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PRÉFACE A la frontière du tome II de Maria et du tome III qui paraît aujourd'hui, le lecteur peut éprouver le besoin de faire le point. La majeure partie du volume précédent lui a proposé une excursion historique. Il a suivi, depuis les origines de l'ordre bénédictin, ce que les principales familles religieuses et quelques auteurs séculiers ont apporté au développement de la théologie et de la spiritualité mariales. Cette excursion s'est arrêtée sur le seuil du XVII e siècle, avec saint François de Sales. Elle reprend ici avec l'École Française, et va nous conduire, en passant par Bossuet, Grignion de Montfort, Alphonse de Liguori, Newman et Scheeben, jusqu'à la plus récente actualité. Le tome s'achève sur la constitution Munificentissimus en laquelle Pie XII définit l'Assomption. Comme dans les volumes précédents, et plus encore peut-être, l'or- donnateur de ces études sur la sainte Vierge a préféré à la rigueur de l'ordre, la richesse ; au jardin à la française, un parc luxuriant. Il n'a pas cherché à tout dire, mais à éclairer quelques moments mariais particulièrement typiques, en s'inspirant des possibilités offertes par les compétences de l'heure présente. Si la richesse débordante d'un tel ensemble frappe tous ceux qui lisent ces pages, peut-être certains désirent- ils un fil conducteur qui les guide, du double point de vue théorique et pratique. La présente introduction tentera de répondre à ce double désir. Elle présentera d'abord un cadre historique où chacun pourra situer les diverses monographies réunies en ce volume et dans les précédents. Elle fournira ensuite quelques orientations pour l'utilisation pratique de ces études, consacrées principalement à la spiritualité mariale. I. — PANORAMA HISTORIQUE Il n'est peut-être aucun aspect de la doctrine et du culte chrétien qui ait été l'objet d'un développement plus considérable que celui qui concerne Marie. Il y a dans la primitive Église une sorte de vie cachée de Notre Dame, une zone obscure, où les fulgurations de l'Écriture demeurent comme tamisées. Des vérités de base font l'objet d'hésitations.

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PRÉFACE

A la frontière du tome II de Maria et du tome III qui paraît aujourd'hui, le lecteur peut éprouver le besoin de faire le point.

La majeure partie du volume précédent lui a proposé une excursion historique. Il a suivi, depuis les origines de l'ordre bénédictin, ce que les principales familles religieuses et quelques auteurs séculiers ont apporté au développement de la théologie et de la spiritualité mariales. Cette excursion s'est arrêtée sur le seuil du XVIIe siècle, avec saint François de Sales. Elle reprend ici avec l'École Française, et va nous conduire, en passant par Bossuet, Grignion de Montfort, Alphonse de Liguori, Newman et Scheeben, jusqu'à la plus récente actualité. Le tome s'achève sur la constitution Munificentissimus en laquelle Pie XII définit l'Assomption.

Comme dans les volumes précédents, et plus encore peut-être, l'or-donnateur de ces études sur la sainte Vierge a préféré à la rigueur de l'ordre, la richesse ; au jardin à la française, un parc luxuriant. Il n'a pas cherché à tout dire, mais à éclairer quelques moments mariais particulièrement typiques, en s'inspirant des possibilités offertes par les compétences de l'heure présente. Si la richesse débordante d'un tel ensemble frappe tous ceux qui lisent ces pages, peut-être certains désirent-ils un fil conducteur qui les guide, du double point de vue théorique et pratique.

La présente introduction tentera de répondre à ce double désir. Elle présentera d'abord un cadre historique où chacun pourra situer les diverses monographies réunies en ce volume et dans les précédents. Elle fournira ensuite quelques orientations pour l'utilisation pratique de ces études, consacrées principalement à la spiritualité mariale.

I. — PANORAMA HISTORIQUE

Il n'est peut-être aucun aspect de la doctrine et du culte chrétien qui ait été l'objet d'un développement plus considérable que celui qui concerne Marie. Il y a dans la primitive Église une sorte de vie cachée de Notre Dame, une zone obscure, où les fulgurations de l'Écriture demeurent comme tamisées. Des vérités de base font l'objet d'hésitations.

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Et l'on en vient progressivement à notre époque, où le culte de la Vierge prend la place importante que nous voyons, où VImmaculée Conception et VAssomption sont reconnues comme dogmes de foi, où la médiation mariale n'est plus discutée en son fond.

