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Mark Hedsel / David Ovason The Zelator Extrait sur la Voie du Fou traduit rapidement, Jsf, juin 2012 'Bien, maintenant je vais être l'image,' a dit Mark, 'et tu dois m'aider à me mettre en mots.' 'Je ne comprends pas. Quelle image ?' Les années avaient passées, et pourtant je trouvais toujours ses phrases bien articulées énigmatiques. 'Quelle image ?' ai-je répété. 'Je suis l'image du Fou dans le jeu du Tarot.' Je l'ai regardé avec stupéfaction. Quoi qu'on dise de Mark Hedsel, il était clair qu'il n'était pas un fou, et que je sache, ne l'a jamais été. Je le regardais de plus près. Il avait changé - nous avons tous changé ces 40 étranges dernières années. Son écharpe et béret avaient disparues. Ils avaient été remplacés par un costume d'affaire et une cravate couteuse en soie, pourtant n'avait pas l'air beaucoup plus veux. S'il était un fou, alors c'était un fou très bien déguisé. En l'étudiant, la vieille image de l'initié français sans âge, le Comte de Saint Germain, me revint à l'esprit comme un fantôme me rappelant. 'Un Fou ?' ai-je demandé. 'Que veux-tu dire ?' Il ria. 'Je m'attends à ce que tu le découvres en travaillant sur le livre ensemble. Tu seras l'enlumineur.' Il sirota son café. 'Tu connais la carte du Fou dans le jeu de Marseille?' J'opinais. Cette conception ancienne montrait un Fou, bâton à la main, marchant le long d'une route. Il toucha son front. "Tout est enfermé là. Je te remettrai la clef." 'Une sorte d'autobiographie ?' Je l'espérais. J'en apprendrais beaucoup en travaillant sur un tel projet - quelle merveilleuse opportunité m'offrait-il. 'En quelque sorte. Nous verrons ce qu'il en sortira. Certaines personnes avec qui j'ai travaillées sont toujours vivants. Nous devrons changer les noms, et les lieux, je pense.' 'Nous deviendrons maîtres du camouflage.' 'C'est bien. Toutes les grandes vérités sont camouflées. Après tout, le monde matériel est au mieux un masque du Monde Spirituel. Je pense que c'est pour ça que Michael Juste avait un buste de lui- même dans son atelier.' [NdT : voir son livre ] 'Comme camouflage ?' 'Il externalisait son masque. Il est préférable de garder le masque à l'extérieur. Si le masque se glisse à l'intérieur, il peut devenir dangereux.' Je savais ce qu'il voulait dire. On ne doit pas croire aux mensonges extérieurs. Les masques sont des sortes de mensonges. 'Il y a un moment où l'imagination non seulement masque la réalité, mais la présente aussi de façon plus vive.'

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Page 1: Mark Hedsel - The Zelator, Extrait Sur La Voie Du Fou

Mark Hedsel / David Ovason

The ZelatorExtrait sur la Voie du Fou

traduit rapidement, Jsf, juin 2012

'Bien, maintenant je vais être l'image,' a dit Mark, 'et tu dois m'aider à me mettre en mots.''Je ne comprends pas. Quelle image ?' Les années avaient passées, et pourtant je trouvais toujours ses phrases bien articulées énigmatiques. 'Quelle image ?' ai-je répété.'Je suis l'image du Fou dans le jeu du Tarot.'

Je l'ai regardé avec stupéfaction. Quoi qu'on dise de Mark Hedsel, il était clair qu'il n'était pas un fou, et que je sache, ne l'a jamais été. Je le regardais de plus près. Il avait changé - nous avons tous changé ces 40 étranges dernières années. Son écharpe et béret avaient disparues. Ils avaient été remplacés par un costume d'affaire et une cravate couteuse en soie, pourtant n'avait pas l'air beaucoup plus veux. S'il était un fou, alors c'était un fou très bien déguisé. En l'étudiant, la vieille image de l'initié français sans âge, le Comte de Saint Germain, me revint à l'esprit comme un fantôme me rappelant.'Un Fou ?' ai-je demandé. 'Que veux-tu dire ?'

Il ria. 'Je m'attends à ce que tu le découvres en travaillant sur le livre ensemble. Tu seras l'enlumineur.' Il sirota son café. 'Tu connais la carte du Fou dans le jeu de Marseille?'J'opinais. Cette conception ancienne montrait un Fou, bâton à la main, marchant le long d'une route.Il toucha son front. "Tout est enfermé là. Je te remettrai la clef."'Une sorte d'autobiographie ?' Je l'espérais. J'en apprendrais beaucoup en travaillant sur un tel projet - quelle merveilleuse opportunité m'offrait-il.

'En quelque sorte. Nous verrons ce qu'il en sortira. Certaines personnes avec qui j'ai travaillées sont toujours vivants. Nous devrons changer les noms, et les lieux, je pense.''Nous deviendrons maîtres du camouflage.''C'est bien. Toutes les grandes vérités sont camouflées. Après tout, le monde matériel est au mieux un masque du Monde Spirituel. Je pense que c'est pour ça que Michael Juste avait un buste de lui-même dans son atelier.' [NdT : voir son livre]'Comme camouflage ?''Il externalisait son masque. Il est préférable de garder le masque à l'extérieur. Si le masque se glisse à l'intérieur, il peut devenir dangereux.'

Je savais ce qu'il voulait dire. On ne doit pas croire aux mensonges extérieurs. Les masques sont des sortes de mensonges. 'Il y a un moment où l'imagination non seulement masque la réalité, mais la présente aussi de façon plus vive.'

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Il ria, opinant de la tête. 'De là où je viens, on appelle ça l'art. Es-tu déjà allé à Najera, dans La Rioja?' demanda-t-il.'Le monastère de Santa-Maria-la-Real ?'

'Oui. Il y a une sculpture d'un fou datant du 15ème siècle sur les stalles.'Je me souvins de cette sculpture. 'Il souffle dans une flûte, n'est-ce pas ?''Oui. Comme le Fou sur la lame du Tarot, il a un chien à ses pieds. Deux chiens, en fait - mais un seul aboie sur lui. Ce qui importe, cependant, est l'habillement qu'il porte.''Il a un bonnet d'âne, je crois ?''Oui. Mais sa robe est la chose curieuse. Il porte une robe qui est conçue pour s'ouvrir à la fois devant et derrière. De la sorte, ses parties intimes sont toujours visibles. C'est le Fou nu. 'Cette image a une longue histoire. Sa nudité est le signe que le vrai Fou est prêt à montrer ces choses que les autres préfèrent cacher. Ces Fous qui montrent la voie vers la vision supérieure résultant de l'initiation sont souvent perçus par les Dormeurs comme des sots.'

(Les Dormeurs sont ceux qui n'ont pas choisi de suivre un chemin spirituel. Ils sont satisfaits du monde des apparences, et cherchent seulement à dormir sans être dérangés.)

'Il y a beaucoup à apprendre de ces images médiévales du Fou. La Fête des Fous du Moyen-Âge était d'une profonde importance à cause de ses connotations ésotériques. Bien sûr, tu en apprendras plus là dessus si nous faisons un livre ensemble.''Un livre sur le Mark Hedsel nu?'

Il ria. 'Partiellement nu - c'est-à-dire, un Fou, transformé par l'imagination.' Il mit l'accent sur l'image du dernier mot.

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[Dessin du Fou nu de Najera, avec son manteau ouvert et son chapeau à trois pointes.]

Il y eut un bref silence.'Images,' murmura-t-il, réfléchissant. 'Savais-tu que certains artistes égyptiens qui gravaient des hiéroglyphes sur les murs des temples ne pouvaient pas les lire ?'C'est vraiment extraordinaire.'

'Les prêtres nommaient leurs burins des mer, mais le même mot signifiait aussi "mort". N'est-ce pas un mystère ? C'est la reconnaissance du fait que quand quelque chose est manifesté en tant qu'image - l'illumination d'une idée - quelque chose d'autre doit mourir.'Il haussa les épaules, mais je pouvais voir qu'il conduisait au principe de la méthode ésotérique [arcane method] - à la notion de fission, le processus fondamental dans l'initiation, qui était si important dans la Voie du Fou.

