c’est-à-dire que les équipements sont à portée de la main lors de la
préparation ainsi que la cuisson des aliments. Pierre n’aime pas les grandes
cuisines car il considère l’espace de travail servant à la préparation des repas trop
grand à son goût. En opposition à la cuisine dite « traditionnelle », la cuisine-
laboratoire est reconnue pour sa superficie réduite et son aménagement compact.
Ce type de cuisine est reconnu pour être plus ergonomique au niveau de la
préparation des repas mais plus difficile à contenir plus d’une personne à la fois
car l’espace est trop restreint.
65
Figures 10 et 11- L’aménagement autour du comptoir de cuisine de Monique.
La cuisine de Monique est la seule parmi les personnes interrogées qui
inclut la partie salle à dîner dans cette pièce fermée. Outre la table ovale ainsi que
les six chaises situées dans la partie sud-est de la cuisine, une grande armoire
munie d’une grande porte sert à entreposer des conserves ainsi que des aliments
secs (voir fig. 10) Lors de leur installation, cette grande armoire avait une petite
fenêtre rectangulaire à l’intérieur afin de conserver certains aliments plus au
frais, comparable à une chambre froide. Ils ont rajouté quelques tablettes dans
cet espace afin d’ajouter d’autres espaces de rangement. Les murs est et nord de
la cuisine sont entourés de tiroirs et d’armoires contenant de multiples objets de
cuisine ou bien des souvenirs de voyage, telles que des assiettes ovales de type
décoratif entreposées dans les plus hautes tablettes. Au nord de l’évier ainsi que
de la fenêtre de la partie est de la cuisine, une petite télévision est installée en
diagonale. Par la suite, sur le comptoir de la partie nord de cette pièce, quelques
pots sont présents près de la cuisinière ainsi que de la hotte au-dessus de celle-
ci. À côté de la cuisinière, un réfrigérateur est installé (voir fig. 11). À proximité
du demi-mur de la partie ouest de la cuisine, un équipement ancien de couture
de type Singer est installé près d’un petit meuble contenant le téléphone (voir fig.
12). La machine à coudre provient d’un achat d’une valeur de « cinq piastres » de
sa grand-mère lorsque Monique fonda sa famille.
66
Figure 12- Cette machine à coudre de Monique est devenue un objet de souvenir et elle est maintenant intégrée dans la cuisine.
Les autres cuisines des maisons étudiées diffèrent de la précédente car
l’espace de consommation des aliments est séparé de celle-ci, c’est-à-dire que la
majorité des repas se déroule dans la salle à dîner. La situation transitoire de la
cuisine de Louis et de Brigitte rend la description plus difficile, d’autant plus
qu’une légère désorganisation existait lors de l’entretien. Cette pièce mesure 12
pieds du nord au sud par 20 pieds d’est en ouest. Ils ont très peu décrit cette
pièce, sauf la présence des armoires noires au-dessus du réfrigérateur. Situées
dans la partie nord de la cuisine, les armoires sont considérées comme les
derniers « vestiges » de l’ancienne version de la maison par le couple interrogé car
elles sont les seuls éléments architecturaux datant à la construction de leur
maison (voir fig. 13).
Figure 13- Ces armoires de
cuisine sont considérées par Louis et Brigitte comme les dernières traces d’une représentation d’une vie domestique passée.
67
Du côté de Pierre, la superficie de la cuisine-laboratoire est très réduite
(neuf pieds carrés) et elle a été organisée de façon qu’une seule personne soit
présente à chaque fois, donc elle n’est pas destinée à un usage collectif. Par
contre, les espaces de rangement, c’est-à-dire les tiroirs et les armoires, sont
nombreux et proches de l’aire de travail. En entrant dans cette cuisine, à gauche
de l’accès, un réfrigérateur est encastré autour d’armoires. Dans la partie est à
aire ouverte, quelques armoires sont suspendues et un four à convection de
marque Jenn-Air est encastré en-dessous du comptoir (voir fig. 14). Il apprécie cet
équipement car il peut ainsi faire du barbecue intérieur tout ventilant l’espace de
cuisson en moins de dix minutes. Pierre relate une petite anecdote entourant la
négociation de la cuisinière dans l’achat de la maison en 1985 :
« (…) Le gars-là, quand je l’ai acheté, il dit : « Ce poêle-là, il vaut 3800 piastres! » Il venait de l’installer, il voulait le vendre à part. Je lui ait dit : « Apporte-les, va t’en avec! » (Rires) Mais, il ne peut pas s’en aller avec parce qu’il est pris dans le plancher. (…) »
Figure 14- Une partie de la cuisine-laboratoire de Pierre incluant le four à convection de marque Jenn-Air.
La cuisine-laboratoire de Pierre possède les équipements électroménagers
les plus couramment utilisés dans les différentes cuisines et chacun de ces
équipements a été remplacé depuis son installation à Charlesbourg : le
réfrigérateur, le lave-vaisselle et le micro-ondes. En-dessous des armoires
suspendues dans la partie ouest de la cuisine, il y a un comptoir contenant
68
d’autres armoires, un lave-vaisselle encastré ainsi qu’une surface de
consommation d’aliments vers la salle à dîner.
7.2 La salle à dîner
Terme francisé du « dining room » américain (Corbeil : 1992, 195), c’est le
prolongement de la cuisine mais cette pièce sert davantage à la réception des
invités ainsi qu’à la consommation des aliments. Le mobilier associé à la salle à
dîner tourne autour de la table de cuisine qui est située au centre de la pièce. Par
conséquent, en comparaison avec la cuisine, la salle à dîner joue un rôle plus
collectif pour les activités entourant les repas. Pierre ainsi que le couple ont une
pièce définie à cette fin et elle est située à l’ouest de la cuisine ainsi que vers le
centre de la partie arrière de l’habitation. De plus, ces deux espaces contiennent
un accès large et vitré vers la cour arrière, c’est-à-dire une porte-patio. Si la salle
à dîner sert davantage aux activités d’échanges familiales chez Louis et de
Brigitte, Pierre semble utiliser cette pièce pour des réceptions d’ordre social. Ainsi,
la table de Pierre peut s’agrandir afin d’accueillir jusqu’à vingt invités.
La salle à dîner de Louis et de Brigitte peut être considérée comme un
espace plus achevé que la cuisine. D’une grandeur similaire à la cuisine,
l’observation principale du couple sur cette pièce est son caractère très éclairé par
ses trois ouvertures sur le mur sud de la salle à dîner ainsi que sa situation
géographique favorable (regard vers le sud) à l’ensoleillement, plus
particulièrement lors de la période hivernale. Ainsi, ils ont une vue fort agréable
de la cour arrière, des changements de couleur des arbres et du centre-ville de
Québec. Dans cette pièce donnant un accès direct au salon et à la cuisine, près
d’une table reposant sur des tréteaux, une armoire d’inspiration antique servant
comme vaisselier occupe la partie sud-ouest et ce, près d’une chaise rembourrée.
Devant la table de la salle à dîner, reliant cette pièce au salon, une berceuse à
arche datant d’une époque plus ancienne est installée en attendant d’être
rafraîchie sous peu par Brigitte. Cette chaise berçante a été héritée des parents de
cette dernière.
69
En ce qui concerne Pierre, nous avons déjà noté le comptoir de la cuisine
occupant une partie de cette pièce mesurant 12 pieds par 17 pieds et servant
maintenant comme espace de travail (voir fig. 15). L’objet central de la salle à
dîner est la table aux lignes modernes et en teck (une essence de bois très
recherchée par sa qualité et sa durabilité) (voir fig. 18). Cette table fait partie d’un
ensemble de salle à manger donc le bahut sur la partie ouest de la pièce. Selon
l’acheteur à la retraite, chaque chaise de cette table achetée il y a vingt ans vaut
environ 250 dollars à l’heure actuelle. Comme vous pouvez le constater, les
marques et la valeur des biens occupant son espace domestique semblent
compter dans la description de Pierre. Une lampe halogène italienne de forme
rectiligne est suspendue au-dessus de la table de teck (voir fig. 19). Au-dessus du
bahut, il précise que les figurines de céramique sont de marque Dao et elles
proviennent d’Espagne (voir fig. 20). Il souligne aussi qu’une de ses figurines, la
golfeuse, vaut près de mille dollars. Au moment de l’entretien, Pierre conserve ces
figurines non pas comme collectionneur mais en souvenir de sa deuxième épouse
qui affectionnait ces objets. Fait à noter, quelques cadres photographiques
représentent sa conjointe récemment décédée (voir fig. 16 et 17). Comme autre
exemple, près du fauteuil de cuir du salon, un petit tabouret pouvant servir à la
consommation d’aliments devant la télévision est aussi utilisé comme surface de
commémoration envers sa deuxième épouse; un œillet et une petite chandelle
reposent sur ce tabouret (voir fig. 17).
Figure 15- Le comptoir de Pierre s’est transformé en espace de travail depuis le décès de sa deuxième épouse.
70
Figure 16 (à gauche)- Voici la salle à dîner ainsi que la partie nord-est du salon de Pierre. Nous remarquons plusieurs photographies de sa défunte épouse autour du bahut de la salle à dîner. Figure 17 (à droite)- L’aménagement au-dessus du tabouret du salon fait penser à un aménagement comparable à un salon funéraire.
Figure 18 à 20- Voici trois des objets jugés de grande valeur monétaire par Pierre : la table en teck à gauche, la lampe suspendue au centre et les figurines de céramique Dao à droite.
7.3 Le salon
Le salon est situé généralement dans la partie avant de la maison. Lors des
entrevues réalisées, nous avons observé que cette pièce mène à l’extérieur sur
l’avant de la rue. Sur les trois maisons étudiées, le salon est localisé près du côté
gauche de la maison au rez-de-chaussée. Le rôle attribué au salon par les
informateurs est celui de rassemblement ainsi que de détente. Chaque salon
observé contient au moins un canapé27, quelques fauteuils ainsi qu’une très
27 Un canapé désigne les meubles contenant deux ou trois places. Au sens populaire, un
canapé est synonyme de « divan ». Le canapé est en opposition au terme « fauteuil ou chaise » qui signifie une seule place.
71
grande fenêtre. Le salon n’est pas la seule pièce de détente car d’autres pièces
peuvent servir aussi à cette fin, telle que la salle de séjour, mais il demeure la
pièce principale de détente et de divertissement dans l’espace collectif.
Chez Monique, le salon mesure environ quinze pieds de large et vingt pieds
de long. Elle considère cette pièce assez grande à son goût et elle a eu beaucoup
de difficultés à décrire le salon. Lors de la description de cette pièce par Monique,
sur la partie nord, la pièce contient un canapé à trois places ainsi qu’une petite
table munie d’une lampe sur pied à l’est (voir fig. 21). Au-dessus du canapé, une
peinture représentant Québec l’époque de la Conquête anglaise. Au coin nord-est,
il y a un meuble vitré contenant des objets décoratifs. Dans la partie est du salon,
nous retrouvons un fauteuil ainsi qu’une peinture reproduisant une danse
espagnole. Les deux gros tableaux du salon proviennent d’un de ses oncles qui a
déjà été peintre. Au coin du mur sud-est, nous retrouvons la télévision acquise il
y a trois années (voir fig. 22). Sur la partie sud du salon, une grande fenêtre
revêtue de draperies, un meuble de trois tablettes contenant les figurines de
céramique offertes par sa fille, un pot de fleurs reposant sur un trépied de bois
ainsi qu’une commode (voir fig. 23). Il y a aussi deux berceuses à billes installées
côte à côte, dont l’une d’entre elles est agrémentée d’un repose-pied en tissu, face
à la télévision. Près de la porte d’entrée principale, sur le mur ouest du salon, un
miroir aux bordures dorées est installé au-dessus d’un petit meuble de bois sur
lequel reposent des objets de céramique blanche. Au-dessus de l’interrupteur,
une nature-morte de forme ovale réalisée par son filleul est accrochée (voir fig.
24). Au nord du miroir, une bibliothèque de cinq tablettes est installée par elle
depuis l’achat de cette maison. En terminant, une table basse de forme
rectangulaire est située au centre du salon. (voir plan #1, page 72)
72
N
Plan #1- Monique
Rez-de-chaussée
Échelle approximative 1:10
73
Figures 21 à 23- Photographies de l’aménagement domestique du salon de Monique.
Figure 24 (à gauche)- L’aménagement autour du miroir près de l’entrée principale chez Monique. Figure 25 (à droite)- L’un des divans du salon de Pierre.
74
Selon Pierre, le salon mesure environ 22 pieds par 15 pieds. Il juge cette
pièce plutôt petite, s’il considérait les limites des anciens murs. Un foyer en fonte
avec une vitre au-dessus est installé en angles dans la partie nord-est du salon.
Près du mur à l’est du salon, il y a deux bibliothèques mobiles. Sur ces
bibliothèques, il y a une télévision, quelques équipements électroniques, des
livres, de la coutellerie ainsi que quelques vases d’inspiration grecque au-dessus
du mobilier. Fait à noter, le foyer ainsi que les bibliothèques reposent sur une
marche faite auparavant par l’ancien propriétaire et refait par Pierre avec la même
céramique de la cuisine. Près de la grande fenêtre, la partie nord contient un
fauteuil plus ancien de cuir souple noir à deux places. Près de la porte d’entrée
avant, une chaise en osier est installée. Devant le mur ouest du salon, qui est
vitré, un autre fauteuil plus récent à deux places de tissus sert entre autres de
reposoir pour l’un de ses deux chats (voir fig. 25). Aussi, un fauteuil flexible de
cuir souple noir et accompagné un repose-pied est situé près du mur sud du
salon. En terminant, sur ce dernier mur, il me montre un tableau de Normand
Hudon ayant peint L’arrêt raté d’Oscar qu’il a acheté il y a sept ou huit années.
Selon lui, cette peinture à valeur sentimentale a aussi une valeur monétaire de
plus en plus considérable et ce, depuis le décès récent de ce peintre québécois.
Du côté de Louis et de Brigitte, la superficie du salon représente la moitié
de la longueur ainsi que la moitié de la largeur de leur maison. Selon Louis,
l’élément le plus important de cette pièce est le regard du coucher du soleil par la
grande fenêtre munie de stores horizontaux. Depuis le déplacement de la
télévision vers la salle de séjour au sous-sol, le piano situé sur le mur est devenu
l’objet central du salon lors des activités à caractère collectif. Il sert même pour
l’utilisation d’une mini-chaîne stéréophonique (voir fig. 26). Dans la partie sud de
cette pièce, nous retrouvons un divan-lit de style antique acheté il y a un peu
plus d’un an. Une chaise rembourrée de cuir est installée au coin nord-est de la
pièce ainsi qu’un fauteuil à deux places en face du mur ouest. Nous ajoutons une
table de bois entre la grande fenêtre et l’entrée principale ainsi qu’une carpette
en-dessous d’un repose-pied au centre du salon (voir plan #4, page 75).
75
Plan #4- Louis et Brigitte
Rez-de-chaussée
Échelle approximative 1:10
N
76
Figure 26- Le retour du piano chez Louis et Brigitte. Nous remarquons un contraste entre les meubles anciens et les équipements récents, telle que l’installation de la mini-chaîne stéréophonique sur le piano.
7.4 Le boudoir
Voici une autre pièce identifiée par les informateurs interrogés. Si à
l’origine le boudoir était une sorte d’antichambre28, cette pièce révèle aujourd’hui
une multitude de rôles attribués. Chez Monique, c’est davantage une autre
chambre à coucher qui peut servir afin d’accommoder un invité. Du côté de
Pierre, son boudoir sert à deux usages: pour recevoir des invités (et non ses
enfants qui ont un espace réservé au sous-sol) ainsi que pour travailler ou bien
entreposer quelques équipements. Le nouveau boudoir du sous-sol de Louis et de
Brigitte a trois usages spécifiques. Premièrement, il sert de lieu d’entreposage de
livres ainsi que de lecture, c’est-à-dire comme une bibliothèque « confortable ».
Deuxièmement, dans certains cas, il peut servir d’espace de type bureau;
l’ordinateur personnel est parfois utilisé pour le travail. Finalement, à certains
moments, lorsqu’un grand nombre de personnes couchent chez eux, ils
transforment le divan-lit du boudoir en lit temporaire.
Monique précise un peu plus tard que le boudoir est aussi une forme de
salon en plus multifonctionnel. Cette petite pièce aurait été vraisemblablement
utilisée comme chambre par les anciens propriétaires. Maintenant, la garde-robe
à gauche de l’accès au boudoir ne sert plus à entreposer des vêtements mais à
28 Le boudoir est défini comme un salon élégant pour dame et cette pièce était aussi servie de
lieu d’habillage pour les personnes de ce sexe (Rybczynski : 1989, 98).
77
entreposer « de toutes sortes d’affaires », dont l’aspirateur, la planche à repasser
et l’escabeau. Nous retrouvons dans le boudoir de Monique des meubles usagés
ayant été utilisés dans les pièces plus importantes de la maison, plus
particulièrement le salon. Entre autres, c’est le cas de l’ancien ensemble de salon
acheté il y a une soixantaine d’années ainsi qu’une chaise berçante dans la partie
sud-ouest ainsi qu’un petit meuble sur lequel repose la mini-chaîne
stéréophonique près du mur est. Lors de l’entretien, le boudoir contenait
quelques vêtements pliés sur les fauteuils afin qu’ils soient rangés dans la
chambre de Monique (voir fig. 27).
