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Maturation génitale des varans du nil mâles (Varanus niloticus) dans trois populations du Sahel Vivian de Buffrénil, Jacques Castanet et Frédérique Rimblot Résumé : La maturation sexuelle des varans mâles, sujet très peu documenté jusqu’ici en dépit de l’exploitation massive de ces animaux, est étudiée sur un échantillon de 211 Varans du Nil (Varanus niloticus) originaires du Tchad (lac Tchad), du Mali (delta central du Niger) et du Nigeria (marais de Hadejia-N’Guru). La longueur museau–cloaque (LC) des individus s’étend de 15,6 à 85,5 cm. Après l’étude morphométrique des varans, leurs testicules ont été prélevés, pesés à ±0,01 g et préparés pour examen histologique. L’âge de chaque individu a été estimé par la technique squelettochronologique. Les testicules des varans de moins de 36 cm LC (animaux du Mali) ou de 40 cm LC (animaux du Tchad et du Nigeria) ne contiennent généralement pas de spermatozoïdes à maturité, à l’inverse de ceux des individus de taille supérieure. Dès l’âge de 18 mois (1,5 ans), la majorité des varans du Mali possèdent des spermatozoïdes à maturité, ce qui n’est réalisé chez les animaux du Tchad et du Nigeria qu’à l’âge de 30 mois (2,5 ans). On en conclut que la maturité sexuelle des varans du Nil mâles est atteinte à la taille de 36 à 40 cm et à l’âge de 1,5 à 2,5 ans, selon les populations. La croissance de la masse testiculaire en fonction de la longueur LC indique avec précision la taille à la maturité sexuelle et confirme la précocité des varans maliens. En revanche, la masse testiculaire dépend peu de l’âge. Ces résultats sont discutés en référence, notamment, à l’hypothèse d’une accommodation des populations de varans à l’exploitation intensive qu’elles subissent, par le recrutement précoce des reproducteurs. Abstract: Genital maturation of male monitor lizards, a subject poorly documented up to now in spite of the heavy exploitation of these animals, was studied on a sample of 211 Nile monitors (Varanus niloticus) from Chad (Lake Chad), Mali (central delta of the Niger), and Nigeria (Hadejia-N’Guru wetlands). Snout–vent lengths (LC) in the sample ranged from 15.6 to 85.5 cm. After a morphometric study of the monitors, their testes were sampled, weighed at ±0.01 g and fixed for histology. The age of each specimen was estimated by skeletochronology. The testes of monitors less than 36 cm LC (Malian specimens) or 40 cm LC (Chadian and Nigerian individuals) do not contain mature spermatozoa, whereas the testes of larger specimens do. Most Malian monitors aged 18 months (1.5 years) have mature spermatozoa. Conversely, in Chadian and Nigerian individuals, mature gametes appear only in specimens aged 30 months (2.5 years). These data indicate that genital maturity in the Nile monitor is reached at 36–40 cm LC and 1.5–2.5 years according to the populations. The growth in mass of the testes, compared with LC, is an accurate indicator of body size at sexual maturity, and confirms the precocity of Malian specimens. Conversely, testis growth is poorly related to age. These results are discussed with reference to the possible accommodation of Nile monitor populations to heavy exploitation by means of precocious recruitment of the male breeding stock. de Buffrénil et al. 232 Introduction Le Varan du Nil, Varanus niloticus, figure parmi les tétrapodes terrestres les plus exploités en Afrique (notamment dans la zone soudano-tropicale), pour des mo- tifs alimentaires, industriels et commerciaux (de Buffrénil 1993; Yeboah 1993; Lenz 1995). Toutefois, en dépit de ces destructions, les aspects les plus élémentaires de la biologie de ce lézard demeurent très mal connus, ce qui empêche l’établissement de plans de gestion rationnels et fait courir à l’espèce le risque d’une surexploitation. Les informations quantitatives fiables sur la biologie de la reproduction des Varans du Nil, qu’il s’agisse d’individus sauvages ou captifs, sont extrêmement lacunaires (entre autres, Horn et Visser 1989, 1997). En ce qui concerne les mâles, les seules données précises sont relatives à la chronologie du cycle génital d’individus peuplant la région de Thiès, au Sénégal (Cissé 1973, 1976). La spermatogenèse commence à la fin de la saison sèche (avril) et se déroule durant toute la saison des pluies (juin à octobre). La masse testiculaire augmente alors, pour culminer durant les derniers mois de la saison humide (septembre, octobre). La saison sèche (décembre à mai) est marquée par l’entrée des varans en diapause, par l’arrêt de l’activité testiculaire et par la régression de la masse de ces glandes (réduite, en janvier, à 15% de son niveau le plus élevé). La taille et l’âge moyens Can. J. Zool. 77: 222–232 (1999) © 1999 NRC Canada 222 Reçu le 21 avril 1998. Accepté le 14 octobre 1998. V. de Buffrénil. 1 Unité de recherche associée n° 1137 du Centre national de la recherche scientifique, Laboratoire d’anatomie comparée, Muséum national d’histoire naturelle, 55, rue Buffon, F-75005 Paris, France. J. Castanet et F. Rimblot. Unité de recherche associée n° 1137 du Centre national de la recherche scientifique, équipe « Formations squelettiques », Laboratoire d’anatomie comparée, Université Paris VII, case 7077, 2, place Jussieu, 75251 Paris, Cédex 05, France. 1 Auteur correspondant.