'Peut-être,' poursuivit-il, 'les sculpteurs qui utilisaient le mer égyptien ne savaient même pas sa signification intérieure. Leur travail était simplement de se conformer aux canons de l'art prescrits : ils connaissaient les règles du déguisement, mais ne savaient pas ce qu'ils masquaient. Ils n'avaient aucune notion des archétypes - ce que leurs prêtres appelaient neters - qu'ils évoquaient. A chaque glyphe qu'ils gravaient, ils faisaient des agences spirituelles qui venaient habiter la forme matérielle : ils travaillaient la magie, et pourtant ne le savaient pas.' Il me regarda attentivement. 'C'est sûrement,' me dit-il, 'une activité adaptée aux Fous ?''Pas seulement pour les fous,' dis-je. 'N'évoquons-nous pas tous des archétypes - des idées primales - que nous ne comprenons pas totalement ?'

'Exactement. C'est exactement ce que je voulais dire. La vie d'un homme ou d'une femme révèle les archétypes qu'ils suivaient. C'est pourquoi le Fou est prêt à traverser la vie nu, sachant que l'inférieur n'est rien de plus qu'un reflet du supérieur.'Mark Hedsel est mort en 1997, avant que nous ne finissions ce livre.

Les textes occultes ont tendances à romancer les morts des initiés et professeurs. On rapporte que le Comte de Saint-Germain a vécu, sans beaucoup changer physiquement, jusqu'à 130 ans. C'est typique de ce genre de littérature.La mort d'un initié est en général très différente de la mort de quelqu'un qui n'a pas été initié. Le véritable initié n'a pas besoin de passer des années de purification sur le plan spirituel, et il lui est permis de revenir assez vite dans le monde matériel, dans un nouveau corps physique. C'est probablement pour cela qu'on parle du grand âge des initiés - sans parler des Patriarches bibliques comme Noé. Bien que le Comte de Saint-Germain n'a peut-être pas été vu pendant plusieurs siècles en Europe, il est plus probable que le Comte vécu pendant cette période en se souvenant de toutes ses précédentes incarnations, dans différents corps physiques.Certains processus alchimiques peuvent dans une certaine mesure stopper la dégénérescence du corps physique : c'était un lieu commun pour les alchimistes médiévaux de vivre plus de deux fois la durée de vie normale de leur contemporains.

Cependant, on dit se demander pourquoi un initié choisirait de stopper la dégénérescence, ou vivre plus longtemps que sa durée de temps allouée, à moins d'avoir une entreprise particulière à terminer ? Personne ne peut étudier les sciences ésotériques très longtemps sans réaliser que le bas monde est un reflet d'un monde supérieur, et que le corps humain a été béni de rythmes, périodicité naturelles et climatériques qu'on retrouve dans le cosmos - même dans l'expression du mouvement des planètes et des étoiles. Pour autant qu'un initié choisit de prolonger sa vie physique, il ou elle doit être prêt à endurer ces rythmes cosmiques.Mais le grand âme n'est pas toujours une bénédiction. Étant donné la rapidité de la dégénérescence du corps physique après une certaine période de temps, nous pouvons imaginer que peu choisiraient

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de vivre au-delà que la période de temps allouée.

Je fais ces observations principalement pour préciser que Mark Hedsel est bien mort - c'est à dire qu'il est parti du plan physique de notre expérience familière. J'étais avec lui jusqu'à la toute fin, ai organisé la crémation et ai personnellement dispersé les cendres. Si quiconque cherche son véritable mémorial, ou même le lieu de repos de cette cendre inerte que les alchimistes nomment le caput mortuum (ou tête de mort) il suffit de regarder l'entrée intérieure du monastère de Sagrada di San Michele, près de Susa, en Italy.

Cette pente étagée est appelée l'Escalier de la Mort - pas seulement parce que c'est sombre, et qu'il y a des tombes au fond, mais parce que tous ceux qui grimpent jusqu'à l'arche zodiacale en haut sont considérés comme des morts endormis. Ce n'est que lorsqu'ils ont passé sous l'arche des images des constellations en haut, et sont rentrés dans la cour pleine de lumière, qu'on peut considérer qu'ils sont entrés dans le royaume des vivants. Bien sûr, cette transition est entièrement symbolique, et pourtant elle représente un évènement qui, même après 6,000 ans, est toujours entouré de mystère. C'est le symbole de l'initiation.

Aucune tombe plus appropriée - le soi-disant "lieu de repos" - n'aurait pu être envisagé pour Mark Hedsel. Bien qu'il n'a pas placé personnellement cette arche symbolique au sommet de l'escalier, il a, dans une vie précédente, défini les motifs zodiacaux ésotériques. Lors d'une incarnation au 12ème siècle, il supervisa la sculpture des personnages sur l'arche.

Le dispersion de ses cendres sur ces escaliers étaient plus que la dispersion symbolique d'une vie - c'était la reconnaissance qu'un cycle entier d'efforts avait touché à sa fin. C'était ma conclusion que Mark Hedsel appartenait bien plus au 12ème siècle qu'à l'époque moderne, et il était approprié que cette simple sépulture de cendres venait commémorer l'engagement de deux vies, consacrées, de différentes façons, à l'étude et à la diffusion de la connaissance ésotérique.

Ce commentaire sur l'apparente fin d'un initié conduit naturellement à des réflexions sur la nature de l'initiation elle-même. Il y a de très nombreux différents niveaux d'initiation, donc quand nous disons qu'une personne est un initié, on risque d'être une source de confusion plutôt que d'information. Le mot même d'initié appelle la question, 'initié de quelle Ecole ?', et 'initié à quel degré, ou grade ?'

Dans le passé, il suffisait à un homme d'être initié dans l'un des plus anciens Mystères Grecs, la déesse des céréales Demeter, à Eleusis, pour qu'il soit regardé avec admiration, car c'était la marque que son être avait changé, et que sa connaissance des choses spirituelles s'était étendue. Dans les temps modernes, le sens du mot initiation a si fondamentalement changé que des 'écoles ésotériques' toutes entières ont été inventées par des individus fous-d'occultisme, ou par d'autres désirant un pouvoir temporal, avec des degrés d'initiation qui, aussi ronflants qu'ils puissent être, n'avaient et n'ont aucune vraie valeur.

Au début du 20ème siècle, certains degrés initiatiques semblent avoir été remis comme tant d'autres certificats de compétences, presque en le demandant. Quand Dr R.W. Felkin (qui avait été initié à des niveaux très ronflants de l'Ordre Hermétique de la Golden Dawn) alla en Allemagne au début du 20ème siècle à la recherche de Professeurs dont il pensait qu'ils avaient une connaissance supérieure, il rencontra beaucoup de gens qui étaient réticents à lui donner des informations 'car il n'était pas un Maçon'. Pour satisfaire leurs demandes, il s'est immédiatement fait initié Maçon à la loge d'Edinbourgh.

Ce jeu avec le statut "d'initiation", simplement comme un titre conféré, n'a que peu ou rien à voir

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avec l'hermétisme sérieux. Le véritable initié porte son initiation dans son être, et c'est le niveau d'être et de connaissance qui est l'arbitre véritable de l'initiation.

Mark Hedsel ne faisait pas de mystère sur sa voie d'initiation : c'était la Voie du Fou, une voie qui était externalisée dans une certaine mesure dans les motifs secrets des 22 cartes du Tarot traditionnel, utilisés en divination populaire. Mark avait pris une voie menant vers un flux de connaissance si différent de la connaissance ordinaire que ceux qui le suivent risquent constamment d'être incompris. Un mot de travers, un une action inappropriée, et ils peuvent avoir l'air d'imbéciles.

Comme Mark Hedsel le met en évidence dans le texte qui suit, la Voie du Fou est intimement liée au développement intérieur de l'Ego humain. Le fait de nourrir l'Ego est une affaire périlleuse, et il y en a peu qui ne tombent pas, de temps à autres, sur cette voie de développement.

'Mark, tu as dit que le développement de la conscience de l'Ego était bien en évidence chez les artistes. Est-ce que les nouveaux élans de l'Ego sont apparus à Florence, au 15ème siècle ?'Il sourit, et je me demandais si c'était la question qu'il attendait.

'Quelques siècles avant, David. Tu vois, de tels développements Spirituels, et changements de la psyché humaine, sont en général d'abord connus par les poètes et musiciens, bien avant qu'ils ne soient sentis par les autres. Les artistes visuels, malgré toute leur vision, sont plus rattachés à la Terre que les poètes et musiciens : les poètes ont des antennes pour de telles choses. D'une certaine manière, les poètes sont "dans le vent" ["gatherers of the wind"].