Figure 27- Une chaise berçante rembourrée du boudoir de Monique sert aussi de support pour le rangement des vêtements.
Chez Louis et Brigitte, l’installation du boudoir-bureau est récente. Lors de
l’entrevue, cet espace situé au sous-sol est aménagé depuis six mois, à la suite de
l’achat d’un nouveau divan-lit ainsi que le déplacement du bureau et de
l’ordinateur. Cette pièce aurait été utilisée comme chambre d’appoint lors de
l’occupation de cette maison par les anciens propriétaires.
78
Du côté de Pierre, le boudoir du rez-de-chaussée est aussi une ancienne
chambre. Dans cette pièce, outre quelques accessoires domestiques, tel que
l’aspirateur, un secrétaire acheté chez un antiquaire à Laurier-Station, un banc
en babiche et un divan-lit sont installés. Au cours d’une visite au sous-sol, cet
informateur précise qu’une chambre d’amis est présente au-dessous du salon du
rez-de-chaussée. Au cours des dernières années, cette pièce contenant des lits est
devenue un lieu d’entreposage des nombreux objets peu ou pas utilisés par
Pierre. Lorsque ses enfants viennent coucher chez lui, ils utilisent cette chambre
ainsi qu’une pièce multifonctionnelle servant à la fois comme salle de lavage et
comme cuisine d’appoint, incluant une cuisinière plus âgée. En quelque sorte,
cette partie du sous-sol devient une forme d’appartement temporaire pour ses
enfants.
7.5 La salle de séjour
Le terme « salle familiale » est aussi une salle de séjour aménagée plus
particulièrement au sous-sol et il remplace présentement les termes utilisés au
cours des années 1970, soit la « salle de jeux » (Pierre), la salle pour les enfants ou
bien la « pièce du sous-sol ». Voici un autre exemple d’une pièce ayant des usages
différents selon les personnes rencontrées. Seule Monique n’a pas mentionné la
présence de cet espace collectif. Chez les deux autres habitations, cette pièce est
située au sous-sol. Pour Pierre, cette pièce s’intitule le bar. Chez Louis et Brigitte,
c’est la salle de séjour et de télévision. Pour eux, cette pièce permet de séparer la
télévision du milieu de vie familial au rez-de-chaussée. Aussi, lorsque cette pièce
sera officiellement terminée, elle deviendra un espace de détente et d’intimité
familiaux et ce, au moyen d’un objet central : le téléviseur. Du côté de Pierre, le
bar a servi auparavant lors de la réception de ses « chums » de travail.
Aujourd’hui, cette pièce a perdu sa vocation d’antan et le bar est devenu un autre
espace de débarras (voir plan #3, page 80).
La salle de séjour de Louis et de Brigitte a une superficie légèrement plus
grande que celle de la cuisine ou bien de la salle à dîner. Cette grande pièce sera
recouverte sous peu d’un plancher de noyer verni. Face au mur ouest de la salle
79
de séjour, dans lequel donne accès à une pièce contenant des équipements
mécaniques (système de chauffage et de ventilation), nous retrouvons la
télévision. Devant cet appareil, un canapé ainsi qu’une chaise ont été achetés
l’été précédant la collecte de données. Lors de l’entrevue, une partie de l’espace
servait à l’entreposage des matériaux en vue de l’installation du plancher de bois
franc. Au centre du mur sud de la salle de télévision, nous observons une vieille
malle29 de couleur brune et qui est entouré de façon anachronique de
télécommandes, de cassettes vidéo ainsi que d’un module de jeux vidéo (voir fig.
28). Cette remarque mérite d’être mentionnée car selon les dires de Louis, ils ont
« complètement acheté des nouveaux meubles pour en bas ». Donc, la malle est
l’exception au sein des meubles récents composant leur salle de séjour (voir plan
#5, page 81).
Du côté du bar de Pierre, c’est une grande pièce d’environ 16 pieds d’est en
ouest et de la largeur totale intérieure de la maison. Cet espace aux murs en
préfinis est plutôt dénudé de mobilier dans la partie Sud. Auparavant, le bar avait
des tables ainsi que des fauteuils. Il s’est débarrassé de ces meubles car il
n’utilise plus cette pièce, d’autant plus qu’il déteste vivre dans un sous-sol jugé
trop sombre. C’est aussi pour cette raison qu’il a condamné le foyer près de la
pièce du bar. Le terme employé par Pierre pour désigner cette pièce sous-entend
la présence d’un comptoir contenant les équipements tournant autour de la
consommation d’alcools. En effet, ce comptoir existe toujours et nous retrouvons
un lavabo, un mur partiellement vitré, quelques tablettes de rangement ainsi que
des objets dont Pierre veut se débarrasser sous peu (voir fig. 29). Dans la partie
est du comptoir, il a déjà eu une chaîne stéréophonique encastrée. Entre autres,
Pierre se rappelle qu’il avait des haut-parleurs à l’extérieur de la maison.
29 La malle est un coffre de grandes dimensions qui a été souvent utilisé lors des voyages (Le
Petie Robert : 1994, 1337).
80
Plan #3- Pierre
Sous-sol
Échelle approximative 1:10
N
81
Plan #5- Louis et Brigitte
Sous-sol
Échelle approximative 1:10
N
82
Figure 28- Voici un autre exemple de la rencontre d’un objet considéré plus traditionnel (la malle) et des équipements modernes (cassettes vidéo, télécommandes, console de jeux).
Figure 29- Le comptoir du bar de Pierre est devenu un espace de rangement pour certains équipements retirés du milieu de vie domestique.
8. Des pratiques domestiques
Cette section des résultats d’enquête révèle les différents gestes quotidiens
et domestiques dans les pièces collectives des personnes interrogées, c’est-à-dire
les activités courantes ou sporadiques pouvant survenir dans l’un des espaces
communs mentionnés auparavant. Afin de faciliter la compilation des différentes
activités identifiées par les informateurs, nous avons d’abord séparé celles-ci
selon les types de relations visées, qu’ils soient individuels, familiaux et sociaux.
En deuxième lieu, sur chaque relation entretenue d’une pratique domestique,
nous avons divisé en quatre catégories la ou les intentions véhiculées par les
informateurs sur les différents gestes afin d’illustrer la répartition de ces usages
par rapport à l’espace collectif visé. Premièrement, la catégorie de la
consommation alimentaire relate les activités quotidiennes concernant la période
de repas ou bien la consommation d’alcools. Ensuite, c’est la catégorie de la
83
détente ou bien du divertissement de certains des membres du ménage. Puis, la
catégorie entourant les activités de travail rejoint davantage les tâches
quotidiennes tels que l’entretien ménager, le lavage, le télétravail ou bien les
rénovations. Dernièrement, les pratiques entourant la réception concernent les
types d’activités d’accueil et d’hospitalité envers les personnes non-membres du
ménage. Sur chacun des types relationnels de pratiques domestiques, nous
allons dégager les catégories de pratiques les plus identifiées par les informateurs
et ce, en corrélation avec la ou les pièces collectives associées à ces activités. C’est
dans cette partie que nous utiliserons aussi une compilation plus quantitative,
c’est-à-dire l’illustration par le logiciel Nvivo du nombre de passages codifiés des
pratiques domestiques sur les catégories de chaque relation entretenue autour de
ces pratiques. (voir aussi tab. 30)
Tableau 30- Pratiques domestiques et types de relations dans les pièces sociales
Pratiques Consommation Détente Réception Travail Total
Types
Individuelles 12 24 2 17 55
Familiales 9 18 15 6 48
Sociales 17 8 43 0 68
Total 38 50 60 23 171
8.1 Des pratiques individuelles
Ces types de pratiques sont les activités réalisées seulement par un
individu du ménage. L’intérêt porté envers ce premier type de pratiques
domestiques vient du fait que les pièces étudiées ne sont pas vouées
exclusivement à un usage collectif. Parfois, une activité peut être pratiquée par
plus d’un membre du ménage mais son usage et son moment d’utilisation sont
d’ordre solitaire et isolé, plus particulièrement avec une intention de détente (voir
tab. 31). Les autres activités concernent le travail avec 17 passages et une
douzaine d’entre elles, les pratiques individuelles de consommation. Les activités
individuelles liées à la réception sont quasiment inexistantes, c’est-à-dire deux
84
citations ont été répertoriées seulement. Les 24 citations identifiées nous
ramènent très souvent l’usage de la télévision parmi les activités quotidiennes
individuelles. Si chez Monique, les pratiques individuelles sont davantage un
milieu de vie domestique axé sur le travail, la détente et la consommation
prennent beaucoup d’importance autant chez Pierre que chez le couple interrogé.
Chez Louis et Brigitte, l’utilisation du téléviseur dans la salle de séjour est plus
isolée par rapport aux activités des autres membres du ménage. Éventuellement,
il soutient que la salle de séjour au sous-sol pourrait servir d’espace privé pour
leur adolescent, c’est-à-dire comme une forme d’appartement. Ainsi, leur fils
vaquerait à ses activités autour de sa chambre et il pourrait y recevoir ses amis.
Aussi, il souligne que son fils apprécie davantage l’utilisation de la console vidéo
de type Nintendo lors de ses passe-temps individuels plutôt que les activités à
connotation sociale. L’aménagement du boudoir-bureau du sous-sol chez le
couple il y a six mois favorise l’emploi plus individuel de l’ordinateur, que ce soit
pour le travail de Louis ou bien à titre ludique chez les autres membres du
ménage, comparativement à son ancien emplacement dans un espace plus
collectif, soit le salon. L’achat récent d’un divan-lit dans cette pièce a permis
d’être utilisé à la fois comme lieu de lecture individuelle ainsi que comme lieu de
sieste. Comme autres activités d’ordre individuel, Brigitte pratique de plus en plus
la peinture au salon et parfois, un membre de la famille pianote sur l’instrument
installé dans cette même pièce.
Tableau 31- Répartition des informateurs sur les pratiques individuelles
Pratiques Consommation Détente Réception Travail Total
Informateurs
Monique 2 4 0 11 17
Pierre 8 8 0 2 18
Louis et Brigitte 2 12 2 4 20
Total 12 24 2 17 55
En ce qui concerne les autres catégories d’activités domestiques chez Louis
et Brigitte, les rénovations font partie des tâches reliées au travail, même qu’elles
85
sont considérées par Louis comme un passe-temps, comparable au bricolage. Il
explique les motivations sous-jacentes au bricolage, même si certaines
rénovations sont apparues de façon contraignante :
« C’est le fun le samedi matin quand ça sent le bran de scie. C’est toujours gratifiant de construire. J’ai mis tellement de temps à démolir. C’est ça quand tu refais, tu vois que ça aboutit à quelque chose. C’est un gros passe-temps. Ah! J’aime ça. Il y a des choses que je fais dans le neuf, tu arrives à poser la céramique. C’est ça, c’est ça! Dès que tu poses la céramique, que tu poses un plancher de bois franc qui est verni, quand tu as fini, c’est fini, c’est
impeccable. Tu as des résultats… »
Les autres activités liées au travail partagées par le couple sont la
préparation des repas, le ménage ainsi que le lavage et ce, de façon solitaire.
Pour Pierre, compte tenu de son nouveau statut de veuf, ses activités
quotidiennes sont maintenant de nature plus individuelle qu’auparavant.
Certains passages révèlent une plus forte propension vers des activités
individuelles à l’extérieur, tels que la consommation d’un repas dans un
restaurant. Par contre, il aime bien préparer des repas (ou faire de la popote) dans
la cuisine-laboratoire au cours de la journée. Selon lui, cette passion quotidienne
est née au cours de son enfance. Nous observerons aussi la façon dont les
parents de Pierre vivaient à cette époque:
« (…) Ma mère, tout ce qu’elle faisait, c’était la cuisine. Pis, j’étais jeune, je m’accrochais à sa jupe pis je la regardais faire. Pis, à tous les vendredis, elle prenait un taxi pis elle allait se faire coiffer chez la coiffeuse. Le vendredi, le samedi pis le dimanche, ils étaient partis. Nous autres, on avait une bonne pour prendre bien soin de
nous autres. Ah oui! Ma mère et mon père ont voyagé, ils étaient toujours partis. Ma mère disait qu’elle élève les enfants pour les autres. Mes parents étaient pas mal spéciaux. (Rires). Au moins, ils ont vécu ensemble. »
Au début de l’entretien, la télévision ainsi que les radios étaient allumées
un peu partout sur certaines pièces du rez-de-chaussée. Selon Pierre, ce type de
divertissement lui fournit une forme de distraction; il peut à la fois écouter la
86
musique à la radio et regarder certaines émissions à la télévision, plus
particulièrement celles qui touchent les sports des chaînes américaines. Entre
autres, il se rappelle lorsque la première télévision est entrée chez lui au milieu
des années 1950. Dès lors, c’est devenu un phénomène social car sa famille ainsi
que certains membres de son entourage écoutaient les émissions de la société
Radio-Canada. Il mentionne aussi que le quartier devenait drôlement tranquille,
plus particulièrement lors de la lutte du mercredi soir ainsi que la Soirée du
hockey le samedi soir.
À chaque matinée, Pierre passe une bonne partie de sa journée dans la
salle de bain afin de faire sa toilette. Faisons une petite parenthèse sur la relation
privilégiée entretenue par Pierre avec la salle de bains, sa pièce préférée. Nous
avons mentionné auparavant qu’il aime les grandes salles de bains et que celle-ci
n’est pas la représentation idéale car elle est trop petite. Il apprécie la salle de
bain pour la sensation de l’eau sur son corps, les accessoires de décoration, les
chandelles, les miroirs ainsi que le comptoir. Depuis qu’il est à la retraite, il aime
passer des longs moments dans cette pièce, comme dans sa chambre à coucher
contenant une télévision. Pierre nous a relaté un souvenir qui explique son amour
pour les grandes salles de bains :
« (…) Mes parents avaient une chambre de bains de 12 par 15 (pieds) (…) La salle de lavage était là aussi. Il y avait un bain tourbillon. Ça fait longtemps de ça! Il y avait un bidet. Mes parents avaient tout ça. Pis là, on avait un grand comptoir. Ils avaient quatre lavabos parce qu’on était cinq… »
Pierre aime aussi lire des romans d’aventure ainsi que des biographies et
ce, de façon sporadique. Il peut être des mois sans lire et dans certains cas, il ne
fait que lire plusieurs journées consécutives et ce, de neuf heures du soir vers
deux ou trois heures du matin. Cette activité de lecture se déroule soit dans le
salon, soit dans sa chambre. Malgré l’heure tardive de coucher à certains
moments, il a pris l’habitude de se réveiller comme à l’époque où il travaillait au
gouvernement provincial, c’est-à-dire vers cinq heures du matin. Pierre réserve
aussi une à deux heures par jour à la rédaction d’un journal de bord.
87
En ce qui concerne Monique, la majorité des activités quotidiennes se
déroule dans son milieu domestique. Tout comme Pierre, le décès de son mari a
engendré une plus forte concentration de pratiques individuelles. Peu après son
réveil, elle fait son lit puis elle se prépare dans sa salle de bain « pour ne pas faire
peur à tout le monde (à l’extérieur de chez-elle) ». Elle n’a jamais déjeuné le
matin, donc les seuls repas de la journée sont le dîner et le souper. Certains
matins, Monique fait quelques tâches domestiques axées sur le travail, c’est-à-
dire le lavage au sous-sol et le ménage. Lorsqu’elle fait un ménage « normal »,
Monique époussette hebdomadairement les meubles et accessoires sur lesquels la
poussière repose et elle passe l’aspirateur lorsqu’elle considère les planchers
suffisamment sales. Dans le cas de l’aspirateur, elle précise qu’elle peut parfois
attendre à l’autre semaine. Généralement, elle n’a pas une journée préparée à
l’avance; c’est plutôt l’état de sa santé, plus particulièrement les problèmes de
motricité avec ses jambes, qui définit les moments consacrés aux tâches
ménagères. De plus, si elle prévoit faire du lavage ou bien rencontrer son
médecin, elle réserve pour une autre journée le ménage et l’époussetage. Dès lors,
nous remarquons qu’un lien existe chez les informateurs entre leur âge et leur
santé. Comme Monique, sa façon de vivre quotidiennement est causée à la fois
par son âge avancé (environ 85 ans au moment de l’entrevue) et son état
physique décroissant.
Peu après le repas du dîner, lorsqu’elle est seule, Monique regarde souvent
un feuilleton américain traduit en français au salon puis elle prépare
tranquillement le souper dans la cuisine. Cette petite télévision reçue de sa fille et
installée sur le comptoir de la cuisine lui permet de suivre certaines émissions
lors de la préparation ainsi que lors des repas. En soirée, elle prend son bain
avant le début des émissions de soirée à la télévision du salon. Parfois, au cours
de la soirée, elle reçoit les téléphones de ses enfants puis elle discute avec eux.
