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TOME 35 N°4 Octobre 2007 ISSN 0300-4937 N°4 Revue du Service de santé des armées Médecine & Armées Dossier « Nutrition » DCCAT/COM adc GUEDON D.

Médecine - Val-de-Grâce...Il convient de souligner qu’augmenter notablement le niveau des dépenses énergétiques quotidiennes d’un sujet sédentaire par l’exercice est une

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TOME 35 N°4 Octobre 2007ISSN 0300-4937

N°4

Revue du Service de santé des armées

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MÉDECINE ET ARMÉES

Revue du Service de santédes armées

T. 35 - n° 4 - Octobre 2007

Direction centraledu Service de santé des arméesMédecine et Armées1, Place Alphonse Laveran,75230 Paris Cedex 05.

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

MGI PH. LOUDES

RÉDACTEUR EN CHEF

MG F. FLOCARD – Tél. : 01 40 51 47 01

RÉDACTEURS EN CHEF ADJOINTS

MC É. DARRÉ – MC A. SPIEGEL.

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION

Mme M. SCHERZI - Melle L. TOUCHANETél. : 01 40 51 47 44Fax : 01 40 51 51 76Email : [email protected]

TRADUCTION

MC M. AUDET-LAPOINTE

COMITÉ DE RÉDACTION

MCS B. BAUDUCEAU – MCS A.-X. BIGARD –PHC P. BURNAT – MCS J.-D. CAVALLO – MCÉ. DARRÉ– MCS J.-M. DEBONNE – MC S.FAUCOMPRET – MG R. JOSSE – VEGI J.-C.KERVELLA – MCS. J.-M. ROUSSEAU – MC A.SPIEGEL. – MCS D. VALLET.

COMITÉ SCIENTIFIQUE

MGI D. BÉQUET – MG P. BINDER – MGI G.BRIOLE – MGI P. BUFFE – MGI Y. BUISSON –MG G. CAMILLERI – MGA Y. CUDENNEC –MGI F. EULRY – MGI A. FLECHAIRE – MG A.GALÉANO – CDG PH. KAHL – MGI B. ROUVIER– PGI C. RENAUDEAU.

CONSEILLERS HONORAIRES

MGI PH. ALLARD – MGI M. BAZOT – MGI B.BRISOU – MCS A. CHAGNON – MGI L.COURT – MGI J.-P. DALY – MGA J.DE SAINTJULIEN - MGI R. FORISSIER – MGI M.FROMANTIN – MGI CL. GIUDICELLI – MGI G.GUELAIN - MGI J. KERMAREC – MGI CH.LAVERDANT – MGI P. LEFEBVRE – PGILECARPENTIER – VBGI R. LUIGI – VBGI CL.MILHAUD – MGI J. MINÉ – MCS CL. MOLINIÉ –MCS J.-L. PAILLER – MG G. POYOT – MGI P.QUEGUINER – MGI J.-M. VEILLARD – MGI J.VIRET – MG R. WEY.

ÉDITION

Délégué à l'information et à la communicationde la Défense (DICoD) - BP 33, 00450 Armées. Tél. : 01 44 42 30 11

ABONNEMENT (5 NUMÉROS PAR AN)

ECPAD/Service abonnements, 2 à 8 routedu Fort, 94205 IVRY-SUR-SEINE Cedex.Tél. : 01 49 60 52 44 - Fax : 01 49 60 52 68.Tarif des abonnements/1 an :• Métropole : 36,50 €• DOM-TOM par avion : 59,70 €• Étranger par avion : 70,00 €• Militaires et - 25 ans Métropole : 25,00 €• Militaires et - 25 ans DOM-TOM : 48,00 €Prix du numéro : 7,50 €Les chèques sont à libeller à l’ordre de l’agentcomptable de l’ ECPAD.

IMPRIMEUR ET ROUTAGE

Pôle graphique de Tulle – BP 290 –19007 Tulle Cedex.Tél. : 05 55 93 61 00Commission paritaire N° 0306 B 05721ISSN : 0300-4937

COUVERTUREGhislaine [email protected]

SOMMAIRE

Pages

291 • Éditorial.

B. BAUDUCEAU, A.-X. BIGARD.

SPÉCIAL NUTRITION

293 • Recommandations nutritionnelles à l’entraînement physique. Applications pour les armées.

N. KOULMANN, N. SIMLER, A.-X. BIGARD.

303 • Problèmes nutritionnels posés par la pratique de l’activité physique en altitude. Application aumilieu militaire.

N. SIMLER, N. KOULMANN, A.-X. BIGARD.

311 • Nutrition et performances mentales.

M. CHENNAOUI, D. GOMEZ-MÉRINO.

319 • Pièges de l’alimentation moderne.

M. LEUBA, M.-O. ROUBENNE, J. MOURIÈS, M. BENBIHI, S. CAUSSE, C. DUMONT.

323 • Intérêt de la mesure du tour de taille pour le dépistage du syndrome métabolique.

B. BAUDUCEAU, H. MAYAUDON, É. FONTAN, O. DUPUY, É. VACHEY, C. GARCIA, F. CEPPA, L. BORDIER.

331 • Techniques extrêmes de traitement de l’obésité.

L. BORDIER, P. AUBERT, C. NIZOU, C. GARCIA, H. MAYAUDON, O. DUPUY, B. BAUDUCEAU.

341 • Alimentation et cancer.

O. DUPUY, H. MAYAUDON, C. GARCIA, L. BORDIER, C. NIZOU, B. BAUDUCEAU.

SPÉCIAL OPÉRATION

345 • Soutien médical de l’OTAN en Afghanistan.

É. HALBERT.

351 • Mission du chirurgien-dentiste militaire en Afghanistan. Présentation du nouveau cabinet dentaire de campagne.

G. PONSEEL.

PRATIQUE MÉDICO-MILITAIRE

357 • Intérêt de la technologie d’identification par radiofréquence pour le ravitaillement sanitaire.

P. FAVARO, P. GUIGON, C. MALOUX, Y. CAVASIN, P. LIAL.

MISE AU POINT

367 • Anesthésies locorégionales de la main en urgence.

H. LEFORT, C. LALANCHE, É. LAPLACE, P. LAINE, J. ESCARMENT.

373 • Évolution du soutien psychologique des forces de l’US ARMY.

P. CLERVOY, L. BOURDON, B. SICARD.

FAIT CLINIQUE

377 • Hypercalcémie humorale et lymphome malin non hodgkinien.

J.-P. ALGAYRES, T. AMEZYANE, M. ZYANI, S. LECOULES, L. BORDIER, J.-S. BLADÉ, J. DESRAMÉ, D.BÉCHADE.

381 • Purpura fulminans à streptococcus pneumoniae. Intérêt des traitements non conventionnels.

V. GRIFFET, J.-Y. MARTINEZ, C. LIONS, J.-L. SOUBIROU, J. ESCARMENT.

290

CONTENTS

Pages

SPECIAL NUTRITION

293 • Nutritional recommendations to physical exercise. Relevance to army.

N. KOULMANN, N. SIMLER, A.-X. BIGARD.

303 • Specific issues related to nutrition at altitude: relevance for military forces.

N. SIMLER, N. KOULMANN, A.-X. BIGARD.

311 • Nutrition and mental performance .

M. CHENNAOUI, D. GOMEZ-MÉRINO.

319 • The pitfalls of modern food.

M. LEUBA, M.-O. ROUBENNE, J. MOURIÈS, M. BENBIHI, S. CAUSSE, C. DUMONT.

323 • Interest of waist measurement in detection of metabolic syndrome.

B. BAUDUCEAU, H. MAYAUDON, É. FONTAN, O. DUPUY, É. VACHEY, C. GARCIA, F. CEPPA, L. BORDIER.

331 • Surgical treatment of obesity.

L. BORDIER, P. AUBERT, C. NIZOU, C. GARCIA, H. MAYAUDON, O. DUPUY, B. BAUDUCEAU.

341 • Nutrition and cancer.

O. DUPUY, H. MAYAUDON, C. GARCIA, L. BORDIER, C. NIZOU, B. BAUDUCEAU.

MILITARY MEDICAL CORPS IN OPERATION

345 • NATO medical support in Afghanistan.

É. HALBERT.

351 • The military dentist mission in Afghanistan. Introduction of new generation military dental office.

G. PONSEEL.

MEDICO-MILITARY PRACTICE

357 • Benefit of radio frequency identification for medical supply.

P. FAVARO, P. GUIGON, C. MALOUX, Y. CAVASIN, P. LIAL.

PROGRESS CASE REPORT

367 • Locoregional anesthesia and hand emergencies.

H. LEFORT, C. LALANCHE, É. LAPLACE, P. LAINE, J. ESCARMENT.

373 • The evolution of psychological support for U.S. ARMY Troops.

P. CLERVOY, L. BOURDON, B. SICARD.

CLINICAL CASE REPORT

377 • Humoral hypercalcemia and non hodgkin’s lymphoma.

J.-P. ALGAYRES, T. AMEZYANE, M. ZYANI, S. LECOULES, L. BORDIER, J.-S. BLADÉ, J. DESRAMÉ, D.BÉCHADE.

381 • Streptococcus pneumoniae purpura fulminans: unconventionnal treatment usefulness.

V. GRIFFET, J.-Y. MARTINEZ, C. LIONS, J.-L. SOUBIROU, J. ESCARMENT.

ÉDITORIAL

LA NUTRITION

un carrefour entre l'épidémiologie, la recherche et la pratique clinique

Depuis l'aube de son développement, peu de sujets ont autant préoccupé l'humanité que le problème del'alimentation. Ses besoins élémentaires immédiats satisfaits, la nécessité de la prévention des disettes a poussé lessociétés à mettre au point les techniques de conservation des aliments dont nous avons hérité. Fonction despossibilités locales de l'agriculture ou de l'élevage, les habitudes alimentaires se sont progressivement modifiées aucours des siècles. L'amélioration des moyens de transport et la circulation des idées ont permis à nos concitoyens dedécouvrir de nouvelles denrées ou d'autres méthodes d'alimentation issues de civilisations ou de philosophiesdifférentes. Ainsi les relations existant entre alimentation, culture, croyances et religions doivent être constammentprésentes à l'esprit, car elles exercent un rôle fondamental dans la façon dont chacun appréhende le problème de sanourriture.

L'alimentation répond ainsi à un besoin vital élémentaire de l'individu qui est malheureusement loin d'êtremaîtrisé dans l'ensemble du monde. Lorsque ces besoins sont satisfaits sur le plan quantitatif comme cecidevrait être le cas partout en métropole, il devient légitime de se pencher sur la question qualitative etd’aborder ainsi la notion de diététique.

Enfin, très tôt, l’Homme a pensé puiser dans l’alimentation une force supplémentaire lui permettant deterrasser ses ennemis. Les guerriers Perses buvaient ainsi l’eau exposée au soleil dans leurs boucliers, afind’acquérir la résistance du métal et de vaincre leurs ennemis. De nouvelles propriétés des aliments, liées àleurs potentiels effets ergogéniques ont été ainsi intégrés. Cette notion, bien comprise en milieu sportif, l’estaussi naturellement, mais à un degré moindre en milieu militaire. Une alimentation variée et équilibrée,malgré les difficultés logistiques, contribue pleinement au maintien des performances physiques et mentalesd’un combattant sur le terrain, pour des raisons physiologiques mais aussi de réconfort moral.

Face à des besoins nutritionnels incontournables qui sont directement liés à la physiologie de l'individu, lesdifférents modes de nutrition ne varient qu'en fonction des possibilités d'approvisionnement ou des habitudes.Faire œuvre d'innovation en ce domaine, c'est donc le plus souvent prendre le contre-pied de la nature ou dela tradition alimentaire de la région ou du pays. De telles attitudes aboutissent à des conceptions qui ont pourvocation d'être originales et dont chacun peut constater les débordements par une lecture rapide des premièrespages des magazines. Ces phénomènes de mode, souvent outranciers quand ils ne sont pas ridicules, peuventconduire à des déséquilibres ou à des carences alimentaires, notamment dans les populations fragiles commeles enfants, les femmes enceintes ou les vieillards. En ce domaine chacun est ancré dans ses certitudes et lesprises de position sont d'autant plus affirmées qu'elles sont éloignées de toute référence scientifique et mêmesouvent du simple bon sens. Il convient par conséquent de revenir sur terre et de tracer les grandes lignesd'une alimentation équilibrée et suffisante. Pour cela il est nécessaire de définir préalablement les besoins del'organisme tant au niveau de la quantité que de la qualité des nutriments, puis d'évaluer la façon la plussimple et la plus logique de répondre à ces impératifs.

Les besoins nutritionnels en termes de quantité ne peuvent être fixés par des normes car ils sont fonction d'ungrand nombre de paramètres comme le sexe, l'âge du sujet et son activité physique. Il existe de plusd'importantes variations selon les individus. Ces besoins sont exprimés en kilocalorie que chacun nommeordinairement « calorie ». Ainsi la ration calorique d'un adulte de sexe masculin ayant une activité physiqueréduite se situe aux alentours de 2 100 kcalories/jour. Ces besoins sont plus faibles chez la femme et s'élèventen proportion de l'activité physique. Il convient de souligner qu’augmenter notablement le niveau desdépenses énergétiques quotidiennes d’un sujet sédentaire par l’exercice est une vraie gageur car l’activitésportive doit être particulièrement intense pour entraîner une perte de poids. Cependant, la pratique régulièrede l’exercice entraîne le développement des réponses adaptatives endocriniennes et tissulaires concernant le

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muscle et le tissu adipeux. Ces modifications physiologiques sont tout à fait favorables à la correction dessurcharges pondérales, même si le niveau des dépenses énergétiques n’est pas considérablement augmenté.

Lorsque l'alimentation est bien diversifiée (ceci est maintenant possible grâce aux techniques modernes deconservation comme notamment celle des surgelés), aucune carence vitaminique n'est à redouter puisque nousdisposons toute l'année de produits frais et riches en vitamines. En dehors de cas particuliers comme celui desjeunes enfants, des vieillards ou des sujets malades, aucun apport complémentaire vitaminique n'est nécessaire.Ainsi les campagnes publicitaires de remise en forme par l'utilisation de complexes polyvitaminiques ne reposentsur aucune base réelle, l'organisme éliminant rapidement ces apports vitaminiques inutiles. A contrario, lesurdosage en certaines vitamines peut se révéler particulièrement nocif. La question de l’apport alimentaire envitamines et en oligo-éléments peut par contre se poser chez le militaire sur le terrain, notamment en contexteopérationnel, lorsque son alimentation ne repose plus qu’exclusivement sur des rations sans apport de vivres frais.

Ces notions élémentaires de diététiques ne vont pas à l'encontre, loin de là, du bon goût ou de la gastronomie.Dans certaines circonstances pathologiques, comme le diabète, l'obésité ou les dyslipidémies, le régimealimentaire devra naturellement être plus restrictif tout en maintenant un équilibre indispensable.

Toutes ces considérations de bon sens ne laissent pas une grande place aux mirages. Ceci bien sûr n'est pascompatible avec la médiatisation extrême de ce type de problème et explique le déferlement des publicités àgrand spectacle pour tel produit amincissant ou telle technique diététique nouvelle dont les auteurs ne sont passouvent désintéressés. La notion de « produit naturel » ou de « plantes » constitue un argument de vente dontles publicitaires ont bien compris l'impact. Faut-il rappeler que tout produit naturel n'est pas forcément bon etque certaines plantes fournissent les poisons les plus dangereux ? De même les recommandations d'exclusionde tel type d'aliment, les programmes d'amincissement ésotériques et les notions de nutrition dissociée nereposent, quoiqu'en disent les auteurs, sur aucune base scientifique. Que penserait Mozart si certains de noscontemporains, pour des raisons philosophiques obscures, excluaient de ses symphonies le violon ou lepiano ? Se laisser prendre à ce type de miroir aux alouettes, c'est risquer d'être victime d'une escroquerie etsurtout de mettre en péril sa santé, celle de ses proches ou de ses enfants.

La réduction progressive de l'activité physique dans notre société moderne associée à des apports alimentairestrop riches notamment en lipides aboutit à une explosion de la prévalence de l'obésité et du diabète. Le milieumilitaire n'est pas épargné comme en témoigne les résultats de l'étude ÉPIMIL rapportés dans ce numérospécial. La nutrition doit naturellement intéresser les médecins militaires quel que soit leur mode d'exercice.Épidémiologistes, chercheurs, médecins d'unités et hospitaliers sont ainsi confrontés à des problèmes médicauxsouvent préoccupants et à de difficiles décisions d'aptitude. La recherche dans ce domaine est essentielle etoffre de multiples facettes : besoins caloriques en milieu extrême, évaluation fine du métabolisme énergétique,études des mécanismes à l’origine de perturbations alimentaires sous facteurs de contrainte comme le stress.

C'est dire que la nutrition constitue un thème particulièrement fédérateur qui doit rapprocher les différenteséquipes dans le but de faire progresser la recherche en milieu militaire.

Ce numéro spécial de notre revue constitue une pierre de plus à cet édifice en perpétuelle construction. L’un desobjectifs de ce numéro est d’apporter au médecin d’unité des compléments d’information en nutrition, permettantde conforter leur place de conseiller du commandement. Le médecin joue dans ce domaine, comme dans biend’autres, un rôle clef au sein des unités. Il est en effet un expert reconnu pour le suivi des relations entre le modealimentaire et la santé du personnel, le contrôle de l’adéquation entre les apports de nutriments et les contraintesde la vie militaire comme les activités physiques intenses ou les environnements climatiques hostiles.

Médecin chef des services Bernard BAUDUCEAUTitulaire de la chaire de Médecine appliquée aux armées.

Service d'endocrinologie. HIA Bégin.

Médecin chef des services Xavier BIGARDTitulaire de la chaire de Recherche appliquée aux armées.

Département des facteurs humains, Centre de Recherche du Service de santé des armées.

Dossier nutrition

médecine et armées, 2007, 35, 4 293

RECOMMANDATIONS NUTRITIONNELLES ÀL’ENTRAÎNEMENT PHYSIQUEApplications pour les armées

Le militaire est un homme actif, soumis à la pratiquerégulière d’activités physiques soutenues, intenses etprolongées. Comme ce qui est observé chez les sujetspratiquant régulièrement des activités sportives, lesactivités militaires posent un certain nombre deproblèmes nutritionnels qui doivent être pris en compte.La préparation de raids, de marches commando, dedéplacements de longue durée en zone accidentée avecport de charges, justifient des apports glucidiquesadaptés. L’hydratation nécessaire pendant la phase dedéplacement doit être abondante et devrait reposer surdes boissons comportant des suppléments glucidiques.Par ailleurs, les apports en protéines devraient êtresurveillés chez les militaires réalisant des travaux deforce. Certaines circonstances environnementales ounutritionnelles justifient la mise en place de supplémentsantioxydants. Tous ces conseils nutritionnels, quireposent sur des bases expérimentales solides, ne sontcependant pas de mise en œuvre facile, surtout encontexte opérationnel. C’est pourquoi ces règlesnutritionnelles ne sont que très rarement appliquées surle terrain.

Mots-clés : Antioxydants.Capacité opérationnelle.Déshydratation. Glucides. Protéines.

RÉSUMÉ

NUTRITIONAL RECOMMENDATIONS TOPHYSICAL EXERCISE – RELEVANCE TO ARMY.

Soldiers are active men, submitted to regular, frequent,prolonged exercises of high intensity. As for sportsmenwho regularly perform sports activities, militaryexercises arise some nutritional problems that need to beconsidered. Prolonged military treks, marching inuneven field with high loads, clearly need to providedaily food rations with high carbohydrate intake.Hydration is necessary during prolonged activity withhigh volumes of fluid intakes. Beverages used in the fieldshould provide carbohydrate supplements with adaptedconcentrations. Protein intake should be checked insoldiers who are involved in strength activities. Underspecific conditions of military activities, antioxidantsupplements are necessary to prevent the adverse effectsof oxygen species. However, nutritional recommen-dations are difficult to apply for troops in the field.

Keywords: Antioxidant. Carbohydrate. Dehydration.Operational capacity. Protein.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 293-302)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Les grandes questions posées par la nutrition de l’hommeactif sont largement évoquées en milieu sportif et régulièrement traitées au cours de congrès de physiologiede l’exercice ou de médecine du sport. Alors que l’hommea très vite été convaincu (pas toujours sur des argumentsprobants) que l’application de règles nutritionnellesspécifiques lui permettait de parfaire ses performances,

c’est surtout depuis le milieu des années 70 que d’impor-tants progrès ont été réalisés, permettant d’édicter desrègles nutritionnelles simples qui se traduisent par deseffets favorables sur les performances physiques.Le militaire est un homme actif amené à réaliser uneperformance physique et mentale dans un contexte environnemental constitué de multiples contraintes. Cepré-requis, applicable à tous les militaires, est particuliè-rement vrai pour les fantassins et les troupes de mêlée. Àcet égard, il est facile de conclure que comme chez lesportif, la mise en œuvre de l’entraînement physique chez le fantassin nécessite l’application de règles nutritionnelles simples. L’objectif de cet article est de rappeler ces règles applicables chez le militaire à

N. KOULMANN, médecin en chef. N. SIMLER, ingénieur d’études et defabrication. A.-X. BIGARD, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce.Correspondance: A.-X. BIGARD, Département des facteurs humains, CRSSA, BP87, 38702 La Tronche Cedex.

N. KOULMANN, N. SIMLER, A.-X. BIGARD

DOSSIER

l’entraînement pendant le temps de paix, en dehors du contexte des opérations extérieures qui posent d’autres problèmes spécifiques. Ces règles généralesseront envisagées au niveau quantitatif (apport énergétique) et qualitatif (apports en macro-, micro-nutriments et hydriques).

II. APPORT ÉNERGÉTIQUE.

Le maintien d’un apport alimentaire régulier, en adéquation avec les dépenses, nécessaire à assurer un fluxconstant de resynthèse de l’ATP constitue l’une des règlesessentielles en nutrition humaine. L’entraînementphysique se traduit par une augmentation importante des besoins en énergie, et l’équilibre de la balance énergétique (apports et dépenses en énergie) nécessiteune augmentation coordonnée des apports alimentaires.Proposer des recommandations nutritionnelles aux militaires au cours de leur préparation physique nécessited’une part d’évaluer l’état des dépenses énergétiquesliées à la pratique de l’entraînement, d’autre part deconnaître les bases de la compensation physiologique de ces dépenses, c’est-à-dire les bases du contrôle physiologique de la prise alimentaire.

A) ÉVALUATION DES DÉPENSES ÉNER-GÉTIQUES À L’ENTRAÎNEMENT CHEZ LEMILITAIRE.

1. Méthodes d’études.Évaluer de manière précise la dépense énergétique d’un homme actif est un véritable déf i technique. Différentes méthodes ont été utilisées telles que laméthode apports/balance, la méthode factorielle ou lesméthodes de calorimétrie indirecte ou directe (1) ; ellescomportent toutes des contraintes et des approximationsqui les rendent difficiles à mettre en œuvre et limitentconsidérablement la précision des informations obtenues. La méthode de l’eau doublement marquée,basée sur l’élimination différentielle de l’oxygène et del’hydrogène marquées, s’est imposée comme uneméthode de choix pour les déterminations de la dépenseénergétique totale au cours d’activités de terrain, mais cette méthode ne reste envisageable que dans unestratégie de recherche (2).

2. Dépenses énergétiques à l’entraînement chez lemilitaire.La dépense énergétique totale moyenne d’une populationmilitaire masculine a été estimée à 4613 kcal.j-1 (de 3109à 7131 kcal.j-1) ; elle a été estimée à 2844 kcal.j-1 (de 2332à 5597 kcal.j-1) pour une population militaire féminine sur une période moyenne de 9 à 12 jours (1). Ces valeurss’entendent toutes activités et environnements confondus.Elles varient à l’évidence selon ces deux facteurs, le typed’activités et l’environnement climatique.Le type et le niveau d’activités influent sur les dépenses enénergie ; ainsi, la dépense énergétique des personnels des

unités de combat est supérieure d’au moins 20 % à celledes personnels des unités de soutien. Ce surcoût énergétique peut atteindre 64 % selon certaines études(3). Les premiers ont notamment à effectuer des déplacements tous terrains avec port de charges lourdes età participer à des phases d’assaut et de combat, tandis queles seconds pratiquent un entraînement physique plusstandard. Par ailleurs, la dépense énergétique des mili-taires en stage ou en formation peut être particulièrementimportante variant de 4 700 à 5 400 kcal.j-1 selon lesétudes (4, 5), principalement en raison d’une durée d’activité quotidienne prolongée de 16 à 22 heures (5, 6).L’environnement physique et climatique influent aussi sur le niveau de dépenses énergétiques. En plus de l’intensité des activités pratiquées sur le terrain et duport de charges lourdes, le niveau élevé des dépensesénergétiques lors d’études de terrain est lié à la longueurdes journées de travail qui peut excéder 16 heures. L’environnement climatique joue également un rôle dansles dépenses, avec une majoration importante au froid(environ 20 %), en particulier en raison du poids des équipements, vêtements et chaussures portés, et de ladiff iculté des déplacements sur le terrain (humidité,terrain boueux, neige). L’entraînement militaire conduit en altitude accroît encore le coût énergétique parrapport au même entraînement effectué au niveau de lamer en climat froid (7-9). Les problèmes spécifiquesposés par la nutrition en altitude sont abordés dans unarticle de cette revue.Ainsi la dépense énergétique des personnels militaires àl’entraînement est difficile à évaluer avec précision. Ellesemble toutefois supérieure à celle de la population civiledans la même tranche d’âge (+ 38 % pour les hommes,+ 17 % pour les femmes), et varie fortement selon le typed’activités et l’environnement climatique.

III. COMPENSATION PHYSIOLOGIQUE DESDÉPENSES.

La question de l’adéquation des apports alimentairesspontanés aux dépenses liées à l’activité physique a ététrès étudiée en milieu sportif. Les enquêtes alimentairesconstituent un moyen unique pour connaître les habitudesdes sportifs et déterminer la nature, la fréquence et laquantité des aliments consommés ainsi que leur mode depréparation et de consommation. En se référant àl’ensemble des études réalisées à ce jour, on peut estimerque les apports énergétiques des sportifs pratiquant dessports d’endurance varient de 3 100 à 6 100 kcal.j-1

pour un sujet de 70 kg. Pour des disciplines sollicitantprincipalement le métabolisme anaérobie, les apportsspontanés varient de 2900 à plus de 6300 kcal (10).Cependant, les relations existant entre la pratique de l’activité physique et la prise alimentaire spontanéesont complexes, encore sujettes à discussion. En effet, la simple réalisation d’un exercice intense est suscep-tible d’affecter le comportement alimentaire par différents aspects, en influant sur la fréquence des prisesalimentaires, leur importance quantitative, mais aussi

294 n. koulmann

sur la composition des repas (11). L’activité physiqueintense peut altérer la sensation de faim, et ce d’autant que l’intensité de l’exercice augmente ; cette altération de la faim est cependant fugace, disparaissant au cours de la journée qui suit. Il est cependant très difficile de vérifier expérimentalement si la dépense énergétiquedirectement liée à la réalisation d’un exercice est strictement compensée par la prise alimentaire de lajournée. Ainsi, l’existence d’un vrai couplage entre lesdépenses et les apports énergétiques reste encore àdémontrer, à tel point qu’il semble bien que lorsque ladépense énergétique liée à l’exercice est correctementévaluée, il est peu vraisemblable que la prise alimentairecompense l’intégralité des dépenses (12).

IV. APPORTS EN MACRONUTRIMENTS ETBOISSONS.

L’organisme est constitué en majorité d’eau (> 60 %), deprotéines, de lipides, de glucides et de minéraux. Tous cesconstituants proviennent de l’alimentation et pour êtreutilisés par l’organisme, doivent d’abord être dégradés enmolécules simples, les nutriments. Il existe deux grandesfamilles de nutriments : les nutriments énergétiques,encore appelés macronutriments (glucides, lipides,protéines), et les nutriments non énergétiques ou micronutriments, qui comprennent les minéraux et vitamines. Les macronutriments permettent de fournirl’énergie nécessaire à la resynthèse indispensable del’ATP cellulaire (en particuliers glucides et acides gras),mais peuvent aussi jouer un rôle structural au niveau destissus (acides aminés et acides gras). Un équilibred’apport doit être respecté entre ces macronutiments etchez le sujet modérément actif, non-sportif, un régimeéquilibré se caractérise par un apport énergétique totalquotidien reposant sur 50 % à 55 % de glucides, 30 % à35 % de lipides et 10 % à 15 % de protéines. Les micronu-triments tiennent quant à eux une place importante pour assurer l’équilibre électrolytique ou pour assurer lacoactivation de systèmes enzymatiques complexes.L’énergie mécanique permettant le mouvement provientde la transformation de l’énergie chimique contenue dans la molécule d’ATP. Les réserves en ATP dans lemuscle étant très limitées, sa resynthèse permanente estassurée par différentes voies biochimiques utilisant soit le glucose, les acides gras, ou de manière beaucoup plus accessoire, quelques acides aminés. Par ailleurs, en raison du faible rendement énergétique du muscle et de la forte production de chaleur au cours de l’exercice,l’un des objectifs des règles nutritionnelles qui sont communément édictées repose sur la compensationdes pertes hydrominérales engendrées par la sueur. Les recommandations d’apports sont à envisager en fonction du type d’activité physique et on a pour habitudede séparer les exercices de longue durée (type marcheavec port de charge, en terrain varié), des exercices deforce ou de puissance (déplacement rapide sur de courtesdistances avec de lourdes charges).

V. ACTIVITÉS PHYSIQUES DE LONGUE DURÉE.

Les principales questions posées pour ce type d’activitéphysique concernent le maintien de la disponibilité en substrats énergétiques sur une longue durée et del’équilibre hydrominéral.

A) MAINTIEN DU STATUT ÉNERGÉTIQUE.

Au plan énergétique, les exercices de longue durée, type marche prolongée avec port de charges, sollicitent de façon majoritaire la voie aérobie ; cette filière métabo-lique utilise des substrats provenant de l’alimentation(majoritairement glucides et lipides, les acides aminésdérivés des protéines n’intervenant que pour moins de10 % de l’énergie totale utilisée). Plus l’intensité del’exercice est élevée et plus la part des glucides dans lafourniture d’énergie est importante ; à l’opposé, plusl’exercice se prolonge et plus son intensité est faible, plusla part des lipides devient prépondérante (fig. 1).Les glucides sont mis en réserve sous forme de glycogène, principalement dans le foie et les muscles ; cesstocks en glycogène sont relativement limités et laconcentration en glycogène varie de 60 à 120g dans le foie(soit 240 à 500 kcal), et de 250 à 400 g dans les muscles(soit 1 000 à 1 600 kcal). Dans les conditions normales,l’épuisement du glycogène musculaire survient après environ 90 min d’exercice à 75 % des capacitésmaximales, ou après 4 heures à 55 % de celles-ci. Cependant, l’épuisement du glycogène musculairen’impose pas l’arrêt du travail musculaire, mais limiteconsidérablement la capacité de travail maximal (13).À l’inverse des glucides, les réserves lipidiques de l’organisme sous forme de triglycérides (principalementau niveau du tissu adipeux), sont, en théorie, quasimentillimitées. Cependant, les triglycérides doivent êtredégradés en acides gras pour fournir des substrats utiliséspar voie aérobie, cette mobilisation des lipides au cours del’exercice étant dépendante de l’intensité et de la durée del’exercice. Bien que présents en grande quantité, lesacides gras ne peuvent pas être utilisés au-delà d’unecertaine puissance de l’exercice (fig. 1).

295recommandations nutritionnelles à l’entraînement physique

DOSSIER

Figure 1. Utilisation des glucides et des lipides en fonction de l’intensité del’activité physique.

Les protéines sont les éléments structuraux les plusimportants de l’organisme. Si la participation du métabolisme protéique dans la fourniture d’énergie est relativement faible, elle a des conséquences fonctionnelles importantes. Au cours des exercicesprolongés, certains acides aminés (dont les acides aminésbranchés, dits à chaîne ramifiée, leucine, isoleucine,valine) et surtout la leucine sont susceptibles d’êtreoxydés pour fournir de l’énergie. Cependant, à la suite denombreux débats scientif iques est récemment né unconsensus permettant de conclure que c’est bien la disponibilité en glucides au cours de l’exercice de longuedurée qui contrôle le niveau d’oxydation des acidesaminés, et que la seule prévention possible de l’oxydationde ces acides aminés est d’assurer un approvisionnementrégulier en glucose pendant l’exercice. Ceci ne peut que souligner de nouveau le rôle important joué par ladisponibilité en substrats glucidiques dans l’orientationdu métabolisme à l’exercice.

B) STATUT HYDRIQUE.

La production énergétique s’accompagne d’une produc-tion de chaleur proportionnelle à l’intensité de l’exercice,qui si elle était stockée, serait suffisante pour augmenterla température corporelle de 1 °C toutes les 5 à 7 minutes ;une telle augmentation continue de la température interneau cours de l’exercice est prévenue grâce à l’efficacité desréponses thermorégulatrices (fig. 2). Si l’évaporation de la sueur est le moyen thermolytique de loin le plus efficace, la sudation est également coûteuse pour lesliquides de l’organisme. Compte tenu des effets délétèresde la déshydratation sur la performance physique, particulièrement au cours des exercices sous-maximauxprolongés, l’hydratation revêt une importance primordiale, non seulement dans la perspective depouvoir prolonger l’activité physique, mais surtout dansle but de réduire les risques de survenue d’accidentssouvent graves tels que le coup de chaleur d’exercice.Pour de brèves périodes d’exercice (1 h à 2 h), on peutestimer que le débit sudoral maximal est de l’ordre de 1,5à 1,8 l.h-1, et dans des conditions extrêmes, il a été rapportéqu’il pouvait atteindre jusqu’à 3,7 l.h-1 ! Le débit sudoral

dépend en premier lieu de l’élévation de la températurecorporelle, laquelle est fonction de l’intensité relative del’exercice et des conditions climatiques ambiantes(température d’air, humidité relative, vitesse du vent), et d’autre part de caractéristiques intrinsèques de l’individu comme le niveau d’entraînement physique et d’acclimatement à la chaleur. L’entraînement physiqued’une part et l’acclimatement à la chaleur d’autre part abaissent la température-seuil de déclenchement de la sudation, ce qui permet un moindre stockage dechaleur dès le début de l’exercice. L’individu entraînéet/ou acclimaté à la chaleur est donc encore plus exposé au risque de déshydratation.L’eff icacité de l’hydratation repose d’abord sur la sollicitation du comportement dipsique, c'est-à-direl’acte de boire. Il précède les deux étapes du processusdigestif que sont la vidange gastrique et l’absorptionintestinale. Une véritable stratégie d’hydratation doitavoir pour but d’optimiser chacune de ces étapes potentiellement limitantes :

– favoriser la prise de boisson en améliorant par exemplela palatabilité des boissons (14). Les caractéristiquesorganoleptiques de la boisson telles que sa turbidité, sacouleur, son odeur, sa température et son goût ont deseffets sensoriels et peuvent accroître la prise de boisson(fig. 3) ;

– favoriser la vidange gastrique : plusieurs facteurspeuvent modif ier la vitesse d’évacuation gastrique,parmi lesquels le volume ingéré. L’ingestion unique d’un important volume de liquide provoque une

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Figure 2. Thermorégulation et déshydratation.

Figure 3. Effets de la température et de l’arôme sur la prise spontanée deboisson : 1, eau fraîche (15 °C) et aromatisée ; 2, eau fraîche ; 3, eau chaude (40 °C) et aromatisée ; 4, eau chaude (16).

vidange gastrique dont la vitesse suit une courbe semi-exponentielle comportant une phase initiale rapideet une phase tardive plus lente (15). Cette première phased’évacuation rapide ne s’altère pas avec le temps ; c’estainsi que lorsque le bolus initial de 560 ml d’une boissoniso-osmotique est suivi de l’ingestion répétée de 2 ml.kg-1

de poids corporel toutes les 20 minutes, la phase rapide devidange gastrique est retrouvée au cours du temps (16)(fig. 4). Par contre, l’ingestion répétée de grands volumesà intervalles de temps rapprochés augmente la fréquencedes douleurs abdominales liées à la distension aiguë del’estomac (15), ce qui souligne l’importance d’essayerces stratégies de réhydratation à l’entraînement, afind’optimiser le volume des apports tout en conservant le confort gastrique.

L’ingestion de boissons dont la concentration en glucoseexcède 2,5 g.100 ml-1 ralentit la vitesse de vidangegastrique ; par rapport à ces solutions, l’eau reste laboisson qui est évacuée le plus rapidement (17). L’osmo-larité de la boisson ingérée semble donc limiter ladisponibilité en eau de l’organisme. La température de laboisson joue un rôle plus modeste ; la vitesse de vidangede l’estomac augmente lorsque la température des boissons baisse, et il paraît judicieux de conseiller la consommation de boissons fraîches entre 10 °C et15 °C, qui pourront participer au refroidissement internede l’organisme et être agréablement rafraîchissantes ; favoriser l’absorption intestinale : l’absorption hydrique nette au niveau jéjunal est favorisée par les solutions hypotoniques ou isotoniques de glucides(hydrates de carbone) comprenant ou non des électrolytes(18). Il existe au niveau intestinal une coopération étroiteentre les transports de glucose, de sodium et l’absorptiond’eau. En effet, l’association glucose-sodium entraîneune absorption hydrique accrue par rapport à l’eau seule ou surtout à une solution de chlorure de sodiumisotonique dépourvue de glucides.

C) RECOMMANDATIONS PRATIQUESD’APPORT EN EAU ET EN MACRONU-TRIMENTS.

Dans une population de sujets entraînés, comme c’est lecas pour des fantassins de compagnies de combat, il estpréconisé d’augmenter la ration en glucides à 55% à 60%de l’apport calorique total ; les glucides ont en effet unrôle déterminant pour les performances physiques et lerecul du seuil de la fatigue. Cette augmentation de la partdes glucides se fera au détriment de la part des lipides qui diminue à 25 % à 30 %, la part des protéines devantêtre préservée en raison de leur rôle structural. L’apporténergétique pendant l’activité physique doit être accompagné d’apports hydriques adaptés, la boissonservant de vecteur aux apports glucidiques. On peutproposer des recommandations nutritionnelles en fonction de la phase de réalisation de l’activité physique.

1. Phase de préparation.

Le but des apports alimentaires est d’optimiser lesréserves en énergie stockées dans l’organisme sous formede glycogène, et le niveau d’hydratation. L’exercice doitdonc être abordé dans un parfait état de normohydrata-tion. Celui-ci peut être obtenu par une prise régulière deboissons, selon l’appétence naturelle, adaptée auxfacteurs climatiques. Au plan énergétique, il est bienconnu que le niveau d’apport quotidien en glucides estcorrélé aux stocks glycogéniques. Plus la consommationen glucides est élevée et plus les réserves en glycogènemusculaire et hépatique sont importantes. La synthèse en glycogène semble être pénalisée pour des apportsglucidiques inférieurs à ~300 g.j-1. Suivant la nature desépreuves (durée, intensité), les apports en glucides serontfavorisés, pouvant constituer jusqu’à 70 % de l’apporténergétique total dans les deux jours qui précèdent.

2. Avant le départ.

Il faudra maintenir un statut optimal en eau et en réservesglucidiques. La prise régulière de petites quantités deboisson selon l’appétence naturelle doit permettred’atteindre cet objectif. La boisson d’attente contiendrades glucides en qualité étudiée et en quantité raisonnable,de manière à éviter la survenue d’une hypoglycémie réactionnelle dans les premières minutes de l’effort, sans être pour autant hyperosmolaire. Le risque d’hypo-glycémie est lié à une quantité trop importante de glucidesà fort index glycémique dans la boisson consommée dans les minutes qui précèdent le départ d’une épreuvesportive. L’ingestion trop importante de glucides avantl’activité physique élève la glycémie et stimule la sécrétion d’insuline. Pour éviter la survenue d’une hypoglycémie réactionnelle en début d’effort, on utilisera des sucres simples ou complexes à index glycémique bas (fructose ou polymères de glucose), àraison de 20-30 g.l-1 de boisson.

297recommandations nutritionnelles à l’entraînement physique

DOSSIER

Figure 4. Vitesse de vidange gastrique suivant 2 modes d’administration de laboisson: une ingestion unique (8 ml.kg-1) ou suivie de l’ingestion répétée d’unvolume de 2 ml.kg-1 toutes les 20 minutes (26).

3. Pendant l’exercice.La soif n’est pas un bon indicateur des besoins en eau : il faut donc boire avant qu’elle n’apparaisse et plusqu’elle n’amènerait à le faire. Le volume à ingérer doitêtre déterminé individuellement et ajusté à la tolérance dechacun, en essayant de compenser totalement les pertessudorales. Pour cela, celles-ci doivent être estimées àpartir des caractéristiques de l’exercice (intensité, durée),des conditions environnementales (températureambiante, humidité relative, charge radiante) et desfacteurs individuels (niveau d’entraînement et d’accli-matement à la chaleur). Pour favoriser la vidangegastrique, il apparaît préférable d’ingérer de largesvolumes selon la tolérance individuelle (19).Si l’effet propre de l’eau apparaît fondamental, l’apportde glucides pendant l’exercice prolongé peut augmenterles possibilités d’endurance (20) ou la capacité de travail maximal dans les suites de cet exercice (21). Laconcentration en glucides de la boisson sera déterminéeen fonction du but à atteindre : il n’existe pas de boisson de l’effort dont la composition soit adaptée à tous lestypes de sport, et à toutes les conditions climatiques.Lorsque l’apport énergétique sera privilégié (épreuves delongue durée en climat modéré, sans déperditionhydrique importante), il faudra choisir une boisson àconcentration relativement élevée en hydrates decarbone, mais essentiellement à base de sucrose, maltoseou maltodextrines de façon à garder l’osmolarité inférieure à 400 mosml.l-1 (60-80 g.l-1). À l’inverse, si lapriorité est donnée à l’apport en eau (épreuves enambiance climatique chaude pour lesquelles la vidangegastrique devra être rapide), la boisson devra être le plusisoosmolaire possible et comporter 20 à 40 g.l-1 deglucides (fig. 5). L’adjonction d’une faible quantité dechlorure de sodium (1,2 g.l-1) a un effet favorable sur le

maintien du volume plasmatique, ce qui permet de limiterla dérive de la fréquence cardiaque et de la températureinterne au cours d’un exercice prolongé en ambiancechaude (22). Pour des activités physiques qui n’excédentpas 6 h, il n’est pas indispensable de compenser les pertessodées sudorales ; par contre pour des activités de trèslongue durée, la supplémentation sodée est indispensablepour éviter les risques d’hyponatrémie de dilution (1,7 à 2,9 g.l-1 NaCl) (19).