Cette progression homogène (dont ce n'est pas le lieu de préciser la nature) pourrait être comparée sous certains rapports à la croissance d'un arbre avec ses printemps et ses hivers. Durant l'hiver, l'arbre paraît mort ; il n'est qu'endormi. Le renouveau de vie se prépare secrè-tement. Ainsi existe-t-il dans le développement du culte de la doctrine mariale des périodes d'efflorescence et des périodes de calme. Durant les premières, des vérités inaperçues se dégagent, des formes nouvelles de dévotion apparaissent. Durant les autres, ces acquisitions se décantent : on laisse tomber l'accessoire, l'accidentel, les excès. C'est comme la chute des feuilles d'automne. Mais les acquisitions authentiques demeu-rent, et la vie infusée sans relâche par l'Esprit-Saint continue, plus mystérieuse, plus cachée au regard de l'historien. Après ces phases de décantation et de maturation, une nouvelle renaissance éclate.

Ce rythme caractéristique permet de discerner dans le développement de la doctrine et du culte mariais six phases plus ou moins nettes. Obser-vons leur succession comme d'un haut observatoire, où les grandes lignes seules apparaissent au vol rapide du regard.

i

C'est d'abord la période scripturaire (50-90 environ). Les données mariales de la Bible sont brèves. Quelques faits : présence de Marie à l'Annonciation et dans les mystères de l'enfance du Christ fLc 1-2), présence au principe (Jn 2) et à la « consommation » du ministère du Sauveur f j n 19,26-27) ; présence au principe de l'Église ( Act. 1,14), enfin, peut-être, présence céleste et glorieuse qui fait de la Vierge l'icône eschatologique de l'Église (Apoc. 12). Ces textes tiennent matériel-lement peu de place. Mais, si l'on saisit les liens qui les unissent entre eux et surtout leurs attaches avec l'Ancien Testament, ils révèlent des richesses insoupçonnées. Ainsi par exemple, l'Évangile de l'Annonciation livre son secret si l'on y perçoit l'écho des prophéties <f Isaïe (7, 14), de Sophonie (3,14-17) et de II Samuel (7,11-17). Le Magnificat prend tout son sens si l'on voit que Marie se situe elle-même (Xc. 1, 48,52) dans la lignée des pauvres, des humbles (anawim) d'Israël, sur la vie et la signification spirituelle desquels la Bible nous apporte des indi-cations si riches et si précises. La pensée mariale de saint Jean livre sa profondeur si l'on y découvre l'allusion partout sous-jacente au mys-térieux protévangile (Gen. 3,15). Il y a là quantité d'affirmations qu'une méthode exégétique appropriée, notamment l'étude des paral-lélismes intrabibliques, retrouve au cœur même du sens littéral1.

1 Ce n'est pas le rôle d'une préface de multiplier les notes et indications biblio-graphiques. Concernant Marie dans l'Écriture, j'en donne de plus abondantes dans

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Constatation rassurante et réconfortante, catholiques et protes-tants se rencontrent en cette découverte. Tandis que les uns redécouvrent la Vierge dans l'Écriture, les autres la redécouvrent par l'Écriture et, sur ce terrain exégétique, c'est souvent le même visage qu'ils lui recon-naissent ; un anglican comme E. Hoskyns, un protestant comme Quié-vreux ne vont-ils pas jusqu'à retrouver la maternité spirituelle de la Mère de Jésus dans l'Évangile de Jean (2, 2-4 et 19, 25-27) ?

A cette mise en lumière des richesses de l'Écriture, Maria I a déjà apporté sa contribution. Mais les progrès vont si vite en ce moment que le tome V pourrait bien réserver là-dessus un complément d'infor-mation.

2

Après cette période — dont les textes laconiques contiennent des richesses dont beaucoup ne seront explicitées qu'après des siècles, telle la maternité spirituelle de Marie 2 — on assiste à une sorte de régression. Au temps des Pères apostoliques, on se borne à répéter au plus court les• données les plus manifestes de l'Écriture : Marie est Mère du Christ qu'elle a conçu virginalement. Seul le texte où saint Justin explicite le parallèle Éve-Marie suggéré par saint Jean, constitue un progrès théologique.

Ce texte ouvre la voie à Irénée chez qui l'idée prend un développe-ment qui ne devait pas être dépassé avant le Moyen-Age. L'évêque de Lyon marque un premier sommet dans cette période ; puis on arrive, après un temps d'hésitation et de fléchissement, à un second sommet. C'^est l'époque des Ephrem, des Épiphane, des Basile, des Cyrille d'Alexandrie en Orient, des Jérôme, des Ambroise et des Augustin en Occident. On explicite alors, non sans hésitations et conflits, les bases de la théologie mariale : sainteté de Marie, virginité intégrale, maternité divine. Mgr Jouassard a décrit ces tâtonnements et ces décou-vertes, dans Maria 1 3 . Limpide et rigoureuse, son étude sur Marie à travers la Patristique, une des plus importantes du recueil, apporte enfin une mise au point des difficultés insidieusement dressées par Turmel au début de ce siècle. On n'y avait guère répondu que par l'indignation. Mgr Jouassard se garde de « répondre » et de disputer. La présentation

mon Court Traité de Théologie mariale, Paris, Lethielleux, 1953. On y trouvera notamment les références aux travaux de Hoskyns et de Quiévreux cités plus bas. Je me bornerai à signaler ici l'important travail du P. F.-M. BRAON, La Mère des fidèles. Essai de théologie joharmique, Paris, Desclée de Brouwer, 1952. Concernant Luc, et son contact probable avec Sophonie, voir le Court Traité, p. 25. , 2 On sait que la maternité spirituelle si fortement visée par saint Jean, comme