L’heure de coucher varie selon « comment (elle) file », comme l’exemple d’une fin
de journée dans laquelle elle s’est couchée plus tard :
« (…) L’autre soir, je me suis couchée à minuit. C’était le soir qui ont montré les danseurs de patins (la finale en couple en patinage
88
artistique à Salt Lake City…). Non, mais c’était bon, par exemple. Tu sais, d’habitude, je ne suis pas folle de ça quand ce sont les joueurs (de hockey?). Mais là, c’était beau, hein! Là, j’ai toffé jusqu’à (minuit)… On ne s’endort plus autant quand c’est beau. »
8.2 Des pratiques familiales
Ce sont les activités quotidiennes correspondant aux gestes posés
seulement par les membres de la famille et qui concernent une interaction entre
au moins deux individus issus d’un même ménage. Ce qui ressort de la
compilation des données de ce type relationnel d’activités est son caractère
associé à la détente, à la réception puis à la consommation (voir tab. 32). Si 18
passages ont été répertoriés sur les activités axées vers la détente et le
divertissement, nous avons rassembler les quinze citations sur la réception ainsi
que les neuf autres sur la consommation car le fait de consommer des aliments
est intimement lié aux échanges familiaux pouvant se dérouler au cours d’un
repas. Dans ce tableau, nous remarquons une répartition un peu plus variée
entre les quatre types de pratiques domestiques identifiées lors de la compilation
et ce, en opposition aux pratiques individuelles. Si cette répartition est
pratiquement égale chez Louis et Brigitte, ce sont les activités de réception chez
Monique ainsi que les activités de détente chez Pierre qui sont beaucoup plus
dominantes.
Tableau 32- Répartition des informateurs sur les pratiques familiales
Pratiques Consommation Détente Réception Travail Total
Informateurs
Monique 3 4 10 1 18
Pierre 2 11 2 1 16
Louis et Brigitte 4 3 3 4 14
Total 9 18 15 6 48
Les activités de détente au sein des pratiques familiales sont considérées
comme des moments privilégiés de rassemblement des membres de la cellule
89
familiale. Tel qu’illustré lors des pratiques individuelles, plusieurs gestes
quotidiens associent la télévision du salon ou bien de la salle de séjour comme
moyen de divertissement des membres d’une famille. Pour Louis et Brigitte, la
télévision sert d’intermédiaire ou de pause entre les nombreuses tâches
domestiques, plus particulièrement axées vers les rénovations de leur maison.
Pour ce faire, la télévision a été séparée de leur milieu de vie familial afin qu’elle
n’interfère pas avec leurs habitudes de vie. C’est pour cette raison que la
télévision est réservée seulement à la salle de séjour. Ainsi, certains membres
peuvent écouter ou regarder les émissions, loin « des conversations des
adultes… », soit socialement ou bien individuellement (Louis). Brigitte explique de
façon sociologique le lien entretenu par les familles contemporaines envers la
télévision et son opposition envers ce modèle de vie: « On n’est pas de la gang qui
va avoir sa TV sur le coin du comptoir de la cuisine, tu sais, la petite TV. » Nous
remarquons que cette citation démontre une différence des habitudes de vie entre
la famille du couple et Monique. Plusieurs autres passages illustrent une activité
individuelle, la lecture, comme une pratique pouvant se dérouler en famille.
Chacun de leur côté, plus particulièrement les soirs ainsi que les fins de semaine,
le couple ainsi que leur fils (la fille de Brigitte aussi au moment où elle vivait avec
eux), lisent soit au salon, dans leur chambre ou bien dans le boudoir-bureau au
sous-sol. Ils se considèrent soit comme des passionnés (Brigitte) ou bien comme
des compulsifs de la lecture (Louis).
Les informateurs rencontrés utilisent soit la cuisine ou bien la salle à dîner
afin de consommer leurs repas et, ainsi, d’échanger lorsque les repas se déroulent
avec au moins deux membres du ménage. C’est le cas de Louis et de Brigitte qui
ont déplacé la télévision du salon vers la salle de séjour au sous-sol afin de
favoriser les échanges familiaux lors des repas. Selon eux, c’est un endroit de
rassemblement privilégié car c’est le moment de la journée où les membres de la
famille, incluant la fille de Brigitte qui y participe souvent, discutent et mangent
autour du symbole par excellence, la table. Pour Louis, c’est une façon de
conserver une pratique traditionnelle familiale car c’est une « activité de plus en
plus difficile à installer dans nos vies modernes », c’est-à-dire que la télévision
90
occupe, selon lui, une place telle dans les ménages actuels que les échanges
familiaux sont en voie de disparition.
Les pratiques familiales sont devenues rares chez Pierre, depuis que sa
deuxième épouse est décédée. Ainsi, il indique que le comptoir donnant dans la
salle à dîner a été souvent utilisé pour le déjeuner à une certaine époque.
Désormais, le comptoir a été transformé comme lieu de travail individuel pour la
rédaction de ses mémoires. Pour les rares cas de rassemblement arrivant
maintenant chez lui, la venue annuelle de la famille de ses trois enfants aux
temps des Fêtes est la seule activité associée aux pratiques familiales de
réception. Au cours d’une semaine, entre Noël et le Jour de l’An, ses enfants ainsi
que leurs familles occupent les chambres du sous-sol. Pour lui, c’est une façon de
reprendre son rôle de père qui a été absent lorsque ses enfants étaient plus
jeunes. Comme ses enfants vivent désormais à l’extérieur de Québec, c’est un
moment privilégié de reconstituer momentanément sa famille. Tout en montrant
fièrement deux de ses petits-enfants, il les considère trop éloignés pour les voir
souvent mais il comprend en même temps ses enfants car « il n’y a rien à faire à
Québec ». C’est pour cette raison qu’il quitte plus souvent Charlesbourg afin
d’improviser des petits voyages vers Montréal.
Les rassemblements familiaux lors de circonstances spéciales étaient
monnaie courante chez Monique. Elle a aussi donné l’exemple du Temps des
Fêtes afin d’illustrer les activités courantes de sa famille autour des cadeaux de
Noël. Elle a toujours reçu sa famille chez elle depuis qu’elle s’est mariée. À chaque
année, les membres de sa famille sont invités au repas de Noël qui se déroule à
l’heure du souper. Après le souper, c’est le moment d’échanger les cadeaux, mais
à condition d’effectuer une tâche importante: la vaisselle. Monique se rappelle de
l’empressement de son fils vers le déballage des cadeaux ainsi que ses mises en
garde adressées à lui :
« (…) Pis le garçon voulait attendre pour la vaisselle et j’ai dit : « Toi, mon gars, tu vas laver (la vaisselle) et pis l’essuyer et pis le serrer! ». J’ai dit : « Penses pas que moi je travaille icitte pour rien! ». Ça fait qu’il fallait que ça soit fini. Ça s’est toujours fait sans leur dire de
91
finir la vaisselle après avoir mangé. J’ai dit : « Hein! Il vient de se bourrer comme il faut, le vin pis.... Ça va faire! ». »
Lorsque son mari vivait, Monique et lui allaient vers le salon en soirée afin
« d’aller voir des programmes ». Elle s’assit généralement dans une chaise
berçante à billes et son mari s’installait davantage dans son propre fauteuil car
« il ne se berçait pas trop ». La présence d’une deuxième chaise berçante dans le
salon a été utilisée à l’époque où leur fille a vécu avec eux. Entre autres, Monique
nous raconte le déroulement de certaines soirées devant la télévision du salon
avec son défunt mari :
« Il était une secousse, dans le temps qui vivait, on veillait ensemble ici dans le salon mais lui, il allait se coucher un peu plus de bonne heure parce que moi, ça arrivait souvent qui avait un film qui commençait plus tard. Quand il commençait plus tard, il finissait après minuit. Ça fait que lui, il allait se coucher. Mais, il a été malade deux ou trois fois aussi pis il a souffert du cœur. C’est entendu que, dans ce temps-là, ils ne sont pas en forme. Il venait tout de suite s’asseoir. On s’assisait tous les deux quand… il avait les matchs de hockey. Il regardait le hockey. Tandis que moi, ce n’était pas mon parti dans le temps, il y a été une secousse, on n’avait rien qu’un (club de hockey) dans le temps qu’on était jeune. Il n’y avait rien que les Canadiens qui jouaient dans le temps… Enquêteur : Au Québec? Monique : Dans ce temps-là, le choix était vite fait. Mais moi, je les regardais dans ce temps-là. Je les aimais et je les connaissais comme il faut. À cette heure, on en choisit pareil, même s’ils ne sont plus dans le même club. On en prend un des fois ou deux, celui-là, il faudrait qu’il gagne… C’est drôle, hein! Comme si c’était pour nous autres. »
Du côté des activités familiales axées sur le travail, il arrive que certains
gestes sont posés ensemble chez le couple interrogé. Nous pensons d’abord aux
nombreuses rénovations que Louis et Brigitte contribuent à leur manière. Par
contre, ils font plusieurs rénovations en même temps, ce qui apporte une
désorganisation dans la participation des tâches domestiques plus courantes.
Dans le cas du ménage, il peut aider sa conjointe à une tâche précise.
92
8.3 Des pratiques sociales
On entend par les pratiques sociales les différentes activités domestiques
dans lesquelles participent les membres constituant l’entourage de la cellule
familiale, c’est-à-dire les amis, les connaissances, les collègues, les voisins ainsi
que les autres membres plus élargis des familles des informateurs. Les pratiques
sociales sont aussi des activités domestiques dans lesquelles les actions sont
axées vers l’acteur et l’interaction entre l’intérieur (le ménage) et l’extérieur (les
invités). À la suite à la compilation des données, nous retrouvons la catégorie
correspondant le plus aux pratiques sociales: la réception avec 43 passages (voir
tab. 33). En opposition, les activités sociales reliées au travail ne contiennent
aucune mention de la part des personnes interrogées. Tout comme chez les
activités familiales, le rapport entre la consommation et la réception est
intimement lié auprès des trois cas étudiés car elles expriment l’importance de la
sociabilité lors des repas. Les quatre informateurs rencontrés pratiquent les
activités liées à la réception d’invités, quoique Pierre semble être associé
davantage aux pratiques de consommation de nourriture et d’alcools.
Tableau 33- Répartition des informateurs sur les pratiques sociales
Pratiques Consommation Détente Réception Travail Total
Informateurs
Monique 4 1 17 0 22
Pierre 9 2 10 0 21
Louis et Brigitte 4 5 16 0 25
Total 17 8 43 0 68
Chez Monique, tels qu’illustré dans la section sur les pratiques familiales,
ces rassemblements sociaux contiennent généralement les proches de cette
famille. Quelquefois au cours d’une année, les familles de ses deux enfants, de
même que la mère de sa bru, venait chez elle afin de souligner l’anniversaire
d’une personne ou bien l’une des célébrations calendaires. Monique se rappelle
que la table se remplissait à chaque fois qu’elle recevait des gens. Tout d’abord,
93
peu après l’arrivée des invités, elle les invitait au salon avant de boire un verre de
vin ainsi que de discuter et ce, en attendant l’appel de Monique pour le souper. Le
repas de soirée dure « le temps de jaser ». Peu après la vaisselle, les enfants
faisaient ce qu’ils voulaient. Certains membres allaient se détendre vers le salon
afin d’écouter de la musique ou bien la télévision et d’autres d’entre eux restaient
autour de la table de la cuisine. Monique discutait généralement avec chacun des
invités familiaux de la soirée. Rarement, certaines personnes jouaient aux cartes.
Parfois, elle recevait sa belle-sœur pour les repas. Monique considérait cette
dernière comme son amie. Règle générale, elle explique qu’elle ne fait aucune
différence entre les invités initiés et les nouveaux invités, en autant qui se mêlent
entre eux autres. Par contre, dans le cas du voisinage, les relations se résument
seulement à des échanges à l’extérieur des maisons. Elle se rappelle d’avoir fait le
tour du rez-de-chaussée de l’un de ses voisins immédiats lorsqu’ils sont arrivés à
Charlesbourg. Nous devons noter que Monique est le seul cas démontrant une
relation entre voisins. Récemment, les activités de réception d’ordre social ainsi
que familial sont devenues de plus en plus rares. Elle se souvient d’avoir reçu la
visite de son filleul ainsi que de sa blonde avec qui elle a fait le tour de la maison.
Du côté de Pierre, il se rappelle avoir reçu très souvent chez lui, à l’époque
où sa deuxième épouse vivait toujours. Il soutient qu’il avait une vie sociale très
importante. Les types d’invités lors de ces soirées se déroulant au rez-de-
chaussée sont les amis de son épouse ainsi que les amis communs. Dans le cas
des collègues de travail de Pierre, il a réservé la pièce du bar du sous-sol.
Généralement, une soirée de réception a été entamée par l’arrivée d’environ vingt
invités vers la fin de l’après-midi. Dès leur arrivée, il sert le premier drink, tout en
précisant que le bar demeure ouvert à tous et que chacun peut se servir à leur
guise. Peu après la préparation des aliments, Pierre ainsi que son épouse ont
convoqué les invités autour de la table vers 20 heures. Le repas contenait
plusieurs services, tels que les fromages, le repas principal, les desserts ainsi que
les vins. Comme il considère que la table est « la seule place qu’on peut se
parler », il n’aime pas que la table « se déserte », que les invités se séparent en
petits groupes vers le salon. C’est pour cette raison qu’il a tout fait pour conserver
le monde autour de la table au moyen de discussions, de nombreux services ou
94
bien de champagnes de très grande qualité. Le repas pouvait se prolonger vers
minuit. Peu après le repas, d’autres discussions ainsi que quelques activités
festives se poursuivent jusqu’à deux ou trois heures du matin.
À une certaine époque, Pierre et sa deuxième épouse recevaient les gens
afin de « défoncer l’année ». Pour cette circonstance, ils décoraient le salon ainsi
que la salle à dîner de banderoles et de confettis. Lorsque certains invités
voulaient coucher chez eux, ils utilisaient le divan-lit du boudoir. Désormais,
depuis l’année dernière, l’hôte semble abandonner son rôle et il entretient
toujours des relations avec certaines amies de sa défunte épouse et ce, par le
biais d’un repas gastronomique au restaurant.
Les activités domestiques de réception et de consommation sont aussi très
prisées chez Louis et Brigitte. Les rencontres sociales se déroulent généralement
dans un esprit de convivialité où chaque personne invitée peut échanger dans la
cuisine, dans la salle à dîner ainsi que dans le salon. Les circonstances sont
multiples, soit par des événements spéciaux, tel que Noël ou bien par des visites
de fin de semaine des membres des leurs familles d’origine, tels que leurs frères
et sœurs. Ces types d’hospitalité s’expliquent par le fait que Brigitte est originaire
de la région du Bas-Saint-Laurent et Louis, de Montréal. Les membres de la
famille d’origine de Brigitte viennent quelquefois par année, en partie parce qu’elle
est considérée comme un pôle d’attraction, c’est-à-dire celle qui anime les
activités sociales lors de ces rencontres. Du côté de Louis, les visites sont plus
rares, sauf pour son frère qui travaille et qui séjourne chez lui une journée ou
deux par mois. Au cours de l’entretien, le couple explique les perceptions
différentes entre les gens issus du milieu rural et ceux du milieu urbain :
« Brigitte : Mais, il faut dire que les gens de la campagne voyagent plus que les gens de la ville parce que les gens de la campagne, j’expliquais justement ça aujourd’hui, quand tu vis en campagne, tu veux aller en ville à l’occasion. Donc, tu veux aller voir d’autres choses, tu veux aller au cinéma, tu veux aller au théâtre. Louis : Tu veux aller au centre d’achats. Brigitte :…Peu importe, il faut que tu viennes en ville. Alors que quand tu vis en ville, tu n’as pas besoin de faire ces déplacements-
95
là. C’est pour ça que comme moi, ma famille vient beaucoup de la campagne pis comme Québec, c’est central, c’est un point de ralliement s’il y en a qui viennent. Louis : Faire deux heures et demie de route, aller et deux heures et demie de retour, ce n’est rien là. Brigitte : Ça les dérange pas! Louis : Tout le monde de Montréal, faire deux heures et demie de route, ils s’en vont au bout du monde. Brigitte : C’est une question de philosophie, une question de pensée. C’est une façon de voir les choses. Louis : Dans ma famille, il converge tout autour de Montréal. Ça fait que c’est moi le plus isolé. Ça fait que c’est toujours moi qui vais les visiter. C’est rare qui viennent ici. C’est ça être parti ailleurs. »
Généralement, les invités peuvent venir pour quelques jours chez Louis et
Brigitte. Au cours du séjour des invités, les activités se concentrent autour des
repas, des activités extérieures ainsi que des échanges sociaux. Louis et Brigitte
passent leur Noël dans leur maison et ils reçoivent environ une trentaine de
personnes pendant quelques jours. Ainsi, lors de la soirée de Noël (ou parfois du
Jour de l’An), la table contient un buffet et les gens se dispersent dans la partie
collective du rez-de-chaussée avec leurs assiettes et leur verre de vin ou de porto.