4. En période de récupération.Il est parfois délicat de restaurer intégralement son capitalhydrique affecté par l’exercice prolongé. La boisson deréhydratation après l’effort devrait contenir des quantitésmodérées de sodium, au moins de l’ordre de 50 mmol.l-1,et un peu de potassium. Pour compenser les pertesurinaires inévitables, le volume de boisson consomméedoit être plus important que le volume des pertes sudorales et représenter environ 150 % de celles-ci (23).L’ingestion de tablettes de sel est totalement à prohiber, en raison de l’hypertonicité qu’elles entraîneraient dans la lumière intestinale, conduisant à l’augmentationdes sécrétions digestives et la survenue possible detroubles digestifs. L’apport de glucides au cours de larécupération, quelle que soit leur forme, liquide ou solide, est absolument nécessaire pour optimiser la resynthèse du glycogène utilisé pendant l’exercice (24).Les aliments ou boissons conseillés comporteront des glucides à index glycémique élevé ou modéré, pourprivilégier la réponse insulinique et le stockage desglucides sous forme de glycogène.

VI. EXERCICES DE FORCE.

Au cours des sports de force, les recommandationsd’apports en eau et macronutriments sont justif iées par des impératifs énergétiques et plastiques. La pratiquedes exercices de force sollicite une masse musculaireimportante, dans un contexte énergétique de dépendancevis-à-vis du glucose, puisqu’ils sont a priori intenses et decourte durée, même s’ils sont répétés. Les performancesdans ce type d’exercice vont donc être fortement dépendantes des réserves musculaires en glycogène. Deplus, les exercices de force sont le plus souvent réalisés ensalle, dans un environnement climatique qui incite àveiller strictement aux apports hydriques. Ces pointsd’intérêt ont été abordés dans les paragraphes précédentset ne présentent pas de particularité propre pour les sportsde force (ou pour les exercices de musculation) ; nousinsisterons par contre ici sur une autre particularité de lapratique régulière de ces exercices, celle du métabolismedes protéines.Les pratiquants réguliers des sports de force (sports decombat, arts martiaux, culturistes, haltérophiles, etc.)consomment d’importantes quantités de composésazotés (protéines totales, hydrolysats de protéines,mélanges d’acides aminés). Ils admettent sans réserve que l’apport en excès de protéines alimentaires ou d’acides aminés est un facteur favorable au

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Figure 5. Modélisation du choix de la composition de la boisson en fonction desconditions ambiantes. La partie supérieure de la figure concerne les apportsd’hydrates de carbone (CHO), tandis que la partie inférieure concernel’ingestion d’eau. En ambiance chaude, la partie gauche de la figure indiquequ’il faut privilégier l’ingestion d’eau, avec de faibles concentrationsd’hydrates de carbone. Plus l’ambiance est fraîche, plus il faut se déplacer versla partie droite de la figure, et diminuer l’apport en eau tout en augmentant laconcentration en hydrates de carbone, de façon à favoriser les apportsénergétiques.

développement de la masse musculaire et à l’amélioration des performances du muscle (25, 26). Lacontroverse qui existe autour des effets des apports élevésen protéines alimentaires sur la masse musculaire est toujours d’actualité et justifie une mise au point.

A) PARTICULARITÉS DU MÉTABOLISME DESPROTÉINES CHEZ L’ATHLÈTE DE FORCE.

Le développement de la masse musculaire, habituel dans ces disciplines sportives, est le bilan de l’équilibreexistant entre protéolyse et protéosynthèse. Dès l’arrêtd’un exercice de force, on observe une augmentation des synthèses protéiques spécifiquement musculaires(27), parallèle à une augmentation des dégradations enprotéines structurales (28). L’augmentation des synthèsesprotéiques observée dans ces conditions est toujoursbeaucoup plus importante que celle de la protéolyse, cequi suggère que l’exercice en force induit bien uneaugmentation de la masse protéique. L’exercice en forceaugmente donc les synthèses protéiques principalementdans la phase de récupération précoce, ce qui permet deconclure que la disponibilité locale en acides aminés estimportante pendant cette période afin de permettre laconstruction protéique.Les glucides jouent un rôle important dans l’état du bilanazoté en récupération d’un exercice de force; le bilan azotéest en effet amélioré par la consommation de glucidespendant la phase de récupération d’un exercice de force, cequi conduit à conclure que les glucides majorent les effetsanabolisants propres de l’exercice (29).La réduction des apports alimentaires en protéines est unfacteur connu de retard de croissance, et d’installationd’une amyotrophie généralisée. La question posée par lessportifs de force est de savoir si, à l’inverse, l’enrichisse-ment de la ration alimentaire en protéines est susceptibled’induire une augmentation de la masse musculaire.L’entraînement en force a des effets propres, bien connus,sur le développement de la masse musculaire, qui relèvent de différents mécanismes ; un déséquilibre entreles synthèses et les dégradations s’instaure rapidement,au prof it des synthèses. Assez tôt, après le début del’entraînement, on observe une augmentation desconcentrations plasmatiques de nombreuses hormonesanabolisantes : hormone de croissance (GH), Insulin-likegrowth factor-1 (IGF-1), augmentation du rapporttestostérone/cortisol.L’insuline joue un rôle important dans le contrôle du taux de renouvellement des protéines musculaires, enréduisant d’une part la dégradation des protéines, enstimulant d’autre part la production d’hormones anabolisantes comme la GH et l’IGF-1. Cependant, laréduction de la protéolyse par l’insuline a pour conséquence indirecte de réduire la disponibilité enacides aminés, ce qui ne représente pas un facteur favorable aux synthèses. Malgré tout, la présence d’insuline est indispensable à la stimulation de l’accrétion protéique observée au décours des exercicesde force (30). En revanche, sans exercice associé,

l’insuline n’a pas de conséquence majeure sur lessynthèses protéiques. L’insuline semble donc jouer unrôle physiologique important dans l’explication de l’effetanabolisant de ce type d’exercice.Toutes ces données permettent de mettre en exergue les influences et les synergies qui existent entre disponibilité en acides aminés, GH, insuline et IGFs. Il est indispensable d’assurer un approvisionnement régulier en acides aminés indispensables afin de répondreaux besoins liés à la stimulation des synthèses protéiquesau cours de la phase de récupération d’exercices de force.

B) APPORTS EN PROTÉINES ALIMENTAIRESET GAIN DE MASSE MUSCULAIRE.

Si l’ensemble des données expérimentales va dans le sensd’une augmentation des besoins en protéines, il apparaît àl’évidence que tous les sportifs qui veulent développerleur masse musculaire (haltérophiles, culturistes) en consomment régulièrement des quantités très supérieures à celles recommandées pour équilibrer le bilan azoté. Il s’agit donc de savoir si augmenter la disponibilité en acides aminés libres permet de maximiser le gain de masse musculaire attendu à l’entraînement en force.Les conséquences de l’apport protéique en excès et de l’entraînement en force sur la masse musculaire sont toujours très controversées. Le bilan azoté maintenulargement positif par des apports alimentaires adéquats, a des effets assez débattus sur le gain de masse musculaire, qui a été trouvé favorisé (31), ou non-affecté (32). Il semble en fait exister un plafonnement de l’augmentation des synthèses protéiques musculairesinduite par l’apport alimentaire, alors que les acidesaminés provenant des protéines alimentaires consom-mées en excès sont soit oxydés soit éliminés (fig. 6). Iln’existe donc pas de relation linéaire entre apportprotéique et anabolisme musculaire et le gain de masse musculaire à l’entraînement en force n’est pasproportionnel aux apports.Ainsi, alors que la disponibilité en acides aminés estindispensable au développement du muscle, il sembleexister une limite au-delà de laquelle les acides aminés enexcès sont oxydés. Par ailleurs, aucun travail scientifiquesérieux n’a permis à ce jour de démontrer que l’apport enexcès d’acides aminés spécifiques a des effets majeurssur la production d’hormones anabolisantes et sur lacroissance de la masse musculaire à l’entraînement.

C) BESOINS EN PROTÉINES DU SPORTIF DEFORCE.

La pratique d’un entraînement en force nécessite desapports azotés très supérieurs au minimum d’apportrecommandé pour l’adulte sédentaire selon les normesaméricaines (0,83 g.kg-1.j-1). Bien que le besoin enprotéines varie en fonction de multiples facteurs, il peutêtre évalué à 1,33 g.kg-1.j-1 chez le sportif de force. Enmilieu sportif, les restrictions de l’apport énergétiquesont connues pour affecter le métabolisme des protéines

299recommandations nutritionnelles à l’entraînement physique

DOSSIER

et l’équilibre du bilan azoté ne peut alors être obtenuqu’en augmentant les protéines dans la ration (33). Detelles situations sont fréquentes en milieu militaire,surtout dans les périodes d’instruction de jeunes recrues,ou dans les situations opérationnelles pour les troupesspéciales. La réduction de la ration alimentaire conduit àsurveiller les apports en protéines qui devront représenterun pourcentage important de l’apport énergétique total (supérieur à 20 %).Les recommandations d’apport en protéines doivent êtreenvisagées sous les angles quantitatif et qualitatif. Chezles athlètes confirmés dans ces disciplines, et pour qui lamasse musculaire doit être entretenue, les apportsprotéiques suff isants pour équilibrer le bilan azotépeuvent être estimés entre 1,3 et 1,5 g.kg-1.j-1. Cet apportdit de sécurité, est indicatif pour des protéines à haute valeur nutritionnelle, prenant en compte leur digestibilité et leur valeur biologique (ovalbumine,protéines du lactosérum, lactalbumine).Chez les sujets régulièrement entraînés cherchant à développer leur masse musculaire, on peut concevoirl’intérêt à augmenter la disponibilité locale en acidesaminés. Dans ces conditions particulières, des apportsprotéiques alimentaires variant de 1,8 à 2,0 g.kg-1.j-1

peuvent alors être proposés. Ces valeurs correspondent àun apport optimal pour les performances musculairesdans le cadre de disciplines dont la masse musculaireconstitue un des déterminants de la performance.

VII. APPORTS EN MICRONUTRIMENTS.

Les vitamines, minéraux et oligo-éléments constituent lacatégorie des micronutriments. Toutes ces substancessont présentes en faible quantité dans l’organisme maissont essentielles à de nombreuses fonctions physiolo-giques comme la contraction musculaire, le trafic et latransmission des informations neuronales, la réparationdes tissus lésés. Un régime équilibré se doit d’apporter

une certaine quantité de ces substances qui sont nécessaires au bon fonctionnement cellulaire. Les miné-raux sont classiquement différenciés des oligo-élémentspar leur concentration dans l’organisme. Un minéral estprésent dans des quantités qui excèdent 1/10000 du poidscorporel, alors que les oligo-éléments sont, en général,présents dans des quantités dix fois moindres.Par souci de concision, seules les particularités desmicronutriments impliqués dans les systèmes de défensecontre les espèces radicalaires de l’oxygène serontévoquées ici. Les espèces radicalaires de l’oxygène, ouradicaux libres sont des composés à demi-vie courte ;cependant leur production excessive comporte un risquecertain d’oxydation des acides gras entrant dans la constitution des phospholipides membranaires (34).Puisque la mitochondrie est une source majeure deproduction de radicaux libres, l’activité physique représente une situation à risque au regard de la formationde ces espèces biochimiques instables.Au cours de l’évolution, les organismes biologiques ontdéveloppé des systèmes de défense sophistiqués pourneutraliser les effets délétères des espèces réactives dérivées de l’oxygène. Ce sont principalement lesenzymes anti-oxydantes Superoxydes dismutases(SOD), capables d’éliminer l’anion superoxyde, les catalases à cofacteur fer et les glutathion-peroxydases àcofacteur sélénium (GPx). On peut distinguer les SOD à manganèse (localisées dans les mitochondries), dessuperoxydes dismutases à cuivre et zinc (localisées dans le cytosol). La qualité de l’apport alimentaire estsusceptible de jouer ici un rôle important par l’apport de ces métaux cofacteurs enzymatiques. Il existe d’autres systèmes de défense dont l’efficacité dépendprincipalement de l’apport alimentaire (vitamines et oligo-éléments) ; ces piégeurs de radicaux libres lipophiles incluent la vitamine E, les caroténoïdes, tel leß-carotène, le lycopène, la lutéine et la vitamine C. Il estdonc important de concevoir que l’état des défenses

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Figure 6. Évaluation des synthèses protéiques totales de l’organisme (A) et de l’oxydation de la leucine (B) chez des athlètes entraînés dans un sport de force et soumisà un régime à faible apport en protéines (0,9 g.kg-1/j-1), modéré (1,4 g.kg-1/j-1) et élevé (2,4 g.kg-1/j-1), différence avec les mesures réalisées pour faible apport enprotéines, P < 0,05 (31).

anti-oxydantes dépend en partie des apports alimentairesen certaines vitamines (A, C, E) et en cofacteursd’enzymes antiradicalaires (Mn, Se, Cu).À l’exercice, la production de radicaux libres relève principalement de deux types de mécanismes, l’undépendant de l’augmentation importante de la consommation d’oxygène, l’autre relevant de processusd’ischémie-reperfusion de certains tissus. Au plan expérimental, l’augmentation de la production de radicaux libres à l’exercice chez l’homme, a été mise en évidence à la fois de manière directe par résonancespectroscopique (35) (fig. 7), et de manière indirectedepuis plus longtemps, grâce au dosage des marqueursbiochimiques du stress oxydatif. Le développement d’un stress oxydatif à l’exercice est d’autant plus évidentque l’épreuve est d’intensité élevée et le sujet peuentraîné. En revanche, chez les sujets entraînés, il sembleque l’exposition répétée à une augmentation de la production de radicaux libres du fait d’une pratique régulière conduit l’organisme à développer ses systèmesde défenses anti-oxydantes pour l’aider à lutter contre une attaque radicalaire.L’apport exogène en vitamine E participe à la préventiondes effets délétères des radicaux libres produits lors d’unexercice physique, en particulier sur le développement delésions des membranes cellulaires. L’association deplusieurs anti-oxydants (vitamines E et C) conduiraitégalement à cet effet bénéfique, bien qu’aucune étuden’ait permis d’évaluer la synergie ou potentialisationd’une telle association. En revanche, l’hypothèse d’effetsergogènes des composés anti-oxydants ne repose sur

aucune preuve expérimentale. La population militairesemble présenter des facteurs de risque au regard d’une altération du statut anti-oxydant, compte tenu del’inadéquation entre les besoins élevés et la relativepauvreté des apports alimentaires, principalement en cas d’utilisation prolongée de rations de combat pré-conditionnées. Dans ces conditions et pour toutes les circonstances associées à une augmentation de production d’espèces réactives de l’oxygène, la miseen place d’une supplémentation en vitamines et oligo-éléments est justifiée.

VIII. CONCLUSION.

À l’instar de la pratique des activités sportives, les activités physiques militaires posent un certain nombre de problèmes nutritionnels. La préparation de raids, de marches commando, de déplacements de longue durée en zone accidentée avec port de charges, justif ient des apports glucidiques adaptés.L’hydratation nécessaire pendant la phase de déplace-ment devrait reposer sur des boissons comportant dessuppléments glucidiques. Par ailleurs, les apports enprotéines devraient être surveillés chez les militairesréalisant des travaux de force. Certaines circonstancesjustifient la mise en place de suppléments anti-oxydants.Toutes ces stratégies nutritionnelles qui reposent sur des bases expérimentales solides ne sont cependant pasde mise en œuvre facile, surtout en contexte opérationnel.C’est pourquoi ces règles nutritionnelles sont que très rarement appliquées sur le terrain.

301recommandations nutritionnelles à l’entraînement physique

DOSSIER

Figure 7. Aspect de spectres de résonance électronique de spin, recueillis dans le sérum de sujets avant et après réalisation d’un exercice sur bicyclette ergométrique (A).Quantification des spectres et concentrations plasmatiques de malondialdéhyde et de peroxydes lipidiques (B). Les valeurs sont des moyennes ± écart-type de lamoyenne. Différence avec les valeurs de repos, # P < 0,05 ; $P < 0,001 (1).

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Dossier nutrition

médecine et armées, 2007, 35, 4 303

PROBLÈMES NUTRITIONNELS POSÉS PAR LA PRATIQUE DEL’ACTIVITÉ PHYSIQUE EN ALTITUDEApplications au milieu militaire

L’exposition prolongée à l’altitude de troupes déployéesen région montagneuse pose un certain nombre deproblèmes qui justifient un suivi nutritionnel adapté. Unamaigrissement est de mise au cours de l’expositionprolongée à l’altitude, en fonction de l’importance del’hypoxie et de la durée du séjour. La déshydratation etles transferts de fluides entre compartiments liquidiensexpliquent en partie la perte de poids, mais la perte depoids est essentiellement liée à une anorexie dépendantede l’hypoxie et aggravée lorsque les conditions del’environnement deviennent défavorables (froid,inconfort, faible diversité des aliments, etc.). La perte depoids en altitude ne peut qu’avoir des effets adverses surles performances physiques et mentales, les conseilsnutritionnels doivent s’attacher à limiter l’importance decet amaigrissement. Il convient, cependant, dereconnaître que ces conseils nutritionnels sont trèsdifficilement applicables pour des troupes en contexteopérationnel.

Mots-clés : Amaigrissement. Amyotrophie. Hypoxie.Performances physiques.

RÉSUMÉ

SPECIFIC ISSUES RELATED TO NUTRITION ATALTITUDE: RELEVANCE FOR MILITARY FORCES.

Prolonged exposure of soldiers in mountain regionsraises a number of issues that justify a nutritionalmonitoring. A loss of body weight is currently reportedduring altitude exposure, according to the intensity ofhypoxia and the duration of exposure. Dehydration andshifts in fluid compartments partly account for the loss ofbody weight. However, the body weight loss is mainlyrelated to a decrease in food intake induced by hypoxiaper se, and enhanced by negative environmental factorssuch as cold, lack of comfort, low food diversity andpalatability. This loss in body weight has many adverseeffects on both physical and mental performances. Theaim of the nutritional monitoring is to minimize theeffects of body weight loss. However, application ofspecific nutritional recommendations clearly is difficultin the field under operational conditions.

Keywords: Body weight loss. Hypoxia. Loss of musclemass. Physical performance.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 303-309)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Les caractéristiques d’emploi des forces ont considéra-blement évolué ces dernières années. Les forces terrestresdoivent être projetables en n’importe quel endroit du monde, ce dans des délais assez courts ; quel que soit le théâtre d’opérations considéré, les combattants doivent être rapidement opérationnels et être aptes àremplir leur mission. De nombreux exemples récentsdémontrent la multiplicité des contextes d’engagement etla possibilité pour les troupes, d’avoir à opérer en altitude.À cet égard, une bonne connaissance des contraintesspécifiques de l’altitude et de ses effets adverses doit

permettre au médecin d’unité d’adapter les règles générales de nutrition à cet environnement, et de contribuer au maintien de l’état de santé du personnel et de son eff icience. C’est pourquoi cet article est destiné à faire le point des effets de l’exposition à l’altitude sur les apports alimentaires ; l’accent sera porté sur les principaux messages susceptibles de contribuer au maintien du statut nutritionnel dans deslimites acceptables.L’altitude représente un environnement défini par lacombinaison de multiples contraintes dont l’hypoxie, lefroid, l’hygrométrie de l’air ambiant, etc. L’exposition à l’altitude, qu’elle soit aiguë ou prolongée, induit ledéveloppement de réponses adaptatives dont la finalitéest de compenser la chute brutale de la pression partielled’oxygène, conséquence directe de la baisse de la pression barométrique locale. Toutes ces réactions adaptatives entrent dans un large cadre de réponses

N. SIMLER, ingénieur d’études et de fabrication. N. KOULMANN, médecin enchef, praticien certifié. A.-X. BIGARD, médecin chef des services, professeuragrégé du Val-de-Grâce.Correspondance: A.-X. BIGARD, Département des facteurs humains, CRSSA, BP87, 38702 La Tronche Cedex.

N. SIMLER, N. KOULMANN, A.-X. BIGARD

DOSSIER

coordonnées, développées pour faire face à l’expositionà l’altitude ; ces réponses sont reconnues sous le termegénérique de réactions d’acclimatation.Cependant, les contraintes spécifiques de l’environne-ment altitude (principalement l’hypoxie), commecertaines des réponses adaptatives sont susceptiblesd’avoir des effets secondaires néfastes pour la santé et/oudélétères pour les performances sportives. C’est le cas del’amyotrophie qui est de mise dès lors que l’organisme estexposé de manière prolongée à l’altitude, réponse quipeut être considérée comme adaptative ; cependant, cette perte de masse musculaire contribue à la baisse des performances aérobies maximales, mais surtout àl’altération des performances musculaires locales à typede développement de force ou de couple. De plus, on saitdepuis de très nombreuses années que l’expositionprolongée à l’altitude est à l’origine de perturbationsimportantes du comportement nutritionnel et de la prisealimentaire. Toutes ces altérations affectent notablementles performances physiques, ce qui permet d’envisagerune baisse notable des capacités opérationnelles de combattants déployés pour plusieurs jours en zone de montagne ; dans ces conditions, les objectifs du suivi nutritionnel peuvent avoir deux orientationscomplémentaires : d’une part, limiter l’importance del’amaigrissement et de la perte de masse maigre et d’autrepart, assurer au mieux le maintien des performances.

II. ALTITUDE ET AMAIGRISSEMENT.

On sait, depuis de très nombreuses années, que l’exposition à l’altitude entraîne un amaigrissementimportant et des altérations profondes de la compositioncorporelle (1-4). La collecte de données, pendant des expéditions en haute montagne, a permis de considé-rablement améliorer nos connaissances dans ce domaine.

A) IMPORTANCE DE L’AMAIGRISSEMENT ENALTITUDE.

Les résultats de l’expédition médicale américaine à l’Éverest en 1981 avaient déjà clairement identif ié ce problème important. Au cours de cette étude, les grimpeurs tous nés en basse altitude rapportaient enmoyenne un amaigrissement de 2 kg au cours de la marche d’approche, de l’altitude de 1 000 m jusqu’aucamp de base situé à 5 400 m (tab. I) (1). La perte de poids augmente avec la durée de l’exposition et les sujets ont, en moyenne, perdu 6 kg après avoir gravi le sommet. Des données très similaires ont été obtenuesdans d’autres situations d’exposition prolongée à l’altitude dans le cadre d’expéditions himalayennes (2, 3).Les sujets perdent ainsi entre 4 % et 8 % de leur poidscorporel au décours de séjours de six à huit semaines en altitude (tab. I).Cependant, les conditions de vie sur le terrain sont extrêmement déstabilisantes pour l’équilibre du comportement alimentaire, en particulier par le manque de confort et par les perturbations des habitudesalimentaires liées aux conditions locales. C’est pourquoi

les conséquences spécifiques de l’hypoxie sur le poids et la composition corporelle ont aussi été évaluées aucours de séjours prolongés en chambres hypobares. Unepremière étude a permis de reproduire l’ascension de l’Éverest dans de parfaites conditions de confort thermique et de disponibilité en aliments occidentaux (5).Au cours de leur séjour de 40 jours en chambre hypobare,les sujets ont perdu en moyenne 7,5 kg, ce qui correspondà une perte de 9 % de leur poids corporel. Comme onpouvait le penser, l’importance de l’amaigrissement étaitfonction du niveau de l’altitude atteinte. Plus récemment,une autre simulation de l’ascension de l’Éverest sur une période de 31 jours a entraîné un amaigrissement de5 kg en moyenne de l’ensemble des participants (4).Jusqu’à des altitudes moyennes (3 000 m), l’importancede l’amaigrissement est très liée à la masse grasse initiale ;cependant, nul n’est à l’abri de l’amaigrissement, même si ce sont les sujets les plus gras qui sont appelés àperdre le plus de poids (1).

B) ALTÉRATIONS DE LA COMPOSITIONCORPORELLE.

L’amaigrissement est associé à de profondes modifica-tions de la composition corporelle. Dès l’exposition à l’altitude, c’est essentiellement la masse grasse qui rend compte de la perte de poids corporel : 60% de la pertede poids corporel est expliquée par la perte de massegrasse (1). Au cours des expéditions himalayennes, unebaisse de 1,5 % à 3 % de la masse grasse est rapportéependant toute la période de la marche d’approche et duséjour au camp de base (~5 000 m) (tab. II) (1, 2). Pour cesaltitudes, la perte de masse grasse permet d’expliquer

304 n. simler

Tableau I. Amaigrissement et évolution de la masse grasse au cours de deuxexpéditions himalayennes. Les valeurs sont des moyennes ± écart-type.Différence avec les valeurs de basse altitude, (a), P < 0,001; (b), P < 0,05; (1, 2).

Poids corporel

(kg)

Masse grasse

(%)

Guilland et Klepping,1985 (8)

Basse altitude

Arrivée au camp de base

Après 1 semaine au campde base

Après l'ascension dusommet

69,1 ± 2,6

68,5 ± 2,9

68,4 ± 2,8

65,1 ± 2,1 (b)

17,0 ± 0,8

17,7 ± 0,7

15,6 ± 1,1

13,7 ± 1,2 (a)

Boyer et Blume, 1984 (1)

Basse altitude

Arrivée au camp de base

Après l'ascension dusommet

74,6 ± 1,9

72,7 ± 2,2 (b)

68,7 ± 2,1 (a)

20,2 ± 1,4

18,4 ± 1,1 (a)

16,9 ± 1 (a)

60 % de la perte de poids, le reste étant lié aux pertes en eau et en masse maigre (6).Dès lors que l’on s’élève en altitude, la part prise par la masse maigre dans la perte de poids augmente, et inversement pour la masse grasse (fig. 1) (1, 2, 5). Dans ce cas, la perte de masse grasse ne permet de rendrecompte que de 30 % de la perte totale de poids corporel.La perte de masse maigre qui devient prépondérantequand on s’élève en altitude, peut être liée à une perte en eau ou à une réelle attrition du pool de protéines. Indéniablement, la perte en eau joue un rôle importantdans la diminution de la masse maigre (6). Il existe, en effet, à l’hypoxie, un transfert de fluides, du secteurintracellulaire vers le secteur extracellulaire, qui expliquepartiellement la baisse de la masse maigre. Cette

déshydratation intracellulaire peut être majorée par une mauvaise hygiène hydrique et par une mauvaisehydratation au cours des activités physiques. Si les perturbations nutritionnelles liées à l’environnement, àl’absence de confort, à la faible palatabilité des alimentsdeviennent un problème majeur, l’amyotrophie vraie,avec perte de la masse protéique, rend compte de la presque totalité de la perte de masse maigre. Dans des conditions assez précaires, des pertes de massemusculaire atteignant 15 % des valeurs initiales ont pu être estimées en imagerie médicale (7).

C) CAUSES DE L’AMAIGRISSEMENT.

Les raisons pour lesquelles les sujets perdent du poids enaltitude restent débattues ; on peut évoquer un déséqui-libre de la balance énergétique, une déshydratation, une malabsorption de certains macronutriments, maissurtout une réduction importante et très reproductible de la prise alimentaire.Anorexie d’altitude. Une baisse de 35% à 40% de la prisealimentaire a été rapportée au cours de séjours prolongésen altitude, en particulier au niveau des camps de based’expéditions himalayennes (~5 000 m) (2). La réductionde l’apport calorique s’aggrave notablement lors desséjours dans les camps à plus haute altitude. Cependant,l’exposition à l’altitude est associée à de multiplesfacteurs susceptibles de perturber la prise alimentaire : le froid, le stress, l’inconfort de l’environnement, les perturbations des habitudes et des choix alimentaires,mais aussi et peut être surtout le niveau d’activitéphysique qui contribue à négativer l’équilibre énergétique (8). Ainsi, il n’est pas aisé d’identif ierl’origine exacte de cette anorexie pourtant très reproductible en altitude.Mais les expositions prolongées en chambre hypobare,qui permettent de limiter l’impact de tous ces facteurs etd’isoler les effets propres de la baisse de la disponibilité

305problèmes nutritionnels posés par la pratique de l’activité physique en altitude

DOSSIER

Tableau II. Performances au cours d'un test de Wingate sur bicycletteergométrique, avant et après un régime de restriction d'apport énergétique.Les sujets consomment en moyenne 2200 kcal/j, soit une réduction de 30 % deleur apport énergétique de base. Les sujets consomment une ration équilibréeen type de macronutriments (h-N), ou enrichie en hydrates de carbone (h-CHO). Les valeurs sont des moyennes ± écart-type. Différence avec les valeursmesurées avant le début de la supplémentation ; *, P < 0,05 ; $, P < 0,01 ; (19).

Groupe h-CHO Groupe h-N

avant après avant après

Puissance totale (Nm)

Pic de puissance(Nm/s)

Puissance moyenne(Nm/s)

Vitesse de fatigue(Nm/s/s)

19147± 1141

790 ± 55

638 ± 38

14,2 ± 1,6

19211± 1121

802 ± 52

640 ± 37

15,0 ± 1,4

21379± 945

928 ± 37

712 ± 31

18,4 ± 2,2

20005± 889 *

898 ± 45 $

667 ± 38*

18,5 ± 2,6

Figure 1. Variations du rapport surface musculaire/surface osseuse (A), et du rapport surface de la graisse sous-cutanée/surface osseuse au niveau du bras et de la cuissechez des sujets ayant séjourné 40 jours en chambre hypobare au cours de l’expérimentation Éverest II (B). Les valeurs sont des moyennes ± écart-type. Différence avecles valeurs mesurées avant le séjour en chambre hypobare, $, P < 0,005 ; $$, P < 0,001 (5).

en oxygène dans l’air ambiant, ont permis de confirmerque l’hypoxie en elle-même jouait un rôle important dans la réduction de la prise alimentaire spontanée (4, 5).La baisse de la prise alimentaire est dépendante de l’altitude simulée, et varie de -11 % au niveau du camp de base, à -54 % à l’altitude de l’Éverest (f ig. 2). Les résultats de cette expérimentation venaient confirmerque l’anorexie, largement rapportée au cours de séjoursen altitude (1-3), était principalement liée à des effets propres de l’hypoxie. Cette diminution des apportscaloriques contribue à négativer la balance énergétique,malgré une faible baisse des dépenses énergétiques de base (en dehors des dépenses liées à l’activité physique,qui sont le plus souvent augmentées) (f ig. 2). Ce déséquilibre de la balance énergétique explique engrande partie l’amaigrissement qui est observé demanière reproductible dans ces conditions.Les mécanismes à l’origine de l’anorexie d’altituderestent encore à ce jour très discutés. Le produit du gène Ob, la leptine, est connu pour avoir des effetsanorexigènes marqués (9) ; c’est pourquoi l’évolution de la leptine plasmatique a été mesurée chez des grimpeurs exposés à l’altitude. Des concentrationsélevées de leptine ont été retrouvées dans le plasma desujets exposés pour une courte durée à l’altitude (10).Cette augmentation de la leptine pourrait expliquer la perte d’appétit initiale. Cependant, des études récentes conduites sur modèle animal ne permettent pasde confirmer que la leptine puisse jouer un rôle importantpour expliquer la réduction de la prise alimentaire en altitude (11). D’autres hypothèses sont actuellementavancées qui permettent de suggérer qu’une hypergly-cémie réactionnelle initiale contribue à rendre compte de l’anorexie importante observée dès l’exposition aiguëà l’altitude (12).Autres causes de l’amaigrissement. Les pertes en eau,majorées en altitude (pertes principalement aggravéespar la perspiration respiratoire, surtout à l’exercice),contribuent à déséquilibrer la balance hydrique. Les

conditions de terrain sont telles que les apports hydriquessont naturellement réduits, ce qui conduit à attribuer un rôle à la déshydratation dans la perte de poids observéeen altitude. La malabsorption des macronutriments aaussi été évoquée pour expliquer l’amaigrissement ; il ne semble pas que l’absorption intestinale des graisses, des hydrates de carbone ou des acides aminés soit suffisamment affectée par l’altitude pourexpliquer l’amaigrissement.

III. AUTRES EFFETS DE L’ALTITUDE SUR LECOMPORTEMENT ALIMENTAIRE.

Parallèlement à la baisse des apports énergétiques, l’altitude est à l’origine de perturbations de la fréquenceet de la taille des repas. Le comportement alimentaire dessujets évolue : ils consomment plus souvent et de faiblesquantités d’aliments (13). La fréquence des prisesalimentaires augmente alors que le contenu des repas (ou collations) diminue.Les effets de l’hypoxie sur les préférences alimentairesrestent encore très débattus : on a longtemps pensé quel’exposition à l’altitude induisait une préférence pour leshydrates de carbone (ou glucides). C’est ainsi quel’apport énergétique sous forme de glucides augmente de42 % à 55 % au niveau de la mer, à 52 % à 63 % au coursd’une expédition himalayenne (1). Cependant, lesenquêtes réalisées au cours d’une simulation d’ascensionde l’Éverest n’ont pas permis de conf irmer cette préférence lorsque les sujets ont un large choix de platsoccidentaux et variés (5). Il est logique de penser que c’est essentiellement parce que les plats composés desucres lents sont faciles à préparer et que les supplémentscontenant des sucres à saveur sucrée sont plus agréables àconsommer que la part des glucides dans l’alimentationest augmentée. Par ailleurs, les alpinistes ont consciencede l’importance des hydrates de carbone pour les performances physiques, l’ensemble expliquant que dans les conditions de terrain, les glucides sontconsommés en quantité plus importante que les lipides.

IV. CONSEILS NUTRITIONNELS.

Le suivi nutritionnel de troupes engagées dans une opération de plusieurs jours en altitude doit être orientédans deux principales directions : minimiser les effets de l’hypoxie sur le poids corporel et la masse musculaireet prévenir les effets secondaires de l’hypoxie qui affectent le maintien des capacités opérationnelles.

A) LIMITER L’IMPACT DE L’ALTITUDE SURL’ANOREXIE, L’AMAIGRISSEMENT ET LAPERTE DE LA MASSE MUSCULAIRE.

L’impact de l’altitude peut être minoré soit en privilégiantla consommation spontanée des aliments, soit en favorisant l’apport de composés azotés.Favoriser la prise alimentaire spontanée. Comme nousvenons de l’évoquer, la réduction spontanée de

306 n. simler

Figure 2. Dépense et apports énergétiques pour différentes altitudes simuléesen chambre hypobare. L’apport énergétique est comparé à celui évalué ennormoxie. Différence avec les valeurs mesurées avant le séjour en chambrehypobare, *, P < 0,01 pour l’apport énergétique total ; #, P < 0,01 pour l’apporténergétique correspondant à chacun des repas (4).

la consommation alimentaire en altitude est en grande partie liée à des effets directs de l’hypoxie sur lesmécanismes biologiques de contrôle de la prised’aliments. Cependant, les facteurs d’environnement,l’inconfort de la situation, l’altération fréquente despropriétés organoleptiques des aliments contribuentaussi à expliquer l’anorexie (3, 5, 8). Dans ces conditions,l’exposition prolongée à l’hypoxie chez des sujets actifsdevant se déplacer par leurs propres moyens, en terrainvarié, est associée à une négativation de la balance énergétique ; l’équilibre sera d’autant plus affecté que les dépenses seront élevées, en particulier par l’exercicequi est pratiquement de mise dans cette situation d’environnement. C’est tout particulièrement vrai pourdes troupes déployées en montagne dont le mode dedéplacement est la marche, associée au port de lourdescharges. Compte tenu de la réduction fréquente desapports alimentaires, le déséquilibre de la balance énergétique a été considéré comme une conséquenceincontournable de l’altitude (8). L’un des premiersmoyens de limiter l’impact de l’altitude sur la prisealimentaire est de privilégier la consommation en améliorant les qualités des repas et les propriétés organoleptiques des aliments proposés. L’augmentationspontanée de l’apport énergétique permet ainsi de minimiser la perte de poids et de préserver la massemusculaire (fig. 3) (14, 15). Assurer l’approvisionne-ment en aliments aux qualités organoleptiques est une des clefs du succès de la préservation de la composition

corporelle en altitude ; compte tenu des contraintesd’approvisionnement sur le terrain, il n’est pas toujoursfacile d’assurer une parfaite disponibilité en alimentspalatables. Même si les difficultés sont importantes, c’est un facteur qui doit toujours être pris en compte,d’une manière régulière en cas d’activités militaires sur le terrain, et tout particulièrement lorsque ces activitésse déroulent en altitude.Favoriser les apports azotés. L’amyotrophie observée aucours de l’exposition prolongée à l’altitude a été en partieattribuée à un déséquilibre entre les synthèses et lesdégradations en protéines musculaires. Les synthèsesprotéiques peuvent être affectées pour différentesraisons, et en particulier à la suite d’une baisse de la disponibilité en composés azotés et acides aminés essentiels. Af in de tester cette hypothèse, l’intérêt que pourrait comporter un enrichissement de la ration en protéines totales sur la protection contre les effets de l’altitude a été examiné ; en utilisant un modèle animal validé, nous avons montré que la qualité del’apport énergétique et l’augmentation de la ration azotéen’ont aucun effet sur la baisse du poids corporel et de la masse musculaire (16).On a par ailleurs montré qu’un raid à ski de plusieurs joursen moyenne altitude induisait une diminution de laconcentration plasmatique en acides aminés branchés(17). Cette observation permettrait d’arguer pour unebaisse de la disponibilité en acides aminés essentielsaffectant les synthèses protéiques. Chez l’homme, l’enrichissement de la ration alimentaire en acides

307problèmes nutritionnels posés par la pratique de l’activité physique en altitude

DOSSIER

Figure 3. Balance azotée moyenne, mesurée pendant 3 jours en normoxie (A),pendant 6 jours en altitude (4300 m) sans augmentation sollicitée de l’apporténergétique (B), pendant 6 jours en altitude avec augmentation sollicitée del’apport énergétique (C) et pendant les 5 derniers jours en altitude avecaugmentation sollicitée de l’apport énergétique (D). Les valeurs sont desmoyennes ± écart-type (14).

Figure 4. Évolution de différentes variables anthropométriques et deperformance après un trek en altitude de 3 semaines, chez des sujetsconsommant un supplément en acides aminés branchés ou un placebo (18).

308 n. simler

aminés branchés a permis de confirmer que privilégier un apport en ce type d’acides aminés permettait de minimiser la perte de masse musculaire (18) (fig. 4). Cesdonnées ont cependant été largement controversées par la suite et méritent encore à ce jour d’être confirméesavant d’édicter des règles de supplémentation.

B) MINIMISER L’ATTRITION DESPERFORMANCES ET DES CAPACITÉSOPÉRATIONNELLES.

Af in d’atteindre cet objectif, l’attention doit être attirée sur la mise en œuvre de moyens susceptibles de favoriser les apports alimentaires spontanés, de proposer des aliments enrichis en macronu-triments essentiels, de surveiller les apports liquidiens et de lutter contre les effets adverses des espèces radicalaires de l’oxygène. Ce premier point a été abordédans le paragraphe précédent.Privilégier les apports en macronutriments essentiels. Il est important dans ces situations de réduction de l’apport énergétique total, d’évaluer le type de macronutriment à privilégier, afin de maintenir ou deminimiser la chute des performances. Pour répondre à cette question, des sujets sportifs ont été soumis à un régime restrictif (apport moyen de 2 200 kcal/j), standard ou enrichi en glucides (hydrates de carbone).Les effets de cette restriction d’apport énergétique ont été évalués sur les performances au cours de tests représentatifs de la puissance musculaire et du métabolisme anaérobie (tab. II) (19) ; seule la ration enrichie en glucides permet de maintenir les performances. Si donc, un type de macronutriment doit être privilégié dans la ration alimentaire en situationde déséquilibre de la balance énergétique, ce sont bien les hydrates de carbone. Force est de convenir qu’une telle stratégie nutritionnelle est difficilement applicableen milieu militaire, surtout en contexte opérationnel.C’est cependant une règle essentielle que d’apporter des aliments riches en glucides dans ces conditionsd’apport énergétique limité.Surveiller les apports liquidiens. L’activité physique en altitude représente une circonstance à risque pourl’équilibre hydro-électrolytique. En effet, les perteshydriques par perspiration pulmonaire sont majorées,l’air étant beaucoup plus sec que dans les basses altitudes.Cette perte en eau n’est par directement perçue par le sujet, ce qui en aggrave le risque. Compte tenu desconséquences de la déshydratation sur les performancesd’exercices dynamiques ou musculaires, une attentiontoute particulière doit être portée sur les apports liquidiens, ce d’autant que les conditions pratiques de terrain ne sont pas favorables à la prise spontanée de boissons (froid, diff iculté d’accès à la boisson, souvent dans un sac à dos, faible disponibilité dans l’environnement).Lutte contre les espèces radicalaires de l’oxygène. La production de radicaux libres de l’oxygène estmajorée, à la fois par l’exercice prolongé, mais aussi

par l’environnement hypoxique. Compte tenu des risques accrus de peroxydation lipidique, la lutte contre les espèces radicalaires de l’oxygène devient une priorité chez l’homme à l’exercice en hypoxie.L’hypothèse selon laquelle les conséquences du stress oxydant induit par l’exposition à l’altitudepouvaient être minimisées par une supplémentation en vitamine E a été posée (20). Bien que sans effets directs sur les performances, la supplémentation en vitamine E a permis dans les conditions d’une expéditionhimalayenne de limiter les effets propres de l’hypoxiechronique sur la concentration d’hydrocarbures dans les gaz expirés, marqueurs de peroxydation des structures membranaires. Les quelques travaux existants confirment donc que la prise de supplémentsantioxydants (vitamines A, C, E ou oligo-éléments)permet de limiter les effets adverses de radicaux libres. Cependant, cette supplémentation n’a aucuneconséquence propre sur les performances physiques. Il est aussi assez diff icile de mettre en œuvre une telle recommandation en milieu militaire alors que les vivres frais sont souvent absents. Dans ces conditions,le recours à des suppléments sous forme de gélules peut être envisagé.Hémorrhéologie et supplémentation en Acides gras polyinsaturés (AGPI). Les performances en endurancesont en grande partie déterminées par la capacité qu’a l’organisme à distribuer et à utiliser l’oxygène. Ladistribution de l’oxygène dépend de la richesse du débit sanguin local, du réseau capillaire, de la fluiditésanguine et de la déformabilité des érythrocytes.