1 a montré l'étude du P. Braun (citée n° 1), est restée longtemps dans l'ombre. La portée du texte johannique a été méconnue par les Latins jusqu'à Rupert de Deutz au xii® siècle. Chez les Grecs, on ne peut citer qu'Origène (par ailleurs peu explicite), et Georges de Nicomédie au IXE siècle.

8 Pages 69-158.

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sereine et objective des faits dissipe les objections comme le soleil chasse les obscurités de la nuit. Chaque fait mis à sa place parmi tous les autres retrouve son vrai visage.

C'est durant cette période que le. culte de Marie apparaît dans le sillage du culte des martyrs. Après les débuts discrets et presque insaisissables, les témoignages se multiplient soudain, à partir du début du IVe siècle 4.

On peut matérialiser la fin de cette étape décisive par une date précise, 431; c'est en Occident, l'année qui suit la mort de saint Augus-tin; c'est, en Orient, l'année du Concile d'Ephèse, où la maternité divine de Marie est solennellement proclamée. A partir de cette date, la virginité de Marie, sa sainteté, sa qualité de Theotokos ne seront plus discutées.

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Après 431, il semble que la mariologie reste stationnaire. En Occi-dent, tout s'arrête. Vers la fin de la période précédente, un nouveau problème était apparu, dont la solution commandait en quelque façon tous les progrès ultérieurs : celui de la sainteté originelle de Marie. Il fut posé dans les conditions les plus fâcheuses. C'est un pélagien qui émit pour la première fois l'idée que Marie n'avait pas été touchée par le péché originel. Contre saint Augustin, qui affirmait l'universelle transmission de cette tare, il niait universellement cette transmission. C'est dans ce contexte qu'il oppose à son adversaire cet argument ad hominem : « Tu fais passer au démon la condition originelle de Marie ». Ce n'était pas affirmer à proprement parler le privilège de l'Imma-culée Conception, puisqu'il s'agissait pour lui non d'une préservation due à une intervention surnaturelle de Dieu, mais d'une pureté toute naturelle et commune à tous les hommes. Saint Augustin réagit contre l'hérétique, mais sans tirer au clair le cas de la Vierge. Ses phrases ambiguës furent comprises dans le sens d'une négation de la Conception immaculée. L'explicitation de cette vérité se trouva ainsi compromise. Les Latins gardèrent le silence sur ce point jusqu'au XIIe siècle. Le développement de la doctrine mariale, conditionné en grande partie par cette découverte, s'en trouve retardé et comme paralysé B.

En Orient au contraire, le progrès se poursuit lentement mais efficacement. Les premières fêtes mariales étaient apparues sans bruit au temps d'Ephèse. Cette accession du culte mariai au stade> liturgique commande les développements ultérieurs. L'hymnographie s'épanouit : avec quelle richesse, plusieurs études de Maria I l'ont montré 6 ; pareil-

4 Cf. O. STEGMULLER, Sub tuum praesidium, dans Zeitschrift fOr Katholische Théologie 74 (1952), PP- 76-82. . . ,

5 Sur tout cela, voir encore l'article de Mgr G. JOUASSARD, dans Maria 1, pp. 115-120.

8 Livre II, Marie dans la Liturgie, pp. 215-413.

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lement Phomilétique. Chaque année, dans chaque église, la parole de l'évêque et le chant de la communauté célèbrent la Theotokos. C'est dans cette joie festivale que la découverte de la Vierge se poursuit. Insensiblement, à partir des VI-VIIe siècles, on commence à deviner, puis à découvrir, puis à affirmer les deux mystères entre lesquels la destinée de la Mère de Dieu est enclose : le triomphe initial et final de la grâce divine en cette créature privilégiée. Celle que l'on célèbre n'a jamais été touchée par le péché, elle est présente corps et âme dans le ciel. Ces deux vérités qui deviendront, par une laborieuse maturdtion, les dogmes de l'Immaculée Conception et de l'Assomption donneront lieu à deux fêtes spéciales. C'est en célébrant ces solennités dont l'objet est d'abord assez indéterminé qu'on découvre l'origine sans tache et la fin glorieuse de la Theotokos.

La période s'achève, de façon plus indécise que la précédente, aux alentours de la fin de l'ère patristique (VII-IXe siècles).

On ne sait pas très bien s'il faut rattacher la période carolingienne à ce qui précède ou à ce qui suit.