Par la suite, certaines personnes jouent du piano ou chantent pendant que
d’autres discutent et que certains fument près de la porte-patio. Ces soirées
peuvent se terminer vers trois ou quatre heures du matin.
Ce que nous constatons à la suite de quelques pratiques sociales de
réception et de consommation mentionnées par les informateurs, c’est le rapport
étroit entre ces activités aux fêtes calendaires souvent religieuses (Noël, Pâques,
Action de Grâces,…). Généralement, ces célébrations d’origine chrétienne ou bien
païenne sont des événements de rassemblement familial et social incontournables
pour les différentes cellules familiales d’un groupe donné. Que ce soit à Noël ou
bien au Jour de l’An, chaque individu participe à la célébration au moins dans un
ménage. Par conséquent, chaque fête calendaire devient un phénomène de
divertissement favorisant la réunion d’une partie de la collectivité vers un espace
particulier. Généralement, le lieu approprié pour ces réceptions annuelles est
l’espace domestique d’un des membres d’un entourage qui joue le rôle d’hôte ou
d’hôtesse.
96
Autour des pièces accessibles et ouvertes aux convives, Louis et Brigitte
précisent l’existence de certaines frontières envers les individus qui ne sont pas
tous initiés à leur univers familial. Dans le cas des amis, ils ne sont pas invités
vers la salle de séjour du sous-sol. Par contre, Louis pourrait être plus permissif
envers les amis de son fils. Dans le cas d’un individu étranger, tel qu’un
solliciteur à domicile, il peut apercevoir la maison de Louis et de Brigitte par
l’entrée principale (salon, cuisine, salle à dîner), mais ce livreur ne sait pas qu’il
existe un espace familial réservé pour l’écoute de la télévision au sous-sol (salle
de séjour).
8.3.1 L’influence de la parenté
Les membres de l’entourage jouent un rôle relativement signifiant dans les
transformations parfois mineures mais souvent majeures sur chaque maison
étudiée. Ainsi, nous devons souligner l’implication jouée par la parenté car elle
soutient indirectement les pratiques liées aux changements domestiques par le
biais d’efforts physiques, d’outils ou bien par des conseils susceptibles d’aider les
projets de rénovation du ménage. Lors du déménagement, autant chez Monique
que chez Louis et Brigitte, ils ont reçu le soutien d’un frère ou d’une sœur (Louis
et Brigitte) ou bien l’aide appréciée des enfants du couple (Monique). Lors des
rénovations, si la majorité de celles-ci est réalisée par les membres du ménage, ils
reçoivent une certaine collaboration d’un neveu menuisier (Monique) ou bien d’un
frère de Brigitte. Ce qui ressort aussi lors des réaménagements domestiques, si
l’action de réaménager est exclusivement réservée aux membres du ménage, la
provenance peut être d’un des membres de la parenté. Par exemple, certains
tableaux de Monique sont des dons d’un de ses oncles ainsi que de son filleul.
C’est la même chose pour les figurines de céramique provenant des voyages de la
fille de Monique. Chez Louis et Brigitte, les tables de cuisine qu’ils ont reçues
proviennent en grande partie des liens de sang ou par alliance. En résumé, la
parenté exprime plusieurs échanges sociaux de type informel et ce, par le biais
des collaborations plus ou moins importantes envers les personnes rencontrées.
97
9. La responsabilité des espaces collectifs
Cette dernière partie permet d’illustrer sommairement les types de
participation des acteurs autour des tâches domestiques courantes, tel que le
ménage. De plus, nous déterminerons les responsables de ces tâches
quotidiennes ainsi que le sexe des acteurs contribuant à ces activités. Nous
devons préciser que les résultats obtenus ne visent pas à fournir une étude
exhaustive des genres masculins et féminins sur ces phénomènes domestiques
mais elles serviront à mieux comprendre la distribution de ces tâches auprès des
membres du noyau résidentiel.
La compilation des résultats obtenus semble proposer une plus grande
distribution entre les hommes et les femmes envers des tâches quotidiennes. En
analysant les passages, nous remarquons que les deux sexes collaborent de plus
en plus lors des tâches ménagères. C’est le cas de Louis et de Brigitte qui essaie
de distribuer certaines tâches et ce, malgré le fait que Louis réserve un temps
considérable à la rénovation de leur maison. Auparavant, avant leur installation
dans leur maison actuelle, ils réussissaient à partager leurs tâches à part égales.
Selon lui, ces rénovations sont devenues des prétextes à moins participer aux
tâches ménagères plus conventionnelles. À certaines occasions, Louis passe
l’aspirateur pendant que Brigitte fait le lavage au sous-sol. Par contre, Louis
précise que les tâches quotidiennes sont demeurées dans le clivage traditionnel
des rôles (la femme dans ses chaudrons) car elle est la responsable de la cuisine,
du ménage et du lavage à très fort pourcentage. Malgré ce fait, il peut aussi faire
de la « bouffe » ainsi que la vaisselle à certaines occasions, plus particulièrement
s’il est seul à préparer les repas. Brigitte soutient que son conjoint est plus
autonome qu’elle lors de l’absence d’un d’entre eux, ce qui peut être expliqué par
le parcours personnel de Louis d’avant sa situation civile actuelle : « Je n’ai pas
toujours été en couple non plus. Ça ne change rien, ça toujours été. J’ai toujours
partagé les tâches. (…) Même dans mes aventures précédentes. »
Ce rôle traditionnel mentionné par Louis se retrouve d’emblée chez Monique
car elle est issue d’une génération ayant été encouragée par le culte domestique
98
de la « femme à la maison ». Si elle est la responsable des tâches domestiques à
l’intérieur de la maison, son mari était le responsable des tâches extérieures, plus
particulièrement pour de l’aménagement ainsi que de l’entretien des terrains.
Ainsi, elle s’occupe de la préparation des repas, du ménage ainsi que du lavage.
Les tâches plus physiques, tels que la peinture ainsi que le déménagement de
certains meubles, sont réservées aux hommes. Parfois, elle reçoit l’aide de sa fille
lors de la préparation des repas de soirée ainsi que lors des grands ménages. Lors
de réception autour d’un repas, c’est la famille qui participe à la corvée de la
vaisselle. Elle explique les raisons pour lesquelles elle et son mari étaient chacun
responsable de leurs tâches respectives :
« (…) Ça ne paraît pas, mais dehors, ça prend du temps à faire le tour. Il faisait pousser des fleurs partout. Il faut jouer dans la terre puis il faut toujours être là pour changer ça. Bien des fois, il avait des affaires que, s’il les déplaçait d’une place, il était bien mieux si elles étaient là. Ça fait qu’il déménageait les fleurs, comme on dit, pour mettre plus loin ou ailleurs. Ça fait qu’il avait toujours de l’ouvrage à faire dehors pis moi, je faisais le dedans. »
Le cas de Pierre illustre une délégation des tâches aux spécialistes. En
effet, depuis quelques années, la majorité des tâches domestiques extérieures et
intérieures est réalisée par des spécialistes de l’entretien domestique, tel qu’un
paysagiste ou bien une ménagère. En ce qui concerne les tâches à l’intérieur de
sa maison, à chaque semaine, une ménagère vient nettoyer la majorité des pièces.
Ainsi, la ménagère est responsable des tâches reliées normalement au ménage
hebdomadaire d’une maison (époussetage, aspirateur), sauf le lavage qui est fait
par lui. Par contre, elle doit suivre certaines restrictions de la part de Pierre, entre
autres qu’elle ne doit pas épousseter les figurines de céramique de marque Dao
au-dessus du bahut car elles ont une valeur considérable à ses yeux. La
ménagère vient à chaque mercredi chez Pierre. Comme elle provient d’une
référence obtenue par son médecin personnel et voisin, il fait suffisamment
confiance en elle afin de s’absenter au cours de la journée réservée au ménage.
Ainsi, la ménagère possède les clefs et le code de sécurité de Pierre et elle quitte
en fin de journée tout en ramassant son argent et en laissant parfois des
messages à son client. Cette délégation de responsabilités envers les tâches
99
ménagères existait au temps de sa deuxième épouse. La différence, il y a eu un
jeune étudiant qui faisait un ménage plus sommaire tous les samedis matin. À
cette époque, Pierre vaquait davantage à certaines tâches ménagères, tel que
l’époussetage.
Pierre peut recevoir l’aide de la voisine d’en face, soit l’épouse de son
médecin personnel, lorsqu’il est absent pendant un séjour prolongé. Les tâches
principales de sa voisine sont de nourrir les deux chats de Pierre ainsi que de
guetter la maison contre certaines agressions extérieures.
Au cours des derniers mois, Pierre soutient qu’il « fait le strict minimum »
au niveau des tâches ménagères. Pendant la saison estivale, dès son lever vers
cinq heures du matin, il nettoie souvent les vitres des fenêtres afin qu’elles ne
soient pas sales. Il peut parfois épousseter les bibelots. En terminant, nous
répétons l’intérêt porté envers la préparation de repas au cours de l’après-midi.
En observant les données recueillies concernant les responsables des
espaces collectifs, nous pouvons soutenir que l’homme s’implique de plus en plus
dans certaines activités domestiques intérieures, mais la femme conserve tout de
même un certain contrôle envers ces tâches domestiques dans la maison. Ainsi,
l’homme continue d’exercer une présence négligeable à l’intérieur de la vie
domestique. Le temps n’est pas tout à fait révolu pour le terme populaire « la
femme au foyer ».
100
Chapitre III
Des manières d’habiter les espaces à vocation collective
1. La personne dans son environnement
Le milieu domestique doit être considéré comme un territoire intime et
personnel où chaque ménage adapte son environnement à sa manière. Les
ménages enquêtés créent un aménagement domestique qui représente leur
perception du monde qui les entoure. Ce fait prend davantage son sens lorsque
les individus d’une habitation ont le sentiment de contrôler ce milieu, c’est-à-dire
qu’ils sont les maîtres de leur habitation. Le fait d’être propriétaire d’une maison
accentue souvent le désir de maîtriser cet environnement. Aussi, les entretiens
ont révélé que les informateurs parlent de leur maison comme d’un ensemble : la
partie extérieure et la partie intérieure. Par conséquent, les activités quotidiennes
comprennent des activités faites à l’intérieur comme à l’extérieur.
Les cas étudiés dans le cadre du mémoire de maîtrise ont la particularité
que chaque ménage a adapté son espace domestique dans une construction
résidentielle déjà existante. Ces données nous informent d’un phénomène de
réappropriation d’un espace ayant été occupé par d’anciens ménages. Dès lors,
chaque cas étudié révèle une façon différente d’adapter un nouveau milieu dans
lequel les individus n’ont pas été les maîtres d’œuvre de la construction
résidentielle. De façon courante, ils cherchent par la personnalisation un
environnement à conquérir, à apprivoiser graduellement. Au cours de leur
insertion dans leur univers domestique, chacun tente de transformer ce territoire
selon ses besoins ainsi que dans le respect de ses intentions. Les modes et les
tendances proposées, entre autres, par les spécialistes de l’aménagement
domestique (décorateurs, designers) jouent un rôle plus ou moins important car
les personnes interrogées préfèrent intégrer leurs goûts et leurs besoins à leur
aménagement plutôt que de le transformer selon les goûts du jour. Nous devons
aussi préciser que ces influences varient d’un groupe d’âge à l’autre. Si une
101
personne âgée ne s’identifie pas à la mode actuelle car elle ne correspond pas à
ses goûts, un couple plus « branché » pourrait emprunter certaines tendances
actuelles correspondant à leur milieu domestique. Ces transformations ont été
provoquées par les liens entretenus entre l’espace physique et les habitudes de la
vie quotidienne. Par conséquent, ces différentes manières de personnaliser
l’espace domestique prennent vie autour des pratiques courantes des ménages.
Aussi, le fait de se réapproprier un espace ayant été occupé par d’autres ménages
rejoint l’idée d’éliminer autant que possible l’ancien univers domestique et ce, au
moyen d’une personnalisation marquée mais parfois subtile qui s’opère soit par
un réaménagement des pièces, par une transformation physique de la superficie
des pièces ou bien par une installation de biens mobiliers donnant sens à ces
espaces et ce, sans nécessairement changer la ou les fonctions principales des
pièces. Ces activités précisent les usages principaux des pièces, telle que la
consommation d’aliments dans la salle à dîner, mais ces activités ne confirment
pas qu’elles sont propres à une pièce en particulier. L’exemple des échanges entre
invités nous prouve que ces activités peuvent se dérouler soit dans le salon, dans
la salle à dîner, dans la cuisine ou dans la salle familiale ou de séjour.
2. L’espace individuel : la maison est la représentation du Soi
Ce qui ressort des données recueillies est que la maison est le
prolongement des individus composant le ménage domestique, c’est-à-dire qu’ils
interprètent une forme de représentation théâtrale de leur milieu de vie
domestique (Goffman : 1973). L’être humain cherche un milieu physique dans
lequel les caractéristiques pratiques et esthétiques correspondent à l’idée projetée
de leur maison idéale et ce, selon les périodes et les modes de sa vie. Cette image
rejointe à la fois les modèles culturels véhiculés par le groupe auquel les
individus appartiennent (l’importance de la cuisine dans la vie familiale
québécoise) et les besoins domestiques des individus composant cet univers, tel
qu’illustré par Ekambi-Schmidt (1972) au moyen des constellations d’attributs.
De plus, l’être humain moderne est influencé de façon accrue par l’hygiène, les
soins du corps et la valorisation de la santé. Si le fait de construire son habitat
permet de reproduire les modèles privilégiés par l’individu, le fait d’intégrer un
102
espace par un autre individu ayant eu d’autres intentions personnelles rend
l’exercice plus ardu car les personnes rencontrées subissent les contraintes d’une
construction conçue et pensée par d’autres. Pour l’individu choisissant cet
espace, l’objectif principal est de sélectionner un habitat correspondant le plus à
ses attentes et, ainsi, exigeant une adaptation efficace de ce nouveau territoire
d’intimité et de confort. Donc, c’est par une forme de négociation entre ses goûts
et ses attentes que les individus confrontent aussi les tendances et les modes
proposés. À la suite de l’installation, l’individu cherche à personnaliser ce milieu
de vie selon les nombreuses contraintes apparaissant au cours de l’occupation.
Souvent, ces contraintes sont d’ordre physique car elles reflètent une dimension
d’une partie de l’espace domestique qui s’avère difficile à réapproprier. Par
exemple, l’individu n’arrive pas à se sentir à l’aise face à une salle de bain exiguë.
Certains cherchent à transformer cet espace afin de mieux correspondre à l’idée
d’un milieu mieux adapté à leurs besoins, tandis que d’autres ne peuvent ou ne
veulent pas transformer cet espace pour des raisons architecturales,
économiques ou bien strictement personnelles comme Pierre qui n’a pas modifié
l’aménagement domestique en même temps que la disparition de sa deuxième
épouse.
Aussi, l’individu cherche à reconstituer différents repères de son parcours
personnel à l’intérieur de leur maison. La raison pour laquelle l’individu intègre
certains gestes ou objets domestiques plus traditionnels est le référent
socioculturel stable et réconfortant que confèrent ces faits, tel que le traditionnel
repas familial autour de la table de la salle à dîner. Ainsi, l’individu tente
d’intégrer un objet et les activités s’y rattachant dans un nouvel environnement
domestique, tel que le piano de Louis et de Brigitte dans leur salon. Ces souvenirs
favorisent la reconnaissance de son parcours individuel, plus particulièrement
des souvenirs matériels provenant de ses origines culturelles.
Lorsqu’une personne devient la seule résidente de la maison, à la suite
d’un décès, à une rupture ou bien à un départ d’un des membres du ménage,
certaines pratiques familiales s’estompent et elles sont graduellement remplacées
par des activités rejoignant davantage les besoins de l’individu. Même si certaines
103
traces d’un passé plus familial demeurent présentes au moyen d’objets plus
historiques, l’individu adapte aussi son espace ainsi que ses activités afin de
survivre à la suite de ce changement. Ainsi, si Monique semble s’être bien adaptée
à sa nouvelle condition civile, comme si ce changement n’avait peu ou pas
perturbé ses activités quotidiennes, Pierre a été davantage affecté par ce
changement car selon lui, l’espace domestique est le prolongement matériel et
immatériel de sa défunte conjointe. Par conséquent, si la maison représente une
autre identité, telle que la deuxième épouse de Pierre, l’individu aura tendance à
fuir ce milieu de vie. En quelque sorte, cette maison devient le souvenir
douloureux de l’autre Soi qu’il tente d’exorciser. Par contre, le souhait de
sédentarité ainsi que la perception pessimiste exprimée par cet informateur
suggèrent un espace domestique figé dans le temps et dans l’espace. Comme
exemple, Pierre conserve l’aménagement du salon et de la salle à manger réalisé
par sa défunte conjointe.
3. L’espace familial : les modèles d’influence
Si le noyau domestique compte plusieurs individus, la prolongation du Soi
doit s’opérer soit autour de la famille, autour du couple ou bien d’un membre du
ménage de la communauté d’habitation au sens élargi (pensionnaires, locataires).