Figure 5. Variations de l’index de filtration des érythrocytes chez des sujetssoumis à une supplémentation en acides gras polyinsaturés (AGPI), avant ouaprès 1 heure d’un exercice réalisé en normoxie (traits pleins) ou en hypoxie(3 000 m, traits pointillés). Les valeurs sont des moyennes ± écart-type.Différence avec les valeurs mesurées en normoxie, * P < 0,05 (21).

Or, l’exposition prolongée à l’hypoxie induit une diminution de la déformabilité des globules rouges, ce quipénalise leur pénétration dans les capillaires musculaires.On a alors posé l’hypothèse qu’une supplémentation en AGPI, connus pour augmenter la déformabilitémembranaire, pouvait minimiser les effets adverses del’altitude sur les performances aérobies. Cette hypothèse aété testée chez l’homme exposé à l’hypoxie en chambrehypobare (21), et confirmée sur l’évolution des variableshémorrhéologiques, l’apport en AGPI réduisant la baissede la déformabilité érythrocytaire induite par l’hypoxie(fig. 5). Cette modification des propriétés de déformationdes globules rouges est associée à une augmentation du contenu membranaire en AGPI de la série n-3. Cependant, les conséquences exactes de ce type de supplémentation sur les performances physiques restent à évaluer avant toute recommandation pratique dans lecadre d’activités militaires de terrain.

V. CONCLUSION.

En haute montagne, la nutrition joue un rôle déterminantsur la tolérance à l’hypoxie, sur la réussite sportive et lavictoire sur les sommets. Maintenir un bon niveaud’apport énergétique est le gage de cette réussite ; cependant, beaucoup de facteurs liés à l’environnement,ou propres à l’hypoxie, contribuent à négativer la balanceénergétique et à altérer la masse musculaire. Favoriser laprise alimentaire spontanée en variant les aliments, enpréservant leurs propriétés organoleptiques et en rendantl’environnement le plus favorable possible permet depréserver la masse et les performances musculaires. Aucours des marches ou des ascensions, il conviendra deveiller au maintien de la balance hydrique. Enfin, desétudes futures devraient évaluer le bénéf ice tiré desupplémentations en acides aminés branchés ou en AGPIsur le maintien des performances physiques.

309problèmes nutritionnels posés par la pratique de l’activité physique en altitude

DOSSIER

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

310

VIENT DE PARAÎTRE

APPORTS NUTRITIONNELS CONSEILLÉS

POUR LA POPULATION FRANÇAISE

Ambroise MARTIN (coordonnateur)

Les apports nutritionnels conseillés sont des valeurs optimales pour une population, choisies parun groupe d'experts en tenant compte des données scientifiques les plus récentes et en utilisantdes travaux originaux réalisés à partir des données concernant la population française.Après le vif succès remporté par les deux précédentes éditions (1981 et 1992), cette 3e éditionsynthétise les données de près de 1800 publications et s'enrichit de nouvelles monographiesconsacrées au sujet sportif et aux fibres, d'un index détaillé et d'un glossaire définissant lestermes délicats.

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Dossier nutrition

médecine et armées, 2007, 35, 4 311

NUTRITION ET PERFORMANCES MENTALES

De nombreuses études concernant les effets de lanutrition sur la performance mentale ont été conduites etprésentent un intérêt majeur dans le domaine militaire.Cet article présentera les principaux résultats sur lesmacronutriments, hydrates de carbone, protéines etlipides, ainsi que sur la caféine. Il se focalisera sur lesrecherches concernant l’intérêt de ces substances dans lesopérations militaires, sur les fonctions cognitives tellesque la vigilance ou les performances mentales. Il apparaîtque les apports en hydrates de carbone augmentent lesperformances cognitives chez des militaires soumis à desactivités physiques intenses à niveaux de dépenseénergétique élevés. Concernant les apports en acidesaminés, des effets bénéfiques des apports en tyrosine,seule ou combinée aux hydrates de carbone, ont étérelevés en terme de prévention des déclins de laperformance mentale et de l’humeur, associés àdifférents types de situations stressantes. Le tryptophaneaurait des propriétés hypnotiques qui indirectementpréviendrait le déclin des performances mentales. Enfin,la caféine possède des effets incontestables sur lavigilance, et améliore d’autres fonctions cognitivesnotamment chez des individus privés de sommeil.

Mots-clés : Acides aminés branchés. Caféine. Humeur.Hydrate de carbone. Tyrosine. Vigilance.

RÉSUMÉ

NUTRITION AND MENTAL PERFORMANCE.

Many studies devoted to examine the effects of nutritionon mental and cognitive performance clearly are have arelevance for sustaining soldiers in the field and are ofinterest for physicians in Army. The aim of the presentpaper is to discuss the main effects of macronutrients,carbohydrates, proteins and lipids, as well as caffeine onvigilance, mental and cognitive performance. Resultsshow that carbohydrate intake improve cognitiveperformance in soldiers submitted to physical exercise ofhigh intensity associated with high levels of energyexpenditure. Moreover, tyrosine administration, alone orassociated with carbohydrate, has been shown to preventthe decrease in mood and mental performance associatedwith stressful environment. Some results suggested thatTryptophan could prevent the decline of mentalperformance under specific environmental conditions.Caffeine is known to sustain vigilance and to improvecognitive performance, especially in subjects with sleepdeprivation.

Keywords: Branched-chain amino acids. Carbohydrate.Caffeine. Mood. Tyrosine. Vigilance.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 311-318)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

La consommation des aliments a pour première fonctionde couvrir les besoins physiologiques grâce à leurcontenu nutritionnel. Au-delà de cette fonction, certainsaliments peuvent conférer des bénéfices spécifiques pourla santé. Plusieurs études ont montré que des apportsnutritionnels ciblés peuvent améliorer la performancementale ou la vigilance dans les conditions spécifiques decertaines activités opérationnelles, dans certains types desports à composante cognitive importante et dans les étatsde fatigue (1-4). Les principales fonctions altérées sont lavigilance, l’attention, la précision et la vitesse de réaction,la précision et la vitesse du traitement de l’information, lavitesse de résolution d’un conflit perceptif, la perception,la mémoire (verbale, spatiale, des chiffres) et plusieursformes de raisonnement (logique, mathématique,

abstrait) (5). De nombreuses expérimentations sur lesmécanismes biologiques et les aspects comportementauxsoutenant les effets de certains types de nutriments ont étéréalisés sur l’animal.Le cerveau est un organe élaboré et fonctionnant à partirde substances, obligatoirement puisées, pour nombred’entre elles, dans l’alimentation : hydrates de carbone,protéines, lipides, vitamines, minéraux, oligo-éléments(fer, magnésium, sélénium, iode, cuivre, zinc, manga-nèse…). Il est prioritaire dans son approvisionnement à partir des aliments (6). Bien que protégé par la barrière hémato-encéphalique, le cerveau a besoin desaliments. Certaines carences alimentaires peuvent ainsialtérer le maintien des structures cérébrales, et donc lefonctionnement cérébral. En dehors de cette notion decarence alimentaire, une équipe de chercheurs américains a montré qu’un entraînement militaire type« commando » de 53 heures, associant restriction desapports alimentaires et du sommeil, dans des conditionsthermiques variant de 19 °C à 31 °C, diminue de façonmarquée les performances cognitives et augmente la

M. Chennaoui, commandant. D. Gomez-Merino,agent sous contrat.

Correspondance : M. CHENNAOUI, département de physiologie intégrée,

IMASSA, BP 73, 91223 Brétigny sur Orge Cedex.

M. CHENNAOUI, D. GOMEZ-MERINO

DOSSIER

fatigue (7). Ces chercheurs ont mis en place une batteriede tests donnant des informations sur des fonctions cognitives simples telles que le temps de réaction et lavigilance, et aussi sur des fonctions plus complexes tellesque l’attention, la mémoire et le raisonnement. Unerecherche du laboratoire a montré des altérations spécifiques à la mémoire lors d’un entraînement type« commando » de quatre semaines présentant des similitudes avec l’expérimentation précédemment citée,s’agissant des contraintes subies par l’organisme (8).L’objectif de cet article est de faire le point sur les principaux nutriments qui influencent la performancementale dans des situations telles que les opérations militaires, les environnements extrêmes, les sportsd’équipe ou les états de fatigue du sportif.

II. PERFORMANCE MENTALE.

Un grand nombre de tâches mentales ou cognitives pour-raient potentiellement être affectées par l’alimentation(9). En pratique, des tests de fonctionnement mental ontété utilisés dans la recherche d’effets alimentaires. Parailleurs, toute recherche s’intéressant aux effets d’unmacro ou micronutriment spécifique sur la performancementale devrait être conduite dans l’idéal en doubleaveugle et inclure un placebo.En ce qui concerne les tests utilisés pour la performancementale, certaines études mettent en place des batteriesde tests permettant d’accéder à plusieurs fonctions cognitives alors que d’autres se centrent sur une fonctionparticulière, par exemple la mémoire. Les tests et batteries de tests d’appréciation des différentes fonctionscognitives sont nombreux. Ils peuvent être spécifiques dela fonction à étudier : attention, mémoire, vigilance…Quels qu’ils soient, leur utilisation et leur interprétationdépendent de règles bien définies qu’il est nécessaire de respecter. En effet, la plupart des résultats dits contradictoires observés dans la littérature viennent d’unsuivi de procédures différentes ou d’un environnementmal contrôlé. Dans les études, ces tests peuvent êtreréalisés seuls ou en association avec d’autres tests commeles échelles analogiques visuelles ou le seuil de fréquencecritique de fusion (Critical flicker fusion ou CFF), oud’autres mesures électrophysiologiques, notamment lamesure des potentiels évoqués, visuels, auditifs,… etl’électroencéphalogramme (EEG).

III. GLUCOSE ET PERFORMANCESMENTALES.

Le cerveau exige de l’énergie en permanence et sans à coups, jour et nuit, c’est-à-dire du « carburant »(approximativement cent milligrammes par minute deglucose) et du « comburant » (l’oxygène). Au repos, lecerveau adulte, à lui seul, utilise presque 20% de l’énergiealimentaire consommée et 20 % de l’oxygène respiré. Or,chez un adulte, le cerveau ne représente qu’environ 2 %du poids du corps. Il consomme donc, dix fois plusd’énergie que les autres organes. Selon les recommanda-tions des nutritionnistes, au moins 50 % de la rationcalorique doit être sous forme de glucides, car le glucose

constitue normalement la seule source d’énergie pour le cerveau, qui dans certains cas peut toutefois utiliser les corps cétoniques fabriqués à partir des lipides par lefoie. Étant donné que les neurones sont strictementdépendants du glucose, et qu’ils n’en ont aucun stock(sauf une très faible quantité de glycogène dans les astrocytes), la satisfaction de leurs besoins dépend de sonapprovisionnement, donc des apports alimentaires.Toutes les régions cérébrales ne sont pas égalementsensibles à la restriction en glucose. Les régions les plusprofondes anatomiquement sont les plus résistantes alors que le cortex frontal est le plus susceptible à l’hypoglycémie. Il est donc logique que les perfor-mances cognitives soient en relation avec le niveau deglucose dans le sang (10). Après une hypoglycémie, larécupération des performances cognitives ne suit pas immédiatement la restauration de la glycémie et larésolution des symptômes. En 2001, Scholey et coll., (11)ont montré (i) que le degré de demande cognitive est unfacteur clé de susceptibilité d’effet glucose, (ii) qu’unepériode de demande cognitive intense conduit à une diminution de la glycémie et peut être liée à une augmentation de la dépense énergétique neuronale. Nyboet coll., (12) ont montré que l’hypoglycémie induite par l’exercice prolongé diminue la capture de glucose par le cerveau, que ceci est associé à une diminutionimportante de l’activation volontaire pendant la contraction musculaire soutenue, et que cette diminutiond’activation ne se manifeste pas en normoglycémie.Indépendamment du simple approvisionnement énergétique, le glucose serait efficace sur la mémorisa-tion en agissant au niveau du système cholinergique. Lasynthèse de l’acétylcholine dépend de la disponibilité en acétyl CoA fourni par le glucose et l’insuline quicontrôlent l’activité de l’acétylcholine transférase. Unautre neurotransmetteur lié à l’insuline serait impliquédans les effets du glucose sur la mémoire, la sérotonine.Ce neurotransmetteur est synthétisé à partir du trypto-phane, qui est un acide aminé essentiel (amenéuniquement par l’alimentation), et il est impliqué dans denombreuses fonctions centrales dont la mémoire (13), lesommeil et la prise alimentaire. L’enzyme limitante pourla synthèse de la sérotonine, la tryptophane hydroxylase,n’est pas saturée dans les conditions physiologiquesnormales ; par conséquent, toute augmentation ou réduction de la concentration en tryptophane dans lecerveau induit un accroissement ou une réduction de lasynthèse de sérotonine. L’augmentation de la lipolyse etde la protéolyse au cours de l’exercice physique prolongéinduirait l’augmentation de l’entrée du tryptophane dansle cerveau, donc l’augmentation de sérotonine qui a été proposée comme étant responsable de la fatiguecentrale (14). En 2002, Davis et coll., (15) ont montré quel’ingestion de glucose diminue le tryptophane circulant,et ont suggéré que la baisse potentielle de la synthèse desérotonine par le glucose, pouvait limiter la fatigue. Lestravaux du laboratoire ont mis en évidence chez l’animalque des altérations du glucose extracellulaire ont uneinfluence sur la libération et la re-capture de sérotoninependant l’exercice et en récupération (16).

312 m. chennaoui

Chez l’adulte, il a été montré que le glucose (25 à 50 g)augmente la performance cognitive en particulier dans lestâches à composante mnésiques et que cet effet est dépendant de l’âge du sujet et de l’efficacité des processusde régulation de la glycémie (17). Plusieurs études ontégalement montré que, le glucose améliore la mémoire au cours du vieillissement et au cours de certaines patho-logies neurologiques (sclérose en plaques, syndromed’Alzheimer, de Down) (rapport IMASSA, 18).Les effets du glucose sur la performance mentale chez lesmilitaires en conditions opérationnelles n’ont que peu étéétudiés. Lieberman et coll., (19) ont évalué les effets del’ingestion de boissons contenant des hydrates de carbone(6 % et 12 %) versus des placebos, sur les performancescognitives de sujets militaires entraînés soumis à dixheures d’exercices physiques intenses. Ces auteurs ontmontré que la boisson dosée à 12% d’hydrates de carboneaméliore la vigilance (fig. 1) et l’humeur (les sujets sesentent moins confus et plus vigoureux) et que les effetssur la vigilance sont dose dépendant (les résultatsobservés avec la boisson à 6% sont intermédiaires entre leplacebo et la boisson à 6 %).Dans le domaine du sport, plusieurs études ont montrél’intérêt des apports en glucides pour limiter la fatigue,donc potentiellement augmenter la vigilance et la performance, dans les sports d’équipes (3, 20). Cesauteurs ont montré que l’ingestion de glucides, avant etpendant un exercice simulant un match de basket,améliore l’habileté dans l’ensemble des tâches motrices,le mental et la performance physique. Chez le triathlète,sportif endurant, Collardeau et coll., (21) ont montré quel’ingestion de glucides minimise les effets négatifs del’exercice prolongé sur les fonctions cognitives, avec uneaugmentation de la performance sur des tâches cognitivescomplexes après l’exercice.

IV. PROTÉINES ET PERFORMANCESMENTALES.

Les fonctions cérébrales nécessitent un apport continud’acides aminés, en particulier pour la synthèse decertains neuromédiateurs et de protéines. Il est clair que la

qualité des protéines alimentaires influe sur la nature desprotéines cérébrales. Ainsi, le profil en acides aminés dumilieu extra-cellulaire cérébral est fonction du contenu etde la nature des protéines alimentaires. Selon Previc(1999), l’origine de l’intelligence humaine trouverait enpartie sa source dans l’accroissement des systèmes dopa-minergiques (22). De multiples études épidémiologiquesmontrent que la malnutrition (à l’extrême : lekwashiorkor) qui implique un déficit protéique, altèregravement l’élaboration et le fonctionnement cérébral.Deux structures cérébrales semblent particulièrementfragiles, l’hippocampe et l’hypothalamus. La qualiténutritionnelle des protéines est extrêmement importante :la présence des acides aminés essentiels (en quantités eten proportions) détermine leurs valeurs biologiques. Enpratique, comme il n’y a pas de stock de protéines dans le corps humain en dehors du pool d’acides aminés circulants, il faut en manger à tous les repas, le lait et lesproduits laitiers sont aussi particulièrement précieux.Le tryptophane libre plasmatique, précurseur de la sérotonine, pénètre au travers de la barrière hémato-encéphalique au moyen d’un transporteur non-sélectif,commun avec les Acides aminés branchés (AAB)(leucine, isoleucine, valine). Le tryptophane entrant alors en compétition avec ces acides aminés neutres, il aété suggéré que l’apport exogène d’AAB pouvait limiterla fatigue d’origine centrale liée à l’exercice physique, enlimitant la synthèse de sérotonine. Une expérimentationdu laboratoire sur l’animal a ainsi montré qu’un apport de L-Valine, avant un exercice prolongé, empêche, dans l’hippocampe ventral, l’augmentation des tauxextracellulaires de sérotonine induite par l’exercice (23).Chez l’homme, Blomstrand et coll., ont montré en 1991et 1997 l’eff icacité des supplémentations en AAB àlimiter les altérations de la performance mentale ou àdiminuer la perception subjective de l’effort. L’étude, de1991, montre que la performance mentale (test de Stroop)est améliorée chez des footballeurs par un apport d’AABavant un match (24). L’étude, de 1997, montre que laperformance mentale est améliorée et la perception del’effort diminuée chez des cyclistes soumis à un exerciceprolongé (25). Par contre, plusieurs études menées enlaboratoire dans des conditions très contrôlées n’ont pu conf irmer ces résultats (26) et il n’existe pas dedonnées de la littérature dans le domaine des conditionsopérationnelles militaires.Une des explications potentielles à cette absence d’effets des AAB sur la performance mentale au cours del’exercice physique prolongé, c’est que l’ingestiond’AAB augmente les concentrations plasmatiques de l’ammoniaque. L’exercice physique prolongéaugmente lui-même l’ammoniaque plasmatique et ceci serait amplifié par les apports exogènes d’AAB.L’hyperammoniémie peut avoir des conséquences sur ledébit sanguin cérébral, le métabolisme énergétique, lafonction astrocytaire, la transmission synaptique, et larégulation des plusieurs systèmes de neurotransmission.Ainsi, l’équipe de Nybo ont montré que l’augmentationde la capture et l’accumulation d’ammoniaque dans le cerveau peut induire de la fatigue (27).

313nutrition et performances mentales

DOSSIER

Figure 1. Évolution de la performance mentale de militaires au cours de dixheures d’entraînement intense et recevant des boissons contenant des hydratesde carbone dosées à 6 % ou 12 % ou un placebo. D’après Liebermann et coll.,2002, (19). Test de vigilance auditive (exprimé en secondes). Moyennes ± SEM.Les valeurs dans l’axe y sont exprimées en différences par rapport au scoreinitial déterminé avant l’entraînement.

En milieu militaire, plusieurs études relatent l’intérêtpour la performance d’un autre acide aminé, la tyrosine,précurseur dans la synthèse des catécholamines. AuxÉtats-Unis, une revue de questions du « comité sur lanutrition militaire » conclue que la tyrosine est uncandidat important pour la performance cognitive enopérations (Committee on Military Nutrition) (28).L’augmentation de la neurotransmission catécholaminer-gique favoriserait la motivation et la performancementale. Alors que les effets sur la performance physiqueparaissent limités, il a été montré, en 1992, que la tyrosineest efficace pour limiter les perturbations de l’humeurlors d’opérations militaires particulièrement intenses(au-delà de dix heures) incluant une privation de sommeilimportante et de la fatigue (29). À l’heure actuelle,plusieurs études semblent indiquer des effets bénéfiquesde la tyrosine af in de minimiser les perturbations cognitives et comportementales liées à des situations destress et notamment en milieu militaire (30-32, 2), enparticulier sur la mémoire (32), notamment au froid (31),ou sur la vigilance, le temps de réaction, la reconnaissance,et les comportements d’encodage complexes (2).Les bases physiologiques supportant les effets bénéfiquesde la tyrosine sont largement attribuables à son rôle de précurseur dans la synthèse de la noradrénaline et de la dopamine. Ces neurotransmetteurs jouent un rôle clé dans les comportements liés au stress et modulent la réponse centrale au stress. Pendant un stress aigu, on observe une déplétion des réserves en catécholaminescérébrales. Sur l’animal, il a été montré que l’administra-tion avant l’exercice d’amphétamines, d’agonistesdopaminergiques ou noradrénergiques augmente ladurée de l’effort, ce qui souligne la participation de cesneurotransmetteurs à la fatigue centrale.Bien qu’il soit diff icile de conclure, quant aux effets bénéfiques de la tyrosine sur la performance mentale,l’ensemble des études existant suggèrent qu’ellespréviendraient le déclin des performances lors de situations stressantes. Les situations stressantes qui ont été explorées sont : les opérations militaires, le froid,l’altitude combinée au froid, le chaud (2). Un dernieracide aminé qui peut potentiellement limiter les altérations des performances mentales est le tryptophaneet ce par ses propriétés d’induction du sommeil (2). Une étude militaire a montré que le tryptophane re-synchronise les rythmes circadiens après un voyageavec décalage horaire sans altérer certaines performancescognitives telles que le temps de réaction (33).

V. CAFÉINE ET PERFORMANCES MENTALES.

En conditions opérationnelles, les situations comportantdes privations de sommeil plus ou moins prolongées,ainsi que des perturbations du rythme veille-sommeil,sont courantes. En milieu aéronautique, par exemple,qu’il s’agisse de vols de longue durée, de vols de nuit ou dedécalage horaire (jet-lag), le rythme veille-sommeil estsans cesse altéré avec très souvent une privation desommeil associée. Les signes ou symptômes sont connus,ils concernent essentiellement les troubles du sommeil

avec asthénie diurne et somnolence, des troubles de l’humeur, une baisse des performances cognitives etdes performances physiques.La caféine, substance stimulante et éveillante, est souvent utilisée, seule ou combinée au glucose, dansl’alimentation afin de maintenir les niveaux de vigilance,de mémoire et de performance à l’occasion de privationspartielles de sommeil (34-36).Aux États-Unis, le comité de recherche sur la nutritionmilitaire (Committee on Military Nutrition Research,F.N.B., Institute of Medicine) (37), qui a étudié l’utilisa-tion de la caféine durant les opérations militaires, a concluque des doses de 100 à 600 mg peuvent maintenir lerendement cognitif, surtout en cas de privation desommeil. Son rapport s’appuie sur les recherches menéespar nombre d’organismes, y compris dans plusieurs laboratoires militaires, qui montrent que la caféineaméliore presque toujours la vigilance des sujets reposéset produit des effets plus généralisés sur le rendementcognitif des sujets privés de sommeil (38-42). Une séried’études effectuées par Johnson et Merullo, en 2000, aucours desquelles des militaires non privés de sommeil seservaient d’un simulateur d’adresse au tir, a démontré que200mg de caféine amélioraient la vitesse de détection descibles sans nuire à la précision du tir au fusil (43). Une deleurs études a évalué les effets de la caféine sur lesstagiaires nageurs de combat de la marine américainedurant de longues périodes de stress opérationnel et deprivation de sommeil. Il semblerait que la caféineaméliore la vigilance visuelle, le temps de réaction décisionnelle et les acquisitions répétées (tests deconnaissances et de mémoire). L’état de fatigue et lasomnolence sont réduits par la caféine (42) (fig. 2).Cependant, les caractéristiques pharmacocinétiques de lacaféine limitent la portée de ses effets sur le maintien de lavigilance et de la performance. Ainsi, lors de situations detravail de nuit, il est observé une augmentation de laperformance, principalement dans les taches de vigilancevisuelle (44), ainsi qu’une augmentation du niveaud’éveil (45). En général, l’ensemble de la littératurescientifique confirme l’existence d’un effet éveillant etstimulant de la caféine, mais cet effet présente un pouvoirlimité en puissance et en durée (46, 47). Cependant,certaines études montrent une absence d’effet ou desrésultats variables, voir même des effets négatifs tels quel’apparition d’accoutumance en cas de prise répétée decaféine (48) ou l’apparition d’un état d’anxiété (49). Eneffet, une consommation élevée de caféine comporte deseffets néfastes sur l’organisme. L’administration decaféine peut causer de l’anxiété ou une perte d’équilibre,mais ces effets ne semblent se manifester qu’à des dosesplus élevées que celles que l’on absorbe généralement ens’alimentant (50). On sait par ailleurs que de fortes dosesde caféine ou des formes de caféine à effet prolongé sontfortement susceptibles de nuire au sommeil (50).La caféine à libération prolongée (LP) est une nouvelleforme galénique de caféine produite par la sociétéNestlé®. Cette caféine LP permet un effet pharmaco-dynamique optimal pendant l’éveil et sans interférer aucoucher avec l’endormissement (51). Des travaux du

314 m. chennaoui

département de physiologie à l’Institut de médecine aérospatiale du Service de santé des armées (IMASSA)ont eu pour objectif d’évaluer les effets de cette caféineLP sur la vigilance et les performances au cours d’uneprivation prolongée de sommeil de 64 heures. Les résultats montrent une amélioration des niveaux de vigilance et des performances cognitives sous caféine àlibération prolongé, lorsque ces paramètres sont dégradéspar la privation de sommeil. Cette caféine LP pourraitconstituer une stratégie d’intervention permettantd’améliorer l’eff icacité des missions durant des opérations prolongées (52). Pour les activités militaires,le comité américain de recherche sur la nutrition militairea recommandé son emploi pour pallier les déf icits cognitifs lors d’opérations militaires (37).

VI. LIPIDES ET PERFORMANCES MENTALES.

Le cerveau est un organe riche en lipides, dont les seulsrôles sont de participer aux structures membranaires et non de stocker ou de produire de l’énergie. Dans le systèmenerveux, en moyenne, un acide gras sur trois est poly-insaturé, donc d’origine obligatoirement alimentaire.

A) BESOIN EN LIPIDES.

L’apport lipidique journalier (tab. I) doit couvrir de 20 % à 30 % de l’apport calorique total, ce qui représente de 100 à 130 g pour 3 000 Kcal ; il doit avoir deux sources principales:– 50 % d’origine animale ;– 50 % d’origine végétale.Le besoin minimum est lié d’une part au rôle caloriquedes lipides (9 Kcal/g) comparé à celui des glucides et desprotéines (4 Kcal/g), d’autre part au rôle plastique dans la mesure où les lipides complexes sont des composantsde la structure cellulaire. Les apports lipidiques sontégalement nécessaires par leurs propriétés organolep-tiques qui participent à la sapidité des aliments. Par ailleurs, les lipides sont les vecteurs des vitaminesliposolubles. À l’image des protéines et des acides aminésindispensables, certains acides gras apportés parl’alimentation ne peuvent être synthétisés au sein del’organisme, et peuvent ainsi être étiquetés d’essentiels.Ces Acides gras poly-insaturés (AGPI) se répartissent en deux familles distinctes :– omega 6 (ω6), dont le précurseur est l’acide linoléique ;– omega 3 (ω3), dont le précurseur est l’acide α-linolénique.Chez un homme adulte, la consommation totale de graisses ne doit pas dépasser 80g par jour. Pour couvrirles besoins en acides gras estérifiés 10 g d’ω6 et 2 g d’ω3sont recommandés, dans un rapport qu’il est primordialde respecter : la quantité d’ω6 ne doit pas excéder cinq fois celle des ω3.

B) STRUCTURE.

Les acides gras sont regroupés par famille en fonction du nombre d’insaturations qu’ils renferment : les acidesgras saturés ne possédent pas d’insaturation, les acidesgras mono-insaturés en possèdent une, et les acides graspoly-insaturés (ou AGPI) en possèdent au moins deux.Dans la famille des ω3, la première insaturation est portée

315nutrition et performances mentales

DOSSIER

Figure 2. Effet de la caféine (absorbée une heure avant les essais) sur lenombre de tirs réussis (maximum 20) et le temps de réaction lors d’une tâchede vigilance visuelle effectuée à la 73e heure de la « semaine d’enfer ». Lerapport entre la dose et l’effet après l’absorption de 300 mg présente unedifférence importante avec le placebo. D’après Lieberman et coll., 2002, (42).

Tableau I. Apports nutritionnels journaliers conseillés en lipides, en grammes par jour. D'après Legrand et coll., 2001, (53).

SaturésMono-

insaturés

18:2

oméga-6

linoléique

18:3

oméga-3

ALA

Poly-insaturés

à longues

chaînes

Dont

DHA

Homme adulte 19,5 49 10 2 0,5 0,12

Femme adulte 16 40 8 1,6 0,4 0,10

Femme enceinte 18 45,5 10 2 1 0,25

Femme qui allaite 20 50 11 2,2 1 0,25

Sujet âgé 15 38 7,5 1,5 0,4 0,10

par le 3e atome de carbone, et dans la famille des ω6, par le6e. Le DHA (acide docosahexaénoïque) est le principalω3 contenu dans les tissus nerveux (neurones, astrocytes,cellules gliales et cellules photoréceptrices) fig. 3.

C) RÔLE AU NIVEAU CENTRAL.

Une fois absorbés, ces acides gras sont transformés puisincorporés dans les membranes du cerveau et de la rétine oùils y contrôlent des fonctions telles que la vision. D’autressont des précurseurs de molécules à action de typehormonal et régulent des fonctions aussi élémentaires que la reproduction, la coagulation sanguine, l’inflam-mation… Autant de rôles clés qui font qu’un apportalimentaire suffisant et équilibré en acides gras essentielsest un élément de première importance pour notre santé.L’acide linoléique et l’acide alpha-linolénique ont uneparticulière importance en nutrition en raison de leur rôlede précurseur dans la synthèse des prostaglandines, desprostacyclines et de leucotriènes, et comme constituantsde la structure lipidique des membranes cellulaires (54).Leur carence en période de développement a de ce fait de redoutables conséquences. En effet, l’Acide alpha-linolénique (ALA) est le précurseur de l’Acidedocosahexaenoïque (DHA) présent à haute concentra-tion dans le cerveau et la rétine. Le DHA s’accumule defaçon physiologique et importante dans les membranesdes cellules du cerveau et de la rétine particulièrement en fin de gestation et dans les premiers mois de la vie, ilintervient dans le développement de la vision chez leprématuré, mais également chez le nouveau-né à terme(55). Même si des controverses existent encore de la partde certaines équipes, quant à la justif ication d’unesupplémentation systématique en DHA, en complémentde celle de son précurseur l’acide alpha-linolénique dansles premiers mois de la vie, les possibilités de conversionacide alpha-linolénique DHA sont limitées en périodenéonatale et de ce fait, on s’oriente maintenant vers unenrichissement des préparations pour nourrissons nés àterme dans le but d’intervenir sur la composition desmembranes cellulaires du cerveau, sur les fonctions des neurotransmetteurs et sur le développement cognitif ; l’effet de cette supplémentation apparaît particulièrement au niveau des lobes frontaux (55-57).

L’impact positif d’une supplémentation en AGPI sur ledéveloppement du cerveau et ses performances sembledépasser les premières années de la vie ; en complémentd’une réduction des AGPI dans les membranes cellulairesen cas de carence, la dyslexie, les dyspaxies, le syndromed’hyperactivité et le risque d’évolution vers l’autismesembleraient plus élevées (58). La meilleure efficacitéd’une supplémentation par les AGPI est donc obtenue sicelle-ci est poursuivie sur une longue période.Il a été montré lors d’un travail portant sur une même séried’animaux et couvrant la biochimie, la physico-chimie, latoxicologie, l’électrophysiologie et le comportement, queles acides gras peuvent contrôler certaines fonctionsneuro-sensorielles et même des fonctions supérieures,comme l’apprentissage (6). La carence en ALA provoquedes anomalies dans la composition des divers types cellulaires et organites du système nerveux (neurones,astrocytes, oligodendrocytes, myéline, terminaisonsnerveuses, réticulum endoplasmique) et affecte lesneurotransmissions monoaminergiques et choliner-giques. Leur diminution quantitative dans le cerveauentraîne une altération du fonctionnement des membranes(activités d’enzymes, de récepteurs, de transporteurs) et une plus grande susceptibilité de ces membranes auxagressions. La fluidité des membranes des terminaisonsnerveuses est perturbée par la carence en ALA et les activités des isoformes des ATPases sont altérées. Lesaltérations comportementales ne touchent pas tous lestests mais plus particulièrement la mémorisation etl’habituation (59). Ces résultats ont été, de nombreusesfois, confirmés sur de multiples modèles (60).Chez le rat âgé, l’administration d’huile de poissonaugmente la transcription de transthyretine dans cettestructure (61) et diminue le NGF («nerve growth factor»)(62). Toutefois, l’enrichissement alimentaire seulementen oméga-3 n’est pas satisfaisant. En effet, un régimeenrichi en huile de poisson favorise l’éveil et l’acquisitiond’un apprentissage chez la souris jeune ; mais, enrevanche, il diminue l’activité motrice et l’apprentissagechez la souris âgée (63). Cependant, toutes ces affirmations sont basées sur des modèles animaux pourlesquels le rôle direct des acides gras saturés sur les fonctions cérébrales n’a pas été clairement élucidé.Sur une cohorte néo-zélandaise de sujets âgés de plus dequinze ans, la perception personnelle d’un meilleur étatde santé mentale et physique est proportionnelle à laconsommation de poisson, donc d’acides gras oméga-3,qui sont, de ce fait, considérés comme des stabilisateursde l’humeur (64). En revanche, en Angleterre, une étudemontre que la consommation de poissons n’améliore pasl’humeur de personnes dépourvues de dépression (65).Pour un auteur australien, manger régulièrement desrepas normaux (incluant des oméga-3) et prendre unpetit-déjeuner consistant, améliorent l’humeur et lesperformances cognitives (66). Ces acides gras participentdonc à une hygiène générale de vie. Il est prématuréd’aff irmer que les acides gras oméga-3 modulentl’humeur. Un rapport alimentaire optimal oméga-3/oméga-6 (égal à cinq) a été défini pour lutter contre lestress. Il protégerait en particulier contre les altérations

316 m. chennaoui

Figure 3. Les acides gras oméga-3 parmi les autres acides gras. D’après Bourreet coll., 2004 (6).

de l’hippocampe lors des excès de cortisol et de cortico-stéroïdes et améliorerait la qualité de la vie de maladesatteints de la maladie d’Alzheimer (67). Le DHA auraitune activité anti-stress (68). L’absorption de DHAdiminue les tendances agressives chez les jeunes adultes(69). Il est intéressant de noter que les acides gras oméga-3 diminueraient la perception de la douleur, enimpliquant directement les processus neuronaux etgliaux qui génèrent la douleur inflammatoire (70). Enrésumé, en dehors de ce qui relève des effets adverses decarences (au cours du développement, à l’état adulte, chezle sujet âgé), peu de résultats ont été rapportés concernantl’intérêt de ces supplémentations spécifiques sur lesperformances mentales en situations opérationnelles.

VII. CONCLUSION.

De nombreuses études ont été conduites en milieu militairesur les interventions nutritionnelles susceptiblesd’augmenter les performances mentales ou de limiter leursaltérations. En Europe et aux États-Unis, un intérêt majeurest porté à la caféine (Committee on Military Nutrition,Food and Nutrition Board, Institute of Medicine, 2001 ;Beaumont et coll., 2005). Les données scientif iques relevant de l’intérêt de la tyrosine sur les performancesmentales, du fait de ses propriétés anti-stress, semblentpotentiellement intéressantes. Des études s’avèrent néces-saires par rapport à l’intérêt pour la performance mentaledes hydrates de carbone, et des rations alimentaires dont lerapport hydrates de carbone sur protéines varie.

317nutrition et performances mentales

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médecine et armées, 2007, 35, 4 319

PIEGES DE L’ALIMENTATION MODERNE

De nos jours, les modifications de notre mode de vie, lechangement des habitudes alimentaires et la tendance àla surconsommation contribuent à l’augmentation desmaladies cardiovasculaires, de l’obésité et du diabète.Dans ce contexte actuel de société de consommation, nouspouvons observer l’amplification du marché des produitsdit « diététiques ». En effet, les industriels offrent desgammes de plus en plus variées de produits « allégés »,« enrichis » pour lesquels l’étiquetage n’est pas toujoursclair et peut tromper le consommateur. Face auxindustriels, le ministère et les professionnels de la santéappellent à la vigilance. Ainsi, des programmes deprévention, d’information et de réglementation sont misen œuvre afin de protéger le consommateur. Il fautavertir le public que les produits diététiques s’avèrent leplus souvent inutiles, dans le cadre d’une alimentationéquilibrée et variée. Ils pourraient être éventuellementbénéfiques pour l’aide au traitement de certainespathologies. Cependant, consulter de vrais spécialistesreste la demande à promouvoir.

Mots-clés : Étiquetage. Maladies métaboliques. Mode devie. Produits allégés. Produits enrichis.

RÉSUMÉ

THE PITFALLS OF MODERN FOOD.

Nowadays the modifications of our lifestyle, the change ofeating habits, and the tendency to overconsumptioncontribute to an increasing number of cardiovasculardiseases, obesity and diabetes. In this current context ofconsumer society, we can see the development of themarket of “dietetic” products as they are called. Themanufacturers give actually more and more variedranges of “enriched” products, whose labelling aren’talways clear, and can mislead the consumer. Faced withmanufacturers, the government and the professionals ofhealth call to watchfulness. Thus, prevention,information, and control programs are drawn up inorder to protect the consumer. The public must beadvised that dietetic products are most of the timeuseless, in a varied and balanced diet environment. Theymust be helpful for assistance in the treatment of somediseases. However, the advices of real specialists have tobe promoted.

Keywords: Enriched products. Fat free products.Labelling. Lifestyle. Metabolic diseases.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 319-322)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Différents paramètres liés à l’évolution de la sociétéactuelle concourent à l’évolution de nos comportementset de notre consommation alimentaire :– les changements socio-économiques, l’améliorationdes connaissances scientifiques en matière de nutrition,le développement de l’industrie agroalimentaire, contribuent entre autres facteurs, aux changementsactuels ;– l’abondance des produits alimentaires et leur disponibi-lité incite à la consommation voire la surconsommation.

II. MODIFICATIONS DU MODE DE VIE.

« Consommer » fait partie de notre façon de vivre.

Ces transformations échappent au contrôle des consommateurs occidentaux et les aliments perdent ainside leur identité par rapport aux repères traditionnels (1).On se trouve pris dans un tourbillon de plus en plus important de désorganisation des habitudes alimentaires :repas consommé rapidement ou sauté, multiplication dela restauration type « fast food », grignotages tout au longde la journée, repas pris à des heures irrégulières au détriment de ceux pris à domicile en famille.À l’origine de notre alimentation, les végétaux (céréales,tubercules, légumes…), le pain et le poisson ont étéprogressivement délaissés au profit d’aliments jugés plus faciles à utiliser et plus appétissants comme lesproduits finis, fromages, boissons sucrées, viennoiseries,pâtisseries, aliments riches en graisses d’origine animale(acides gras saturés, cholestérol) et en sucres cachés.La consommation excessive de ces produits enrichis en graisses et en sucres, associée à une modification denos modes de vie (moins d’activité physique, moins de dépense de thermorégulation…) ont contribué àl’apparition de déséquilibres nutritionnels et à une plusgrande fréquence des maladies dites de « civilisation »,

M. LEUBA, diététicien. M.-O. ROUBENNE, diététicienne. J. MOURIÈS,diététicienne. M. BENBIHI, diététicienne. S. CAUSSE, diététicienne. C.DUMONT, diététicienne.Correspondance: M. LEUBA, section diététique, HIA Bégin, 69 avenue de Paris,94160 Saint-Mandé.

M. LEUBA, M.-O. ROUBENNE, J. MOURIÈS, M. BENBIHI, S. CAUSSE, C. DUMONT

DOSSIER

tels que l’obésité, les maladies cardiovasculaires (athérosclérose, dyslipidémie, hypertension artérielle…)et le diabète (2).Ces maladies ont des conséquences considérables en termes de santé publique.