Maturation génitale des varans du nil mâles ( Varanus niloticus ) dans trois populations du Sahel

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Maturation génitale des varans du nil mâles(Varanus niloticus) dans trois populations duSahel

Vivian de Buffrénil, Jacques Castanet et Frédérique Rimblot

Résumé: La maturation sexuelle des varans mâles, sujet très peu documenté jusqu’ici en dépit de l’exploitationmassive de ces animaux, est étudiée sur un échantillon de 211 Varans du Nil (Varanus niloticus) originaires du Tchad(lac Tchad), du Mali (delta central du Niger) et du Nigeria (marais de Hadejia-N’Guru). La longueur museau–cloaque(LC) des individus s’étend de 15,6 à 85,5 cm. Après l’étude morphométrique des varans, leurs testicules ont étéprélevés, pesés à ±0,01 g et préparés pour examen histologique. L’âge de chaque individu a été estimé par la techniquesquelettochronologique. Les testicules des varans de moins de 36 cm LC (animaux du Mali) ou de 40 cm LC (animauxdu Tchad et du Nigeria) ne contiennent généralement pas de spermatozoïdes à maturité, à l’inverse de ceux desindividus de taille supérieure. Dès l’âge de 18 mois (1,5 ans), la majorité des varans du Mali possèdent desspermatozoïdes à maturité, ce qui n’est réalisé chez les animaux du Tchad et du Nigeria qu’à l’âge de 30 mois (2,5ans). On en conclut que la maturité sexuelle des varans du Nil mâles est atteinte à la taille de 36 à 40 cm et à l’âgede 1,5 à 2,5 ans, selon les populations. La croissance de la masse testiculaire en fonction de la longueur LC indiqueavec précision la taille à la maturité sexuelle et confirme la précocité des varans maliens. En revanche, la massetesticulaire dépend peu de l’âge. Ces résultats sont discutés en référence, notamment, à l’hypothèse d’uneaccommodation des populations de varans à l’exploitation intensive qu’elles subissent, par le recrutement précoce desreproducteurs.

Abstract: Genital maturation of male monitor lizards, a subject poorly documented up to now in spite of the heavyexploitation of these animals, was studied on a sample of 211 Nile monitors (Varanus niloticus) from Chad (LakeChad), Mali (central delta of the Niger), and Nigeria (Hadejia-N’Guru wetlands). Snout–vent lengths (LC) in thesample ranged from 15.6 to 85.5 cm. After a morphometric study of the monitors, their testes were sampled, weighedat ±0.01 g and fixed for histology. The age of each specimen was estimated by skeletochronology. The testes ofmonitors less than 36 cm LC (Malian specimens) or 40 cm LC (Chadian and Nigerian individuals) do not containmature spermatozoa, whereas the testes of larger specimens do. Most Malian monitors aged 18 months (1.5 years) havemature spermatozoa. Conversely, in Chadian and Nigerian individuals, mature gametes appear only in specimens aged30 months (2.5 years). These data indicate that genital maturity in the Nile monitor is reached at 36–40 cm LC and1.5–2.5 years according to the populations. The growth in mass of the testes, compared with LC, is an accurateindicator of body size at sexual maturity, and confirms the precocity of Malian specimens. Conversely, testis growth ispoorly related to age. These results are discussed with reference to the possible accommodation of Nile monitorpopulations to heavy exploitation by means of precocious recruitment of the male breeding stock.

de Buffrénil et al.232

Introduction

Le Varan du Nil, Varanus niloticus, figure parmi lestétrapodes terrestres les plus exploités en Afrique(notamment dans la zone soudano-tropicale), pour des mo-tifs alimentaires, industriels et commerciaux (de Buffrénil1993; Yeboah 1993; Lenz 1995). Toutefois, en dépit de ces

destructions, les aspects les plus élémentaires de la biologiede ce lézard demeurent très mal connus, ce qui empêchel’établissement de plans de gestion rationnels et fait courir àl’espèce le risque d’une surexploitation.

Les informations quantitatives fiables sur la biologie de lareproduction des Varans du Nil, qu’il s’agisse d’individussauvages ou captifs, sont extrêmement lacunaires (entreautres, Horn et Visser 1989, 1997). En ce qui concerne lesmâles, les seules données précises sont relatives à lachronologie du cycle génital d’individus peuplant la régionde Thiès, au Sénégal (Cissé 1973, 1976). La spermatogenèsecommence à la fin de la saison sèche (avril) et se dérouledurant toute la saison des pluies (juin à octobre). La massetesticulaire augmente alors, pour culminer durant lesderniers mois de la saison humide (septembre, octobre). Lasaison sèche (décembre à mai) est marquée par l’entrée desvarans en diapause, par l’arrêt de l’activité testiculaire et parla régression de la masse de ces glandes (réduite, en janvier,à 15% de son niveau le plus élevé). La taille et l’âge moyens

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Reçu le 21 avril 1998. Accepté le 14 octobre 1998.