Dès lors, chaque membre de ce noyau apporte ses modèles dont certains sont
issus de son milieu familial d’origine, sauf les enfants de ce noyau car leurs
modèles sont leurs parents constituant cette cellule familiale, quoique altéré si la
famille est reconstituée. Par contre, l’intégration de ces modèles est confrontée
aux modèles plus contemporains, telle que l’arrivée des équipements
électroniques (télévision, chaîne stéréophonique) dans certaines pièces à vocation
collective. La pénétration de la télévision dans la sphère domestique a
considérablement influencé les activités entourant les repas, au point tel que
certains d’entre eux tentent d’éliminer cet objet afin de retrouver le modèle
originel axé vers les échanges verbaux. Si les modèles d’origine confèrent une idée
de rassemblement familial ainsi que d’entraide, les modèles plus récents
suggèrent davantage l’individualisme et l’anonymat (l’enfant jouant aux jeux
vidéos). Le croisement de ces influences culturelles peut parfois s’assimiler et,
104
ainsi, transformer les modes de vie domestique des ménages. La disparition d’un
conjoint ou d’une conjointe a contraint certains informateurs à réorganiser
certaines activités quotidiennes, plus particulièrement au cours des repas ainsi
que des soirées. Ainsi, ils ont comblé un vide par une certaine présence d’objets
de communication: la télévision et la radio. Par conséquent, ces personnes ont
l’impression qu’une présence humaine leur permet de se sentir entourés et, ainsi,
de communiquer avec un extérieur devenu plus virtuel que réel.
Pour les ménages interrogés, le lien est étroitement entretenu entre les
pièces à vocation collective et les activités d’ordre familial. Compte tenu que
chacun possède un territoire privé au sein de sa maison, notamment les
chambres, la relation avec les pièces collectives tourne autour des activités jugées
nécessaires à l’harmonie de la cellule familiale (repas, loisirs collectives, tâches
domestiques, échanges). Afin de rassembler chaque famille, les espaces voués
aux membres du ménage privé doivent favoriser la cohésion familiale, l’intimité
ainsi que le confort, tel que l’écoute d’une émission de télévision dans la salle
familiale (ou de séjour) chez Louis et Brigitte. Malgré le fait que l’intérieur des
maisons est composé de plusieurs individus, les activités d’ordre familial
suggèrent le souhait d’appartenance dans leur milieu domestique. Par exemple, la
famille du couple interrogé réalise une activité individuelle, la lecture, tout en
considérant celle-ci comme une activité familiale. Très souvent, cette activité peut
se dérouler en même temps dans un même espace, tel que le salon. Nous
constatons une intégration harmonieuse entre l’idée de rassemblement et la
vocation individualiste de l’activité.
La famille moderne cherche un compromis le plus harmonieux possible
entre les modèles traditionnels et/ou les modèles contemporains. Certains
modèles actuels sont l’adaptation des modèles initiaux des individus plus âgés.
Selon leurs dires, la soirée devant la télévision a remplacé en quelque sorte
certaines veillées dites traditionnelles autour d’un poêle à bois. Aussi, les modèles
contemporains ont engendré des espaces et des activités axés vers le repos et le
divertissement familiaux. Conséquence de la société des loisirs des années 1960,
chaque ménage réserve une partie de sa vie quotidienne vers un repli domestique
105
et hédoniste afin d’évacuer les nombreuses contraintes de la vie moderne (la
peinture comme passe-temps chez Brigitte en est un exemple) et, ainsi, de réunir
les individus vers des racines familiales pouvant être menacées par les pressions
de la société de consommation, d’où la valorisation du repas familial entre autres
chez Monique et le couple. Malgré tout, auprès de la classe moyenne, les actions
domestiques fondamentales (nourrir, s’habiller, s’abriter) sont perçues comme un
héritage social, une forme collective d’acquis. Les gestes familiers des ménages
contemporains s’articulent davantage vers les besoins plus secondaires, tels que
les activités de loisirs. Donc, les ménages ne vivent d’abord pour ensuite
consommer, mais ils « consomment pour vivre » (Langlois, 1999 : 11). Par
exemple, Monique utilise la télévision comme un geste de consommation, tout
comme Pierre avec ses accessoires de luxe (figurines, luminaires italiens) et Louis
et Brigitte pour leurs nombreuses rénovations réalisées à ce jour.
4. L’espace social : accueillir les Autres… chez soi
Les membres des ménages rencontrés cherchent aussi à rendre accessibles
les pièces à vocation collective auprès des membres de l’entourage. Dès lors,
chaque invité est intégré dans l’espace intérieur des hôtes et ce, sous différentes
phases (accueil, réception, repas, échanges et loisirs). Ce qui ressort des
entretiens est l’importance accordée aux aires ouvertes entre les principales
pièces collectives du rez-de-chaussée, c’est-à-dire le salon, la cuisine et la salle à
manger. La disposition de ces pièces suggère un dégagement entre l’avant et
l’arrière de la maison. De plus, ces aires ouvertes soulignent un éclatement des
pièces afin de remplacer les marqueurs fixes, c’est-à-dire les murs, par des
marqueurs de territoire plus symbolique. Ainsi, ces espaces sont davantage liés
l’un à l’autre comme un milieu centrifuge auquel les pratiques de réception
peuvent s’intégrer. Par surcroît, ce concept architectural des aires ouvertes, initié
par la maison de la Prairie (Prairie House) de l’architecte américain Frank Lloyd
Wright dans la première moitié du XXe siècle30, a transformé les aménagements
30 Cette construction résidentielle de luxe a été réalisée en 1908 à Chicago et elle a
grandement contribué à sa réputation internationale grâce à l’abaissement vers l’horizontalité
106
des pièces en un milieu dynamique de rassemblement communautaire et ce, en
reliant les pièces fragmentées auparavant par les spécialistes de l’aménagement
domestique. Ce phénomène semble avoir pris de l’ampleur au Québec depuis
quelques décennies, entre autres à la suite de la construction d’Habitat 67 par
l’architecte montréalais Moshe Safdie31. (Voir aussi fig. 34-35)
Figure 34- Voici une vue à l’extérieur de l’Habitat 67 de
Montréal (Voir Hallendy, Norman (dir.), Housing a Nation/ Un toit pour tous, Ottawa, SCHL, 1986, p. 11).
Figure 35- Voici un exemple d’un espace intérieur ouvert entre le salon et la salle à manger à l’intérieur d’un module conçu par Safdie. Ce design a inspiré plusieurs Québécois sur une façon différente d’habiter l’espace domestique. (http://cac.mcgill.ca/safdie/habitat/
showPhotos.asp)
(l’apprivoisement vers la terre plutôt que vers le ciel) ou à une échelle plus humaine et l’éclatement du volume intérieur, c’est-à-dire l’élimination de la majorité des murs. (Treiber : 1986, 18-27) 31 Selon certains informateurs rencontrés lors du projet sur les rénovations résidentielles de
Mme Guylaine Barakatt, l’Habitat 67 est un souvenir d’une nouvelle façon d’habiter l’espace domestique. Cette construction innovatrice en modules préfabriqués et superposés de façon personnalisée propose entre autres une nouvelle manière d’occuper un espace urbain plus ouvert. M. Safdie a tenté d’intégrer les avantages de l’intimité de la banlieue aux commodités de la ville. Né de l’initiative de l’exposition universelle de Montréal en 1967, les 158 logements d’Habitat 67 demeure une œuvre unique dans l’architecture et appréciée par les résidents de ce complexe (Hallendy : 1986, 11).
107
Entre autres, les différentes activités de réception des informateurs
rencontrés s’inscrivent dans un processus de rites d’hospitalité. En règle
générale, l’accueil s’opère tout d’abord au seuil de la porte d’entrée où ce passage
matériel souligne des rites de marge, c’est-à-dire des rites de préparation à
l’alliance ainsi qu’à l’échange vers l’agrégation d’un monde nouveau (Van
Gennep : 1909, 26-27). Pensons à la façon d’accueillir les invités chez Monique.
Elle l’est reçoit chaleureusement puis elle propose de prendre leurs manteaux
comme si ces invités sont familièrement intégrés vers un milieu domestique
inconnu mais réconfortant. Cet exemple fait aussi penser à la citation « Faites
comme chez vous »; comme si notre chez-soi peut être leur chez-eux. Ainsi,
l’invité ou bien l’étranger voit seulement le côté public du milieu domestique. Les
invités sont au salon pour certains échanges, à la cuisine pour la préparation de
repas ou bien à la salle à manger pour la consommation de repas. Si l’individu est
invité à une réception offerte par le ménage, il a aussi accès à d’autres aires
privées comme la salle de bain. La majorité des activités de réception se déroule
dans les pièces collectives du rez-de-chaussée, séparant ainsi la partie publique
de la partie privée. Dans les rares cas, certains invités peuvent visiter les pièces
privées, plus particulièrement lorsque les invités sont initiés pour la première fois
dans le milieu auquel les gens du ménage s’identifient quotidiennement.
La pendaison d’une crémaillère est un autre cas pouvant être appliqué à
cette situation car c’est un rite de passage confirmant une réappropriation
officielle d’un nouvel espace domestique aux yeux des membres du ménage.
Cette fin du processus de déménagement suggère à la fois le contrôle symbolique
et matériel du ménage de leur nouvel habitat et la disparition de toutes présences
antérieures à eux. Si les ménages n’arrivent pas à s’identifier totalement à leur
milieu domestique, plus particulièrement lorsque plusieurs transformations sont
nécessaires, ils ne semblent pas appliquer ce rituel. Par contre, lorsqu’une
transformation importante a été terminée, le ménage expose aux invités le
résultat fini d’un territoire encore en pleine transition. Cela explique en grande
partie la réticence du couple à célébrer leur nouveau milieu de vie domestique
mais tout en montrant certains marqueurs de personnalisation de leur maison.
108
Ces pratiques entourant la réception peuvent s’élargir dans les cas où les
invités couchent chez les hôtes. Ainsi, certaines pièces sont destinées à accueillir
ces personnes. Par contre, ces pièces deviennent sociales dès que les invités
intègrent les pièces à usage plus familial. Par exemple, le boudoir ou bien les
chambres d’invités se confirment temporairement en un espace privé au moment
de l’occupation de ces pièces par les invités. Dès lors, ces invités deviennent les
participants éphémères du milieu de vie des hôtes. Ainsi, les invités et les hôtes
deviennent une reconstitution multifamiliale d’un milieu domestique, c’est-à-dire
que chacun d’entre eux partage des actions comparables à un milieu de vie
monofamilial.
En somme, l’espace social est un lieu de réception par excellence pour les
rites domestiques entre le monde extérieur et le monde intérieur. Ainsi, la
disponibilité des pièces collectives permet à la fois d’afficher les valeurs véhiculées
par l’individu ou la famille ou bien l’accessibilité contrôlée des hôtes envers les
invités entre ces valeurs d’intimité et celles de réceptivité. De plus, les espaces
sociaux étudiés dans les trois cas confirment une certaine souplesse ou
improvisation sociale, ou selon David Reisman un « laxisme », de la part des
hôtes envers le déroulement de la réception ainsi qu’une ouverture vers l’extérieur
comparable aux modes de vie à l’américaine32. Par extension, le terrain dégagé en
avant des constructions individuelles dans les banlieues nord-américaines
pourrait suggérer la façon dont les ménages organisent leur intérieur domestique,
c’est-à-dire une ouverture vers l’extérieur proche. À l’intérieur, ce fait s’exprime
par les aires ouvertes entre les pièces centrales à vocation collective (cuisine,
salon, salle à dîner) ainsi que sa situation près d’un accès vers l’extérieur (et vice
versa) sans obstacles.
32 Voir David Reisman, L’abondance, à quoi bon?, 1969, p. 147-181. L’auteur relate une étude
sociologique sur le sens des réceptions dans un milieu domestique américain dans les années 1960. Selon lui, la sociabilité exercée lors d’une réception cherche à reconstituer le sens communautaire axé vers l’égalité ainsi que la participation, ce qui va en opposition à l’idéologie dominante axée vers le capitalisme et l’individualisme. Par conséquent, ces événements domestiques sont devenus un des moyens utilisés par la collectivité pour privilégier des relations sociales plus intimes.
109
5. L’espace matériel : la représentation de l’objet
À partir du discours des informateurs et des plans des aménagements
intérieurs, nous allons interpréter le rapport étroit entre l’aspect physique des
pièces et les types d’activités s’y rattachant. Malgré un échantillonnage restreint,
nous avons pu identifier les fonctions ainsi que les gestes domestiques des
différentes pièces jugées collectives par les informateurs. Aussi, nous expliquons
la culture matérielle des objets domestiques, soit les usages courants autour de
ces biens immobiliers.
5.1 La cuisine
La cuisine représente la pièce ayant la connotation la plus privée et isolée
des pièces à vocation sociale car elle est placée dans la partie arrière et elle est
parfois délimitée par quelques murs suggérant un certain isolement des regards
de l’extérieur ainsi que de certaines pièces sociales comme le salon et la salle à
manger. Pour les informateurs rencontrés, la cuisine est la pièce centrale de
l’activité domestique. C’est un espace rejoignant le symbole du nid familial, c’est-
à-dire l’idée du rassemblement des membres d’un ménage autour d’une table.
Cette pièce peut être à la fois un milieu d’ordre familial, social et individuel et ce,
selon deux types d’aménagement domestique : la cuisine-laboratoire et la cuisine
traditionnelle. Certains membres de la famille participent à la préparation des
aliments ainsi qu’au nettoyage des équipements nécessaires à la consommation
d’aliments. Par contre, la transformation des aliments demeure très souvent une
activité individuelle où les gens recherchent une certaine efficacité ainsi qu’une
organisation sans obstacle nuisible à la préparation de repas, tel qu’un autre
membre. Certaines cuisines sont aménagées de façon optimale, telle que la
cuisine de type laboratoire. D’autres cuisines intègrent aussi la table de
consommation de repas afin d’offrir à cette pièce une deuxième fonction
importante, tel est le cas de la cuisine traditionnelle. La cuisine doit contenir un
équipement-type afin d’offrir une pluralité d’usages nécessaires et ce, autour de
la transformation des aliments : la cuisinière, le réfrigérateur, le micro-ondes, les
espaces de rangement des accessoires de cuisine et parfois, le lave-vaisselle.
110
Dans certains cas, les cuisines peuvent intégrer d’autres équipements afin de
divertir les responsables de la préparation des repas, telle que la télévision.
Depuis toujours et encore maintenant, la cuisine sert donc les besoins
fondamentaux d’alimentation des membres du ménage et les pratiques sont axées
vers le travail domestique, la consommation et parfois, la réception.
5.2 La salle à dîner
Cette pièce est axée vers la réunion et la réception familiale et sociale. La
salle à dîner renvoie à l’espace symbolique par excellence : la table. C’est l’un des
rares objets qui signifie aussi clairement la fonction communautaire d’une pièce.
La salle à dîner a comme fonction d’offrir un espace quotidien nécessaire aux
rassemblements familiaux et, ainsi, à l’organisation intime de sa cohésion
domestique, c’est-à-dire que cet espace sert de point de ralliement aux activités
quotidiennes d’un ménage. Aussi, cette pièce sert à la réception des invités lors
d’un repas. La salle à manger sert aussi de contact avec le terrain à l’arrière de la
maison, une extension de leur environnement contrôlé et ce, par le biais d’une
ouverture très souvent large et vitrée, c’est-à-dire le modèle « porte-patio ». Cet
accès permet à la fois un regard vers un extérieur correspondant à un idéal de la
nature; le terrain arrière évoque aussi un territoire protégé contre les agressions
provenant de l’extérieur. Par exemple, l’aménagement paysager du couple axé
vers une reproduction partielle de la forêt diffère d’une autre personne (Pierre) qui
privilégie un aménagement plus floral. Autour de la table, certains objets et
décorations servent aussi à personnaliser ce territoire accessible à l’Autre. Entre
autres, un autre meuble, tel que le bahut, peut être présent pour améliorer les
espaces de rangement des accessoires de la cuisine ou bien pour afficher certains
objets plus prestigieux ou esthétiques. En quelque sorte, l’aménagement de la
salle à dîner sert à véhiculer une cohésion familiale envers les invités, davantage
que les autres pièces à vocation collective. Les accessoires, les meubles, les
couleurs, tous ces aspects sont considérés afin de faire une belle impression aux
autres qui, à leur tour, s’identifie à une certaine représentation idéalisée de
l’espace domestique.