Quand un changement Spirituel est dans l'air, ce sont généralement les poètes qui le sentent en premier, et qui l'expriment dans les poèmes et chansons. Les poètes sont des rêveurs sensibles. Tous les artistes, qu'ils soient poètes, peintres ou musiciens, rêvent leurs images, avant de les encapsuler dans leurs œuvres d'art, mais les poètes rêvent plus profondément.

'Donc, les vrais poètes sont les véritables visionnaires, les véritables receveurs des développements Spirituels, et si nous étudions la littérature euroéenne nous voyons les premiers signes du Fou sage, parmi les poètes-lettrés et troubadours errants, les poètes-chanteurs du Sud de la France, où à cette époque régnait l'hérésie.'

'Dans ce cas,' ai-je dit, 'on doit faire remonter la Voie du Fou au 11ème siècle'

'Peut-être aussi loin que ça - ce n'est pas un sujet que j'ai étudié en profondeur — mais la poésie du début du 13ème siècle du Moine d'Orlac semble être la première à développer l'idée du Fou sage avec une réelle conviction.

Il y a un goût de folie dans ses vers qui peuvent facilement être pris une aliénation par ceux qui ne savent pas, qui ne sont pas informés par la vision ésotérique.

'Cela signifie qu'ou bien son œuvre était trop pleine de piété pour les gens ordinaires, ou bien qu'elle fut écrite en Langue Verte - la langue secrète des ésotéristes. Dans l'un de ses vers, à propos d'un compagnon poète, le Moine écrit, "il n'a chanté de toute sa vie que quelques mots de fous que personne ne comprend". Ce compagnon poète était Arnaut Daniel, célèbre pour avoir prétendu chasser le lièvre avec le bœuf, et nagé contre la marée montante...

'Bien sûr, en termes ordinaires on n'y comprend pas grand chose. Et pourtant, le fait est que le Moine d'Orlac et Arnaut Daniel étaient des frères sur la Voie - le Moine savait très bien ce qu'Arnaut voulait dire quand il disait qu'il pouvait nager contre la marée, et chasser avec le bœuf. 'Ce que nous

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trouvons si intéressant dans l’œuvre de ce Moine est que, comme beaucoup d'autres poètes de l'époque, il soulignait que personne ne pouvait vraiment comprendre ce que lui ou ses associés écrivaient.

'De nos jours, il n'est pas rare pour les poètes de se plaindre de ne pas être compris, mais dans le cas du Moine d'Orlac et de ses compagnons, la question est différente. Normalement, si vous entendez un poète se plaindre que personne ne comprend ses vers, vous pourriez offrir une réponse assez brutale : vous pourriez être enclin à dire, "Alors écris plus clairement !" - ou quelque chose de ce genre. Mais vous ne pourriez pas dire une telle chose pour ces poètes de Provence en étant juste, car ils tentaient d'écrire de la poésie depuis un point de vue totalement nouveau. Ils ne pouvaient pas être compris car ils avaient développé des organes Spirituels qui leur permettait de voir au-delà du niveau de compréhension de ceux qui les entourait.'

[Le fou errant : page de garde du Gargantua de Rabelais, en 1532.]

Il éclaircit sa voix. 'Je cite de mémoire, mais l'un de ces poètes a écrit : "Et quand, dans la cité de la Terre, qui est pleine de fous, Dieu épargnait un seul homme, les autres le prenaient pour fou. Ils le maltraitait car sa sagesse n'était pas la leur - car pour eux, l'esprit de Dieu est folie..."

'On pourrait croire que ce sont les mots d'un fou - mais pour l'hermétiste expérimenté, c'est le signe que l'individu qui les dit est déjà sur la voie de développer un fort Ego. Une telle personne a déjà franchi les premiers obstacles sur la Voie du Fou. 'La tradition du Fou sage ou du Fou initié -- transparait fortement dans la littérature française médiévale, et culmine dans le plus grand de tous les fous - le farceur du 16ème siècle, Francois Rabelais. Rabelais écrivait vraiment dans la tradition des troubadours, pleine d'esprit et d'humour, sachant que seuls quelques uns de ses lecteurs seraient capable de le suivre lorsqu'il cabriolait sur des niveaux de sens plus profonds. Rabelais ne cachait pas son sujet - qui était l'initiation - mais il cachait ses mystères et enseignements dans de magnifiques démonstrations de la Langue Verte : derrière ses plaisanteries bavardes, il gardait le

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silence.

Le génie de Rabelais est tel que son œuvre vaut le coup d’être lue sur un niveau ordinaire, même si les niveaux plus profonds restent cachés. C'est la véritable illusion ["fooling"] poétique. Ce n'est pas un hasard si la première édition du témoignage initiatique de Rabelais publiée en 1532, dissimulée sous son jeu [fooling], avait sur la page de titre une gravure sur bois d'un Fou.

'On ne peut s'empêcher de regarder cette image sans se rappeler d'une autre version plus sophistiquée. C'est le Fou peint par Hieronymus Bosch sous plusieurs versions. Bosch dissimulait son fou sous des habits chrétiens, bien sûr : il l'intégrait dans un thème comme celui du Fils Prodigue, mais quand on connait l'esprit du début du 16ème siècle, on l'interprétera ce personnage comme la représentation de l'être humain travaillant au défi d'un nouveau développement de l'Ego . D'ailleurs, la peinture de Bosch avait été appelée "Le Fou" autrefois, et il y a bien d'autres peintures de ce grand artistes qui montrent le thème du Fou.

Les raisons à cela deviendront évidentes plus tard, mais je souhaitais simplement montrer comment les mots-images de la poésie finissent par se fixer dans des symboles ou représentations peintes.

'Le genre de Fou sage qu'aimait Rabelais et Bosch a réellement commencé dans l'art véritable des troubadours.'

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Je décidais de revenir à une chose dont il était question un peu plus tôt.

'Il y a-t-il une raison — je veux dire une raison cosmologique - à la sensibilité dont sont dotés les poètes ?'

'Oui. Le poète parle avec des mots. On pourrait dire que c'est un truisme, mais la vérité est que les mots renferment des mystères. Ce n'est pas un hasard que le plus grand de tous les mystères, le Logos, peut être traduit comme signifiant "Mot".

Quand ils parlent avec de nouveaux mots, et de nouvelles formes de mots, personne ne peut les comprendre - c'est ce que les troubadours reconnaissaient. Avant qu'une société puisse être réceptive à une nouvelle idée, un nouveau vocabulaire doit être créé.

Les vieux vocabulaires ne peut dire que de vieilles choses : ce sont comme des voies ferrées rouillées qui vont toujours dans la même direction. Un nouveau vocabulaire est nécessaire aux nouvelles choses, aux nouvelles directions. Les vrai poète voit qu'il est très difficile de parler à ses contemporains, car il utilise et forge un langage qui ne sera pleinement compris que par des générations futures...'

La Voie du Fou n'est pas facile, car elle implique un acte d'équilibrage, dans lequel le Fou peut tomber et devenir un imbécile. C'est une voie rusée, une voie d'étrange connaissance. C'est 'la Voie Qui n'en Est pas Une" - "la Voie qui Ne Peut être Nommée". Ces titres seuls devraient nous alerter sur l'ignorance de cette Voie, à l'exception des esotéristes. Peut-être que lorsque les autorités ecclésiastiques tentèrent d'éradiquer le Festum Fatuorum, la Fête des Fous, au 15ème siècle, ils réussirent à rendre "underground" tous les groupes ésotériques liés à cette Voie du Fou. Les archives sont rares, il n'existe que des indices et suppositions laissées dans la littérature ésotériques et les traditions - nous en examinerons certains échantillons. Cette rareté des documents suggère à elle seule qu'avant d'essayer de suivre le récit de Mark Hedsel de cette voie si étrange, nous devrions tenter d'examiner plus en détail le contexte de la Voie ésotérique qu'il a suivi. C'est pourquoi avant de rentrer dans le remarquable livre de Mark Hedsel, nous allons donner un bref aperçu de ce qu'implique la Voie du Fou.

La Voie du Fou

. . . mais nous ne parlerons que de ces choses difficiles, que les sens ne comprennent pas, mais, qui en réalité, sont presque contraire à l'évidence des sens.

(Paracelsus, Archidoxi Magica, dans The Works of Paracelus vol. I, p. 117)

La Voie du Fou est la voie du voyageur indépendant sur le Chemin de l'initiation. Un tel voyageur peut étudier avec différents Maîtres, et pourtant toujours s'efforcer de préserver sa propre identité, et rarement s'engager dans des serments de silence qui lieront son être à une école ou un enseignement en particulier. Le fait que le Fou soit en chemin sur la Voie est destiné à refléter le fait qu'il ou elle suit la voie de l'expérience, qui en grec ancien était nommé pathein.