III. CONSÉQUENCES DE L'ALIMENTATIONMODERNE.

Les conséquences de l’alimentation moderne :– touchant un français sur cinq en 1970, la surchargepondérale modérée ou sévère concerne actuellement unfrançais sur trois. L’obésité atteint de plus en plus dejeunes : 16 % des enfants de sept ans à neuf ans sont ensurpoids ou obèses, contre 5 %, il y a vingt-cinq ans. Cetaux augmente de façon alarmante depuis dix ans ;– la prévalence du diabète est estimée à 3,2 % en France,d’après la fédération internationale du diabète. Cettemaladie est une bombe à retardement, car aujourd’hui,l’OMS estime à 194 millions le nombre de diabétiquesdans le monde et celui-ci devrait atteindre 333millions en2025 si aucune mesure n’est prise ;– un adulte sur cinq présente une cholestérolémie supérieure à 2,5 g/l ;– aujourd’hui, les maladies cardiovasculaires sont lapremière cause de mortalité en France.Toutes ces pathologies ont un coût important pour notresystème de santé.

IV. LA VIGILANCE S'IMPOSE DEVANT LESPROFITS DU MARKETING.

En 2001, le ministère délégué à la Santé a procédé aulancement d’un Programme nationale nutrition-santé(PNNS) pour promouvoir une meilleure alimentation, etdiminuer les facteurs de risque vis-à-vis des pathologieschroniques (3).Les industriels de l’agroalimentaire et la restaurationcollective sont impliqués dans cette action.Toutefois, il faut rester très vigilant sur les nouvellestendances des industriels car nous sommes dans unesociété de «consommation» où chacun cherche à faire duprofit au dépend du consommateur.Trop de produits sont riches en graisses, sel et sucres etceux-ci inondent les rayons des supermarchés. Leconsommateur non averti se laisse facilement duper partoutes ces propositions.

V. QUE MENTIONNENT LES ÉTIQUETTES?

Il est difficile d’interpréter l’étiquetage et la meilleurefaçon de s’informer sur les produits alimentaires, estjustement de savoir décrypter et interpréter les étiquettes.La directive CEE/2000/13 du 20 mars 2000 modifiée,f ixe la déf inition de l’étiquetage et les obligations générales à respecter (4).Voici la liste des mentions obligatoires que l’on doitretrouver sur une étiquette :

– dénomination de vente (nom du produit, ex : yaourtnature) fixée par la réglementation et indépendante de la marque de commerce ou de fabrique ;– nom ou raison sociale et adresse du responsable ;– liste des ingrédients classés en ordre décroissant de poids. Il est possible que les quantités soient expriméesen pourcentage ;– quantité de certains ingrédients ;– date de durabilité : Date limite de consommation (DLC)ou Date limite d'utilisation optimale (DLUO);– quantité nette pour les produits préemballés sauf exceptions ;– lieu d’origine ou de provenance (si confusion) ;– conditions particulières de conservation et d’utilisation;– titre alcoométrique (boissons alcoolisées de plus de1,2 %) ;– mode d’emploi si nécessaire.Par contre, la valeur nutritionnelle donnée pour 100 g estfacultative, elle permet de calculer l’apport en glucides,protides, lipides et en énergie selon la quantité de produitconsommé. La valeur énergétique est exprimée en kilojoules (kJ unité officielle) et/ou en kilocalories (kcal).1 kcal = 4,18 kJ.À côté de toutes ces mentions obligatoires, il existe différents signes de qualité :– les Appellations d’origine contrôlée ou AOC;– les labels ;– les produits issus de l’agriculture biologique.

VI. LES « ALLÉGÉS ».

Il existe depuis les années 60 des produits allégés (lait et dérivés), mais de nos jours ce marché a pris un essorconsidérable (exemple : laitages et desserts allégés représentent un quart des ventes à ce jour).Essayons de déjouer les pièges de l’alimentationmoderne, car les industriels ont su détourner la réglemen-tation sur l’étiquetage pour nous proposer des produitsprétendument « allégés » (5).On peut rencontrer cinq appellations différentes concernant « les allégés » :– « Allégé en… »Cette appellation correspond à un allègement d’au moins25 % par rapport au produit normal. Celui-ci doit êtrespécifié sans que cela ne change fondamentalement lanature du produit. (exemple : compote allégée en sucre).– « Léger »Ce terme concerne les produits où la comparaison avec unproduit non allégé est impossible (exemple : plat cuisiné àmoins de 250 kcal).– « Light »La mention « light » ne signifie pas que le produit est réellement allégé car il peut être moins riche en un nutriment (exemple : lipides) mais enrichi en un autre(exemple : glucides).Les laitages « light » sont appauvris en lipides, mais généralement plus riches en glucides, donc plus caloriques qu’un laitage sucré normal.

320 m. leuba

Même constat pour le chocolat « light » : il est moins riche en glucides mais enrichi en lipides et donc, aussicalorique qu’un chocolat classique.Par contre certaines boissons « light » (orangina light,coca light, schweppes agrumes light…) sont réellementsans glucide car le sucre est remplacé par des édulcorantsintenses.Les trois appellations citées précédemment se définissenttoujours par rapport à un constituant particulier, le plussouvent glucide, lipide ou les deux.« Léger » et « Light » sont deux termes non réglementés.– « Sans sucre »Selon la réglementation actuelle, cette appellation est synonyme de « sans saccharose », mais le produit peut contenir d’autres glucides (fructose, glucose,polyols, manitol, xylitol, sorbitol…) qui, eux aussi, sont caloriques.C’est pourquoi des bonbons « sans sucre » contiennentjusqu’à 98,8 % de glucides. Ce terme ne doit pas êtreconfondu avec « sans sucre ajouté ». Celui-ci signifie quele produit n’a subi aucun rajout de sucre. Il est souventutilisé pour les jus de fruits, compotes et fruits enconserve.– « À teneur réduite en… »Cette appellation concerne les produits diététiquesdestinés à un régime particulier, pour des personnes ayantune perturbation du métabolisme ou des conditionsphysiologiques spécifiques.Les aliments répondant à cette dénomination sont soumis à une réglementation particulière. En plus desinformations habituelles indiquées sur toutes lesétiquettes des produits alimentaires, la mention desapports nutritionnels est obligatoire.On trouve ces produits dans les rayons diététiques.En conséquence, soyons vigilant ! Seule une lectureminutieuse de l’étiquetage nous permettra d’éviter les pièges (6).

VII. PRODUITS ENRICHIS.

Il existe des produits « enrichis » dont l’utilité n’est pas toujours reconnue dans le cadre d’une alimentationéquilibrée et variée.– « Naturellement riche en… »Concerne un aliment dont la richesse en un composant(vitamines, minéraux…) est déjà connue et non modifiée(exemple : lait naturellement riche en calcium et enferments lactiques) ;– « À teneur garantie en… »Cette mention assure le maintien de la teneur vitaminiqueou minérale initiale de l’aliment, s’il y a eu des pertes lorsde la fabrication (exemple : beurre allégé à teneur garantieen vitamine A) ;– « Enrichi en… »Un produit ne peut être enrichi que par des substancesqu’il contient déjà naturellement. Cet enrichissementsera de 15 % à 40 % par rapport au produit initial.Les produits enrichis sont aujourd’hui très prisés par les industriels.

– « Enrichi en ω3 »Certains aliments sont naturellement riches en Omega 3 :les œufs (en fonction de l’alimentation de la poule), les poissons gras, les huiles de poissons, les noix, leshuiles végétales (colza, noix, soja, germe de blé) et lesmargarines à base de ces huiles. Cependant, on trouveaussi sur le marché ces même produits et d’autres(exemple le lait) plus enrichis en ω3.Cette molécule contribue à la prévention des maladiescardiovasculaires. Le rapport conseillé entre ω3 et ω6,pour la population française, est de 1/5, alors qu’il est,actuellement de 1/19. Il semblerait que ces acides grasauraient également un rôle dans la lutte contre le stress et la dépression.Par conséquent, il semblerait plus judicieux pour uneprévention des maladies cardiovasculaires, de bienchoisir et varier les huiles, les utiliser plutôt crues, etconsommer du poisson gras deux fois par semainecomme mesures hygiéno-diététiques. Les produits enrichis en ω3 seront donc utilisés uniquement dans desrégimes bien spécif iques. Aucune étude ne montrel’utilité d’augmenter ou de surdoser l’apport en ω3;– « Enrichi en phytostérols ou stérols végétaux »Les produits enrichis en phytostérols ou stérols végétaux(margarines, yaourts) sont eux aussi à la mode pour leur rôle hypocholestérolémiant. Les phytostérols, enquantité suffisante, vont faire diminuer l’absorption du cholestérol lors de la digestion et favoriser son élimination dans les selles. Ils sont naturellementprésents dans les huiles végétales, les céréales complètes,les fruits et légumes.L’usage de ces produits enrichis est réservé aux personnesprésentant une hypercholestérolémie avérée ou desrisques cardiovasculaires certains. Ils sont conseillés sans excès dans le cadre d’un régime, et sont mêmedéconseillés aux enfants et aux femmes enceintes. On neconnaît pas les effets d’un surdosage éventuel et la dosemaximale journalière a été fixée à 5 g de phytostérols ;– « Enrichi en fibres, vitamines et minéraux »Certains produits sont enrichis en fibres, vitamines etminéraux, tels que les biscuits et céréales. Mais ceux-cin’ont pas de véritable intérêt, dans la mesure où ils sonttrop gras et trop sucrés.De plus, les fibres utilisées pour enrichir sont surtout desfructo-oligo saccharides ou de l’inuline qui sont faciles à travailler, peu coûteuses et ont un goût sucré. Mais elles fermentent très vite dans l’intestin et ont donc unintérêt limité, contrairement à celles contenues dans lescéréales et les végétaux, qui accélèrent le transit. Il est parconséquent préférable d’utiliser des fibres variées.

VIII. COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES.

En plus des produits enrichis, le consommateur a aussilibre accès à des gammes de plus en plus variées deproduits de complémentation alimentaire (gélules,pilules minceur ou anti-âge…). Ceux-ci sont à utiliseravec prudence. En effet, seuls treize vitamines et quinzeminéraux ont été autorisés par une directive européenne

321pièges de l’alimentation moderne

DOSSIER

en 2002, les autres substances restant dans le flou du point de vue de leur réglementation. En 2007, une autre directive européenne devrait régir l’utilisation des plantes.Il existe en parallèle des ventes de ces produits sur Internetmais qui ne présentent aucune garantie ni sur lessubstances, ni sur les quantités ou apports journaliers.Là encore, il faut agir avec la plus grande prudence (7).

IX. CONCLUSION.

En attendant la nouvelle réglementation européenne qui devrait voir le jour en 2007, les professionnels de santé doivent rester vigilants (8).Leur rôle est de bien expliquer aux patients « l’utilité » de ces produits, éventuellement bénéfiques dans le cadrede certaines pathologies.

Seule une lecture attentive de la liste des ingrédients et dela composition nutritionnelle de l’aliment permet de faireun choix utile dans le cadre d’une alimentation donnée.Il ne faut pas diaboliser certains aliments soit disant trop gras ou trop sucrés.Mais il faut :– réapprendre à mieux manger, prendre son temps, êtregastronome, retrouver le goût de l’authenticité, sansoublier 30 minutes d’activité physique journalière ;– équilibrer ses repas en mangeant généreusement des légumes et des fruits, consommer un produit laitierpar repas, varier les viandes et les poissons.En cas de prise de poids, consulter auprès de vrais spécialistes de la nutrition tels que les diététiciens, avantd’acheter des produits inefficaces et souvent plus chers.Nous sommes dans une société de consommation où le profit est roi.

322 m. leuba

1. Les troubles du comportement alimentaire de GIE AlimentationRecherche et Nutrition, 23 rue d’Artois, 75008 PARIS.

2. Les dossiers Nestlé Nutrition de novembre 2006.3. La santé vient en mangeant, document d’accompagnement du

guide alimentaire pour tous destiné aux professionnels de santé. Ceguide a été conçu dans le cadre du Programme national nutritionsanté (PNNS).

4. Centre technique agroalimentaire (réglementation de l’étiquetage

alimentaire) : www.adrianor.com5. Le guide des aliments, santé de 60 millions de consommateurs

avril-mai 2003.6. Association française de nutrition : www.inra.fr/afn/index.htm7. Institut national de prévention et d’éducation pour la santé :

www.inpes.santé.fr8. Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées :

www.sante.gouv.fr

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Dossier nutrition

médecine et armées, 2007, 35, 4 323

INTÉRÊT DE LA MESURE DU TOUR DE TAILLE POUR LEDÉPISTAGE DU SYNDROME MÉTABOLIQUE

Connue depuis 50 ans, l’entité aujourd’hui dénomméesyndrome métabolique, a fait l’objet de multiplesdéfinitions qui ont amené une certaine confusion et mêmeune remise en cause de son originalité. Le syndromemétabolique est étroitement lié à la présence d’uneobésité androïde qui témoigne d’une insulinorésistance etse situe au confluent de tous les facteurs de risque et auxavant-postes du diabète de type 2. Son dépistage passepar la mesure systématique du tour de taille et par soninterprétation directe en tenant compte de l’ethnieconsidérée. Cette attitude pragmatique de clinicien éviteles incertitudes générées par les différentes définitions etapporte plus de nuances que la présence ou non d’unsyndrome métabolique chez un sujet donné. Face à uneobésité androïde, les mesures thérapeutiques nonmédicamenteuses sont peu coûteuses et efficaces, maissous cette simplicité apparente se cachent des difficultésde mises en œuvre qui constituent en fait un problème desociété.

Mots-clés : Insulinorésistance. Risque cardiovasculaire.Syndrome métabolique. Tour de taille.

RÉSUMÉ

INTEREST OF WAIST MEASUREMENT INDETECTION OF METABOLIC SYNDROME.

The well-known metabolic syndrome has been recognizedfor 50 years, but its multiple definitions have led to someconfusion and even doubt about its real nature.Metabolic syndrome is directly linked to the presence ofandroid obesity, which indicates insulin resistance andlies at the root of all risk factors and early indications oftype 2 diabetes. It is diagnosed by systematicmeasurements of waist size and its direct interpretationtaking ethnic origin into account. This pragmaticapproach avoids the uncertainties generated by differingdefinitions and is more subtle than the presence orabsence of metabolic syndrome in a given patient. Drug-free treatment of an android obese patient is inexpensiveand effective but this apparently simple approach masksdifficulties of application. These, however, aresociological problems.

Keywords: Cardiovascular risk. Insulin resistance.Metabolic syndrome. Waist size.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 323-330)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux ont permis d’isoler les facteurs de risque responsables de la survenue des accidents cardiovasculaires qui constituent la cause majeure de morbidité et de mortalitédans notre pays. Reprenant les travaux de Jean Vagueportant sur l’obésité androïde, Reaven proposa en 1988d’individualiser sous l’appellation de « syndrome X »l’association d’une hypertension artérielle, d’une intolérance aux hydrates de carbone, d’une dyslipidémieet d’une hyperinsulinémie traduisant un état d’insu-linorésistance (1, 2). Cette entité, désormais dénomméesyndrome métabolique, a bénéf icié de multiples

définitions qui ont amené une certaine confusion et mêmeà une remise en cause de son originalité (3). Bien que cesyndrome soit aujourd’hui considéré comme une maladieaux États-Unis (4), sa responsabilité propre, pour certainsauteurs, ne serait pas supérieure à celle des facteurs derisque qui le composent (5).Plusieurs questions essentielles demeurent ainsi poséesau clinicien qu’il soit civil, militaire, hospitalier oumédecin d’unité :– comment définir le syndrome métabolique?– quelles sont les conséquences cliniques du syndromemétabolique?– comment dépister en pratique le syndrome métabolique?– que faire devant un sujet présentant un syndrome métabolique?Les réponses à ces différentes interrogations permettrontd’éclairer la conduite médicale dont l’aboutissement est naturellement d’ordre thérapeutique, qu’elle soitmédicamenteuse ou centrée sur les modifications du

B. BAUDUCEAU, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce.H. MAYAUDON, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce.É. FONTAN, pharmacien principal. O. DUPUY, médecin en chef. É. VACHEY,interne. C. GARCIA, médecin. F. CEPPA, pharmacien en chef. L. BORDIER,médecin principal.Correspondance : B. BAUDUCEAU, service d’endocrinologie, HIA Bégin, 69avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé.

B. BAUDUCEAU, H. MAYAUDON, É. FONTAN, O. DUPUY, É. VACHEY, C. GARCIA, F. CEPPA, L. BORDIER

DOSSIER

mode de vie. Enf in, la détermination de l’aptitude est un paramètre qui ne doit pas être négligé.

II. DÉFINIR LE SYNDROME MÉTABOLIQUE.

Appelé aussi syndrome dysmétabolique, syndromeplurimétabolique ou syndrome d’insulinorésistance, ladénomination de syndrome métabolique est aujourd’huila plus communément admise. Cependant, sous ce nomgénérique, la réalité se révèle multiple, conséquence desdifférentes définitions du syndrome.

A) DIFFÉRENTES DÉFINITIONS (FIG. 1).

1. Définition de l’ Organisation mondiale de la santé(OMS) (6).L’OMS a retenu en 1998 une définition nécessitant uneévaluation de l’insulinorésistance, applicable àl’ensemble de la population, diabétique ou non (3, 6).Ainsi, selon cette vision, le syndrome métabolique est axésur l’existence d’une intolérance au glucose, d’une hyperinsulinémie ou d’un diabète, associée au moins àdeux autres anomalies cliniques ou biochimiques.

2. Définition du groupe européen pour l’ étude del’insulinorésistance (ÉGIR).L’année suivante, en 1999, le groupe européen pourl’étude de l’insulinorésistance (ÉGIR) a proposé unedéf inition uniquement applicable aux sujets non diabétiques (7). Cette définition, centrée sur la notion

d’insulinorésistance, impose par conséquent la mesuresystématique de l’insulinémie à jeun. Le syndrome est attesté par une insulinémie située dans le quartilesupérieur de la population, associée à deux critèrescliniques ou biologiques qui diffèrent de la précédentedéfinition (7).

3. Déf inition du National cholesterol educationprogram (NCEP ATP III).C’est aux États-Unis, en 2001, que le groupe d’experts du programme national « cholestérol » s’est attaché àmodifier, en la simplifiant, la définition de l’OMS. Ainsi,le paramètre « insulinorésistance » disparaît au profit dela caractérisation du syndrome par l’existence d’au moinstrois de cinq critères d’égale valeur (8). Cette définitionoffre l’avantage d’être facilement utilisable en pratiqueclinique, puisque les différents critères considérés sontaisément disponibles. Cependant, la définition originelledu NCEP n’incluait pas dans ses critères la notion de traitement, créant ainsi une certaine confusion chez lessujets parfaitement contrôlés par une thérapeutique antihypertensive ou hypolipémiante.

4. Définition de l’International diabetes foundation(IDF).La dernière définition, proposée en 2005 par l’Interna-tional diabetes foundation (IDF), utilise les critères du NCEP mais place la mesure du tour de taille comme un paramètre prédominant et incontournable. La normalité de ce tour de taille est revue à la baisse et est

324 b. bauduceau

OMS (1998)Anomalie glycémiqueplus 2 autres critères

ÉGIR (1999)Insulinémie

plus 2 autres critères

NCEP ATPIII (2001)3 des 5 critères

IDF (2005)Critère tour de taille

plus 2 autres critères

Tour de tailleRapport tour taille/hanche

> 0,90 Homme> 0,85 femme

ou IMC > 30 Kgm2

> 94 cm Homme> 80 cm Femme

> 102 cm Homme> 88 cm Femme

≥ 94 cm Homme≥ 80 cm Femme

(Europe)

Insulinémie > Quartile supérieurdes sujets non diabétiques

Triglycérides

HDL Cholestérol

≥ 1,50 g/l

ou

< 0,35 g/l Homme< 0,39 g/l Femme

> 1,80 g/l ou traitement

ou

< 0,40 g/l ou traitement

≥ 1,50 g/l

< 0,40 g/l Homme< 0,50 g/l Femme

> 1,50 g/l ou traitement

< 0,40 g/l Homme< 0,50 g/l Femme

ou traitement

Glycémie> 1,10 g/l

ou intolérance au glucoseou insulinorésistance (HOMA)

≥ 1,10 g/l ≥ 1,10 g/l ≥ 1 g/l

TA≥ 140/90 mmHg

ou traitement≥ 140/90 mmHg

ou traitement≥ 130/85 mmHg ≥ 130/85 mmHg

Microalbuminurie

≥ 20 µg/mn ou rapportmicroalbuminurie/créatininine`

≥ 30 mg/g

Figure 1. Les différentes définitions du syndrome métabolique.

adaptée à l’ethnie considérée. La présence de deux autres critères cliniques et/ou biochimiques est nécessaire à la définition du syndrome selon l’IDF (9).

B) DIVERGENCES ET LIMITES DES DÉFI-NITIONS.

Ces différentes définitions conduisent à une certaineconfusion qui complique l’application pratique du concept « syndrome métabolique » dans l’exercicequotidien du clinicien. Ainsi, pour un malade donné, laprésence ou non d’un syndrome métabolique varie enfonction de l’application de l’une ou de l’autre formule(10). De ce fait, la valeur pronostique du syndrome métabolique diffère de façon importante ce qui lui ôtebeaucoup de sa pertinence.Dans la mesure où l’OMS tient pour élément essentiel la présence d’une anomalie de la régulation du glucose,les malades ainsi déf inis, présentent un risque accrud’évolution vers un diabète de type 2 quand ils ne sont pasdéjà diabétiques. L’inclusion dans le cadre du syndromemétabolique de sujets diabétiques, comme cela peut seproduire avec la définition de l’IDF, brouille le messagepuisque ces malades méritent d’être classés d’embléedans le groupe des patients à haut risque cardiovasculaire.À l’inverse, dans la définition du NCEP, l’anomalie derégulation du glucose n’est qu’un des éléments servant à déterminer le syndrome métabolique. De ce fait, toutstigmate d’insulinorésistance peut être absent chez un sujet présentant un syndrome métabolique. Cette définition rend sans doute mieux compte du niveau durisque cardiovasculaire, bien qu’elle n’intègre pas le taux du LDL Cholestérol qui en constitue pourtant unélément majeur.En dehors de ces différences fondamentales, un certainnombre de points divergent entre ces différentes définitions :– les critères définissant l’obésité ne sont pas identiquespuisque l’OMS propose deux mesures : le rapport tour detaille sur tour de hanche et le calcul de l’Indice de massecorporelle (IMC), alors que le NCEP ATPIII, l’ÉGIR etl’IDF ne retiennent que le tour de taille. Le seuil d’obésitéabdominale est d’ailleurs inférieur pour l’ÉGIR et l’IDFpar rapport à celui du NCEP. L’obésité abdominale qui estun critère obligatoire du syndrome métabolique pourl’IDF, a le mérite d’être modulé en fonction des originesethniques. En effet, les études épidémiologiques menéessur les Chinois de Hong Kong montrent bien que le risqued’Hypertension artérielle (HTA), d’anomalie glycémiqueou d’élévation des triglycérides intervient pour un tour detaille inférieur à celui des européens (12, 13) ;– les critères de normalité des différents paramètresvarient en fonction des définitions que ce soit pour la pression artérielle ou les différents paramètres biochimiques ;– la notion de l’existence ou non d’un traitement nécessited’être précisée. Toutefois, aucune indication n’estfournie sur les conséquences dans la caractérisation dusyndrome métabolique d’un traitement hypolipémiant en

ce qui concerne les deux paramètres lipidiques de la définition IDF. Doit-on considérer qu’un sujet dont lebilan lipidique est normalisé par un fibrate présente un oudeux critères de la définition?– enfin, la définition de l’OMS inclut le dosage de lamicroalbuminurie, paramètre rarement évalué chez lessujets non diabétiques.Toutes ces remarques montrent bien les incertitudes quipersistent pour identifier sans ambiguïté le syndromemétabolique avec des critères facilement utilisables en pratique quotidienne. En raison de la multiplicité de ces déf initions, les études épidémiologiques sont difficilement comparables, alors que l’objectif premierd’une déf inition du syndrome métabolique est depermettre un dépistage simple et précoce des sujets à hautrisque cardiovasculaire. Toutes ces considérations ontainsi conduit à remettre en cause l’utilité pratique et laréalité même du syndrome métabolique alors que sesconséquences en matière de risque cardiovasculaire et dediabète semblaient solidement établies.

III. IMPORTANCE DU SYNDROME MÉTA-BOLIQUE: LES RAISONS D’UN DÉPISTAGE.

L’importance du syndrome métabolique en matière de santé publique tient à deux éléments essentiels représentés par sa fréquence croissante et par ses conséquences cliniques.

A) PRÉVALENCE DU SYNDROME MÉTA-BOLIQUE.

La prévalence du syndrome métabolique diffère selon lespays, les ethnies et la définition utilisée. Dans l’étudeépidémiologique Third National Health And NutritionExamination Survey (NHANES III) conduite de 1988 à1994 auprès de 8608 individus âgés de plus de 20 ans, laprévalence globale du syndrome métabolique aux États-Unis était de 23,9% en utilisant les critères du NCEP et de25,1 % selon ceux de l’OMS (14, 15). L’apparente homogénéité représentée par le fait que 86,2 % des parti-cipants avaient ou n’avaient pas de syndrome métabolique selon les deux définitions, masquait en faitdes différences parfois importantes dans certains sous-groupes. Ainsi, la prévalence chez les hommesd’origine afro-américaine était de 24,9% avec les critèresde l’OMS et de seulement 16,5 % avec ceux du NCEP.Certaines ethnies comme les sujets d’origine mexicaineet notamment les femmes étaient particulièrementtouchées. L’importance du syndrome métabolique estattestée par la majoration très nette de la prévalence dusyndrome métabolique chez les adultes américains quiest passée de 24,1 % en 1988-1994 à 27 % en 1999-2000.Ainsi, environ 55 millions de sujets présentaient unsyndrome métabolique aux États-Unis en 2000 (15).En Europe, le groupe ÉGIR a également mis en évidenceune grande variabilité de la fréquence de ce syndrome enfonction des populations étudiées et du type de définitionutilisée (16). Ainsi, pour la tranche d’âge de 40 ans à 55

325intérêt de la mesure du tour de taille pour le dépistage du syndrome métabolique

DOSSIER

ans, la prévalence du syndrome métabolique selonl’OMS varie de 7 % à 36 % chez les hommes et de 5 % à22% chez les femmes. L’étude DÉCODE a regroupé onzecohortes d’études prospectives européennes représentant6156 hommes et 3356 femmes, non diabétiques, âgés de30 ans à 89 ans, avec un suivi médian de 8,8 ans (17). Enretenant la définition du groupe ÉGIR, après ajustementsur l’âge, la prévalence du syndrome métabolique était de15,7 % chez les hommes et de 14,2 % chez les femmes.En France, nous manquons de données sur la populationgénérale :– l’enquête Monica, étude multicentrique réaliséeentre 1995 et 1998 comprenant trois centres (Lille, Strasbourg et Toulouse) portait sur un peu plus de 1 700hommes et 1 700 femmes tirés au sort sur les listes électorales (18). Les résultats montrent que la prévalencedu syndrome métabolique dans la tranche d’âge de 35 ans à 65 ans s’élève à 22,5 % chez l’homme et à 18,5 %chez les femmes. Ces chiffres cachent une grande hétérogénéité géographique avec des valeurs presquedeux fois plus élevées dans le Nord que dans le Sud de la France ;– dans l’étude Données épidémiologiques sur le syndromed’insulinorésistance (DÉSIR), 10 % des hommes et 7 %des femmes avaient un syndrome métabolique dans unéchantillon de 4 293 individus âgés de 30 ans à 64 ansselon les critères du NCEP (19). Lorsque les traitementsmédicamenteux sont inclus dans la déf inition des anomalies correspondantes, la fréquence du syndromeatteint 16 % et 11 %. Cependant, seuls 12 % des hommeset 8 % des femmes ont eu un syndrome à la fois à l’inclu-sion et à trois ans, ce qui correspond à un taux 2,5 fois plus faible qu’aux États-Unis ;– l’étude ÉPIMIL (Épidémiologique des facteurs derisque et du syndrome métabolique en milieu militaire)porte sur une population ciblée de militaires de sexemasculin de la région parisienne d’âge moyen 38,6 ans ±8,8 ans. Parmi ces 2 045 sujets, 185 (9 %) présentent au moins trois des cinq critères du NCEP ATP III et répondent à la définition du syndrome métabolique (20).

B) CONSÉQUENCES CLINIQUES DU SYN-DROME MÉTABOLIQUE.

L’objectif principal du concept «syndrome métabolique»est d’aider à l’identif ication des sujets présentant un risque élevé de développer un événement cardio-vasculaire ou un diabète de type 2.

1. Risque cardiovasculaire.Toutes les études de cohorte ont montré un risque relatif,important de voir survenir un événement cardiovascu-laire chez les sujets présentant un syndrome métabolique :– ainsi la Botnia study, regroupant en Finlande, 4 483sujets âgés de 35 ans à 70 ans, observés pendant 6,9 ans, amontré que le risque relatif de maladie cardiovasculaireen rapport avec le syndrome métabolique défini selon les critères OMS était particulièrement élevé chez les patients diabétiques. La présence du syndrome

métabolique triple le risque d’événement coronarien et majore celui de la mortalité cardiovasculaire par un facteur 1,8 (21) ;– l’étude Kuopio Ischaemic Heart Disease Risk Factor est une étude prospective, sur 11,6 ans, basée sur 1 209 Finlandais âgés de 42 ans à 60 ans présentant un syndrome métabolique mais sans antécédent demaladie cardiaque ou de diabète (22). Cette étude amontré que la présence du syndrome métabolique était associée à une augmentation de la mortalité coronarienne. Ainsi, le risque relatif de mortalité coronarienne est de 4,26 avec la déf inition du NCEP et de 3,32 avec la définition OMS. Le risque cardiovascu-laire absolu de maladie coronarienne conféré par lesyndrome métabolique est important dans cette étudepuisqu’il est de l’ordre de 10 % à 10 ans ;– dans la population américaine représentative de la NHANES III, le risque relatif d’avoir une atteinte coronarienne était de 2,07 pour les sujets avec unsyndrome métabolique par la définition du NCEP (23) ;– l’étude ARIC concernant une cohorte de 12000 adultesaméricains, représentative de la population blanche et afro-américaine, a montré qu’après un suivi moyen de onzeans, que quelle que soit l’origine ethnique, le syndromemétabolique était associé chez les hommes à un risque 1,5fois plus élevé de développer une maladie coronarienne etencore plus élevé puisque doublé chez les femmes (24);– dans la population écossaise de l’étude WOSCOPSportant sur une cohorte de 6 447 hommes dont le risquecardiovasculaire absolu à dix ans était de 20 %, le risquerelatif de présenter une atteinte coronarienne était de 1,71pour les sujets avec un syndrome métabolique définiselon le NCEP (25) ;– plus récemment, dans une étude prospective aux États-Unis portant sur 6255 sujets de 30 ans à 75 ans dont54% de femmes, le risque relatif de maladie coronariennepour les patients présentant un syndrome métaboliqueselon le NCEP était de 2,02 et de 4,19 pour ceux ayant unantécédent de maladie cardiovasculaire (26) ;– enf in, les résultats de la San Antonio Heart studymontrent l’augmentation de la prévalence du syndromemétabolique entre les années 1979-1982 et 1984-1988 etpermettent d’expliquer la majoration des accidentsvasculaires (27).En définitive, toutes ces études s’accordent globalementpour conférer au syndrome métabolique, généralementdéf ini dans les études disponibles par les critères du NCEP ATP III, la responsabilité de doubler le risque cardiovasculaire du sujet qui en est atteint. Ainsi, lerisque absolu conféré par le syndrome métabolique,compris entre 10 % et 25 % à dix ans selon l’âge du sujet, est élevé mais moindre que celui en rapport avec lediabète de type 2.

2. Risque de diabète de type 2.L’augmentation du risque de diabète n’est pas poursurprendre chez un sujet présentant un syndrome métabolique et une obésité abdominale témoignant d’une insulinorésistance. La définition de l’OMS qui

326 b. bauduceau

inclut une anomalie glycémique, majore indiscutable-ment le risque de développer un diabète de type 2. Ainsiles données de l’étude prospective parisienne, basée sur une cohorte de 5 042 hommes, montrent que l’hyperglycémie modérée à jeun est associée de manière signif icative à une augmentation de la prévalence du diabète de type 2 après un suivi médian de trois ans (28).Dans l’étude WOSCOPS, les risques de diabète étaient multipliés par 3,5 en présence d’un syndromemétabolique selon les critères du NCEP. La présence de quatre critères sur cinq entraînait une majorationconsidérable du risque de diabète. Dans cette mêmeétude, un taux de CRP supérieur à 3 mg/l était associé à une augmentation du risque de diabète.Dans l’étude ÉPIMIL, l’insulinémie et l’index Homa quidéfinissent le degré d’insulinorésistance augmententrégulièrement et significativement avec le nombre decritères du syndrome métabolique. Ainsi, l’insulinémiepasse de 6,6 ± 4 en l’absence de critère à 20,6 ± 13 mUI/len présence de quatre critères. En revanche, si le niveau del’insulinosécrétion s’élève un peu dans le même temps,cette augmentation n’est pas significative montrant bienl’évolution prévisible vers un diabète de type 2 (fig. 2).Enf in, différentes enquêtes nationales menées aux États-Unis démontrent que les sujets présentant un syndrome métabolique sont sept à neuf fois plussusceptibles de développer un diabète de type 2 que les sujets indemnes (29).

IV. COMMENT DÉPISTER EN PRATIQUE LESYNDROME MÉTABOLIQUE?

Pour sortir du paradoxe qui résulte de la conjonction del’importance en terme de santé publique du syndromemétabolique et des difficultés de son diagnostic pratique,force est d’adopter une attitude pragmatique.L’obésité abdominale paraît associée à une majoration du risque cardiovasculaire comme le montrait déjàl’étude prospective parisienne (30). Plus récemment, J.-P. Desprès définissait le concept de « tour de taille

hypertriglycéridémique» qui permet de dépister 80% dessujets à risque (31). La graisse viscérale et l’infiltrationgraisseuse du foie sont à l’origine de ce phénomènepuisque l’exérèse par liposuccion de la graisse sous cutanée abdominale n’améliore pas le risque cardiovasculaire (32).Cependant, certaines critiques récentes mettent en cause l’apport de l’entité « syndrome métabolique » au regard du poids des différents facteurs de risque qui le composent. Ainsi les déf initions actuelles ne semblent pas identif ier tous les sujets à risque et ne se révèlent pas supérieures à la prédiction du risquecardiovasculaire évalué à partir de l’équation de Framingham par exemple.En pratique médicale habituelle, les équations de risque ne sont que rarement utilisées et les praticiens sont plus habitués à envisager plus ou moins séparémentles problèmes de poids, de pression artérielle, deglycémie ou de lipides. Ainsi, la coexistence de symptômes mineurs comme un surpoids modéré, unepression artérielle limite ou une hyperglycémie modéréeà jeun, peut être sous-estimée et faire méconnaître l’existence d’un syndrome métabolique.Ce concept permet de reconnaître aisément les malades àrisque et d’établir en pratique courante un lien entre lanotion, un peu théorique, d’insulinorésistance et le risquevasculaire grâce à la simple mesure du tour de taille (33).D’ailleurs, l’étude InterHeart attribue au tour de taille uneplace qui n’est pas négligeable puisqu’il représente 20 %de la fraction du risque attribuable dans la survenue d’uninfarctus du myocarde (34).De nombreuses observations démontrent l’absence de frontière clairement identifiée entre la normalité et la pathologie. En dépit de leurs imperfections, ces mêmes constatations s’appliquent également au risque vasculaire quelle que soit la formule utilisée. Ainsi, le lien entre les critères du syndrome métaboliqueet les complications cardiovasculaires est illustré par l’augmentation croissante des marqueurs de risquecomme la CRP ultrasensible ou la microalbuminurie (35, 36).Il apparaît donc nécessaire de dépister ces malades et dequantifier de façon pratique leur degré d’insulinorésis-tance. Le dosage de l’insulinémie et le calcul de l’indexHoma pourraient apparaître séduisants mais se heurtentau coût (B70 soit 19 euros en décembre 2006) et à la diff iculté relative du dosage. En pratique, ÉPIMILcomme beaucoup d’autres études montre qu’il existe uneexcellente corrélation entre la valeur du tour de taille etl’insulinémie et les différentes composantes du syndromemétabolique (fig. 3, 4) (20). Cette mesure, simple, noncoûteuse et bien reproductible doit s’intégrer dans leshabitudes cliniques, ce qui est déjà fait dans beaucoup deservices, au même titre que le calcul de l’IMC ou la prisede la pression artérielle. Son interprétation devrait se fairesur sa valeur absolue sans autre artif ice permettantd’évaluer grossièrement mais simplement et rapidementle degré d’insulinorésistance du malade considéré (37).

327intérêt de la mesure du tour de taille pour le dépistage du syndrome métabolique

DOSSIER

Figure 2. Évolution du taux des paramètres d’insulinorésistance etd’insulinosécrétion en fonction du nombre de critères du NCEP ATP III dansl’étude ÉPIMIL.

V. QUE FAIRE DEVANT UN MALADE PRÉ-SENTANT UN SYNDROME MÉTABOLIQUE?

Ce dépistage doit aboutir à une prise en charge efficacedestinée à briser l’enchaînement néfaste : obésité abdominale-syndrome métabolique-majoration durisque cardiovasculaire-diabète de type 2 (38). Ainsi de nombreuses études d’intervention ont montré l’efficacité d’une modification du mode de vie basée sur une meilleure hygiène alimentaire et une majorationde l’exercice physique (39). Différentes classes médicamenteuses ont fait la preuve de leur efficacitélorsque l’un des paramètres du syndrome métaboliquefranchit les seuils d’intervention. Ainsi, la metformine,les glitazones, les statines, les IEC ou l’aspirine peuvent être utilisés chez des malades bien ciblés tandis que d’autres classes médicamenteuses comme les inhibiteurs des récepteurs endocannabinoïdes sont en cours d’évaluation.

VI. EN RÉSUMÉ, QUELLES SONT LES TROISQUESTIONS PRATIQUES QUE LE CLINICIENSE POSE ENCORE?

A) QUEL PARAMÈTRE PRÉDIT LE MIEUX LASURVENUE D’UN DIABÈTE DE TYPE 2?

En ce domaine, la glycémie à jeun est l’élément déterminant en raison du caractère hétérogène des définitions du syndrome métabolique si bien que cellesqui incluent ce critère s’avèrent les plus performantes.C’est ainsi que la définition OMS est la plus sensible mais celle du NCEP est la plus spécif ique (29). La détermination de l’HbA1c s’avère moins sensible etmoins spécifique que la simple glycémie à jeun. Sonintérêt réside en l’absence de la glycémie à jeun, notamment en urgence, ou chez les sujets intolérants au glucose de pouvoir sélectionner les sujets nécessitantune étroite surveillance (40).

B) QUELLE EST LA VALEUR PRÉDICTIVE DU SYNDROME MÉTABOLIQUE DANS LAPRÉDICTION DU RISQUE VASCULAIRE?

Là encore, l’existence de plusieurs déf initions dusyndrome métabolique rend les réponses aléatoires. Laprésence d’un syndrome métabolique ne semble pas plus informative, dans certaines études que la somme des facteurs de risque qui le composent (41, 42). Cependant, le paramètre représenté par le tour de tailleentre dans les éléments prédictifs d’infarctus du myocarde de l’étude Interheart (34). Selon les résultats de cette étude, la valeur du tour de taille est donc unmarqueur de risque indépendant qui place sa mesurecomme un élément à part entière de l’examen clinique.Ajoutés à ce critère, d’autres éléments comme une hyperglycémie modérée à jeun, une élévation de la pression artérielle ou une dyslipidémie même minime,ne peuvent que majorer le caractère prédictif du tour de taille dans la survenue des accidents cardio-vasculaires. Ainsi, le concept « de tour de taille hypertriglycéridémique » émis par J.-P Desprès s’inscritparfaitement dans ce cadre (31, 43).

C) FAUT-IL RÉDUIRE L’OBÉSITÉ ABDO-MINALE?

Toutes les hypothèses physiopathologiques placentl’obésité viscérale abdominale au centre de la responsabilité de la survenue d’un diabète et des accidents cardiovasculaires même si tous les mécanismesn’en sont pas encore connus. Une intervention précocesur ce type d’obésité apparaît donc licite même enl’absence d’autres anomalies cliniques et biologiques.Les mesures portant sur l’exercice physique et la diététique ont d’ailleurs bien montré leur efficacitédans de nombreuses études. La récente découverte

328 b. bauduceau

Figure 3. Corrélation entre le tour de taille et l’insulinémie dans l’étudeÉPIMIL.

Figure 4. Valeurs de r témoignant du degré de relation entre l’insulinémieet différents paramètres dans l’étude ÉPIMIL

Corrélations insulinémie

r =

IMC 0,456

Tour de taille 0,446

Triglycérides 0,360

Tour de hanche 0,330

Glycémie 0,322

PAS 0,173

du rôle joué par le système endocannabinoïde apporte un éclairage nouveau sur les possibilités thérapeutiquesde l’obésité abdominale et des facteurs de risque qui lui sont rattachés (43). Les prochaines années permet-tront ainsi de préciser la place que pourrait occuper le Rimonabant.

D) COMMENT ÉVALUER L’APTITUDE D’UNSUJET PRÉSENTANT UN SYNDROMEMÉTABOLIQUE?

Pour le médecin d’unité, la notion de syndrome métabolique permet d’attirer l’attention vers les sujets à risque d’accident vasculaire ou de diabète. Cette entité ne figure pas dans les textes officiels. L’aptitudedoit donc être appréciée en fonction des différentséléments qui compose le syndrome métabolique :diabète, obésité, dyslipidémie ou hypertension artérielle.

