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Faculté de Droit et de Science Politique La gestion européenne de l'intervention militaire en Libye et ses implications pour l'Europe de la défense Une lecture politique, diplomatique et militaire Mémoire présenté par Julien Flagothier 2 e master Science Politique, or. politiques européennes Année académique 2011-2012 Promoteur : Promoteur : André Dumoulin

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Faculté de Droit et de Science Politique

La gestion européenne de l'intervention militaire en Libye et ses implications

pour l'Europe de la défense

Une lecture politique, diplomatique et militaire

Mémoire présenté par Julien Flagothier2e master Science Politique, or. politiques européennes

Année académique 2011-2012

Promoteur :Promoteur : André Dumoulin

Faculté de Droit et de Science Politique

La gestion européenne de l'intervention militaire en Libye et ses implications

pour l'Europe de la défense

Une lecture politique, diplomatique et militaire

Mémoire présenté par Julien Flagothier2e master Science Politique, or. politiques européennes

Année académique 2011-2012

Promoteur :Promoteur : André Dumoulin

À la mémoire de Jules Desaive et de Joseph Flagothier À la mémoire de Jules Desaive et de Joseph Flagothier

« Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la crise »

Jean Monnet (1888-1979)

Remerciements

En préambule de ce mémoire, j'aimerais tout d'abord remercier monsieur André Dumoulin pour avoir accepté d'endosser le rôle de promoteur lors de la réalisation de celui-ci. Sa disponibilité ainsi que les nombreux conseils qu'il m'a prodigués tout au long de mes travaux m'ont été extrêmement profitables et m'ont permis d'enrichir utilement cette recherche.

Ensuite, mes remerciements vont également à mes seconds lecteurs, monsieur Sylvain Paile et madame Nina Bachkatov, ainsi qu'à toutes les personnes liées au Département de Science politique et ayant accepté de porter un regard critique et constructif sur mes travaux.

Enfin, j'aimerais remercier mon entourage, famille et amis, pour leur écoute et leur patience durant la réalisation de ce mémoire. Celle-ci aurait été bien plus ardue sans leur présence et leurs encouragements permanents.

Liste des abréviations

AED Agence européenne de défenseALE Accord de libre-échangeASEAN Association des nations de l'Asie du Sud-EstBCAH Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONUBRIC Brésil, Russie, Inde, ChineCAOC Combined Air Operations CenterCDU Christlich Demokratische UnionCNT Conseil national de transitionCSP Coopération structurée permanenteFDP Freie Demokratische ParteiMLAT Mutual legal assistance treatyOCHA Voir BCAHOCI Organisation de la Coopération islamiqueONU Organisation des Nations uniesOTAN Organisation du traité de l'Atlantique NordPESC Politique étrangère et de sécurité communePESD Politique européenne de sécurité et de défensePSDC Politique de sécurité et de défense commune (ancienne PESD)QG Quartier généralUA Union africaineUE Union européenneSEAD Suppression of Enemy Air DefensesSEAE Service européen pour l'action extérieureSES Stratégie européenne de sécuritéSHAPE Supreme Headquarters Allied Powers in EuropeTFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union européenneTUE Traité sur l'Union européenne

6

Table des matières

REMERCIEMENTS...............................................................................................................................................................................5

LISTE DES ABRÉVIATIONS...............................................................................................................................................................6

TABLE DES MATIÈRES.......................................................................................................................................................................7

INTRODUCTION...................................................................................................................................................................................8

TITRE I : LES THEORIES COOPERATIVES ET INTEGRATIVES EN MATIÈRE DE DEFENSE.......................................13

Chapitre 1 : Politiques coopératives et politiques intégratives : définitions conceptuelles................................14

Chapitre 2 : Un clivage conceptuel à nuancer....................................................................................................................16

TITRE II : ANALYSE FACTUELLE DE L'INTERVENTION MILITAIRE EN LIBYE.............................................................19

Chapitre 1 : La bataille diplomatique et politique............................................................................................................21 ▪ L'initiative franco-britannique, de la résolution à l'intervention...........................................................................21 ▪ L'isolement de l'Allemagne et la fragmentation du paysage européen.................................................................22 ▪ Le positionnement des États-Unis : « leading from behind »..................................................................................25 ▪ Le soutien de pays et organisations tiers......................................................................................................................26

Chapitre 2 : L'opération militaire et le choix de l'OTAN comme cadre principal d'application de la...... . résolution 1973.............................................................................................................................................................................27 ▪ Débat autour du cadre d'intervention et premières divergences entre alliés......................................................28 ▪ Les capacités structurelles et opérationnelle de l'OTAN comme élément décisif..............................................29 ▪ L'OP4, fer de lance de l'alliance....................................................................................................................................31

Chapitre 3 : Une occasion manquée pour l'Union européenne....................................................................................31 ▪ Inexistence de leadership européen et gestion en ordre dispersé..........................................................................32 ▪ Le plan EUFOR Libye : trop peu, trop tard................................................................................................................34

TITRE III : QUELS ENSEIGNEMENTS POUR L'EUROPE DE LA DÉFENSE ?.....................................................................38

Chapitre 1 : Un succès à nuancer...........................................................................................................................................39 ▪ Points positifs......................................................................................................................................................................40 ▪ Points négatifs.....................................................................................................................................................................43

Chapitre 2 : Une stratégie à réinventer.................................................................................................................................46 ▪ L'Europe puissance et la double fracture entre volonté et capacités....................................................................46 ▪ De la nécessité d'atteindre une convergence capacitaire en termes de défense................................................49 ▪ L'évolution du partenariat euro-atlantique : une interdépendance complexe....................................................51

Chapitre 3 : De l'intégration militaire en Europe : avancée, recul ou statu quo ?.................................................52

CONCLUSION.......................................................................................................................................................................................54

BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................................................................................57

ANNEXES...............................................................................................................................................................................................65

7

Introduction

8

n ces temps de crise, l'Europe se retrouve confrontée à de nombreuses remises en

question existentielles. La crise économique sans précédent que nous connaissons

aujourd'hui et les différentes interrogations sous-jacentes que celle-ci suscite nous poussent

incontestablement à réfléchir une fois de plus au fonctionnement de l'Union européenne dans son

ensemble. Il paraît désormais nécessaire de clarifier un projet commun et de définir en profondeur

un modèle qui puisse convenir à tous les Européens. Parmi ces différents questionnements, la

défense européenne et la coopération militaire euro-atlantique constituent des enjeux de taille qui

devront inévitablement être mis sur la table un jour ou l'autre. En effet, au-delà du caractère

purement militaire et technique de ce débat, c'est également d'union politique, d'intégration

économique et d'affect idéologique et identitaire dont il est question. Bien plus qu'un simple enjeu

matériel ou opérationnel, la défense pourrait par ailleurs constituer une solution partielle aux

multiples problèmes que nous connaissons aujourd'hui, qu'ils soient d'ordre financier ou politique.

Cependant, malgré l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009 et le

renforcement de certains aspects de la Politique européenne de sécurité et de défense commune

(PESD/PSDC)1, il semble y avoir encore beaucoup à faire dans le domaine de la coopération

militaire pour que celle-ci prenne une orientation davantage communautaire et réponde à un souci

d'intégration européenne plus poussée, sujet extrêmement sensible et controversé s'il en est. C'est

donc dans cette optique qu'il nous a paru pertinent et utile de nous intéresser à l'Europe de la

défense et aux multiples enjeux qui en découlent.

Tel que cela l'est souvent expliqué par les spécialistes et parfois confirmé par la tournure des

évènements, l'Europe n'avance jamais autant qu'en temps de crise et, à cet égard, il est évident que

l'implication de forces armées européennes dans un éventuel conflit aura inéluctablement des

conséquences (positives et/ou négatives) sur les perspectives d'évolution ainsi que sur la manière

d'appréhender l'Europe de la défense. Une opération militaire, quelle qu'elle soit, est souvent

porteuse de changement et peut avoir d'insaisissables répercussions sur la perception et sur les

développements futurs de la coopération militaire. C'est pourquoi nous avons décidé de nous y

intéresser au travers d'un cas concret : l'intervention militaire en Libye (mars – octobre 2011).

1 Traité de Lisbonne, Titre V : Dispositions générales relatives à l'action extérieure de l'Union et dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune, Lisbonne, 13 décembre 2007

9

▪ Question de départ et délimitation du sujet

« L'Europe de la défense est en hibernation »2, tel fut l'implacable constat de l'amiral

Édouard Guillaud3 devant l'Assemblée nationale au sortir de l'intervention militaire en Libye. Il est

vrai que cette affirmation se basait avant tout sur une tendance générale observée depuis plusieurs

années déjà et elle n'était donc pas destinée à donner un quelconque résumé du conflit libyen.

Néanmoins, force est de constater que celui-ci a fait apparaître de manière magistrale ce que

d'aucuns qualifient de « défaillance dans l'organisation de l'Europe »4 en ce qui concerne sa capacité

à intervenir militairement hors de ses frontières. Actuellement, la défense européenne semble donc

figée dans une sorte de léthargie due, notamment, à une conjonction de différents facteurs

politiques, économiques et idéologiques.

Par conséquent, comme l'histoire nous l'a appris à maintes reprises, les guerres et les conflits

ont toujours été un excellent laboratoire pour étudier les différents rapports de force qu'entretiennent

les puissances entre elles. Chaque intervention militaire, quelle qu'en ait été l'issue, a toujours été

l'opportunité de mettre en exergue les forces et les faiblesses des armées et des structures de défense

et, le cas échéant, d'y remédier par l'amélioration de leur fonctionnement à la lumière de

l'expérience acquise. Outre l'aspect militaire, une intervention menée à l'échelle internationale influe

également inévitablement sur les relations diplomatiques entre les États et les organisations

internationales et modifie en profondeur les lignes politiques et les positions diplomatiques des

différents acteurs.

Le cas libyen, malgré un succès militaire reconnu, est à cet égard extrêmement illustratif de

l'impasse dans laquelle semble aujourd'hui se trouver l'Europe de la défense. Cette dernière n'y

ayant pour ainsi dire jouer aucun rôle majeur, il est indispensable d'analyser ce conflit intensément

riche en enseignements si nous voulons en tirer des conclusions utiles et des pistes de réflexion

pertinentes pour l'avenir de la coopération militaire et de l'intégration de la défense européenne. De

par sa récence et son intensité, l'intervention militaire en Libye constitue donc à nos yeux un

éminent cas d'école qui mérite toute notre attention. Ainsi, notre question de départ pourrait se

résumer de cette façon :

Au regard de la tournure des évènements et de la gestion de ceux-ci par l'Union

européenne, quels enseignements politiques, diplomatiques et militaires pouvons-

nous tirer de la crise libyenne pour l'évolution de l'Europe de la défense ?2 Amiral Édouard Guillaud, Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Audition de l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 (n°3775), Compte rendu n°2, Paris, 5 octobre 2011, p. 133 Chef d'état-major des armées et commandant en chef des forces françaises lors de l'opération Harmattan en Libye.4 Assemblée nationale, op. cit., Daniel Mach, p. 16

10

Loin de nous l'idée de donner à ce mémoire pour objectif d'imposer un constat péremptoire

au terme de nos recherches, c'est davantage dans le sens d'un approfondissement du débat et du

développement de diverses pistes de réflexion que nous voulons inscrire ce travail. En portant un

regard critique sur la gestion européenne de cette intervention, nous espérons néanmoins que ce

travail puisse dans une certaine mesure faire avancer le débat sur la défense européenne et

contribuer ainsi à la réflexion de fond sur le projet européen.

Cependant, il convient à ce stade de signaler que ce mémoire n'a pas pour but de rentrer dans

les détails historiques qui ont mené à l'insurrection libyenne ou, de manière plus générale, aux

printemps arabes. Notre objectif n'étant en aucune façon de donner une quelconque explication sur

la nature de ces évènements ou de leur genèse, nous tenons également à signaler notre totale

neutralité concernant le bien-fondé (ou non) des révolutions armées, et donc notamment de la lutte

du peuple libyen contre le régime de Mouammar Kadhafi. Tout d'abord parce que cela constituerait

un manque d'objectivité flagrant de notre part et, ensuite, parce que là n'est pas du tout l'objectif du

mémoire. C'est pourquoi nous allons nous concentrer sur une approche pragmatique du conflit

libyen et aborder celui-ci dans une logique d'analyse du comportement de l'Union européenne, de

ses États membres, de l'OTAN et de tout État tiers ayant été impliqué dans l'intervention militaire

internationale, mais sans entrer dans des considérations d'ordre philosophique ou idéologique.

Par ailleurs, notre réflexion va essentiellement s'articuler autour de la gestion européenne de

cette intervention. L'Europe constitue le point de départ et le point d'arrivée de notre analyse, elle

est l'élément central de notre réflexion. Néanmoins, comme nous le verrons par la suite, nous allons

très rapidement devoir dépasser le cadre européen pour pouvoir saisir toute la complexité de la

problématique et comprendre les tenants et les aboutissants du cas qui nous intéresse. Rester

aveuglément centré sur l'Union européenne nous empêcherait de réellement comprendre la

dynamique et d'avoir le discernement nécessaire à la compréhension de l'intervention militaire en

Libye. C'est donc dans une perspective étendue que nous allons analyser la gestion européenne du

conflit, celle-ci devant être comprise autant (voire davantage) comme « gestion par les États

européens » que comme « gestion par l'Union européenne » à proprement parler. C'est en effet à

partir de l'Europe au sens large (c'est-à-dire également en dehors de l'UE et de ses institutions) que

se sont jouées les principales initiatives visant à intervenir militairement dans la crise libyenne par

l'intermédiaire d'organisations internationales (principalement OTAN et ONU). C'est donc dans

cette optique qu'il convient de comprendre notre conception de « gestion européenne » au fil de ce

travail.

11

▪ Méthodologie employée et plan général

Pour réaliser notre recherche, nous nous sommes basé sur de nombreuses sources :

documents et comptes rendus officiels, ouvrages et analyses scientifiques, conférences, rapports,

articles de presse, blogs... Au vu de la courte période qui a séparé la réalisation de ce travail des

évènements en Libye, les analyses et autres articles scientifiques ont souvent été écrits « à chaud »,

ce qui a constitué une difficulté supplémentaire dans le traitement de ces sources. Par ailleurs, les

articles émanant de la presse écrite ou de blogs personnels n'ont pas été traités dans une optique de

document à valeur scientifique, mais ont été utilisés en vue d'alimenter le raisonnement et de

permettre d'avoir une vision aussi large que possible quant à l'analyse du conflit. Par ailleurs, le plan

général de notre réflexion s'articule en trois points :

▶ Premièrement, dans une courte partie théorique, nous tenterons de cerner et de nuancer

les réalités conceptuelles de « coopération » et d' « intégration » en ce qui concerne les politiques et

organisations de défense liées à l'Union européenne, à savoir la PSDC et l'OTAN. Cette partie a

pour but de fournir une clé d'analyse dans l'étude de la gestion européenne du cas libyen.

▶ Ensuite, à travers une analyse factuelle de l'intervention militaire en Libye, nous allons

retracer le déroulement des évènements, des prémices diplomatiques jusqu'à la fin officielle de

l'opération militaire, tout en y adjoignant un examen plus poussé des tenants et aboutissants du

conflit et du rôle des différents acteurs. L'objectif est ici de fournir une vision claire et aussi

complète que possible du contexte dans lequel se sont inscrits ces évènements, tout en veillant à

dépasser la simple narration des faits.

▶ Enfin, nous consacrerons la dernière partie de ce mémoire à mettre en lumière les

conséquences de cette intervention pour la défense européenne et atlantique, ainsi que les différents

enseignements que nous pouvons en tirer. Le but recherché dans cette dernière partie est aussi de

proposer plusieurs pistes de réflexion quant aux perspectives d'évolution de l'Europe de la défense.

En conciliant, selon une approche euro-centrée, une analyse très factuelle de l'intervention

militaire en Libye et les différentes implications que celle-ci a pu avoir sur la coopération militaire

en Europe, nous espérons franchir un pas supplémentaire dans l'étude du conflit libyen et ainsi

essayer d'apporter, en toute humilité, notre pierre à l'édifice. Dans le souci d'éviter les pièges d'une

quelconque tentative de prospective, l'objectif de ce travail est de susciter la réflexion chez le

lecteur et de lui donner certaines clés nécessaires à une compréhension approfondie de la gestion

européenne du cas libyen et, par conséquent, d'encourager la connaissance et le débat relatif aux

diverses perspectives d'évolution possibles pour l'Europe de la défense.

12

Titre I

Les théories coopératives et intégratives en matière de défense

13

vant de rentrer dans le vif du sujet, nous aimerions clarifier deux concepts

.incontournables lorsqu'il s'agit de traiter de relations internationales, à savoir les

systèmes de « coopération » et d' « intégration ». Ces deux concepts renvoient à des réalités très

différentes dans l'approche des relations que peuvent entretenir différents États à l'échelle

internationale et c'est dans cette optique qu'ils revêtent toute leur importance dans l'étude et dans la

compréhension du conflit libyen. Le débat entre « coopération » et « intégration » est en effet

intrinsèquement lié au débat relatif à la défense européenne et atlantique et il convient donc de

rappeler les champs que ces deux modèles recouvrent si nous voulons aborder cette thématique avec

les bons outils.

● Chapitre 1 : Politiques coopératives et politiques intégratives : définitions

conceptuelles

Si nous essayons de comprendre les objectifs des organisations internationales et la manière

dont elles fonctionnent, il est nécessaire d'opérer une distinction entre les politiques coopératives et

les politiques intégratives et de voir à quoi celles-ci se rattachent. De nombreux éléments diffèrent

d'une méthode à l'autre et donc, en théorie, cette distinction semble claire.

Le système de coopération fonctionne sur le modèle intergouvernemental5. L'objectif est de

promouvoir la collaboration et les interactions entre deux ou plusieurs États dans des domaines qui

les concernent et qui nécessitent une action concertée et coordonnée, sans pour autant qu'il y ait une

perte de souveraineté dans le chef de l'un des États partenaires. En effet, chaque gouvernement reste

théoriquement libre d'encourager ou de mettre fin à la relation de coopération dès qu'il le désire. Par

ailleurs, cette relation repose généralement sur l'établissement d'un traité et parfois sur la création

d'institutions internationales qui ne sont pas indépendantes et ne peuvent agir sans l'accord et le

soutien des États à l'origine de leur création6. Les décisions prises par ces institutions, lorsqu'elles

existent, ne sont par ailleurs pas contraignantes et le degré d'implication de l'État dans ce système de

coopération peut varier en fonction de l'évolution de ses intérêts stratégiques, de ses moyens

techniques ou, simplement, de ses orientations politiques. Au sein des ces systèmes de coopération,

les décisions se prennent d'ailleurs à l'unanimité et il est nécessaire d'obtenir l'adhésion des États

pour adopter telle ou telle mesure. À l'heure actuelle et depuis la fin de la seconde guerre mondiale

et l'accroissement des politiques coopératives, la méthode intergouvernementale prédomine

5 Jan Orbie, Theorie van de Europese integratie, Ideeën, belangen en instelligen, Acco, Leuven, 2009, p. 55-606 Mario Teló, Relations internationales. Une perspective européenne, IEE, ULB, Bruxelles, 2010

14

largement dans les relations entre les États. Elle peut prendre la forme d'accords de coopération

bilatéraux (MLAT, Defence trade cooperation treaty, ALE,...) ou multilatéraux (Benelux, Asean,

ONU,...). Face à une certaine pacification du monde et au renforcement de l'interdépendance entre

les États, des accords de coopération se développent dans la plupart des domaines aussi bien entre

les États qu'entre ceux-ci et les organisations internationales.

En ce qui concerne le modèle d'intégration, celui-ci revêt une dimension extrêmement plus

poussée que celui de coopération. L'intégration pourrait en effet être considérée comme une

« coopération à l'extrême ». Le principe d'intégration entend une perte de souveraineté limitée de la

part des États au profit d'institutions supranationales, reposant généralement sur une base régionale7.