V. de Buffrénil. 1 Unité de recherche associée n° 1137 duCentre national de la recherche scientifique, Laboratoired’anatomie comparée, Muséum national d’histoire naturelle,55, rue Buffon, F-75005 Paris, France.J. Castanet et F. Rimblot.Unité de recherche associée n°1137 du Centre national de la recherche scientifique, équipe« Formations squelettiques », Laboratoire d’anatomiecomparée, Université Paris VII, case 7077, 2, place Jussieu,75251 Paris, Cédex 05, France.

1Auteur correspondant.

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auxquels les mâles deviennent capables de se reproduiresont inconnus.

Les connaissances relatives aux femelles sont un peu plusfournies. Les grandes étapes de l’ovogenèse sont parallèles àcelles de la spermatogenèse (Cissé 1976, 1980). Lesfemelles commencent à se reproduire à une taille réduite(34,2 cm du museau au cloaque; Lenz 1995), comparative-ment à leur potentiel de croissance, et montrent, dès cestade, une fécondité supérieure à la plupart des autresespèces de varans (Lenz 1995; voir aussi Branch 1991).

En l’absence de données plus précises, notamment sur labiologie de la reproduction des mâles, il semble impossibled’estimer l’impact de l’exploitation des varans sur la struc-ture et la dynamique de leurs populations, ni de gérercorrectement les stocks naturels de l’espèce.

Le présent article fournit des données quantitatives sur lamaturation génitale des mâles du Varan du Nil dans la zonesoudano-tropicale. Le cas des femelles sera abordé, sur unéchantillon biologique plus vaste, lors d’une étudeultérieure.

Matériel et méthodes

Échantillon biologiqueL’échantillon biologique total comprend 211 mâles duVaranus

niloticus niloticus(Mertens 1942). Ces animaux furent collectés aucours de quatre missions d’expertise sur l’état des populations del’espèce, commanditées par la CITES (Convention sur le com-merce international des espèces menacées d’extinction) et la FAO(Organisation des Nations Unies pour l’alimentation etl’agriculture). Tous les animaux composant l’échantillon ont étécapturés par les villageois africains, au cours de leurs opérationsordinaires de pêche aux varans (leV. niloticus est largementaquatique).

Trois populations de varans, réparties sur quatre échantillons,sont représentées ici : l’une originaire du Tchad, une autre du Maliet la troisième du Nigeria. La population originaire du Tchadconsiste en deux échantillons provenant de la zone centre-est dulac Tchad. Le premier, collecté autour de l’île de Garérom ennovembre et décembre 1996, comprend 27 mâles de 29,3 à81,7 cm museau–cloaque. Il est extrait d’un échantillon d’origineformé de 60 individus des deux sexes (sex ratio : 45% de mâles).Le second échantillon tchadien a été collecté en septembre etoctobre 1997 au voisinage de l’île de Koulfoua, proche (7–8 km)de Garaérom. Il comprend 70 mâles de 23,2 à 85,5 cm museau–cloaque, extraits d’un total de 170 animaux (sex ratio : 46% demâles). L’échantillon malien a été recueilli en octobre 1996 dans lazone du delta central du Niger, à proximité de la ville de Mopti.Soixante-cinq mâles de 15,6 à 70,8 cm museau–cloaque y sontreprésentés (sex ratio de l’échantillon total d’origine : 47,5% demâles). L’échantillon nigérian est formé de 49 mâles de 24,8 à67,5 cm museau–cloaque (sex ratio de l’échantillon d’origine :60,5% de mâles). Il provient de la zone de marais de Hadejia-N’Guru et a été collecté en décembre 1995. La carte de la figure 1montre l’origine géographique des échantillons.

Il est à noter que le second échantillon tchadien et l’échantillonmalien ont été collectés au milieu de la période d’activité desanimaux, alors que les individus du Nigeria et du premieréchantillon tchadien ont été recueillis en fin de période d’activité(Cissé 1976; de Buffrénil 1993).

La plupart des varans ont été piégés par les villageois au moyende gros hameçons de n° 4 (diamètre 2,5 cm environ) ou n° 5(diamètre 2 cm), appâtés au poisson ou à la grenouille. Ce mode decapture ne vise que les individus de plus de 30 cm museau–cloaque. Quelques varans de taille plus réduite ont été capturés à lamain.

Techniques d’étudeUne fois sacrifiés par les pêcheurs, les varans ont été pesés à

une précision variant de ± 1 à ± 100 g, selon leurmasse corporelle

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Fig. 1. Localisation des trois sites de capture des varans (flèches). Les sites tchadiens (TD) correspondent aux îles de Garaérom et deKoulfoua, sur le lac Tchad. Le site nigérian (NG) est localisé aux marais de Hadejia-N’Guru. Le site malien (ML) est situé au cœur dudelta central du Niger, près de Mopti.