Le Voie du Fou est la voie de l'Ego en développement. En ésotérisme, l'Ego est le Soi. Ce Soi est une goutte d'eau dans l'Esprit Universel, ou Divinité. Le terme sanskrit manas peut être traduit par "l'individu immortel", ou par "l'esprit supérieur", c'est l'équivalent du vrai Ego. C'est cette goutte d'eau de la Divinité qui a cherché l'expérience par son implication dans la matière. Cette minuscule particule de la Divinité est dirigée vers la matière afin de se percevoir, ou d'acquérir de l'expérience dans le domaine de Sa propre création.

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Comme il est en lien direct avec la Divinité, l'Ego pleinement développé est indestructible. Cependant, au travers des effets de l'incarnation, et de l'obscurcissement consécutif dans l'implication avec la matière, l'Ego humain ne reste pas omniscient, comme sa source Divine. En ce sens - dans le fait que sa connaissance cosmique est limitée par le masque 'cagoulé' de l'individualité - l'Ego fonctionne rarement avec son plein potentiel spirituel. D'incarnations en incarnations, l'Ego erre dans ce qu'on doit appeler une obscurité spirituelle en comparaison à la lumière des plans spirituels. Malgré tout, il est possible pour l'Ego de par ses propres efforts, de retrouver son plein potentiel, et d'enlever l'individualité assombrissante de ses yeux. Au sein de la vie - enchaîné au corps physique - l'Ego doit travailler dans la matière avec trois organes, ou 'corps', nommés en ésotérisme l'Astral, l'Ethérique et le Physique, dont nous allons parler bientôt. Ces corps sont contrôlés par l'Ego humain, qui dans la littérature hermétique est décrit comme descendant du Monde Spirituel comme un grand oiseau - un pélican, phénix ou cygne - pour habiter la chair dans le monde matériel. Cet oiseau parait curieux, car il a trois ailes plutôt que deux. L'Ego n'est pas tout à fait seul quand il est lancé à la dérive depuis le monde Spirituel supérieur. Il est accompagné de trois corps Spirituels supérieurs, invisibles à la vision ordinaire. Comme la déesse Vénus, l'Ego est assisté par trois Grâces, une triade d'êtres Spirituels, qui décrivent une danse majestueuse autour d'elle. Dans ces trois êtres, nous retrouvons les trois compagnons Spirituels supérieurs de l'Ego nouveau-né : dans la littérature ésotérique moderne, c'est l'Atman, le Buddhi et le Manas.

L'Ego est tiré dans le royaume terrestre par trois corps inférieurs. Ceux-là à la fois le protègent et le relient au monde matériel.

Cette image de l'Ego, nourri par des puissances Spirituelles, et pourtant plongé dans la matière, n'est pas facile à comprendre. Le résumé du Tableau 1 pourrait clarifier ces relations.

Le diagramme présuppose que l'Ego en lui-même est le verre réfléchissant - une sorte de miroir de potentiel - de sorte que l'Astral en dessous se reflète dans le Manas au-dessus : le Physique se reflète dans l'Atman au plus haut. Cette image miroir établit le développement futur de l'humanité : par exemple, c'est par le développement du potentiel Spirituel dans l'Atman que le physique sera racheté. Parfois, l'Atman s'écrit 'Atma'.

Le physique est le seul corps parmi les sept qui est visible à la vision ordinaire. Tandis que les trois inférieurs s'interpénètrent plus ou moins, l'Ego est situé (dans la mesure où il est actif dans l'espace et le temps) plutôt autour de la tête. Les trois corps supérieurs, sur lesquels l'humanité travaillera dans les époques futures, sont à l'état d'embryon, et sont le mieux perçus comme existant au-dessus

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de la tête. Cependant, il est erroné de les localiser dans l'espace et le temps.

Dans une certaine mesure, nous avons tous l'impression que nous comprenons ce qu'est le physique, même si l'initié est enclin à le considérer comme le grand mystère. Cependant, l'Ethérique, l'Astral et l'Ego présenteront sûrement des difficultés à ceux qui ne connaissent pas la pensée ésotérique moderne, et nous allons tenter de les étudier à la lumière de la Voie du Fou.

[La carte du Fou de l'Arcane Majeur, dans une version moderne du jeu de Marseille traditionnel, c. 1790.]

L'image qu'on retrouve le plus souvent du Fou errant est celle des cartes primitives du Tarot, apparues au 15ème siècle en Europe. Bien qu'utilisées d'abord comme jeu de carte, le Tarot fut adopté assez rapidement pour la divination. Les ésotéristes les plus savants reconnaissaient que le Tarot incorpore un système riche d'idées ésotériques, et qu'il fut promulgué par une Confrérie ésotérique inconnue. La carte du Fou est remplie de symboles sur la Voie du Fou. Elle montre un homme barbu coiffé du bonnet et clochettes du bouffon traditionnel. Il porte sur son épaule droite un bâton, au bout duquel est noué un sac. En général, la marche du Fou est entravée par un animal (parfois un chien, parfois un chat) qui griffe ses jambes ou vêtements. Comme nous allons le voir, ce symbolisme curieux éclaire la tradition hermétique de l'initiation qui fut pratiquée dans les temples d'Egypte ancienne.

L'Ego est symbolisé par le visage lui-même, qui est recouvert d'un bonnet d'âne - les trois "cornes et

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clochettes" - porté traditionnellement par le Fou. Ces trois "cornes" ne visent pas à relier le Fou à la Lune, comme il a été suggéré, mais de montrer que l'Ego humain est baigné par l'éclat de trois corps supérieurs, pas encore développés, qui sont les corps Spirituels de l'Atman, du Buddhi et du Manas. Son bonnet qui forme un déroulement, et qui finit par un bouton arrondi, est le mouvement contraire de la barbe. La barbe tire vers l'animalité hirsute, tandis que le bouton tire vers le ciel : c'est la dualité archétypale qui se cache derrière la plupart des pensées ésotériques. On peut presque voir le bouton comme représentant le troisième oeil, cherchant les royaumes Spirituels d'en haut.

La partie non rachetée de l'homme - l'ombre, comme on l'appelle parfois - est sans aucun doute le sac au-dessus du dos du Fou. Mark Hedseldisait parfois que le contenu du sac est le karma accumulé, ou une dette / crédit Spirituel. Il contient la matière sombre que l'on doit affronter un jour ou l'autre sur la Voie. Cette matière sombre est accumulée de vies en vies, et contraste avec la pureté de la prima materia, ou matière Spirituelle vierge qui est un droit inhérent à l'âme. L'animal fut largement adopté dans l'art médiéval comme le symbole de l'Astral, et ce chien (ou chat), qui poursuit et attaque le fou, ne fait pas exception. C'est l'élément Astral du Fou qui reste indompté. Comme il n'est pas dompté, ou intégré dans son âme, il acquiert une existence indépendante - c'est une sorte d'être sombre, qui rappelle la créature Astral que le poète Dante rencontre quand il débute sa propre initiation sur la Voie (voir page 137). Comme l'Astral est la source des émotions, c'est aussi la source de motion (mouvement) : il est particulièrement difficile de contrôler la manifestation intérieure de l'Astral dans les émotions, et sa manifestation extérieure dans les mouvements. Cette é-motion, ou mouvement vers l'extérieur, est exprimée par l'action agressive de l'animal.

Au début de son développement, on conseille au néophyte d'apprendre le contrôle extérieur de la tendance à donner une expression immédiate aux émotions, et donc en effet, aux émotions elles-mêmes. Quand on commence à fouler un chemin ésotérique, les émotions devraient être des outils pour faire expérience du monde, plutôt qu'être une source de duperie, qui a le pouvoir d'illusionner ou d'inonder l'âme. A force d'efforts, le néophyte apprend progressivement à contrôler cet animal intérieur. Comme le montre le Tableau 1, l'un des buts d'un tel contrôle est de transformer l'Astral pour qu'il devienne Manas.

La bâton que porte le Fou représente le corps Ethérique du Fou. Cette interprétation symbolique est soutenue par le fait que les bâtons viennent des arbres : selon la tradition ésotérique, la vie végétative des arbres et plantes est nourrie par les énergies Ethériques. C'est pourquoi l'un des termes de l'Ethérique, utilisé dans la pensée hermétique médiévale, était ens vegetabilis - ou 'l'essence végétative'.