Contrairement au modèle de coopération, les institutions ont ici un vrai rôle à jouer en dépassant

une simple mission bureaucratique et administrative. Ces institutions peuvent elles-mêmes prendre

des initiatives dans les limites des compétences qui leur sont attribuées par les États. Elles

bénéficient donc à ce titre d'une certaine liberté d'action. Le principe d'intégration repose également

sur un processus de décision à la majorité des voix (et donc généralement sans possibilité de veto de

la part d'un gouvernement). Ainsi, les politiques intégratives et les décisions qui en découlent sont

en théorie contraignantes et lient les États qui ont ratifié le traité8. À ce jour, il n'existe pourtant

aucune organisation internationale totalement intégrée. En simplifiant à l'extrême, nous pouvons

tenter de classifier les caractéristiques de ces deux modèles de cette manière :

Coopération Intégration

Processus intergouvernemental

Approche internationale

Les États conservent leur souveraineté

Nécessité d'atteindre un consensus pour la prise de décision (veto possible)

Une politique coopérative conduit à des décisions facultatives (les États peuvent suivre

ces décisions)

Les États partenaires peuvent mettre fin à l'accord de coopération ou quitter l'organisation à tout moment. Ils restent libres de stopper la

coopération avec leurs partenaires dès qu'ils le souhaitent.

Processus supranational

Approche régionale (communautaire)

Les institutions supranationales possèdent une part des souverainetés nationales

Possibilité de se contenter d'une majorité pour la prise de décision

Un politique intégrative conduit à des décisions obligatoires (les États doivent suivre ces

décisions)

Les États ayant pris part à un processus d'intégration ne peuvent quitter ou abandonner l'organisation ou mettre fin au traité quand ils le souhaitent, bien qu'ils soient en théorie toujours

libres de le dénoncer.

7 Mario Teló, op. cit.8 Jan Orbie, Theorie van de Europese integratie, Ideeën, belangen en instelligen, Acco, Leuven, 2009, p. 16-22

15

Néanmoins, ce tableau simplifié poursuit un objectif didactique et purement théorique, le but

étant ici de donner les clés de base à l'analyse du débat sur la coopération/intégration militaire en

Europe. Nous allons maintenant voir que, derrière les définitions conceptuelles de ces deux

modèles, la réalité nécessite d'être davantage nuancée et implique de nombreuses autres perceptions

dans la compréhension des différents modèles de coopération.

● Chapitre 2 : Un clivage conceptuel à nuancer

Il semble difficile de pouvoir classer les organisations internationales dans l'une ou l'autre

catégorie car force est de constater que la frontière entre coopération et intégration est extrêmement

ténue et sujette à controverse. Même si, à première vue, de nombreuses organisations répondent à la

définition du modèle de coopération, nous pouvons nous rendre compte que certains éléments se

rapprochent d'une conception plus intégrative. Si nous prenons le cas de l'Union européenne, objet

central de notre réflexion dans notre étude du conflit libyen, il apparaît que celle-ci répond à un

modèle hybride, tantôt communautaire pour ce qui est de certaines compétences économiques et

monétaires, tantôt intergouvernemental pour les compétences militaires ou de politique étrangère.

En effet, l'Union européenne est un modèle sui generis qui ne se base exclusivement sur

aucun de ces deux types de coopération9. La Politique étrangère et de sécurité commune de l'Union

européenne (PESC), et donc sa Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) relèvent toutes

deux du pilier intergouvernemental de l'Union10. La défense européenne ne relève pas encore d'une

défense intégrée et d'une approche communautaire de la question11. Cette dualité propre à l'Union

européenne pose constamment le débat de savoir quelles matières doivent ou non relever des

institutions européennes communautaires (Commission et Parlement en tête) et celles qui doivent

rester du ressort des organes intergouvernementaux de l'Union (à savoir, le Conseil européen et le

Conseil des ministres). Jusqu'à présent, le domaine de la sécurité et de la défense relève

principalement de la compétence des États et de leurs gouvernements. En dehors de l'évidente

différence politique que cette situation engendre pour la prise de décision et la conduite d'opérations

militaires à l'échelle européenne, cette conception intergouvernementale de la PSDC est également

l'une des raisons pour lesquelles l'Union ne dispose actuellement d'aucune capacité militaire propre.

Les moyens militaires de la PSDC reposent en effet essentiellement sur les ressources individuelles

des États et dépendent donc de leur bonne volonté selon une approche de coopération

intergouvernementale et non d'intégration communautaire. Comme nous allons le voir au fil de ce 9 Jan Orbie, op. cit., p. 710 Avant le Traité de Lisbonne, le 2ème pilier de l'UE faisait référence à la coopération intergouvernementale dans le cadre des matières liées à la PESC, alors que le 1er pilier touchait aux matières purement communautaires.11 Jan Orbie, External Policies of the European Union, Ghent University, 2010

16

travail, la nature intergouvernementale de la PESC et de la PSDC constitue à la fois une cause et

une conséquence pouvant expliquer l'incapacité de l'Union à s'accorder diplomatiquement et à

intervenir militairement dans la résolution d'un conflit armé. La décision de mobiliser ou non la

PSDC revient entièrement au Conseil européen et au Conseil sur base du consensus12, et par

conséquent aux gouvernements nationaux.

Notons cependant que depuis le Traité de Lisbonne, il est possible pour les États membres

qui le désirent de procéder à une coopération renforcée13 dans le domaine de la Politique étrangère

et de sécurité commune, mais celle-ci est soumise une fois de plus à l'approbation du Conseil

statuant à l'unanimité. Cette coopération renforcée relève de la « Coopération structurée

permanente » (CSP) qui permet aux États membres de s'engager de manière davantage

contraignante dans des missions relevant de la sécurité et de la défense14. Bien qu'ouverte à tous les

États membres, cette coopération renforcée impose deux critères de participation d'ordre industriel

et opérationnel. De plus, le processus de décision relève des deux méthodes : unanimité pour les

prises de décision internes et majorité qualifiée concernant l'adhésion ou l'exclusion d'États

membres au sein de la structure. La CSP implique donc un engagement plus important et plus

contraignant de la part des États membres, et répond ainsi à une définition davantage

intégrationniste de la défense15. D'autres formes de coopération militaire au sein de l'Union

européenne sont également autorisées par le Traité de Lisbonne, mais celles-ci sont moins

contraignantes (mission particulière confiée à un groupe d'États, projets industriels liés à l'Agence

européenne de défense, participation volontaire aux missions de la PSDC,...).

En ce qui concerne l'OTAN, le modèle de coopération se doit également d'être nuancé. Au

niveau institutionnel, les décisions politiques sont prises à l'unanimité par le Conseil de l'Atlantique

Nord (composé des représentants permanents des États) et le centre de gravité se situe donc ici aussi

au niveau national. Cependant, dans la pratique, on observe que le poids des principales puissances

de l'OTAN est tel que le jeu de la coopération intergouvernementale peut être faussé par les

déséquilibres existant entre les États, notamment en ce qui concerne leur contribution financière.

Ainsi, les États-Unis prennent aujourd'hui en charge 77% des dépenses opérationnelles de

l'OTAN16, ce qui leur donne de facto un poids plus important dans le processus de décision et qui

12 Traité de Lisbonne, Titre V : Dispositions générales relatives à l'action extérieure de l'Union et dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune, Lisbonne, 13 décembre 2007, article 24 TUE13 Traité de Lisbonne, article 20 TUE.14 Traité de Lisbonne, articles 42 §6 et 46 TUE ainsi que Protocole n°1015 Nicolas Gros-Verheyde, Traité de Lisbonne : la Coopération structurée permanente (CSP) expliquée, Bruxelles2, 22 novembre 200916 Paul Ames, What next for Europe after Libya ? - Success in Libya fails to hide limitations of EU defence policy, Europolitics. Security and Defence. Supplement to n° 4299, 7 novembre 2011

17

peut également remettre en cause la théorie de la coopération telle que définie au début de ce

chapitre. Le principe de base de la coopération selon lequel « 1 État = 1 voix », bien que reconnu en

théorie, n'est par conséquent pas toujours respecté dans la pratique. Notons aussi qu'une clause de la

charte de l'OTAN impose aux États membres de l'Alliance de porter assistance à tout autre État

membre qui serait victime d'une agression extérieure17. Cette clause obligatoire d'assistance

mutuelle apparaît également dans le Traité de Lisbonne18. Le caractère obligatoire de cette clause

infirme donc certains aspects du modèle théorique de coopération. Enfin, il convient de souligner

qu'à l'instar de la PSDC, l'OTAN se veut aussi porteur des valeurs occidentales (démocratie, bien-

être, paix, liberté, respect du droit...)19 ce qui peut être vu comme un certain dépassement de la

définition d'une coopération militaire purement technique et pragmatique.

Enfin, relevons l'existence de l'accord bilatéral franco-britannique (Accords de Lancaster

House de 2010). Celui-ci a pour objectif le renforcement de la coopération franco-britannique dans

le domaine de la sécurité et de la défense. Il va de soi que cette coopération bilatérale fonctionne

intégralement sur le modèle intergouvernemental pour ce qui est de la prise de décision. Comme

nous le verrons, cet accord bilatéral a également joué un rôle lors du conflit libyen.

Dans le cadre de la coopération militaire, il apparaît que les politiques intégratives ne

rencontrent que peu de succès. La raison principale tient à la perte de souveraineté qu'impliquerait

une intégration militaire, alors que le domaine de la défense constitue une compétence régalienne de

tout État, et donc un sujet particulièrement sensible. Jusqu'à présent, nous pouvons observer que les

coopérations militaires existantes se sont montrées extrêmement prudentes sur ce sujet et que,

même si dans certains cas l'objectif à long terme pourrait être la mise sur pied d'une défense

intégrée (projet de certains pays européens pour la PSDC), cette ambition est rarement défendue au

grand jour car elle pourrait susciter la crainte de certains États d'être confrontés à une perte

d'autonomie dans leurs moyens d'action militaires. Ces trois exemples nous montrent qu'il faut

toujours rester vigilant dans l'utilisation des concepts de « coopération » et d' « intégration », même

s'ils constituent une clé d'analyse utile pour la compréhension des relations qu'entretiennent les

États et les organisations internationales. Dans le cas de l'analyse du conflit libyen, il nous semble

néanmoins important de garder en mémoire ces deux concepts de base car ils permettent de mieux

comprendre l'agencement des rapports de force en présence ainsi que la tournure des évènements

tout au long de la crise. C'est aussi à partir de ces deux concepts théoriques qu'il convient de

construire notre réflexion à propos des perspectives d'évolution de l'Europe de la défense.

17 Traité de l’Atlantique Nord, Washington, 4 avril 1949, article 518 Traité de Lisbonne, article 42 §7 TUE19 Préambule de la Charte de l'OTAN (Traité de l’Atlantique Nord, Washington, 4 avril 1949)

18

Titre II

Analyse factuelle de l'intervention militaire en Libye

19

ans cette seconde partie, nous allons nous intéresser à l'intervention militaire en Libye

proprement dite. L'objectif va être de décrire mais également d'analyser le

déroulement des évènements et de donner au lecteur une compréhension des faits aussi étendue que

possible dans les limites permises par ce travail. Pour ce faire, nous avons décidé de restreindre

notre analyse à une échelle de temps s'étalant des premières mobilisations probantes d'acteurs

nationaux et internationaux vis-à-vis de la crise libyenne (février-mars 2011) jusqu'à la fin officielle

de l'opération militaire de l'OTAN (31 octobre 2011)20. Il nous arrivera néanmoins de sortir de

temps à autre de ce cadre temporel, mais sans pour autant y adjoindre une étude systématique des

faits.

Dans le souci de rendre cette analyse aussi intelligible que possible, nous avons décidé de

diviser cette partie en trois chapitres. Le premier chapitre va concerner ce que nous qualifions de

« bataille diplomatique et politique », initiée par le tandem franco-britannique et ayant pour objectif

de mobiliser la communauté internationale en faveur d'une intervention militaire en Libye. C'est

également dans ce chapitre que nous analyserons la position des différents acteurs concernés.

Ensuite, le deuxième chapitre va porter sur le débat concernant le choix du cadre d'application de la

résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU (préconisant une zone d'exclusion aérienne) et sur

les raisons qui ont été déterminantes dans ce choix, ainsi que les acteurs ayant réellement pris part à

cette opération militaire (le groupe de l'OP4). Enfin, dans le troisième chapitre, nous nous

intéresserons à l'Union européenne, à son manque de réactivité durant la crise libyenne et au plan

prévu par le Conseil mais qui ne sera finalement jamais déclenché (le plan EUFOR Libye).

Nous tenons également à signaler que cette deuxième partie ne se résumera pas à une

énumération des faits mais s'accompagnera d'une analyse plus poussée de ceux-ci au regard des

intérêts géo-stratégiques, politiques, diplomatiques, militaires ou financiers des différentes forces en

présence. L'objectif est également de mettre en lumière les capacités des organisations

internationales ou régionales à s'imposer dans la résolution d'un conflit concernant la communauté

internationale et, plus globalement, les interactions entre ces mêmes organisations et les États

impliqués dans le processus politique et diplomatique.

20 Cf. Annexe 1 – Dates importantes dans la résolution du conflit libyen.

20

● Chapitre 1 : La bataille diplomatique et politique

Le cas libyen a ceci de remarquable qu'il ne se limite justement pas à la Libye. En effet, de

nombreux acteurs ont eu un rôle à jouer sur la scène diplomatique et politique bien avant que ne soit

décidée une intervention militaire et ont fait leur apparition dans le débat qui a mené à cette

intervention. Le conflit libyen a en réalité suscité l'attention, à différents degrés, de la plupart des

puissances de la planète et a conduit à une mobilisation plus ou moins grande d'une partie d'entre

elles. C'est ce que nous allons analyser ici.

▪ L'initiative franco-britannique, de la résolution à l'intervention

Au début du mois de mars 2011, suite à la répression sanglante des opposants libyens et en

prévision du massacre annoncé par le régime de Mouammar Kadhafi, la France, par la voix de son

président Nicolas Sarkozy, est l'un des premiers États à saisir toute l'étendue de ce qui se passe en

Libye et à se rendre compte que la résolution 1970 du Conseil de sécurité des Nations Unies21 ne

sera pas suffisante pour mettre fin au conflit et faire cesser les hostilités à l'encontre des populations

civiles. Dès le 10 mars 2011, la France, anticipant avec clairvoyance le manque de volonté au

niveau européen et l'urgence de la situation, prend ses partenaires européens de court en

reconnaissant le Conseil national de transition (CNT) comme seul interlocuteur valable et légitime

pour la Libye. Le 11 mars 2011, le président français, soutenu par le Royaume-Uni, demande à ce

que l'Union européenne soutienne la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus du

territoire libyen, mais confrontée au refus allemand, la France se retrouve isolée. Le président

français Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, soutenus par le

Royaume-Uni et le Liban, vont alors s'engager dans une réelle bataille diplomatique pour l'adoption

d'une résolution au Conseil de sécurité des Nations Unies au nom de la « responsabilité de

protéger »22 . Les motivations du tandem franco-britannique tiennent alors de la volonté de ne pas

répéter les mêmes erreurs que lors des précédentes révolutions arabes, devant lesquelles l'Union

européenne ainsi que la plupart des pays européens ont réagi trop lentement et sont restés muets

face à l'imminence des évènements23. Notons aussi l'intérêt que représentait une telle opportunité

pour redorer l'image du président français, figure de proue de l'initiative politique, et ainsi le faire

remonter dans les sondages via un « coup d'éclat » à peu de temps des élections24.

21 Adoptée le 26 février 2011, la Résolution 1970 prévoyait la mise en place d'un embargo sur les armes et les munitions à destination de la Libye, ainsi que le gel des avoirs du régime (opération « Unified Protector »)22 Olivier Kempf, OTAN et Libye, Études Géopolitiques Européennes et Atlantiques, octobre 201123 Gareth Chappeli, Impact of the Libyan Crisis on the UK-France Defence Programme, PISM, avril 201124 Ibid.

21

Le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte la résolution 1973 avec

dix votes positifs (Afrique du Sud, Bosnie-Herzégovine, Colombie, États-Unis, France, Gabon,

Liban, Nigeria, Portugal et Royaume-Uni) et cinq abstentions (Allemagne, Brésil, Chine, Inde et

Russie). Cette résolution « Autorise les États Membres [...] à prendre toutes mesures nécessaires

[...] pour protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaque en Jamahiriya arabe

libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d'une force d'occupation étrangère

sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen... »25. Comme nous

allons le voir, l'abstention de l'Allemagne lors de ce vote et son alignement sur les pays du BRIC

vont avoir de nombreuses conséquences sur la suite des évènements.

La résolution 1973 sera très vite suivie par le « Sommet de Paris » (19 mars 2011), celui-ci

ayant pour objectif d'exprimer le soutien de la communauté internationale au peuple libyen et

d'organiser le début de l'opération militaire. Le 29 mars 2011 se tiendra également la « Conférence

de Londres », initiée par la France et le Royaume-Uni. Réunissant les ministres des Affaires

étrangères et les dirigeants des Nations unies, de l'Union européenne, de l'OTAN, de la Ligue arabe

et de l'Organisation de la Coopération islamique (OCI), celle-ci avait pour but de mettre en place un

« Groupe de contact » qui aurait pour mission d'assurer la gouvernance politique de l'intervention

militaire en Libye et donc de la mise en œuvre des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité

de l'ONU.

▪ L'isolement de l'Allemagne et la fragmentation du paysage européen

L'Allemagne, en tant que première puissance économique d'Europe, a eu un impact non-

négligeable sur le positionnement des autres États européens vis-à-vis d'une intervention militaire.

Bien qu'elle ait dit soutenir le peuple libyen et ses aspirations à la démocratie, ainsi que l'urgence de

voir Mouammar Kadhafi se décharger du pouvoir, l'abstention allemande lors du vote de la

résolution 1973 a suscité une vive polémique et a créé un certain malaise en Europe. Plusieurs

raisons26 peuvent expliquer le manque d'enthousiasme de l'Allemagne vis-à-vis de l'éventualité

d'une intervention militaire en Libye.

Tout d'abord, il s'agit d'une question de principes : pour les raisons historiques que l'on

connaît, l'Allemagne a éprouvé depuis plusieurs années une certaine retenue en ce qui concerne les

opérations militaires et une réticence à l'ingérence dans les affaires intérieures d'États tiers.

25 Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 1973, 17 mars 201126 Conférence de l'ambassadeur allemand Schäfers, La politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne et des attentes allemandes quant à son évolution, ainsi qu'en ce qui concerne la position de l'Allemagne face à la crise libyenne, Rennes, 23 novembre 2011.

22

Par ailleurs, et pour ces mêmes raisons, l'opinion publique allemande soutient depuis la fin

de la deuxième guerre mondiale une politique pacifiste et non-interventionniste sur la scène

internationale. Dans les jours qui ont précédé le vote de la résolution à l'ONU, la population

allemande ne se sentait guère concernée par les évènements en Libye et environ 70% de l'opinion

publique allemande se déclarait opposée à une intervention militaire, craignant un risque de

victimes civiles lors des bombardements alliés27. Face à l'urgence de la situation et à l'impossibilité

de modifier en si peu de temps le très faible soutien de sa population à toute ingérence dans le

conflit libyen, le gouvernement allemand a été contraint de jouer la carte de l'abstention, considérée

comme un moindre mal.

Notons également qu'une décision unilatérale du gouvernement de se positionner en faveur

de l'intervention, et allant de ce fait à l'encontre de l'opinion publique allemande, aurait eu des

conséquences néfastes pour la coalition gouvernementale et les élections à venir. Le gouvernement

allemand n'a donc pas pu atteindre de consensus interne28, tiraillé entre le parti de la chancelière

Angela Merkel (CDU) et celui de Guido Westerwelle (FDP), par ailleurs vice-chancelier et ministre

fédéral des Affaires étrangères, qui défendait une position non-interventionniste calquée sur

l'opinion publique allemande.