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(MC), mesurés à ± 1 mm(longueur totale (LT); longueur museau–cloaque (LC)) et autopsiés. Les deux testicules de chaque individuont été prélevés, avec la partie de l’épididyme qui leur est accolée,et pesés (± 0,01 g). L’un d’eux a été fixé (formaldéhyde tamponnéà 10%) pour examen histologique. Ce dernier a porté sur 27individus, pris dans toutes les classes de taille, pour l’échantillondu Nigeria (55% de cet échantillon), 29 individus pourl’échantillon malien (45%) et 38 pour l’échantillon tchadien(40%). Les préparations histologiques de testicules ont consisté encoupes de 8µm d’épaisseur, colorées à l’hématoxyline–éosine ouau picro–indigo–carmin.

Les os d’un membre postérieur (fémur, tibia, fibula) ont étéprélevés sur chaque varan et conservés par séchage à l’air libre. Ilsont servi à déterminer l’âge individuel par le dénombrement desmarques de croissance cyclique du squelette, ou MCS (méthodesquelettochronologique; Castanet 1978). Les préparationseffectuées à cette fin (lames minces d’os sec de 100µmd’épaisseur et coupes d’os décalcifié de 15µm colorées parl’hématoxyline d’Ehrlich), de même que les méthodesd’observation (microscopie photonique) sont identiques à cellesemployées par de Buffrénil et al. (1994).

Le traitement statistique des données et les graphiques qui s’yrapportent ont été réalisés à l’aide du logiciel Prism (Graphpadéd.).

Résultats

Description et interprétation chronologique desmarques de croissance du squelette

La structure des marques de croissance squelettiquesobservées dans le fémur, le tibia et la fibula (fig. 2) corre-spond strictement à la description faite par de Buffrénil et al.(1994). La première marque formée (la plus profonde) est laligne néonatale, toujours dédoublée (fig. 2B). Elle limite unemince couche périmédullaire d’os avasculaire à fibresparallèles. Les marques de croissance cyclique proprementdites (fig. 2A) sont de minces couches concentriquesfortement biréfringentes (sur lames minces) ou plus chromo-philes que le reste de l’os, incluses dans un cortexpériostique bien vascularisé.

L’interprétation chronologique du dépôt des MCS sefonde dur les données actuellement connues sur l’histo-genèse de ces marques (Castanet et Smirina 1990; Castanetet al. 1993) et sur l’écologie du Varan du Nil en zone soudano-tropicale (Cissé 1973, 1976, 1980; de Buffrénil 1993; Lenz1995). On admet notamment que (i) la naissance des varansa lieu peu après le début de la saison des pluies, soit de lami-mai à la mi-juin. (ii ) Chaque année, une MCS est mise enplace lors de la phase de diapause des animaux (janvier àmi-mai, en général). Le milieu de cette phase correspond aumois de mars. Les marques de croissance sont donc datéesde ce mois. (iii ) La date de la mort (capture) des animauxs’étend de septembre à décembre et peut être fixée, enmoyenne, au mois de novembre. Sur ces bases, les estima-tions d’âge individuel fournies par les MCS peuvent êtredéfinies comme suit, avec une approximation de ± 2 mois :(i) absence de marque de croissance autre que la lignenéonatale, âge 6 mois; (ii ) présence d’une marque decroissance en plus de la néonatale, âge 18 mois; (iii ) chaquemarque de croissance déposée après la première MCSaugmente l’âge individuel de 12 mois.

Le schéma de la figure 3 résume l’interprétation chronolo-gique des marques de croissance adoptée dans cette étude.

Caractères histologiques des testiculesLes caractères histologiques généraux des testicules sont

conformes aux descriptions de Cissé (1976). Ils diffèrent peud’un échantillon à l’autre lorsque des individus de mêmetaille sont comparés. Chez les animaux de faible longueur(LC < 35 cm), les tubes séminifères présentent une lumièreréduite (voire même absente) et une épaisse paroiparenchymateuse. Les spermatides en voie de spermiogenèseet, a fortiori, les spermatozoïdes, font totalement défaut(fig. 4A). Chez les individus plus grands (LC > 36–40 cm),tous les stades de la spermatogenèse et de la spermiogenèsesont visibles. En outre, des amas plus ou moins abondantsde spermatozoïdes matures, sous la forme d’éléments libres,occupent la lumière des tubes séminifères et les canaliculesde l’épididyme (fig. 4B, 4C, 4D). Chez certains individus de

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Fig. 2. Aspect des marques de croissance du squelette. (A) Marques de croissance squelettiques (MCS) de la fibula en lumièrepolarisée (lame mince d’os sec). Cette coupe présente quatre MCS, en plus de la ligne néonatale. Barre d’échelle = 1 mm. (B) Lignenéonatale (NN). Barre d’échelle = 0,5 mm.

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longueur LC modérée (33 à 35 cm environ), des signes despermatogenèse sont décelables (spermatides ou spermato-zoïdes en cours de maturation), mais ne s’accompagnent pasde la présence de spermatozoïdes matures et libres dans lalumière des tubes séminifères. Il est à noter que les gonadesde la plupart des individus de grande taille, quel que soitl’échantillon dont ils proviennent et la date de leur capture,présentent des spermatozoïdes à maturité. Pour cette raison,les deux échantillons de la population du lac Tchad (qui nediffèrent que par la date des captures) ont été réunis.