111
5.3 Le salon
Généralement, cette pièce est située au devant de la partie publique du
rez-de-chaussée et a pour fonction principale la réception des invités. Cette pièce
semble cependant être moins exploitée pour sa fonction d’hospitalité que la salle
à dîner. Les entrevues réalisées démontrent des activités plus importantes vers la
salle à dîner car ces gens mangent, discutent et jouent davantage dans cette
pièce. Par surcroît, le salon sert davantage comme lieu de détente et de
divertissement. Ainsi, les gens utilisent cette pièce pour des pratiques d’ordre
individuel (la lecture) ou bien d’ordre familial (la télévision). Telle que dit
auparavant, la télévision est devenue l’objet rassembleur de cette pièce, elle sert
de pôle d’attraction aussi puissant que le poêle de fonte dans les cuisines des
maisons dites traditionnelles. Par contre, il peut arriver qu’elle soit déplacée dans
une autre pièce réservée à cette fin afin de mettre l’accent vers un autre objet
traditionnellement plus rassembleur, tel qu’un instrument de musique. Entre
autres, le salon est la pièce contenant le plus grand nombre d’objets de repos et
de détente, c’est-à-dire les fauteuils et les canapés. Le rideau de la grande fenêtre
du salon illustre un accès direct et protégé entre l’intérieur et l’extérieur. Par
contre, certains d’entre eux n’apprécient pas d’être observés par le voisinage. Un
autre marqueur de l’intimité domestique sert à éliminer certains regards de
l’extérieur ou vice versa : l’habillage des fenêtres (fenêtres, stores). De plus, le
salon peut partager le rôle d’accueil car il est intégré à un accès de transition
entre l’extérieur et l’intérieur : la porte d’entrée.
5.4 Le sous-sol et la salle de séjour
Cet étage inférieur dans les maisons étudiées a été aménagé de façon
différente. Parfois, le sous-sol est perçu comme un endroit très intime dans lequel
les membres du ménage ont l’impression d’être plus isolés et en sécurité qu’au
rez-de-chaussée. Par exemple, Louis et Brigitte considèrent le sous-sol comme un
espace strictement réservé aux activités plus intimes des membres de la famille
car il favorise un détachement essentiel du monde extérieur, entre autres par ces
très petites fenêtres. Ainsi, l’idée d’une certaine intimité du ménage prend
112
davantage son sens autour d’une pièce à vocation plus familiale : la salle de
séjour. Cette pièce devient un lieu de rassemblement familial. En quelque sorte,
c’est l’extrapolation d’une fonction réservée traditionnellement au salon du rez-
de-chaussée par le biais du déplacement de certains mobiliers (la télévision, les
fauteuils) vers un espace plus spécialisé. Ainsi, il existe deux types de salon.
L’aménagement de la salle de séjour est comparable au salon, mais elle est moins
associée à la réception sociale. Aussi, cette pièce peut être utilisée un endroit
privé des jeunes pour la réception sociale, telle que les amis d’un membre du
ménage dans la salle de séjour. De plus, cette réception s’articule souvent autour
d’un équipement domestique, telle que la télévision ou bien la console de jeux
vidéo.
Le sous-sol peut être aussi perçu comme un espace d’entreposage ou bien
de repos. Il n’est alors que peu habité par ces quatre personnes interrogées car
elles considèrent cet espace austère et fermé. Ces espaces servent davantage à
l’entreposage de conserves ou d’équipements. Pour certaines occasions, le sous-
sol a pu servir à certains types de réception d’ordre plus sélectif, tel que l’accueil
des collègues de travail dans un espace aménagé pour la consommation d’alcool.
Aussi, certaines pièces du sous-sol servent occasionnellement au repos de
certains invités. En règle générale, le sous-sol n’est pratiquement pas habité par
les individus et, ainsi, il ne sert peu ou pas à la réception des invités ou bien aux
rassemblements familiaux.
En résumé, le sous-sol est un espace éclaté car il peut être à la fois un lieu
de refuge, un lieu de sociabilité familiale ou bien un lieu d’entreposage des
secrets d’un passé. La vie domestique dans un espace souterrain diffère selon le
degré d’intimité des individus et ce, à propos du monde qui les entoure.33
33 Cette observation entre en contradiction avec un article de Jocelyn Duff sur l’évolution des
maisons de vétérans (Archambault et coll., 1996 : 30-32). Selon lui, le sous-sol est un espace de « trop-plein » que les occupants utilisent en dernier recours comme espace habitable. Ces mêmes individus seraient aussi nostalgiques des greniers. Les résultats de l’enquête nous démontrent une relation variable selon la perception des ménages de leur environnement. En corrélation avec l’époque actuelle de l’étude, ils cherchent davantage à se protéger contre l’instabilité du monde extérieur, souvent comparable à un abri nucléaire.
113
5.5 Les autres pièces communes
Certaines autres pièces peuvent aussi faire partie de la sphère publique de
l’intérieur domestique. Ces pièces jouent un rôle plus sporadique, c’est-à-dire
qu’elles sont considérées collectives selon les besoins jugés secondaires (espace
de repos, d’entreposage) par les informateurs ainsi que selon certaines activités
quotidiennes d’ordre familial ou social. C’est le cas du boudoir qui devient en
quelque sorte un deuxième salon dans lequel les usages sont utilisés de façon
variable. Le mobilier présent dans cette pièce peut contenir des ensembles ayant
vécu dans une pièce plus collective, tel que le salon. Ces meubles deviennent un
marqueur d’un passé familial et ce, selon l’âge, les circonstances ainsi que la
provenance de ces équipements. Généralement, le boudoir peut contenir des
fonctions aussi diverses, allant de chambre d’appoint pour les invités, de pièce
d’entreposage de certains équipements ménagers et de bureau ou de bibliothèque
servant à la fois au divertissement ainsi qu’au travail. Le boudoir est une pièce
polyvalente disponible pour les membres de la famille et pour les invités, mais
selon les types de pratiques domestiques reflétant les usages auxquels les
individus d’un ménage veulent bien approprier. Par conséquent, le boudoir est un
espace contrôlé selon les intentions des hôtes.
6. L’espace des genres : la participation des hommes et des femmes
Les tâches domestiques donnant vie à ces pièces font état d’une certaine
répartition sexuelle entre les membres du ménage. Très souvent, cette répartition
suit certains modèles traditionnels entre les pratiques et le type de participation
de l’homme et de la femme, c’est-à-dire homme-extérieur-pelouse et femme-
intérieur-ménage. Cette collecte de données ne permet pas de généraliser sur
l’évolution des genres au sein des tâches domestiques, mais elle illustre quelques
cas parmi lesquels les individus d’un espace domestique répartissent ces actions.
Aussi, certaines pièces désignent la tendance d’un genre selon les pratiques, les
participants ainsi que les valeurs véhiculées par la conscience collective à
différentes époques. Par exemple, la répartition des tâches tend à être plus
équilibrée depuis l’émergence d’un mouvement d’émancipation féminine au
114
courant du XXème siècle. Nous remarquons tout de même que la cuisine
continue de conserver un rôle plus féminin, c’est-à-dire que les femmes
demeurent majoritaires dans les actions réalisées dans cette pièce. Les nombreux
bouleversements sociaux et culturels de la deuxième moitié du XXe siècle ont
favorisé une intégration relative de l’autre sexe vers une sphère d’activités confiée
traditionnellement à un seul sexe. Malgré cette tendance, cette interchangeabilité
se heurte à une certaine dualité des responsabilités domestiques, c’est-à-dire que
la ségrégation domestique tend à survivre dans certains cas. L’homme peut
participer aux tâches ménagères mais il ne semble pas devenir le responsable de
ces tâches. Ainsi, l’homme et la femme tentent d’intégrer ces responsabilités en
apprivoisant les compétences de l’un et les intentions de l’autre (Roy : 1989).
Par conséquent, les rôles et responsabilités domestiques varient selon les
habitudes de vie des membres visés du ménage, les époques ainsi que le nombre
de participants à ces tâches. Si les valeurs familiales sont plus conservatrices, la
femme au foyer est toujours valorisée, l’éloge du domestique féminin s’exprime
autant. Dans le cas d’une famille plus nombreuse, tels que Louis et Brigitte, il est
plus courant de répartir certaines tâches domestiques aux différents membres du
ménage. Si une personne veuve a toujours conservé une prédominance envers les
activités intérieures, et que le veuf collabore à certaines tâches mais il délègue
d’autres tâches afin d’apprécier le temps libre, le couple essaie de collaborer le
plus adéquatement possible autour des tâches domestiques. Malgré leurs efforts
au début de la relation du couple, les contraintes de rénovation résidentielle de
leur habitation actuelle ont fait revenir graduellement Louis et Brigitte vers les
rôles plus traditionnels : la femme et les tâches ménagères (repas, ménage,
lavage), l’homme et le bricolage (rénovation, entretien à l’extérieur).
7. Les espaces sociaux dans les pièces collectives : la rencontre du Soi et des
Autres
Les manières d’habiter des individus dans les pièces à vocation sociale
sont une intégration de la conception du monde qui les entoure. Pour les
propriétaires d’une habitation, l’espace domestique est un prolongement de la vie
115
à l’intérieur vers le monde extérieur et la façon d’occuper ces espaces reflète les
valeurs culturelles courantes d’un groupe étudié ainsi que les habitudes de vie
auxquelles adhèrent les membres de ce microcosmos, car ce milieu de vie est un
monde en soi. Les espaces sociaux dans le milieu domestique sont les fruits d’un
paradoxe entre la fermeture et l’ouverture du milieu domestique à un
environnement extérieur de plus en plus pluraliste et complexe. D’un côté, les
individus cherchent à contrôler un environnement plus ou moins immobile et
stable afin d’organiser un nid douillet et protecteur. Ainsi, les pièces collectives
sont une personnalisation des modèles culturels traditionnels et contemporains
et ces espaces définissent leur sentiment d’appartenance à leur milieu
domestique. De l’autre côté, ces espaces cherchent aussi à favoriser l’hospitalité
ainsi que la sociabilité envers les autres individus s’y intégrant et ce, selon les
intentions des hôtes. Ces pièces à vocation collective sont le reflet de ce que les
ménages veulent projeter aux autres personnes, soit une impression d’un espace
domestique harmonieux et cohérent. De plus, ces pièces sont une représentation
symbolique du milieu de vie familial. En somme, l’espace domestique doit être
considéré comme un ensemble car si la sphère privée est isolée de la sphère
publique pour des désirs de préservation d’une certaine intimité, ces deux
sphères sont souvent liées ou bien elles peuvent être juxtaposées par le biais des
activités domestiques vécues par les membres de chaque famille. Entre autres,
pensons à un individu qui lit dans le salon pendant que les autres membres de la
famille discutent dans cette même pièce.
La personnalisation du Soi par le biais des espaces sociaux prend en
considération les jugements des autres sur la perception des façons d’habiter de
ce ménage. Si les individus cherchent à transformer certaines pièces collectives
en une représentation matérielle du Soi, ils espèrent aussi être reconnus par ces
pairs de la grande qualité de son milieu de vie. Une pièce de nature bordélique
peut différer l’idée que les invités font de leur chez-soi comparativement à une
pièce mieux organisée. Par exemple, nous pensons aux réactions enthousiastes
des invités de Louis et de Brigitte qui constatent une transformation importante
d’une partie de leur espace domestique. Ces personnes voient une nette
116
amélioration de leurs conditions de vie domestique et ainsi, ils perçoivent de ce
couple une impression d’un meilleur apprivoisement de leur environnement.
En quelque sorte, le chez-soi dans les pièces à vocation sociale vise aussi
des invités « à se sentir chez-soi ». Ces observations confirment un phénomène de
sociabilité davantage valorisée au sein des familles nord-américaines (Riesman :
1969). Ainsi, le dégagement des espaces collectifs vise à retrouver un sentiment
d’un rassemblement central et polyvalent qui semble se perdre dans la société de
consommation axée vers l’individualisme.
8. Les caractéristiques de la vie domestique en banlieue
Autour des espaces sociaux, est-ce que les pratiques quotidiennes sont
influencées par le milieu d’origine (ou de naissance) d’un des membres de la
cellule familiale? Plusieurs facteurs précisent des habitudes de vie
correspondantes à un environnement situé en périphérie des grands centres
urbains. Le fait d’être propriétaire d’un territoire en milieu urbain encourage
davantage des actions et des comportements domestiques axés sur l’intimité et
l’individualisme. Il est aussi vrai de dire que ces gestes peuvent se retrouver dans
un cadre locatif dans le sens où chaque ménage cherche à s’approprier un espace
qui lui ressemble le plus possible et ce, quoiqu’un plus faible contrôle de leur
environnement bâti. Le locataire a davantage de contraintes physiques, sociales
et économiques que le propriétaire qui bénéficie un espace plus vaste, un niveau
d’intimité plus élevé et pus éloigné des voisins ainsi qu’un pouvoir décisionnel
plus autonome. Ce qui ressort de la recherche, c’est le type d’habitation qui
définit le mode de vie banlieusard que le territoire dans lequel l’habitation se
retrouve.
Malgré certaines similitudes, le fait d’habiter un espace sur lequel
l’individu a l’impression réelle d’un contrôle d’un environnement favorise
certaines pratiques plus spécifiques à la banlieue nord-américaine à l’ère des
bungalows, telle que l’occupation du sous-sol chez certaines personnes
interrogées. Aux influences des modèles de la vie américaine, chaque ménage
117
intègre d’autres influences soulignant à la fois un parcours individuel, familial et
collectif. Ainsi, l’individu tend à instaurer une dynamique domestique entre son
milieu d’origine, les membres de la cellule familiale, entre autres le conjoint ou la
conjointe, ainsi que les modèles véhiculés par le ou les groupes dans lesquels
chaque individu s’identifie. L’exemple de Louis et de Brigitte illustre bien ce
propos car ils sont issus de deux milieux d’origine opposée (milieu rural pour
Brigitte et milieu urbain pour Louis). Ce couple est l’exemple d’une famille
reconstituée qui a choisi ce secteur de Charlesbourg pour les enfants mais aussi
pour les types de relations de nature plus discrète envers leurs voisins
immédiats.
Par conséquent, nous remarquons une forte propension de pratiques
traditionnelles vers la cuisine et ce, auprès d’un grand nombre de familles
francophones (Body-Gendrot : 1987, 549)34. Si les pratiques entourant la cuisine
semblent s’observer particulièrement au sein des cultures francophones, nous
devons nuancer cette affirmation car certains groupes ethnolinguistiques peuvent
aussi centrer leurs activités domestiques vers cette pièce maîtresse, plus
particulièrement les régions rurales. Ce fait culturel peut expliquer en grande
partie le rejet du modèle bourgeois qui a davantage privilégié le salon comme
espace principal de la vie domestique.
Les pratiques domestiques entourant les pièces sociales dans une maison
unifamiliale sont davantage une représentation familiale du monde qui les
entoure et une sommation du mode de vie à la sauce québécoise dans un milieu
banlieusard. Aux yeux des informateurs rencontrés, les motivations familiales
sont davantage valorisées que les influences sociales du quartier (relations entre
les voisins) lors d’une réappropriation d’un espace domestique intérieur. De plus,
les actions posées dans un univers domestique sont un rassemblement
d’influences et de modèles provenant de différents groupes et à différentes
époques historiques. Ainsi, ces pratiques domestiques révèlent une version
34 Cette observation provient d’un regard que les Américains ont porté sur la culture française
en lien avec leur culture d’origine. Selon eux, ils ont remarqué que la cuisine est davantage un lieu où grand nombre d’activités sociales autres que la consommation des repas se déroulent.
118
intimiste d’une microsociété dans laquelle les individus tentent de trouver un
sens réconfortant entre leurs propres besoins et leurs valeurs collectives.
9. L’ère du cocooning
Ce phénomène d’origine occidentale prend la forme d’un repli
domestique collectif: le cocooning (Righini, 1988 : 8-11). Ce néologisme a été créé
au début des années 1980 par l’Américaine Faith Popcorn et qui est une
consultante en marketing de renommée internationale. Selon son rapport
(Popcorn : 1994, 39), le cocooning est défini « comme l’impulsion à l’intérieur
quand l’extérieur est trop difficile et menaçant ». Ainsi, les ménages deviennent
des spectateurs passifs de leur participation à la collectivité lors de périodes de
rassemblements domestiques. Le phénomène des équipements électroniques à
grand déploiement (cinéma maison, téléviseur à haute-fidélité, congélateur)
démontre une reproduction intériorisée d’un confort contemporain et intime face
aux menaces extérieures. Si le cocooning propose aussi une uniformité sociale
contre les menaces extérieures, c’est–à-dire une sécurité domestique, chaque
ménage perçoit de façon différente la manière d’habiter « dans son cocon ». Selon
Popcorn, elle distingue trois grands types de cocon : le blindé (l’achat d’un
système d’alarme), le baladeur (le mini-téléviseur dans certaines voitures
familiales) et le social (l’écoute des films entre amis) (1994 :41-45). Certaines
activités quotidiennes étudiées lors de la recherche confirment au moins l’un des
types de cocooning, tel que les activités du soir des personnes rencontrées axées
vers l’intérieur (télévision, lecture, tâches domestiques), mais devons-nous
prétendre qu’ils sont devenues des coconniers? Il y a une distinction à faire entre
un courant de pensée sur la société de consommation et la perception populaire
de sa façon de vivre. S’il est vrai que les ménages se replient de plus en plus sur
eux-mêmes, il est aussi approprié de mentionner que ces mêmes ménages ont
cette sensation agréable d’avoir les équipements nécessaires pour mieux contrôler
leur milieu domestique et, ainsi, de se sentir davantage chez-eux. Par
conséquent, l’individu actuel tend à désacraliser la nature, il déshumanise les
relations avec l’environnement et l’image collective est devenue absente dans les
valeurs modernes des individus (Rapoport : 1972, 174).