Ensuite, la neutralité allemande vis-à-vis du cas libyen s'explique également par le caractère

pratique de l'éventualité d'une intervention militaire. L'Allemagne éprouvait à ce propos de sérieux

doutes quant au bien-fondé d'une opération militaire et à ses chances d'aboutir à un apaisement du

conflit uniquement par le biais de frappes aériennes et d'exclusion de survol du territoire. Le

gouvernement allemand craignait particulièrement qu'une intervention militaire au sol devienne

inévitable pour mettre définitivement un terme au conflit et que celle-ci mène à un enlisement

militaire inextricable semblable à la situation en Afghanistan. Il pointait à cet égard l'inexistence

d'une « exit strategy »29 et l'impossibilité d'un désengagement immédiat au cas où la situation ne se

règlerait pas assez rapidement, crainte résumée à merveille par la chancelière Angela Merkel : « We

must be very careful not to start something we can't finish »30. En effet, à l'époque, la situation sur

le terrain était incertaine et rien ne laissait présager des possibilités de victoire pour les insurgés31.

27 Daniel Göler et Mathias Jopp, L'Allemagne, la Libye et l'Union européenne, CAIRN, Politique étrangère, février 201128 Sarah Saublet, L'intervention militaire en Libye : le Canada, l'Union européenne et l'OTAN, entre révolution populaire et guerre « humanitaire », Université de Montréal, octobre 201129 Conférence de l'ambassadeur allemand Schäfers, op. cit.30 Doug Bandow, Libya's Lesson for Europe, The American spectator, 16 mars 201131 Marco Overhaus, NATO's Operation in Libya. Not a Model for Military Interventions, German Institute for International and Security Affairs, novembre 2011

23

Par ailleurs, il faut également souligner la différence institutionnelle existant entre la France

et l'Allemagne : l'action gouvernementale de cette dernière est fortement soumise et conditionnée

par le pouvoir législatif (contrôle parlementaire permanent), incarné par le Bundeswehr et le

Bundestag32, ceux-ci pouvant limiter à leur guise les opérations militaires allemandes dans le temps

et dans l'espace. Le gouvernement allemand a en effet besoin d'un mandat détaillé du Bundestag

avant chaque déploiement de l'armée allemande, ce qui lui vaut même le qualificatif d' « armée

parlementaire »33. Le président français dispose à ce propos d'une plus grande liberté et d'une

flexibilité accrue dans sa conduite de la politique étrangère.

Enfin, bien que cela ne constitue probablement pas l'une des raisons principales de

l'opposition allemande, le fait que la chancelière Angela Merkel ait été fortement irritée par

l'activisme et le manque de concertation dont a fait preuve Nicolas Sarkozy, impénitent « cavalier

seul »34, n'a pas favorisé l'adhésion de l'Allemagne à une intervention militaire en Libye et a donné

au reste de l'Europe une impression de division au sein du couple franco-allemand.

La position ambigüe de l'Allemagne, entre soutien affirmé au peuple libyen, abstention lors

du vote de la résolution 1973 et refus de participer à l'intervention militaire, va donc conduire

inéluctablement à une fragmentation du paysage européen35. L'Allemagne, coincée « entre exigence

internationale et rejet national »36, n'aura pas d'autre choix que de s'abstenir. Sans le triangle « Paris-

Londres-Berlin », la tâche ardue et pourtant nécessaire d'obtenir une adhésion massive des États

membres de l'Union européenne va s'avérer totalement irréalisable37. Nombre d'entre eux, comme la

Pologne38, choisiront alors de suivre la position allemande en excluant toute participation à une

intervention militaire en Libye et en s'alignant sur sa décision de neutralité.

En définitive, seuls dix-neuf pays déclareront vouloir participer à l'opération, à savoir :

France, Royaume-Uni, Canada, Norvège, Danemark, Belgique, Espagne, Grèce, États-Unis,

Pologne, Roumanie, Bulgarie, Pays-bas, Italie, Qatar, Turquie, Émirats arabes unis, Jordanie et

Suède, soit seulement douze États membres de l'Union européenne. Notons cependant que certains

États membres soutiendront l'intervention sans y prendre directement part (notamment le Portugal).

Parmi les États membres de l'Union européenne ayant soutenu l'intervention, une importante 32 Conférence de l'ambassadeur allemand Schäfers, op. cit.33 Daniel Göler et Mathias Jopp, op. cit.34 Daniel Vernet, La crise libyenne a détruit la diplomatie européenne, Slate, 19 mars 201135 Ulrich Speck, Pacifism unbound : Why Germany limits EU hard power. Policy Brief (FRIDE), mai 201136 Daniel Göler et Mathias Jopp, op. cit.37 Alain Frachon, L'Europe de la défense, morte et enterrée en Libye, Le Monde, 31 mars 201138 Olivier Kempf, OTAN et Libye, Études Géopolitiques Européennes et Atlantiques, octobre 2011

24

majorité d'entre eux représentent par ailleurs l'Europe occidentale. Cela s'explique notamment par la

crainte des pays de l'Europe de l'Est de voir les aides européennes détournées vers les pays arabes,

au détriment de leur propre bénéfice39. Ainsi, face à ces nombreuses divergences et sans consensus

européen, l'Union européenne, divisée et impuissante une fois de plus, va donc être victime d'une

paralysie généralisée et se contentera alors d'émettre diverses déclarations de soutien au peuple

libyen sans réelle portée ou de se réorienter, comme nous le verrons par la suite, vers une action

humanitaire. Dans l'arène politique internationale, la France aura donc tenu le rôle principal, tel un

capitaine dans la tempête et se sera imposée en tant que « moteur politique » de la coalition40, au

grand dam de l'Union.

▪ Le positionnement des États-Unis : « leading from behind »

Le positionnement des États-Unis vis-à-vis du débat autour d'une intervention militaire en

Libye est également remarquable en ce sens que, pour la première fois et depuis de nombreuses

années, ceux-ci ont laissé la main aux Européens quant à l'initiative politique et diplomatique,

reclassant de ce fait leur leadership en seconde position. Comme l'explique Paul Ames : « For the

first time, the United States was taking a supporting role in what would soon become a NATO-led

operation, leaving Europeans to take the lead. »41. Bien que favorables à une intervention militaire

et fortement présents lors du lancement de l'opération « Unified Protector », les États-Unis ont tenu

une ligne volontairement attentiste, laissant le tandem franco-britannique mener le bal. Une

stratégie que Joseph Maïla, directeur de la prospective du ministère français des Affaires étrangères

et européennes, qualifie de « leading from behind »42. Au sens où l'on entend cette doctrine politico-

stratégique aux États-Unis, celle-ci se traduit par un « effacement progressif » de l'intérêt américain

vis-à-vis de l'Europe43. Les États-Unis, déjà impliqués massivement dans deux conflits majeurs

(Afghanistan et Irak) dont ils peinent à gérer la sortie, souhaitent désormais concentrer leur

attention et leurs efforts sur le golfe Persique44 pour éviter un « overstretching » (sur-étirement) de

leurs capacités militaires45. Cela s'inscrit dans leur volonté de se désengager peu à peu d'Europe et

de voir les Européens assurer leur propre défense et prendre leur part de responsabilité dans la

sécurisation du monde.

39 Alain Frachon, op. cit.40 Amiral Édouard Guillaud, op. cit., p. 441 Paul Ames, What next for Europe after Libya ? - Success in Libya fails to hide limitations of EU defence policy, Europolitics. Security and Defence. Supplement to n° 4299, 7 novembre 201142 Sénat, Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la révision du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : Quelles évolutions du contexte stratégique depuis 2008 ?, n° 207, Paris, 16 décembre 2011, p. 9043 Isabelle Laserre, Guerre en Libye : l'Europe passe l'épreuve du feu, Presseurop, 24 août 201144 Alain Frachon, op. cit.45 Olivier Kempf, Troisièmes leçons, Études Géopolitiques Européennes et Atlantiques, septembre 2011

25

Cependant, il convient de préciser que l'administration Obama a énormément hésité avant de

soutenir la résolution 1973 et une intervention militaire en Libye. Elle ne s'est d'ailleurs décidée que

peu de temps avant le vote au Conseil de sécurité des Nations unies, opérant une sorte de revirement

diplomatique de dernière minute46. À l'instar de l'Allemagne, les États-Unis craignaient également

qu'une zone d'interdiction aérienne ne suffise pas à faire tomber le régime et qu'une intervention de

troupes au sol soit inévitable, ce qui aurait dépassé le cadre de la résolution 197347. Le Congrès

américain ainsi qu'une grande partie de l'opinion publique américaine étant devenus peu enclins à

de nouvelles ingérences armées à l'étranger48, le positionnement de Barack Obama et de son

gouvernement a donc été hésitant pendant fort longtemps. Finalement, au vu du soutien de

nombreux États, les États-Unis décideront de soutenir la résolution.

Notons aussi que la crise économique, avec les nombreux défis budgétaires et financiers

qu'elle implique, ainsi que le soutien populaire décroissant des Américains à l'égard de nouvelles

« (més)aventures » militaires à l'approche d'une échéance électorale capitale49, ont également une

valeur explicative non-négligeable dans la nouvelle stratégie de sécurité des États-Unis. Cependant,

malgré la volonté des États-Unis de ne plus endosser le rôle de gardien universel de la sécurité

mondiale50, force est de constater que l'intervention militaire en Libye n'aurait pas pu se réaliser

sans leur soutien. Malgré le rôle amoindri des États-Unis, la France et le Royaume-Uni auraient

probablement été plus réticents à entreprendre cette intervention sur le plan militaire comme sur le

plan politique s'ils n'avaient pas été épaulés par leur puissant allié. Le positionnement américain, en

soutien de fond, a donc permis de rassurer et d'encourager une initiative européenne sans que les

États-Unis ne doivent prendre un risque trop important, que ce soit sur le plan politique (bataille

diplomatique menée par le tandem franco-britannique) comme sur le plan militaire (désengagement

rapide de la Libye).

▪ Le soutien de pays et organisations tiers

Il convient également de souligner le rôle important joué par des organisations tierces telles

que la Ligue arabe, l'Union africaine (UA) et l'Organisation de la Coopération islamique (OCI)51.

Dès le début des démarches politiques et diplomatiques entamées par l'axe Paris-Londres, ces

organisations ont eu un rôle important de légitimation d'une éventuelle intervention. En effet, une 46 Daniel Göler, op. cit.47 Bartosz Wisniewski, United States and the Military Intervention in Libya, PISM, mars 201148 Marco Overhaus, op. cit.49 Élections présidentielles américaines prévues le 6 novembre 201250 Isabelle Lasserre, op. cit.51 Anciennement dénommée « Organisation de la Conférence islamique »

26

opération militaire menée majoritairement par des puissances occidentales est une entreprise

sensible et hasardeuse lorsque celle-ci trouve place dans le monde arabe, et le risque que les alliés

s'exposent à la désapprobation de certains pays arabes était bien réel. Le président français Nicolas

Sarkozy l'ayant fort heureusement bien compris, s'est donc assuré du soutien de la Ligue arabe pour

l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne52. Notons aussi que la participation du Qatar, de la

Jordanie et des Émirats arabes unis, en dehors de leur apport capacitaire, a été extrêmement

bénéfique d'un point de vue diplomatique et stratégique en termes d'image et de légitimité pour

l'intervention de la coalition. La participation de nations arabes a été très encourageante pour un

engagement politique en faveur d'une opération militaire53.

En revanche, la position de l'Union africaine a été beaucoup moins favorable à une

intervention militaire. Le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine a en effet estimé qu'il

ne pouvait y avoir de solution militaire à la crise actuelle en Libye54. Bien qu'il soutienne le peuple

libyen et se soit déclaré prêt à coopérer avec ses partenaires africains, la Ligue arabe, l'OCI et l'UE

en vue d'un règlement rapide de la crise55, le Conseil a privilégié le dialogue avec le régime libyen

dans le but de trouver une solution pacifique au conflit dans un cadre africain56.

Ainsi, suite à la neutralité allemande et à défaut d'un consensus européen sur la question, la

France et le Royaume-Uni auront donc cherché une base plus large dépassant le cadre de l'Union

européenne, appuyée à la fois sur la recherche d'un soutien militaire puissant (États-Unis) et sur la

nécessité d'une légitimité politique (ONU et pays arabes).

● Chapitre 2 : Le choix de l'OTAN comme cadre d'application principal de la

résolution 1973

Une fois la résolution 1973 adoptée, la question a rapidement été de savoir dans quel cadre

celle-ci serait appliquée. Il n'existait à cet égard que deux alternatives possibles à la relève de la

direction des opérations par les États-Unis : la PSDC ou l'OTAN. Nous allons voir ici les raisons qui

ont poussé à choisir ce dernier comme cadre d'application de la résolution.

52 Marco Overhaus, op. cit.53 Alex Tiersky, Nato's Libya Test, Turkish Policy, november 201154 Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine, Rapport du président de la commission sur les activités du comité ad hoc de haut niveau de l'UA sur la situation en Libye, 275ème réunion, Addis Abeba, 26 avril 2011., §4755 Ibid., §556 Ibid., §19

27

▪ Débat autour du cadre d'intervention et premières divergences entre alliés

Entre le 19 mars 2011 et le 31 mars 2011, les missions prévues par la coalition (observation

et collecte de renseignements, supériorité aérienne, suppression des défenses aériennes libyennes

(SEAD) et attaques d'unités terrestres) sont menées sous la direction du « Combined Air Operations

Center » (CAOC), centre de coordination américain basé en Allemagne. Durant les premiers jours

de l'intervention, c'est donc sous direction des États-Unis et avec implication renforcée de la France

et du Royaume-Uni que se déroulent les opérations. Mais avec l'annonce des États-Unis de se retirer

progressivement du conflit dès le 1er avril57 en limitant leurs interventions à des missions de

surveillance, de collecte de renseignements, de soutien logistique (notamment grâce au

ravitaillement en vol) et de suppression des défenses antiaériennes de l'armée libyenne, la question

de savoir dans quel cadre la suite des interventions trouveront leur place se pose à la coalition.

Il s'ensuit alors une véritable confrontation idéologique entre le Royaume-Uni et la France.

Celle-ci se prononce rapidement en faveur d'une gestion des opérations par l'Union européenne dans

le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Elle fait valoir qu'une

intervention dans le cadre de l'Alliance atlantique, largement assimilée aux États-Unis, eux-mêmes

étant très proches d'Israël, pourrait avoir des conséquences particulièrement néfastes sur les

relations diplomatiques entretenues avec la Ligue arabe et les pays limitrophes à la Libye, ce qui

risquerait de poser problème quant à la nécessaire légitimité de l'intervention58. À l'inverse, le

Royaume-Uni s'oppose farouchement à une opération de l'Union européenne59 et se positionne, pour

des raisons politiques, en faveur d'une poursuite de l'intervention sous l'égide de l'OTAN. En effet,

comme le soulignait un chercheur britannique : « La majorité des Britanniques considèrent [...] que

l'Europe de la Défense est une distraction stratégique qui n'a pas fait ses preuves sur le terrain »60.

Le Royaume-Uni a jusqu'à présent toujours été défavorable à ce que l'Union européenne s'occupe

sérieusement du domaine de la défense car il ne désire pas voir ses capacités d'intervention militaire

soumises à la lourdeur des institutions bruxelloises et à la tiédeur de certains États membres. Une

position résumée par les propos de la Secrétaire britannique à la défense Liam Fox :There are those in Europe who are calling for the EU to take a greater role in Europe's security. Let me tell you, Europe already has a guarantor of its defence – it's called NATO. It is nonsense to duplicate and divert from NATO at a time when resources are scarce across Europe. And the last thing we need is more EU bureaucracy.61

57 À cette date, les États-Unis retirent 40 avions de combats du théâtre de l'opération.58 Alain Frachon, op. cit.59 Leila Aïchi, Sénat, Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la révision du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : Quelles évolutions du contexte stratégique depuis 2008 ?, n° 207, Paris, 16 décembre 2011, p. 2460 Isabelle Lasserre, Londres et Paris relancent leur coopération militaire, Le Figaro, 16 février 201261 Paul Ames, What next for Europe after Libya ? - Success in Libya fails to hide limitations of EU defence policy, Europolitics. Security and Defence. Supplement to n° 4299, 7 novembre 2011

28

Le tandem franco-britannique trouva donc une pierre d'achoppement en la question de savoir

de quelle manière et dans quel cadre devrait s'opérer l'intervention militaire. Dans ce débat, les

États-Unis et l'Italie soutenaient la position britannique d'une poursuite des opérations sous la

direction de l'OTAN.

Cette ligne de fracture entre la France et le Royaume-Uni ne fut pas la seule au fil du conflit

libyen. Il y eut notamment des divergences quant à la reconnaissance du CNT (rapidement reconnu

par la France mais sans concertation avec le Royaume-Uni), l'objectif central de l'opération militaire

et des bombardements (le Royaume-Uni désirait que Mouammar Kadhafi soit considéré comme une

cible potentielle), l'envoi d'armes et de munitions aux insurgés (soutenu par la France mais pas par

le Royaume-Uni),...62.

▪ Les capacités structurelles et opérationnelles de l'OTAN comme élément décisif

Finalement, constatant l'impossibilité persistante de se mettre d'accord au sein de l'Union

européenne et sous la pression continue du Royaume-Uni, l'OTAN prend le relais à partir du 31

mars 2011 pour le commandement des opérations63. Il va de soi que cette décision ne dépend pas

uniquement d'enjeux politiques mais qu'elle repose également sur le constat du « défaut

capacitaire » de la PSDC dont les lacunes sont considérées comme flagrantes64. Bruno Tertrais, de la

Fondation pour la recherche stratégique, explique ainsi que le recours à l'OTAN était en quelque

sorte inévitable : « La crise libyenne a manifesté avec éclat l'absence de politique européenne de

défense : pas de vision politique commune et pas de capacité de conduite d'une opération de ce

genre. »65. A posteriori, ce sera également la conclusion de la plupart des observateurs européens,

constatant d'une part que l'Union européenne n'aurait de toute façon pas eu les capacités

structurelles et opérationnelles nécessaires pour mener cette mission à bien (notamment à cause de

l'inexistence d'un centre de commandement européen opérationnel). D'autre part, même avec le

retrait progressif et l'effacement américain du théâtre des opérations à partir du 1er avril, les armées

européennes n'auraient pas pu se passer des États-Unis et de leur soutien logistique (munitions,

ravitaillement en vol, transport de matériel,...)66. Les lacunes des armées européennes étaient

également trop importantes en termes de renseignement, de surveillance et de reconnaissance67,

62 Gareth Chappeli, op. cit.63 Plus précisément, le commandement des opérations passe sous le contrôle du CAOC-5 implanté sur la base italienne de Poggio Renatico.64 Conférence de l'ambassadeur allemand Schäfers, op. cit.65 Bruno Tertrais, cité par Alain Frachon, op. cit.66 Amiral Édouard Guillaud, Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Audition de l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, p. 867 Sénat, Audition de M. Philippe Errera, représentant permanent auprès de l'OTAN, Comptes rendus de la commission des affaires étrangères et de la défense, Paris, mercredi 15 février 2012, p. 14

29

ainsi qu'en ce qui concerne les hautes technologies telles que les drones68, les missiles antiradars69,

les missiles balistiques (notamment les missiles de croisière Tomahawk) et les satellites70.

Enfin, le choix de l'OTAN comme cadre d'application de la résolution 1973 s'explique

également par le « prestige » dont peut se prévaloir cette organisation, dû notamment à sa longue

expérience dans la gestion des conflits et à l'efficacité de sa chaîne de commandement71.

Concernant le volet politique, l'OTAN n'a évidement eu que très peu d'influence, étant

cantonné au volet opérationnel. La gouvernance politique de l'opération s'est donc réalisée dans la

cadre d'un « débat constant »72 entre les différents ministres des pays impliqués et le secrétaire

général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen. Elle relevait intégralement du Groupe de contact mis

en place par la coalition internationale pour fixer les objectifs de l'intervention et surveiller leur

mise en œuvre73. Cependant, la direction quotidienne des opérations était du ressort de la France et

du Royaume-Uni, les États-Unis ayant pour la première fois accepté de soutenir une opération dans

laquelle ils n'avaient pas à jouer le rôle de chef de file74.

Au final, trois éléments incontournables auront donc rendu possible une intervention de

l'OTAN75 :

– Un mandat légal international (résolutions 1970 et 1973)

– Un support régional (soutien de la Ligue arabe)

– La valeur ajoutée de l'Alliance dans la résolution d'une situation de crise (capacités

matérielles et opérationnelles).