On y voit s'accentuer la décadence de l'homïlétique byzantine : fléchissement littéraire, fléchissement théologique. Le genre sombre dans la subtilité et la superfétation, et fait une place croissante aux apo-cryphes. Cependant, grâce aux nombreux contacts qui lient alors l'Orient et l'Occident, la théologie mariale byzantine pénètre dans le monde latin, y suscitant réflexions et réactions. A cet égard, le temps de Char-lemagne apparaît comme un simple prolongement de la période com-mencée à Ephèse. Toutefois, dans le monde latin, ce temps se présente à maints égards comme l'effiorescence d'une période nouvelle. Avec Radbert et surtout Autpert, on voit s'ébaucher les découvertes qui devaient éclore deux à trois siècles plus tard. A cet égard, le IXe siècle apparaît comme le prélude de la renaissance du XIIe.

Qu'il soit un prolongement ou un prélude, les promesses de ce siècle tournent court. Après l'écroulement du monde carolingien, la montée mariale du IXe siècle latin s'affaisse, tandis que la décadence du byzan-tinisme se poursuit. Ce temps, ce printemps, plein de vivantes promesses, s'achève en léthargie.

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Tout n'est pas mort cependant. La vie subsiste, sans éclat, surtout dans les abbayes bénédictines, évoquées par Dom J. Leclercq 7. C'est là que se prépare le réveil du XIIe siècle. Il est difficile d'assigner une date précise au début de cette renaissance. (Que l'on songe à l'énigme que pose encore la date du pseudo-Augustin, ou encore aux obscures

7 Maria II, pp. 553-555.

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origines de la fête de la Conception dans l'Angleterre du XIe siècle.) On peut se demander si, en ce temps où les échanges sont ralentis, quelque moine, quelque abbaye n'a pas développé les tentatives avortées de la période carolingienne, et devancé ainsi le renouveau qui éclatera à la fin du XIe siècle. On ne saurait fermer les yeux sur le fait qu'il y a là tout un monde inconnu à explorer, un monde qui dort dans la poussière de manuscrits mal connus. Qui sait si l'on ne pourra pas étendre un jour au domaine mariai l'affirmation qu'ont proposé ces derniers temps (avec cette pointe de paradoxe qui sied pour, lancer une idée neuve) quelques chercheurs : « le grand siècle : le Xe » ? Quoi qu'il soit de ce domaine obscur, que la perspicacité du P. Barré éclaire de jour en jour, c'est au XIIe siècle que se situe l'apogée de la quatrième période mariale, la plus considérable : l'âge médiéval, dont nous restons tributaires.

C'est le siècle de saint Bernard qu'on se doit d'évoquer ici, puisque Maria III paraît en l'année du VIIIe centenaire de sa mort. Il se situe au cœur de cette histoire presque à mi-chemin entre l'Ecriture et nous. Quel est son apport ? Deux études de Maria II nous proposent là-dessus des points de vue en quelque façon opposés. Rien de nouveau chez saint Bernard, dit à pèu près Dom J. Leclercq 8 tandis que Dom J. B. Auniord salue en lui un chef de file 9. Qu'en penser ? Les travaux du VIIIe centenaire apporteront sans doute plus de lumière sur ce point. Dès maintenant, on peut dire que les perspectives apparamment opposées des deux spécialistes évoqués, se concilient plus qu'il ne paraît. Il faut affirmer avec Dom Leclercq que saint Bernard — ennemi de l'inno-vation jusqu'au scrupule, comme le manifesta son opposition à la fête de l'Immaculée Conception — s'est gardé d'avancer aucune formule nouvelle : les idées dont on l'a cru longtemps le créateur (notamment la médiation), il les tient de ses devanciers. Et cependant, en reprenant les formules des Pères et d'auteurs anciens, des hymnes et prières litur-giques, il leur donne un tour et un accent nouveaux; il les transfigure comme un peintre transfigure ses modèles, comme un portraitiste de génie nous révèle je ne sais quel secret d'un visage connu.

Ainsi, en empruntant à Autpert le thème de Z'oblation que Marie fit de sort fils au jour de la Purification, Bernard en renouvelle le sens. Chez Autpert, l'oblation est descendante : Marie offre son Fils aux hommes. Chez lui, elle devient ascendante : Marie offre son Fils à Dieu; il s'agit de l'offertoire du sacrifice que Jésus offrira sur la Croix. Ce sacrifice du matin, Marie l'offre déjà pour la Rédemption du monde 10. De même, saint Bernard donne au thème de la médiation un relief et

8 Maria II, p. 574. 8 Maria II, p. 612.

10 R. LAURENTIN, Marie, l'Eglise et le Sacerdoce, Paris, Éditions P. Lethielleux, t. I, pp. 141-142. Indépendamment de saint Bernard, plus brièvement, (et peut-être avant lui), Geoffroy de Vendôme f " 3 2 formula le thème de l'oblation ascen-dante (S. 7 de Purif., PL 157, 262 D). Le thème était dans l'air, préparé par l'iconographie de la Purification.