Au cas où l'on penserait que cette interprétation de la carte du Fou est trop capillotractée, il peut être instructif de jeter un coup d’œil à une gravure alchimique du 17ème siècle, illustrant le symbolisme ésotérique standard se rapportant à l'Astral et l'Ethérique (opposés). L'astral, ou animalis, est représenté par l'être humain, qui est lié à un filin de sécurité ['life-line'] au cosmos. Cet être humain incorpore le corps Astral des sentiments, le corps de vie Ethérique et le corps physique. L'Ethérique, ou vegetabilis, est symbolisé par une plante en fleurs. Cette planète ne possède pas le corps astral des sentiments, mais a un corps de vie Ethérique, qui maintient l'existence physique de la plante.

Le corps physique, ou mineralis, est représenté par une montagne - un bloc de terre ou de roche. Pour montrer que ce n'est pas simplement une matière inerte, l'artiste l'a recouvert des sceaux des sept planètes : de la sorte, il laisse entendre que toutes les possibilités spirituelles existent en potentiel, enterrées dans la matière terrestre. Dans un tel contexte, le nombre sept indique généralement un lien avec les sept planètes traditionnelles.

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[La 'Triade de Nature' alchimique - Minéral, Ethérique et Astral. Extrait de la première page de Mille Hypotheses Chymicae par J.J. Becker, 1668.]

Cette image, de l’œuvre majeure de l'alchimiste Becher, illustre clairement la nature de l'Ethérique. La force de vie éthérique des plantes modèle les Quatre Éléments en une forme : cependant, comme les plantes n'ont pas de lien important avec le plan astral, elles ne possèdent pas la vie émotionnelle qui est distinctive de l'Astral. En Latin, le bâton se nomme virga - qu'on peut rapprocher de vierge, et même, la Vierge, ce qui suggère un autre rôle comme fertilisant pour les idées. Mark Hedsel soulignait que l'étymologie graphique des bâtons peut être retracée à la déesse égyptienne Maat, qui nous rappelle que le nom français du Fou est le mat.

Le corps physique est, bien sûr, le corps du Fou lui-même : il est parfois nommé l'âne [ass or donkye], peut-être pour suggérer qu'il est contrôlé par un cavalier - qui est, bien sûr, l'Ego. La simplicité de ce symbolisme ne devrait pas nous faire oublier le fait que, dans la tradition hermétique, le corps physique st l'un des grands Mystères, dont la vraie nature Spirituelle a très peu été explorée. Dans la littérature hermétique, le corps physique est parfois évoqué comme "sagesse condensée". Dans le motif de la carte, le corps est séparé de la tête - la partie pensante Spirituelle - par l'outil symbolique du bâton, qui coupe la tête du corps inférieur. En accord au symbolisme hermétique, le corps est vêtu : le vêtement est lui-même simplement le symbole des éléments physiques qui à la fois enveloppent et révèlent la forme intérieure. Cette vérité est exprimée dans la déchirure à la jambe droite du Fou, car ce vêtement déchiré nous fait voir la peau, qui nous rappelle l'être humain sous le déguisement du Fou. Nous pouvons voir une déchirure similaire dans l'image du Fou de la peinture de Bosch (planche 3). Dans ces images, le physique est masqué par le

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vêtement, ce qui nous rappelle le Festum Fatuorum médiéval, ou Fête des Fous, où même les prêtres portaient des masques.

Selon Mark Hedsel, le mot âne, qui est l'un des noms donnés au corps dans la Voie du Fou, est fait pour rappeler la Fête des Fous. Mark indiqua que dans les légendes liées aux Mystères Chrétiens, l'âne a été racheté car il a porté le Christ en triomphe à Jérusalem. En signe de sa rédemption, le Christ a laissée sur ses épaules une croix noire. C'est une parabole ésotérique sur l'idée que notre corps physique, composé des Quatre Éléments, est également la croix quadruple que nous devons porter.

Même la littérature ésotérique païenne avait été préparée à voir l'âne comme un symbole des Mystères - la créature de laquelle le haut initié peut naitre. Dans le conte le plus célèbre qui nous vient du monde antique, le symbolisme de l'âne se voit attribuée une forme sophistiquée et dramatique. Dans L'Âne d'Or d'Apulée, le héros, Lucius, est transformé en âne car il s'essaye à la magie. Son objectif initial était, en dérobant les onguents de la magicienne Pamphile, non pas de sa changer en âne mais de pouvoir voler. Dès lors que son mauvais usage de la magie l'a transformé en une forme d'âne, cet objectif a radicalement changé, et son plus grand désir était de redevenir à nouveau humain.

Après de nombreuses aventures dramatiques et dégradantes sous la forme d'un âne, Lucius réalise que la seule aide qu'il peut obtenir viendra du monde Spirituel. Jusqu'à la fin du livre, bien que toujours emprisonnés dans le corps d'un âne, Lucius se réveille au "moment le plus secret", dans la Lune brille fortement dans le ciel. Il se met à prier pour la libération de sa forme bestiale, nommant la déesse de la Lune Isis par ses nombreux noms secrets. Sa prière est efficace. La déesse lui apparait dans un rêve ou une vision. Au milieu de son front se trouve une lune ressemblant à un miroir qui émet sa propre lumière. Seule sa robe est toute noire, et pleine d'ombre, mais il y a dessus les étoiles et la pleine lune. Comme la déesse égyptienne Isis, et les prêtres égyptiens d'initiation, elle porte un sistrum magique. La femme de la vision dit à Lucius qu'elle est venue à son secours. L'âne se réveille de cette vision et se retrouve au milieu d'une procession initiatique, qui, par certains détails, nous rappelle les processions médiévales plus tardives de la Fête des Fous - sauf que celle-ci était conçue pour servir les anciens Mystères d'Isis, plutôt que ceux du Christ.

Lucius savait depuis le début de son mal que si seulement il pouvait manger une rose, il retrouverait sa condition humaine. Lors de la procession, un prêtre initié (préparé à une telle action par la déesse) tend vers l'âne un bouquet de roses. L'Âne d'Or, riche de toute la connaissance et souffrance qu'il a acquis au travers de sa servitude bestiale, mange les roses, et est transformé, comme par miracle, en l'homme supérieur.

Dans le pur émerveillement et mystère de cette transformation tant attendue, Licius reste debout et ne dit rien. Il ne connait pas de mots qui puissent exprimer sa joie, ni même de mots pour remercier la déesse de sa bonté. Ici, nous avons directement de l'ancienne tradition des Mystères, la conscience que les mots ne sont conçus que pour le monde ordinaire, et participent peu aux Mystères suprêmes de l'esprit.

Si les anciens allaient si loin pour traiter de l'importance ésotérique du corps, on peut se demander s'ils ont représenté de la même manière caractéristique les corps supérieurs, invisibles.

En regardant la structure en sept étages du tableau 1, nous pouvons y faire correspondre différents ensembles de noms et d'images des temps anciens.

Ce n'est pas un hasard si les anciens assimilaient l'Ego humain à la déesse Vénus, et à la ternaire supérieure des trois Grâces, car cette mythologie était liée à l'être supérieur de l'homme (Tableau 2).

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Les noms grecs ont reçu beaucoup d'attention dans la littérature ésotérique, et il est évident qu'ils dissimulent une grande sagesse. L'érudit italien Ficin - un ésotériste qui était associé à de nombreux artistes italiens qui ont donné à la Renaissance son caractère distinctif - ont non seulement traduit leurs noms, à peu près comme dans cette liste, mais les ont aussi reliés à des principes cosmiques :

Les écrits ésotériques de Ficin eurent une forte impression sur l'artiste italien Botticelli. Il n'est donc pas surprenant de pouvoir appliquer directement le symbolisme "Vénusien" expliqué dans le Tableau 2 aux chefs-d’œuvre de Botticelli, la Naissance de Vénus et Primavera, qui tous deux représentent la déesse Vénus foulant légèrement la Terre. Le Tableau 3 montre les correspondances avec le monde physique :

L'image de la chevelure soufflée par le vent nous rappelle que le corps astral est le corps de désir : il est toujours en mouvement, car il cherche à atteindre l'objet du désir. Cette urgence é-motionnelle s'exprime par le mouvement de la chevelure dans le vent. En revanche, le corps éthérique s'exprime par des rythmes et des motifs réguliers : ainsi donc, le clapotis rythmé des vagues sur le rivage est un symbole pertinent de ce corps invisible. Un but de la méditation consiste à retirer l'Ego des niveaux inférieurs, où opère le désir, et à le faire flotter librement en dehors du pouvoir hypnotisant du monde matériel. De cette façon, l'Ego peut flotter ainsi à la surface d'un lac tout à fait calme. Sur cette surface calme, l'Ego peut refléter le ciel au-dessus, et ainsi recevoir parfaitement l'influx du Divin dont il faisait partie. Dans la Voie du Fou, cette forme de méditation est un prélude à la recherche des secrets de la nature.