68 Jacques Gautier, Sénat, Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la révision du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : Quelles évolutions du contexte stratégique depuis 2008 ?, n° 207, Paris, 16 décembre 2011, p. 2769 Isabelle Laserre, op. cit.70 Nicolas Gros-Verheyde, Premières leçons de l'opération en Libye. Les gagnants, les perdants, Bruxelles2, 3 septembre 201171 Jolyon Howorth, NATO and ESDP : Institutionnal Complexities and Political Realities, Politique étrangère (IFRI), 2009.72 Gérard Longuet, Sénat, Audition de M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, et de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants sur la situation en Libye, Comptes rendus de la commission des affaires étrangères et de la défense, Paris, jeudi 7 avril 2011, p. 473 Alain Juppé, Ibid., p. 674 Sénat, Audition de M. Philippe Errera, représentant permanent auprès de l'OTAN, Comptes rendus de la commission des affaires étrangères et de la défense, Paris, mercredi 15 février 2012, p. 1575 Alex Tiersky, op. cit.

30

▪ L'OP4, fer de lance de l'alliance

Les frappes militaires proprement dites ont en réalité été réalisées par un nombre très

restreint d'États. Surnommés le « groupe de l'OP4 »76, il s'agit des 7 pays à avoir effectivement

participé aux frappes tactiques durant l'intervention, à savoir la France, le Royaume-Uni, les États-

Unis, le Canada, la Belgique, la Norvège et le Danemark ; soit, seulement 7 pays sur les 28

membres que compte l'OTAN et seulement 4 États membres sur les 27 de l'Union européenne77.

Parmi les autres pays ayant souhaité participer à l'intervention militaire, une importante majorité

d'entre eux sont restés à l'écart78 et ont dû se contenter de missions de soutien ou d'interdiction

aérienne (c'est le cas de l'Espagne, des Pays-Bas, de l'Italie, de la Suède,...). Comme l'explique Jean-

Marie Bockel, en dehors des États-Unis, la France et le Royaume-Uni étaient les deux seuls pays à

disposer de « toute la gamme des capacités militaires » nécessaires à l'intervention79. Ceci explique

pourquoi la majorité des frappes ont été opérées par ces trois puissances. La nature même de

l'intervention, limitée à une utilisation des forces aériennes et donc sans soutien ni moyens de

renseignement terrestres, nécessitait des équipements de pointe qui ont rendu la participation de

certains États inutile voire superflue80. Outre ses partenaires directs, certains États africains ont, via

des accords de coopération passés avec l'OTAN, participé à la surveillance des frontières libyennes

et au contrôle des trafics d'armes. L'intervention militaire menée par l'OTAN aura donc mobilisé la

participation d'un nombre important d'acteurs mais se sera finalement basée sur un nombre

relativement restreint d'entre eux pour ce qui est de la conduite des opérations militaires.

● Chapitre 3 : Une occasion manquée pour l'Union européenne

Il convient maintenant d'analyser la place occupée par l'Union européenne lors du conflit en

Libye. Malgré son manque de visibilité lors de ces évènements, celle-ci a essayé de trouver sa place

entre le tandem franco-britannique et l'OTAN, mais pour les raisons que nous avons évoquées

précédemment, son action a été extrêmement limitée et l'a donc empêché de fonctionner de manière

optimale. C'est dans cette optique que nous allons voir ici en quoi l'intervention militaire en Libye a

constitué une « occasion manquée » pour l'Union européenne.

76 Nicolas Gros-Verheyde , Le rôle de l'OP4 dans l'opération libyenne, 3 février 2012.77 Jean Quatremer, Libye : tiédeur otanienne, inexistence européenne, Coulisses de Bruxelles, 13 avril 201178 Sénat, Audition de M. Philippe Errera, représentant permanent auprès de l'OTAN, Comptes rendus de la commission des affaires étrangères et de la défense, Paris, mercredi 15 février 2012, p. 1579 Jean-Marie Bockel, Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la révision du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. n° 207, Paris, 16/12/ 2011, p. 2980 Gérard Longuet, op. cit., p. 4

31

▪ Inexistence de leadership européen et gestion en ordre dispersé

Lors du débat sur la pertinence d'une intervention militaire en Libye ainsi que lors de la mise

en œuvre de cette intervention, l'Union européenne a surtout brillé par son absence. Comme nous

l'avons vu, cette situation s'explique en grande partie par la fragmentation du paysage européen,

tiraillé entre l'activisme français et la défiance allemande. La France, en court-circuitant les

institutions européennes, et l'Allemagne, en s'alignant sur la position diplomatique non-

interventionniste des puissances émergentes (Chine, Russie, Brésil...) auront conduit à ce que l'UE

se retrouve incapable d'agir et soit rapidement discréditée sur la scène internationale. La volonté du

Royaume-Uni d'interdire à l'Union d'avoir droit au chapitre dans la direction d'une politique

étrangère européenne forte a également joué un rôle non-négligeable dans ce que certains ont

qualifié d' « inconsistance européenne »81 face à la problématique libyenne.

Cependant, il serait extrêmement réducteur d'expliquer l'état paralytique de l'Union

européenne uniquement par l'action des États car il va de soi que l'inexistence de leadership au sein

de l'Union européenne doit également être considérée comme un élément explicatif majeur. Malgré

un bon fonctionnement global des institutions lors de la gestion technique et diplomatique de la

crise en Libye (notamment via la mécanique des sanctions)82, le déchirement au sein de l'Union

européenne a conduit à une ineffable « cacophonie confuse »83. Celle-ci conciliée à la lenteur de

réaction de l'Union européenne vis-à-vis des évènements en Libye, l'impact européen sur le débat

international n'a eu d'égal que l'inexistence flagrante de tout positionnement fort et politiquement

engageant de la part de l'Union et notamment de la Haute Représentante pour les affaires étrangères

et la politique de sécurité, la britannique Catherine Ashton.

Pour le cas libyen comme pour l'ensemble des printemps arabes, la Haute Représentante a en

effet systématiquement réagi avec -c'est le cas de le dire- une guerre de retard, laissant la préséance

aux États membres, à l'ONU, à l'OTAN, à la Ligue arabe, à l'UA... . Catherine Ashton disposait

pourtant des pouvoirs et instruments nécessaires84 pour endosser le rôle de leader de l'Union

européenne dans la définition d'une ligne diplomatique précise et dans la conduite d'une

intervention militaire85, mais ses prérogatives théoriques se sont heurtées avec force à la réalité

politique européenne. En effet, la politique étrangère et de sécurité commune relevant

81 Éditorial, Leaderless in Europe. New York Times, 28 juin 201182 Nicolas Gros-Verheyde, Premières leçons de l'opération en Libye. Les gagnants, les perdants, Bruxelles2, 3 septembre 201183 Doug Bandow, op. cit.84 SEAE (avec 5000 fonctionnaires), état-major militaire et cellule de gestion de crise.85 Daniel Vernet, op. cit.

32

essentiellement du pilier intergouvernemental de l'Union européenne, il aurait été à la fois malvenu

et mal vu qu'elle se prononce sur le cas libyen avant d'avoir consulté les 27 ministres des Affaires

étrangères et d'avoir atteint avec eux un consensus de position, ce dernier étant de toute façon

condamné à se construire sur « le plus petit dénominateur commun » entre les États membres86.

Par ailleurs, malgré l'appel insistant du Parlement européen à ce que la Haute Représentante

étudie « la possibilité de faire respecter l'embargo en recourant aux moyens aériens et navals de la

PSDC »87 ou encore à ce que celle-ci essaye « d'élaborer une stratégie globale et cohérente pour la

réponse humanitaire et politique à la situation en Libye »88, l'Union européenne restera de marbre.

Elle ne sera en effet même pas capable de procéder à la mise en œuvre de la résolution 1970

(embargo maritime), alors que plusieurs analystes reconnaissent que cela était tout à fait possible et

même souhaitable :

L'amiral Édouard Guillaud : En Libye, [...] la politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC) a incontestablement manqué l'occasion de jouer un rôle. Nous étions un certain nombre de pays, dont le Royaume-Uni, à estimer que la mise en œuvre de l'embargo maritime pouvait être assurée directement par l'Union européenne. [...] L'OTAN et les États-Unis étaient d'accord. Mais la Haute Représentante n'a pas saisi la balle et la microstructure militaire de l'Union a estimé que proposer cette solution ne ressortait pas de son mandat. Il ne faudrait pas manquer la prochaine occasion.89

Le directeur chargé des affaires stratégiques au ministère français de la défense Michel Miraillet : Ainsi, peut-on regretter l'absence de l'Union européenne lors de l'intervention en Libye : au-delà des aspects humanitaires, celle-ci aurait été tout aussi capable d'assurer l'opération maritime de contrôle de l'embargo sur les armes. Il est vrai que l'on peut regretter l'absence de véritable centre de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne, en raison de l'opposition dogmatique du Royaume-Uni sur ce point.90

Même si la PSDC n'aurait manifestement pas pu jouer le même rôle que l'OTAN et se

charger de l'application de la résolution 1973, la mise en place d'un embargo maritime était tout à

fait à sa portée et était même soutenue par le Royaume-Uni. Ce qui fera dire à certains que l'Europe

aura indubitablement « manqué une occasion de jouer un rôle »91.

Relevons néanmoins, à la décharge de la Haute Représentante Catherine Ashton, qu'outre le

fait que l'Union ait été prise de vitesse par certains de ses États membres et que la nature

décisionnelle de la PESC, soumise aux impératifs politiques, n'ait guère aidé à l'indépendance de sa

86 Jean Quatremer, Libye : l'honneur perdu d'Angela Merkel, Coulisses de Bruxelles, 19 mars 201187 Parlement européen, Résolution du Parlement européen sur le voisinage sud, en particulier la Libye, y compris les aspects humanitaires, Bruxelles, 10 mars 2011, §788 Ibid., §1889 Amiral Édouard Guillaud, Assemblée nationale, Ibid., p. 1790 Michel Miraillet, Sénat, Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la révision du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : Quelles évolutions du contexte stratégique depuis 2008 ?, n° 207, Paris, 16 décembre 2011, p. 6891 Paul Ames, op. cit.

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fonction, la jeunesse du Service européen d'action extérieure et le faible développement de ses

instruments de gestion de crise n'ont pas contribué à la création d'un climat favorable à une

éventuelle marge de manœuvre propice à une prise de décision claire et rapide. Les autorités

européennes n'étaient pas préparées à ce genre d'intervention et ne désiraient de toute façon pas y

prendre part92.

▪ Le plan EUFOR Libye : trop peu, trop tard

Par conséquent, les réalisations de l'Union européenne vis-à-vis du conflit libyen se

résumeront donc à des prises de position vagues et sans réelle portée, ainsi qu'à la mise sur pied d'un

plan d'action humanitaire dans le cadre de la PSDC (dénommé « EUFOR Libye »93), décidé le 1er

avril 2011 mais qui ne sera finalement jamais mis à exécution. Du 21 mars au 18 juillet 2011, le

Conseil de l'Union européenne n'aura cessé de rédiger déclaration sur déclaration, tantôt exprimant

le soutien indéfectible de l'Union à l'égard du peuple libyen et condamnant de manière unanime le

régime de Mouammar Kadhafi, tantôt rappelant sa disponibilité à lancer l'opération EUFOR Libye

si cela s'avérait nécessaire, dès l'approbation du Bureau de la coordination des affaires humanitaires

des Nations unies (BCAH/OCHA).

Le plan EUFOR Libye constitue à cet égard ce que certains considèrent comme une

tentative détournée de l'Union européenne pour « rattraper le coup » et revenir dans la course.

L'objectif de cette opération était de fournir un appui militaire à l'acheminement de l'aide

humanitaire dans la région94. Loin d'être une intervention militaire à proprement parler et au même

titre que l'opération « Unified Protector », l'approche européenne revêtait une dimension

humanitaire plus propice à emporter un consensus global et l'approbation d'un grand nombre

d'États. En se défendant de stigmatiser une quelconque « impuissance européenne », cette situation

fera notamment dire au ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé que « l'Union agissait

plus comme une ONG humanitaire que comme une puissance politique capable d'organiser une

intervention »95. Le plan de l'UE prévoyait par ailleurs la participation de la Ligue arabe aux

opérations européennes96.

92 Ibid.93 Conseil de l'Union européenne, Décision 2011/210/PESC du Conseil relative à une opération militaire de l'Union européenne à l'appui d'opérations d'aide humanitaire en réponse à la situation de crise en Libye (opération EUFOR Libye), Journal officiel de l'Union européenne, 1er avril 201194 Nicolas Gros-Verheyde, EUFOR Libya : une opération « à la demande », Bruxelles2, 1er avril 201195 Alain Juppé, Sénat, Audition de M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, et de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants sur la situation en Libye, Comptes rendus de la commission des affaires étrangères et de la défense, Paris, jeudi 7 avril 2011, p. 696 Nicolas Gros-Verheyde, EUFOR Libya : une opération « à la demande », Bruxelles2, 1er avril 2011

34

Malgré le manque de soutien du Royaume-Uni, celui-ci estimant qu'une intervention

militaro-humanitaire européenne n'était ni utile ni souhaitable, le plan EUFOR Libye a bénéficié de

l'adhésion de l'Allemagne. Cette dernière, isolée diplomatiquement sur la scène européenne, vivait

très mal sa situation et espérait donc retrouver un certain retour en grâce par le biais de cette

nouvelle opération97. Vue comme un « oral de rattrapage »98, la position du gouvernement vis-à-vis

de cette opération a pourtant été claire dès le début. Contrairement à l'intervention militaire prévue

par la résolution 1973, l'opinion publique allemande était majoritairement favorable au plan

EUFOR Libye. Celui-ci avait d'ailleurs été initié et soutenu par le gouvernement allemand bien

avant le vote de la résolution au Conseil de sécurité des Nations unies. Par ce soutien, l'Allemagne

signalait au couple franco-britannique ainsi qu'à ses autres partenaires qu'elle était disposée à

prendre ses responsabilités99.

Malheureusement, bien que cette opération ait été planifiée en un temps record, elle ne sera

jamais déployée. En effet, l'article 1er de la décision du Conseil concernant l'opération EUFOR

Libye précisait que celle-ci serait lancée « si une telle opération est demandée par le bureau de

coordination des affaires humanitaires des Nations unies (BCAH). »100. Cette auto-limitation

volontaire des moyens d'intervention de l'Union européenne, à l'initiative de la Haute Représentante

et de plusieurs pays (Allemagne, Irlande et Suède) dans l'espoir de s'assurer un soutien et une

légitimité aussi larges que possible a condamné l'opération EUFOR Libye à ne jamais voir le jour.

En effet, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) estimait qu'il fallait éviter

autant que faire se peut de recourir à l'utilisation de moyens militaires lors des missions

humanitaires et que, dans le cas de la Libye, l'acheminement humanitaire, bien que difficile, n'était

pas rendu impossible101. Le BCAH voulait avant tout privilégier les alternatives civiles et éviter

d'être assimilée, dans sa mission d'assistance humanitaire, à des opérations militaires étrangères :Nous ne voulons pas compromettre notre capacité à fournir l’assistance humanitaire à toute la population dans le besoin en étant perçu comme associée à des opérations militaires. Les alternatives civiles doivent être explorées pleinement et épuisées avant que des moyens militaires étrangers soient utilisés dans des opérations de soutien humanitaire102.

Selon le BCAH, le plan EUFOR Libye ne se justifiait donc pas, et l'Union européenne ne

reçut jamais son feu vert.

97 Jean Quatremer, Libye : contorsions allemandes, Coulisses de Bruxelles, 10 avril 201198 Mündliche Nachprüfung : Paris verspottet Deutschlands Haltung zu Libyen, Die Welt, 12 avril 201199 Daniel Göler et Mathias Jopp, L'Allemagne, la Libye et l'Union européenne, CAIRN, Politique étrangère, 2011100 Conseil de l'Union européenne, Décision 2011/210/PESC du Conseil relative à une opération militaire de l'Union européenne à l'appui d'opérations d'aide humanitaire en réponse à la situation de crise en Libye (opération EUFOR Libye), Journal officiel de l'Union européenne, 1er avril 2011, article 1er.101 Nicolas Gros-Verheyde, La situation humanitaire en Libye : « difficile mais pas désespérée », Bruxelles 2, 25 mai 2011.102 Directrice du BCAH, lettre du 11 avril à destination du SEAE.

35

Cette situation fut pour le moins inédite. C'est en effet la première fois que l'Union

européenne décidait volontairement de conditionner son action à une agence de l'ONU, celle-ci

n'étant par ailleurs pas la mieux placée pour décider du bien-fondé d'une intervention

humanitaire103. L'Union européenne a donc décidé d'auto-limiter sa capacité d'action alors qu'elle

disposait de tous les moyens juridiques et politiques requis pour lancer une telle intervention et que

les résolutions 1970 et 1973 lui donnaient toute la légitimité nécessaire pour lancer une opération

humanitaire sans qu'il y ait besoin de recourir à un énième accord international104. D'autant plus que

les arguments invoqués par le BCAH étaient infondés, plusieurs experts estimant que les ONG et

l'aide humanitaire de l'ONU n'étaient pas capables d'arriver à bon port sans un soutien et une

protection militaire105.

En définitive, il faudra donc attendre le 15 décembre 2011 (soit deux semaines après la fin

officielle de l'intervention militaire « Unified Protector ») pour que la Commission européenne

adopte enfin un « package » de mesures destinées à assister la Libye dans la stabilisation de

l'appareil étatique et en vue de soutenir le processus de transition du pays106. À cette occasion et lors

de sa visite à Tripoli, la Haute Représentante Catherine Ashton s'est d'ailleurs engagée à ce que

l'Union européenne « aide la nouvelle Libye à développer ses institutions et la société civile qui

construira une démocratie approfondie et respectueuse des droits de chacun »107. Elle n'hésitera

pourtant pas à souligner les remerciements et la gratitude exprimés par les autorités libyennes à

l'égard de l'Union européenne pour son support tout au long de la crise.

Avec le cas libyen, l'Union européenne aura donc raté une occasion en or de franchir un pas

supplémentaire en direction d'une défense européenne et d'une identité commune en termes de

politique étrangère. Une prise de position forte et un engagement politique rapide de l'Union

européenne lui auraient en effet permis de s'affirmer en tant que leader alternatif à l'effacement des

États-Unis dans ce conflit et de mettre à l'épreuve sa politique de sécurité et de défense commune

tout en dressant le « bilan » après un an d'application du traité de Lisbonne108. C'eut été par ailleurs

une démonstration magistrale de la volonté et de la détermination de l''Union européenne à

promouvoir ses valeurs humanistes et démocratiques en défendant un peuple y aspirant au prix

103 Nicolas Gros-Verheyde, EUFOR Libya, la première mission virtuelle de l'UE, Bruxelles2, 4 mai 2011104 Nicolas Gros-Verheyde, La fin sans gloire d'une opération, Bruxelles2, 9 novembre 2011105 Nicolas Gros-Verheyde, EUFOR Libya, la première mission virtuelle de l'UE, Bruxelles2, 4 mai 2011106 European Commission, EU helps to further stabilise Libya through support for education, administration and civil society, Press release, Bruxelles, 15 décembre 2011107 Ibid.108 Alain Frachon, op. cit.

36

d'une répression sanglante. Malheureusement, le rendez-vous a été manqué et, comme le fait

remarquer Alain Frachon, l'histoire aura été écrite par deux pays européens et non par l'Europe

unie :L'Union européenne, elle, a misérablement failli. L'Europe "instituée" n'a pas franchi l'épreuve. Dans cette histoire, elle n'existe pas. Elle a été incapable de s'entendre sur la conduite à tenir, la représentativité à accorder à l'opposition libyenne et, plus encore, sur la légitimité de l'emploi de la force. La désunion a été totale et particulièrement marquante quand il s'est agi de décider de la guerre - c'est-à-dire quand l'histoire se fait tragique et qu'il faut sortir de l'habituelle crème fouettée rhétorique sur le respect des droits de l'homme.109

Désormais, l'Union européenne s'est donc proposée de favoriser le processus de transition en

Libye, que ce soit par le renforcement des institutions étatiques et de l'état de droit, la stabilisation

du pays, la surveillance des frontières, le contrôle des migrations... mais ces missions relèvent

entièrement de la gestion civile et d'une réaction « a posteriori » de l'Union européenne110. Celle-ci a

manifestement manqué la possibilité de tenir un rôle clé dans la résolution du conflit.