Taille à la maturité génitaleLes animaux considérés ici comme matures sont ceux qui

présentent des spermatozoïdes libres dans la lumière destubes séminifères ou les canalicules de l’épididyme. Lesindividus qui en sont dépourvus sont tenus pour immatures.

Les graphiques de la figure 5 montrent la répartition desclasses de taille (avec un intervalle de classe de 4 cm) chezles individus matures et immatures de chacun deséchantillons. Chez les varans du Mali (fig. 5A), les testiculesde la plupart des individus (75 à 100%, selon les classes detaille) de longueur LC supérieure à 36 cm renferment desspermatozoïdes matures et libres. À l’inverse, les gonadesdes varans de moins de 36 cm LC en sont dépourvues, àl’exception d’un seul animal (de LC = 34,9 cm). La distinc-tion des stades de maturité et d’immaturité génitale par lalongueur du corps (LC) est donc ici très nette.

Dans l’échantillon nigérian, la quasi totalité (94%) desvarans de plus de 40 cm LC sont sexuellement matures(fig. 5B). Un seul spécimen (de LC = 44,2 cm) ne présentepas de signe de maturité génitale. Les gonades de cet animalmontrent cependant une prolifération anormale du tissuinterstitiel qui évoque une pathologie testiculaire. Tous lesanimaux du Nigeria de longueur LC inférieure ou égale à35,9 cm sont immatures. Parmi les deux mâles de longueurLC comprise entre 36 et 39,9 cm, un individu est mature etl’autre non.

Chez les varans du Tchad (fig. 5C), deux individus demoins de 40 cm LC (soit 12% de ces derniers) ont desspermatozoïdes matures et libres. Il s’agit d’animaux de 35,8et de 37,5 cm LC. Chez les varans de plus de 40 cm LC, laproportion d’individus matures varie, selon les classes detaille, de 86 à 100%.

On considère que, dans chaque échantillon, la classe detaille de plus petite valeur, et d’effectif supérieur à 1, danslaquelle la proportion d’individus matures excède 50%représente la taille des varans lors de leur accession à lamaturité génitale. Ainsi, les animaux du lac Tchad et desmarais de Hadejia-N’Guru seraient matures à une longueurLC minimale de 40 cm. Ceux du delta central du Nigerseraient un peu plus précoces et atteindraient la maturitégénitale dès 36 cm LC.

Âge à la maturité génitaleLes graphiques de la figure 6 montrent la répartition en

classes d’âge des individus matures et immatures, ainsi quela proportion de ces deux catégories dans chacune desclasses d’âge. Pour chaque échantillon, l’âge le plus réduitpour lequel la proportion de varans matures excède 50% esttenu pour l’âge d’accession à la maturité génitale.

Parmi les varans du Mali (fig. 6A), aucun individu demoins de 18 mois n’est mature. À l’inverse, 80% desanimaux de 18 mois et 100% des individus plus âgés le sont.Dans cette population, l’âge de 18 mois (1,5 ans) marquedonc l’accession de mâles à la maturité génitale.

Chez les varans du Nigeria (fig. 6B), les classes d’âge de6 et 18 mois ne comptent, respectivement, que 0 et 40%d’individus matures. Dans la classe d’âge de 30 mois, plusde 90% des varans ont atteint la maturité génitale. Cette pro-portion passe à 100% dans la classe d’âge de 42 mois. Lamaturité génitale est donc atteinte, dans cet échantillon, àl’âge de 30 mois, soit entre 1,5 et 2,5 ans. La situation esttrès similaire chez les varans tchadiens (fig. 6C). Dans cesdeux échantillons, l’âge d’accession des mâles à la maturitégénitale semble donc plus tardif que dans l’échantillonmalien. Cette conclusion est confirmée par la comparaison,au moyen du test exact de Fisher, de la classe d’âge de18 mois des échantillons tchadien et malien (l’effectif declasse est insuffisant pour ce test dans l’échantillon du Nige-ria) : P = 0,0123 (différence significative àα = 0,05).

Croissance de la masse testiculaire en fonction de lalongueur du corps et de l’âge

Chez les reptiles en général et les varans en particulier,l’augmentation saisonnière de la masse des testicules reflètedirectement leur activité spermatogénétique (pour les varans,

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de Buffrénil et al. 225

Fig. 3. Interprétation chronologique des MCS. Les animaux naissent, en moyenne, en mai–juin, ce qui correspond à la formation de laligne néonatale (NN). Ils sont capturés en novembre–décembre (croix). Les MCS se forment au cœur de la période de diapause(surface ombrée), soit en mars. L’âge d’un animal dont les os ne présentent que la ligne néonatale est estimé à 6 mois. Laprésenced’une MCS correspond à un âge estimé de 18 mois et celle de 2 MCS, à un âge de 30 mois. Chaque MCS supplémentaire ajoute12 mois à l’âge des varans.

