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Marc Perrenoud, sous lesdoigts, I'incendie rËË;i pi"ni'ie silï;Ë:ouwë ëë *ir ; ônèi Ëîé;ii"'lË;ô;rôhnâ. Ëô;dii ai'n pildis. âuËilufiô----" il;;il'iËËi' Cela ne veut rien dire, la dou- ceur. Marc Perrenoud fait mine de rieq quand ilmarche dans les rues de Genève, I'air de nlen vouloir à personne, le cheveu lisse. Même sur un piano; il donne le senti- ment voler à dix lieues au-des- sus de la mêlée. On dirait un gym- nosophiste méditant sur sa cqlonne, un mécanicien de préci- sion qui coritrôle à lbreille le déli- càt wombissement de son engin. Et pourtant, ce jeune jazzeurl23 ans, pour lequel I'essentiel de"la presse spécialisée fait la claque, a les doigts minés. Il suffit d'enten- dre sa version de <Solarr, un stan- dard de Miles Davis, qu'il épuise, démonte et piège. Perrenoud, der- rière son.sourire doux, cache des envies de passage à tabac. vous prend par surprise, donc. Son jeu a des goûts de vieillesse antici- pée, de maturation rapide, il grise les tempes; conune si c'était d'an- ciennes histoires urgentes dont il traitait. Ce n'est pas seulement la beauté de son jeu, ruminé, arti- culé, mais I'espace qu'il aban- donne aux peurs. ' On se réjouissait de le rencon- trer, Marc. Un restaurant thaT, avec du curry en sauce. Il vous pose tout un tas de questions, nhime pas ffop parler de lui. Il naît à Genève, en 1981, d'un père hautboiste et d'une mère flûtiste. La famille suit les emplois dbrchestre du père. OSRde Genève, Philarmonique de Berlin, puis Tonhalle de Zurich. <Je me souviens de Berlin,les couçs de rythmique sur lesquels on mettait là;bas ùn' actertt' particulier." Chez moi, je touchais au piano, dans une autre pièce ma mère répétait et encore ailleurs, c'était mon père qui ajustait ses anches. Je nai ja- mais eu dhutre fantasme que de jouer du piano.r Marc giandit dans les salles de concert, il y'a Mozart à la maison. I(eith Jarreût, parfois - <ma mère en est folle, et de Miles Davis aussir. Marc parle le néerlandais de sa mère, le français de son père et lbllemand qui I'en- toure. Il' découwe tard qu'il existe dhutres musiques à jouer que le classique. Jusque-là, ses profes- seurs de cadence lui offraient quelques minutes de création spontanée à la fin des cours pour I'encourager à réviser ses parti- tions. A l6 ans, il rentre à Genève au Collège de Saussure, dans une section artistique qui a formé la ' plupart des nouveaux hérauts du jazz genevois (Grégoire Maret, Léo Tardin, Elina Duni): <C'est le guita- riste Philippe Dragonetti quinous â ouverts sur un autre monde. Il nous donnait confiance, nous mettait sur scène.r Dans l'école, il existe toujours 4 ou 5 pièces plei- nes d'instruments les élèves les plus assidus sèchent les cours. Marc Perrenoud est de ceux-là. En réalité, le pianiste se forme surtout sur Ie tas, qrielques cours avec Mi- chel Bastet, un peu d'EJMA à Lau- sanne et puis Paris il obtient une bourse dans une chambre sans chauffage avec des voisins chinois qui n'èn reviennent pas de tant de luxe. Des voyages, surtout. Plusieurs semaines à Cuba, puis en Amérique latinë, ciù il ouwe un gigantesque chantier rythmique - son jeu en est aujourd'hui I'illus- tfation Il crée un duo avec le bat- teur Sylvain Ghio; ils enregistrent ensemble. Et fonde il y a deux ans un trio, dont Cyril Regamey est le vertigineux frappeur et Marco Mliller la base à cordes. C'est une aventure qui mûrit, avec suffisam- ment d'évidence pour qu'elle an- nonce des développements im- portants. En trio, Marc Perrenoud a tourné à Madagascar; il revient d'Argentine, on lui fournissait d'étape en étape les instruments pour le concert du soir. <Unjour, nous sornmes arrMs dans une Pe- tite ville. fe luthier local, qui fabri- quait des violons,,avait cot4u pour nous une contrebasse. Un instru- mentpresque injouable. Mais tout cela crée des liens.r Le pianiste a désormais un producteur en Amé- rique latine et son disque est pressé localement. Sa rnusique s'affine. Le disque qufil a sorti ily a plusieurs mois'ne résume plus la hauteur des débats en cours. Il joue rrBlue in Greenr, un autre incunable de Miles, qu'il suspend par les pieds. Il pratique des pièces de Broadway, <Alone Togetherr, des choses écumées, et des compo- sitions qui réaffirrnent un quoti- dien (<Flightcaser). Perrenoud en est encore à explorer les alentours; il va créer bientôt en France une pièce trée duBrgShoof de I'lvoirien Koffi Kwahulé, Un dialogue entre Thelonious Monk etJohn Coltrane. Marc invoque les sommets.Il a rai son. Son piano, dont la part de dé- rapage, d'audace et d'instinct n'est encore lisible qu'entre les lignes, vole déjà très haut. Marc PerrmouilTrio. .leudi 8 octobre,20h.Le Manège, Onex D ans Ie cadr e du fe stiv al J azz Contreband, jusqu'au 24 :octobre. - vwwv j a z z c o n tr eb a n d. c o m Marc Perrenaud.trl vous pose tout un tas de questions, n'airne pas trop lui. tnnoucs, z ocroBRE 2oo9 Ce n'est pas seulem,entlabesutî de son jeu,mais l'espace qu'il abandonne auxpeurs Il ouvre le festival Jazz Contre- band, ce soir à Onex, Jolie pioche pour résumer les ambitions d'une manifestation passe.rnuraille. Per- renoud dirige la formation la plus rabâchée de I'histoire du jazz, le trio piano. Il sort des disques, dont le dernier intitulé logo, qui parais- sent propres sur eux, avec ce qu'il faut de standards, d'excursions la- tines et de ballades investies pour qubn puisse autant le comparer à Brad Mehldau qu'à Marc Copland. Il entre dans le cadre. Bouscule peu les habitudes dune musique qubn écoute le plus souvent de Ioiû'{iffi a..ornpâ$nèi le vin. Il