119
Bref, la maison a toujours été et elle demeure le nid familial et elle est
renforcée de plus en plus en un lieu de protection. Cette étude devait illustrer les
aspects des pratiques à caractère social dans les pièces d’une maison privée mais
les résultats de l’enquête ont exprimé davantage une explication plus matérielle
de l’espace domestique au sens collectif. Ainsi, l’objet matériel s’est davantage
exprimé lors de la description des pièces collectives par les personnes interrogées
ainsi que des gestes quotidiens réalisés entre ces pièces et les objets référant à
l’un ou l’autre de ces activités domestiques. Ce que nous pouvons admettre de la
part des témoignages véhiculés par ces informateurs, c’est que l’espace intérieur
à vocation sociale est un ensemble de pièces matérielles dans lesquelles des
pratiques culturelles et sociales expriment à la fois la façon de vivre du ménage et
la façon de recevoir les invités. Par conséquent, les pratiques vécues par ces gens
passent avant tout par l’aménagement architectural et mobilier de leur univers
domestique.
120
Conclusion
Ruptures ou continuités des pratiques domestiques?
Ce mémoire de maîtrise illustre une nouvelle façon d’aborder un
phénomène relativement récent, la banlieue, au sein de la société nord-
américaine, plus particulièrement en contexte québécois. L’utilisation d’un outil
de gestion informatique d’une base de données d’ordre ethnologique a permis
d’explorer un champ d’étude à la fois complexe et riche en sources. Si l’analyse de
contenu a permis l’observation des différentes influences sociales et culturelles
au sein du noyau central de la vie domestique, les façons de vivre et d’habiter un
espace domestique révèlent d’autres pistes d’analyse pouvant répondre à
certaines interrogations. Par exemple, les gens développent un milieu domestique
selon les compétences acquises en cours d’un parcours personnel. En ce qui
concerne l’approche plus psychologique des interventions du cadre domestique,
c’est-à-dire les rénovations, la théorie de la « compétence environnementale »35
permet aussi l’interprétation d’une autre façon systémique de s’approprier un
espace résidentiel.
L’accent sur les deux personnes âgées veuves permet d’approfondir le
phénomène du vieillissement dans les banlieues et les façons de s’adapter à leur
espace domestique au cours de leur perte de mobilité, d’autonomie (c’est le cas
du premier entretien) ainsi que d’un membre de leur ménage (c’est le cas des
deux personnes âgées). Pour la première personne, elle illustre une personne
seule en perte graduelle de motricité et de capacité d’entretenir une maison. Pour
la deuxième personne, c’est l’exemple d’un homme retraité profitant d’une très
bonne condition de santé afin de vaquer à des activités à l’extérieur de sa maison.
Pour le couple, cette étude précise un autre cas particulier dans lequel les
individus tentent de donner sens à leur vie domestique et ce, à partir d’une
maison ne reflétant pas globalement leur idéal.
35 Cette théorie vise à identifier l’interaction de l’individu entre les compétences de celui-ci et
la motivation d’adapter l’environnement qui l’entoure (Jutras et Cullen, 1983 : 37-44).
121
Cette recherche a constaté une transformation subtile, soit des
interventions souvent mineures (déplacement des accessoires et des meubles),
mais une transformation signifiante autour des pièces collectives au sein des
pratiques domestiques des maisons unifamiliales. Les individus vivant dans une
propriété privée ont un sentiment de mieux contrôler leur environnement
domestique et, ainsi, de transformer le monde qui les entoure en un microcosmos
d’intimité et de confort. Dans ces pièces étudiées, nous remarquons aussi la
présence de pratiques domestiques ayant des référents traditionnels (repas) mais
ayant aussi des repères plus contemporains (cuisinière électrique). Très souvent,
ces adaptations contemporaines de certaines traditions domestiques sont
conséquentes des transformations au sein même des compétences des individus
occupant un espace privé. Ainsi, ces pratiques sont des continuités dans leurs
gestes quotidiens mais ce sont les techniques qui ont évoluées, ce qui explique
une profonde rupture avec les actions domestiques pratiquées il y a près d’un
siècle.
Un des facteurs importants de ses changements domestiques est le
vieillissement de la population des quartiers constituant les premières banlieues
contemporaines. Le fait que les membres principaux d’un ménage perdent
certaines motricités, telle que Monique, transforme la dynamique domestique et,
par extension, le milieu de vie d’un quartier. Dès lors, cette population
vieillissante adapte autant que possible les changements dans les habitudes de
vie afin de les intégrer dans une nouvelle propriété. C’est alors que certains choix
s’imposent : ou bien adapter leur maison ou bien déménager dans un
environnement qui correspond mieux à leurs nouvelles situations. Certains
d’entre eux persistent à demeurer dans le même type d’habitation, à condition
d’obtenir des outils propices à favoriser leurs conditions de vie, telle que Monique
qui essaie de concentrer ses activités quotidiennes sur un même étage. Depuis
quelques années, des efforts sont faits pour tenter d’améliorer la qualité de vie
pour une clientèle plus âgée mais éloignée de certains services.36 Des recherches
36 Un ouvrage sociographique a déjà constaté l’urgence de proposer des services adaptés à la
clientèle vieillissante des quartiers de Charlesbourg, dont la paroisse de Maria-Gorretti (Ferland et coll : 1987).
122
en architecture visent à transformer un espace unifamilial en une habitation
multifamiliale. Par exemple, dans le cas de la région de Québec, le quartier
Duberger sert de terrain pour certains étudiants en architecture à l’Université
Laval afin de proposer différents modèles de réaménagement pour l’intégration de
deux familles sous un même toit (Larose : 2002, E-14, Giguère : 2001, A-11).
Outre une réglementation restrictive, la façon d’habiter l’espace domestique des
ménages québécois au tournant du XXIème siècle est confrontée entre le souhait
de conserver un espace monofamilial et intime et les valeurs plus traditionnelles
de partage avec une génération plus âgée. C’est un phénomène que les premières
banlieues seront confrontées, d’autant plus qu’il existe une nouvelle tendance de
régénération de cette clientèle par le biais d’installation de nouvelles familles, telle
qu’illustrée lors de la collecte de données.
Ces façons d’habiter un milieu domestiqué par les membres d’un groupe
familial ont permis d’illustrer une mise en valorisation d’un milieu privé
confortable et ayant un regard protégé vers le monde extérieur. Le phénomène du
cocooning semble selon Dansereau (2002, 11) prendre un sens de plus en plus
démesuré depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Le fait que
l’individu a constaté la fragilité de l’existence humaine, cette tendance serait-elle
une conséquence d’un isolement vers un ensemble reflétant la représentation
physique et symbolique considérée le plus contrôlable par les Occidentaux : la
maison?
123
Bibliographie Études Archambault-Malouin, Diane et coll., Continuité, no. 67, hiver 1996.
- Archambault-Malouin, Diane, « Maisons de guerre, maisons de paix », p. 23-26.
- Marchand, Denys, « La langage des transformations », p. 27-29. - Duff, Jocelyn, « Un espace et un temps à habiter », p. 30-32.
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Comtois, Martin, Entrevue avec Mme Monique, le 20 février 2002, à Charlesbourg (Secteur Maria-Goretti), micro-cassette, environ 1 heure 30 minutes. Comtois, Martin, Entrevue avec M. Pierre, le 25 février 2002, à Charlesbourg (Secteur Maria-Goretti), micro-cassette, environ 1 heure 50 minutes. Comtois, Martin, Entrevue avec M. Louis et Mme Brigitte, le 18 mars 2002, à Charlesbourg (Secteur Maria-Goretti), micro-cassette, environ 2 heures 35 minutes.
129
Annexe A
Guide d’entretien
130
Guide d’entretien détaillé
1. Renseignements généraux (pour la fiche-informateur) 1.1 Renseignements biographiques
- Nom et prénom - Adresse actuelle - Date et lieu de naissance - État civil - Conjoint(e) - Enfant(s) - Nom(s) et occupation(s) des parents
1.2 Renseignements professionnels
- Formations (études) - Occupations professionnelles - Déplacements (déménagement) - Événements particuliers - Archives privées (s’il y a lieu)
2. Acquisition de la maison unifamiliale 2.1 Acquisition de la maison
- Quand avez-vous acheté votre maison? - Avez-vous fait construire?
Si oui, comment s’est déroulée l’acquisition? Si non, quand date-t-elle? Par qui?
- Quels ont été les critères pour l’achat de votre maison? - Pour quelles raisons êtes-vous installé dans cette maison? - À partir de la signature du contrat, quelles sont les étapes d’aménagement
intérieur? Quand? Comment avez-vous aménagé cette maison à cette époque? Motivations? Combien de temps?
- Comment était votre premier aménagement? - Quelle était la composition de votre famille à cette époque? - Avez-vous fait des activités spéciales (pendaison de la crémaillère)?
- Décrivez-moi le quartier (et la ville) lors de votre installation? Comment a-t-il évolué?
2.2 Évolution de la maison et de la famille
- Quelles sont les modifications majeures (ou des rénovations) entre la première installation et aujourd’hui? Combien de fois?
o Quand ont-elles été réalisées? o Pour quelles raisons les avez-vous modifiées à chaque fois? o Par qui? Avec qui? (Travail collectif, aide, échange)
131
o Quelles ont été les étapes et les principales techniques utilisées lors des périodes de rénovation?
o Engagez-vous des spécialistes ou des hommes de métier (plombiers, électriciens) ? Lesquels? Pour quelles raisons?
- Avez-vous changé ou modifié l’ameublement (réaménagement)? o Si oui, quand datent ces meubles chez vous?
D’où proviennent-ils? Fabrication? Achat? Pourquoi avez-vous acquis ces meubles?
o Quelles sont les caractéristiques générales de ces meubles? Description et usage?
- Quelles sont les grands changements de votre famille (périodes)? o Quelles sont les raisons (Enfants)? o Qui? o Quand? o Quelle est la situation actuelle de votre famille?
3. L’espace social 3.1 Les pièces
- Décrivez-moi les pièces collectives dans votre maison? o Lesquelles? o À quoi servent-elles particulièrement? o Estimez les dimensions, la superficie ainsi que sa localisation à
l’intérieur de votre maison (plan)? o Quelle est la composition de ces pièces (ameublement et
décoration)? Quelles sont les caractéristiques physiques? Quels ont été vos critères d’aménagement? Quelles sont les influences de votre choix d’ameublement
(modes, modèles familiaux)? Avez-vous un projet de réaménagement et de rénovation?
Lequel? Pour quelles raisons? 3.2 Les pratiques à vocation familiale et sociale
- Quelles sont les activités quotidiennes dans ces pièces?
o Décrivez ces activités? o À quelle moment? Combien de fois? o Qui participe(nt) à ces activités? o Quelle est la durée approximative (estimation)?
3.4 Les responsables des espaces sociaux
- Qui fait les tâches domestiques à l’intérieur de ces pièces (entretien, aménagement)? Lesquelles? Pour quelles raisons?
o Quel membre de la famille (ou autre personne) est-il responsable? o Combien de fois? Quand?
132
Annexe B
Données statistiques de la région métropolitaine de
recensement de Québec
133
Données statistiques de la région métropolitaine de recensement de Québec (RMR) Selon Statistiques Canada, 1996.
Géographie (Secteurs)/Valeurs Revenu moyen des familles Valeur moyenne des habitations Grandes périodes de construction (Décennies)
CUQ 52 570 $ 99 848 $ 1960-1989
Québec N.D. N.D. N.D.
039.01 (Les Saules- Sud) 52 084 $ 88 365 $ 1970-1989
039.02 (Nord-Est) 59 620 $ 87 614 $ 1960-1979
040.01 (Duberger) 47 811 $ 81 929 $ 1946-1969
040.02 (Parc Industriel Duberger) 37 864 $ 75 554 $ 1970-1989
041.01 (Neufchatel- Parc Industriel) 46 919 $ 99 298 $ 1970-1989
041.02 (Sud-Est) 59 620 $ 107 119 $ 1980-…
041.03 (Nord) 45 753 $ 66 998 $ 1960-1979
041.04 (Sud-Ouest de Lorretteville) 50 397 $ 90 933 $ 1960-1989
041.05 (Sud de Wendake) 54 863 $ 85 391 $ 1960-1979
Lorretteville 43 955 $ (1) N.D. N.D.
160.01 (Sud) 43 898 $ 82 748 $ 1960-1979
160.02 (Est) 52 223 $ 89 939 $ 1970-1989
160.03 (Nord) 56 580 $ 92 722 $ 1960-1979
Val-Bélair N.D. N.D. N.D.
170.01 (Sud) 46 149 $ 88 062 $ 1980-…
170.02 (Nord) 45 191 $ 76 890 $ 1970-…
Lac-Saint-Charles N.D. N.D. N.D.
210.01 (Sud) 41 349 $ 69 041 $ 1970-…
210.02 (Nord) 50 749 $ 85 730 $ 1970-1989
134
Géographie (Code)/Valeurs Revenu moyen des familles Revenu moyen des familles
Valeur moyenne des habitations Valeur moyenne des habitations
Grandes périodes de construction (Décennies) Grandes périodes de construction (Décennies) Charlesbourg 45 547 $ (2) N.D. N.D.
220.01 (Notre-Dame-des-Laurentides) 50 095 $ 87 437 $ 1970-1989
220.02 (Ouest) 52 115 $ 89 258 $ 1970-1989
280.01 (Orsainville- Sud-Est) 50 820 $ 83 397 $ 1960-1979
280.02 (Nord-Est) 51 830 $ 85 835 $ 1960-1989
280.03 (Ouest) 43 701 $ 81 835 $ 1960-1979
290.00 (Bourg-Royal) 56 237 $ 97 922 $ 1980-…
Saint-Émile
230.00 50 529 $ 89 411 $ 1970-…
Beauport 43 737 $ (3) 82 000 $ (4) N.D.
311.01 (Giffard-Nord) 42 416 $ 78 362 $ 1946-1979 et 1990-…
311.02 (Petit-Village) 38 436 $ 89 131 $ 1960-1979
320.01 (Beauport- Sud) 48 455 $ 104 433 $ 1946-1979
320.02 (Est) 47 341 $ 93 228 $ 1960-1979
320.03 (Carrières) 59 288 $ 85 444 $ 1970-1989
320.04 (Vieux-Beauport) 51 603 $ 96 301 $ 1960-1989
320.05 (Nord) 57 774 $ 99 268 $ 1980-…
320.06 (Ouest) 56 756 $ 91 818 $ 1970-…
340.01 (Courville- Parc Montmorency) 54 010 $ 98 144 $ 1960-1979
340.02 (Centre) 46 227 $ 87 960 $ 1946-1959 et 1980-1989
340.03 (Nord) 59 288 $ 98 127 $ 1970-1989
360.01 (Sainte-Thérèse-de-Lisieux-Est) 45 476 $ 76 988 $ 1970-1989
360.02 (Ouest) 55 552 $ 100 644 $ 1970-… 1 Voir http://ville.loretteville.qc.ca/Fra/ActivActivitesEconomiques/Stat.html 2 Voir http://www.ville.charlesbourg.qc.ca/portrait/chi.base.html 3 Voir http://www.ville.beauport.qc.ca/beauport/Demogr_f.html
4 Idem, cette valeur provient des statistiques de la SCHL de 1995
135
Annexe C
Modes de saisie de la collecte de données
136
Le corpus ethnologique
Pour faciliter la collecte de ces nombreuses données, nous avons
favorisé deux types de supports : l’enregistrement sonore avec un
magnétophone et la photographie. Les trois entrevues ont été enregistrées sur
micro-cassette et la durée moyenne de chaque entrevue oscille entre une
heure trente minutes et près de deux heures trente minutes. Le corpus
ethnologique contient près de quarante photographies prises à l’intérieur des
pièces visées pour le compte du projet de recherche ainsi que quelques plans
des espaces domestiques étudiés. Si les photographies ont servi à la
description ainsi qu’à l’interprétation des façons de vivre dans les espaces
domestiques en banlieue, les plans intégrés au texte servent à clarifier
l’organisation des pièces ainsi que du mobilier et ce, afin de faciliter les liens
entre l’activité humaine et la culture matérielle. Les plans ont été dessinés à
partir du logiciel Autocad 2000 afin de reproduire de façon plus
professionnelle l’organisation des intérieurs domestiques étudiés.
Application de Nvivo : codifications, avantages et limites
Tel que nous avons mentionné au chapitre précédent, les données
recueillies ont été transcrites dans un format informatisé afin de les intégrer
dans un logiciel de gestion des banques de données qualitatives : Nvivo.