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voir Cissé 1976; Auffenberg 1988, 1994). Afin de vérifier sil’augmentation de la masse des testicules, au cours de lacroissance, peut indiquer la taille et l’âge à la maturitégénitale chez le varan du Nil, la masse testiculaire a étécomparée à la longueur LC (fig. 7) et à l’âge (fig. 8).

La relation Mtest = f (LC) montre les mêmes tendancesdans les quatre échantillons. La masse testiculaire est trèsbasse (Mtest < 3 g) et évolue peu pour les longueurs LCinférieures à 35 cm environ. À l’inverse, elle augmente trèsrapidement chez les animaux de plus de 40 cm LC. La taillede 35 à 40 cm correspondrait donc à l’accession à lamaturité génitale (phase pubertaire). Les données ont étéajustées à une fonction puissance (Mtest = aLCb + cLCd). Lavaleur des paramètresa, b, c et d pour chaque échantillonest donnée au tableau 1. L’emploi du testF ne révèle pas dedifférence significative (pourα = 0,05) entre les varans duNigeria et ceux du premier échantillon tchadien (captures ennovembre–décembre) :F = 1,69,P = 0,1624. En revanche,

les deux échantillons du lac Tchad montrent une différencesignificative (F = 7,11,P < 0,0001), de même que le secondéchantillon tchadien et celui du Mali (F = 2,92,P < 0,001).Les deux échantillons du lac Tchad proviennent de la mêmepopulation; leur différence ne peut donc être due qu’àl’influence des dates de collecte (voir Matériel et méthodes).

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Fig. 4. Histologie des testicules (coloration : hématoxyline–éosine). (A) Individu immature. Barre d’échelle = 0,25 mm. (B) Tubesséminifères d’un individu mature. La lumière des tubes est bien différentiée et contient des spermatozoïdes matures et libres (flèche).Barre d’échelle = 0,25 mm. (C) Gros plan d’un tube séminifère avec des spermatozoïdes matures et libres. Barre d’échelle = 0,13 mm.(D) Amas de spermatozoïdes matures (flèches) dans les canalicules de l’épididyme d’un individu mature. Barre d’échelle = 0,25 mm.

Tchad

Mali Nigeria 1996 1997

a 0,057 71 0,056 78 –0,000 63 0,000 16b 1,813 1,792 2,667 2,794c –0,100 20 –0,096 67 0,000 37 –0,035 32d 1,632 1,632 2,850 0,970r2 0,885 7 0,790 4 0,934 2 0,824 7

Tableau 1. Valeur des paramètres de la régressionMtest = aLCb +cLCd dans les quatre échantillons.

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Dans cette mesure, la seule différence véritablement signifi-cative est celle qui oppose les varans du Mali à ceux duTchad et du Nigeria : l’augmentation de la masse testiculaireau cours de la croissance étant plus rapide chez les animauxmaliens. Ces résultats sont en accord avec les donnéesfondées sur l’histologie des testicules.

La relation entre la masse testiculaire et l’âge (fig. 8)présente une très forte variabilité interindividuelle chez lesanimaux de 18 mois et plus. Le seul modèle de régressioncorrespondant aux données est le modèle linéaire (tableau2). Dans tous les cas, l’ajustement est médiocre, avec descoefficients de corrélation (r2) de 0,5791 (Nigeria), 0,7421(Mali), 0,6190 (premier échantillon tchadien) et 0,6528 (sec-ond échantillon tchadien). Ce résultat montre que la masse

testiculaire n’est que peu liée à l’âge des individus. Enconséquence, il ne semble pas indiqué d’effectuer descomparaisons précises entre échantillons.

Discussion

Précocité de la maturation génitaleLes observations histologiques révèlent que les varans du

Nil mâles sont, physiologiquement, capables de sereproduire à la taille de 36 à 40 cm LC, selon les popula-tions. Cette longueur représente 42 à 46% de la longueur LCmaximale constatée dans l’échantillon (85,5 cm), ce qui,comparativement aux autres espèces de varans (tableau 3),indique une maturation génitale précoce. La taille de 36 à40 cm LC correspond à une longueur totale de 97 à 106 cmet à une masse corporelle de 850 à 1100 g (de Buffrénil etal. 1994).

Par ailleurs, l’examen de la croissance en masse destesticules suggère la même conclusion : LC à la maturitésexuelle = 35–40 cm. Cette étroite concordance des donnéesmorphométriques et histologiques montre que l’évaluationde la taille des varans mâles à la maturité sexuelle peut êtreréalisée de manière simple et fiable par la pesée de leurs

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Fig. 6. Répartition des classes d’âge (en mois) chez les varans matures et immatures dans les échantillons maliens (A), nigérian (B) ettchadien (C). L’âge correspondant à l’accession à la maturité sexuelle est de 18 mois environ chez les animaux du Mali et de 30 moisenviron chez les individus du Tchad et du Nigeria.

Tchad

Mali Nigeria 1996 1997

a 0,3305 0,1875 0,3051 0,3123b –0,1553 –0,9437 –5,5760 –4,6080r2 0,7421 0,5791 0,6190 0,6528

Tableau 2. Valeur des paramètres de la régressionMtest = a(âge) +b dans les quatre échantillons.