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comme une structure nouvelle en l'organisant autour de l'image neuve de l'aqueduc 11.

L'orientation nouvelle qui se cherchait depuis la période carolin-gienne triomphe par saint Bernard. Il n'en est pas le créateur, mais c'est par lui qu'elle s'installera définitivement dans la mariologie occi-dentale. Jusqu'ici on avait considéré surtout l'aspect objectif des mys-tères de Marie : son rôle à l'Incarnation; maintenant, on considère principalement sa personne. On n'avait guère envisagé que sa vie terrestre, son rôle dans l'histoire du Christ; on envisage maintenant, avec insistance, sa vie céleste, son rôle dans la vie quotidienne de l'Église. L'Occident découvre sa maternité spirituelle, jusque-là si enveloppée. On savait qu'elle était mère du chef en qui tous sont contenus. On comprend qu'elle est directement mère de chacun. On évoque la géné-ration spirituelle par laquelle elle enfante les chrétiens; on réalise l'universalité de son assistance concrète et quotidienne à l'égard de ses enfants. Ces pensées, que saint Bernard n'évoque pas, parce que, pour ce chevalier du Moyen-Age, Marie est plus reine que mère, apparaît chez son contemporain Rupert de Deutz ( f entre 1129 et 1135), tandis qu'Arnaud de Chartres ( f peu après 1156), s'inspirant des écrits de l'abbé de Clairvaux, son ami, propose les premiers développements sur la coopération de Marie au sacrifice rédempteur 12.

Mais on n'en finirait pas de signaler tout ce qui se produit en ce XIIe siècle débordant de richesse. Descendant d'Angleterre, la fête de la Conception se répand sur le continent. A la suite du pseudo-Augustin, l'Assomption s'impose. Cependant les confréries mariales, où les laïcs exercent un rôle si actif, apparaissent, et de nombreuses pratiques de piété s'élaborent.

Au début du XIIIe siècle naissent les grands ordres mendiants : dominicains et franciscains. Ils fournissent aux aspirations nouvelles nées au XIIe siècle, la forme de vie religieuse neuve qu'elles réclamaient. La liturgie mariale avait pris forme dans l'ordre bénédictin; les ordres nouveaux multiplient les dévotions populaires et extra-liturgiques. Les abbayes, de structure fortement hiérarchique, agissaient par attraction; les ordres mendiants, de structure démocratique, et mêlés de plus près à la vie du monde, se penchent vers le peuple pour lui inculquer des formes de dévotion adaptées à ses possibilités. Sur la vie mariale de ces ordres, Maria II a apporté des études neuves en bien des points 13 : on y apprend notamment comment — de façon plus tardive qu'on ne le crut longtemps — apparaît l'importante dévotion au Rosaire; elle s'ébaucha de longue date, sous des formes diverses, comme l'a révélé

11 Les textes antérieurs parfois invoqués ont été reconnus apocryphes. 12 Op. cit. n° io, pp. 145-150. 13 Articles de A. DUVAL, O.P., sur les Dominicains, dans Maria II, pp. 737-

781; du P. JEAN DE DIEU sur les Franciscains, ib., pp. 783-831. Cf. l'article du P. G. ROSCHINI sur les Servites (pp. 883-907).

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l'article de Dom Gourdel sur les Chartreux14 ; les dominicains la fixèrent en sa forme définitive et la répandirent à travers le monde15.

Le mouvement intense qui fusait au XIIe siècle, se fixe au XIIIe, du double point de vue théologique et spirituel. Le milieu de ce siècle marque le début d'un fléchissement. L'iconographie le manifeste. Les majestueuses vierges romanes, trônes impassibles de la divine sagesse, présentant le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu, sont supplantées par les gracieuses vierges de nos cathédrales : leur hiératisme tourne en sourire et gentillesse humaine. L'Enfant-Dieu, qui constituait le centre et l'axe vertical des statues romanes, passe sur le côté. Les figures matérielles, toutes ordonnées à manifester la transparence du mystère, s'affadissent. Leur consistance, leur réalisme commencent de faire oublier les réalités spirituelles. Insensiblement, on en viendra à telle de ces vierges régionales, plus matrones que madones, qui semblent incarner les puissances matérielles de la vie plus que l'élection divine, ou encore à ces vierges de pâmoison qui triomphent au XIVe et au XVe siècles.