Marc Perrenoud, sous lesdoigts, I'incendie Temps 08.10.09.pdf · Marc Perrenoud, sous lesdoigts, I'incendie rËË; ... Brad Mehldau qu'à Marc Copland. Il entre dans le cadre. Bouscule

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Marc Perrenoud, sous lesdoigts, I'incendierËË;i ië pi"ni'ie silï;Ë:ouwë ëë *ir ; ônèi Ëîé;ii"'lË;ô;rôhnâ. Ëô;dii ai'n pildis. âuËilufiô----"il;;il'iËËi'

Cela ne veut rien dire, la dou-ceur. Marc Perrenoud fait mine derieq quand ilmarche dans les ruesde Genève, I'air de nlen vouloir àpersonne, le cheveu lisse. Mêmesur un piano; il donne le senti-ment dô voler à dix lieues au-des-sus de la mêlée. On dirait un gym-nosophiste méditant sur sacqlonne, un mécanicien de préci-sion qui coritrôle à lbreille le déli-càt wombissement de son engin.Et pourtant, ce jeune jazzeurl23ans, pour lequel I'essentiel de"lapresse spécialisée fait la claque, ales doigts minés. Il suffit d'enten-dre sa version de <Solarr, un stan-dard de Miles Davis, qu'il épuise,démonte et piège. Perrenoud, der-rière son.sourire doux, cache desenvies de passage à tabac.

vous prend par surprise, donc. Sonjeu a des goûts de vieillesse antici-pée, de maturation rapide, il griseles tempes; conune si c'était d'an-ciennes histoires urgentes dont iltraitait. Ce n'est pas seulement labeauté de son jeu, ruminé, arti-culé, mais I'espace qu'il aban-donne aux peurs.' On se réjouissait de le rencon-trer, Marc. Un restaurant thaT, avecdu curry en sauce. Il vous pose toutun tas de questions, nhime pasffop parler de lui. Il naît à Genève,en 1981, d'un père hautboiste etd'une mère flûtiste. La famille suitles emplois dbrchestre du père.OSRde Genève, Philarmonique deBerlin, puis Tonhalle de Zurich. <Je

me souviens de Berlin,les couçs derythmique sur lesquels on mettaitlà;bas ùn' actertt' particulier." Chez

moi, je touchais au piano, dansune autre pièce ma mère répétaitet encore ailleurs, c'était mon pèrequi ajustait ses anches. Je nai ja-mais eu dhutre fantasme que dejouer du piano.r Marc gianditdans les salles de concert, il y'aMozart à la maison. I(eith Jarreût,parfois - <ma mère en est folle, etde Miles Davis aussir. Marc parle lenéerlandais de sa mère, le françaisde son père et lbllemand qui I'en-toure.