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testicules. Cette technique rapide et peu coûteuse, mais de-structive, ne peut toutefois s’appliquer qu’aux populationsd’espèces abondantes ou exploitées. En revanche, lesrésultats concernant la relationMtest = f (âge) montrent qu’iln’est pas possible de déduire l’âge à la maturité sexuelle dela croissance pondérale des testicules.

Les résultats concernant la répartition des classes d’âgechez les varans matures et immatures fournissent une infor-mation non ambiguë : les animaux du Nigeria et du Tchadatteignent la maturité génitale à 30 mois, alors que ceux duMali y parviennent dès l’âge de 18 mois. Les données sur lalongévité des Varans du Nil dans leur habitat naturel sontrares. Les estimations d’âge relatives aux animaux(régulièrement exploités) du lac Tchad (de Buffrénil et al.1994) indiquent un âge maximal de 8 à 9ans. Cependant, encaptivité, l’espèce peut atteindre 15 ans (Slavens et Slavens

1991). Ces données succinctes confirment que la maturitégénitale duV. niloticusest relativement précoce, par rapportà la longévité potentielle de l’espèce. Il est à noter cependantque la capacité physiologique à se reproduire que peuventprésenter des mâles de taille et d’âge modestes(comparativement aux potentialités de l’espèce) ne signifiepas que ces individus parviennent effectivement à disposerde femelles. Dans toutes les espèces de varans, lescomportements reproducteurs sont précédés de combatsrituels entre mâles, dont tirent avantage les individus les plusgrands et les plus lourds (Horn et Gaulke 1994; Lenz 1995;De Lisle 1996). Dans les populations soumises à uneprédation forte (humaine, pour l’essentiel) et dirigéepréférentiellement contre les adultes (de Buffrénil 1993), ilest cependant possible que des individus de petite taillesexuellement matures soient recrutés pour la reproduction en

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Fig. 7. Relation entre la masse testiculaire (Mtest) et la longueur museau–cloaque (LC). Les données sont ajustées à une fonction-puissance (Mtest = aLCb + cLCd). Le tableau 1 fournit les paramètres de cette régression pour chaque échantillon.

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compensation de la surmortalité des grands mâles (accom-modation démographique).

Différences entre populationsLes varans maliens se distinguent de ceux du Tchad et du

Nigeria par une maturation génitale plus rapide. Cettedifférence n’est pas explicable par les saisons durantlesquelles les captures ont été opérées; car le secondéchantillon du lac Tchad a, comme celui du Mali, étécollecté en pleine période d’activité des varans. De plus, lapersistance des spermatozoïdes dans les tubes séminifères et

l’épididyme des animaux capturés en fin de périoded’activité (Nigeria et premier échantillon tchadien) permetd’exclure l’influence d’un biais d’observation sur la naturedes résultats. La précocité des varans maliens n’est pas liéenon plus à la durée de la saison chaude (cf. Adolph et Porter1996), car le climat du lac Tchad est le même que celui dudelta central du Niger (observation personnelle). Ellecorrespondrait donc plutôt à une particularité démo-graphique réelle de cette population; ce qui traduirait soitune divergence génétique ayant des incidences sur lachronologie du développement génital, soit l’influence de

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230 Can. J. Zool. Vol. 77, 1999

Fig. 8. Relation entreMtest et âge individuel (en mois). Le tableau 2 fournit les paramètres de la régression linéaire pour chaqueéchantillon.

EspèceLCmatur

(cm) % LCmax

Age(mois) Référence

V. bengalensis 30,5 50,0 30–36 Auffenberg 1994V. brevicauda 7,0 59,3 10 James 1996V. flavescens >26,0 63,4 24–36 Auffenberg et al. 1991aV. gileni 10,0 62,1 ? James et al. 1992V. glauerti 15,0 65,8 ? James et al. 1992V. glebopalma 17,0 49,6 ? James et al. 1992V. gouldii 32,0 75,3 ? Shine 1986V. griseus 25,0 68,5 ~24 Auffenberg et al. 1991bV. komodoensis 70,0 56,0 66–90 Auffenberg 1981V. mertensi 32,0 78,0 ? Shine 1986V. mitchelli 22,0 68,7 ? Shine 1986V. panoptes 39,0 58,2 ? Shine 1986V. salvator 50,0 90,0 24 Andrews 1995V. salvator 40,0 43,9 ? Shine et al. 1996V. semiremex 15,0 55,0 ? James et al. 1992V. storri 8,9 64,0 ? James et al. 1992V. niloticus 36,0–40,0 42–46 18–30 Présente étude

Nota : LCmatur longueur museau–cloaque à la maturité sexuelle; % LCmax de LCmatur en pourcentage de la longueur LCmaximale constatée dans les échantillons étudiés par les auteurs cités.

Tableau 3. Données comparatives sur la maturation testiculaire dans le genreVaranus.

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contraintes de milieu différentes sur les processusd’accommodation des populations.