La théologie et la dévotion suivent une décadence parallèle. La théologie mariale, qui avait trouvé pour la première fois son organi-sation systématique (sur un plan un peu étroit), avec le pseudo-Albert, à la fin du XIIIe siècle16, se répète et s'étriqué. Pour se renouveler, elle recourt à l'artifice plutôt qu'au ressourcernent. On délaisse de plus en plus le sens littéral de l'Écriture pour se livrer à des accommodations factices. On s'abreuve aux apocryphes et aux révélations privées. La théologie mariale s'affadit jusqu'à ne plus mériter chez certains le nom de théologie. Certes, il y a des réactions et des exceptions. La brève et magistrale monographie de l'abbé A. Combes sur Gerson suffirait à le montrer 17. Mais, malgré de louables efforts, la décadence s'accentue jusqu'à la fin du XVIesiècle. Quant à la dévotion, comme l'icono-graphie, elle perd de plus en plus le sens christocentrique, verse de la théologie dans le sentiment, et s'émiette en un foisonnement de pratiques souvent superficielles.

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On frémit en voyant dans quelle misérable situation se trouvait la dévotion mariale lorsqu'éclata la crise protestante. Le mariologue le plus en vue est alors Bernardin de Busti ( f 1500) dont le Mariale eut de multiples éditions de 1492 à 1515. Sans aller jusqu'à concéder

14 Maria II, pp. 652-675. 15 Cf. l'article de A. DUVAL, dans Maria II, pp. 768-780 et de J. H. CREHAN

dans Maria III, pp. 579"583-16 L'auteur du Mariale super missus édité au t. 37 de l'édition Borgnet semble

n'être pas saint Albert le Grand comme on l'avait cru jusqu'ici. Je dois à une lettre du P. Fries, C.SS.R., la communication de cette découverte (qui sera exposée prochainement dans les Baeumker Beitrâge).

" Maria II, pp. 863-881.

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avec Mgr Camus qu'il pourrait bien être « le roi de la fève au royaume des impertinents » 18, sans méconnaître les services qu'il rendit à la cause de l'Immaculée Conception, il faut reconnaître que sa théologie mariale est comme un beau jardin négligé depuis des siècles, et que ronces et lianes ont envahi.

On ne pouvait remonter en un jour de tels bas-fonds. Jusqu'à 1577, date où paraît le de Virgine incomparabili de saint Pierre Canisius, les œuvres destinées à répondre aux attaques mariales des protestants sont rares et pauvres. Et la littérature non polémique est plus médiocre que jamais. Le Concile de Trente se termine sans avoir traité pour elle-même la question mariale.

A la fin du XVIe siècle cependant, un renouveau s'esquisse. Les principaux théologiens qui donnent corps à cette renaissance appar-tiennent à la Compagnie de Jésus 19, providentiellement fondée par saint Ignace (1534). Ce sont les Salmeron, les Pierre Canisius, Suarez enfin, le « Doctor eximius », si bien évoqué par le P. S. Aldama 20 qui, en 1590, donne le premier essai de mariologie systématique vraiment approfondie.

Le rayonnement de la Compagnie se continuera durant deux siècles. Le P. du Manoir, craignant peut-être de faire la part trop belle à son ordre, ne consacre pas de nouvelles études aux mariologues jésuites du XVIIe. Mais certains auraient mérité une monographie, tel l'Es-pagnol F. Chirino de Salazar, qui consacra le premier à la doctrine de la corédemption une étude ex professo dont l'influence devait être considérable21. Et nous constaterons tout à l'heure que le grand mou-vement mariai qui avait pris naissance à la fin du XVIe avec l'essor de la Compagnie de Jésus, prend fin lors de sa suppression par Clément XIV22.

Nous rejoignons ici l'objet du tome III de Maria. Comme les pré-cédents, il n'a pas la prétention de tout dire. Maria n'est pas une

18 J. P. CAMUS, évêque de Belley, Deux conférences par écrit, l'une touchant l'honneur dû à la Sainte Vierge... entre M. Drelincourt, ministre de Charenton e t j . P. Camusj Paris, G. Alliot, 1642, n° LVI, p. 239. Mgr Camus, qui ne lâche pas facile-ment les auteurs catholiques, abandonne ici Bernardin de Busti avec une facilité que d'aucuns jugeront excessive. Voici plus au long, ce passage : « Je crois que cet auteur a écrit beaucoup de choses dignes de son surnom, et surtout ce que vous alléguez est digne d'une autre lumière que celle du jour. S'il a dit cette impertinence, il est le roi de la fève au royaume des impertinents. »

19 Cf. E. VILLARET, S. J., Marie et la Compagnie de Jésus, dans Maria II, pp. 935-973-

20 Maria II, pp. 975-990. 21 R. LAURENTIN, Marie, l'Eglise et le Sacerdoce, Paris, Éditions Lethielleux,

I953> PP- 232-315. 22 Cf. D.T.C. 8, 1052-1053. Déjà le Parlement de Paris avait supprimé les

congrégations mariales dans les collèges des jésuites en 1760. Et le P. de Clorivière constatait que « le culte de la Mère de Dieu tombe peu à peu en France ». (Cf. l'arti-cle du P. Rayez, dans Maria III, p. 311.)