Maintenant l'une des choses que la Voie du Fou enseigne est que si l'on souhaite rester en contact avec le Divin, le désir (kama) n'est pas en lui-même souhaitable. Il est cependant éminemment souhaitable - et même essentiel pour celui qui souhaite acquérir de l'expérience dans le monde matériel. La plupart des philosophies orientales enseignent trop facilement d'initier un retrait - un vol de retour à l'esprit - dans le cadre d'une purification de karma, de l'enchevêtrement. Dans la religion chrétienne, une telle fuite s'appelle la Via Negativa, ou Voie Négative. La Voie du Fou

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retourne cette idée, et postule que le seul but d'avoir un corps physique (ou 'monter un âne' ou 'être un âne') n'est pas d'entretenir des notions telles qu'une fuite du plan physique, mais d'utiliser le corps pour acquérir de l'expérience et de la connaissance.

La Voie du Fou est une sorte d'équilibre sur une corde raide. Alors que le Fou ne souhaite pas perdre contact avec son Soi supérieur, il ou elle veut encore acquérir de l'expérience dans la vie : le Fou va dans un sens, puis dans un autre. Par une telle récolte de connaissance, il ou elle non seulement enrichit son Ego, mais répond également à la nécessité du Divin (dont l'Ego est une partie) d'explorer le plan matériel. D'autre part, le Fou ne souhaite pas acquérir l'expérience d'une vie superficielle. Son but est toujours de percer derrière la surface, pénétrer l'illusion des choses, et tirer parti de la réalité cachée derrière le piège de la toile de l'illusion. Le Fou sait que le plan matériel, qui pour tant de monde représente la réalité ultime, est la plus illusoire de toutes les choses - une maya ou jeu d'ombres. Nous trouvons dans cette croyances un conflit sous-jacent à celui qui a choisi de suivre la Voie du Fou : il ou elle souhaite explorer le monde matériel tout en sachant que le monde matériel est un terrain minés d'irréalités.

L'idéal du Fou dans sa quête est à peine voilé dans de nombreuses œuvres d'art et un corpus considérable de littérature qui s'est développée depuis le 16ème siècle. Très souvent, le thème d'un tel art ou d'une telle littérature porte sur l'incertitude de l'Ego, et sur la réticence de l'Ego de descendre complètement dans le monde matériel - comme la Voie du Fou le demande.

Cette incertitude et insécurité de l'Ego à propos de penser, sentir et vouloir, est nul part plus clairement défini que dans le portrait d'Hamlet de la pièce de Shakespeare. Bien que Shakespeare maniait avec une incroyable perspicacité la nature du Fou dans plusieurs de ses pièces, c'est Hamlet qui reflète le plus clairement le sens ésotérique de l'Ego. L'Ego en développement de Hamlet n'est pas assez fort pour s'extraire du sentiment de la mort qui est la conséquence inévitable de l'intrication dans la matière. Peu de héros (si l'on peut appeler le Prince Hamlet un héros) ont si bien perçu la puissance-de-mort de la pensée humaine méditant sur un crâne, réfléchissant aux avantages et inconvénients du suicide. Peu de héros ont exercé une telle relation d'insécurité à leur être aimé, dans le domaine du sentiment, comme pour la conduire à la folie et au suicide. Peu de héros sont descendus si profondément dans la matière comme pour sauter dans une tombe ouverte, et peu de héros ont été si troublé dans leurs actions que pour tuer un innocent en donnant un coup d'épée dans une tapisserie - ce qui était le symbole de Shakespeare pour le voile qui, dans la littérature secrète, cache la déesse Isis. Il semble que Shakespeare cherchait à dépeindre l'effondrement des catégories humaines normales sous l'impact subi par l'Ego quand il est porté trop profondément dans la matière. Cette confusion explique pourquoi le prince du Danemark peut être considéré à la fois comme un génie et un imbécile.

La pièce Hamlet est une étude de l'esprit humain dans le cadre des tremblements d'un Ego qui n'est pas mature, et qui sent qu'il a perdu le contact avec le Divin. En ce sens, le prince Hamlet est presque un enfant, et Goethe était perspicace en observant, dans le caractère du Prince, l'image d'une personne qui a avait une tâche au-delà de ses capacités. Hamlet, comme de nombreuses oeuvres ésotériques, était prophétique quant à l'évolution future de l'homme. En termes ésotériques, la période commençant à la Renaissance en Italie, et la période élisabéthaine en Angleterre, a marqué une croissance constante, parfois dramatique, de l'Ego humain. L'école ésotérique qui dirigeait les conditions de cette croissance était sous la tutelle de la famille des Médicis du 15ème et 16ème siècle à Florence. En Angleterre, au même moment, l'intensification de l'Ego, et son sentiment correspondant de séparation du monde Spirituel, était si puissant qu'il a poussé l'un des dirigeants de l'époque, Henri VIII, à rompre avec l'autorité papale. De cette façon, et peut-être sans le vouloir, il a créé une religion qui envisageait une relation différente entre l'Ego humain et Dieu que celle enseignée par l'Eglise Catholique. Dans la magie numérologique qui se cache derrière les motifs du Tarot, la carte du Fou est généralement associée au zéro. Certains ésotériques le relient

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également à l'aleph, qui est la première lettre de l'alphabet hébraïque. Cela semble être contradictoire, car en numérologie hébraïque, l'aleph reçoit normalement le nombre 1. En effet, certains ésotériques ont rattaché la première carte - le Bateleur - à l'aleph (voir ci-dessous).

Ce conflit apparent entre le zéro et l'un est en réalité le reflet intime de la nature du Fou. Le chiffre un - qui se tient seul et droit devant tous les autres nombres - est clairement un excellent symbole pour l'Ego. Il fait peu de doute que l'association entre le nombre un et le Fou était destinée à se refléter dans la lettre I, qui, en anglais, désigne l'Ego. L'Ego se tient toujours seul devant ce qu'il expérimente. Il est l'unique observateur de la pièce de marionnette qui se produit devant lui. C'est peut-être ce conflit entre le cercle du zéro et le nombre un (1) qui explique les symboles curieux de méditation (voir Appendice p.355) - des mélanges de cercles et lignes droites - que Mark Hedsel m'a montré peu de temps avant sa mort.

Avec ces considérations sur le zéro et l'un, nous en arrivons au paradoxe Spirituel du Fou. Ce paradoxe est que le Fou, et l'Ego lui-même, sont à la fois un zéro et un un. Ils représentent tous deux quelque chose qui semble être sans fondement - une seule chose séparée du tout - et qui semble, en même temps, être une unité complète, une individualité unique. Ce conflit entre non-être et être est l'un des thèmes sous-jacents du célèbre monologue d'Hamlet commençant par, 'Être ou ne pas être . . .'

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[La carte du Bateleur, dans un jeu de tarot italien du milieu du 19ème siècle. Notez la lettre en hébreu aleph (en haut à droite) qui se reflète dans la posture de ses bras.]

Le bâton que porte le Fou est aussi le symbole du moi (en anglais "I") debout, et donc de l'Ego. Le bâton sur l'épaule droite du Fou est alourdi par le sac qu'on peut voir comme encore une autre forme de zéro - un cercle. Ainsi, le bâton et le sac représentent l'altercation entre l'esprit et le néant qui caractérise le sentiment humain de l'Ego.

"Maintenant je suis comme ceci, puis je suis comme cela" est l'état de tous les humains qui n'ont pas suffisamment développé leurs Ego pour devenir leur propre homme ou femme. Il y a une signification profonde au fait que le grand occultiste du début du 16ème siècle, Paracelse, qui savait être au début d'une ère de développement de l'Ego, avait choisi comme devise : "Qu’il n’appartienne pas à autrui, celui qui peut s’appartenir à lui-même" C'est l'appel tutélaire de l'Ego naissant.