Il' découwe tard qu'il existedhutres musiques à jouer que leclassique. Jusque-là, ses profes-seurs de cadence lui offraientquelques minutes de créationspontanée à la fin des cours pourI'encourager à réviser ses parti-tions. A l6 ans, il rentre à Genèveau Collège de Saussure, dans une

section artistique qui a formé la' plupart des nouveaux hérauts dujazz genevois (Grégoire Maret, LéoTardin, Elina Duni): <C'est le guita-riste Philippe Dragonetti quinousâ ouverts sur un autre monde. Ilnous donnait confiance, nousmettait sur scène.r Dans l'école, ilexiste toujours 4 ou 5 pièces plei-nes d'instruments où les élèves lesplus assidus sèchent les cours.Marc Perrenoud est de ceux-là. Enréalité, le pianiste se forme surtoutsur Ie tas, qrielques cours avec Mi-chel Bastet, un peu d'EJMA à Lau-sanne et puis Paris où il obtientune bourse dans une chambresans chauffage avec des voisinschinois qui n'èn reviennent pas detant de luxe. Des voyages, surtout.

Plusieurs semaines à Cuba, puisen Amérique latinë, ciù il ouwe un

gigantesque chantier rythmique -son jeu en est aujourd'hui I'illus-tfation Il crée un duo avec le bat-teur Sylvain Ghio; ils enregistrentensemble. Et fonde il y a deux ans

un trio, dont Cyril Regamey est levertigineux frappeur et MarcoMliller la base à cordes. C'est uneaventure qui mûrit, avec suffisam-ment d'évidence pour qu'elle an-nonce des développements im-portants. En trio, Marc Perrenouda tourné à Madagascar; il revientd'Argentine, on lui fournissaitd'étape en étape les instrumentspour le concert du soir. <Unjour,nous sornmes arrMs dans une Pe-tite ville. fe luthier local, qui fabri-quait des violons,,avait cot4u pournous une contrebasse. Un instru-mentpresque injouable. Mais toutcela crée des liens.r Le pianiste a

désormais un producteur en Amé-rique latine et son disque estpressé localement. Sa rnusiques'affine. Le disque qufil a sorti ily a

plusieurs mois'ne résume plus lahauteur des débats en cours.

Il joue rrBlue in Greenr, un autreincunable de Miles, qu'il suspendpar les pieds. Il pratique des pièces

de Broadway, <Alone Togetherr,des choses écumées, et des compo-sitions qui réaffirrnent un quoti-dien (<Flightcaser). Perrenoud enest encore à explorer les alentours;il va créer bientôt en France unepièce trée duBrgShoof de I'lvoirienKoffi Kwahulé, Un dialogue entreThelonious Monk etJohn Coltrane.Marc invoque les sommets.Il a raison. Son piano, dont la part de dé-rapage, d'audace et d'instinct n'estencore lisible qu'entre les lignes,vole déjà très haut.

Marc PerrmouilTrio..leudi 8 octobre,20h.Le Manège,Onex D ans Ie cadr e du fe stiv al J azz

Contreband, jusqu'au 24 :octobre. -

vwwv j a z z c o n tr eb a n d. c o m

Marc Perrenaud.trl vous pose tout un tas de questions, n'airne pas trop lui. tnnoucs, z ocroBRE 2oo9

Ce n'est passeulem,entlabesutîde son jeu,maisl'espace qu'ilabandonne auxpeurs

Il ouvre le festival Jazz Contre-band, ce soir à Onex, Jolie piochepour résumer les ambitions d'unemanifestation passe.rnuraille. Per-renoud dirige la formation la plusrabâchée de I'histoire du jazz, letrio piano. Il sort des disques, dontle dernier intitulé logo, qui parais-sent propres sur eux, avec ce qu'ilfaut de standards, d'excursions la-tines et de ballades investies pourqubn puisse autant le comparer àBrad Mehldau qu'à Marc Copland.Il entre dans le cadre. Bousculepeu les habitudes dune musiquequbn écoute le plus souvent deIoiû'{iffi a..ornpâ$nèi le vin. Il