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« Somme » ni un « Traité », mais un ensemble i'Ëtudes sur la Sainte Vierge, réparties selon un fil conducteur sans rigidité.

Une place de choix a été faite à ce qu'il était convenu jusqu'ici d'appeler l'École Française et qu'on appelle de plus en plus École Bérullienne. Cette École, dont la hauteur n'avait rien pour flatter la facilité, et que sa froideur, sa rigueur, une certaine méfiance de l'humain auraient semblé devoir rendre peu sympathique à notre siècle, Bremond a su l'imposer à l'attention du grand public. Cette École, dont le très grand mérite est d'avoir rétabli à contre-courant, en pleine période humaniste, le théocentrisme le plus rigoureux, est devenue un des centres d'intérêt majeurs de l'histoire religieuse. Le P. du Manoir a répondu à cette attention en suscitant une importante série d'études sur ce courant. Le P. Rayez présente en son ensemble la spiritualité mariale de l'École Bérullienne. Le P. Lécuyer évoque la place de premier plan que cette spiritualité a prise dans la formation du clergé. Puis viennent les grandes familles religieuses issues du Bérullisme : Saint-Sulpice, fondé en 1641, et les Eudistes, fondés en 1643.

Enfin, l'abbé Cognet considère la vie mariale de Port-Royal : une étude qui contribuera à dissiper une légende tenace. A se reporter aux faits, la piété mariale des solitaires s'apparente à celle de l'École Fran-çaise. On sait par leur correspondance, l'accord de Bérulle et de Saint-Cyran sur toutes les questions mariales 23. Ils défendirent ensemble la dévotion de l'esclavage envers Jésus et Marie, et cherchèrent à relever la dévotion mariale souvent superficielle par une valorisation théo-logique. On est même surpris de constater que Bérulle est à certains égards plus sobre et plus réticent que Saint-Cyran en matière de théo-logie mariale. Tandis que ce dernier parle à plusieurs reprises de la Vierge médiatrice, jamais la plume de Bérulle n'a laissé passer ce titre. L'année même de la mort du fondateur de l'Oratoire (1629), Saint-Cyran donne un chaleureux nihil obstat à la première édition des Vérités et excellences de Bourgoing où la Vierge tient une place si importante. De tels faits, et bien d'autres qu'apporte l'abbé Cognet, nous aident à mieux situer le processus réel des choses. A partir d'un sentiment commun, d'une semblable attitude, sobre mais profonde, l'École Bérullienne évolua dans le sens d'une piété chaleureuse et mul-tiple en ses formes, et Port-Royal tomba peu à peu dans une froideur réticente qui parfois se raidit jusqu'à l'hostilité. Ces données, que plusieurs auteurs ont déjà en partie proposées, ne vont pas sans susciter des réac-tions, voire des inquiétudes; elles sont contrecarrées par ce qu'on pourrait appeler l'illusion rétrospective. Du fait que la destinée des hommes ou des collectivités se présente, une fois achevée, comme une sorte de bloc, on a du mal à ne pas suspecter les bonnes actions de ceux qui n'ont pas persévéré, de même qu'on ne se résout pas à prendre à la lettre les humbles confessions que les saints convertis nous font de leurs péchés

23 Maria III, p. 133.

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de jeunesse. Méconnaître ainsi les fluctuations de la destinée humaine, c'est minimiser deux vérités dogmatiques importantes : la toute-puissance de la grâce qui des plus grands pécheurs fait des saints, et le pouvoir réel accordé par Dieu à la liberté humaine, douée d'une sorte de causa-lité première dans l'ordre du néant, et qui peut précipiter les âmes les plus élevées au plus profond du refus. Ne nous scandalisons pas, après cela, si l'histoire établit qu'avant 1651 la dévotion mariale de Port-Royal ne révèle aucune tare. Sans aller jusqu'à dire avec Augustin Gazier que la « tendre dévotion » de Saint-Cyran envers « la Vierge est comparable seulement à celle de saint Bernard » 24 ou avec C. Lan-celot « qu'il n'y a jamais eu un Père de l'Église qui ait dit tant de choses ni de si admirables » 25, il faut reconnaître que sa piété mariale souffre la comparaison avec celle de ses contemporains de l'École Bérullienne.

Cette cinquième période s'achève avec la Révolution Française. Maria III l'illustre par un bel ensemble d'études. Le P. de Lubac présente de façon attachante la spiritualité de Marie de l'Incarnation, puis nous sommes conduits, en passant par saint Jean Baptiste de la Salle, Bossuet et saint Louis-Marie de Montfort, jusqu'au P. de Clo-rivière qui traversa la tourmente.