Chaque transcription a été reproduite de façon à ce que les séquences, c’est-à-
dire les unités de sens, soient codifiées et répertoriées le plus aisément
possible. Avant d’entamer la codification, il est très important d’établir un
système d’arborescence reflétant les objectifs visés. Ce système s’apparente
d’abord des grands thèmes identifiés par le questionnaire d’entretien. Dès
lors, une lecture simple des verbatims recueillies est nécessaire. Très souvent,
cette étape donne un aperçu des types d’informations recueillies ainsi que les
premières interprétations pouvant être observées par le chercheur. Lorsque
l’arborescence est de plus en plus exhaustive, c’est-à-dire au fur et à mesure
que chaque code est classifié dans le logiciel Nvivo, nous ne pouvons plus
revenir en arrière. L’autre danger de cette arborescence de codes vient du fait
qu’on peut créer une classification trop détaillée, donc trop lourde à consulter.
Dans les prochains paragraphes, nous allons illustrer les différentes étapes de
137
la mise en codification des différentes séquences des trois entrevues étudiées
et, ainsi, expliquer les liens entre la démarche scientifique et les applications
informatiques autour de cette banque de données, plus particulièrement sur
le sens de la codification tel que recherché pour le compte du mémoire.
De prime abord, nous devons exporter les trois entrevues transcrites
sur Word à l’intérieur de ce logiciel d’analyse qualitative. Ces entrevues sont
nommées « documents ». À l’intérieur de celles-ci, nous retrouvons des
éléments du discours pouvant être identifiés par des unités de sens ou bien
par des codes. C’est alors qu’émerge un corpus propre à une analyse de
contenu: la création d’une arborescence de codes. Il est nécessaire d’imposer
une structure logique et cohérente avant de créer la codification des éléments
du discours. Cette structure doit refléter le plus fidèlement possible la
problématique du sujet de recherche. Dans ce cas-ci, l’arborescence doit
contenir les données pouvant être observées par le chercheur lors de la phase
préliminaire du projet de recherche sur les façons d’habiter les maisons
unifamiliales de la banlieue de Québec. Dès lors, l’organisation du
questionnaire d’enquête s’avère appropriée au démarrage de la codification au
premier niveau car les grands thèmes ont été développés autour des objectifs
principaux fixés pour le projet de recherche. C’est alors qu’un premier schéma
est apparu, soit un premier niveau hiérarchique de codification pouvant être
créé par Nvivo (voir aussi annexe D):
Achat maison (1)
Évolution maison (2)
Pièces collectives (3)
Pratiques (4)
Responsables espaces sociaux (5)
Parcours résidentiel (6)37
Il est important de définir un terme reflétant le plus fidèlement possible
le sens recherché pour chaque séquence codifiée. En désignant les termes tels
37 Nous devons préciser que le sixième code a été ajouté car certaines données des
entrevues réalisées révélaient plusieurs parties de discours entourant le parcours résidentiel d’avant la propriété actuelle. Ainsi, les codes sont numérotés davantage en ordre chronologique d’apparition dans le logiciel qu’en ordre progressif d’analyse.
138
que « Rénovations » et « Réaménagements » dans la partie « Évolution
maison », nous savons que le premier terme désigne les transformations
touchant la structure de la maison ou bien la réorganisation de la superficie
de l’espace domestique ou fonctionnel et que le deuxième terme est défini
comme une transformation plus esthétique de la pièce tel que le déplacement
de certains meubles dans le salon. Dans certains cas, une séquence peut être
considérée comme une idée trop générale pour être classée dans un niveau
hiérarchique plus précis, car l’appréciation des aires ouvertes entre les pièces
plus sociales ne visent pas une pièce en particulier ou bien elles concernent
plusieurs pièces à la fois. Ainsi, ces séquences sont répertoriées au niveau
général de la codification.
Lors de la lecture des entrevues, nous pouvons constater que certaines
idées véhiculées par les informateurs proposent une codification plus précise
car certains regroupements d’idées similaires amènent des pistes
d’interprétation pour l’analyse. Parfois, c’est le contenu de l’entrevue en soi
qui engendre un autre niveau hiérarchique de codification. Par exemple, dans
le code général « Pièces collectives », le deuxième niveau hiérarchique s’est
organisé autour des pièces jugées sociales par les participants à cette collecte
de données. Aussi, le code « Évolution maison » tient compte des éléments du
discours rejoignant les rénovations et réaménagements survenus dans leurs
maisons jusqu’au moment des entretiens.
Certains codes ou « nodes »38 du deuxième niveau de codification ont
nécessité un troisième ou même un quatrième niveau car certaines séquences
amènent d’autres précisions jugées importantes par le chercheur à la
compilation et à l’interprétation des données. Pensons aux codes
« Rénovations » et « Réaménagements » au deuxième niveau du code principal
« Évolution maison ». Nous retrouvons des précisions sur le discours des
informateurs au point de vue de la nature des pièces à vocation sociale, de la
pièce visée, des participants aux activités domestiques, de la durée des
transformations d’une partie de l’espace habité, de la date d’un
réaménagement ainsi que des motivations des rénovations ou bien des
38 Les « nodes » sont les termes courants utilisés dans l’application de Nvivo afin de
désigner le cahier de codage d’une recherche qualitative. Dans ce logiciel, la majorité des codes identifiés dans la structure principale de recherche s’appelle « tree nodes ». (Lux : 2002, 21).
139
réaménagements réalisées dans ces propriétés. Dans le cas du quatrième
niveau hiérarchique de codification, les séquences codées servent à orienter le
dernier sens du ou des codes. Nous pouvons prendre comme exemple le
troisième niveau « Ameublement et décoration »39, répertorié dans chaque
pièce identifiée par les informateurs au sein du code principal « Pièces
collectives ». L’une des interrogations de la recherche est de connaître la
provenance du mobilier et équipement composant les pièces à vocation sociale
auprès des personnes interrogées. Suite aux réponses obtenues au cours de la
collecte de données, c’est alors que les codes de quatrième niveau
« Description et localisation », « Date » et « Provenance » (origine des meubles et
équipements) ont été ajoutés. Dans le cas du dernier code mentionné à la
phrase précédente, nous avons eu besoin d’un cinquième niveau de
codification car nous avons aussi des précisions importantes par les
participants sur le type d’acquisition de mobilier ou de décoration sur chaque
pièce considérée collective.
Certains passages des récits ne peuvent pas être classifiés dans le « tree
nodes » ou l’arbre des codes expliqués auparavant, mais peuvent être des
informations pertinentes pour le chercheur. Il existe un autre type de
codification servant à ces séquences, les « free nodes ». Ainsi, huit séquences
d’entre elles ont été identifiées sous trois catégories : les passages relatant la
présence des animaux domestiques, des souvenirs de leur famille d’origine
ainsi que des types de rencontres entretenues auprès des voisins.
En ce qui concerne les informations biographiques autour des
informateurs interrogés, nous pouvons les regrouper sous une autre forme
que celle proposée par l’arborescence. Ainsi, ce logiciel propose de lier ces
informations autour des attributs afin de compiler les grands traits des
informateurs. Cet autre aspect de l’analyse illustre en tableau des données
soient qualitatives, soient quantitatives. Compte tenu du petit échantillonnage
de la banque de données, les attributs servent surtout à afficher les
39 L’ameublement diffère de la décoration car les meubles servent à la personnalisation
d’ordre pratique et la décoration, d’ordre esthétique-affectif (Ekambi-Schmidt : 1972, 13-15). Si ces deux aspects de l’aménagement des pièces sont séparés dans la partie « Réaménagements » du code principal « Évolution maison » afin de distinguer les transformations, nous les avons regrouper dans le code principal « Pièces collectives » car ils facilitent la description des pièces au moment de l’entretien.
140
renseignements biographiques et professionnels des personnes interrogées
(voir tab. 36).
Attributs Louis et Brigitte Pierre Monique
Année arrivée maison 1990 1985 1979
Date de naissance 1950-59 1930-39 1920-29
Emploi Professeurs Retraité gouv. du Qc Retraitée
Enfants 2 3 2
État civil Conjoint Veuf Veuve
Lieu de naissance Montréal & Bas-St-Laurent Québec Québec
Nombre résidents 3 1 1
Scolarité Universitaire Universitaire 7e année
Type habitat Unifamilial (bungalow) Unifamilial (bungalow) Unifamilial (bungalow)
Tableau 36- Tableau sur les informations générales des informateurs classées par le logiciel Nvivo.
À la fin de la codification des entrevues, cent quatorze codes ont été
créés afin de permettre l’analyse de cette banque de données. Nous devons
soutenir que cette arborescence est avant tout un système de classification
préliminaire autour d’un échantillon restreint car cette banque sert à valider
une démarche qualitative avec une application technologique. L’utilisation du
logiciel Nvivo permet d’entamer une plus grande capacité de gestion des codes
et, ainsi, de critiquer et d’améliorer cette structure pour les recherches
ultérieures utilisant ce logiciel utile à une analyse qualitative. Ce logiciel
favorise aussi le développement des codes vers une meilleure analyse des liens
émergeant entre les catégories. Ainsi, une grande variété de méthodes
d’interprétation peut être utilisée pour explorer un plus grand nombre
possible des différents aspects sociaux et culturels de la recherche, plus
particulièrement pour chaque cas étudié.
141
Annexe D
Arborescence des codes appliqués dans le logiciel Nvivo
142
Arborescence des codes (1) /Achat maison (1 1) /Achat maison/Circonstances (1 1 1) /Achat maison/Circonstances/Date (1 1 2) /Achat maison/Circonstances/Anciens propriétaires (1 1 3) /Achat maison/Circonstances/Coût (1 2) /Achat maison/Description (1 2 1) /Achat maison/Description/Date de construction (1 3) /Achat maison/Choix et critères (1 3 1) /Achat maison/Choix et critères/Motivations (1 4) /Achat maison/Quartier à l'arrivée (1 5) /Achat maison/Déménagement et installation
(1 5 1) /Achat maison/Déménagement et installation/Pendaison de la crémaillère
(2) /Évolution maison (2 1) /Évolution maison/Évolution du quartier (2 2) /Évolution maison/Rénovations
(2 2 1) /Évolution maison/Rénovations/Nature et pièce ou espace
(2 2 1 3) /Évolution maison/Rénovations/Nature et pièce ou espace/Description
(2 2 2) /Évolution maison/Rénovations/Participants (2 2 2 1) /Évolution maison/Rénovations/Participants/
Résidents (2 2 2 2) /Évolution maison/Rénovations/Participants/
Entourage (2 2 2 3) /Évolution maison/Rénovations/Participants/
Spécialistes (2 2 4) /Évolution maison/Rénovations/Motivations (2 2 5) /Évolution maison/Rénovations/Date et durée (2 3) /Évolution maison/Réaménagement (2 3 1) /Évolution maison/Réaménagement/Décoration (2 3 1 1) /Évolution maison/Réaménagement/Décoration/
Description et pièce (2 3 1 2) /Évolution maison/Réaménagement/Décoration/
Motivations (2 3 2) /Évolution maison/Réaménagement/Mobilier (2 3 2 1) /Évolution maison/Réaménagement/Mobilier/
Description et pièce (2 3 2 4) /Évolution maison/Réaménagement/Mobilier/
Motivations (2 4) /Évolution maison/Changements familiaux (2 5) /Évolution maison/Situation actuelle (2 5 1) /Évolution maison/Situation actuelle/Projets (2 6) /Évolution maison/Critères et influences
143
(3) /Pièces collectives (3 1) /Pièces collectives/Salon (3 1 1) /Pièces collectives/Salon/Rôle (3 1 2) /Pièces collectives/Salon/Description de la pièce (3 1 3) /Pièces collectives/Salon/Ameublement et décoration
(3 1 3 1) /Pièces collectives/Salon/Ameublement et décoration/Description et localisation
(3 1 3 1 1) /Pièces collectives/Salon/Ameublement et décoration/Description et localisation/ Contraintes
(3 1 3 2) /Pièces collectives/Salon/Ameublement et décoration/Provenance
(3 1 3 2 1) /Pièces collectives/Salon/Ameublement et décoration/Provenance/Achat
(3 1 3 2 2) /Pièces collectives/Salon/Ameublement et décoration/Provenance/Fabrication (3 1 3 2 3) /Pièces collectives/Salon/Ameublement et décoration/Provenance/Héritage
(3 1 3 3) /Pièces collectives/Salon/Ameublement et décoration/Date
(3 2) /Pièces collectives/Cuisine (3 2 1) /Pièces collectives/Cuisine/Rôle (3 2 2) /Pièces collectives/Cuisine/Description de la pièce (3 2 3) /Pièces collectives/Cuisine/Ameublement et décoration
(3 2 3 1) /Pièces collectives/Cuisine/Ameublement et décoration/Description (3 2 3 2) /Pièces collectives/Cuisine/Ameublement et décoration/Provenance
(3 2 3 2 1) /Pièces collectives/Cuisine/ Ameublement et décoration/Provenance/Achat (3 2 3 2 2) /Pièces collectives/Cuisine/ Ameublement et décoration/Provenance/ Fabrication (3 2 3 2 3) /Pièces collectives/Cuisine/ Ameublement et décoration/Provenance/Héritage
(3 2 4) /Pièces collectives/Cuisine/Date (3 3) /Pièces collectives/Salle à dîner (3 3 1) /Pièces collectives/Salle à dîner/Rôle (3 3 2) /Pièces collectives/Salle à dîner/Description de la pièce
(3 3 3) /Pièces collectives/Salle à dîner/Ameublement et décoration
(3 3 3 1) /Pièces collectives/Salle à dîner/Ameublement et décoration/Description et localisation (3 3 3 2) /Pièces collectives/Salle à dîner/Ameublement et décoration/Provenance
(3 3 3 2 1) /Pièces collectives/Salle à dîner/ Ameublement et décoration/Provenance/Achat
(3 3 3 2 2) /Pièces collectives/Salle à dîner/ Ameublement et décoration/Provenance/ Fabrication
(3 3 3 3) /Pièces collectives/Salle à dîner/Ameublement et décoration/Date
144
(3 4) /Pièces collectives/Salle de bain (3 4 1) /Pièces collectives/Salle de bain/Rôle (3 4 2) /Pièces collectives/Salle de bain/Description de la pièce
(3 4 3) /Pièces collectives/Salle de bain/Ameublement et décoration
(3 4 3 1) /Pièces collectives/Salle de bain/Ameublement et décoration/Description (3 4 3 2) /Pièces collectives/Salle de bain/Ameublement et décoration/Provenance
(3 4 3 2 1) /Pièces collectives/Salle de bain/ Ameublement et décoration/Provenance/Achat
(3 4 3 2 2) /Pièces collectives/Salle de bain/ Ameublement et décoration/Provenance/ Fabrication
(3 5) /Pièces collectives/Boudoir (3 5 1) /Pièces collectives/Boudoir/Rôle (3 5 2) /Pièces collectives/Boudoir/Description de la pièce (3 5 3) /Pièces collectives/Boudoir/Ameublement et décoration
(3 5 3 1) /Pièces collectives/Boudoir/Ameublement et décoration/Description (3 5 3 2) /Pièces collectives/Boudoir/Ameublement et décoration/Provenance
(3 5 3 2 1) /Pièces collectives/Boudoir/ Ameublement et décoration/Provenance/Achat (3 5 3 2 2) /Pièces collectives/Boudoir/ Ameublement et décoration/Provenance/ Fabrication
(3 5 3 3) /Pièces collectives/Boudoir/Ameublement et décoration/Date
(3 6) /Pièces collectives/Salle familiale (3 6 1) /Pièces collectives/Salle familiale/Rôle (3 6 2) /Pièces collectives/Salle familiale/Description de la pièce
(3 6 3) /Pièces collectives/Salle familiale/Ameublement et décoration
(3 6 3 1) /Pièces collectives/Salle familiale/Ameublement et décoration/Description et localisation (3 6 3 2) /Pièces collectives/Salle familiale/Ameublement et décoration/Provenance
(3 6 3 2 1) /Pièces collectives/Salle familiale/ Ameublement et décoration/Provenance/Achat
(3 6 3 3) /Pièces collectives/Salle familiale/Ameublement et décoration/Date
(4) /Pratiques (4 1) /Pratiques/Familiales (4 1 1) /Pratiques/Familiales/Travail (4 1 2) /Pratiques/Familiales/Consommation (4 1 3) /Pratiques/Familiales/Réception (4 1 4) /Pratiques/Familiales/Détente (4 2) /Pratiques/Sociales (4 2 1) /Pratiques/Sociales/Travail (4 2 2) /Pratiques/Sociales/Consommation
145
(4 2 3) /Pratiques/Sociales/Réception (4 2 4) /Pratiques/Sociales/Détente (4 3) /Pratiques/Individuelles (4 3 1) /Pratiques/Individuelles/Travail (4 3 2) /Pratiques/Individuelles/Consommation (4 3 3) /Pratiques/Individuelles/Réception (4 3 4) /Pratiques/Individuelles/Détente (5) /Responsables espaces sociaux (5 1) /Responsables espaces sociaux/Tâches domestiques (5 1 1) /Responsables espaces sociaux/Tâches domestiques/
Homme (5 1 2) /Responsables espaces sociaux/Tâches domestiques/
Femme (5 1 3) /Responsables espaces sociaux/Tâches domestiques/ Ménagère (5 1 4) /Responsables espaces sociaux/Tâches domestiques/ Autres
(6) /Parcours résidentiel (6 1) /Parcours résidentiel/Possibilité achat