109 Ibid.110 Patrik Pawlak, Preventing Conflict, Managing Crisis - From Protecting to Rebuilding - The EU's Role in Libya, Center for Transatlantic Relations, Washington, 2011

37

Titre III

Quels enseignements pour l'avenir de la défense européenne ?

38

aintenant que nous avons analysé les différents aspects de l'intervention militaire

en Libye, nous aimerions poursuivre notre raisonnement en essayant de mettre en

lumière les multiples enseignements que nous pouvons en tirer. En effet, il nous semble nécessaire

de franchir une étape supplémentaire dans l'étude du cas libyen en déterminant ce que celui-ci peut

nous apprendre de l'état de la coopération militaire en Europe et du fonctionnement global de la

« défense européenne ». Comme nous allons le voir et malgré l'opportunité manquée pour l'Union

européenne, il est possible de déterminer certains points positifs que le conflit libyen a permis de

mettre en lumière car il serait contre-productif de souligner seulement les aspects négatifs.

Néanmoins, ceux-ci nous semblent revêtir une importance capitale dans le débat et nous allons

dans cette partie finale nous efforcer de dresser un bilan objectif et nuancé de l'intervention.

● Chapitre 1 : Un succès à nuancer

L'opération « Unified Protector » a indéniablement été une réussite sur le plan militaire et

peu d'observateurs ou de spécialistes trouvent quelque chose à redire sur le déroulement des

opérations de la coalition. En effet, les alliés sont parvenus à remplir l'intégralité de leurs objectifs,

de la destruction des batteries antiaériennes libyennes jusqu'à l'élimination de troupes blindées et

semi-blindées au sol. De plus, l'opération de l'OTAN a non seulement permis de protéger les

populations civiles contre la répression du régime, mais elle a également pu fournir aux

révolutionnaires libyens l'appui nécessaire dont ils avaient besoin pour vaincre l'armée libyenne et

renverser le régime de Mouammer Kadhafi. Cet exploit, mené avec brio, est d'autant plus

remarquable que l'intervention militaire de l'OTAN s'est déroulée dans un laps de temps

relativement court, avec des moyens d'action limités à des capacités navales et aériennes, sans une

seule perte humaine dans le chef de la coalition et en limitant fortement le nombre de victimes

collatérales111. Ivo Daalder, ambassadeur américain à l'OTAN, souligne notamment le fait que la

Libye a permis de démontrer qu'un usage limité de la force, employé à bon escient, pouvait avoir de

réels impacts sur un changement politique positif112. Néanmoins, le tableau n'est pas parfait et nous

allons maintenant aborder les différents points positifs et négatifs que le conflit libyen, dans sa

dimension militaire mais également politique et diplomatique, a permis de mettre en lumière.

111 Mieszko Dusautoy, Unified protector – Les « lessons learned » de Libye : le nombre de victimes collatérales limité (Général Druart), Bruxelles2, 21 mars 2012112 Marco Overhaus, NATO's Operation in Libya. Not a Model for Military Interventions, German Institute for International and Security Affairs, novembre 2011

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▪ Les points positifs

Parmi les enseignements positifs que nous pouvons tirer de l'intervention en Libye, le

premier est assurément d'ordre militaire : il s'agit de l'excellente coopération entre les partenaires de

la coalition et de l'efficace coordination inter-armées dans le cadre d'une intervention multilatérale.

Le succès militaire de l'opération « Unified Protector » tient en grande partie à la bonne

organisation du déroulement des opérations militaires113. C'est en tout cas, selon l'amiral français

Édouard Guillaud, la « grande leçon » de l'intervention militaire en Libye :Aucune armée, de l’air, de terre ou de mer, ne détient seule la capacité de résoudre une crise. C’est leur complémentarité et la combinaison de leurs moyens qui donne de l’efficacité à l’action militaire. C’est aussi leur niveau de préparation, d’entraînement et de réactivité qui permet d’agir vite et d’aller droit au but. Nous avons ainsi assisté au retour des opérations combinées, au sens où on l’entend depuis la Seconde Guerre mondiale, exigeant un mécanisme d’horlogerie que très peu de pays sont capables de réaliser.114

Ensuite, et malgré le soutien important des États-Unis, la crise libyenne a démontré que

certains pays européens, France et Royaume-Uni en tête, étaient capables de prendre l'initiative

politique et diplomatique dans la résolution d'un conflit armé et de participer ensuite activement et

efficacement à une intervention militaire internationale. Les Alliés européens ont ainsi démontré

qu'ils étaient capables de prendre une part déterminante dans l'intervention armée et d'assumer leurs

responsabilités militaires et politiques115. Le secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen

a estimé à ce sujet que malgré la réduction des dépenses militaires et des budgets de défense bien

plus modestes que ceux des États-Unis ou de certaines puissances asiatiques, l'opération Unified

Protector a démontré que les Européens pouvaient toujours jouer un « rôle central » dans une

opération militaire complexe116. Constat également défendu par le ministre français de la Défense de

l'époque, Gérard Longuet, estimant que l'opération en Libye avait démontré la capacité des pays

européens à mener une action « d'envergure et de longue durée »117. Il s'agit là d'un signal

encourageant en ce qui concerne les capacités opérationnelles et les ambitions politico-militaires de

nombreux membres de l'Union européenne pour les années à venir118, même si Anders Fogh

Rasmussen a également rappelé la nécessité pour l'Europe de tout faire pour maintenir cette

capacité d'action dans les années à venir119.113 Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Audition de l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 (n°3775), Compte rendu n°2, Paris, 5 octobre 2011, p. 5114 Nicolas Gros-Verheyde, Les premières leçons de l'opération en Libye selon l'Amiral Guillaud, Bruxelles2, 16 octobre 2011115 Philippe Errera, Sénat, Audition de M. Philippe Errera, représentant permanent auprès de l'OTAN, Comptes rendus de la commission des affaires étrangères et de la défense, Paris, mercredi 15 février 2012, p. 2116 Paul Ames, op. cit.117 Guy Teissier, Il faut créer un État-major européen, Défense Globale Actualités, n° 5, septembre 2011118 Isabelle Lasserre, op. cit.119 Paul Ames, op. cit.

40

L'intervention militaire en Libye a également démontré une nouvelle fois l'efficacité de

l'OTAN dans la résolution de conflits armés. En donnant une réponse rapide et efficace en vue de

soutenir les insurgés et de protéger les civils, l'Alliance s'est imposée en tant que seule entité

effectivement capable de jouer ce rôle, faisant même dire à certains analystes que l'Organisation

atlantique avait été « à son top »120 lors de cette opération. Le caractère particulier de cette

intervention, alliant investissements modestes, absence de force militaire terrestre et soutien à la

liberté d'un peuple contre une dictature, a amené les États-Unis à considérer l'opération en Libye

comme un modèle pour les futures opérations de l'OTAN, appelant même à la définition d'une

« Doctrine Libye »121.

Par ailleurs, le conflit libyen a également permis de revoir en profondeur le fonctionnement

de l'OTAN. En effet, la nouvelle posture stratégique des États-Unis « leading from behind » a posé

les premiers jalons de l'émergence d'un pôle européen au sein de l'Alliance atlantique. Pour Philippe

Errera, représentant permanent auprès de l'OTAN, il s'agit là d'un véritable tournant car pour la

première fois, les États-Unis ont accepté que des pays européens, principalement la France et le

Royaume-Uni, soient au premier rang et assurent le rôle de « chef de file » d'une opération de

l'OTAN, malgré la participation américaine à cette même opération122. Cela illustre à merveille la

contribution que les États européens peuvent apporter à l'organisation atlantique. L'implication

accrue des pays européens et leur capacité à mobiliser rapidement leurs forces aériennes après

l'approbation d'une intervention militaire par l'ONU prouvent que les Européens essayent autant que

faire se peut de s'investir davantage dans les opérations militaires de l'OTAN, ce qui constitue

depuis longtemps une demande insistante des États-Unis123.

En effet, la nouvelle posture stratégique des États-Unis prévoyant un désengagement

progressif d'Europe, ainsi que leur volonté d'éviter d'être accusé d'avoir des vues d' « impérialisme

occidental » dans les pays arabes les ont conduits à s'engager dans le conflit libyen de manière

prudente et pragmatique et d'éviter de ce fait de prendre trop de risques politiques. Cette situation a

laissé le champ libre aux États européens désireux de prendre les rênes de l'intervention et a donc

permis un certain « retour » de l'Europe en tant qu'acteur international124.

120 Alex Tiersky, Nato's Libya Test, Turkish Policy, novembre 2011121 Marco Overhaus, op. cit.122 Philippe Errera, op. cit., p. 15123 Paul Ames, op. cit.124 Sarah Saublet, L'intervention militaire en Libye : le Canada, l'Union européenne et l'OTAN, entre révolution populaire et guerre « humanitaire », Université de Montréal, octobre 2011

41

Ensuite, cette opération a également donné l'opportunité à des États plus petits (tels que la

Belgique, le Danemark, la Norvège,...) d'avoir un vrai rôle à jouer dans les processus de décision de

l'Alliance et dans la conduite des opérations sur le terrain. C'est aussi le cas du Qatar qui, bien que

ne faisant pas partie de l'OTAN, a pu tenir un rôle stratégique dans la conduite des opérations de la

coalition et est apparu comme un partenaire fiable125. Enfin, notons aussi que l'implication de

l'OTAN dans le conflit libyen a été globalement acceptée sur le plan politique par les États arabes

limitrophes, malgré de nombreuses craintes à ce sujet.

Il convient également de remarquer la réussite qu'a constitué l'intervention militaire en Libye

en ce qui concerne la coopération franco-britannique. Celle-ci a réellement fait figure de premier

« test » pour la solidité de la relation126. Malgré quelques divergences de point de vue, les deux États

sont en effet restés unis dans l'action127 et ont réussi à mettre en pratique les accords de Lancaster

House128 de 2010 dans un contexte de crise. Le tandem franco-britannique a géré conjointement la

bataille diplomatique et politique en s'employant à se présenter en réel « lobby » d'une opération

armée pour mettre fin au conflit129 et est également parvenu à gérer à l'amiable les différents points

de discorde qui ont jalonné cette intervention. L'opération en Libye marque aussi un certain « retour

en grâce » de la France sur le continent africain. Autrefois perçue comme une puissance néo-

coloniale, elle apparaît désormais comme un allié solide pour les autres pays de la région.

Enfin, notons que, si le conflit en Libye n'a pas permis de faire avancer l'Europe de la

défense positivement, il a au moins permis de relancer le débat concernant la coopération militaire

en Europe, notamment avec l'initiative du Triangle de Weimar (France/Allemagne/Pologne) et sa

volonté de relancer la politique européenne de sécurité et de défense en coordination avec la Haute

Représentante Catherine Ashton130. Une lettre commune des ministres de la Défense allemand,

français, polonais, espagnol et italien lui a notamment été envoyée dans le but de lui rappeler « [...]

l'urgence d'aller de l'avant dans la mise en œuvre de la Politique commune de sécurité et de défense,

et en particulier de mettre sur pied un centre de planification et de conduite des opérations. »131.

L'opération en Libye semble donc avoir fait en partie bouger les lignes politiques de certains États

et avoir suscité de nouvelles ambitions pour la coopération militaire en Europe.125 Nicolas Gros-Verheyde, Premières leçons de l'opération en Libye. Les gagnants, les perdants, Bruxelles2, 3 septembre 2011.126 Gareth Chappeli, Impact of the Libyan Crisis on the UK-France Defence Programme, PISM, avril 2011127 Nicolas Gros-Verheyde, op. cit.128 Accords visant à renforcer la coopération en termes de sécurité et de défense129 Gareth Chappeli, op. cit.130 Sénat, Audition de M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, et de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants sur la situation en Libye, Comptes rendus de la commission des affaires étrangères et de la défense, Paris, jeudi 7 avril 2011, p. 9131 Jean-Paul Perruche et Aurélien Seguin, Défense européenne. La lettre d'EuroDéfense-France. N°35, octobre 2011

42

▪ Les points négatifs

Néanmoins, ces quelques points positifs ne permettent pas d'occulter l'existence des

dysfonctionnements et autres échecs ayant jalonné la gestion du conflit libyen et il convient donc

dès à présent de passer en revue les différents enseignements négatifs que nous pouvons en retirer.

Le plus remarquable d'entre eux tient évidemment de la quasi-absence de l'Union

européenne dans la gestion politique, diplomatique et militaire de ce conflit. Comme le fait

remarquer à ce propos Doug Bandow, « the Libyan crisis again demonstrates that the emperor has

no clothes »132. Il ne fait aucun doute que l'Union européenne a manqué une occasion unique de

s'affirmer en tant qu'acteur mondial de premier ordre pour la gestion des conflits et de la sécurité

internationale, menant de ce fait à l'implacable constat d'une Europe « irrelevant to the world's big

security problems »133. Plus inquiétantes encore ont été l'incapacité des États membres à trouver un

consensus pour l'adoption d'une position commune en termes de politique étrangère et la fuite en

avant entreprise par certains États européens sans le moindre embryon de concertation politique à

l'échelon supranational, l'Union européenne se retrouvant de facto coincée entre le manque de

cohésion interne et une incapacité à remédier à celle-ci par manque de leadership.

Si l'intervention militaire en Libye trouve effectivement sa source en Europe, c'est

principalement selon une approche stato-centrée que celle-ci a été gérée et elle n'a en aucun cas

dépendu d'une quelconque gestion européenne au sens communautaire du terme. La totale

incapacité de l'Union européenne à prendre des initiatives sur les sujets sensibles, qu'ils soient

d'ordre politique, diplomatique, militaire ou économique, pose également question et suscite de

nombreux doutes quant à la capacité de l'Union européenne à entreprendre elle-même les actions

nécessaires à une intégration plus approfondie de ses objectifs, institutions et modes de

fonctionnement. L'action de l'Union européenne dans le conflit libyen, outre le plan EUFOR Libye,

se sera donc résumée à de nombreuses déclarations et à un soutien « par les mots ».

Par ailleurs, et malgré le renouvellement stratégique de l'OTAN, il semble que les relations

entretenues entre les pays européens, l'Union européenne, l'Alliance atlantique et les États-Unis

soient plus ténues et plus complexes qu'il n'y paraît. En effet, bien que le tandem franco-britannique

ait été en première ligne d'un bout à l'autre de la gestion du conflit libyen, loin d'une relation de

coopération, c'est une relation de dépendance aux États-Unis qui a prévalu lors de ce conflit. Cette

dépendance s'est notamment exprimée au travers des importantes lacunes capacitaires des armées 132 Doug Bandow, op. cit.133 Charles Grant, directeur du Centre pour les réformes européennes, in Doug Bandow, op. cit.

43

européennes et de l'incapacité des Alliés européens à intervenir militairement dans un État somme

toute assez faible et peu armé sans le soutien massif du grand frère américain. À ce propos, Marco

Overhaus explique que « L'opération Unified Protector a révélé des lacunes dans les capacités

militaires d'une majorité des États membres. Seulement six alliés – en plus des États-Unis – ont pu

participer directement aux opérations de combat »134. Les dépenses opérationnelles de l'OTAN sont

à l'heure actuelle supportées à 77% par les États-Unis, alors qu'elles ne l'étaient qu'à 63% il y a dix

ans135. Les États européens ont par conséquent été incapables de se passer de la logistique de

l'OTAN (et donc des États-Unis) pour mener les opérations en Libye (ravitaillement, structures de

commandement, renseignements,...). Bien qu'il soit nécessaire de garder à l'esprit que les forces

militaires de nombreux pays européens étaient déjà divisées et réparties en plusieurs régions du

monde (Afghanistan, opération Atalante au large de la Somalie, Côte d'Ivoire,...), la Libye illustre

un flagrant manque de moyens militaires dans le chef des États européens, alors même que le

président Barack Obama souhaitait limiter autant que faire se peut l'implication des États-Unis dans

la résolution du conflit136.

Concernant le volet politique et diplomatique, notons aussi la difficulté du tandem franco-

britannique à mobiliser autant d'États pour l'opération en Libye que les États-Unis à la veille de

l'intervention en Afghanistan. La Libye a, à ce propos, démontré l'existence de « nouveaux

clivages » au sein de la communauté internationale137. Bien que la position défendue par les

puissances émergentes du BRIC ait été largement anticipée par les pays soutenant une intervention

en Libye, la tiédeur de l'Allemagne à toute prise de position vis-à-vis de ce conflit et son abstention

lors du vote de la résolution 1973 ont créé une sorte d'effroi parmi les pays de l'Alliance et ont

donné l'impression d'un certain « flou » dans les priorités stratégiques de la politique de défense et

de sécurité de Berlin138. Le soutien de l'Allemagne au plan EUFOR Libye n'aura malheureusement

pas réussi à effacer le souvenir de cette abstention et il semblerait que l'Allemagne risque désormais

de s'exposer à une « traversée du désert » en ce qui concerne les questions de défense et de sécurité

internationale et ses relations avec les autres États dans ce domaine.

Ensuite, l'intervention militaire en Libye a permis de mettre en lumière l'actuel

désenchantement global pour l'Europe de la défense. Celle-ci, si elle existe, semble aujourd'hui se

résumer aux accords de coopération franco-britannique. Ces deux pays sont en effet les seuls, à

l'heure actuelle, à disposer à la fois des capacités militaires et de la volonté politique nécessaires à la

134 Marco Overhaus, op. cit.135 Paul Ames, op. cit.136 Marco Overhaus, op. cit.137 Jean-Paul Perruche et Aurélien Seguin, op. cit.138 Daniel Göler et Mathias Jopp, L'Allemagne, la Libye et l'Union européenne, CAIRN, Politique étrangère, 2011

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mise sur pied d'un début de défense européenne (bien que le Royaume-Uni ait une approche

totalement différente de celle de la France). En outre, l'affaiblissement politique et diplomatique de

l'Allemagne résultant du cas libyen ne va probablement pas faciliter la relance de la politique

étrangère et de sécurité commune. Malgré les apparents remords d'Angela Merkel et le volte-face de

l'Allemagne au fil du déroulement des évènements139, les dégâts à sa réputation et à sa crédibilité en

tant que partenaire fiable dans le domaine de la sécurité et de la défense risquent en effet de porter

préjudice au projet de défense européenne, le tandem franco-britannique pouvant désormais

craindre de se retrouver coincé dans une intégration militaire avec une Allemagne ambivalente et

peu encline à l'interventionnisme et à l'ingérence.

Enfin, indépendamment du dysfonctionnement politique dont a fait preuve l'Union

européenne, l'intervention militaire en Libye a confirmé l'incapacité de la PSDC à jouer le même

rôle que l'OTAN d'un point de vue structurel et organisationnel dans la planification des opérations

militaires. Outre l'inexistence d'un QG de commandement européen permanent, les instruments dont

disposaient l'Union européenne (SEAE, état-major embryonnaire, cellule de gestion de crise, etc)

n'auraient probablement pas pu témoigner du même degré de maîtrise et d'expertise que le

Commandement allié des opérations (SHAPE). Cette réalité est d'ailleurs en partie à l'origine de la

répartition des tâches entre l'OTAN et l'Union européenne, celle-ci laissant à l'Alliance atlantique le

soin de mener la guerre et restant désormais cantonnée à l'aide humanitaire (aide aux réfugiés et

reconstruction), ce qui a conforté la Haute Représentante Catherine Ashton dans son entreprise de

transformation des quelques instruments de gestion militaire dont elle dispose en instruments de

gestion humanitaire140. La PSDC n'est pas une priorité aux yeux de la Haute Représentante141, mais

cette orientation européenne est lourde de conséquences car elle risque d'enterrer définitivement

l'idée d'une « Europe puissance », celle-ci ne pouvant se réaliser sans une politique de défense forte

et de réelles capacités de coercition armée.