Le système divinatoire de la cartomancie, ou taromancie a d'abord été développé dans le sud de l'Europe. Le nom du Fou de la première carte du Tarot est ou bien une traduction du mot français Le Mat, ou de son équivalent italien, Il Matto. Cette étymologie n'est pas sans importance, car la racine ma est un terme Sanskrit important relatif à la matière, qu'on retrouve dans plusieurs termes ésotériques importants comme "Maya". Cette étymologie a plusieurs connotations qui pointent vers la voie du Fou, car c'est "la Voie Descendante". C'est une voie de descente à l'intérieur de la 'matière', ou de contemplation de la 'matière', à travers laquelle on accumule la matière noire du karma.

Le développement de l'Ego a conduit à un nouveau sentiment de liberté individuelle, par rapport aux restrictions et structures religieuses comme politiques. Comme l'a montré Mark Hedsel, l'essor de ce sentiment de liberté a été fortement ressenti chez les poètes et les artistes, qui sont en général particulièrement sensibles aux changements spirituels. Ces artistes qui ont eu la chance d'appartenir à des écoles ésotériques - où était étudiée l'initiation - se mirent à créer des images qui, si elles ne servaient pas les écoles elles-mêmes, sont devenues individualistes à un niveau qui aurait été impossible à atteindre à l'apogée byzantine et de l'art médiéval tardif de l'Eglise. Quand les artistes ont commencé à signer leurs oeuvres d'art, ils montraient qu'ils n'étaient pas uniquement préoccupés par la gloire de Dieu, ou de leur protecteur, mais aussi de leur propres Egos personnels. Par une signature ou marque personnelle, l'Ego reconnait qu'un action - ou acte de Volonté - perdurera après sa mort ou incarnation.

La célèbre signature de Jan van Eyck sur sa peinture du mariage de Jan Arnolfini, maintenant à la National Gallery, Londres, n'est pas simplement une signature a signature à la peinture, mais une marque du rôle de l'artiste en tant que témoin du mariage, affirmant "J'étais là". Cependant, toutes les marques de l'Ego n'étaient pas si élaborées, et ne prenaient pas toutes la forme d'une signature.

Certains artistes adoptaient des symboles personnalisés comme marques de l'Ego. Par exemple, un artiste flamand du 16ème siècle, Henrri Met de Bles, qui était certainement impliqué dans un groupe ésotérique, adopta un type bien plus ancien de "signature", en utilisant une chouette comme symbole personnel. Cependant, cette chouette était bien plus qu'un simple équivalent de sa signature - c'était aussi un symbole d'une connaissance du Soi supérieur. Comme nous le verrons, c'était un reflet de ce même esprit oiseau que Mark Hedsel a rencontré lors d'une expérience profonde à Ferrara.

L'alchimiste allemand du 16ème siècle Heinrich Khunrath, utilisa un hibou comme vignette dans

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l'un de ses livres : ce hibou portait des lunettes pour symboliser sa vision supérieure, avec dans ses griffes une paire de flambeaux. Deux bougies brillaient près de l'oiseau. La devise inscrite sous cet excès de lumière était : "Que valent l'utilisation de torches, de lumières et de lunettes, si les gens ne voient pas".

La Noctua, ou oiseau de nuit, était sacré à Minerve, la déesse grecque de la sagesse. Khunrath avait clairement ressenti que la sagesse secrète, qu'il connaissait de par son implication en alchimie et au rosicrucianisme, devait être portée de l'obscurité de la nuit à la lumière du jour. Pourtant, comme l'indique sa devise, il était désespéré que même lorsque la sagesse secrète était révélée, toujours autant de personnes ne peuvent pas le voir. La nature et l'importance des disciplines initiatiques varient d'Ecoles en Ecoles, cependant, traditionnellement, les deux principales différences dans les méthodes des Ecoles sont si le maître enseigne par le biais d'images et de symboles, ou par le biais de méthodes orales. Dans la littérature hermétique égyptienne la plus ancienne, qui a survécu jusqu'à nos jours, principalement en langue grecque, ces deux principales divisions étaient nommées respectivement méthode Epoptique, et méthode Mystes. Certaines écoles anciennes combinaient les deux. Par exemple, dans le culte de Déméter à Eleusis, très populaire dans la Grèce antique, les Mystes étaient initiés aux Mystères Mineurs, tandis que les Epoptes étaient initiés aux Mystères Majeurs. Cependant même dans de tels systèmes combinés, les deux méthodes étaient considérées comme si différentes qu'on demandait un délai d'au moins cinq ans entre les deux initiations.

La méthode Epoptique enseignée par le biais de symboles et d'images tandis que la méthode Mystes était en général enseignée oralement, avec des instructions données par le Maître, parfois sous forme d'un dialogue. Au sein de ces deux méthodes, diverses Voies vont dans de nombreuses directions, même si leur finalité était la même - le perfectionnement de l'homme, et le passage de

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l'homme 'naturel" à l'état d'homme 'Spirituel', par degrés ascendants.

Un document qu'il nous reste pointant vers la puissance de l'ancienne méthode époptique est le mystérieux Livre de Dzyan, que H.P. Blavatsky, l'ésotériste du 19ème siècle, affirmait être la source d'inspiration de son chef-d’œuvre sur les traditions ésotériques, "La Doctrine Secrète". Cependant, cet ancien livre d'images sans paroles auquel elle se réfère serait bien plus qu'une simple collection de symboles. L'ésotériste G. S. Arundale, qui fonda toute une discipline de méditation autour sur ce texte, informait ses lecteurs que le livre était si "magnétisé" que quiconque contemplait les images recevait des connaissances très profondes. Une personne qui suit une Voie dans les temps modernes peut avoir une relation époptique similaire à des symboles anciens en méditant sur eux, et ce fut certainement l'une des pratiques méditatives de Mark Hedsel (voir les symboles en page 7 du pdf en pièce jointe). Certains symboles ont la capacité indéniable de "parler" une langue qu'on ne peut comparer à aucune forme écrite de langage, et qui ne peut être traduite. Les symboles contournent le mécanisme de la pensée du cerveau (qui a l'habitude de traiter des mots), et travaillent directement sur l'âme. C'est précisément comme cela que fonctionne la méthode époptique. Certaines formes d'art étaient, dans le passé, conçues précisément pour inclure ce type de symbolisme.

Dans les temps modernes, c'est la tradition orale des Mystes qui prédomine dans la plupart des Ecoles ésotériques. Les cinq siècles qui se sont écoulés depuis l'introduction de l'imprimerie en Europe ont établi une dépendance quasi hypnotique au pouvoir des mots. Par cette dépendance hypnotiquement induite, l'ancien pouvoir de lire le contenu interne d'images et de symboles a en grande partie disparu, sauf dans un sens purement interprétatif et analytique. Cette dégénérescence d'une faculté naturelle de l'âme a influencé les Ecoles ésotériques, tout autant que la pensée et la vie ordinaire. Elle a encouragé en effet certaines Ecoles à mettre l'accent sur la nécessité de développer une passion pour la puissance des symboles, et pour l'ancienne voie époptique, qu'on pourrait décrire comme une "recherche méditative". Cette formation de la vision se base sur la vérité démontrable qu'il existe une faculté chez l'homme (une faculté qui est actuellement profondément cachée) qui peut entendre la parole de la Nature.

La Voie du Fou se distingue de la voie ordinaire de la vie, de la conduite ordinaire, par son attachement à la recherche de la Connaissance Secrète, et à la "recherche méditative". C'est le grand secret, et peut-être le seul secret de la Voie. La Voie du Fou est essentiellement la voie de l'expérience, par laquelle le monde de la matière est percé et profondément contemplé, en vue d'arracher à la matière ses secrets. Il y a un parallélisme étroit entre certaines impulsions de la Voie du Fou, et la voie secrète du Rosicrucianisme. Comme Mark Hedsel l'a démontré, les Rosicruciens de l'Europe médiévale tardive choisirent comme tâche principale de veiller à ce que l'Ego en développement puisse être en relation avec le Christ par l'intermédiaire d'une voie aux accents prononcés de Christianisme ésotérique.

De l'avis de la plupart des historiens, le rosicrucianisme lui-même ne figure pas dans les annales historiques avant le 17ème siècle, à la suite de quoi il a été persécuté comme étant hérétique. Cependant, ses racines peuvent être retracées (et l'ont effectivement été) jusqu'au 14ème siècle. Nombre de tracts et symboles publiés par les rosicruciens étaient de nature alchimique. C'était inévitable, car il y a des parallèles très intéressants entre les méthodes du rosicrucianisme et les aspirations spirituelles de l'alchimie. Le rosicrucianisme était à l'origine une école ésotérique chrétienne qui reconnaissait que la même vie résurrectionnelle promise par le Christ est également promise par la Nature. Le parallèle entre l'Homme et la Nature était reconnu par les rosicruciens, et c'est pourquoi, dans leur symbolisme alchimique, la Nature et l'Homme étaient classés dans une triplicité de "substances naturelles" : le Sel, Mercure et Soufre, correspondant au Penser, Sentiment et Volonté.