VII. CONCLUSION.

Déclenché par l’installation d’une obésité androïde qui témoigne d’une insulinorésistance, le syndromemétabolique se situe au confluent de tous les facteurs derisque et aux avant-postes du diabète de type 2 (44). Cesyndrome potentiellement redoutable peut être eff icacement pris en charge grâce à un dépistage mieux conduit. Celui-ci passe par la mesure systématiquedu tour de taille et par son interprétation directe en tenant compte de l’ethnie considérée (45). Face à cetableau clinique, les mesures thérapeutiques non médicamenteuses sont peu coûteuses et eff icaces.Malheureusement, sous cette simplicité apparente, se cachent des difficultés considérables dont beaucoupdépassent le caractère purement médical et constituent en fait un problème de société auquel le médecin d’unitéest quotidiennement confronté (46).

329intérêt de la mesure du tour de taille pour le dépistage du syndrome métabolique

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Dossier nutrition

médecine et armées, 2007, 35, 4 331

TECHNIQUES EXTRÊMES DE TRAITEMENT DE L’OBÉSITÉ

L’obésité est une maladie en pleine expansion. Sontraitement, qui repose sur l’application de règleshygiéno-diététiques apparemment simples, est en réalitélong, difficile et souvent décevant. La chirurgiebariatrique a sa place dans l’arsenal thérapeutique avecdes résultats intéressants, à condition d’en respecterrigoureusement les indications et les contre-indicationsmalgré les pressions incessantes des patients désireux deperdre du poids. Une fois opéré, le patient doit avoirconscience que sa vie sociale en sera modifiée, que le suivisera très prolongé et surtout que la perte de poids reposetoujours sur ses efforts personnels.

Mots-clés : Bypass. Chirurgie bariatrique. Obésité.

RÉSUMÉ

SURGICAL TREATMENT OF OBESITY.

Obesity is in full expansion. Treatment involvingapplication of apparently simple dietetic rules is actuallylong, difficult, and often disappointing. Bariatric surgerykeeps a place in the therapeutic strategy, with interestingresults, only if indications and counter-indications arerespected, in spite of ceaseless pressures of the patientseager to lose weight. After surgery, patients must beaware that their social life will be different, that thefollow-up will be necessary for a long time and that theirweight loss will always depend on their own efforts.

Keywords: Bariatric surgery. Bypass. Obesity.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 331-339)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

L’obésité est une maladie métabolique chronique de plus en plus fréquente (1-3) et sa prévalence est enaugmentation en France. L’étude ObEpi montre qu’entre1997 et 2006, (http://www.lesechos.fr/medias/2006/0919//300098332.pdf.) elle est passée de 8,2 % à 12,4 %, et touche six millions de patients. Cette augmentation, qui était stable depuis 1997 (d’environ17 % entre chaque étude triennale), semblerait ralentirdepuis 2003, puisqu’elle n’a augmenté « que » de 9,7 %.En revanche, la prévalence de l’obésité morbide est passée de 0,3 % à 0,8 % et concerne environ 400 000personnes. Depuis la précédente enquête de 2003,l’augmentation de l’obésité concerne surtout les femmeset il persiste des disparités régionales avec un taux plusimportant dans le Nord et plus faible dans le Sud-Est. Lesprévisions pour 2020 sont alarmistes avec une prévalencequi pourrait atteindre 20 %.L’obésité morbide a des conséquences dramatiques, elleexpose le patient à des complications cardiovasculaires,métaboliques, respiratoires et ostéo-articulaires. Elle entraîne ainsi une dégradation psychique et socio-

économique du patient et diminue son espérance de vie de 5à 20 ans selon les populations (1, 4-6). Sa prise en chargeconstitue un véritable enjeu de santé publique car il existeun bénéfice démontré par le projet Swedish obese subjects(SOS) d’une perte de poids sur les différentes comorbiditésassociées à l’obésité (HTA, diabète, hyperinsulinémie,hypertriglycéridémie, hypo HDLémie) (7, 8).Le traitement chirurgical ne s’envisage qu’après échec de la prise en charge médicale, qui reste le traitement de première intention. Cette prise en charge doit êtremultidisciplinaire et réalisée dans un établissementorienté vers cette discipline. Il peut apporter des résultatsintéressants à condition d’en respecter rigoureusementles indications et les contre-indications.L’objectif de la chirurgie de l’obésité est d’obtenir, avec la morbidité et la mortalité, les plus faibles possible, une perte de poids suffisante pour améliorer la qualité de vie et diminuer les risques liés aux comorbidités du patient obèse. Pour être efficace, cette perte de poidsdoit être durable (1).La chirurgie de l’obésité connaît un véritable essor et a étélargement médiatisée, ce qui a engendré une demandeforte et parfois injustif iée de la part des patients. EnFrance, en 2000, près de 10000 anneaux de gastroplastieajustables auraient été posés, alors que cette techniquen’est introduite que depuis 1994. Un millier de gastroplasties et une cinquantaine de courts-circuitsgastriques auraient également été réalisés (9). L’avènement de la laparoscopie à partir des années 1990

L. BORDIER, médecin principal. P. AUBERT, médecin en chef. C. NIZOU,médecin en chef. C. GARCIA, médecin des armées. H. MAYAUDON, médecin enchef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. O. DUPUY, médecin en chef. B.BAUDUCEAU, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce.Correspondance : B. BAUDUCEAU, service d’endocrinologie, HIA Bégin, 69avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé.

L. BORDIER, P. AUBERT, C. NIZOU, C. GARCIA, H. MAYAUDON, O. DUPUY, B. BAUDUCEAU

DOSSIER

a permis de réduire les durées d’hospitalisation, les délabrements pariétaux, les douleurs post-opératoires et acontribué à l’engouement pour ces techniques. Lachirurgie bariatrique a une fausse réputation de bénignitéet ne se conçoit que chez des patients rigoureusementsélectionnés qui acceptent les contraintes du traitement etsurtout le suivi prolongé, seul garant d’un bon résultat.

II. DÉFINITIONS (2).

L’obésité se définit comme un excès de masse grasseentraînant des conséquences néfastes pour la santé. En pratique, elle est estimée par le calcul de l’Indice demasse corporelle (IMC) (poids en kg divisé par taille enmètre au carré) :– obésité : IMC ≥ 30 kg/m2 ;– obésité commune: 30 ≤ IMC ≤ 34,9 kg/m2 ;– obésité sévère : 35 ≤ IMC ≤ 39,9 kg/m2 ;– obésité morbide IMC ≥ 40 kg/m2 .

III. TECHNIQUES CHIRURGICALES.

A) IL EXISTE DEUX TYPES D’INTER-VENTIONS CHIRURGICALES (1, 2).

1. Chirurgie restrictive.Les interventions entraînant une restriction de la capacité gastrique qui comprennent les gastroplasties(gastroplastie verticale calibrée essentiellement), et les anneaux de gastroplasties ajustables. Elles permettentla formation d’une poche gastrique très réduite de 15 ml à 20 ml.

2. Chirurgie malabsorptive et restrictive.Les interventions mixtes (court-circuit gastrique) associent à la réduction de la capacité gastrique une dérivation de l’intestin grêle proximal. Les interven-tions de courts-circuits intestinaux isolés ne sont plusréalisées en France, en raison des complications métaboliques qu’elles entraînent liées à une sévèremalabsorption (1, 10).

B) DESCRIPTION DES TECHNIQUESRESTRICTIVES.

La gastroplastie verticale calibrée (ou intervention deMason) réalise une poche gastrique d’un volume de 15mlà 25 ml par agrafage le long de la petite courbure del’estomac. La poche gastrique s’évacue par un orifice depetit diamètre calibré à l’aide d’un anneau inextensible.L’évacuation est ainsi retardée et la prise alimentaireréduite (fig. 1) (1, 9).Différentes techniques sont possibles : la technique de Mac Lean consiste à remplacer l’agrafage par une transection de la poche gastrique pour la séparer du restede l’estomac (1) (fig. 2).Les anneaux de gastroplastie réduisent le volume de l’estomac grâce à un bandage circulaire de sa partiehaute à l’aide d’un anneau modulable. L’intérêt de cette technique est d’être ajustable, grâce à la présence

d’un ballonnet situé à la face interne de l’anneau et réversible (fig. 3, 4) (1, 4, 5, 9, 11).L’anneau mesure environ 10 cm de circonférence. Il estplacé précisément 2 cm au-dessous de la jonction gastro-œsophagienne et au-dessus de l’arrière cavité des épiploons. Il est maintenu en avant par des points de rapprochement sur la séreuse gastrique. La pochegastrique ainsi créée est très petite (11).L’anneau a un diamètre intérieur réglable par le biais d’une membrane extensible remplie avec du sérumsalé isotonique ou un produit de contraste iodé selon le type d’anneau.Enfin, ce dispositif est relié à un boîtier placé dans le plan sous-cutané profond. Le chirurgien peut, par

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Figure 1. Gastroplastie verticale calibrée selon Mason.

Figure 2. Gastroplastie verticale calibrée modifiée selon Mac Lean.

l’intermédiaire de ce boîtier, remplir de façon variablel’anneau avec du sérum physiologique. En modulant la superficie de serrage, il modifie la vitesse d’évacuationde l’estomac. Ainsi, en post-opératoire, en fonction de l’eff icacité obtenue, il peut faire varier le serrage et jouer sur la durée du phénomène de satiété (1). L’injection ou le retrait de sérum physiologique se fait sans anesthésie, sous contrôle radioscopique avec ingestion simultanée de produit de contraste pour évaluerle degré de passage à travers l’anneau (11). En cas d’urgence, le desserrage est facile.Les principaux types d’anneaux utilisés sont l’anneauLapBand (américain), l’anneau Swedish ajustable gastric

banding (SAGB, suédois) et l’anneau Héliogast Haga français qui se distinguent par un système de fermeture différent et par le volume du ballonnet servant à ajuster le serrage de l’anneau. Ces anneaux sont radio-opaques et leur forme a évolué afin d’améliorerleur pose et leur ajustement.Les gastroplasties et la mise en place des anneaux degastroplastie se font par voie cœlioscopique. L’abordchirurgical est comparable à celui de la cure cœlioscopiqued’un reflux gastro-œsophagien (11). Le temps opératoireest d’autant plus court que le chirurgien a une plus grande expérience (en moyenne 40 à 90 min) (12). L’intérêtde la voie cœlioscopie est de permettre un lever précoce, dediminuer les douleurs post-opératoires, les complicationspariétales, et la durée d’hospitalisation (4, 12). Toutefois,cette technique peut être gênée par l’existence d’une volumineuse hépatomégalie stéatosique.L’effet de la gastroplastie sur la perte de poids est essentiellement dû à la réduction de la capacité gastrique qui entraîne une sensation de satiété avec un bolalimentaire moins important. Si les résultats à court termesont prometteurs, en revanche, à long terme, la tendanceest à la reprise de poids du fait parfois, mais pas toujours,d’une consommation excessive d’aliments sucrésliquides, c’est le syndrome dit « du sirop d’érable » aux États-Unis (11). Ainsi, la prise d’aliments à fortedensité calorique, ou une très grande fréquence des prisesalimentaires peut en limiter l’efficacité.

C) DESCRIPTION DE TECHNIQUES MIXTES.

Le principe du court-circuit gastrique ou by-passgastrique, repose sur la réduction de la capacité gastriqueassociée à un certain degré de réduction de l’absorptionintestinale grâce à la réalisation d’une anse en Y. La pochegastrique est souvent réalisée le long de la petite courburepar agrafage et elle est déconnectée ou non du reste del’estomac (fig. 5).

333techniques extrêmes de traitement de l’obésité

DOSSIER

Figure 3. Anneau ajustable.

Figure 4. Anneau ajustable. Figure 5. By-pass gastrique.

L’anse en Y est anastomosée d’une part, à la pochegastrique et d’autre part, au grêle proximal. En fonctionde la taille de l’anse, il est possible de moduler le défaut d’absorption intestinale.Cette intervention peut également être réalisée par voie cœlioscopique. Il est nécessaire avant toute chirurgie de rechercher la présence d’helicobacter pyloriet de l’éradiquer lorsqu’il est mis en évidence.La perte de poids est due à la réduction de la capacitégastrique et à la diminution de l’absorption des alimentsdu fait du court-circuit.Il s’agit d’une intervention plus lourde à réaliser, quimodifie la structure de l’appareil digestif et pour laquelleles complications post-opératoires sont plus fréquentes.Enfin, une pathologie gastrique sous-jacente pourraitainsi être méconnue car l’estomac n’est plus accessible àune exploration endoscopique.La gastrectomie longitudinale (sleeve gastrectomy) est enplein essor aux États-Unis. Elle consiste en une résectionverticale de plus des 2/3 de l’estomac. Son mode d’actionest restrictif, mais passe aussi par une diminution de lasécrétion de ghreline (qui a un effet orexigène central) par les cellules pariétales.Elle est réalisée par cœlioscopie. Les premiers résultatssont encourageants chez les super super obèses (IMC > 60 kg/m2).En cas de résultat décevant, elle peut être complétéequelques mois plus tard par une diversion bilio-pancréatique. La gastrectomie longitudinale permet de diminuer la masse de cellules pariétales et doncl’acidité et le potentiel ulcéreux du montage et deconserver le rôle régulateur du pylore.Cette technique en deux temps peut être intéressante pour limiter les risques péri-opératoires chez les patientssuper super obèses. Elle commence à être pratiquée par certaines équipes en France (13), mais elle doit encore être évaluée.

IV. INDICATIONS.

Les indications de la chirurgie de l’obésité ont fait l’objet de recommandations de la part des différentessociétés savantes (2).Elle doit être réalisée par un chirurgien formé, ayant une expérience en ce domaine et expert en chirurgiecœlioscopique en collaboration avec une équipe d’anesthésie réanimation entraînée à la prise en chargepéri-opératoire des patients obèses. La mortalité dans les trente jours post-opératoire est étroitement liée àl’expérience du chirurgien et peut atteindre 2 %. Unpatient opéré par un chirurgien inexpérimenté a cinq fois plus de risque de décéder dans les trente jours post-opératoires qu’un patient opéré par un chirurgienexpérimenté (14, 15).La chirurgie de l’obésité doit être réservée à des maladessélectionnés sur leur IMC qui doit être :– supérieur ou égal à 40 kg/m2 ;– supérieur ou égal à 35 kg/m2 avec des facteurs de comorbidité.Le traitement chirurgical ne doit être envisagé qu’aprèsun ou plusieurs échecs du traitement conventionnel del’obésité. Les recommandations françaises précisent que

la durée de la prise en charge médicale doit être au moinségale à un an avant d’envisager un traitement chirurgical.L’obésité doit être stable ou s’aggraver depuis cinq anspour envisager une prise en charge chirurgicale.Enfin, cette chirurgie est contre-indiquée chez l’enfant etl’adolescent. Au-delà de 60 ans, la chirurgie bariatriquepeut être proposée dans le cadre de protocoles derecherche clinique au sein d’équipes expertes (16).Quel type d’intervention choisir?Le by-pass gastrique conserve certaines indications :– les patients super-obèses, IMC > 50 kg/m2 ;– en seconde intention, après une gastroplastie en l’absence d’amaigrissement ou en cas de reprise de poids. Cependant, une deuxième intervention multiplie par deux le risque de mortalité et de morbiditéopératoire (17) ;– en théorie les patients ressentant une attirance particulière pour les aliments sucrés et/ou les alimentssemi-liquides riches en calories (qui seraient à l’origined’un échec de la gastroplastie).

V. CONTRE-INDICATIONS.

Les contre-indications :– l’absence de prise en charge préalable identifiable (16) ;– les troubles psychiatriques comme les psychoses (schizophrénies, troubles de la personnalité et ducomportement alimentaire), les dépressions sévères non traitées et les tendances suicidaires (1, 18) ;– l’alcoolisme et les toxicomanies ;– le reflux gastro-œsophagien majeur pour certainschirurgiens et les troubles moteurs de l’œsophage. Un coefficient de mastication insuffisant est égalementune contre-indication ;– les contre-indications médicales à l’anesthésie générale ;– les pathologies inflammatoires chroniques du tubedigestif, les cancers ;– la chirurgie bariatrique peut être réalisée chez despatientes en âge de procréer (19). Il est cependant recommandé d’éviter de débuter une grossesse dans lespremiers mois qui suivent l’intervention en période de perte de poids importante au cours de laquelle peuvent survenir des désordres nutritionnels. Le suivialimentaire et la supplémentation vitaminique doiventêtre particulièrement rigoureux ;– le refus d’un suivi prolongé doit être considéré comme une contre-indication à une chirurgie bariatrique.Le patient doit s’engager par écrit à un suivi médicalprolongé (16).

VI. BILAN PRÉOPÉRATOIRE.

L’indication chirurgicale doit être posée par une équipe pluridisciplinaire incluant un spécialiste enobésité, un chirurgien, un psychologue ou un psychiatreet un anesthésiste.Le patient doit être informé des risques opératoires, et de la nécessité d’un suivi régulier et prolongé. Sa moti-vation est essentielle : le patient doit être désireux de

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perdre du poids et conscient que la réussite à long termepasse par une modification de sa façon de s’alimenter et nécessite le respect des conseils diététiques et comportementaux en post-opératoire (2, 9). Ce suivi estsous la responsabilité du médecin qui a posé l’indicationopératoire. Le patient doit également être informé queson mode d’alimentation sera modif ié et aura des répercussions sur sa vie sociale.L’anesthésiste (20) doit faire face à une double difficulté :la première est que l’obésité complique les actes techniques anesthésiques : abords veineux, intubation…D’autre part, il devra dépister les différentes pathologiesassociées à l’obésité, notamment cardiovasculaires et respiratoires, qui interfèrent avec la gestion de l’anesthésie.Le bilan respiratoire est d’abord clinique. L’explorationfonctionnelle respiratoire et les gaz du sang artérielspermettront d’apprécier l’importance de l’atteinte respiratoire de l’obèse : syndrome restrictif, anomalie du rapport ventilation/perfusion, l’augmentation dutravail respiratoire… Un syndrome d’apnée du sommeilsera également recherché par l’interrogatoire et éventuellement la réalisation d’un enregistrement polygraphique du sommeil.L’évaluation cardiaque s’intéressera à la fonctionmyocardique, mais aussi les pathologies induites par l’obésité comme l’HTA.La réalisation d’une FOGD sera systématique avant une gastroplastie.Enf in, la consultation par un psychiatre doit non seulement repérer les contre-indications psychiatriques à la chirurgie mais aussi dépister les facteurs déclenchantla prise de poids et sélectionner les patients qui serontaptes à construire un projet d’amaigrissement. Terra aproposé des critères de sélection pour définir les « bons »candidats à la gastroplastie (21) :– le caractère spontané de la démarche après plusieursmois de réflexion et rencontre avec d’anciens opérés ;– la prise de conscience de l’hyperphagie ;– l’absence de crise de boulimie avec vomissements ;– une capacité de maîtrise personnelle pour mangermoins et plus lentement ;– un état dentaire permettant une mastication correcte des aliments ;– une activité et des rôles sociaux maintenus malgré le surpoids ;– l’absence de problème chronique d’hygiène corporelle ;– une estime de soi préservée et visible dans les effortsvestimentaires pour masquer le surpoids ;– l’absence d’inquiétude exagérée concernant la santéphysique et surtout de tendance hypochondriaque ;– la présence d’un état dépressif actuel doit conduire à différer l’intervention.Le psychiatre doit également évaluer le comportementalimentaire, l’image du corps, le retentissement social etfamilial qui sont souvent perturbés chez l’obèse et quiseront modifiés après traitement chirurgical (18).

VII. SUIVI POST-OPÉRATOIRE.

A) PLAN CHIRURGICAL.

Dans les 48 heures post-opératoires, une opacificationœsogastrique aux hydrosolubles permet de vérifier labonne position de l’anneau et l’absence de perforationœsophagienne avant d’autoriser la réalimentation (5).Le chirurgien pourra moduler progressivement le serragede l’anneau, mais la première manœuvre ne se fait pasavant le 1er mois post-opératoire (11, 12).

B) PLAN ANESTHÉSIQUE (20).

La surveillance post-opératoire de la fonction respiratoire est très importante. La prévention de lathrombose veineuse est très importante chez ces maladesà fort risque thromboembolique. Elle fait appel à une anticoagulation préventive, un lever précoce et la mise en place de bas de contention veineuse. Le risque de rhabdomyolyse et de syndrome des loges post-opératoireest accru, doit être recherché et prévenu.

C) PRISE EN CHARGE NUTRITIONNELLE.

Elle doit apprendre au patient à mâcher, à manger lentement, à ne pas absorber d’aliments au-delà de lasensation de réplétion ou d’inconfort gastrique. Unealimentation hachée peut être proposée les premiersjours, mais doit rapidement faire place à trois petits repas solides, éventuellement complétés par une ou deux collations. Il est nécessaire de dépister les comportements favorisant la reprise pondérale en évitantnotamment la consommation d’aliments à forte densitécalorique. Enfin, il faut veiller à l’apport protidique, car le dégoût de la viande est fréquent et souvent durableen période post-opératoire. La supplémentation vitaminique se fera au cas par cas (9, 17).

VIII. RÉSULTATS.

A) EFFICACITÉ.

Le critère de jugement le plus souvent utilisé pour évaluerl’efficacité de la chirurgie gastrique est la perte de poids.Il existe peu de données disponibles sur l’évolution à longterme et sur l’amélioration de la qualité de vie (1, 9, 10).On considère l’intervention comme un succès si la pertede l’excès de poids, exprimée en pourcentage de l’excèsde poids initial, est supérieure ou égale à 50 %. Il s’agitd’un échec si elle est inférieure à 25 %.L’amélioration de la qualité de vie et l’efficacité de laperte de poids sur les facteurs de comorbidités sont plusrarement rapportées dans les études.Le projet Swedish obese subjects ou SOS (7) qui a débutéen 1987, est une étude suédoise multicentrique menée encontinu qui comprend un registre des personnes obèses(IMC ≥ 34 kg/m2 pour les hommes et IMC ≥ 38 kg/m2

pour les femmes) âgées de 35 ans à 57 ans lors de leurentrée dans le registre. Ce projet comprend également uneétude prospective contrôlée du traitement chirurgical parrapport à une prise en charge conventionnelle. Les sujets

335techniques extrêmes de traitement de l’obésité

DOSSIER

inclus qui choisissent un traitement chirurgical pour leurobésité sont comparés à des témoins, appariés sur leurpoids et différents facteurs d’ajustement, notamment psychosociaux.En 1998 (10), Karlsson a évalué la perte de poids et laqualité de vie de 487 patients obèses opérés et de 487témoins obèses non opérés, appartenant à la cohorte SOS.Chez les 487 patients opérés, une gastroplastie verticalecalibrée a été pratiquée 315 fois (65 %), un anneau degastroplastie a été mis en place 136 fois (28 %), et uncourt-circuit gastrique a été réalisé 36 fois (7 %).Après deux ans d’évolution dans le groupe opéré, l’IMC est passé de 40,8 à 31,5 kg/m2 chez les hommes etde 42,3 à 32,5 kg/m2 chez les femmes. Une diminutiontrès importante s’observe dès les six premiers mois.L’évolution favorable de l’IMC dans le groupe chirurgicalest significative, alors qu’elle ne l’est pas dans le groupecontrôle, dont le poids a peu évolué. L’IMC final est inférieur dans le groupe chirurgical.La qualité de vie (10) était initialement plus mauvaisepour les obèses qui allaient être opérés. Elle s’améliore de façon signif icative sur la plupart des échelles et de scores analysés après la chirurgie, ce qui n’est pas lecas des sujets contrôles. Il existe une corrélation significative entre la perte de poids, après la chirurgie etl’amélioration de la qualité de vie qui est particulièrementnette dès une perte de 20 kg.L’auto évaluation du comportement alimentaire avant et après intervention montrait une amélioration signif icative portant sur la restriction cognitive, la désinhibition et la perception de la faim.Les derniers résultats de l’étude SOS non encore publiésont été présentés en octobre 2006 à Sydney lors ducongrès mondial de l’obésité. Ils comparaient 2 010patients qui ont bénéficié d’une chirurgie gastrique et2037 sujets traités de façon conventionnelle. La perte depoids maximale dans le groupe chirurgie a été observéeaprès 1 an : 32% avec le by-pass, 25% après gastroplastie.À dix ans, celle-ci est de 25 % avec le by-pass et de 15 %avec la gastroplastie. Dès la deuxième année, il existedans le groupe chirurgical une diminution et mêmeparfois une disparition du diabète, une normalisation dubilan lipidique et de l’hyperuricémie. Enfin, la mortalitétotale diminue de 24,6 % (p = 0,003) par rapport aucontrôle et cette baisse est encore plus importantelorsqu’on ajuste par rapport aux facteurs de risque etatteint 31,6 % (p = 0,008).La métanalyse de Buchwald (22) portant sur 22 094patients a analysé l’évolution des comorbidités associéesà l’obésité après chirurgie bariatrique. En terme de poids, la chirurgie la plus eff icace est la diversionbilio-pancréatique avec switch duodénal avec une perted’excès de poids de 70,1 %. Les résultats, toute techniqueconfondue, sont très encourageants : le diabète régressedans 86 % des cas, la dyslipidémie s’améliore chez plusde 70 % des patients et l’hypertension artérielle disparaîtchez 61,7 %. Enfin, le syndrome d’apnée du sommeildisparaît ou s’améliore chez 83,6 % des patients.

B) RÉSULTAT DES ÉTUDES PORTANT SURLES ANNEAUX DE GASTROPLASTIE (1, 5, 11).

Le résultat des études portant sur les anneaux de gastroplastie :– la perte de poids varie de 22 kg à 54 kg en 1 an ;– le pourcentage de perte de l’excès de poids est de 41 %à 71 %;– l’IMC moyen post-opératoire à un an est inférieur à 35 kg/m2 ;– le maintien de la perte de poids à long terme est peu documenté.La qualité de vie semble améliorée après mise en place d’un anneau (12).Les complications préopératoires sont de l’ordre de 1,5%et sont essentiellement représentées par des plaies du foiegauche chez les grands obèses. Plus rarement, ont étédécrites de plaies de l’estomac ou de la rate.Les décès post-opératoires précoces sont liés aux complications hémorragiques, à la survenue d’uneembolie pulmonaire, un accident vasculaire cérébral(AVC), ou une perforation gastrique (1).Les complications post-opératoires précoces (c’est-à-dire dans les trente jours post-opératoires) sont rares et liées soit à un problème technique (perforationgastrique, hémorragie sur trocart), soit à des problèmes de site implantable (suppuration ou malposition du boîtier et péritonite sus-mésocolique par diffusion à partir du boîtier) (1).La perforation gastrique nécessite dans tous les cas une réintervention. Son incidence est de 0,3 % (1).D’autres complications sont plus rares : rupture del’anneau, fuite sur le système du ballonnet, complicationspariétales en cas de laparotomie (1).La morbidité précoce globale est de 5 % (1).Les complications tardives sont beaucoup plus fréquentesque les complications précoces : de 1,7 % à 16 %. Lamauvaise position de l’anneau sur l’œsophage en fait partie (malfaçon).La complication technique spécifique (1, 11, 12) est la dilatation de la poche gastrique qui survient entre le 6e

et le 24e mois post-opératoire. Sa fréquence est estimée à 3,4 % à 6,2 % selon les études et dans 93 % des cas, les patients ont dû être réopérés (1, 12).Elle se déf init comme une augmentation de volume de l’estomac au-dessus de l’anneau de gastroplastie. Elleest considérée comme pathologique lorsqu’une opacification radiologique montre clairement une pochegastrique dilatée au-dessus de l’anneau avec un surplombet qu’il existe des symptômes croissants de reflux,d’œsophagite ou d’intolérance alimentaire avec vomissements. Cette dilatation peut parfois revêtir une forme aiguë de volvulus avec risque de nécrosegastrique et de perforation (1, 5).Elle serait favorisée par un positionnement trop bas de l’anneau, une insuffisance de fixation sur la grossetubérosité ou une bascule post-opératoire, et semble liée à la taille de la poche obtenue en préopératoire (1).Le risque d’érosion de la paroi gastrique par l’anneau estde 1,9% des cas avec un délai moyen de survenue de 6 à 24mois. Tous les patients ont du être réopérés. Elle se définit

336 l. bordier

comme une ulcération progressive de la paroi gastriqueau contact de l’anneau. Elle peut aboutir au maximum à la migration intra gastrique de l’anneau avec descomplications de type obstructif (1).Le glissement de l’anneau (sliping) est observé surtoutlorsque celui-ci n’est pas mis au-dessus de la grandecavité des épiploons. Cette complication est rapportéedans 1,6 % à 9 % des cas et nécessite un desserrage ou une ablation de l’anneau (12).L’infection au niveau du boîtier varie de 0,3 % à 1,2 % des cas (12).Les autres complications décrites sont une fuite sur lesystème du ballonnet, les occlusions de la bouche depassage gastrique à travers l’anneau, des œsophagites,une rupture du cathéter sur le boîtier nécessitant unereprise chirurgicale.Les interventions à moyen terme ont dû être réalisées dans 8,8 % des cas, dans 50 % par voie cœlioscopique,pour dilatation de la poche, érosions gastriques parl’anneau, fuite du ballonnet, rupture de l’anneau et glissement de l’anneau (1).Les complications fonctionnelles sont représentées par des vomissements, un pyrosis avec œsophagite secondaire à un reflux gastro-œsophagien, une dysphagieet un méga-œsophage. Sur le plan nutritionnel, descarences en fer, folates et vitamine B12 ont été constatéeschez certains patients, mais leur fréquence est malévaluée du fait du manque de recul.Pour le cas précis des jeunes femmes, l’étude de Dixon(19) chez 79 grossesses survenues chez des femmesobèses, enceintes, est rassurante avec une amélioration dupronostic maternel (hypertension artérielle et diabètegestationnel) et pédiatrique par rapport aux patientesobèses non opérées.

C) RÉSULTAT DE LA GASTROPLASTIEVERTICALE CALIBRÉE (GVC) (1, 23).

Le résultat de la gastroplastie verticale calibrée (GVC) :– la perte de poids varie de 30,6 kg à 42 kg en un an ;– le pourcentage de perte de l’excès de poids est de 48 % à 75 %;– l’IMC moyen post-opératoire à un an varie de 28,9 à 40,5 kg/m2 ;– à long terme, la reprise de poids est possible, mais est peu documentée.Les complications préopératoires sont à type de perforations gastriques ou de plaies spléniques (1).Les décès post-opératoires précoces (0,35 % des cas) sont dûs à une embolie pulmonaire, une défaillancemultiviscérale ayant pour point de départ un sepsis abdominal (1).Les complications post-opératoires précoces sont à typede complications pariétales (6,1 %), d’infection ou dedésunion de suture, d’abcès profond, de fistules gastriques(1,6 %), d’embolie pulmonaire (2 %).La morbidité globale précoce est de 22 % (1).Les complications tardives (1) sont à type de désunion de la ligne d’agrafes (12,2 %), de sténose de la boucheavec dilatation de la poche (6,5 %), d’érosion gastrique

(en moyenne 3 %), d’éventration après laparotomie(5,8 %). Les réinterventions tardives atteignent 10,7 %.Les complications fonctionnelles (1) sont représentéespar les vomissements (9 % à 83 % des cas selon lesétudes), les œsophagites (8,6 % à 44 %) et les impactionsalimentaires.Les complications nutritionnelles sont peu détailléesdans les études, surtout à type de carence en fer, folates, B12 (1).

D) RÉSULTAT DU BY-PASS GASTRIQUE (BPG)(1, 8).

Le résultat du by-pass gastrique (BPG) :– la perte de poids varie de 20 kg à 56 kg en un an ;– le pourcentage de perte de l’excès de poids est de 57 % à 78 %;– l’IMC moyen post-opératoire à un an varie de 28 à 35,6 kg/m2 ;– au-delà d’un an, la perte de poids se maintient le plus souvent ; en cas de reprise, l’IMC reste le plussouvent inférieur à 35 kg/m2.Complications préopératoires sont peu renseignées dans les études (1).Les décès post-opératoires atteignent 0,5 % (emboliepulmonaire).Les complications post-opératoires précoces sont pariétales (10 %) ou à type d’abcès profond et fistulesdigestives (5 %) ou d’embolie pulmonaire.Les complications tardives sont la désunion de la ligned’agrafes (3,4 %), la sténose de la bouche (3,7 %), un ulcère anastomotique (3,5 %), une occlusion sur bride, une éventration (20 %), une réintervention (1,4 % à 18,6 %).Les complications fonctionnelles sont à type de diarrhée(5 % à 70 %), de dumping syndrome et de vomissements(1 % à 76 %).Les complications nutritionnelles sont représentées pardes carences en B12, en folates et en fer de 2 % à 48 % quidoivent être systématiquement supplémentées. Uneanémie est détectée dans 14 % à 39 % des cas. Lescarences protidiques sont plus rares de 2 % à 5 % des cas.Le taux de décès après BPG est de 0,5 % à 2 %.Une redoutable complication peut survenir dans les diversions bilio-pancréatiques avec switch duodénal à type d’occlusion de l’anse bilio-pancréatique. Le diagnostic est difficile devant une douleur abdominalesans vomissement, ni arrêt du transit, ni niveau hydroaé-rique. Lorsque le diagnostic est évoqué, le scannerabdominal permettra de l’affirmer. Les carences en fer, en vitamine A et D et en calcium, sont fréquentes et une supplémentation vitamino-calcique doit être systématiquement envisagée.

IX. ALTERNATIVE.

Des méthodes non chirurgicales se développent pour le traitement de l’obésité morbide, notamment la mise en place de ballon intra gastrique gonflé à l’air (fig. 6).

337techniques extrêmes de traitement de l’obésité

DOSSIER

338 l. bordier

Le principe est de disposer un ballon libre, rempli à l’intérieur de l’estomac, qui, grâce au volume qu’iloccupe, favorise la sensation de satiété et la perte de poids. Ce dispositif est temporaire et ne doit pas êtremaintenu plus de six mois. Sa mise en place est simple,sous anesthésie générale, par voie endoscopique. Leballon comporte une double poche à air en polymèrerecouverte d’une enveloppe en silicone. Le remplissage àl’air se fait une fois que le ballon est disposé à l’intérieurde l’estomac. L’extraction du ballon se fait grâce à un kit mais elle est parfois délicate.

Cette solution peu invasive, réversible, non mutilante et facile à réaliser peut être intéressante en cas de contre-indication opératoire ou pour obtenir une perte depoids préalable à une chirurgie bariatrique. Elle doitcependant être mieux évaluée et n’est pas remboursée par la sécurité sociale.

X. CONCLUSION.

Quelle que soit la technique chirurgicale utilisée, l’efficacité à court terme sur la perte de poids est réelle,puisqu’elle atteint en moyenne de 20 kg à 50 kg en un an.Les échecs s’expliquent certainement par une mauvaisesélection des patients candidats à la chirurgie.L’efficacité à long terme est en revanche mal évaluée, en particulier pour l’anneau de gastroplastie (9).Le by-pass gastrique est l’intervention la plus efficace enterme de perte de poids, mais au prix d’une malabsorptionalimentaire. La diversion bilio-pancréatique avec switch duodénal semble prometteuse mais doit êtremieux évaluée. L’anneau gastrique et la gastroplastieverticale calibrée ont la même efficacité, mais le taux decomplications post-opératoires est notablement inférieurpour les anneaux modulables par rapport à celui desgastroplasties par agrafage. De plus, les anneaux modulables ont l’avantage d’un abord mini-invasif, d’uneplus grande souplesse dans la gestion de l’amaigrisse-ment ainsi d’une réversibilité totale (11, 12).Enfin, les techniques alternatives comme les ballonsintragastriques remplis d’air peuvent être utilisés en casde contre-indication opératoire ou comme une premièreétape avant une chirurgie bariatrique plus lourde. Quelleque soit la technique choisie, il est important de prendreen compte l’expérience et la compétence du chirurgien.Les complications à long terme sont fréquentes et nettement sous-évaluées, liées à la technique chirurgicalemais aussi d’ordre nutritionnel. Elles justifient un suivirégulier et prolongé par une équipe pluridisciplinaireentraînée (8) (tab. I).

Figure 6. Ballon intra-gastrique en place.

Technique Décès précoceComplications

Spécifiques

Complications

fonctionnelles

Complications

nutritionnelles

Anneau 0,1 % (EP (***) 50 %)

– Dilatation poche gastrique– Problèmes liés au boîtier– Perforation gastrique rare– Hémorragie

VomissementPyrosis

Œsophagite

Ferfolates

GVC (*)0,35 %

(EP 70 %)

– Désunion ligne agrafes– Sténose bouched’anastomose– Fistule gastrique

VomissementPyrosis

Œsophagite

Ferfolates

BPG (**)0,5 %

(EP 50 %)

– Désunion ligne d’agrafes– Sténose bouched’anastomose– Ulcère anastomotique– Hémorragie– Abcès profond

Diarrhée ±dumping syndrome

VomissementPyrosis Œsophagite

B12Fer

FolatesOligoéléments

Autres vitamines+++

*: gastroplastie verticale calibrée – ** : by-pass gastrique – ***: embolie pulmonaire.

Tableau I. Complications.

339techniques extrêmes de traitement de l’obésité

DOSSIER

1. Chirurgie de l’obésité morbide de l’adulte. ANAES mai 2000.2. Recommandations pour le diagnostic, la prévention et le traitement

de l’obésité. Association française d’études et de recherches surl’obésité. Association de langue française pour l’étude du diabèteet des maladies métaboliques. Société de nutrition et de diététiquede langue française. Diabetes and metabolism 1998 : S2, 24 : 3-48.

3. Prévalence de l’obésité de l’adulte en France. La situation en 2000.À partir des résultats de l’étude ObEpi. Charles MA, Basdevant A,Eschwege E. Annales d’endocrinologie, 2002 : 63, cahier 1, 154-8.

4. La gastroplastie par laparoscopie pour grands obèses. 300 cas,évaluation des 150 premiers. Chevalier JM, Zinzindohoué F,Cherrak A, Blanche JP, Berta JL et al. La presse médicale, 2000 :29 : 1 921-5.

5. Gastroplasties laparoscopiques pour obésité morbide : étudeprospective de 300 cas. Chevalier JM, Zinzindohoué F, Cherrak A,Blanche JP, Berta JL et al. Annales de chirurgie, 2001 : 126 : 51-7.

6. Years of life lost due to obesity. Fontaine KR, Redden DT, WangC, Westfall AO, Allison DB. JAMA 2003 : 289 : 187-93.

7. Swedish obese subjects, SOS. Sjöström L. International textbookof obesity. Ed P. Björntorp 2001.

8. Reduction in incidence of diabetes, hypertension and lipiddisturbances after intentional weight loss induced by bariatricsurgery: the SOS intervention study. Sjöström DC, Lissner L,Wedel H, Sjöström L. Obesity Research 1999 : 7 : 477-84.

9. La chirurgie de l’obésité . Simon C, Chabrier G. Annalesd’endocrinologie, 2001 : 62, cahier 2, 1S31-36.

10. Swedish obese subjects (SOS) an intervention study of obesity.Two year follow-up of health-related quality of life (HRQL) and eating behavior after gastric surgery for severe obesity.Karlson J, Sjöström L, Sullivan M. International journal of obesity1998 : 22 : 113-26.

11. Cœliochirurgie de l’obésité morbide : la gastroplastie par anneaumodulable. 320 observations. Dargent J. Annales de chirurgie

1999 : 53 : 467-71.12. La chirurgie cœlioscopique de l’obésité. Slim K. Journal de

chirurgie 1999 : 136 : 188-97.13. Traitement de la super super obésité morbide par gastrectomie

longitudinale. Catheline JM, Cohen R, Khochtali I, Bihan H,Reach G, Benamouzig R et al. Press Med 2006 : 35 : 383-7.

14. Impact of gastric bypass operation on survival: a population-based analysis. Flum DR, Dellinger EP. J Am Coll Surg 2004 :199 : 543-51.

15. Early mortality among medicare beneficiaries undergoing bariatricsurgical procedures. Flum DR, Salem L, Broeckel Elrod JA,Dellinger EP, Cheadle A, Chan L. JAMA 2005 : 294 : 1 903-8.

16. La chirurgie de l’obésité. Sadoul JL, Laville M. MédecineClinique endocrinologie et diabète 2007 : 26 : 57-71.

17. Traitement chirurgical de l’obésité morbide : le point de vue dunutritionniste. Fricker J. Annales de chirurgie 1997 : 51 : 173-6.

18. Interventions du psychiatre dans le traitement chirurgical del’obésité morbide. Simon C, Mahot P, Buecher B. Annales depsychiatrie 1997 : 12 : 43-9.

19. Birth outcomes in obese women after laparoscopic adjustablegastric banding. Dixon JB, Dixon ME, O’Brien PE. ObstetGynecol 2005 : 106 : 965-72.

20. Le point de vue de l’anesthésiste dans le traitement chirurgical del’obésité morbide. Munsch Y, Sagnard P. Annales de chirurgie1997 : 51 : 183-8.

21. Le point de vue du psychiatre sur le traitement de l’obésitémorbide par gastroplastie. Terra JL. Annales de chirurgie 1997 :51 : 177-82.

22. Bariatric surgery. A systematic review and meta-analysis.Buchwald H, Avidor Y, Braunwald E, Jensen MD, Pories W,Fahrbach K et al. JAMA 2004 : 292 : 1 724-37.