Cette situation doit forcément nous amener à nous questionner sur la capacité de l'Union

européenne à assumer les objectifs fixés par la Stratégie Européenne de Sécurité (SES). Le cas

libyen démontre en effet à merveille le fossé existant entre les objectifs que s'est fixés l'Union

européenne dans la promotion et l'exportation de ses valeurs (démocratie, droits de l'homme, État de

droit, justice sociale...) et ses réelles capacités à les atteindre142. Au-delà de la simple déclaration

d'intention, l'Union européenne a donc été incapable de mettre fin à un conflit régional dans son

voisinage immédiat.139 Jean Quatremer, Libye : l'honneur perdu d'Angela Merkel, Coulisses de Bruxelles, 19 mars 2011140 Jean Quatremer, L'Allemagne coule l'Europe de la défense en Libye, Coulisses de Bruxelles, 27 mars 2011141 Paul Ames, op. cit.142 Sven Biscop, The EU and the European Security Strategy : Forging a Global Europe, Bruxelles, 2007

45

● Chapitre 2 : Une stratégie à réinventer

Il va de soi que les enseignements que nous avons retirés lors de notre analyse du cas libyen

ne peuvent pas simplement faire l'état d'une constatation. L'objectif de cette analyse est également

de franchir une étape supplémentaire en ouvrant le débat sur l'Europe de la défense et en suggérant

diverses pistes de réflexion pour la résolution des nombreux dysfonctionnements et carences que

l'intervention militaire en Libye a permis d'exposer au grand jour. La question de fond qui se pose à

travers notre réflexion est donc : « À l'aune des enseignements du conflit libyen, quels sont les

moyens de relancer l'Europe de la défense ? ». À cette question, il nous semble que trois pistes de

réflexion doivent être envisagées : le débat autour de la place de l'Union européenne dans le monde

en tant que puissance militaire et/ou civile, la nécessité de mutualiser les capacités militaires des

États européens et de tendre vers une plus grande coopération économique dans ce domaine et,

enfin, les relations entretenues entre l'Union européenne et les États-Unis dans le cadre de l'OTAN.

▪ L'Europe puissance et la double fracture entre volonté et capacités

Face à l'évidente inexistence d'une Europe de la défense effective et efficiente, il semble

désormais primordial d'entamer un véritable débat de fond à l'échelle européenne sur la place que

l'Union européenne veut et doit occuper dans le monde. Il est en effet indispensable de mettre fin à

la confusion qui règne autour de la finalité du projet européen car une défense européenne ne peut

se construire que sur des bases communautaires solides et une aspiration du continent à devenir une

puissance mondiale autre qu'économique. À l'heure actuelle, il semble par conséquent exister une

double fracture à ce sujet :

– La première tient de l'inadéquation entre la volonté de l'Union européenne à s'imposer en

tant qu'acteur international et sa répugnance à recourir au « hard power » comme instrument

de politique étrangère, pourtant toujours considérée comme nécessaire au 21ème siècle.

– La seconde fracture se situe entre le manque de volonté politique des États membres de

donner à l'Union européenne les moyens de ses ambitions (dû à la crainte justifiée d'une

perte de souveraineté dans le chef de ces États) et le potentiel européen bien réel.

En résumé, on pourrait dire que sur la question de puissance mondiale, l'Union européenne

« veut » mais « ne peut pas » ; alors que sur la question d'une défense intégrée, les États membres

« peuvent » mais « ne veulent pas ». Bien que cette affirmation doive être nuancée, elle permet de

rendre compte du carcan dans lequel semble aujourd'hui se trouver la défense européenne,

conséquence de ce rapport de force avec l'Union européenne mais également entre les États

membres eux-mêmes, et met en lumière le lien d'interdépendance intrinsèque à ces deux enjeux.

46

Pourtant, si nous voulons que l'Europe puisse continuer à jouer un rôle sur la scène

internationale dans les prochaines années, il lui faudra se résoudre à mettre fin à cette double

fracture. D'une part, en adoptant les attributs de puissance qui caractérisent aujourd'hui des États

comme la Russie, les États-Unis ou la Chine, à savoir la mise en place d'une force militaire intégrée

et capable de prendre ses responsabilités dans la conduite des affaires internationales de l'Union

européenne et, d'autre part, en encourageant les États membres à se diriger vers une conception

davantage communautaire de la défense. Face à la difficulté de la tâche, ce processus passera

inévitablement par un renforcement de la politique étrangère de l'Union européenne qui ne peut se

réaliser qu'avec une volonté politique forte de la part de ses États membres. Il semble impératif pour

l'Union de parler d'une seule voix143 et de formuler une vision commune « fondée sur la définition

d'intérêts partagés »144. Le cas libyen est à cet égard la parfaite illustration de la difficulté pour les

États membres de produire une volonté commune et donc de donner à l'Union européenne les

moyens de réagir rapidement et avec efficacité aux crises. Selon l'analyste Maxime Lefebvre, cette

volonté commune ne pourra se réaliser que par une « convergence renforcée des volontés nationales

à travers une concertation plus systématique entre les grands pays »145.

Il semble également que le conflit libyen a permis de mettre en lumière les différences de

vue nationales sur ce que devrait être la coopération militaire en Europe, et qu'il existe actuellement

une trop grande disparité entre les conceptions des États membres de l'Union européenne à l'égard

de la défense en Europe146. Cette situation a notamment conduit un pays comme la France,

historiquement pro-européenne et en faveur d'une Europe de la défense, vers une coopération

militaire avec le Royaume-Uni, à défaut de mieux147. Au vu de la frilosité de ce dernier en termes de

défense européenne, la coopération franco-britannique pose question pour l'avenir et laisse présager

soit un abandon définitif d'un projet militaire européen intégré, soit une rupture de cette coopération

à moyen ou long terme. Cette coopération bilatérale fait en tout cas craindre un éloignement du

projet d'Europe de la défense, et rend la stratégie française difficilement compréhensible au regard

de cet objectif qui semble pourtant lui tenir à cœur. En effet, depuis l'annonce (en 2007) de son

retour dans le commandement intégré de l'OTAN et avec la mise sur place de la coopération franco-

britannique, les États membres de l'Union européenne s'interrogent sur les objectifs poursuivis par

la France148. Malgré son discours, il semble peu probable que cette réintégration dans l'Alliance

143 Jean-Paul Perruche et Aurélien Seguin, op. cit.144 Maxime Lefebvre, op. cit.145 Ibid.146 Daniel Göler et Mathias Jopp, op. cit.147 Frederico Santopinto, La France et l'Europe de la défense : deux énigmes, GRIP, Bruxelles, 28 mars 2011148 Ibid.

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atlantique facilite la relance du débat sur l'Europe de la défense. Il paraît également peu souhaitable

que l'accord bilatéral franco-britannique soit ouvert à d'autres États149 et divise encore plus

profondément l'Europe sur la question de la défense.

Dans ce contexte, l'Allemagne pourrait faire office d'échappatoire pour la France. En effet,

Berlin est également en faveur d'une intégration militaire européenne sur le long terme, ce qui

correspondrait davantage à la vision française150. Néanmoins, cela nécessiterait également un débat

approfondi dans le pays pour clarifier la ligne stratégique de l'Allemagne dans le domaine de la

sécurité et de la défense. Sans cette clarification, il y a de fortes chances que l'axe franco-

britannique reste privilégié par la France car, au regard de la récente expérience libyenne, celle-ci

pourrait craindre un immobilisme allemand au moment où il sera question de prendre des décisions

et d'intervenir militairement dans des conflits régionaux. Tant que l'Allemagne ne procède pas à une

remise en question de sa position non-interventionniste et à une révision du rôle du Bundestag

concernant la marge de manœuvre du gouvernement en termes d'interventions militaires151, la

situation ne risque pas de changer à court terme. L'option franco-allemande pour un projet

d'intégration militaire en Europe pourrait cependant regagner en attractivité dans les prochaines

années, face à la frilosité britannique concernant la défense européenne et une fois que les efforts de

l'Union européenne ne seront plus intégralement mobilisés par l'actuelle crise économique.

En outre, dans un monde où l'utilisation du « hard power » semble incontournable, l'Europe

ne peut pas se contenter d'être une puissance normative mais doit aussi se développer sur le pilier

militaire dans une optique d' « Europe puissance ». Selon la distinction opérée par Robert Kagan,

présentant une Europe issue de Vénus (soft power152) et des États-Unis issus de Mars (hard

power153), l'Union européenne serait en quelque sorte « condamnée » à l'impuissance suite à son

incapacité à recourir à la puissance armée154. Cette théorie est fortement critiquable mais elle trouve

pourtant écho dans le cas libyen. En privilégiant, par la voix de sa Haute Représentante Catherine

Ashton, une intervention humanitaire en Libye, l'Union européenne s'est davantage présentée

comme une puissance normative155. Cette observation se confirme également aujourd'hui dans le

soutien européen à la consolidation de l'État et des institutions libyennes. Bien qu'il soit nécessaire

d'éviter les généralisations à partir du cas libyen, il semble que l'Union européenne se conforte de

plus en plus dans le rôle de puissance civile où il faut néanmoins lui reconnaître de l'expérience.149 Frederico Santopinto, op. cit.150 Daniel Göler et Mathias Jopp, op. cit.151 Ibid.152 Soft power : actions et influence diplomatiques, soutien économique, conditionnalité, édiction de normes, etc.153 Hard power : utilisation de la force armée, interventions militaires, embargos, sanctions, etc.154 Robert Kagan, Of Paradise and Power : America and Europe in the New World Order, 2003 155 Maxime Lefebvre, op. cit.

48

Il est pourtant nécessaire que l'Union européenne s'appuie désormais sur les deux types de

puissance, à savoir puissance militaire et puissances normative. À cet égard le président français

Nicolas Sarkozy faisait notamment remarquer que « l'Europe ne peut pas être un nain en termes de

défense et un géant dans le domaine économique ». Face au constat libyen, la Stratégie Européenne

de Sécurité, bien qu'elle repose en théorie sur ces deux types de puissance156, ne semble plus refléter

avec justesse la logique actuellement en vigueur au sein de l'Union européenne. Pourtant, une

doctrine politique qui se baserait concrètement sur un équilibre militaro-civil et une volonté

assumée d'utiliser à la fois les outils de « hard power » et de « soft power » semble être une

condition préalable à tout projet d'intégration militaire en Europe. L'Union européenne aurait

d'ailleurs tout à y gagner car cela constituerait également une valeur ajoutée au modèle européen

vis-à-vis des États-Unis157. Il nous semble par conséquent essentiel que l'Union européenne

conserve son expertise de gestion civile des crises mais développe concomitamment sa capacité de

gestion militaire158, sans hésiter à mobiliser cette dernière lorsque la nature des évènements l'exige

et que la communauté internationale l'autorise.

▪ De la nécessité d'atteindre une convergence capacitaire en termes de défense

Ensuite, le deuxième défi est d'ordre économique. Comme nous l'avons vu précédemment,

l'intervention militaire en Libye a révélé de nombreuses lacunes capacitaires de la part des États

européens. Dans le contexte actuel, les cures d'austérité imposées un peu partout en Europe suite à

la crise économique ne vont pas arranger les choses car elles touchent directement aux budgets

alloués aux armées européennes et contribuent ainsi à une diminution des capacités militaires de

l'Union européenne dans son ensemble. Mais, comme le précise l'amiral Édouard Guillaud, « un

outil de défense ne peut se concevoir simplement comme un potentiel en devenir : il est ou il n'est

pas à un moment donné »159, d'où la nécessité d'investir massivement pour conserver voire améliorer

les capacités militaires européennes.

Face à l'impossibilité d'augmenter les investissements pécuniaires dans la défense, la seule

solution possible pour atteindre cet objectif se trouve dans la mutualisation et la rationalisation des

moyens militaires en Europe. Sur base du modèle européen du « pooling and sharing » et du

156 Maxime Lefebvre, Comment mieux affirmer la diplomatie européenne ?, Fondation Robert Schuman, Question d'Europe, n° 202, 18 avril 2011157 Patrik Pawlak, Preventing Conflict, Managing Crisis - From Protecting to Rebuilding - The EU's Role in Libya, Center for Transatlantic Relations, Washington, 2011158 Maxime Lefebvre, op. cit.159 Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Audition de l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 (n°3775), Compte rendu n°2, Paris, 5 octobre 2011.

49

modèle atlantiste de « smart defence », il est désormais nécessaire de poursuivre l'effort de

convergence des capacités militaires européennes, que ce soit par la mise en commun des budgets

nationaux, la spécialisation des armées, l'intensification de la coopération en termes d'équipements,

de recherche et d'investissements ou encore par le développement d'une réelle politique industrielle

de défense à l'échelle européenne. Cette nécessité est reconnue par le secrétaire général de l'OTAN

Anders Fogh Rasmussen ainsi que par la Haute Représentante Catherine Ashton qui, constatant les

obligations de s'adapter à la conjoncture actuelle et l'intérêt d'éviter les surcoûts en favorisant le

partage et les économies d'échelle160, semblent acquis au principe de « faire plus avec moins »161.

Cependant, même si la plupart des ministres de la Défense en Europe se disent favorables au

modèle de « pooling and sharing », cela semble plus difficile dans la pratique, notamment à cause

du caractère politiquement sensible de ce débat. En effet, ce modèle implique la mutualisation des

capacités et une spécialisation de chaque État dans des domaines militaires particuliers, ce qui peut

par conséquent se traduire par une interdépendance accrue et donc une perte d'autonomie et de

souveraineté de l'État en question dans la conduite de sa politique nationale de sécurité et de

défense162. Pourtant, des mises en commun et des mutualisations de capacités existent déjà entre

certains pays européens et semblent fonctionner, comme par exemple la coopération entre la

Belgique et les Pays-Bas pour la mise en commun de leurs ressources navales ou encore la

coopération entre la France et le Royaume-Uni concernant les transports militaires terrestres et

aériens. Malgré cela, le processus de « pooling and sharing » est encore peu développé à l'échelle

de l'Union européenne et semble progresser assez lentement163.

Cette coopération doit également s'attacher à une « mutualisation accrue des moyens »164

dans les politiques industrielles de défense, notamment dans le cadre de l'Agence européenne de

défense (AED), actuellement peu exploitée par les États. Une convergence approfondie des

capacités militaires européennes reste pourtant incontournable et constitue une condition sine qua

non pour le développement d'une capacité d'intervention européenne autonome (ce qui n'a pas été le

cas en Libye) et, à terme, pour la mise en place d'une défense européenne intégrée. Ainsi, comme

résumé par l'analyse Maxime Lefebvre, l'avenir de la défense européenne repose sur trois principes :

plus de mutualisation, plus de volonté, plus de vision commune165.

160 Paul Ames, op. cit.161 Alex Tiersky, Nato's Libya Test, Turkish Policy, novembre 2011.162 Xavier Deneys, The Spirit of Ghent you said ?, Belgisch Militair Tijdschrift : Stabilisatie van het effectief, n°2,

Defensie, Bruxelles, juin 2011, p. 44163 Paul Ames, op. cit.164 Maxime Lefebvre, op. cit.165 Ibid.

50

▪ L'évolution du partenariat euro-atlantique : une interdépendance complexe

Enfin, le conflit libyen a également démontré la nécessité de revoir les relations entretenues

avec l'OTAN et en particulier avec les États-Unis. La nouvelle posture stratégique de ces derniers

doit nous pousser à réinventer le mode de coopération au sein de l'Alliance atlantique par une

implication croissante de l'Europe au fur et à mesure du désengagement des États-Unis et du partage

de leur rôle de « gardiens » de la sécurité internationale166. Nul doute qu'un partage accru des tâches

avec l'OTAN et un investissement plus important de l'Union européenne dans la gestion de sa

propre défense sera bénéfique pour l'ensemble des alliés occidentaux, conférant davantage

d'indépendance aux uns et réduisant les coûts supportés par les autres. Désormais, il nous faut donc

rénover en profondeur le rôle de l'OTAN, sans pour autant que cela porte préjudice à la coopération

militaire parmi les alliés que de nombreux États européens considèrent encore comme la « sécurité

ultime » du continent167.

Cette nouvelle conception des relations euro-atlantiques va par conséquent devoir s'appuyer

sur un versant européen plus solide168. Au vu de l'actuelle dépendance structurelle et opérationnelle

de la PSDC à l'égard de l'OTAN pour l'exécution de ses missions (notamment dans le cadre des

accords de Berlin Plus)169, il sera urgent de fournir à l'Union européenne des instruments170

suffisamment efficaces pour qu'elle puisse, à l'instar de l'OTAN, planifier elle-même les réponses à

apporter aux différentes menaces sécuritaires et ainsi résoudre son « déficit stratégique » en termes

d'anticipation et de réactivité aux crises171.

Enfin, les modifications profondes dans le paysage stratégique international nécessitent une

révision des systèmes d'alliance politique et diplomatique européens172. Cette révision serait

l'opportunité pour l'Union européenne d'envisager un rapprochement avec la Russie et de rétablir de

cette manière un certain équilibre et un modèle plus symétrique dans ses relations diplomatiques.

Une meilleure entente et une coopération accrue avec la Russie pourraient s'avérer extrêmement

bénéfiques pour l'équilibre mondial et permettraient peut-être d'éviter certains blocages tel que celui

que nous connaissons aujourd'hui sur la question syrienne. 166 Olivier Kempf, Troisièmes leçons, Études Géopolitiques Européennes et Atlantiques, septembre 2011167 Maxime Lefebvre, op. cit.168 Olivier Kempf, OTAN en Libye, un Berlin plus qui ne dit pas son nom : carences des européens, Études Géopolitiques Européennes et Atlantiques, mai 2011.169 Raphaëlle Khan, The Libyan Operation and Europe's Role in Defence and Security. Institute for Defence studies & analysis (IDSA), décembre 2011170 Notons à ce sujet que le Traité de Lisbonne a créé une plateforme de crise au sein du SEAE en vue d' « améliorer la capacité européenne de réaction aux crises ». Il s'agit donc d'un instrument d'assistance à la décision au service de la Haute Représentante Catherine Ashton.171 Jean-Paul Perruche et Aurélien Seguin, op. cit.172 Ibid.

51

● Chapitre 3 : De l'intégration militaire en Europe : avancée, recul ou statu quo ?

L'une des grandes questions que pose aujourd'hui le cas libyen est de savoir si finalement,

l'ingérence des États occidentaux dans ce conflit aura été une source d'avancée et de progrès pour

l'Europe de la défense ou, au contraire, présage d'un statu quo ou d'un recul dans les perspectives

d'intégration de défense en Europe.

La question n'est pas simple et il semble difficile de pouvoir y répondre de manière

univoque. Tout d'abord, le caractère récent de ces évènements fait en sorte qu'il est à l'heure actuelle

très hasardeux et presque impossible de calculer avec certitude l'impact que le conflit libyen aura eu

sur les perspectives d'évolution de la défense européenne. Tout au plus pouvons-nous essayer

d'estimer approximativement les retombées de celui-ci sur les différentes perceptions des acteurs

concernés. Ensuite, le fait est que les enseignements que nous avons tirés de la crise libyenne

recouvrent de nombreux domaines et qu'il est donc ardu d'évaluer l'impact de celle-ci dans son

ensemble sans isoler ces différents domaines. Néanmoins, il est possible de brosser les traits

généraux qu'implique l'intervention militaire en Libye pour l'Europe de la défense.

Premièrement, sur le plan politique, il semble que certains États européens en soient

ressortis avec une vision plus claire du modèle de défense qu'ils souhaitent pour l'avenir. Entre

coopération atlantique et intégration européenne, de nombreux États membres ont compris qu'il

existait une multitude d'intermédiaires et qu'il était possible, malgré les divisions idéologiques et

pratiques, de trouver certaines bases de coopération pour le lancement d'interventions militaires

multilatérales de grande envergure. Par ailleurs, cette prise de conscience constitue probablement un

tournant dans la manière dont l'Europe appréhende l'utilisation de la force armée sur la scène

internationale et l'utilité d'investir dans un tel potentiel.

Ensuite, sur le plan diplomatique, nous avons assisté à des modifications profondes

concernant les positions stratégiques de certaines puissances, notamment des États-Unis et leur

éloignement progressif. Cette nouvelle réalité met les Européens au pied du mur et va peu à peu les

contraindre à réinventer les relations entretenues avec les autres puissances mondiales. Les frictions

qui ont résulté de la crise libyenne entre certains États membres, notamment l'Allemagne,

apparaissent comme une opportunité unique pour entamer un débat quant à la place de l'Union

européenne sur la scène internationale et la manière dont celle-ci compte gérer les prochaines crises

sécuritaires à l'avenir.