La première hypothèse peut s’appuyer sur desconsidérations géographiques. La zone des marais deHadejia-N’Guru était incluse dans le lac Tchad il y aseulement 5000 ans (notion de Mégatchad; Olivry et al. 1996).De plus, cette zone est reliée au lac par un important coursd’eau permanent, le Komadougou, par lequel des échangesd’individus peuvent se faire aisément. La population de varansdes marais de Hadejia-N’Guru ne devrait donc pas êtreconsidérée comme distincte de celle du lac Tchad proprementdit (dans ses limites actuelles). À l’inverse, la population dudelta central du Niger est distante de celle-ci deplus de2000 km et ne lui est pas reliée par des connexionshydrologiques simples. Ces conditions géographiquesauraient pu entraîner un isolement et une évolutiongénétique divergente de ces populations, avec une incidencesur le programme du développement génital. Lescomparaisons génétiques en cours devraient faire avancercette question.

La seconde hypothèse concerne la plasticité écologiquedes populations duVaranus niloticus: le recrutement desmâles pour la reproduction serait ajusté aux contraintes dumilieu et notamment au niveau de la prédation exercée parl’homme sur les adultes. Selon cette hypothèse, l’exploit-ation des varans serait plus intense dans la région du deltacentral du Niger que dans celle du lac Tchad. Les donnéesstatistiques (de Buffrénil 1993) montrent effectivement quele Mali est, depuis plusieurs années, le plus importantproducteur de peaux de varans d’Afrique. La grandemajoritédes peaux exportées par ce pays proviennent du delta centraldu Niger. La population locale deV. niloticusest donc soumiseà des destructions particulièrement sévères; ce qui auraitentraîné le développement du mécanisme d’accommodationdémographique évoqué plus haut. Compte tenu de son impor-tance pour la gestion des stocks naturels exploités, il estsouhaitable que cette hypothèse suscite des travaux d’appro-fondissementdans un avenir proche.

Maturité génitale chez les VaranidésPlusieurs études font mention de la taille et, plus

rarement, de l’âge à la maturité sexuelle des mâles dediverses espèces de varans (tableau 3). Dans la plupart desespèces pour lesquelles des estimations d’âge sontdisponibles, les mâles atteignent la maturité sexuelle aucours de leur 3e année (24–36 mois). LeV. brevicauda(10 mois) et leV. komodoensis(66–90 mois), espèces situéesaux extrêmes des tailles dans le genreVaranus(avec 11,8 et125 cm de longueur LC, respectivement), font exception.

L’information la plus directement comparable auxrésultats de la présente étude concerne le varan aquatiqued’Indonésie (V. salvator). Cette espèce est, par sa taille et samasse, identique au varan du Nil (De Lisle 1996). Elleprésente, en outre, la même adaptation aquatique et subitaussi une exploitation intense et régulière (Luxmoore etGroombridge 1990; Gaulke 1992). Les données de Shine et al.(1996) et celles d’Andrews (1995) montrent une remarquablesimilitude avec les résultats de la présente étude : les mâles duV. salvator atteignent la maturité génitale à l’âge moyen de24 mois (Andrews 1995) et à une longueur LC de 40 cm, ce

qui correspond à 43,9% (contre 42–46% chez leV. niloticus)de la longueur LC maximale représentée dans les échantillons(Shine et al. 1996). Ces deux espèces n’ont pas de relationphylétique proche au sein du genreVaranus (Böhme 1988;King et al. 1991; De Lisle 1996). Il est possible que l’étroiteconvergence qu’elle présentent, en ce qui concerne la matura-tion sexuelle des mâles, traduise l’intervention d’un mêmemécanisme d’accommodation des populations (dérive durecrutement des reproducteurs) face au niveau de prédationqu’elles subissent.

Cette question est au centre du problème de la dynamiquedes populations de varans exploitées. Le développement decomparaisons systématiques entre populations exploitées etnon exploitées de ces deux espèces devrait apporter desinformations pertinentes.

Remerciements

Nous remercions bien sincèrement les deux organisationsde l’ONU grâce auxquelles cette étude a été possible : laFAO et la CITES. Nos chaleureux remerciements s’adressentaussi aux équipes de spécialistes en aménagement de lafaune de la Direction Nationale de Ressources Forestières,Fauniques et Halieutiques du Mali (notamment M. BouramaNiagaté), de la Federal Environment Protection Agency duNiger, et de la Direction des Parcs et Réserves du Tchad(M. Klamadji Kodi, en particulier), grâce auxquelles le tra-vail de terrain a pu être efficacement réalisé. Nos remercie-ments s’adressent aussi à M. Karim Hassane, collecteur depeaux à Tourba (Tchad), ainsi qu’aux villageois, pêcheurs etchasseurs du delta central du Niger (Mali), des îles deGaraérom, Koulfoua et Moussarom (lac Tchad) et desmarais de Hadejia-N’Guru (Nigeria). Sans leur coopérationindéfectible, ce travail n’aurait pas été accompli. Mme Marie-Madeleine Loth (Université Paris 7) a assuré une grandepartie du lourd travail technique de cette étude; qu’elle ensoit, ici, chaleureusement remerciée.

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