23. Seven years results of Vertical Banded Gastroplasty for morbidobesity. Näslund E, Backman L, Granström L, Stockeld D.European journal of surgery 1997 : 163 : 281-6.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

340

VIENT DE PARAÎTRE

CAMPYLOBACTER

Éric DROMIGNY

Les campylobacterioses constituent aujourd'hui la maladie zoonotique la plussouvent notifiée chez l'homme dans l'Union européenne. La bactérie est surtoutconnue pour son pouvoir pathogène et les infections intestinales, en grandepartie d'origine alimentaire, qu'elle provoque.Afin d'offrir un éclairage sur l'ensemble des questions qu'elle suscite,Campylobacter se présente comme une synthèse balayant la totalité du sujet : systématique, morphologie, physiologie, pouvoir pathogène,épidémiologie, contrôle.Une place importante est donnée à C. jejuni, mais les autres Campylobacter ne

sont pas oubliés. Sont tout particulièrement détaillées les données les plus récentes concernant sanomenclature et sa classification, son génome, ses stratégies de survie et de résistance aux stress, sonétiopathogénie, les sources de cette bactérie, les éléments réglementaires (notion de critères) ainsi que lestechniques de laboratoire de recherche et d'identification, et notamment les limites de ces méthodes.Doté d'un plan progressif et ponctué de figures et de photographies, dont un certain nombre de vuesen microscopie électronique, cet ouvrage s'appuie sur une riche bibliographie scientifique.

ISBN : 978 2 7430 0978 6 – Pages : 304 – Format : 15,5 x 24 cm – Prix : 70 € – Éditions Tec & Doc – EM Inter – Lavoisier : 11 rueLavoisier, 75008 Paris – Tél. : + 33 (0)1 42 65 39 95 – Fax : + 33 (0)1 42 65 02 46 – www.lavoisier.fr

VIENT DE PARAÎTRE

MANUEL PRATIQUE DE RADIOPROTECTION

Denis-Jean GAMBINI, Robert GRANIER

Ce manuel pratique de radioprotection présente les bases scientifiques, les dispositions législatives etréglementaires et les moyens techniques de mise en œuvre de la radioprotection dans les secteursmédical et industriel, la recherche et les installations nucléaires de base. Il rassemble les informations pratiques (organisation, analyse de poste, prévention, évaluation etgestion des risques, contrôles, formation et information, etc.) habituellement éparses et lesconnaissances théoriques permettant à toute personne utilisant les rayonnements ionisants : d'analyser les postes de travail en zone contrôlée et surveillée, de veiller au respect de laréglementation en vigueur, de participer à la formation et à l'information des personnels exposés d'intervenir en situation accidentelle. Cette troisième édition est largement actualisée et enrichie desdonnées scientifiques et juridiques les plus récentes concernant, notamment, les expositions humaines,la dosimétrie, l'optimisation de la radioprotection et les enquêtes épidémiologiques.

ISBN : 978 2 7430 0959 5 – Pages : 666 – Format : 15,5 x 24 cm – Prix : 115 € – Éditions Tec & Doc – EM Inter – Lavoisier : 11 rueLavoisier, 75008 Paris – Tél. : + 33 (0)1 42 65 39 95 – Fax : + 33 (0)1 42 65 02 46 – www.lavoisier.fr

Dossier nutrition

médecine et armées, 2007, 35, 4 341

ALIMENTATION ET CANCER

Malgré les évidentes intrications concernant l’alimentationet les maladies cancéreuses, surtout digestives, il est fortdifficile d’établir un lien de causalité indiscutable entre uncancer et un type d’aliment. Les cancers apparaissent surun terrain génétique prédisposant, mais sont influencéspar de nombreux facteurs extérieurs parmi lesquelsintervient notre alimentation. Le cancer étant la secondecause de mortalité dans les pays industrialisés, l’enjeu quepeuvent avoir certains aliments protecteurs est évident, etjustifie de nombreuses recherches et publications. Lesdonnées observationnelles prouvent l’effet bénéfique d’unealimentation riche en fruits et légumes, pauvre en viande,notamment en charcuteries, associée à l’absence detabagisme, à la consommation modérée d’alcool et à lapratique d’une activité physique régulière. L’incidence descancers digestifs et notamment des tumeurs colo-rectalespourrait être considérablement réduite en appliquant cesrecommandations. Dans ce domaine, les essais cliniquesrandomisés concernant l’ajout de fibres à l’alimentationou la protection engendrée par un régime enrichi en fibreset légumes n’ont pas été concluant, prouvant la difficultéd’apporter des preuves dans un domaine aussimultifactoriel. Pour répondre de manière plus scientifiqueà la responsabilité de certains types d’aliments et afin decibler les effets protecteurs, de grandes études prospectivesd’observation, exceptionnelles par leur ampleur et leursobjectifs comme l’étude European prospective investigationinto cancer (EPIC) en Europe ont débuté au début desannées 90. Leur ambition est d’étudier le rôle de lanutrition, du mode de vie, des facteurs métaboliques,génétiques et hormonaux qui influencent la survenue despathologies tumorales.

Mots-clés : Cancers. Nutrition.

RÉSUMÉ

NUTRITION AND CANCER.

Despite large connections between cancer and nutrition,especially digestive cancer, correlation of cancer with aprecise type of food is unfortunately hard to establish.Tumors occur on a genetical background but a lot ofexternal factors including diet can modify the evolution.Cancer is the second cause of death in industrializedcountries, and the protective effects against cancersinduced by nutrition’s behavior is matter of scientificresearch and publications. Studies confirm the positiveeffect of fruits and vegetables, decreasing intake of meatand especially poultry, a lifestyle without tobacco andalcohol associated with regular physical exercise.Incidence of digestive cancers and particularly colorectalcancer would dramatically decrease with a goodapplication of these diet rules. In this field, randomisedclinical trials concerning the adjonction of fibers toalimentation or protection due to a fiber inriched diet arenot relevant, proving the difficulties to bring anyevidence in so a complex subject. In order to find theanswer of the protective effects of food, large prospectivestudies like EPIC in Europe began in nineties with theambition to evaluate more precisely the role of nutrition,lifestyle, metabolic, genetic and hormonal factors thatinfluence diseases and more particularly tumors.

Keywords: Cancers. Nutrition.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 341-343)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Les liens associant les habitudes alimentaires et la santéparaissent évidents. Pourtant, dans ce domaine circulentbeaucoup d’idées et de croyances fort éloignées de laréalité. Si l’objectif de chacun est d’élever son niveau de

santé en exigeant notamment une alimentation sûre, voire même protectrice, l’industrie alimentaire a très vitecompris l’intérêt qu’elle pouvait tirer de l’image positivede certains produits sur la « santé ». Ainsi, les firmesn’hésitent pas à affirmer l’effet bénéfique de certainesmargarines dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, ou de nous garantir une protection vis-à-visdu cancer colique par la consommation régulière de telle ou telle fibre. La fréquence, la sévérité et la gravitédes cancers dans notre société méritent plus de respect que le message publicitaire commercial et parti-culièrement simpliste dont l’intérêt reste le profit et non l’amélioration du niveau de santé.

O. DUPUY, médecin en chef, praticien confirmé. H. MAYAUDON, médecin enchef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. C. GARCIA, médecin. L. BORDIER,médecin principal, praticien confirmé. C. NIZOU, médecin en chef, praticienconfirmé. B. BAUDUCEAU, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce.Correspondances : O. DUPUY, service d’endocrinologie et maladies métaboliques,HIA Bégin, 69 avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé.

O. DUPUY, H. MAYAUDON, C. GARCIA, L. BORDIER, C. NIZOU, B. BAUDUCEAU

DOSSIER

Si un grand nombre d’observations épidémiologiques a permis d’affirmer les bienfaits d’une alimentation équilibrée et variée, et si la réduction du nombre decancers chez les individus observant une bonne hygiènede vie est certaine, les preuves irréfutables apportées par l’Evidence based medecine (EBM), prouvant l’intérêtde nutriments précis sont absentes de la littérature scientifique. Cela ne doit nullement remet-tre en cause les bonnes habitudes alimentaires, même si le rôle joué par chaque composant est loin d’être bien déterminé.

II. ENJEUX.

Les cancers constituent aujourd’hui en France, commedans la plupart des pays industrialisés, la seconde causede mortalité après les décès d’origine cardiovasculaire.Ainsi, dénombre t-on dans l’hexagone 240000 nouveauxcas par an qui seront responsables de 143000 décès, soit27 % du taux annuel de décès. Ces chiffres, établis en2003, permettent de prédire qu’un homme sur deux et unefemme sur trois seront touchés par un cancer au cours deleur existence. On trouve par ordre de fréquence,l’atteinte du sein puis le cancer colo-rectal. Le pronosticle plus sévère concerne le poumon, responsable de 24000décès par an, suivent le cancer colo-rectal (16 000 décèspar an), les voies aéro-digestives supérieures (12 000décès par an), le sein (11000 décès par an) (1).Le cancer est une maladie multifactorielle qui fait intervenir dans son déterminisme:– des facteurs biologiques individuels et une prédis-position génétique ;– des facteurs comportementaux individuels (tels que leshabitudes tabagiques ou alcooliques), et d’autres liés à l’environnement (comme le fait de vivre en milieu urbain soumis à la pollution industrielle et à une exposition aux f ibres d’amiante). C’est parmi cesfacteurs environnementaux que se situe l’alimentation.Si une action correctrice sur les facteurs de prédispositionn’est guère possible avec les thérapeutiques actuelles, lesfacteurs individuels sont à l’évidence modif iables.L’arrêt du tabac et la réduction de la consommation alcoolique en sont les exemples les plus triviaux mais parmi les plus efficaces pour réduire la fréquence de nombreux cancers.Les facteurs alimentaires interviennent avec certitudedans la cancérogenèse mais de manière complexe. Leuraction dépend en effet de nombreux paramètres comme:les quantités ingérées, les habitudes de la consommation,la préparation et le mode de cuisson ainsi que les autresnutriments ingérés au cours du même repas. D’autresparamètres ont également de l’influence, comme lepoids, l’indice de masse corporelle ou la pratique d’uneactivité physique. Ces constatations préf igurent lacomplexité des travaux destinés à prouver les bienfaitsd’un produit et les difficultés pour apporter des preuvesirréfutables de la responsabilité d’un aliment précis.

III. PREUVES DES LIENS ALIMENTS-CANCER.

Les études permettant d’apporter la preuve d’un lien entrealimentation et cancer sont multiples (2) :– l’expérimentation animale ;– écologiques : basées sur l’observation et la comparaisonde populations évoluant dans des zones géographiquesdifférentes ;– cas-témoins comparant l’alimentation de sujets atteintsde cancer et de patients indemnes ;– prospectives par le suivi de cohortes, qui veulentmontrer l’existence d’une séquence chronologique entrel’exposition au risque et la survenue d’une maladie, d’uneffet dose-réponse ou d’un effet protecteur ;– études de prévention : visant à modif ier un facteuralimentaire pour diminuer la fréquence de la maladie ;– les méta-analyses.Le niveau de preuve est éminemment variable suivant le type d’étude. Il est d’emblée évident que beaucoupd’inconnus et de facteurs confondants vont entacher les résultats des travaux. Le facteur alimentaire est noyé parmi de multiples éléments intervenant dans le mode de vie. Cependant, de grandes étudesd’observations modernes, européennes et françaises, prospectives, complétées par des prélèvements biologiques, commencent à être publiées : l’étude European prospective investigation into cancer and nutrition (EPIC) en est l’exemple, exceptionnelle par son ampleur et ses objectifs. À partir d’une population de 500 000 européens inclus dès 1992, elle a pour ambition l’étude du rôle de la nutrition, du mode de vie,des facteurs métaboliques, génétiques et hormonaux qui influencent la survenue des pathologies et notammentdes tumeurs (3).

IV. RÉSULTATS.

La réduction globale de l’incidence des cancers par unealimentation adaptée est estimée entre 30 % et 40 %, toutorgane confondu (4). Les possibilités d’action dans ledomaine de la prévention sont bien entendues variablessuivant le type de cancer. Le secteur le plus concerné est le tube digestif qui est directement « au contact » et donc naturellement plus exposé et plus sensible aux variations alimentaires. D’ailleurs, si l’on exclut l’alcool, des facteurs de risque alimentaire, l’incidence de l’alimentation sur les cancers, autres que ceux du tube digestif, est très modeste et reste hypothétique. C’est donc essentiellement sur les cancers du tubedigestif que l’alimentation va intervenir. Nous avonschoisi de nous focaliser plus spécifiquement sur le cancercolo-rectal en raison de sa fréquence, de sa gravité et des études publiées.L’incidence du cancer colo-rectal pourrait être réduite de 60 % à 70 % par l’application d’un régime riche enfruits et légumes, pauvre en viandes et notamment encharcuteries, associé à l’absence de tabagisme, à laconsommation modérée d’alcool et à la pratique d’une

342 o. dupuy

activité physique régulière (5). L’exemple de ce cancer démontre la complexité pour établir des preuvesirréfutables sur le rôle d’aliments protecteurs vis-à-vis du cancer.En 1969, un chirurgien missionnaire rapporte dans le Lancet que certaines tribus africaines rurales présentent beaucoup moins de cancers du colon que les occidentaux (6). L’effet préventif des fibres vis-à-visdu développement de polypes ou de cancers colo-rectauxest né de cette observation et va être conf irmée parplusieurs dizaines d’autres études d’observations.Plusieurs travaux prospectifs sont alors initiés et publiésdans les années 2000, destinés à prouver, dans une population homogène, l’efficacité de l’ajout de fibres àl’alimentation ou la protection engendrée par un régimeenrichi en fibres et en légumes. L’étude des habitudesalimentaires de 88000 femmes pendant seize ans, jette lepremier pavé de la discorde car elle ne montre aucun effetpréventif des f ibres vis-à-vis du développement descancers colo-rectaux ou des polypes (7). En 2000, deuxautres publications (8, 9) parviennent au même résultat et l’année suivante Bonithon-Kopp (10) évoque paradoxalement un effet délétère des f ibres dans la récurrence d’adénomes colo-rectaux. En fait, commel’explique Goodlad (11), ces études sont difficilementcomparables car elles reposent soit sur un régime riche en f ibres provenant de l’alimentation, soit sur des suppléments alimentaires à base de fibres. Il existe eneffet de multiples « f ibres » d’effets et d’actions différentes. Si les fibres naturelles sont bénéfiques, il estprobable que ce soit pour ce qu’elles ne contiennent pas,

à savoir des calories et des graisses en excès ! Très récemment, les premiers résultats d’EPIC (3) établissentune relation entre consommation de viande rouge, charcuterie et cancer colo-rectal, indépendamment del’apport de f ibres. Le mécanisme n’est toujours pasélucidé mais les conseils alimentaires restent pertinents.

V. CONCLUSION.

La médecine moderne reste une science inexacte baséesur le bon sens, l’expérience, le sens clinique et l’EBMlorsqu’elle peut s’appliquer. Malgré la négativité desessais publiés dans les années 2000, il est essentiel deprôner une alimentation riche en fruits et légumes pourespérer réduire l’incidence globale du cancer colo-rectalet des cancers digestifs en général. La réduction desapports de charcuteries de matières grasses animales, laconsommation régulière de fruits et légumes, l’absencede tabagisme, un apport d’alcool inférieur à 30 g par jouret la pratique d’une activité physique et sportive régulière,de plus de trois heures par semaine, sont les élémentsfondamentaux pour améliorer le niveau de santé de lapopulation. Ces données méritent d’être rappelées lorsdes consultations médicales même si elles vont àl’encontre des messages publicitaires quotidiennementrépétés par l’ensemble des médias. Fort heureusement, leconsensus pour ces mesures est international. L’effetbénéfique permettra la réduction des cancers mais aussides pathologies cardiovasculaires et de la plupart desatteintes métaboliques !

343alimentation et cancer

DOSSIER

1. Hill C, Doyon F. Fréquence des cancers en France. Bull Cancer2003 ; 90 : 207-13.

2. Faussier M. Alimentation et cancer : un lien de plus en plus évident.Diabétologie, nutrition, facteurs de risque 2004; 86 : 169-75.

3. Norat T, Bingham S, Ferrari P et al. Meat, fish, and colorectal risk:the European prospective investigation into cancer and nutrition. JNatl Cancer Inst 2005 ; 97 : 906-16.

4. Glade MJ. Food, Nutrition and the prevention of Cancer: a globalperspective. American Institute for Cancer Research/World CancerResarch Fund, American institute for cancer research 1997.Nutrition 1999 ; 15 : 523-6.

5. Martel P, Boutron-Ruault, Astorg P. Fibres et prévention du cancercolo-rectal : bilan du groupe de travail du réseau NACRe. Lettrescientifique de l’IFN 2001 N°81.

6. Burkitt DP. Related disease-related cause? Lancet 1969; 2: 1229-31.7. Fuchs CS, Giovannucci EL, Colditz GA, Hunter DJ, Stampfer MJ,

Rosner B et al. Dietary fiber and the risk of colorectal cancer and

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Lack of effect of low-fat high fiber diet on the recurrence ofcolorectal adenomas. Polyp Prevention Trial Study Group. N EnglJ Med 2000 ; 342 : 1 149-55.

9. Alberts DS, Martinez ME, Roe DJ, Guillen-Rodriguez JM,Marshall JR, Van Leeuwen JB et al. Lack of effect of high-fibercereal supplement on the recurrence of colorectal adenomas.Phoenix Colon Cancer Prevention Physicians’Network. N Engl JMed 2000 ; 342 : 1 156-62.

10. Bonithon-Kopp C, Kronborg O, Giacosa A, Rath U, Faivre J.Calcium and fibre supplementation in prevention of colorectaladenoma recurrence: a radomised intervention trial. EuropeanCancer Prevention Organisation Study Group. Lancet 2000 ; 356 :1 300-6.

11. Goodlad. Dietary fibre and the risk of colorectal cancer. Gut 2001 ;48 : 587-9.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

344

VIENT DE PARAÎTRE

ÉNERGIE ET ENVIRONNEMENT

Les risques et les enjeux d'une crise annoncée

Bernard DURAND

Le développement humain est étroitement corrélé à l'utilisation d'énergies. Mais chacun commence è réaliser aujourd'hui que lacroissance de la consommation d'énergie et celle de la pollution quil'accompagne ne peuvent se poursuivre indéfiniment à leur rythmeactuel. Cet ouvrage permet de comprendre la nature des difficultés quinous attendent à brève échéance, d'en prévoir l'importance estd'identifier les actions à mener pour y remédier.

Nos sources naturelles d'énergie, renouvelables et non renouvelables, sont chacune présentées. Maisposséder des sources d'énergie ne suffit pas : leur potentiel énergétique réel, leur intermittence, leurspossibilités de stockage sont des facteurs majeurs qu'il faut connaître avec précision pour définir lapolitique énergétique d'un pays. On ne peut non plus ignorer les risques pour la santé etl'environnement qu'entraîne leur utilisation dans un monde sous contrainte.

L'ouvrage explicite tout cela et le lecteur, ainsi conscient de la gravité de la situation mais aussi desperspectives existantes, pourra s'inscrire dans une démarche d'action appropriée. Il apporte aussi denombreuses informations chiffrées. Sa lecture est facilitée par une présentation didactique mettant envaleur des connaissances indispensables et des thèmes d'approfondissement.

L'ouvrage est destiné à tous ceux qu'inquiètent les évolutions de nos sociétés et qui cherchent deséléments solides pour leur faciliter des analyses étayées. Il intéressera à ce titre élus, décideurs,enseignants et responsables d'associations.

L’auteur : Bernard DURAND est spécialiste de géologie et géochimie pétrolières. Il fut successivementDirecteur de la Division Géologie-Géochimie de l'Institut français du pétrole (IFP), Directeur de l'Écolenationale supérieure de Géologie, puis Directeur du Centre d'exploration de l'École nationalesupérieure du pétrole et des moteurs et membre du Conseil scientifique de l'IFP.

Il a également présidé de nombreux congrès internationaux et le comité scientifique de l'EuropeanAssociation of Petroleum Geosciences.

ISBN : 978 2 7598 0001 8 – Pages : 328 – Prix : 29 € – EDP Sciences – 17 avenue du Hogga, Parc d'activités de Courtaboeuf, BP112, 91944 Les Ulis Cedex A – Contact Presse : Élise CHATELAIN – [email protected] – Tél. : 01 69 18 69 87 –www.edpsciences.org

Spécial opération

médecine et armées, 2007, 35, 4 345

SOUTIEN MÉDICAL DE L’OTAN EN AFGHANISTAN

L’OTAN déploie depuis 2003 en Afghanistan une Forceinternationale d’assistance et de sécurité (FIAS) àlaquelle participent 37 nations. La FIAS a mené au coursde 2006 des opérations de maintien de la paix, desopérations de combat et des opérations humanitaires. Lesrisques sont multiples avec pour menace principale lesattaques quasiment quotidiennes par engins explosifsimprovisés. Le dispositif santé se fonde sur la doctrine desoutien médical de l’OTAN. Le théâtre est très actif etamène de nombreux enseignements dans le domaine dusoutien médical.

Mots-clés : OTAN. Retour d’expérience. Soutien médical.

RÉSUMÉ

NATO MEDICAL SUPPORT IN AFGHANISTAN.

Since 2003, under the control of NATO, 37 nationscontribute to the International Security and AssistanceForce (ISAF). During 2006, ISAF led 3 types ofoperations: peacekeeping operations, combat operations(force on force) and humanitarian operations. Among thenumerous risks, the main problem is the improvisedexplosive devices with near daily attacks. The medicalsupport is based upon NATO doctrine. The high level ofactivities of the theatre of operations provides numerouslessons learned for the medical support.

Keywords: Lessons Learned. Medical Support. NATO.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 345-349)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION : CADRE D’ENGAGEMENTDE L’OTAN.

La responsabilité des attentats du 11 septembre a été attribuée au réseau terroriste Al-Qaeda dont le refuge est en Afghanistan. Condamnant les talibans pour avoirpermis que l'Afghanistan soit utilisé comme base d'exportation du terrorisme et pour avoir accordé l'asile à Oussama Ben Laden, les États-Unis déclenchèrent en Afghanistan l’opération « Enduring Freedom » dès le 7 octobre 2001. Deux mois plus tard, le 8 décembre2001, les talibans perdaient leur dernier bastion àKandahar dans le sud du pays. À la suite de l’invasion de l’Irak par la coalition anglo-américaine (20 mars2003), l’OTAN commença en août 2003, à prendre le relais des américains dans la capitale afghane, à Kaboul. Depuis, l’OTAN n’a cessé d’élargir ses responsabilités dans ce pays. Ce processus d’élargisse-ment a pris f in en novembre 2006 dans l’Est du pays.L’OTAN est maintenant responsable des opérations militaires sur tout le territoire afghan.

Dans l’esprit des résolutions des Nations Unies (1) et del’accord de Bonn (2), la mission de l’OTAN inclut lestâches suivantes :– garantir une sécurité suffisante permettant de faciliter ledéveloppement de structures gouvernementales afghanesdans la totalité du pays ;– assister la reconstruction du pays en facilitant l’aideinternationale humanitaire ;– et former de nouvelles forces afghanes de défense et desécurité.La force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS)comprend actuellement 37 pays pour un déploiement de32 000 hommes. C’est l’opération la plus importante del’OTAN. Le commandement interallié et interarmées deBrunssum, aux Pays-Bas, est responsable au niveauopératif, du plan de campagne. Cela inclut le pland’opération (3), le déploiement et le soutien de la FIAS.

II. SITUATION SANITAIRE DE L’AFGHANISTAN.

L'Afghanistan, souvent appelé le carrefour de l'AsieCentrale, a une histoire très mouvementée. C’est un paysmontagneux avec des plaines au nord et au sud-ouest. Lepoint le plus haut du pays culmine à 7485 m au-dessus dela mer. De grandes parties du pays sont arides et lesressources en eau sont limitées. L'Afghanistan possède

É. HALBERT, médecin en chef, praticien certifié.

Correspondance: É. HALBERT, JFC Brunssum, J4-Medical Branch, PO Box 270,

6440 AG BRUNSSUM, Pays-Bas.

É. HALBERT

un climat continental avec des étés chauds et des hiversfroids. Le pays est fréquemment sujet aux tremblementsde terre. Depuis 22 ans, les conflits armés et les violationsdes droits de l’homme ont dévasté le pays. L’infrastruc-ture, les communications et la santé publique sont àreconstruire. La qualité de l’eau pose notamment desproblèmes de santé publique. On estime que 42 % desdécès peuvent être imputés aux maladies du péril fécal. Annuellement 85 000 enfants de moins de cinq ans décèdent de diarrhées. La dénutrition affecte 35 % des enfants de moins de cinq ans. Les maladies contagieuses sont fréquentes : choléra, poliomyélite,typhoïde, méningococcies, rubéole et rougeole, mais des programmes de vaccination se développent. Lesrisques comprennent également les animaux venimeuxcomme les serpents. Enf in, le pays est une zone de rage, de paludisme et de leishmaniose. Résultat de ce sombre tableau, l’espérance de vie des Afghans tourne autour de 46 ans.

III. ÉVALUATION DE LA MENACE.

En 2006, les talibans menèrent des actions coordonnéesafin d’affaiblir le gouvernement élu démocratiquement etla volonté de la communauté internationale. La menacetalibane a donc été permanente. Le risque principal résidedans les engins explosifs improvisés dont les attaques ontconnu une augmentation significative en 2006. Le dangerest toujours réel et quotidien. En outre, la capacité de cesengins n’a cessé de progresser au fil des ans. La secondecause de survenue des blessures sont les accidents devoiture. Comparé aux années antérieures, la FIAS a eud’août à octobre 2006 le plus grand nombre de blessés.Les effets de protection balistique (gilets, casques etlunettes spéciales) procurent une bonne protection dutorse et de la tête. La conséquence est que 80% des blessésle sont aux membres.

IV. CONCEPT DE SOUTIEN MÉDICAL.

A) CHAÎNE DE COMMANDEMENT SANTÉ.

La FIAS comprend cinq commandements régionaux etune composante de théâtre. Les commandements régionaux sont responsables des équipes de reconstruc-tion de province « Provincial Reconstruction Team » au nombre total de 30 pour l’Afghanistan.Le commandant de la FIAS (COM FIAS), en tant que commandant OTAN en opération, partage la responsabilité du soutien médical avec les nations contri-butrices. Pour exercer cette responsabilité, le COM FIASdispose d’un conseiller santé qui est appelé directeurmédical de la FIAS (« ISAF Medical Director »). Cedernier est chargé d’évaluer la santé et le soutien médicalde la force et de le coordonner. Le directeur médicaldispose au sein du quartier général de la FIAS à Kabould’un bureau santé appelé « Combined Joint Medical »(CJMED). Le CJMED est subordonné au sous-chefd’état-major chargé du soutien. Cette solution amène une

souplesse de travail avec les autres bureaux de l’état-major en shuntant l’ancienne subordination, désormais obsolète, au bureau logistique.La chaîne de commandement santé s’étend du conseiller santé du JFC de Brunssum, au directeurmédical de la FIAS, aux directeurs médicaux descommandements régionaux jusqu’aux chefs santé des contingents nationaux.

B) DÉPLOIEMENT DES UNITÉS SANTÉ.

La mission des unités santé est de maintenir l’état de santé des troupes déployées en soutien de la FIAS. Leconcept de soutien repose sur la doctrine de l’OTAN (4, 5)qui s’étend de la prise en charge initiale jusqu’à l’hôpitalde métropole. Le déploiement des unités santé et desmoyens d’évacuation est basé sur le respect des délais detraitement tout au long des phases de l’opération. Tous les blessés doivent pouvoir accéder, en moins d’uneheure, à un poste de secours, appelé role 1 dans la terminologie de l’OTAN. La chirurgie primaire doit êtredélivrée en moins de quatre heures ; elle est réalisée dans les « roles 2 Enhanced » ou les roles 3. Tous lesendroits du territoire hors de portée de la chirurgieprimaire dans ce délai de quatre heures doivent êtrecouverts par des « roles 2 light manœuvre » qui sontcapables de pratiquer de la chirurgie d’urgence («DamageControl Surgery ») dans un délai de deux heures. Des hélicoptères médicalisés sont déployés et en alertepermanente pour permettre de respecter ces délais.La répartition des unités santé résulte d’un équilibre entre distances, nature du terrain et risque opérationnel.On trouve ainsi 18 hôpitaux déployés en Afghanistandont cinq d’entre eux sont multinationaux. Un réseaud’hélicoptères médicalisés parcourt le théâtre.Le respect des délais de traitement revêt une grandeimportance pour l’OTAN. Chaque semaine, un bilan estfait au niveau du théâtre rendant compte de toutes lesévacuations sanitaires (ÉVASAN) et signalant le nombred’évacuations qui ont dépassé les délais avec leur motif.

C) COORDINATION DES ÉVACUATIONSSANITAIRES.

Chaque commandement régional comporte un centre de coordination des évacuations médicales « Patientevacuation coordination centre » (PECC). Ces centrespossèdent une image actualisée de la couverture médicaleet sont chargés de coordonner toutes les missionsd’évacuation médicale. Ils sont placés auprès des centresopérations des commandements régionaux.En cas de pertes massives (« Mass Casualty Plan »), le PECC pilote tout le soutien médical, aidé par lespersonnels du centre opérations.La demande d’évacuation s’effectue par l’intermédiaired’un message formaté dont l’origine est américaine (« 9-Line MEDEVAC Request »). C’est un message courtde neuf lignes qui donne tous les éléments utiles au centreopérations et qui peut être transmis par tout moyen de transmission disponible. Le message formaté et le

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dispositif de coordination au centre opérations permettent d’optimiser la gestion de l’évacuation etd’orienter au mieux les blessés dans le système militairede soins. Le centre de coordination est chargé aussid’alerter l’unité médicale qui va recevoir ces blessés.Ce schéma fonctionne bien. Il amène cependant lesnations à sous-médicaliser leurs unités en laissant lecentre de coordination pallier tous leurs manques : eneffet, pourquoi déployer un poste de secours coûteux en matériel avec des équipes médicales à relever régulièrement quand un hélicoptère médicalisé, fournipar une autre nation, viendra évacuer ses blessés?

D) MESURES DE PROTECTION MÉDICALE.

Couramment, les maladies et les accidents survenus hors des combats sont responsables d’une attrition supérieure à celle observée lors des combats. Les soldatsen Afghanistan sont soumis à un ensemble de risques liésà la chaleur, au froid, à la poussière, à l’altitude, aux maladies infectieuses et enfin au stress. Un stress nonspécifique trouve son origine dans la peur d’attaque parengin explosif improvisé qui frappe à l’aveugle et qui nes’inscrit pas dans un schéma de combat classique connu etappréhendé lors de l’entraînement. Tout ceci montrel’importance des mesures qui sont prises. Les nations ont la responsabilité de l’aptitude médicale de leurspersonnels ainsi que de la mise en condition sanitaire. Le volet santé du plan d’opération recommande les vaccinations suivantes : tétanos, diphtérie, hépatites A etB, rougeole, oreillons, rubéole, méningite, poliomyélite,typhoïde, grippe et rage. La vaccination contre la ragepeut ne pas être pratiquée si la nation peut fournir un traitement à temps. La pratique dans l’OTAN est dedisposer d’équipes mobiles de médecine préventive.Elles sont à même d’inspecter les camps, l’hygiène de larestauration collective et d’évaluer la qualité de l’eau. Ceséquipes peuvent être renforcées autant que nécessaire pardes épidémiologistes ou des entomologistes, notammentpour le paludisme et la leishmaniose.

E) AIDE MÉDICALE À LA POPULATION.

Le système de santé afghan est dépendant de l’aide internationale (70 %). Beaucoup d’installations médicales sont détruites et de nombreux personnels desanté ont émigré au Pakistan et dans les pays occidentaux.Les équipements sont dépassés et leur maintenance poseproblème par manque de techniciens. Pour assombrirencore le tableau, il faut ajouter l’inégale répartition desmédecins : les 2/3 se trouvent à Kaboul dans la capitale.L’aide médicale à la population afghane est cependantlimitée et non coordonnée.

V. RETOURS D’EXPÉRIENCE.

La FIAS mène des opérations de maintien de la paix tout en conduisant à certains moments des opérations de combat d’envergure. Mais la FIAS mène aussi desopérations humanitaires comme se fut le cas en 2006 lors

d’inondations. De fait, la FIAS est engagée pleinementdans ce qu’on décrit par le terme anglo-saxon de « ThreeBlocks War ». Les enseignements tirés en Afghanistansont riches et sont assez comparables à ceux relevés enIrak par la coalition anglo-américaine.

A) SECOURISME.

Les interventions réalisées dans les premières minutesdéterminent l’issue du blessé. Les meilleurs concepts desoutien médical échouent sans secourisme suffisant etimmédiat délivré par les camarades de combat. Lestroupes de la FIAS sont invitées à détenir un niveau élevéde secouristes. Les hémorragies incontrôlées sont la source principale de décès sur le champ de bataille.C’est pourquoi l’usage du garrot est essentiel. Des kits de secourisme de nombreuses nations contiennent ladernière génération de garrot avec agent hémostatiqueque le soldat blessé peut appliquer d’une seule main. L’OTAN pourrait mettre à jour sa doctrine en standardisant son emploi.

B) MÉDICALISATION DE L’AVANT.

Le role 1 de l’OTAN est classiquement constitué d’unseul poste de secours au niveau du bataillon. Quelquesnations disposent de paramédicaux en nombre limité auniveau des compagnies. Au cours des opérations decombat menées en 2006, dans le sud du pays notamment,le pion de manœuvre a été la compagnie et non le bataillonou la brigade. De fait, la compagnie s’est trouvée peusoutenue en termes de moyens médicaux, avec parfois desblessés qui étaient à 20 km du poste de secours. Commel’emploi de l’hélicoptère n’a pas toujours été possible, dufait de la météorologie ou de l’insécurité, les délaisd’évacuation se sont allongés. La leçon tirée de cescombats est que la compagnie devrait être dotée d’un poste de secours avec ambulance blindée et quechaque section devrait comporter un paramédical. La recommandation de l’OTAN va jusqu’à suggérer que le poste de secours soit organique à la compagnie de manière à ce que les personnels du role 1 soient suffisamment entraînés aux procédures de la compagnie,dans le but d’opérer en zone d’insécurité.

C) HÉLICOPTÈRES MÉDICALISÉS.

Les hélicoptères médicalisés sont un facteur clé de réussite pour tenir les délais de traitement. Durant lesopérations de combat dans le sud du pays en octobre etnovembre 2006, trois hélicoptères médicalisés volaienttous les jours. Grâce à eux, 93 % des blessés ont atteint un role 2 dans un délai de deux heures. La plupart desévacuations qui n’ont pas tenu les délais l’ont été pour desraisons opérationnelles, comme la non sécurisation de lazone de poser de l’hélicoptère, la difficile extraction d’unchamp de mines ou parce que le ou les patients n’étaientpas suffisamment stabilisés sur la zone de poser.Un enseignement supplémentaire tiré des opérations enAfghanistan révèle que la plupart des ÉVASAN sontaccompagnées par des moyens de protection. Ainsi, les

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hélicoptères médicalisés sont appuyés par un hélicoptèreéquipé d’un canon. Chaque fois, c’est donc une microopération qui se monte au centre opérationnel où l’off icier en charge du soutien santé n’est qu’un deséléments qui contribuent à la prise en charge d’un blessé.

D) AVION TACTIQUE MÉDICALISÉ.

L’OTAN ne dispose d’aucun avion médicalisé sous soncontrôle. Cette capacité est néanmoins fournie parquelques nations, comme la France, qui mettent occasionnellement leur avion à disposition avec uneéquipe médicale. Si ce système de remplacement al’avantage d’exister, il est toutefois peu fiable et demandeune charge de travail importante pour le quartier général de Kaboul af in de coordonner les missionsÉVASAN. Le problème récurrent auquel se heurtel’OTAN est le suivant. Chaque avion nécessite decontrôler l’absence d’interférences des équipementsmédicaux avant leur installation à bord. Les nations vérifient leurs équipements médicaux au sein de leurspropres avions. Il en est autrement lorsqu’on travaille enenvironnement multinational. Dès lors, seul un aviondédié aux ÉVASAN est possible. Mais les nations rechignent à offrir cette capacité à l’OTAN car elles préfèrent la garder pour leurs soutiens propres. L’OTANétudie actuellement une solution à base de container. Cedernier peut être facilement embarqué à bord d’un grandnombre d’avions tactiques et la cage de faraday ducontainer limite les interférences.

E) GESTION DES PERTES MASSIVES.

Deux incidents de pertes massives sont survenus en 2006,le premier résultant d’un tir fratricide et l’autre à la suited’une attaque par engin explosif improvisé. Le PECC dela région Sud a géré avec l’aide du centre opérationsrégional les évacuations respectivement de 16 et de 33blessés. Le traitement de tous les blessés, du role 1 au role3 a pris 24 heures. La prise en charge d’une vingtaine deblessés simultanés est évaluée encore comme une situation exceptionnelle mais réelle.

F) SYSTÈME DE SUIVI DES PATIENTS.

Appelé « Patient Tracking System », son absence se fait cruellement sentir sur le théâtre. Un tel systèmedevrait fournir l’état du patient, son lieu actuel de traitement et bien sûr son historique depuis sa prise encharge. Les Américains possèdent un tel système, appelé« Joint Patient Tracking System ». Il repose sur une technologie Internet et peut fournir des informationsstatistiques. Il est interrogeable depuis n’importe quelle station de travail dans le monde. En environnementmultinational, dans lequel opère l’OTAN, un tel systèmepermettrait de gagner du temps et d’augmenter la qualité des soins. L’OTAN compte développer un telsystème. Le problème est de choisir un système déjà surétagère comme celui des américains ou de créer une interface avec les systèmes existants des nations. Ladernière solution semble actuellement privilégiée.

G) TAUX DE MORTALITÉ APRÈSMÉDICALISATION.

Au plus fort des combats en 2006 dans la région Sud, letaux de mortalité hospitalier a été évalué à 6 %. Ce bonrésultat doit être mis en partie sur le compte du respect desdélais de traitement.

H) MULTINATIONALITÉ.

La multinationalité est globalement un succès. Sur les 18hôpitaux, cinq d’entre eux sont multinationaux. Unenation fournit le noyau auquel viennent s’agréger lescontributions d’autres nations. Le système le plus aboutise trouve au role 3 de Kandahar dans le Sud du pays. Ilassocie les Canadiens, les Américains, les Australiens,les Néerlandais, les Danois et les Britanniques. La multinationalité a cependant ses travers. De plus en plus de nations sous-traitent leurs équipes médicales et chirurgicales auprès d’autres nations. En cas de difficulté dans les relèves de personnel, la dilution de la responsabilité amène bien souvent une résolutiontardive de ces problèmes.

I) COMMUNICATIONS.

Chaque commandement régional est assuré par unenation qui fournit ses propres systèmes de communica-tions. Le théâtre afghan est ainsi un patchwork de systèmes. Il est en pratique diff icile de joindre rapidement un interlocuteur. Ce problème est bien connudu quartier général à Kaboul surtout quand il doit coordonner une évacuation médicale tactique. Il n’y a pasde solution à court terme. Conséquence, le nombre depersonnels nécessaires au fonctionnement des bureauxsanté doit faire l’objet d’une attention particulière.

J) PRISE EN CHARGE DES PATIENTSAFGHANS.

Selon le plan d’opération, les soldats de l’armée afghanequi mènent des opérations combinées avec la FIASpeuvent être pris en charge initialement par les unitéssanté de l’OTAN. Dès que leur état le permet, ces patientssont transférés dans des structures afghanes dontcertaines sont militaires comme à Kaboul. Le manque destructures adéquates civiles et militaires afghanesentraîne des durées longues d’hospitalisation dans leshôpitaux de la FIAS. En 2006, près de 50 % des hospitali-sations l’ont été au profit de patients militaires afghans.

K) AIDE AU SYSTÈME MILITAIRE DE SANTÉAFGHAN.

Les Américains, en charge du pilier reconstruction etdéveloppement de l’Afghanistan, aident lesAfghans àdévelopper leur Service de santé. C’est une action sur lelong terme qui fait partie intégrante de la stratégie desortie de crise. Les coopérations sont nombreuses, qu’ils’agisse d’entraîner les personnels ou de fournir des équipements. Toutefois, ce processus se heurte aux différences de culture entre occidentaux et Afghans.

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Une piste pourrait consister à se rapprocher des paysvoisins qui partagent la même culture et dont certains ontun Service de santé adapté comme le Pakistan.

L) PERTINENCE D’UN BUREAU SANTÉ AUSEIN DES ÉTATS-MAJORS.

Au sein du quartier général de Kaboul, le Concept debureau santé (CJMED) séparé du bureau logistiqueprouve tous les jours son bien-fondé comme cela a été lecas dans les Balkans (Bosnie et Kosovo) pour les opéra-tions de l’OTAN. Un bref rappel historique est nécessairepour mesurer le pas franchi en opérations. C’est en 1917,lors de la première guerre mondiale, que des médecinsfrançais apparaissent pour la première fois dans les états-majors. Ils sont placés alors au sein des bureauxlogistiques afin de conseiller les logisticiens à réguler lamarche des trains sanitaires. Ce positionnement prévautencore dans de nombreux pays. Toutefois, de plus en plusd’états-majors en opérations adoptent des bureaux santé-CJMED-au sein de leurs structures. Cette tendanceillustre la confiance qu’ont les commandants d’opérationà laisser aux médecins la responsabilité de leur domained’action. La logistique et le soutien médical se trouventenfin disjointes. Le défi pour la communauté médicale del’OTAN est d’élargir ce processus aux états-majors dutemps de paix. Comme la quasi-majorité des pays de

l’OTAN ont des structures de commandement identiquesà celles de l’OTAN, le soutien médical dans son ensemblegagnerait en autonomie.