On pourra s'étonner de la disproportion entre le nombre d'études consacrées respectivement aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cela tient à la moindre richesse de ce dernier. A partir de 1650, et surtout de 1670-1680, un fléchissement s'est produit qui ne cesse de s'accentuer. Le XVIIIe siècle s'achève dans la plus grande misère. En 1750, saint Alphonse de Liguori, fondateur des Rédemptoristes, qu'étudie si soli-dement le P. Hitz, jette, avec ses Gloires de Marie un dernier rayon. C'est la splendeur d'un couchant. Après lui, le mouvement mariai, si exubérant à ses débuts, est arrivé au bout de ses ressources. Les publi-cations sur la Vierge se font de plus en plus rares, de plus en plus médiocres. Cette décadence dépasse à certains égards celle des XV-XVIe siècles. Ceux qui écrivent encore, tel Clorivière, ne se font point éditer. L'intérêt pour les questions mariales a cessé.

Comment en est-on venu là ? Le problème est discuté. On s'accorde pour observer que les germes de décadence se révèlent bien avant la fin du XVIIe siècle. Mais on discute sur les causes : corruption par prolifération de pratiques irrationnelles et sentimentales selon Flachaire, spiritualisation excessive de la dévotion mariale selon Bremond, épu-ration ruineuse par intrusion du rationalisme selon le P. Dillenschneider. Il peut y avoir un peu de tout cela, mais en définitive, nous avons plutôt l'impression d'un lent épuisement. La courbe des publications mariales au cours des XVIIe-XVIIIe siècles est symptomatique à cet égard. On dirait une courbe de fatigue, avec sa descente par à-coups. Tandis que, de la fin du XVIe à 1650-1655, la montée était sûre,

84 Ces messieurs de Port-Royal, 2e édit., Paris, Perrin, 1932, c. 1, p. 19. 85 Mémoires touchant... Saint-Cyran, Cologne, 1730, P. 3, c. 7, t. 2, p. 82.

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continue et sans défaillance en dépit de certaines hésitations, on assiste ensuite à une sorte d'affaissement. Seules, les controverses donnent un regain d'effervescence, nerveux et momentané, de la dispute des Avis Salutaires (1672-1677) à celle du « vœu sanguinaire » (1740-1757) en passant par la controverse agrédienne (1696-1750), sans oublier les divers rebondissements des problèmes de l'Assomption et surtout de l'Immaculée Conception qui constitue l'axe majeur des recherches et disputes mariologiques du siècle. Certes, la décadence rapide du mou-vement ardent et constructif, si bien parti durant la première moitié du XVIIe, a des causes complexes. Il importe de la situer largement dans la « crise de la conscience européenne » et il faut se garder de méconnaître le rôle des critiques dissolvantes qui dispersèrent dans la controverse un élan tout intérieur et positif à l'origine. Mais ce qui domine, c'est le passage d'une exubérance un peu excessive, pleine à la fois de richesses et de scories, à une lassitude généralisée.

Celle-ci laisse pourtant subsister dans les cœurs, toute littérature éteinte, une dévotion solide et souvent profonde. L'étude sur le P. de Clorivère, celles qui suivent l'histoire des diverses congrégations, Sul-piciens et Eudistes, Montfortains et Rédemptoristes, nous le laissent entrevoir.

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Au sortir de la révolution, le tableau de la vie mariale demeure peu réconfortant. En Espagne, le grand mouvement qui s'était main-tenu depuis la fin du XVIe siècle presque jusqu'à la fin du XVIIIe

est tari, et pour longtemps : il ne reprendra guère qu'au XXe. Le maigre courant de publications qui se maintient en Italie témoigne d'une grande indigence théologique (contre laquelle les Passaglia et les Ventura réagiront après 1840). En France, le réveil mariai reste superficiel et sans vigueur. On ne peut voir dans la fameuse Congrégation (dont le P. de Berthier dissipe ici le mystère pp. 329-336), un véritable signe de renouveau. Soucieuse d'une action tout extérieure et pauvre de doc-trine, elle ne vaut guère que par ses bonnes intentions.

Ce n'est pas en un jour, ni sans bien des tâtonnements et des erreurs, que l'on pouvait sortir d'une si profonde décadence. Dans le domaine mariai, comme en beaucoup d'autres, le XIXe siècle est une époque de médiocrité où quelques pionniers, rares et méconnus de leurs con-temporains, jetèrent les semences qui devaient se développer après eux. Qu'il suffise d'évoquer les noms de Viollet-le-Duc en architecture, d'Haussmann en matière d'urbanisme, de Dom Guéranger en liturgie, de Mœhler dans le domaine de l'Ecclésiologie, de Lamennais et de Montalembert dans le domaine social. Est-il besoin d'ajouter que ces pionniers, dont le mérite est immense puisqu'ils découvrirent ce à quoi personne autour d'eux ne pensait, n'ont pas été exempts d'erreurs, parfois pesantes?

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m.toulouchaos
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