Le rosicrucianisme, malgré tout son contenu chrétien, a ses propres racines dans l'hermétisme des

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anciens grecs, qui (comme nous le verrons) était d'origine égyptienne. Quand l'érudit Parthey qui s'est spécialisé dans la tradition hermétique a enquêté sur l'éducation de plus de 40 philosophes, écrivains et hommes d'état principaux de la Grèce antique, il nota qu'ils avaient tous étudiés avec des professeurs égyptiens. Par exemple, Platon a été l'élève de Sechnuphis, Pythagore d'Oeunuphis, Eudoxe de Chonuphis, et ainsi de suite. Ces philosophes ont étudié dans les écoles hermétiques d’Égypte, principalement dans les écoles secrètes d'Isis et d'Osiris.

L'étude des textes hermétiques anciens, qui avait été l'une des préoccupation personnelle de Mark Hedsel, révèle un lien direct entre la tradition ésotérique de l’Égypte ancienne et les traditions secrètes et la philosophie spéculative des grecs. Sous ses formes classiques diversifiées qui comprennent le gnosticisme, l'alchimie et l'astrologie - elle passa en Europe par la connaissance arabe, principalement par les grandes écoles astrologiques et alchimiques de Bagdad du XIXème siècle. Cette même tradition a été européanisée et re-christianisée par les rosicruciens. De cette façon, un lien direct a été conservé entre la tradition ésotérique d’Égypte ancienne et l'hermétisme moderne. L'homme a changé depuis l'école de la Grèce antique, et a encore plus changé depuis l’Égypte ancienne. Les écoles se sont également développée, afin de s'adapter à ces changements. La tradition hermétique est très complexe. Dans sa mémoire on retrouve des thèmes aussi divers que la réincarnation, l'astrologie et le karma, les sphères planétaires de descente, l'union avec Dieu et même de nombreuses disciplines mentales pratiques mentionnées par Hedsel. Le fait extraordinaire est que ces thèmes - et en fait tous les thèmes importants étudiés par les occultistes et hermétistes modernes se trouvent dans les plus anciens textes hermétiques égyptiens connus.

Le lien entre la pensée hermétique moderne et la sagesse égyptienne des mystères est très important. Il est si important que je pourrais affirmer que la littérature ésotérique de ces 2,000 dernières années n'est rien de plus qu'une série d'annotation à l'ancienne littérature hermétique, examinée à la lumière du message résurrectionnel du Christ, qui a jeté les bases de la Nouvelle Sagesse des Mystères du Christianisme. Il y a-t-il des qualifications requises pour entrer sur la Voie ? Comme nous l'avons suggéré, Comme nous l'avons souligné, la voie de la Voie n'est pas la même que la voie de la vie, et les qualifications pour entrer dans une École ne sont pas les mêmes qualifications que pour la vie. Ceux qui dirigent des Écoles ésotériques savent que trop bien que le secret de toute l'humanité se trouve dans la Volonté. Ils reconnaissent que si une personne veut s'engager sur la Voie, alors aucune École ne pourrait l'entraver ou la détourner. En théorie, chaque École a ses propres exigences et qualifications préliminaires. En règle générale, une volonté d'être ouvert d'esprit, expérimental et engagé est supposée, sinon toujours demandée. Certaines Écoles insistent pour que le néophyte ait une moralité développée, car la moralité n'est pas tant une marque de réalisation en compassion et lumière qu'un outil essentiel d'investigation. L'immoralité - suivre les instincts et pulsions humaines les plus bas - conduit à l'aveuglement spirituel, et tout comme ceux qui sont aveugles dans la vie ne peuvent pas voir les merveilles qui les entourent, de même l’immortel ne peut pas voir sur le plan Spirituel. Il est vrai que personne ne peut aller très loin sans s'affiner le monde moral intérieur, et racheter l'obscurité intérieure. Cependant, la Voie du Fou ne parait pas avoir de telle demande initiale pour le néophyte. Normalement, les demandes relatives à la moralité viennent plus tard - non pas d'une autorité extérieure, mais du néophyte lui-même : c'est l'un des mystères de la Voie du Fou. Au fur et à mesure de la progression du Fou sur la Voie, les choses les plus sombres se détachent. (...)

Qu'apprend-on dans l'une de ces Ecoles, qui se rendent disponible si mystérieusement, et offrent d'enseigner ce que la plupart des gens considéreraient comme des secrets incompréhensibles ? En bref - on en apprend sur le Monde Spirituel qui est un secret fermé à la vision ordinaire. C'est, en effet, le seul Mystère auquel on est instruit. C'est aussi simple que ça. Cependant, d'une certaine façon ce n'est pas aussi simple que ça, car le Monde Spirituel est vaste. Le Monde Spirituel s'étend dans un autre domaine, au-delà du monde matériel, sa puissance invisible interpénétrant et soutenant entièrement ce dernier. Dans un sens - et peut-être seulement à cet égard - la connaissance

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ésotérique est comme la connaissance ordinaire : plus on sait, plus on voit et on perçoit à quel point le réservoir de connaissance est vaste et dépasse l'entendement. Etant donné cette idée pénible, la question qui se trouve à la base de toute initiation se pose au néophyte - comment une simple graine d'un cerveau humaine peut espérer englober cette sagesse illimitée de créativité ? Et, comme c'est souvent le cas sur la Voie, en formulant cette question du fond du cœur vient la réponse : le cerveau humain peut acquérir cette sagesse, car il a été façonné à partir de cette sagesse elle-même. La matière grise du cerveau est en fait le voile de la substance Spirituelle des étoiles.

Il est dit que seul celui qui est totalement guéri peut contempler le dernier Mystère en toute impunité. Cette "région inexplorée duquel aucun voyageur ne revient" est le Monde Spirituel duquel les hommes ordinaires ne reviennent pas. Hamlet serait d'accord avec cela. Cependant, c'est une destination de laquelle les initiés au plus haut niveau peuvent revenir à leur gré, s'ils sont prêts à enfiler le masque du temps qu'offre l'incarnation, et se mêler aux autres humains.

La Voie du Fou utilise un langage, et un répertoire de termes, qui demande quelques explications. Quasiment tous les systèmes ésotériques se sont développées d'une forme ou d'une autre de ce qu'on appelle "La Langue des Oiseaux" ou "La Langue Verte", comme moyen de communication. C'est une langue ésotérique qui permet aux initiés, et à ceux sur la Voie, de communiquer des secrets aux autres sous une forme qui est incompréhensible à ceux qui ne connaissent pas cette langue. Mark Hedsel parle de la nature de cette langue à plusieurs reprises dans son texte (voir page 56 par exemple). En plus d'utiliser cette langue ésotérique, la Voie du Fou fait un usage intensif d'un large éventail de termes ésotériques spécialisés (qui sont tous expliqués dans le texte ou dans les notes). La Voie du Fou est une voie ancienne : Mark Hedsel retrace sans difficulté ses racines historiques à la période médiévale. Dans cette perspective, il est surprenant de constater Mark Hedsel utilisant certains termes ésotériques qui ne sont apparus en Europe qu'à la fin du 19ème siècle : son utilisation des mots sanskrits Atman, Buddhi et Manas, dans le Tableau 1 (page 21), en est un exemple. Un coup d’œil sur l'histoire récente nous aidera à expliquer cette contradiction apparente.

Tous les enseignements ésotériques authentiques pointent vers des traditions qui décrivent différentes formes physiques que possédait l'humanité dans les temps anciens. La littérature ésotérique qui traite de ces états primitifs de la préhistoire semblent remonter à plus de 5,000 ou même 6,000 ans, et est dans une langue peu connue des philologues, appelée Senzar. Cette langue primitive décrit les formes humaines qui étaient très différentes des formes actuelles. Les formules humains les plus primitives n'avaient pas le pouvoir d'entièrement descendre sur Terre. Plus tard, ces formes flottèrent vers ce qu'était alors la Terre, mais étaient encore peu matérielles. Plus tard encore, les êtres humains prirent des corps adaptées à la nage dans l'eau, et donc les corps ressemblèrent à des animaux. Ce n'est qu'à une époque relativement récente - avant l'époque atlantéenne - que le bipède intelligent s'est développé dans l'apparence extérieure que nous connaissons.

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