VI. CONCLUSION.

La mission de l’OTAN en Afghanistan est une opérationaux multiples facettes. Elle peut être comparée à celle quemènent les Américains en Irak. Le pays est vaste et aride.La menace est réelle et les unités sont dispersées sur tout leterritoire. Malgré ces conditions austères, le soutienmédical tente de se rapprocher le plus possible des standards du temps de paix.Les enseignements tirés sont très riches et devraient, à terme, influer sur la doctrine de soutien médical de l’OTAN. Après la fin de la guerre froide, la stratégie de l’OTAN s’est transformée (7) pour adopter une posturede corps expéditionnaire (8). Cette démarche a ensuite été renforcée après les attentats du 11 septembre en développant le concept de réaction rapide (9). La doctrinede soutien médical s’est adaptée à ce changement enimaginant un soutien santé plus léger et donc plus réactif.Les retours d’expérience des engagements actuels,comme en Afghanistan, devraient encore accélérer ceprocessus en donnant une plus grande flexibilité ausoutien médical et en confortant la nécessité de déployerles formations sanitaires au plus près des blessés.

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1. Résolutions 1510 et 1707 du Conseil de sécurité de l’ONU.2. Accord de Bonn, 5 décembre 2001.3. OPLAN for the International Security Assistance Force (ISAF) in

Afghanistan. Reference confidential.4. MC 326/2-NATO principles and policies of operational medical

support, 7 avril 2004.

5. AJP4.10 (A)-Allied Joint Medical Support Doctrine, mars 2003.6. C-M (99) 21-Concept stratégique de l’Alliance, 29 avril 1999.7. MC 389/2-MC Policy on NATO’s Joint Task Force (CJTF), 4 mai

2004.8. MC 477-Military Concept for the NATO Response Force, 10 avril

2003.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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GÉNÉRALITÉSL'article proposé pour parution dans Médecine et Armées, relate un travail original et spécifique à la médecine dans les armées (fait médical, chirurgical,pharmaceutique, vétérinaire, historique, médico-administratif, épidémiologique…).

PRÉSENTATION DU MANUSCRIT• Le manuscrit est fourni :– soit sur papier en trois exemplaires ;– soit sur support numérique adressé par voie postale ;– soit adressé par E. mail (Internet, Intranet, Lotus) ;– soit sous forme multiple.• Le manuscrit est rédigé :– en langue française (sauf exception après accord de la rédaction) ;– en double interlignage en Times new roman corps 12;– recto seulement marge gauche ;– paginé.• La première page comporte :– le titre précis et concis sans abréviation, en lettres capitales accentuées,– le nom du ou des auteurs en lettres capitales accentuées, précédé des initiales duprénom en lettres capitales accentuées (avec trait d'union pour les prénoms composés)séparés par un point.– le nom du ou des auteurs, précédé des initiales du prénom des auteurs suivis dugrade et du titre principal ;– le nom, l'adresse et les coordonnées téléphoniques, de télécopie ou E-mail del'auteur destinataire des correspondances, des épreuves à corriger. • La deuxième page est réalisée selon les règles avec:– le titre en français en lettres capitales accentuées ;– le titre en anglais ;– le résumé en français de 15 lignes maximum sans abréviation ni référence;– suivi de quatre à cinq mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétique etséparés par un point ;– le résumé en anglais suivi des mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétiqueet séparés par un point.• Le texte :– débute à la troisième page;– est concis, précis et les évènements passés sont écrits au passé composé ;– les abréviations sont en nombre limité et exclues du titre et des résumés et sontexplicites lors du premier emploi ; le terme entier est précédé de l'abréviation miseentre parenthèses lors de la première apparition dans le texte ;– la terminologie est respectée (symbole, unité, nombre écrit en chiffres sauf ceuxinférieurs à dix sept, lorsqu'ils commencent une phrase ou lors d'énumérationsfréquentes dans le texte, médicaments).– La présentation est au carré (texte justifié) sans retrait ni interligne, ni gras dans letexte ni mot souligné et selon le plan:I. CHAPITRE.A) SECTION.1. Article.a) Paragraphe.– alinéa;- sous alinéa,les puces • peuvent être utilisées sans renvois de bas de page.• Les figures (graphiques, illustrations et photographies) :

– sont en nombre limité ;– sont numérotées en chiffres arabes ;– sont appelées précisément dans le texte, placées entre parenthèses par ordred'apparition ;– les photos sont fournies en trois exemplaires (idem pour les radiographies)respectent l'anonymat des patients et peuvent être remplacées par des fichiersnumériques (sous format JPEG);– les diapositives sont accompagnées d'un tirage papier ;– au verso des figures l'orientation est indiquée;– les légendes sont dactylographiées sur une feuille à part expliquant les unitésutilisées (pour les graphiques).• Les tableaux:– sont en nombre limité ;– sont numérotés en chiffres romains ;

– sont fournis sur une seule page avec leur titre et leur numéro ;– sont précisément appelés dans le texte, placés entre parenthèses par ordre d'apparition;– doivent se suffirent à eux même sans que l'on doive se référer au texte.• Les remerciements :– sont placées en fin de texte.• Les références bibliographiques:– sont numérotées en chiffres arabes placés entre parenthèses (dans le texte, lestableaux et les figures) dans l'ordre d'apparition;– les chiffres sont séparés par des virgules, mais au-delà de deux chiffres successifsseuls les deux extrêmes sont présentés, séparés par un trait d'union;– les noms des auteurs, séparés par une virgule, sont mentionnés jusqu'à six, au-delà,le dernier des six est suivi de la mention « et al. ».– les noms des revues sont conformes aux listes officielles référencées.

LES RÉFÉRENCESLes références comportent obligatoirement, dans l'ordre suivant :– noms des auteurs en minuscules accentuées (première lettre en capitale accentuée)suivis des initiales des prénoms en majuscules accentuées séparés par une virgule, ledernier étant suivi de la mention « et al. » ;– titre intégral dans la langue de publication (caractères latins) et d'un point ; suivi de:À propos d'un article extrait de revue:– nom de la revue suivi de l'année de parution, puis d'un point virgule ;– tome, pouvant être suivi du numéro entre parenthèses, puis deux points ;– numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite,séparés par un trait d'union et point final.À propos d'un livre:– ville de l'éditeur puis deux points ;– éditeur suivi d'un point virgule ;– année d'édition et éventuellement du nombre de pages suivi d'un point final.À propos d'un chapitre extrait d'un livre:– titre du chapitre et point ;– puis « in : » suivi du ou des noms et initiales des prénoms du ou des coordinnateurssuivis de « ed » ou « eds » et d'un point ;– titre du livre et point ;– ville de l'éditeur puis deux points ;– maison d'édition et virgule ;– année d'édition et deux points ;– numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite,séparés par un trait d'union et point final.À propos d'une thèse:– ville suivie de deux points et de l'université puis d'un point virgule ;– année de la thèse et nombre de pages et point final.

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Spécial opération

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MISSION DU CHIRURGIEN-DENTISTE MILITAIRE EN AFGHANISTANPrésentation du nouveau cabinet dentaire de campagne

Depuis juin 2006, un chirurgien-dentiste est intégré audispositif de santé français de l’opération « PAMIR » àKaboul en Afghanistan. Nous disposons pour la premièrefois en opération de la nouvelle génération de cabinetdentaire de campagne. C’est l’occasion de présenter cenouvel équipement avec ses avantages et sesinconvénients ainsi que de revenir sur la mission duchirurgien-dentiste en opération extérieure.

Mots-clés : Cabinet dentaire de campagne. Opérationextérieure.

RÉSUMÉ

THE MILITARY DENTIST MISSION IN AFGHA-NISTAN. INTRODUCTION OF NEW GENERATIONMILITARY DENTAL OFFICE

Since June 2006, a dentist belongs to the device of Frenchhealth of “PAMIR” operation in Kabul in Afghanistan.For the first time on military mission, we have the newgeneration of dental office. We introduce this newequipment with its advantages and its disadvantages andwe present the mission of the dentist.

Keywords: Military dental office. Military mission.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 351-355)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Le premier cabinet dentaire de campagne de nouvellegénération est déployé depuis juin 2006 sur l’opération« PAMIR » (mandat OTAN) en Afghanistan. Le cabinetest intégré au Groupement médico-chirurgical français(GMC) du camp multinational « Warehouse – ISAF » à Kaboul.L’ancien cabinet dentaire de campagne était conditionnédans une douzaine de caisses (1-4). Il était nécessaire dedisposer d’un local pour le déployer. Il était constitué del’essentiel, mais le mobilier (tiroirs de rangements, plansde travail) n’était pas fourni. Par ailleurs, la stérilisations’effectuait à l’aide d’un mini autoclave « Kavoclave »,peu pratique et surtout ne satisfaisant plus aux normes destérilisation actuelles.Le cabinet dentaire de nouvelle génération est livré entièrement pré monté dans un shelter, Abris techniquemodulaire ISO 20 pieds (ATM) (fig. 1). Il intègre dans unmême espace un ensemble complet d’équipementsdentaires sur une surface de 14,61 m2 (5).

G. PONSEEL, chirurgien-dentiste principal, praticien confirmé.

Correspondance : G. PONSEEL, École du Val-de-Grâce, 1 place Alphonse

Laveran, 75230 Paris Cedex 05.

G. PONSEEL

Figure 1. Le shelter dentaire.

Une fois posé et stabilisé, le shelter nécessite le montage d’une arrivée et d’une évacuation d’eau ainsiqu’un raccordement électrique. Il faut quelques heures pour passer de la conf iguration de transport(immobilisation et protection des équipements) à laconfiguration d’utilisation.

II. ÉQUIPEMENT DU SHELTER DENTAIRE DECAMPAGNE (5).

A) CHAUFFAGE ET CLIMATISATION.

Le shelter est équipé d’un radiateur électrique et d’un climatiseur permettant d’obtenir une températureconfortable quelle que soit la saison.

B) ALIMENTATION ÉLECTRIQUE, HYDRAU-LIQUE ET AIR COMPRIMÉ.

1. Alimentation électrique.Le shelter est relié au réseau électrique du camp alimentéen permanence par les groupes électrogènes.Af in d’éviter les éventuelles variations de tensionpouvant endommager l’équipement, le shelter est équipéd’un Alimentateur sans interruption (ASI) ou onduleur.Ce dispositif permet d’obtenir une tension parfaitementconstante et déclenche une bascule immédiate surbatterie en cas de coupure de courant permettant alors determiner le soin en toute sécurité.

2. Alimentation hydraulique.L’eau potable peut être raccordée au shelter soit directement par le réseau de distribution d’eau locale soitpar l’intermédiaire d’une citerne. Le shelter dispose d’ungroupe sur presseur qui assure à la fois le puisage de l’eaudans une citerne sans pression ou la remontée à la pressionnominale de 4 bars l’eau d’un réseau sous pression.Un chauffe-eau de 50 litres est relié au lavabo du plan detravail. Le robinet de distribution d’eau dispose d’unsystème automatique de déclenchement « sans lesmains » par cellule.Après traitement, les eaux usées sont évacuées vers laciterne de stockage dédiée. En effet, l’équipementdispose du système de récupération des déchets d’amalgames relié au crachoir et à l’aspiration.

3. Alimentation en air comprimé.Un compresseur à air sec, sans entretien, est intégré au shelter.

C) ÉCLAIRAGE.

Le shelter dispose d’un éclairage d’ambiance par néons complété d’un éclairage à intensité modulable.S’ajoute à cela un système d’éclairage professionnel type « lumière du jour » installé au dessus du praticien.

D) UNITÉ DE SOINS (FIG. 2).

L’unité de soins dentaires est fournie par l’un desmeilleurs fabricants mondiaux d’équipement dentaire.Elle peut être utilisée indifféremment par un praticiengaucher ou droitier.Le fauteuil est entièrement programmable par le praticien. Les positions de travail habituelles sont mémorisées et le scialytique s’allume automatiquementdès que le fauteuil atteint la position sélectionnée. Lecrachoir avec jet temporisé et le système de remplissagedu gobelet chauffé et temporisé sont inclus.L’équipement dispose d’un kart praticien avec uneturbine et un micromoteur électrique à lumière et sprayintégrés, une pièce à main détartreur à ultrasons et uneseringue multifonction.L’eau des sprays provient d’un réservoir spécifique, ellecontient un désinfectant permettant de limiter la formation du bio film dans les canalisations.Une partie assistante est également disponible avec unepompe à salive, une aspiration chirurgicale, la lampe àphotopolymériser et à proximité le vibreur à amalgame.

E) SYSTÈME DE RADIOLOGIE (FIG. 3).

Il s’agit d’un système de radiologie numérique de typeradiovisiographie (RVG) avec capteur électronique intrabuccal relié à un ordinateur portable.Un logicielspécif ique permet l’acquisition, le traitement et l’archivage des images.

352 g. ponseel

Figure 2. L’unité de soins.

F) STÉRILISATION (FIG. 4).

La chaîne de stérilisation est respectée. Immédiatementaprès le soin, les instruments sont immergés dans unesolution décontaminante et passés aux ultrasons.Après nettoyage, rinçage et séchage, ils sont placés enemballages spécifiques et stérilisés.Une soufflette branchée sur le compresseur permetd’optimiser le séchage des instruments.Le shelter dispose de son propre stérilisateur à vapeurd’eau sous pression (fig. 5). Un test de Bowie Dick est

effectué chaque jour. Le programme de stérilisation des instruments respecte le protocole prions à 134 °C.

G) ESPACES DE RANGEMENTS (FIG. 4).

Quatre meubles dentaires à tiroirs sont disponibles. Ils permettent le rangement du matériel et des matériauxet peuvent servir de plans de travail modulables pour le praticien.Une étagère est également disponible pour le stockagedes matériaux consommables.

III. ACTIVITÉ DENTAIRE.

A) RÉPARTITION DES PATIENTS (FIG. 6).

Nous voyons une dizaine de patients par jour pour consultation, soin ou chirurgie. Les militaires françaisreprésentent un tiers des consultants, une grande partiedes patients étant constituée de militaires étrangers del’OTAN. Une vingtaine de nationalités est représentéemais la majorité des militaires étrangers consultants sont des militaires italiens, portugais et allemands. Celas’explique par la proximité géographique de ces contingents mais aussi et surtout, en ce qui concerne lesItaliens et les Portugais, par l’absence d’aptitudesdentaires avant le départ en mission. Au niveau des civils afghans, la demande de soins est illimitée. Comme à chaque OPEX, nous limitons notre

353mission du chirurgien dentiste militaire en afghanistan

Figure 3. L’ensemble de radiologie numérique.

Figure 4. L’espace stérilisation et rangement.

Figure 5. Le stérilisateur.

Figure 6. Répartition des patients.

activité aux civils travaillant sur le camp et donc bénéficiant d’une autorisation d’accès. D’autres civilssont également reçus, ponctuellement, sur demande des médecins du rôle 1 ou du commandement.

B) ACTIVITÉ DENTAIRE (FIG. 7).

La priorité va au traitement des urgences dentaires(douleur et/ou infection). Le traitement des racines(endodontie) est donc le type de soin le plus courant. Ladent est reconstituée, dans un deuxième temps, par une obturation provisoire ou déf initive. En cas d’infection récidivante sur une dent non récupérable,l’avulsion est réalisée.Après fracture ou perte d’une couronne sur une dent antérieure, il est possible de réaliser des couronnes provisoires à but essentiellement esthétique.En fonction du temps disponible, des soins non urgentspeuvent être réalisés. Il s’agit de visites de contrôle, desoins de caries ou tout simplement de détartrage. Ledétartrage est un soin souvent rapide et indolore quipermet dans le même temps d’effectuer une visite deprévention-dépistage, de faire connaître le cabinet etcontribue à l’entretien du moral du personnel.

IV. DISCUSSION.

A) MATÉRIEL ET MOYENS.

1. Points positifs.Cet équipement dentaire de nouvelle génération est entièrement autonome. Un branchement électrique, unearrivée et une évacuation d’eau suffisent pour démarrerl’activité. L’aménagement d’une surface aussi restreinteen cabinet dentaire n’était à priori pas évident mais lerésultat est à la hauteur des espérances. L’équipement estcomplet pourtant nous n’avons pas la sensation demanquer d’espace.Le matériel, très sophistiqué, est le même que celui que l’on peut trouver dans les meilleurs cabinets dentaires de métropole. L’ergonomie et le confort detravail sont excellents. L’hygiène et la stérilisation des instruments respectent les standards hospitaliersactuels. D’autre part, la finition est remarquable dans les moindres détails jusqu’à l’éclairage à intensitévariable. Le cabinet dégage ainsi une ambiance trèssérieuse, très propre mais aussi chaleureuse qui contribue à valoriser considérablement notre activité.

2. Points négatifs.Tout d’abord, le coté sophistiqué du système, cité en point positif, peut devenir un point négatif. En effet, le transport, les écarts de température extrêmes (- 20 °C à + 45 °C), la poussière… peuvent avoir des conséquences sur le matériel. Comment celui-ci va-t-ilvieillir dans ces conditions ? La maintenance, sur place,d’un tel ensemble est-elle aisée?Par ailleurs, nous avons rencontré des diff icultés avec le système de radiologie numérique. Celui-ci est effectivement théoriquement idéal. Il permet lasuppression des produits de développement, la diminution de l’exposition du patient aux rayonnements mais également l’acquisition instantanée des images, la possibilité d’agrandissement et de stockage dansl’ordinateur.Malheureusement dans la pratique nous avons rencontréun grand nombre de difficultés.Il existe des problèmes de synchronisation entre le capteur numérique et l’ordinateur nécessitant le redémarrage régulier de l’ordinateur. Il arrive parfois que le système se bloque complètement empêchant laréalisation des radiographies.D’autre part, le capteur numérique est de petite surface mais très épais et rigide rendant diff icile les radiographies de certaines zones. De plus, pour desraisons d’hygiène, il est nécessaire de l’envelopper d’un film plastique, il devient alors glissant et impossibleà maintenir par le patient. C’est le praticien qui doit lemaintenir en bouche en s’exposant systématiquementaux rayonnements. Pour f inir la qualité d’image est nettement inférieure aux films argentiques.Dans notre spécialité, la radiographie est un acte indis-pensable. En règle générale, mais plus particulièrementen OPEX, il nous faut un système simple et fiable. Il seraitsouhaitable de pouvoir disposer du système de radiologieclassique argentique à développement manuel.

B) ACTIVITÉ.

En ce qui concerne nos personnels, il est évident que l’aptitude dentaire avant départ en OPEX évite biendes consultations sur le théâtre. Toutefois on voit encoreet toujours des pathologies aisément décelables avant le départ. La cause en est toujours la même. Ne disposantpas de chirurgien dentiste militaire à proximité, les médecins d’unité adressent leurs personnels dans lesecteur civil. Hors un confrère civil va avoir naturelle-ment tendance à se montrer arrangeant avec sa clientèle.Les expertises dentaires avant OPEX devraient êtreréalisé exclusivement par les chirurgiens-dentistes militaires d’active et de réserve.D’autre part, le cabinet est équipé de tout le matérielnécessaire à la chirurgie buccale (extractions dentairesessentiellement). Toutefois, après quelques semaines, il a semblé nécessaire de limiter les extractions et de différer toutescelles qui n’étaient pas urgentes. En effet les infectionspost-opératoires (alvéolites) sont presque systématiques.

354 g. ponseel

Figure 7. Répartition des soins par catégorie de patients. Restauration :amalgames d’argent, composites photopolymérisables, couronnes provisoires.Endodontie : traitements des racines. Parodontie : détartrages, surfaçages.Avulsion : extractions simples ou complexes.

Ce type de pathologie peut durer plusieurs semaines etêtre très douloureuse. Le retentissement sur le moral dupatient se fait clairement sentir et s’avère préjudiciablepour le déroulement de sa mission.Nous avions déjà constaté ce phénomène sur d’autreOPEX mais dans des proportions moindres qu’en Afghanistan. La qualité de l’air, de l’eau, l’état de fatiguedes personnels en sont-ils la cause?Si la dent est non douloureuse et ne présente pas de risqueinfectieux majeur, il nous paraît sage d’attendre la fin del’OPEX et d’effectuer le geste en métropole. Le rapportbénéfice risque nous semble être nettement en faveur dela limitation de la chirurgie buccale.

V. CONCLUSION.

Nous n’avions pas à rougir de l’ancien cabinet dentaire de campagne. Nos conditions de travail y étaient

déjà excellentes. En fonction du soin apporté au local où il était installé, nous pouvions obtenir un ensembletrès satisfaisant. Nous étions toutefois dépendants, entre autre, de la disponibilité d’un local, d’une climatisation ou encore de la stérilisation de l’antennemédicale ou de l’hôpital.Avec le shelter, nous montons nettement en gamme.Autonome, équipé dans l’ensemble d’un excellent matériel, ergonomique et très soigné sur le plan de laprésentation, ce cabinet dentaire permet de prendre encharge nos patients dans des conditions optimales.Inséré dans une organisation multinationale, noussommes amenés à soigner des militaires de toutes nationalités. Tous les patients et visiteurs ont été impressionnés par la présentation exceptionnelle de cetensemble dentaire.Il contribue à l’image et à la réputation d’excellence duService de santé des armées français.

355mission du chirurgien dentiste militaire en afghanistan

1. Benmansour A. Activité du chirurgien-dentiste militaire en Ex-Yougoslavie au cours de deux missions. Médecine et Armées1999 ; 27 (1) : 39-41.

2. Peniguel B. Cabinet dentaire de campagne. Médecine et Armées2000 ; 28 (2) : 159-62.

3. Lecomte O. Installation du cabinet dentaire de campagne.Opération de maintien de la paix en Ex-Yougoslavie. Médecine

et Armées 1997, 25 (1) : 57-61.4. Duyck S. Le chirurgien-dentiste des armées : son matériel d’hier

et d’aujourd’hui. Thèse odontologie Lille 2005.5. Documentation technique de l’ATM dentaire

N° 11.0144.01.10. Service de santé des armées. É tablissement central des matériels, BP 03, 45998 Orléans Armées.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

356

VIENT DE PARAÎTRE

L'ÉPIDÉMIOLOGIE HUMAINE

Conditions de son développement en France, et rôle des mathématiques

Sous la direction de Alain-Jacques VALLERON

Si la France peut se targuer d'avoir été un berceau de l'épidémiologie, l'analyse objectivedes effectifs des chercheurs et des laboratoires montre qu'elle est actuellement sousdimensionnée par rapport aux pays comparables. Pourtant, la demande en épidémiologie,aussi bien scientifique que sociale, grandit sans cesse.

Comment faire face, qualitativement et quantitativement, à cette demande ? C'est pourrépondre à cette question que l'Académie des sciences a suscité ce rapport surl'épidémiologie humaine, dans lequel les conditions matérielles et institutionnelles de sondéveloppement sont examinées.

Après une vue d'ensemble sur la définition, l'historique et l'état actuel de cette discipline,cet ouvrage s'attache à en décrire les méthodes. Il montre que l'épidémiologie modernes'appuie depuis longtemps sur la statistique, mais aussi que, récemment, on assiste à une forte implication de nouveaux champs des mathématiques, notamment calcul des probabilités, analyse numérique, théorie des systèmes complexes, et modélisation en général, qui ouvrent de nouvelles possibilités d'applications. L'explosion actuelle des systèmes d'information touchant à la santé, construits dans d'autres buts que la recherche, et la possibilité de construire de nouveaux systèmes d'observationépidémiologique puissants sont analysés en tant que nouvelles opportunités pour la recherche.

Le rapport décrit en quelques exemples comment l'épidémiologie moderne se développeen lien intime avec la biologie; il décrit aussi l'importance des sciences humaines etsociales, indispensables pour découvrir les facteurs de risque sociaux oucomportementaux.

Le rapport examine également le rôle de l'épidémiologie en tant que science support de la décision médicale et de la Santé Publique.

Enfin, il énonce les progrès nécessaires à accomplir dans l'enseignement, le besoind'ouverture de l'épidémiologie aux étudiants, enseignants et chercheurs des disciplinesnon médicales et il suggère des recommandations organisationnelles.

ISBN : 2 86883 796 4 – 464 pages – Prix : 59 € – EDP Sciences, 17 avenue du Hoggar, Parc d'activités de Courtabœuf, BP 112,91944 Les Ulis Cedex A – Contact Presse : Élise CHATELAIN – Tél. : 01 69 18 69 87 – [email protected]

Pratique médico-militaire

médecine et armées, 2007, 35, 4 357

INTÉRÊT DE LA TECHNOLOGIE D’IDENTIFICATION PARRADIOFRÉQUENCE POUR LE RAVITAILLEMENT SANITAIRE

Dans le Service de santé des armées, le systèmed’information du ravitaillement sanitaire sur la gestionde stock et les flux matières doit répondre à des objectifsd’efficience logistique et réglementaire. Afin d’ycontribuer, la mise en place d’un système d’identificationà distance des articles peut permettre de facilitercertaines opérations de gestion du stock par uneautomatisation de fonctions telles que les inventaires, lesuivi des péremptions, les alertes dynamiques des articlesà réapprovisionner ou des équipements à maintenir, lapréparation des commandes et le suivi des expéditions.La technologie d’identification par radiofréquence entant que marqueur individuel des articles ravitaillés,apparaît en ce sens, comme un système prometteur pourla chaîne logistique. Elle mérite d’être envisagée dèsmaintenant pour pouvoir s’intégrer, si besoin, dans lefutur système d’information du ravitaillement sanitairedes armées.

Mots-clés : Identification par radiofréquence. Logistique.Ravitaillement sanitaire. Traçabilité.

RÉSUMÉ

BENEFIT OF RADIO FREQUENCY IDENTI-FICATION FOR MEDICAL SUPPLY.

In the French army, the medical supply informationsystem for stock management and logistic flow isessential in order to respect logistics effectiveness andrules of practice. A remote identification system couldimprove this information system by automating someprocesses such as inventories, expiration checking,replenishment alerts, monitoring, orders preparation andconsignments tracking. Radio frequency identification asan individual tag for each item seems likely to be apromising application for the logistic chain. Thistechnology is worth being considered now so as tointegrate if necessary into the future medical supplychain management system.

Keywords: Logistics. Medical supply. Radio FrequencyIdentification. Traceability.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 357-366)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Depuis plusieurs années, le contexte environnemental dela France a amené le ministère de la Défense et le Servicede santé des armées (SSA) en particulier, à engager desréformes organisationnelles et structurelles visant à uneéconomie des moyens et une réduction des coûts, tout enaccroissant parallèlement la qualité de son action.Le ravitaillement sanitaire a lui subi dans ce sens uneréorganisation profonde depuis les années 90 tant sur leplan de son dimensionnement, par la réduction dunombre d’établissements, que par l’adaptation de sesprocédures de gestion et de ravitaillement. Une nouvelleétape importante s’annonce faisant suite aux conclusionsd’un audit externe mené en 2005. La Direction centrale duService de santé des armées (DCSSA) a ainsi décidé la

mise en place d’un plan de progrès qui s’étalera sur troisans visant à accroître la performance opérationnelle etéconomique de la chaîne du ravitaillement. Parmi lesleviers d’amélioration, a été retenue la refonte del’ensemble du système d’information. La réflexion qui vadonc s’engager sur ce thème, va devoir appréhender enparallèle, le panel de technologies pouvant améliorer leprocessus de ravitaillement. En ce sens, la technologieRFID (Radio frequency identification) suscite de plus enplus d’intérêt dans le domaine de la logistique et mérited’être envisagée pour la coupler éventuellement avec lefutur système d’information dès sa conception.

II. MISSIONS DU RAVITAILLEMENT SANI-TAIRE DANS LES ARMÉES.

A) RAPPELS.

Le ravitaillement sanitaire vise à assurer aux personnelsmédicaux des armées, en temps de paix comme en temps

P. FAVARO, pharmacien en chef, praticien certifié. P. GUIGON, pharmacien.C. MALOUX, lieutenant. Y. CAVASIN, lieutenant. P. LIAL, commandant.Correspondance : P. FAVARO, DAECSSA, division approvisionnementsravitaillement, BP 05, 45998 Orléans Armées.

P. FAVARO, P. GUIGON, C. MALOUX, Y. CAVASIN, P. LIAL

de guerre, quel que soit l’endroit du monde, la fournituredes médicaments, articles pharmaceutiques, matérielsmédico-chirurgicaux et autres produits indispensables àl'exercice de leur art. Directement subordonnée à laDCSSA, la Direction des approvisionnements et desétablissements centraux (DAEC) en organise et en contrôle le fonctionnement. Les établissementsqu’elle dirige réalisent, réceptionnent, conditionnent,stockent, distribuent et expédient les articles précités. Ausein de cette chaîne de ravitaillement, deux typesd’établissements peuvent être identif iés selon qu’ils ont ou non un statut d’établissement pharmaceutique. Au sein de chacune de ces deux catégories, certains assurent une mission de fabrication et les autres unemission de stockage, de préparation de dotations techniques et de distribution.Une exigence commune pour tous ces établissements, est de mettre en application un système d'assurance de la qualité qui, selon les activités exercées, doit garantirque les articles délivrés, offrent et conservent la qualitérequise pour l'usage prévu. Cette exigence souventd’ordre légal ou réglementaire se trouve à défaut sur l’aspect déontologique qui doit prévaloir dans ledomaine de la santé.Les établissements à statut pharmaceutique sont soumisau respect de référentiels portant, selon les missions, soitsur les Bonnes pratiques de fabrication des médicaments(BPF), soit sur les Bonnes pratiques de distribution demédicaments (BPD).Pour les établissements ne possédant pas le statut pharmaceutique, même s’il n’existe pas de référentielssimilaires aux BPF et BPD, ils doivent néanmoins satisfaire aux exigences de la réglementation, notammentsur la maintenance des matériels biomédicaux. Ils sontainsi entrés dans des processus de certif ication pourprouver le respect des exigences de sécurité sanitaire et démontrer leur capacité à « produire du conforme »(certification ISO).Enfin, à noter qu’en parallèle de la chaîne de ravitaille-ment précédemment décrite, le Centre de transfusionsanguine des armées (CTSA), directement subordonné àla DCSSA, assure, quant à lui, le ravitaillement enproduits sanguins labiles et en médicaments dérivés du sang. Il est astreint de son côté à la réglementationconcernant les établissements de transfusion sanguine. Iltravaille avec la DAEC et ses établissements uniquementpour la partie pré-acheminement de ses produitsjusqu’aux théâtres d’opérations extérieures.

B) EXIGENCES.

La chaîne de ravitaillement comporte deux typesd’exigences qui se trouvent liées par la spécificité de lamission : celles découlant du fonctionnement d’unechaîne logistique et celles découlant de la spécificité dudomaine d’action qui est celui de la santé.Dans toute chaîne logistique classique, l'objectif est delivrer le bon produit, au bon endroit, en quantité voulue,dans les délais définis et au plus juste coût.

Cette finalité passe par la maîtrise de toutes les étapes du cycle d’approvisionnement : la prévision du besoin, la commande chez un fournisseur, la réception de la commande, le stockage de l’article en magasin, son conditionnement pour la distribution, l’achemine-ment et enfin la remise au client. Une phase importanteque l’on retrouve régulièrement pour les articles du ravitaillement sanitaire, peut s’intercaler dans leprocessus d’acheminement, c’est le transit. Ce derniercomporte une rupture de charge systématique dansl’acheminement, notamment lorsqu’il est nécessaired’effectuer des formalités frontalières de douane lors d’expéditions vers l’outre-mer ou les opérationsextérieures. Le SSA ne possédant pas ses propresvecteurs, le transit va même se répéter plusieurs fois (parexemple, dès la métropole, lors de la remise du fret à une escale air avant embarquement dans un avion militaire).Classiquement, les logisticiens parlent de traçabilitélogistique pour la phase f inale du cycle d’approvi-sionnement. Cette traçabilité logistique repose sur un système d’information sur les flux permettant leurordonnancement, par le suivi en linéaire continu des ravitaillements, dans leurs contenants et sur les vecteurs de transport, depuis un dépôt jusqu’au lieu dedistribution. Les articles ravitaillés sont, en général, dotés d’un système d’identif ication automatique,pouvant être décrypté par des lecteurs reliés à une base dedonnées, tel le système mis en place par l’armée de Terre,appelé « SILCENT », qui sera décrit ultérieurement.Le domaine de la santé s’il reprend ces exigences y ajouteles siennes. Ainsi, la sécurité sanitaire s’est entourée d’uncadre légal visant à la détection et la surveillance de tousles événements, quelle qu’en soit l’origine, qui sontsusceptibles d’affecter la santé de l’homme. Elle setraduit, lorsqu’un événement est observé par des investigations tendant à déterminer les causes et lespossibles conséquences. Elle se prolonge par des procédures d’alerte et de recommandations. Ce système repose donc, entre autre, sur les systèmes de vigilances (pharmacovigilance, matériovigilance, hémovigilance…) et la mise en place d’une traçabilité des produits.La traçabilité qui s’applique de manière obligatoire auxproduits sanguins labiles, aux médicaments dérivés dusang et à certains dispositifs médicaux, consiste en unsuivi individuel des produits du donneur, dans le cas des produits sanguins, ou de la fabrication pour les dispositifs médicaux, jusqu’au patient. Cette pratique estcomplémentaire des systèmes de vigilance, car même sielle n’est pas systématique dans le cas des médicaments,lors d’une déclaration d’incident ou d’accident, lenuméro de lot de fabrication est nécessaire. Par exemple,dans le cas d’un incident de fabrication ou de la découverte a posteriori de la maladie infectieuse d’undonneur, elle permet, grâce aux numéros de lot, deretrouver facilement à qui ont été administrés les produitsincriminés afin de prendre toute mesure conservatoirenécessaire. Inversement, lorsque le système de vigilance

358 p. favaro

rapporte un effet indésirable ou inattendu lié ou susceptible d’être lié à un produit, la traçabilité permet de remonter aux autres produits du même lot, afin de les retirer ou de suivre les patients auxquels ils ont étéadministrés.Les établissements de la chaîne de ravitaillement sont, par conséquent, des acteurs obligés et incontournables du système de traçabilité.Enfin, dernier volet dans le cadre des BPD, la responsabi-lité du pharmacien, chargé de la distribution en gros desmédicaments, est étendue désormais jusqu’aux lieux delivraison. Cette déf inition du champ d’action du pharmacien distributeur étend sa responsabilité depuisson fournisseur jusqu’au destinataire. Ceci impose donc la nécessité d’assurer un flux harmonieux du médicament, notamment sur le « maillon faible » qui échappe généralement au pharmacien en terme deréalisation mais pas de responsabilité, le transport entreson entrepôt et le destinataire.Pour le ravitaillement sanitaire, cette notion de traçabilitéqu’elle soit d’ordre logistique ou sanitaire va donc devoirreposer sur une identif ication complète et f iable desarticles approvisionnés et ravitaillés.

III. TECHNOLOGIE D’IDENTIFICATION PARRADIOFRÉQUENCE.

A) PRINCIPES.

La technologie RFID ou en français « identification parradio fréquence » permet d’identifier un objet et d’enconnaître les caractéristiques à distance grâce à uneétiquette attachée ou incorporée à l’objet et communicantpar ondes radio. Elle permet la lecture des étiquettesmême sans ligne de vue directe et peut, selon la fréquencede communication choisie, traverser des couches plus oumoins épaisses de matériaux.L’étiquette radiofréquence (transpondeur, étiquetteRFID) est composée d’une puce (chip) reliée à uneantenne présente sur l’objet (RFID Tag ou RFID Label)(fig.1). Un lecteur transmet un signal selon une fréquencedéterminée vers une ou plusieurs étiquettes radio situéesdans son champ de lecture. Celles-ci transmettent enretour un signal (fig. 2).On distingue trois catégories d’étiquettes RFID:– les étiquettes en lecture seule, non modifiables ;– les étiquettes « écriture une fois, lecture multiple » ;– les étiquettes en « lecture réécriture ».

Par ailleurs, il existe deux grandes familles d'étiquettesRFID:– les étiquettes actives, reliées à une source d'énergieembarquée (pile, batterie…). Elles possèdent unemeilleure portée mais à un coût plus élevé et avec unedurée de vie restreinte ;– les étiquettes passives, utilisant l’énergie propagée à courte distance par le signal radio de l’émetteur. Ces étiquettes à moindre coût sont généralement pluspetites et possèdent une durée de vie quasi-illimitée. Encontrepartie, elles nécessitent une quantité d’énergie non négligeable de la part du lecteur pour pouvoir fonctionner.Physiquement, l’étiquette RFID peut être intégrée sur uneétiquette autocollante collée sur l’objet à identifier oudirectement incorporée dans l’objet. La miniaturisationde plus en plus poussée permet d’envisager d’identifiermême les objets les plus petits. La taille de la puce peutainsi être réduite jusqu’à la taille d’un point sur une feuillede papier et l’antenne qui constitue la partie la plus visiblea une taille et une forme qui dépendent de la fréquenceutilisée. L’étiquette peut ainsi aller de la simple feuille(forme plane) avec, par exemple, une encre magnétiquequi joue le rôle d’antenne et transforme la feuille de papier en dispositif émetteur, jusqu’à des dispositifs unpeu plus volumineux représentant de petites bobinesmagnétiques, néanmoins de plus en plus miniaturiséespour atteindre des dimensions de l’ordre de 1,5 x 1,5millimètre (fig. 3).Enfin, plusieurs fréquences de communication peuventêtre utilisées pour la technologie RFID:– basses fréquences : inférieures à 135 kHz;

359intérêt de la technologie d’identification par radiofréquence pour le ravitaillement sanitaire

Figure 1. Exemple de constitution d’une étiquette RFID.

Figure 2. Principe de fonctionnement de la RFID.

Figure 3. Exemples d’étiquettes RFID.

– hautes fréquences : 13,56 MHz;– ultra-hautes fréquences : 860-960 MHz et au-delà 2,45 à 5,8 GHz.Chacune des fréquences présente des spécif icités (avantages et inconvénients) qui n’ont pas permis actuellement d’en faire émerger une radicalement par rapport aux autres.

B) DIFFICULTÉS-INCONVÉNIENTS.

Certaines contraintes inhérentes à la technologie RFID en ralentissent la généralisation ; ce sont notamment :– la gestion de l’anti-collision lors de la lecture denombreuses étiquettes en simultané : à la différence desétiquettes code-barre lues l’une après l’autre, plusieursétiquettes RFID se retrouvent simultanément dans lechamp du lecteur et fournissent leurs informations enmême temps. Le lecteur doit donc traiter l’ensemble desréponses globalement et néanmoins, réussir à identifierindividuellement chacune des étiquettes pour garantir lafiabilité du système de reconnaissance. Des algorithmesprobabilistes ou déterministes conduisent l’interrogationdes étiquettes de façon à les différencier. Les algorithmesdéterministes sont théoriquement les plus f iables enterme d’exhaustivité ;– l’absorption : en fonction de la fréquence utilisée,certains matériaux et notamment les liquides, lesmatières organiques absorbent l’onde, et de ce fait, annulent les possibilités d’identif ication. Ainsi,l’étiquette RFID a proximité d’un matériau absorbantn’est pas détectée ;– la lecture au travers des matériaux : toujours selon lafréquence retenue, la lecture à travers des couches, plusou moins épaisses, de certains matériaux (surtout métal)n’est pas possible ;– la vitesse de lecture : selon le système adopté, la vitessede lecture (volume de transfert des données) peut être plusou moins importante (de quelques dizaines à plusieurscentaines de lectures à la seconde). Ceci peut revêtir uneimportance si la détection doit s’effectuer sur un grandnombre d’étiquettes passant rapidement au travers duchamp de détection (exemple palette avec de nombreuxarticles traversant rapidement un portique de détection) ;– la distance de lecture : une nouvelle fois, le choix de la fréquence va conditionner la distance de lecture entre étiquette et lecteur. Elle s’échelonne actuellementde quelques centimètres pour les basses fréquencesà plusieurs dizaines de mètres pour les très hautesfréquences ;– les contraintes locales ou nationales sur l’utilisation des fréquences : selon le pays, des bandes de fréquencespeuvent être réservées pour certains utilisateurs (par exemple pour l’armée) ;– les problèmes de sécurité et d'éthique : la sécurité des personnes tout d’abord est mise en avant avec le risque potentiel des hautes fréquences et la puissanced’émission nécessaire. Ensuite sur le plan de l’éthique,des associations de défense de consommateurs s’élèventcontre le risque d’atteinte à la vie privée avec un usage détourné des étiquettes RFID. Ces opposants sefondent sur l’impossibilité de déceler qu’une étiquette

RFID reste active au-delà de l’acte d’achat et puisse ainsi potentiellement être lue, à l’insu de son porteur, par d’autres personnes ou organismes, violant ainsi lerespect de la vie privée. En France, la commission nationale de l’informatique et des libertés met en exerguele risque de profilage des individus et considère que lesRFIDs sont des identifiants personnels au sens de la loi« informatique et libertés » ;– le coût de l’étiquette : variant actuellement de quelquescentimes d’euros à quelques dizaines de centimesd’euros, le coût représente encore un élément prohibitifpar rapport aux étiquettes code-barre. Ce coût devraitlargement baisser avec l’augmentation de la production etdoit être relativisé par rapport au gain apporté dans lachaîne logistique (diminution du risque d’erreur, gain enmain d’œuvre…) et à la valeur du produit tracé ;– la standardisation : pour communiquer, étiquette et lecteur doivent fonctionner sur la même fréquence.Même si sur le marché commencent à apparaître des lecteurs « multi-fréquences », il apparaît ici unobstacle important à une généralisation de la RFID : lacompatibilité des systèmes. Ainsi dans la chaîne logistique, si deux entreprises n’ont pas d’homogénéitéen la matière, leurs systèmes ne pourront communiquer,ce qui limitera les applications au cercle restreint del’entreprise elle-même. Actuellement, l’absence de standardisation et de normalisation limite considérable-ment la diffusion de cette technologie qui contientcependant un énorme potentiel de développement.Enfin, un dernier risque potentiel mérite d’être cité mêmes’il est estimé assez faible, c’est celui de la diffusion de virus informatiques ; des chercheurs ont pu montrerexpérimentalement la possibilité à partir d’une puceRFID de contaminer une base de données centrale.Malgré ces inconvénients ou limitations, la technologieRFID apparaît de plus en plus dans la vie quotidienne avecl’intégration aux clés de voitures, dans les systèmes decontrôle d’accès, les passages de péages autoroutiers, lescartes de transport sans contact.Moins connues du grand public, ses utilisations dans la gestion de l’approvisionnement se développent également. La grande distribution avec les articles dessupermarchés notamment, représente pour l’avenir unmarché de plusieurs milliards d’unités.