52

Enfin, sur le plan militaire, l'opération en Libye a montré que la mise en commun des

capacités de défense est non seulement possible mais également souhaitable en ce sens qu'elle

permet une efficacité accrue et à moindre coût. Il en résulte également une appréciation nouvelle de

l'intérêt de mener des opérations inter-armées et d'encourager l'interopérabilité des différentes forces

militaires nationales dans le cadre d'une intervention armée internationale.

Globalement, l'expérience libyenne a donc mené les Européens « un peu plus loin »173 dans

le débat sur la coopération militaire. Sans être sûrs que cela débouchera sur un débat ouvert quant à

la nécessité ou non d'organiser une Europe de la défense sur le modèle d'intégration, nous pouvons

néanmoins espérer que le cas libyen aura permis une prise de conscience des Européens quant à

l'urgence de réfléchir à l'avenir et aux perspectives d'évolution de la défense en Europe. À cet égard,

certains considèrent que la crise libyenne illustre la « mort de l'Europe de la défense » alors que

d'autres y voient davantage une raison d'espérer174 et une occasion unique de relancer ce projet

ambitieux et essentiel. À ce sujet, l'amiral français Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées

lors de l'intervention militaire en Libye, prend clairement parti pour la deuxième option et attend le

réveil des États de l'Union en faveur d'une Europe de la défense, ce qu'il appelle de tous ses vœux :

« le printemps européen ».

173 Raphaëlle Khan, op. cit.174 Jean-Paul Perruche et Aurélien Seguin, op. cit.

53

Conclusion

54

u fil de ce travail, nous avons essayé de tirer divers enseignements pour l'Europe de

la défense à partir d'un cas pratique, et d'avancer ensuite plusieurs pistes de

réflexion pour poursuivre un débat qui nous semble nécessaire. En effet, face à la mondialisation et

aux mutations que celle-ci entraîne, il devient impératif de repenser le modèle de la défense

européenne car un statu quo dans ce domaine serait à la fois néfaste et dangereux pour la crédibilité

et l'indépendance de l'Union européenne sur la scène internationale. Si celle-ci ne se remet pas très

vite en question et ne prend pas les mesures nécessaires à un renouvellement de son

fonctionnement, elle s'expose (à l'instar de l'intervention en Libye) à rater une nouvelle fois le

rendez-vous, au risque d'orienter définitivement l'Europe vers un inéluctable déclin de puissance et

une relégation en seconde position dans le jeu des puissances mondiales.

Arrivés au terme de notre réflexion, nous n'avons bien évidemment pas la prétention de

penser que l'intervention militaire en Libye puisse, à elle seule, dresser un portrait global et exact de

l'état de la coopération militaire en Europe et encore moins prédire avec certitude l'évolution et la

forme que celle-ci prendra dans les années à venir. Malgré sa valeur illustrative, le conflit libyen ne

permet en effet qu'une lecture extrêmement limitée des nombreux rapports de force qui interfèrent

dans les différentes perspectives de coopération militaire. Ces limites relèvent tout d'abord du

facteur temporel, le cas libyen ayant été un évènement très limité dans le temps à l'échelle de

l'évolution des orientations politiques nationales et de l'état des relations internationales. Elles

relèvent ensuite de la nature même du conflit, celle-ci ayant un impact non-négligeable sur le

nombre et la qualité des acteurs impliqués ainsi que sur les différentes voies de développement

possibles pour ce conflit. Il est également à noter que les évènements en Libye se sont inscrits dans

un phénomène d'ampleur bien plus importante qui, malgré l'impossibilité d'en traiter lors de ce

travail, doit également être pris en compte pour la compréhension de l'intervention militaire.

Néanmoins, les enseignements que nous avons pu mettre en lumière au fil de notre réflexion

nous rappellent plus que jamais l'urgence d'entamer sans tabou, sans a priori et sans réserve le débat

sur l'Europe de la défense. Il est indéniable que la crise libyenne a été une occasion manquée pour

l'Union européenne, mais il convient désormais de transformer cette occasion ratée en opportunité

et de tirer avantage du constat d'échec de l'Europe dans la résolution de ce conflit. À cet égard, il

n'existe pas de fatum pour les perspectives d'évolution vers une Europe de la défense et il nous

semble que ce serait une grave erreur de ne pas prendre toute la mesure de la valeur instructive du

cas libyen.

55

En ces temps incertains où le monde et les rapports de force qui régulaient autrefois un

équilibre mondial relativement stable entre les puissances suivent une évolution aussi imminente

qu'inéluctable, les crises à répétition que nous connaissons actuellement en Europe constituent une

opportunité sans précédent pour relancer le débat sur l'état, la place et l'avenir de l'Europe de la

défense. De la clarification du projet européen dépendra l'avenir de la défense européenne et des

armées nationales. Gageons qu'à l'heure actuelle, avec la crise mondiale que nous connaissons, les

frustrations et les remises en question ne vont pas faciliter le processus d'intégration, mais elles

peuvent cependant constituer l'opportunité tant attendue pour enfin jouer cartes sur table et clarifier

prestement l'« Europe puissance » que l'on veut et donc l'Europe de la défense qu'il nous faut.

Malgré les limites évidentes de ce travail et d'un point de vue plus personnel, nous espérons

que notre analyse a pu autant informer sur le déroulement de l'intervention militaire en Libye que

susciter une réflexion personnelle chez le lecteur. Comme nous l'avons souligné au début de ce

travail, notre objectif n'est pas d'imposer ici une vision péremptoire et immuable du débat sur

l'Europe de la défense, mais davantage de permettre à tout un chacun de s'informer, d'acquérir les

outils de compréhension nécessaires, de développer sa propre lecture et, en définitive, de se faire sa

propre opinion sur le sujet. Selon nous, c'est à partir de la diffusion des connaissances, du

développement des opinions personnelles et de la confrontation des idées que le débat sur la

coopération militaire en Europe pourra avancer et qu'il sera, un jour peut-être, possible d'envisager

une relance de ce projet vaste, ambitieux et tellement nécessaire que constitue à nos yeux l'Europe

de la défense.

56

Bibliographie

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64

Annexes

65

• Annexe 1 : Dates importantes dans le conflit libyen

13 janvier 2011 Premières manifestations contre le régime.15 février 2011 Amplification des manifestations et premières répressions violentes.18 février 2011 Début de l'insurrection armée.22 février 2011 Suspension par l'UE des négociations en cours sur l'accord-cadre UE-Libye

et de tous les contrats de coopération26 février 2011 Résolution 1970 du Conseil de sécurité des Nations unies, visant à mettre en

place un embargo sur les armes et les munitions à destination de la Libye ainsi que le gel des avoirs du régime (opération "Unified Protector").

27 février 2011 Création à Benghazi d'un Conseil national de transition (CNT)28 février 2011 Le Conseil de l'UE interdit la fourniture d'armements, de munitions et de

matériels connexes à destination de la Libye. Premiers déploiements de navires de guerre américains.

10 mars 2011 Le Président français Nicolas Sarkozy reconnaît le Conseil national de transition (CNT) comme seul interlocuteur valable de la Libye.

11 mars 2011 Le Président français Nicolas Sarkozy, soutenu par le Royaume-Uni, demande à ce que l'UE soutienne une zone d'exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen (refus allemand et isolement de la France).

12-17 mars 2011 Bataille diplomatique du Président français Nicolas Sarkozy et de son Ministre des Affaires étrangères Alain Juppé pour l'adoption d'une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, soutenus par le Royaume-Uni, le Liban, ainsi que les États-Unis.

17 mars 2011 Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, visant à instaurer une zone d'exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen. Abstention de l'Allemagne, du Brésil, de la Chine, de l'Inde et de la Russie mais aucune opposition. La France, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, le Danemark, l'Espagne, la Belgique, la Norvège, la Grèce, la Pologne et le Qatar annoncent leur intention de participer à l'application de la résolution.

18 mars 2011 Le régime libyen annonce un cessez-le-feu ainsi que la fermeture de son espace aérien, en vue de se conformer à la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies.

19 mars 2011 Sommet de Paris pour le soutien au peuple libyen et lancement des premières opérations aériennes françaises. Jusqu'au 4 avril, participation massive des États-Unis et du Royaume-Uni pour la suppression des défenses aériennes libyennes.

24 mars 2011 Les Émirats Arabes Unis annoncent leur participation à l'intervention.29 mars 2011 Conférence de Londres (organisée par France et le Royaume-Uni) des

ministres des Affaires étrangères et dirigeants des Nations unies, de l'UE, de l'OTAN, de la Ligue arabe et de l'OCI pour créer un Groupe de contact sur la Libye, dans le but d'assurer la gouvernance politique de l'intervention militaire en Libye ainsi que la mise en œuvre des résolutions 1970 et 1973.

31 mars 2011 L'OTAN prend le commandement des opérations aériennes internationales,

66

dans le cadre de l'opération "Unified Protector" sous la responsabilité commandant en chef désigné, le lieutenant-général Charles Bouchard (Canada).

1er avril 2011 Le Conseil de l'UE adopte une décision prévoyant l'opération EUFOR Libye dans le cadre de la PSDC (mais dont l'exécution est conditionnée à l'accord du BCAH)

7 avril 2011 La Suède décide de participer à l'intervention militaire.22 mai 2011 Visite de la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères

Catherine Ashton à Benghazi et inauguration du bureau de liaison technique de l'Union européenne. Confirmation du soutien européen au peuple libyen.

16 septembre 2011 L'Assemblée géénrale des Nations unies reconnaît le CNT.20 septembre 2011 L'UA reconnaît le CNT.

31 octobre 2011 Fin officielle de l'intervention militaire de l'OTAN en Libye.10 novembre 2011 Fin officielle de l'opération « EUFOR Libye » (non-déployée).15 décembre 2011 La Commission européenne adopte un paquet "assistance à la Libye" pour

soutenir la stabilisation et le processus de transition du pays.

• Annexe 2 : Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies - 17 mars 2011

Voir page 68

• Annexe 3 : Décision du Conseil de l'Union européenne relative à une opération

militaire de l'Union européenne, à l'appui d'opérations d'aide humanitaire en réponse

à la situation de crise en Libye (opération EUFOR Libye) – 1er avril 2011.

Voir page 77

67

Nations Unies S/RES/1973 (2011)

Conseil de sécurité Distr. générale 17 mars 2011

11-26840 (F) *1126840*

Résolution 1973 (2011)

Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6498e séance, le 17 mars 2011

Le Conseil de sécurité,

Rappelant sa résolution 1970 (2011) du 26 février 2011,

Déplorant que les autorités libyennes ne respectent pas la résolution 1970 (2011),

Se déclarant vivement préoccupé par la détérioration de la situation, l’escalade de la violence et les lourdes pertes civiles,

Rappelant la responsabilité qui incombe aux autorités libyennes de protéger la population libyenne et réaffirmant qu’il incombe au premier chef aux parties à tout conflit armé de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la protection des civils,

Condamnant la violation flagrante et systématique des droits de l’homme, y compris les détentions arbitraires, disparitions forcées, tortures et exécutions sommaires,

Condamnant également les actes de violence et d’intimidation que les autorités libyennes commettent contre les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé et engageant vivement celles-ci à respecter les obligations mises à leur charge par le droit international humanitaire, comme indiqué dans la résolution 1738 (2006),

Considérant que les attaques généralisées et systématiques actuellement commises en Jamahiriya arabe libyenne contre la population civile peuvent constituer des crimes contre l’humanité,

Rappelant le paragraphe 26 de la résolution 1970 (2011) dans lequel il s’est déclaré prêt à envisager de prendre d’autres mesures pertinentes, si nécessaire, pour faciliter et appuyer le retour des organismes d’aide humanitaire et rendre accessible en Jamahiriya arabe libyenne une aide humanitaire et une aide connexe,

Se déclarant résolu à assurer la protection des civils et des secteurs où vivent des civils, et à assurer l’acheminement sans obstacle ni contretemps de l’aide humanitaire et la sécurité du personnel humanitaire,

S/RES/1973 (2011)

11-268402

Rappelant que la Ligue des États arabes, l’Union africaine et le Secrétaire général de l’Organisation de la Conférence islamique ont condamné les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui ont été et continuent d’être commises en Jamahiriya arabe libyenne,

Prenant note du communiqué final de l’Organisation de la Conférence islamique en date du 8 mars 2011 et du communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en date du 10 mars 2011 portant création d’un comité ad hoc de haut niveau sur la Libye,

Prenant note également de la décision du Conseil de la Ligue des États arabes, en date du 12 mars 2011, de demander l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne contre l’armée de l’air libyenne et de créer des zones protégées dans les secteurs exposés aux bombardements à titre de précaution pour assurer la protection du peuple libyen et des étrangers résidant en Jamahiriya arabe libyenne,

Prenant note en outre de l’appel à un cessez-le-feu immédiat lancé par le Secrétaire général le 16 mars 2011,

Rappelant sa décision de saisir le Procureur de la Cour pénale internationale de la situation en Jamahiriya arabe libyenne depuis le 15 février 2011 et soulignant que les auteurs d’attaques, y compris aériennes et navales, dirigées contre la population civile, ou leurs complices doivent répondre de leurs actes,

Se déclarant à nouveau préoccupé par le sort tragique des réfugiés et des travailleurs étrangers forcés de fuir la violence en Jamahiriya arabe libyenne, se félicitant que les États voisins, en particulier la Tunisie et l’Égypte, aient répondu aux besoins de ces réfugiés et travailleurs étrangers, et demandant à la communauté internationale d’appuyer ces efforts,

Déplorant que les autorités libyennes continuent d’employer des mercenaires,

Considérant que l’interdiction de tous vols dans l’espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne est importante pour assurer la protection des civils et la sécurité des opérations d’assistance humanitaire et décisive pour faire cesser les hostilités en Jamahiriya arabe libyenne,

Inquiet également pour la sécurité des étrangers en Jamahiriya arabe libyenne et pour leurs droits,

Se félicitant que le Secrétaire général ait nommé M. Abdel-Elah Mohamed Al-Khatib Envoyé spécial en Libye et soutenant ses efforts pour apporter une solution durable et pacifique à la crise en Jamahiriya arabe libyenne,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Jamahiriya arabe libyenne,

Constatant que la situation en Jamahiriya arabe libyenne reste une menace pour la paix et la sécurité internationales,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1. Exige un cessez-le-feu immédiat et la cessation totale des violences et de toutes les attaques et exactions contre la population civile;

2. Souligne qu’il faut redoubler d’efforts pour apporter une solution à la crise, qui satisfasse les revendications légitimes du peuple libyen, et note que le

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Secrétaire général a demandé à son Envoyé spécial de se rendre en Jamahiriya arabe libyenne et que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a décidé d’envoyer son Comité ad hoc de haut niveau sur la Libye sur place pour faciliter un dialogue qui débouche sur les réformes politiques nécessaires à un règlement pacifique et durable;

3. Exige des autorités libyennes qu’elles respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, y compris le droit international humanitaire, du droit des droits de l’homme et du droit des réfugiés, et prenne toutes les mesures pour protéger les civils et satisfaire leurs besoins élémentaires, et pour garantir l’acheminement sans obstacle ni contretemps de l’aide humanitaire;

Protection civile

4. Autorise les États Membres qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet et agissent à titre national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements régionaux et en coopération avec le Secrétaire général, à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen, et prie les États Membres concernés d’informer immédiatement le Secrétaire général des mesures qu’ils auront prises en vertu des pouvoirs qu’ils tirent du présent paragraphe et qui seront immédiatement portées à l’attention du Conseil de sécurité;

5. Mesure l’importance du rôle que joue la Ligue des États arabes dans le maintien de la paix et de la sécurité régionales et, gardant à l’esprit le Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, prie les États Membres qui appartiennent à la Ligue de coopérer avec les autres États Membres à l’application du paragraphe 4;

Zone d’exclusion aérienne

6. Décide d’interdire tous vols dans l’espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne afin d’aider à protéger les civils;

7. Décide également que l’interdiction imposée au paragraphe 6 ne s’appliquera pas aux vols dont le seul objectif est d’ordre humanitaire, comme l’acheminement d’une assistance, notamment de fournitures médicales, de denrées alimentaires, de travailleurs humanitaires et d’aide connexe, ou la facilitation de cet acheminement, ou encore l’évacuation d’étrangers de la Jamahiriya arabe libyenne, qu’elle ne s’appliquera pas non plus aux vols autorisés par les paragraphes 4 ci-dessus ou 8 ci-dessous ni à d’autres vols assurés par des États agissant en vertu de l’autorisation accordée au paragraphe 8 dont on estime qu’ils sont dans l’intérêt du peuple libyen et que ces vols seront assurés en coordination avec tout mécanisme établi en application du paragraphe 8;

8. Autorise les États Membres qui ont adressé aux Secrétaires généraux de l’Organisation des Nations Unies et de la Ligue des États arabes une notification à cet effet, agissant à titre national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements régionaux, à prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter l’interdiction de vol imposée au paragraphe 6 ci-dessus et demande aux États concernés, en coopération avec la Ligue des États arabes, de procéder en étroite

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coordination avec le Secrétaire général s’agissant des mesures qu’ils prennent pour appliquer cette interdiction, notamment en créant un mécanisme approprié de mise en œuvre des dispositions des paragraphes 6 et 7 ci-dessus;

9. Appelle tous les États Membres agissant à titre national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements régionaux à fournir une assistance, notamment pour toute autorisation de survol nécessaire, en vue de l’application des paragraphes 4, 6, 7 et 8 ci-dessus;

10. Prie les États Membres concernés de coordonner étroitement leur action entre eux et avec le Secrétaire général s’agissant des mesures qu’ils prennent pour mettre en œuvre les paragraphes 4, 6, 7 et 8 ci-dessus, notamment les mesures pratiques de suivi et d’approbation de vols humanitaires ou d’évacuation autorisés;

11. Décide que les États Membres concernés devront informer immédiatement le Secrétaire général et le Secrétaire général de la Ligue des États arabes des mesures prises en vertu des pouvoirs qu’ils tirent du paragraphe 8 ci-dessus et notamment soumettre un concept d’opérations;

12. Prie le Secrétaire général de l’informer immédiatement de toute mesure prise par les États Membres concernés en vertu des pouvoirs qu’ils tirent du paragraphe 8 ci-dessus et de lui faire rapport dans les sept jours et puis tous les mois sur la mise en œuvre de la présente résolution, notamment pour ce qui est de toute violation de l’interdiction de vol imposée au paragraphe 6 ci-dessus;

Application de l’embargo sur les armes

13. Décide que le paragraphe 11 de la résolution 1970 (2011) sera remplacé par le paragraphe suivant :

« Demande à tous les États Membres, en particulier aux États de la région, agissant à titre national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements régionaux, afin de garantir la stricte application de l’embargo sur les armes établi par les paragraphes 9 et 10 de la résolution 1970 (2011), de faire inspecter sur leur territoire, y compris dans leurs ports maritimes et aéroports et en haute mer, les navires et aéronefs en provenance ou à destination de la Jamahiriya arabe libyenne, si l’État concerné dispose d’informations autorisant raisonnablement à penser qu’il y a à bord des articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont interdits par les paragraphes 9 ou 10 de la résolution 1970 (2011), telle que modifiée par la présente résolution, y compris des mercenaires armés, prie tous les États de pavillon ou d’immatriculation de ces navires et aéronefs de coopérer à toutes inspections et autorise les États Membres à prendre toutes mesures dictées par la situation existante pour procéder à ces inspections »;

14. Prie les États Membres qui prennent des mesures en haute mer par application du paragraphe 13 ci-dessus de coordonner étroitement leur action entre eux et avec le Secrétaire général et prie également les États concernés d’informer immédiatement le Secrétaire général et le Comité créé conformément au paragraphe 24 de la résolution 1970 (2011) (« le Comité ») des mesures prises en vertu des pouvoirs conférés par le paragraphe 13 ci-dessus;

15. Demande à tout État Membre qui procède à titre national ou dans le cadre d’un organisme ou d’un arrangement régional à une inspection, en application du

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511-26840

paragraphe 13 ci-dessus, de présenter au Comité, par écrit et sans délai, un rapport initial exposant en particulier les motifs de l’inspection et les résultats de celle-ci et indiquant s’il y a eu coopération ou non et, si des articles dont le transfert est interdit ont été découverts, demande également audit État Membre de présenter par écrit au Comité, à une étape ultérieure, un rapport écrit donnant des précisions sur l’inspection, la saisie et la neutralisation, ainsi que des précisions sur le transfert, notamment une description des articles en question, leur origine et leur destination prévue, si ces informations ne figurent pas dans le rapport initial;

16. Déplore les flux continus de mercenaires qui arrivent en Jamahiriya arabe libyenne et appelle tous les États Membres à respecter strictement les obligations mises à leur charge par le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011) afin d’empêcher la fourniture de mercenaires armés à la Jamahiriya arabe libyenne;

Interdiction des vols

17. Décide que tous les États interdiront à tout aéronef enregistré en Jamahiriya arabe libyenne, appartenant à toute personne ou compagnie libyenne ou exploité par elle, de décoller de leur territoire, de le survoler ou d’y atterrir, à moins que le vol ait été approuvé par avance par le Comité ou en cas d’atterrissage d’urgence;

18. Décide que tous les États interdiront à tout aéronef de décoller de leur territoire, d’y atterrir ou de le survoler s’ils disposent d’informations autorisant raisonnablement à penser qu’il y a à bord des articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont interdits par les paragraphes 9 ou 10 de la résolution 1970 (2011), telle que modifiée par la présente résolution, y compris des mercenaires armés, sauf en cas d’atterrissage d’urgence;

Gel des avoirs

19. Décide que le gel des avoirs imposé aux paragraphes 17, 19, 20 et 21 de la résolution 1970 (2011) s’appliquera aux fonds, autres avoirs financiers ou ressources économiques se trouvant sur le territoire des États Membres, qui sont détenus ou contrôlés, directement ou indirectement, par les autorités libyennes, désignées comme telles par le Comité, ou par des personnes ou entités agissant pour leur compte ou sous leurs ordres, ou par des entités détenues ou contrôlées par elles et désignées comme telles par le Comité, et décide également que tous les États devront veiller à empêcher leurs nationaux ou toute personne ou entité se trouvant sur leur territoire de mettre des fonds, autres avoirs financiers ou ressources économiques à la disposition des autorités libyennes, désignées comme telles par le Comité, des personnes ou entités agissant pour leur compte ou sous leurs ordres, ou des entités détenues ou contrôlées par elles et désignées comme telles par le Comité, ou d’en permettre l’utilisation à leur profit et demande au Comité de désigner ces autorités, personnes et entités dans un délai de 30 jours à dater de l’adoption de la présente résolution et ensuite selon qu’il y aura lieu;

20. Se déclare résolu à veiller à ce que les avoirs gelés en application du paragraphe 17 de la résolution 1970 (2011) soient à une étape ultérieure, dès que possible, mis à la disposition du peuple de la Jamahiriya arabe libyenne et utilisés à son profit;

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21. Décide que tous les États exigeront de leurs nationaux, des personnes relevant de leur juridiction et des sociétés créées sur leur territoire ou relevant de leur juridiction de faire preuve de vigilance dans leurs échanges avec des entités créées en Jamahiriya arabe libyenne ou relevant de la juridiction de ce pays, ou avec toute personne ou entité agissant pour son compte ou sous ses ordres, et avec des entités détenues ou contrôlées par elle si ces États ont des raisons de penser que de tels échanges peuvent contribuer à la violence ou à l’emploi de la force contre les civils;

Désignation

22. Décide que les personnes désignées à l’annexe I tombent sous le coup de l’interdiction de voyager imposée aux paragraphes 15 et 16 de la résolution 1970 (2011) et décide également que les personnes et entités désignées à l’annexe II sont visées par le gel des avoirs imposé aux paragraphes 17, 19, 20 et 21 de la résolution 1970 (2011);

23. Décide que les mesures prévues aux paragraphes 15, 16, 17, 19, 20 et 21 de la résolution 1970 (2011) s’appliqueront aussi à toutes personnes et entités dont le Conseil ou le Comité ont établi qu’elles ont violé les dispositions de la résolution 1970 (2011), en particulier ses paragraphes 9 et 10, ou qu’elles ont aidé d’autres à les violer;

Groupe d’experts

24. Prie le Secrétaire général de créer, pour une période initiale d’un an, en consultation avec le Comité, un groupe de huit experts au maximum (le « Groupe d’experts ») qui sera placé sous la direction du Comité et s’acquittera des tâches suivantes :

a) Aider le Comité à s’acquitter de son mandat, tel que défini au paragraphe 24 de la résolution 1970 (2011) et de la présente résolution;

b) Réunir, examiner et analyser toutes informations provenant des États, d’organismes des Nations Unies compétents, d’organisations régionales et d’autres parties intéressées concernant l’application des mesures édictées dans la résolution 1970 (2011) et dans la présente résolution, en particulier les violations de leurs dispositions;

c) Faire des recommandations sur les décisions que le Conseil, le Comité ou les États pourraient envisager de prendre pour améliorer l’application des mesures pertinentes;

d) Remettre au Conseil un rapport d’activité au plus tard 90 jours après sa création, et lui remettre un rapport final comportant ses conclusions et recommandations au plus tard 30 jours avant la fin de son mandat;

25. Engage instamment tous les États, les organismes compétents des Nations Unies et les autres parties intéressées à coopérer pleinement avec le Comité et le Groupe d’experts, notamment en leur communiquant toutes informations qu’ils détiendraient sur l’application des mesures édictées par la résolution 1970 (2011) et par la présente résolution, en particulier sur les violations de leurs dispositions;

26. Décide que le mandat du Comité, tel que défini au paragraphe 24 de la résolution 1970 (2011), s’étendra aux mesures prévues par la présente résolution;

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27. Décide que tous les États, y compris la Jamahiriya arabe libyenne, prendront les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune action ne soit introduite à l’initiative des autorités libyennes ou de toute personne ou entité de la Jamahiriya arabe libyenne ou de toute personne déclarant agir par leur intermédiaire ou pour leur compte en relation avec tout contrat ou autre transaction dont la réalisation aura été affectée par suite des mesures imposées par sa résolution 1970 (2011), par la présente résolution ou par des résolutions connexes;

28. Réaffirme qu’il entend continuer de suivre les agissements des autorités libyennes et souligne qu’il est disposé à revoir à tout moment les mesures imposées par la présente résolution et par la résolution 1970 (2011), y compris à les renforcer, les suspendre ou les lever, selon que les autorités libyennes respecteront les dispositions de la présente résolution et de la résolution 1970 (2011);

29. Décide de rester activement saisi de la question.

DÉCISIONS

DÉCISION 2011/210/PESC DU CONSEIL

du 1 er avril 2011

relative à une opération militaire de l'Union européenne à l'appui d'opérations d'aide humanitaire en réponse à la situation de crise en Libye (opération EUFOR Libye)

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur l'Union européenne, et notamment son article 28 et son article 43, paragraphe 2,

vu la proposition du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,

considérant ce qui suit:

(1) Dans sa résolution concernant la paix et la sécurité en Afrique, adoptée le 26 février 2011 [résolution 1970 (2001)], le Conseil de sécurité des Nations unies (Conseil de sécurité) s'est déclaré gravement préoccupé par la situation en Libye et a condamné la violence et l'usage de la force contre des civils. Le Conseil de sécurité a également demandé à tous les États membres des Nations unies de rendre accessibles en Libye une aide humanitaire et une aide connexe.

(2) Dans sa résolution sur la situation en Libye, adoptée le 17 mars 2011 [résolution 1973 (2011)], le Conseil de sécurité a rappelé sa résolution 1970 (2011) et s'est déclaré résolu à assurer la protection des populations et zones civiles et à assurer l'acheminement sans obstacle ni contretemps de l'aide humanitaire et la sécurité du personnel humanitaire. Il s'est également félicité que les États voisins, en particulier la Tunisie et l'Égypte, aient répondu aux besoins des réfugiés et travailleurs étrangers, et a demandé à la communauté internationale d'appuyer ces efforts.

(3) Le Conseil de sécurité a par ailleurs autorisé les États membres qui ont adressé au secrétaire général des Nations unies une notification à cet effet, agissant à titre national ou dans le cadre d'organismes ou d'accords régionaux et en coopération avec lui et les États membres de la Ligue des États arabes, à prendre toutes mesures nécessaires pour protéger les populations et zones civiles menacées d'attaque en Libye, tout en excluant le déploie­ment d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du terri­toire libyen.

(4) Dans ses conclusions du 21 mars 2011, le Conseil s'est déclaré préoccupé par la situation en Libye et a condamné les violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme, la violence et la répression brutale perpétrées par le régime contre le peuple libyen. Il s'est félicité de l'adoption de la résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité des Nations unies et a souligné que l'Union était déterminée à participer à sa mise en œuvre et à agir collectivement et résolument à cet effet, avec l'ensemble des partenaires internationaux, notamment la Ligue des États arabes et d'autres acteurs régionaux. Il a confirmé que le but principal de l'Union était de protéger la population civile et de contribuer à ce que le peuple libyen puisse réaliser ses aspirations à une société démo­cratique.

Le Conseil a également indiqué que l'Union était prête à fournir un appui à l'aide humanitaire par un soutien relevant de la politique de sécurité et de défense commune, en réponse à la demande formulée par le bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (BCAH) et sous la coordination des Nations unies.

(5) Le 24 mars 2011, le Conseil a approuvé un concept de gestion de crise en réaction à la crise en Libye. Une planification plus étendue devrait se concentrer sur l'appui à l'aide humanitaire. En particulier, l'opération n'aura pas d'impact sur la neutralité ou sur l'impartialité des acteurs humanitaires. Toute décision de lancer l'opération doit être précédée d'une demande du BCAH et doit être prise à la lumière d'une évaluation actuelle du risque et de la menace.

(6) Une coordination étroite et des consultations avec les gouvernements égyptien et tunisien se mettent en place afin d'assurer leur accord sur une présence militaire éven­tuelle de l'Union dans leurs pays respectifs.

(7) Il convient que le Comité politique et de sécurité (COPS) exerce le contrôle politique de l'opération militaire de l'Union, sous la responsabilité du Conseil et du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (haut représentant), fournisse la direction stratégique et prenne les décisions appropriées, conformément à l'article 38, troisième alinéa, du traité sur l'Union européenne (TUE).

FR 5.4.2011 Journal officiel de l’Union européenne L 89/17

(8) Il est nécessaire que des accords internationaux concer­nant la participation d'États tiers aux opérations de l'Union et le statut des forces et du personnel de l'Union soient négociés et conclus.

(9) Il convient que les dépenses opérationnelles afférentes à la présente décision, qui a des implications militaires ou dans le domaine de la défense, soient à la charge des États membres, en application de l'article 41, paragraphe 2, du TUE et conformément à la décision 2008/975/PESC du Conseil du 18 décembre 2008 créant un mécanisme de gestion du financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense («ATHENA») ( 1 ).

(10) L'article 28, paragraphe 1, du TUE autorise le Conseil à adopter des décisions fixant les moyens à mettre à la disposition de l'Union. Le montant de référence finan­cière, couvrant une première période de quatre mois, pour les coûts communs de l'opération militaire de l'Union européenne, constitue la meilleure estimation actuelle et ne préjuge pas les chiffres définitifs à incor­porer dans un budget devant être approuvé conformé­ment aux règles énoncées dans ATHENA.

(11) Conformément à l'article 5 du protocole sur la position du Danemark annexé au TUE et au traité sur le fonction­nement de l'Union européenne (TFUE), le Danemark ne participe pas à l'élaboration et à la mise en œuvre des décisions et actions de l'Union qui ont des implications en matière de défense. Le Danemark ne contribue donc pas au financement de la présente opération,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Mission

1. S'appuyant sur les mandats figurant dans les résolutions 1970 et 1973 (2011) du Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union mène, si une telle opération est demandée par le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (BCAH) et dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, une opération militaire, ci-après dénommée EUFOR Libye, afin de fournir un appui à l'aide humanitaire dans la région. L'opération se conforme pleinement aux directives sur l'utilisation des ressources de l'armée et de la protection civile dans le cadre d'opérations d'aide humanitaire d'urgence complexes menées par les Nations unies, ainsi qu'aux directives sur l'utilisation de ressources de l'armée étrangère à l'appui d'opérations humanitaires dans le contexte de la crise actuelle en Afrique du Nord [Guidance on the use of Foreign Military Assets to Support Humanitarian Operations in the Context of the Current Crisis in North Africa].

2. À l'appui de cet objectif politique, l'opération EUFOR Libye, sur demande du BCAH et dans le plein respect des direc­tives visées au paragraphe 1:

— contribue à assurer la sécurité des déplacements et de l'évacuation des personnes déplacées,

— apporte son appui aux agences humanitaires dans leurs acti­vités à l'aide de moyens spécifiques.

Article 2

Nomination du commandant de l'opération de l'Union européenne

Le vice-amiral Claudio GAUDIOSI est nommé commandant de l'opération de l'Union européenne EUFOR Libye.

Article 3

Désignation de l'état-major de l'opération de l'Union européenne

L'état-major opérationnel d'EUFOR Libye est situé à Rome.

Article 4

Planification et lancement de l'opération

La décision de lancer l'opération militaire de l'Union européenne est adoptée par le Conseil, à la lumière d'une évaluation actuelle du risque et de la menace, à la suite de l'approbation du plan d'opération et des règles d'engagement.

Article 5

Contrôle politique et direction stratégique

1. Sous la responsabilité du Conseil et du haut représentant, le COPS exerce le contrôle politique et la direction stratégique d'EUFOR Libye. Le Conseil autorise le COPS à prendre les déci­sions appropriées, conformément à l'article 38, troisième alinéa, du TUE. Cette autorisation inclut la compétence de modifier les documents de planification, y compris le plan d'opération, la chaîne de commandement et les règles d'engagement. Elle inclut également la compétence de prendre des décisions concernant la nomination du commandant de l'opération de l'Union euro­péenne et du commandant de la force de l'Union européenne. Le pouvoir de décision concernant les objectifs et la fin d'EUFOR Libye demeure de la compétence du Conseil.

2. Le COPS rend compte au Conseil à intervalles réguliers.

3. Le COPS reçoit, à intervalles réguliers, des rapports du président du comité militaire de l'Union européenne (CMUE) en ce qui concerne la conduite d'EUFOR Libye. Le COPS peut, s'il y a lieu, inviter le commandant de l'opération de l'Union européenne ou le commandant de la force de l'Union euro­péenne à ses réunions.

Article 6

Direction militaire

1. Le CMUE assure le suivi de la bonne exécution d'EUFOR Libye conduite sous la responsabilité du commandant de l'opération de l'Union européenne.

2. Le CMUE reçoit, à intervalles réguliers, des rapports du commandant de l'opération de l'Union européenne. Il peut, s'il y a lieu, l'inviter ou inviter le commandant de la force de l'Union européenne à ses réunions.

FR L 89/18 Journal officiel de l’Union européenne 5.4.2011

( 1 ) JO L 345 du 23.12.2008, p. 96.

3. Le président du CMUE fait office de point de contact principal avec le commandant de l'opération de l'Union euro­péenne.

Article 7

Mise en œuvre et cohérence de la réponse de l'Union

1. Le haut représentant assure la mise en œuvre de la présente décision et veille à sa cohérence avec l'action extérieure de l'Union dans son ensemble, y compris avec les activités de l'Union dans le domaine de l'aide humanitaire.

2. Le commandant de l'opération de l'Union européenne assiste le haut représentant dans la mise en œuvre de la présente décision.

Article 8

Coopération avec d'autres acteurs

1. L'opération est planifiée et conduite en collaboration étroite et en complémentarité avec le BCAH, qui coordonne la réponse humanitaire globale, l'Organisation du traité de l'Atlan­tique Nord et d'autres acteurs.

2. EUFOR Libye coopère étroitement avec le ou les coordina­teurs désignés des Nations unies, ainsi qu'avec le ou les coor­dinateurs désignés de la Ligue des États arabes et avec ses États membres.

3. Des consultations sont menées avec l'Union africaine, s'il y a lieu.

Article 9

Participation d'États tiers

1. Sans préjudice de l'autonomie décisionnelle de l'Union et du cadre institutionnel unique, et conformément aux orienta­tions pertinentes du Conseil européen, les États tiers, et notam­ment les États membres de la Ligue des États arabes, peuvent être invités à participer à l'opération.

2. Le Conseil autorise le COPS à inviter des États tiers à proposer des contributions et à prendre, sur recommandation du commandant de l'opération de l'Union européenne et du CMUE, les décisions appropriées concernant l'acceptation des contributions proposées.

3. Les modalités précises de la participation d'États tiers font l'objet d'accords conclus en application de l'article 37 du TUE et conformément à la procédure prévue à l'article 218 du TFUE. Si l'Union et un État tiers ont conclu un accord établissant un cadre pour la participation de ce dernier à des opérations de gestion de crise menées par l'Union, les dispositions de cet accord s'appliquent dans le cadre de la présente opération.

4. Les États tiers qui apportent des contributions militaires importantes à EUFOR Libye ont les mêmes droits et obligations que les États membres participant à l'opération pour ce qui concerne la gestion courante de celle-ci.

5. Le Conseil autorise le COPS à prendre les décisions appro­priées concernant la mise en place d'un comité des contribu­teurs, au cas où des États tiers apporteraient des contributions militaires importantes.

Article 10

Statut des forces et du personnel placés sous la direction de l'Union

Le statut des forces et du personnel placés sous la direction de l'Union, y compris les privilèges, immunités et autres garanties nécessaires à l'accomplissement et au bon déroulement de leur mission, peut faire l'objet d'accords conclus en application de l'article 37 du TUE et conformément à la procédure prévue à l'article 218, paragraphe 3, du TFUE.

Article 11

Dispositions financières

1. Les coûts communs d'EUFOR Libye sont gérés conformé­ment à la décision 2008/975/PESC.

2. Le montant de référence financière pour les coûts communs d'EUFOR Libye s'élève à 7 900 000 EUR. Le pourcen­tage du montant de référence visé à l'article 25, paragraphe 1, de la décision 2008/975/PESC est fixé à 30 %.

Article 12

Communication d'informations à des tiers

1. Le haut représentant est autorisé à communiquer à l'Union africaine, à l'Égypte, à la Ligue des États arabes, à la Tunisie et aux Nations unies, ainsi qu'à d'autres parties tierces associées à la présente décision des informations et des documents classifiés de l'Union établis aux fins d'EUFOR Libye jusqu'au niveau de classification approprié pour chacune d'elles et conformément au règlement de sécurité du Conseil ( 1 ).

2. Le haut représentant est autorisé à communiquer à l'Union africaine, à l'Égypte, à la Ligue des États arabes, à la Tunisie et aux Nations unies, ainsi qu'à d'autres parties tierces associées à la présente décision des documents non classifiés de l'Union concernant les délibérations du Conseil relatives à l'EUFOR Libye qui relèvent du secret professionnel, conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement intérieur du Conseil ( 2 ).

Article 13

Entrée en vigueur et fin

1. La présente décision entre en vigueur le jour de son adop­tion.

2. EUFOR Libye prend fin au plus tard quatre mois après avoir atteint la capacité opérationnelle initiale, sauf si le Conseil en décide autrement.

FR 5.4.2011 Journal officiel de l’Union européenne L 89/19

( 1 ) Décision 2001/264/CE du Conseil du 19 mars 2001 adoptant le règlement de sécurité du Conseil (JO L 101 du 11.4.2001, p. 1).

( 2 ) Décision 2009/937/UE du Conseil du 1 er décembre 2009 portant adoption de son règlement intérieur (JO L 325 du 11.12.2009, p. 35).

3. La présente décision est abrogée à compter de la dernière des dates de fermeture de l'état-major de l'opération de l'Union européenne ou de l'état-major de la force, conformément aux plans approuvés pour la fin d'EUFOR Libye, et sans préjudice des procédures pertinentes concernant la vérification et la reddition de ses comptes, telles qu'établies dans la décision 2008/975/PESC.

Fait à Bruxelles, le 1 er avril 2011.

Par le Conseil Le président

MARTONYI J.

FR L 89/20 Journal officiel de l’Union européenne 5.4.2011