IV. PERSPECTIVES D’APPLICATIONS DE LARFID DANS LE RAVITAILLEMENT SANITAIRE.

A) LA TRAÇABILITÉ SOUS L’ASPECTLOGISTIQUE.

Compte-tenu des limites précédemment évoquées, nous restreindrons l’étude de l’identification par RFID àla sphère des établissements de la chaîne ravitaillement.En effet, il semble très prématuré d’envisager un systèmestandardisé avec les quelques 5 000 fournisseurs habituels du ravitaillement sanitaire. L’idéal serait effectivement que l’article puisse être identif ié

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automatiquement par RFID dès son entrée dans le magasin mais il faut pour l’instant renoncer à cette idée qu’il semble diff icile d’imposer, même par le biais des cahiers des charges des procédures de marchés. Pour cibler l’intérêt de la RFID et sur quelsaspects, nous allons découper le cycle de vie d’un articleapprovisionné par la DAEC. Les établissements du ravitaillement sanitaire impliqués dans la réception, le stockage et la distribution seront regroupés sous leterme de centres de stockages quel que soit leur statut,pharmaceutique ou non.

1. Organisation des flux dans la chaîne de ravitaille-ment sanitaire (fig. 4).Les centres de stockage du SSA reçoivent les articles enprovenance des fournisseurs civils et dans une moindremesure des établissements de fabrication du SSA.Avant d’effectuer l’entrée en stock, ils effectuent un contrôle de conformité de la livraison par rapport à la commande attendue (vérif ication qualitative et quantitative). Dans un système de traçabilité, on peut à cestade distinguer deux types d’identification :– une identification que l’on peut qualifier de « géné-rique » qui reconnaît l’article par rapport au référentielutilisé basé sur le système de codification santé et OTAN.L’attribution d’un numéro de nomenclature donne lescaractéristiques reproductibles de l’article, quel que soitson lot de fabrication (par exemple : 694 600 175 100

compresse de gaze hydrophile de coton de 15 x 15 pliée en 16 paquets de 100) ;– une identification « individualisée » qui est unique etspécifique de l’article. Deux exemplaires d’un mêmearticle auront une identification différente. Par rapport àl’identification générique, pourront être pris en comptepar exemple le numéro de lot de fabrication ou un numérode série, la date de péremption éventuellement, la date defabrication, une date de révision éventuelle et enfin uncritère supplémentaire conférant le caractère d’unicité àl’article (dans l’exemple précédent, chaque paquet de 100compresses, même s’il appartient à un même lot de fabrication, aura un identifiant qui lui est propre).La mise en stock de l’article rattache, au sein du systèmed’information, son identité (définie précédemment) à unemplacement physique dans l’entrepôt (lotissement,gisement). Le lien entre ces deux éléments doit permettrede gérer ce stock (surveillance de la péremption, prioritépour les livraisons, suivi des échéances de révision et decontrôle pour certains matériels).Lors des sorties, les articles seront généralementregroupés pour un client ou parce qu’ils rentrent dans laconstitution des Sous-unités collectives (SUC). Une SUCest composée de matériels et médicaments à l’état isolégroupés en fonction d’une modalité d’emploi (parexemple trousse de secours d’urgence collective pouraéronef). L’identif ication de l’article au sein de cesensembles, va de nouveau être intéressante à suivre,

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Figure 4. Cycle de vie d’un article approvisionné dans le système de ravitaillement sanitaire des armées.

pour répondre soit à une attente légale (par exemple traçabilité de médicaments dans le cadre du système depharmacovigilance), soit à une finalité opérationnelle(SUC contenant des articles non périmés, matérielsdevant subir une maintenance périodique).Dans les centres de stockage, la SUC peut être considéréecomme un nouvel article qui rentre en stock reprenant le circuit précédemment décrit. Relié au système d’information informatisé, le nouvel identif iant pour cette SUC renverra à l’arborescence détaillantchacun des articles constitutifs. L’article à date de péremption ou de contrôle la plus proche sera l’élément limitant et servira lui-même de date de révisionmaximale pour cette SUC. On parlera de date maximalecar le système de gestion optimale devrait permettred’échanger avant ce terme les articles en cours de validitépour pouvoir les distribuer et qu’ils trouvent une réelleutilisation médicale.Les déconditionnements : pour des raisons d’encombre-ment ou d’emploi, la constitution de SUC amène à devoirdéconditionner un certain nombre d’articles livrés sousconditionnement hospitalier. L’article livré dans son conditionnement d’origine est rentré en stock puis fait l’objet d’une sortie. Les nouveaux articles qui ensont issus doivent donc reprendre la procédure d’entréeprécédemment décrite.Après la sortie du stock et son regroupement en vue d’uneexpédition (préparation, emballage), les articles vont seretrouver au sein de colis qui peuvent eux-même êtreregroupés sous forme de palettes.À ce stade se situe généralement une nouvelle rupture de charge. Les centres de stockage du ravitaillement sanitaire n’assurent en effet, qu’une faible part des expéditions et le transport est assuré pour sa majeurepartie par des transporteurs civils ou militaires extérieursau SSA. Pendant cette étape, les articles expédiés quittent momentanément ou définitivement la chaîne de ravitaillement sanitaire. S’ils retrouvent la chaîne de ravitaillement, cela s’effectue au sein des Sections de ravitaillement sanitaire (SRS) outre-mer ou en opérations extérieures que l’on pourra assimiler aux centres de stockage précités. Les procédures précédemment décrites sont alors reproductibles à une plus petite échelle mais selon les mêmes principes.Dans les autres cas, les articles seront pris en charge par des médecins (services médicaux d’unités, OPEX),pharmaciens (hôpitaux d’instruction des armées),dentistes, vétérinaires ou paramédicaux des armées voire extérieurs au ministère de la Défense (pour les cessions onéreuses ou gratuites). De nouveau, un système de traçabilité non standardisé implique un risque de rupture dans la chaîne de suivi. En terme de légalité, la responsabilité de l’établissement livrancier s’arrête toutefois à savoir quel produit a été livré et à qui. Le suivi ultérieur jusqu’au patient est à la charge des échelons postérieurs à la prise en charge de la livraison.

2. Système de traçabilité « SILCENT » de l’armée deTerre.Ce suivi informatisé des ressources appelé « SILCENT »vise à satisfaire en matière de logistique, les besoins de l’administration centrale de l’armée de Terre, pour conduire les opérations extérieures auxquelles participent les forces terrestres. Il consiste à suivre la ressource regroupée dans les dépôts militaires acheminée dans un premier temps, vers les plates-formes métropolitaines ferroviaires, portuaires ou aéroportuaires puis dans un deuxième temps, vers la base logistique interarmées de théâtre depuis ces plates-formes. Dans un troisième temps, la logistique dethéâtre prend le relais de la logistique amont et laressource est acheminée jusqu’aux unités destinataires.SILCENT assure ainsi :– le suivi des ressources expédiées dans toutes les phases d’une opération sans discontinuité entre la métropole et les théâtres ;– la localisation d’une ressource correspondant à une expression de besoin et répond à toute question surson positionnement.Le suivi des flux va donc s’exercer depuis la sortie d’undépôt (avec une saisie unique des données) jusqu’audestinataire final en évitant les ressaisies de données qui sont des sources importantes d’erreurs. Le systèmes’articule autour d’une base centrale alimentée en informations par des bases locales baptisées postenomade qui vont « flasher », des étiquettes code à barres fixées sur les colis, lors des différentes opérationsde rupture de charge.La particularité du système est qu’il se focalise sur lecontenant de la ressource. Ces contenants sont appelésUnité à transporter (UAT) et c’est lors de leur création quise matérialise par la production d’une étiquette code àbarres que des informations sur la ressource qu’ilscontiennent sont associées. Une saisie initiale lie uneressource à une UAT. Le principe de fonctionnement est celui de la poupée russe : en identif iant le derniercontenant visible, le recours à la base centrale permet deconnaître l’arborescence de ce qu’il contient et donc laressource qui y est contenue.Le SSA non encore doté d’un système de suivi, est en trainde se rallier au système SILCENT, depuis la fin 2005,donc basé sur des étiquettes code-barre.

3. Traçabilité logistique pour le ravitaillement sanitaire.Par rapport aux différentes étapes décrites dans le cycled’approvisionnement, le système « SILCENT » s’attacheseulement à l’étape ultime de l’acheminement, certes laplus « risquée», mais n’aborde pas la traçabilité du produitdès son entrée en centre de stockage jusqu’à sa sortie.La recherche d’un système cohérent et complet pour lesdifférentes étapes de la chaîne logistique sanitaire, amène àdevoir considérer quelles sont celles automatisables avec latechnologie d’identification par RFID, limitant ainsi lasaisie de données, chronophage en terme de ressourceshumaines et induisant de surcroît des risques d’erreurs.

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À défaut d’un système standardisé entre fournisseurs et centre de stockage, la réception d’un article ne peut s’affranchir d’une étape non automatisable d’identif ication et de contrôle. C’est à ce moment que l’article peut être équipé d’une étiquette RFID quil’identif iera comme élément unique. Deux optionspeuvent s’envisager, soit la puce pourra porter toutes lesinformations relatives au produit, soit uniquement uncode d’identification qui permettra par un lien avec labase de données informatique de récupérer toutes sescaractéristiques. Cette dernière solution paraît plus satisfaisante dans le cas d’un système fermé au domaine des établissements du ravitaillement sanitaire.Nous verrons ultérieurement pourquoi avec les matérielsd’équipement. Il n’en serait pas de même avec un système d’identif ication ouvert partagé par tous lesacteurs de la vie de l’article, du fabricant à l’utilisateurfinal, où ne partageant pas forcément les mêmes bases dedonnées, ils devraient être en mesure de lire directementtoutes les caractéristiques de l’article via la puce qui luiserait rattachée.Une fois la mise en place de l’étiquette RFID effectuée à laréception du produit, parmi toutes les étapes décrites dansle cycle de gestion, nous allons nous attacher à cellespouvant être automatisées.L’alimentation des racks de stockage peut ainsi être robotisée (même si cela paraît encore compliqué à mettreen œuvre). Les produits identif iés cheminent le long d’un circuit où sont placés des détecteurs pour orienter le parcours des articles jusqu’à leur point de stockage. Ce système est par contre, déjà largement diffusé pour la distribution.Le système de gestion de stock relie alors classiquementl’article avec ses caractéristiques (péremption, échéancesde révision ou de contrôle…) avec son emplacementphysique.La sortie des articles du stock peut être également automatisée. Selon le même principe que celui décrit pourla mise en place du stock, les articles peuvent être saisispar un automate, placés sur un tapis roulant, puis orientéssur la fin de leur parcours par un détecteur. Un opérateurn’effectue plus alors que le regroupement des articles qui arrivent en un point unique en les plaçant dansl’emballage approprié (enveloppe, carton, colis,SUC…). La technologie RFID peut permettre encore à cestade, même après fermeture du conditionnement deregroupement, d’identifier tous les articles contenus pour une nouvelle vérification et par exemple d’en éditerla facture ou un état reprenant toutes les caractéristiquessouhaitées par article. Il est possible de suivre ultérieure-ment le « colis » ou plus exactement, chaque article ducolis comme avec le système « SILCENT », mais enremplaçant le lecteur code-barre par un lecteur RFID.Enfin, le regroupement éventuel sur palettes reprend les mêmes éléments : identif ication à distance de chaque article considéré isolément et possibilité de suivi ultérieur. Donc, quelle que soit la cascade de conditionnements (unité, carton, palette, camion…),

les articles élémentaires peuvent être reconnus et compta-bilisés quasi instantanément sans aucun « dépotage ».Dans le cas des SUC qui retournent dans les locaux de stockage, elles-mêmes pouvant être identifiées parRFID, il sera aisé d’en suivre la gestion par le systèmeinformatique avec des dates de révision qui peuvent intéresser chaque article contenu.Ensuite, dans le processus se situera généralement larupture de charge. L’externalisation de la prestationd’acheminement chez les transporteurs civils, avec néanmoins leur propre système de suivi, ne permettra pas d’utiliser le marquage réalisé en amont. Sauf si ledestinataire final est une SRS outre-mer ou en OPEX quipeut être dotée d’un système compatible, la traçabilité parle système RFID s’arrête donc à la sortie du centre destockage. On peut, à ce stade, noter que la présenced’étiquettes code-barre et d’étiquettes RFID n’est pasincompatible, ce qui peut permettre par exemple deconserver une utilisation du système « SILCENT » pourle fret acheminé par moyens militaires. Néanmoins,l’avantage du RFID est que la traçabilité s’affranchit duconditionnement. Ainsi, s’il est indispensable de défaireune palette pour des problèmes de chargement au pied del’avion, le suivi par le système des « poupées russes » de« SILCENT » peut montrer certaines limites.Enf in, outre les opérations physiques précédentes, la gestion de stocks s’accompagne d’opérations fastidieuses tels que les inventaires périodiques. La technologie RFID permet de s’affranchir du comptage parune détection de tous les articles stockés avec une vitesse decomptage sans commune mesure avec les méthodesmanuelles. En effet, avec une puce RFID placée sur chaqueproduit, plus besoin de compter ces derniers dans lesrayons, il suffit de passer avec un lecteur de données radioRFID pour faire un inventaire automatique.Quelques ordres de grandeur chiffrés permettent de voirl’intérêt d’une automatisation de l’identification desarticles dans le ravitaillement sanitaire (source : rapportsd’activité annuels de la DAEC) :– nombre d’articles gérés : 17000;– nombre de fournisseurs : 5000 ;– nombre de lignes en entrées externes (MEE) : 34000;– nombre de lignes en sorties externes (MES) : 320000;– nombre de lignes en sorties internes-constitution SUC(MIUC) : 11000.Remarque : le qualificatif d’ « externe » différencie lesentrées ou sorties extérieures à la chaîne de ravitaillement(fournisseurs, clients) des mouvements internes quiproviennent notamment de constitutions ou de disloca-tions de SUC.Actuellement, seul un système code-barre et non totale-ment généralisé est utilisé dans la chaîne de ravitaillementdu SSA.

B) TRAÇABILITÉ SOUS L’ASPECT RÈGLE-MENTATION SANITAIRE.

Deux aspects peuvent être abordés :– la traçabilité pour les consommables sous l’angle du liencontinu à assurer entre le fournisseur et le patient ;

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– la traçabilité pour les équipements pour retracer la « vie » d’un matériel non consommable par nature.

1. Traçabilité des consommables.

Déjà développée dans la partie des exigences à remplirdans le domaine de la santé, elle ne sera pas reprise dans ce paragraphe. Il sera juste précisé l’intérêt du systèmepour les troupes en opérations quand, au niveau de la plate-forme logistique de théâtre, la SRS n’aura plus besoin d’ouvrir les cartons lors des livraisons pour vérif ier leur contenu car il suff ira de passer unlecteur RFID portatif à proximité. Couplé au systèmed’information, il sera ainsi réalisé en une seule opérationrapide et automatique, le contrôle et la prise en charge de la livraison (avec renvoi de l’information valantaccusé-réception à l’expéditeur et aux échelons hiérarchiques supérieurs) plus l’entrée en stock, le tout en temps réel.

2. Traçabilité des équipements.

Parallèlement à la traçabilité des articles consommables,il devient impératif de tracer la « vie » d’un équipement.L’obligation de résultat ou de façon moindre l’obligationde moyens, exige de devoir garantir que l’équipementutilisé délivre les performances annoncées. Ceci nécessite notamment la mise en œuvre d’une mainte-nance périodique et de contrôles de qualité.Ainsi la réglementation, en particulier le décret N° 2001-1 154 du 5 décembre 2001, demande la tenue d’uninventaire des dispositifs médicaux et la traçabilité de la maintenance. S’agissant de cette dernière, la norme XPS 99-171 propose la mise en œuvre d’un registre de sécurité, de qualité et de maintenance, permettant pourchaque dispositif médical, d’enregistrer l’ensemble desopérations qui sont effectuées sur celui-ci.La « maintenance » d’un matériel biomédical est définiecomme l’ensemble des activités destinées à maintenir(maintenance préventive) ou à rétablir (maintenancecorrective) un matériel biomédical dans un état ou dans des conditions données de sûreté de fonctionnementpour accomplir une fonction requise. En sus de la maintenance, s’applique également le contrôle qualitédéfini comme « l’ensemble des opérations destinées àévaluer le maintien des performances revendiquées par lefabricant et vérifier le bon fonctionnement des alarmes et des sécurités » ainsi que les contrôles de sécurité réglementaires (équipements à pression de gaz, équipements à pression de vapeur, équipements de métrologie). Ces opérations devront donc être tracéespour justif ier l’adéquation des performances d’un matériel à son usage.Le SSA possède un parc de plus de 90 000 matérielsbiomédicaux dont 50 000 sont maintenus au sein du ravitaillement sanitaire. Plus de 50 000 interventions demaintenance (contrôle qualité inclus) sont réaliséeschaque année pour assurer le maintien en conditionopérationnelle de ces matériels dont plus de 18000 pourla chaîne ravitaillement. Enfin, le nombre de clients

utilisateurs pour le ravitaillement dépasse 500. Ceschiffres démontrent la nécessité de posséder un outil informatisé de gestion de ces équipements et desopérations qu’ils subissent.Actuellement, le SSA ne possède pas d’homogénéité enla matière (par exemple entre les secteurs hospitaliers et de ravitaillement) mais en 2006-2007 il est prévul’acquisition d’un outil de Gestion de la maintenanceassistée par ordinateur (GMAO) commun à l’ensembledes organismes du SSA. Cette GMAO devra en terme detraçabilité, pour chaque équipement identifié, permettrede retrouver toutes les interventions qu’il a subies et gérerles futures interventions programmées selon des cycles définis. La GMAO doit intégrer en effet un outil de planif ication pour la maintenance préventive systématique, couplé à un système d’alertes (exemples :maintenance préventive annuelle des autoclaves, ré-épreuve quinquennale des bouteilles d’oxygène).L’identif ication d’un matériel le rattache donc à une véritable fiche individuelle de ses caractéristiques quel’on pourra consulter sur la base de données voire directement sur l’appareil (puce électronique alimentéeau fur et à mesure des interventions).Pratiquement, cela signif ie que chaque équipement doit être enregistré dans la base au moyen d’un identifiantunique. Ce dernier placé sur l’appareil peut donc s’envisager sous forme d’une étiquette code-barre, d’une puce RFID ou équivalent pour une identificationautomatique de celui-ci. Dans le cas d’une puce RFID,deux options peuvent s’envisager, soit une puce en « lecture réécriture », soit une puce en «écriture unefois, lecture multiple ». Dans le premier cas, chaqueopération est inscrite sur la puce, la lecture permet alors d’avoir toutes les informations concernant l’équipement. Dans le deuxième cas, la lecture ne permet que l’identif ication de l’appareil et il faut alors avoir un lien avec la base de données centralisée où sera stockée la f iche individuelle détaillée. Actuellement, même les théâtres d’opérations extérieures deviennent reliés à la métropole en terme de communications électroniques, notamment l’Internet.Il semble ainsi que l’option « puce en lecture seule » soit le système le plus adapté car il limite l’équipement à mettre à disposition des techniciens intervenant sur les équipements biomédicaux (lecteur simple), cesderniers n’ayant qu’à alimenter la base de donnéescentrale sans devoir écrire sur la puce RFID.Au-delà de la considération de l’équipement à titre individuel, son identif ication doit permettre de le rattacher à un ensemble fonctionnel regroupant plusieurs matériels et à l’inverse pour un matériel, de pouvoir retrouver les sous-ensembles éventuels pour connaître la conf iguration technique de l’équipement ainsi que les pièces de rechange associées (notion d’arborescence technique des matériels). Enfin, l’outil doit permettre d’enregistrer les différentes affectations (ou localisations) successivesdes équipements.

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C) CONTRAINTES FONCTIONNELLES.

1. Conditions d’utilisation dans le ravitaillement sanitaire.L’utilisation d’un nouveau système RFID doit être enmesure de respecter certains critères spécif iques ou non du ravitaillement sanitaire :– une lecture dans des contextes multiples : à travers unemballage, avec des regroupements de nombreux articlesvariés, dans des conditions climatiques « extrêmes » (desclimats tropicaux jusqu’aux pays nordiques) ;– une résistance de l’étiquette RFID à des agressionsclimatiques ou d’utilisation, notamment en opérationsextérieures (sable, humidité…) ;– une f iabilité de l’identif ication : quantitative avecreconnaissance exhaustive des articles à détecter et qualitative en identif iant un objet physique de façonunique ;– une certaine rapidité de l’opération d’identification.D’autres paramètres de choix vont s’ajouter aux critèresprécédents :– la distance de lecture (entre étiquette et lecteur) ;– un coût cohérent avec la valeur de l’article à identifier ;– une taille de puce adaptée aux conditionnements des articles ou articles eux-mêmes.

2. Couplage avec les applications informatiques existantes.Avant même l’arrivée d’un futur système d’information,il est possible d’envisager la mise en place d’un nouveau procédé d’identification qui s’interface avec lesapplications existantes, notamment informatiques.a) Couplage avec l’application « SILCENT ».Comme il a été évoqué précédemment, la technologieRFID peut cohabiter avec le système « SILCENT ». Ilserait intéressant cependant de ne pas avoir deux systèmesparallèles mais de pouvoir rattacher directement lecontenu d’une étiquette « SILCENT » avec les donnéespréalablement saisies pour la RFID. Sinon, il devientnécessaire de re-saisir les mêmes données amoindrissantl’intérêt des automatisations.b) Couplage avec l’application « Référentiel des articlesdu ravitaillement sanitaire » (RARS).Le Référentiel des articles du ravitaillement sanitaire(RARS) est le référentiel des articles approvisionnés dansle SSA. Opérationnel depuis 2004, il permet notammentla gestion descriptive des articles (sous forme générique)et la gestion des arborescences fonctionnelles (tableau decomposition des SUC). Chaque article enregistré dansRARS est référencé au moyen d’un identifiant génériqueappelé Numéro de nomenclature armées (NMA) et sonpendant, le Numéro de nomenclature OTAN (NNO).Aucun élément ne semble s’opposer à relier un identifiantunique personnalisé d’un article avec son identifiantgénérique (NMA) et les critères qui lui sont rattachéstelles que désignation, données d’approvisionnement(fournisseur, référence marché…), données financières(prix, paragraphe budgétaire…).

c) Couplage avec l’application « Recueil et analyse desdonnées de l’approvisionnement et du ravitaillementsanitaire » (RADARS WICDRAV).Le domaine d’activité de l’application Recueil et analysedes données de l’approvisionnement et du ravitaillementsanitaire (RADARS) est la gestion des stocks de produitset articles, des matériels et objets de consommationcourante nécessaires au ravitaillement sanitaire. Lesobjectifs du système sont la gestion des stocks, le suivif inancier des clients, la production de documents administratifs justifiant les opérations précédentes.L’application WICDRAV (construite à partir du progicielBusiness Object) permet, à partir des bases localesRADARS (déployées dans les établissements de la chaîneravitaillement) de consulter les données de gestion desstocks de façon centralisée et faire des requêtes pour leréapprovisionnement.C’est avec les bases RADARS que le couplage avec la RFID devient indispensable car c’est à ce niveau que se situent les différentes opérations décrites dans le cyclede vie d’un article vu précédemment. Une étude est à mener dans ce domaine mais l’interfaçage n’apparaîtpas rédhibitoire.

V. CONCLUSION.Arrivé à un nouveau tournant dans son organisation, leravitaillement sanitaire des armées va devoir chercher denouvelles approches permettant de gagner en efficience.Toute solution permettant de dégager des économies demoyens tout en gagnant sur le registre de la qualité devraêtre appréhendée. Déjà mise en œuvre par l’armée américaine avec le conflit en Irak, la technologie RFIDsemble prometteuse en terme de gain pour la logistique.Une amélioration de la traçabilité couplée à une automatisation de nombreuses tâches encore réalisées defaçon manuelle, telles sont les promesses de la RFID pour les années à venir. Le couplage avec le futur systèmed’information du ravitaillement à reconstruire doit être envisagé dès maintenant, d’autant qu’il n’est pasincompatible avec des systèmes de suivi par étiquettescode-barre qui devraient encore perdurer. Deux principaux écueils apparaissent néanmoins à l’heureactuelle : le choix de fréquence à retenir en fonction desavantages et inconvénients de chacune et surtoutl’absence de standardisation qui vraisemblablementinterviendra à plus ou moins long terme risquant derendre rapidement obsolètes les « mauvais » choix effectués. S’il semble au niveau du SSA diff icile d’infléchir une tendance vis-à-vis du marché fournis-seurs, il faut rester en veille vis-à-vis des américains etnotamment son ministère de la Défense qui impose désormais à ses fournisseurs d’identifier leurs produitspar des étiquettes RFID et les oblige à installer une infrastructure RFID dans toute leur chaîne logistique. Lesexpériences acquises en ce domaine à l’étranger ainsi quecelles qui débutent en France devront être exploitées àl’échelle de notre ravitaillement sanitaire des armées.

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1. http://www.cnil.fr Dossier CNIL : La radio-identification(http://www.cnil.fr/index.php?id=1063).

2. http://www.telecom.gouv.fr– Les technologies de radio-identification (RFID) : Enjeuxindustriels et questions sociétales. Rapport de mission du ConseilGénéral des Technologies de l’Information. Ministère del’économie, des finances et de l’industrie, Rapport n° II-B.9 –2004 – Jan 2005 (http://www.telecom.gouv.fr/fonds_d o c u m e n t a i r e / r a p p o r t s / r a p p o r t _ c g t i _ r f i d . p d f ) .– Tatout F. Etiquettes électroniques et traçabilité : dimensioninternationale de la réglementation, point sur la bande UHF.Université RFID, oct 2005 (http://www.telecom.gouv.fr/f o n d s _ d o c u m e n t a i r e / s e c / u n i v _ r f i d _ 1 2 1 0 0 5 . p d f ) .– Étiquettes électroniques (RFID). (http://www.telecom.gouv.f r / r u b r i q u e s - m e n u / o r g a n i s a t i o n - d u - s e c t e u r / d o s s i e r s-sectoriels/etiquettes-electroniques-rfid/electroniques-rfid-142.html)– Les fréquences (http://www.telecom.gouv.fr/rubriques-menu/organisation-du-secteur/dossiers-sectoriels/etiquettes-e l e c t r o n i q u e s - r f i d / l e s - f r e q u e n c e s - 4 5 3 . h t m l )– UE et RFID (http://www.telecom.gouv.fr/rubriques-menu/organisa t ion-du-sec teur /doss iers -sec tor ie ls /e t iquet tes-electroniques-rfid/ue-rfid-673.html)

3. http://ec.europa.eu/information_society/policy/rfid/index_en.htmEurope’s information society – Thematic portal : Towards an RFIDPolicy for Europe.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Mise au point

médecine et armées, 2007, 35, 4 367

ANESTHÉSIES LOCORÉGIONALES DE LA MAIN ENURGENCE

Depuis 2002, la Société française d’anesthésieréanimation, le Service d’aide médical d’urgence et laSociété francophone de médecine d’urgence, autorisent lemédecin urgentiste à pratiquer les anesthésieslocorégionales de la main. Les recommandations publiéescadrent leur pratique. Les blocs des nerfs ulnaire,médian et radial, ainsi que les blocs intrathécaux sont destechniques de choix dans l’abord de la main traumatiséeen urgence : fracture, luxation, plaie, douleur…L’anatomie fonctionnelle doit être connue et comprise.Les indications sont nombreuses alors que les contre-indications sont rares. La réalisation de ces blocs permetdans la majorité des cas le traitement en urgence d’unemain traumatisée. Une prise en charge immédiate enmilieu chirurgical peut être envisagée sereinement. Leseffets secondaires sont peu nombreux et facilementprévenus. Leurs apparitions nécessitent l’interruption dugeste, l’information du patient, ainsi qu’une surveillancerapprochée. L’apprentissage paraît simple mais oblige àune formation auprès de personnels rompus à cestechniques. Réaliser des anesthésies locorégionalesnécessite peu de moyens techniques. Pour ces blocs, laneurostimulation n’est pas nécessaire. Le prix est faible.Le monitorage n’est pas systématique mais doit resterimmédiatement accessible, tout comme les moyens deréanimation.

Mots-clés : Anesthésie. Bloc. Locorégional. Main.Urgence.

RÉSUMÉ

LOCOREGIONAL ANESTHESIA AND HANDEMERGENCIES.

Since 2002, the SFAR, the SAMU and the SFMU allowemergency physicians to perform hands loco regionalanesthesia. Recommendations having been publishedframe their work. Ulnary, Median and radial nerveblocks as well as intrathecal blocks are chosen techniquesfor an injured hand in: fracture, luxation, wound, pain…Functional anatomy must be well known and understood.The indications are numerous whereas the counter-indications are rare. The realization of such blocks willallow in most cases an urgent treatment of the injuredhand. Immediate care in a surgical environment can beserenely provided. Few secondary effects may occur thatcan easily be prevented. If (there are) any, theintervention must be interrupted, the patient has to beinformed, and a close supervision must be implemented.These techniques may seem easy to learn butpractitioners have to improve themselves by trainingwith skillful operators. Locoregional anesthesia needslittle technical resources. Neurostimulation is notnecessary. The cost is cheap. Monitoring is not anobligation but needs to be immediately accessible, as wellas the resuscitation kit.

Keywords: Anesthesia. Block. Emergency. Hand.Locoregional.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 367-371)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

L’anesthésie limitée à la main est un réel confort pour le patient et le praticien dans l’abord d’une plaie ou plus largement d’un traumatisme en urgence. Si ces techniques étaient autrefois réservées aux spécialistes,les conférences d’experts reconnaissent aujourd’hui, quecertaines d’entre elles peuvent être pratiquées parl’urgentiste. Ces techniques sont de réalisation simple,

peu coûteuses, très eff icaces et de courte durée. La formation pratique est rapide (1). Depuis 2002, la Société française d’anesthésie réanimation (SFAR) enassociation avec la Société francophone de médecined’urgence (SFMU) et le Service d’aide médical d’urgence(SAMU) de France ont rappelé les bonnes pratiques del’anesthésie locale et cadré la pratique de l’Anesthésielocorégionale (ALR) dans le contexte de l’urgence (2, 3).Au travers de ces textes de références, mais aussi à partir de l’expérience pratique rapportée par les praticiens rompus à l’utilisation quotidienne des ALR dela main, cet article est destiné à sensibiliser l’urgentiste à la pratique de ces techniques. Un minimum de pré-requis théorique est nécessaire : anatomie, produitsanesthésiants, indications et contre-indications,

H. LEFORT, médecin. C. LABLANCHE, médecin en chef. É. LAPLACE, médecinen chef, praticien certifié. P. LAINE, médecin en chef, praticien certifié. J.ESCARMENT, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce.Correspondance: H. LEFORT, 121e Régiment du Train, Service médical, QuartierKoufra, BP 283, 00702 ARMÉES.

H. LEFORT, C. LABLANCHE, É. LAPLACE, P. LAINE, J. ESCARMENT

complications… Ces techniques sont utilisables dans le cadre de l’urgence et dans des conditions d’isolement.La neurostimulation n’est pas forcément nécessaire. Le médecin militaire, par sa spécificité d’intervention en urgence et en situation d’exception est plus que jamaisconcerné par la bonne pratique et l’aguerrissement à ces techniques (4-6). La main, en tant que principal outilde l’homme, est particulièrement exposée, d’où l’intérêtde cette mise au point.

II. RAPPELS.

A) RAPPELS ANATOMIQUES.

L’innervation sensitivomotrice de la main et des doigts estassurée par les nerfs sensitivomoteurs médian et ulnaireainsi que par le nerf radial, sensitif pur à ce niveau. Il existede plus trois territoires sensitifs différents qui ne sont passtrictement superposables. Les dermatomes concernentles territoires superficiels et sous-cutanés. Les myotomesconcernent l’innervation des muscles. Enf in, la sensibilité profonde des os et des ligaments est représentée par les sclérotomes (7, 8). Le nerf médiantraverse le rétinaculum des extenseurs, puis le canalcarpien. Sur la face palmaire, il réalise la sensibilité de lamoitié radiale de la paume, des téguments externes, destrois premiers doigts ainsi que de la moitié externe del’annulaire. Sur la face dorsale, il innerve les tégumentsde la deuxième et troisième phalange de DII, DIII ainsique la moitié de DIV. Les deux branches du nerf ulnaire(ou nerf cubital dans l’ancienne nomenclature) traversentle rétinaculum des extenseurs. Le nerf ulnaire réalise lasensibilité du bord interne de la main jusqu’à la moitiéinterne de l’annulaire. Son innervation profondeconcerne certains muscles du pouce ainsi que les musclesinterosseux de la main. Il existe des anastomoses entre lenerf médian et le nerf ulnaire, rendant leurs territoiresrespectifs mal définis. Retenons que le bloc de ce nerf estefficace isolément pour toute lésion du 5e doigt. Le nerfradial chemine très superficiellement sur le rétinaculumdes extenseurs. Son territoire sensitif se limite à la moitiéexterne du dos de la main et sa zone autonome est réduiteà la première commissure (7, 9-11).Il existe de nombreuses variantes à ce schéma de sensibilité. Il faut donc être vigilant quant à l’efficacitédes blocs : attendre l’installation de l’anesthésie et, par lacollaboration active du patient être prêt à bloquer le nerfadjacent avant de commencer le geste. On peut considérerqu’une plaie de l’éminence thénar profonde nécessiteraune anesthésie du nerf radial et du nerf médian, mais aussidu nerf ulnaire, puisque celui-ci participe à l’innervationdes muscles adducteurs du pouce (7, 9, 11-13).

B) RAPPELS PHARMACOLOGIQUES.

Il existe plusieurs anesthésiants locaux sur le marché. Un seul convient aux ALR de la main en urgence : la Lidocaïne® à 1 % non adrénalinée. En effet, l’adrénalineest contre indiquée dans les ALR de la main au poignet à

cause de ses effets vasoconstricteurs augmentant le risque ischémique. De plus, la présence d’adrénalineoblige l’adjonction d’un agent conservateur. Cet agentconservateur est la principale source d’accidents allergiques. Son éviction rend exceptionnel la survenuede réactions allergiques (porphyrie et allergie vraie). Uneprémédication sédative orale ou intraveineuse pouvantêtre iatrogène n’est pas forcément nécessaire. La Lidocaïne® 1 % non adrénalinée est l’anesthésique le plus adapté (2, 3, 8). Disponible dans l’ensemble desservices médicaux d’unité et aux urgences des hôpitauxd’instruction des armées (HIA), c’est le moins puissantdes anesthésiants avec une durée d’effet réduite. Le risquetoxique est minimum. Un bloc de la main s’installe en dixà quinze minutes pour une durée moyenne de deux heures.On rappelle qu’1 ml de solution à 1 % est égal à 10 mg deproduit injecté et que le volume injectable total autoriséchez l’adulte pour l’urgentiste en corps entier est 300 mg(soit 30 ml de Lidocaïne® à 1 %). À l’issue du geste, lamain est tenue au repos et en écharpe jusqu’à la levée de l’anesthésie af in de prévenir tout traumatisme secondaire à la perte de la sensibilité (2, 8, 11, 12, 14).

III. INDICATIONS.

La réalisation d’une ALR dans le cadre de l’urgencerepose sur deux principes (2, 3, 8, 11, 12) :1. l’examen clinique initial complet : local (neurologiqueavec exploration de la motricité et de la sensibilité) etgénéral (foyer infectieux, adénopathies, constantesvitales) consigné par écrit. Il servira d’examen de référence. Celui-ci est indispensable pour le suivi del’évolution de la prise en charge. Le rapport bénéficerisque de l’ALR sera évalué avant chaque geste en écartant d’éventuelles contre-indications à ce typed’anesthésies. C’est le cas classique des infections avecsignes d’extensions régionales et/ou générales ou encorelors d’un examen clinique indiquant de façon flagrantel’intervention d’un chirurgien spécialiste de la main.2. l’ALR ne doit pas empêcher une prise en charge spécialisée ultérieure (anesthésie régionale ou générale).Les ALR autorisent une évaluation initiale et souvent unethérapeutique complète en urgence des lésions de la main.Les indications sont nombreuses : plaies profondes ouétendues, baroinjections, extraction de corps étrangers,réduction de luxations ou de fractures, traitement de ladouleur pour de gros traumatismes, brûlures et/ou ensituation isolée (11-14).

IV. ANESTHÉSIE LOCALE ET LOCO-RÉGIONALE.

A) ANESTHÉSIE LOCALE.

Réalisée dans des conditions optimum et après asepsierigoureuse, l’anesthésie locale permet le traitement desplaies superficielles. Elle est d’installation rapide et àl’avantage de préserver les fonctions sensitivomotrices

368 h. lefort

de la main. Af in de limiter les volumes injectés, la déformation des berges et la douleur à l’injection, l’anesthésie locale doit être réalisée de proche en prochedans les berges de la plaie. L’injection après test aspiratifest réalisée sans pression en intradermique pendant le lent retrait de l’aiguille.Dans le cadre d’une plaie manifestement infectée et en l’absence de contre-indication, il est préférable de limiter la multiplication des points d’injection et depratiquer l’anesthésie locale en peau saine aux pourtoursde la plaie af in de limiter la diffusion des germes enprofondeur (8, 11-13).

B) ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE.

De manière générale, après asepsie, les ALR au poignet sont réalisées à l’aide d’une aiguille à biseauintermédiaire (60° idéalement-25 à 27 gauges typePlexuf ix® de 25 mm de long, sinon une aiguille sous-cutanée pourra être utilisée). Pour les nerfs médian et cubital, le biseau est orienté vers l’axe du nerf, à 45° en direction du coude (fig. 1a). Ainsi, si le patient a un réflexe de retrait à l’introduction de l’aiguille, celle-ci n’embroche pas le nerf (f ig. 1b) mais s’en éloigne (fig. 1c). La seringue utilisée doit être adaptée au maximum à la dose requise pour l’ALR. Pour l’urgentiste n’ayant pas de neurostimulateur (nerfs sensitivomoteurs : médian et ulnaire), l’ALR consiste à injecter un volume de Lidocaïne® à proximité du nerf qu’elle atteint ensuite par diffusion. La progression de l’aiguille est prudente, sans recherche de paresthésie, avec réalisation de tests aspiratifs répétés.L’injection se fait à faible pression et sans résistance. Un bouton dermique sous cutané d’anesthésieest réalisé à l’introduction de l’aiguille, permettant une progression moins douloureuse et des suites mieuxtolérées (2, 3, 6-8, 10-12, 14).

V. BLOCS.

A) BLOC DU NERF ULNAIRE.

La main est en supination. Le bloc du nerf ulnaire seréalise à trois travers de doigt du pli distal du poignet (àdistance du canal carpien), avant la division du nerf endeux branches. L’aiguille sera introduite sans recherchede paresthésie (fig. 2), en arrière du tendon du musclefléchisseur ulnaire du carpe jusqu’à un espace libre. Oninjecte selon les règles précédemment décrites 3 à 5 ml deLidocaïne® à une profondeur de 5 à 10 mm (7, 8, 10-12).

B) BLOC DU NERF MÉDIAN.

Afin de réaliser le bloc du nerf médian (fig. 3), la main ensupination, l’aiguille est introduite à trois travers de doigtdu pli distal du poignet à distance du canal carpien. Laponction se réalise dans les conditions précédemment

369anesthésies locorégionales de la main en urgence

Figure 1. Configuration de l’aiguille pour une ALR du médian ou du cubital.

Figure 2. Bloc du nerf ulnaire.

Figure 3. Bloc du nerf médian.

décrites entre les tendons du long (petit) palmaire ducarpe et du fléchisseur radial du carpe (grand palmaire)souvent plus proéminent. L’injection de 3 à 5ml au total deLidocaïne® est faite après franchissement du ligamentannulaire dans un espace libre, soit à une profondeur de 10à 15 mm. La branche superficielle du nerf médian estbloquée par une traçante d’anesthésiant au retrait del’aiguille (7, 8, 10-12).

C) BLOC DU NERF RADIAL.

Le bloc du nerf radial se réalise à trois travers de doigt enamont de la base de la tabatière anatomique, la main enposition neutre (fig. 4). L’injection sous-cutanée se faitsuperficiellement et largement en deux traçantes de 2 cm,perpendiculaires à l’axe du poignet avec un volume totalde 6 ml de Lidocaïne® bloquant les nombreuses petitesbranches nerveuses (7, 8, 10-12).

D) BLOCS INTRATHÉCAUX.

L’injection de Lidocaïne® dans la gaine des fléchisseursou bloc intrathécal intéresse les 2, 3 et 4e doigts. Par diffusion au travers de la gaine, les nerfs digitauxpalmaires seront anesthésiés. Ces blocs ne concernent pas la face dorsale de la première phalange (fig. 5).

Après asepsie, à distance d’un foyer potentiellementinfectieux, on repère le tendon au niveau du pli de flexionde l’articulation métacarpo-phalangienne, la main ensupination, le doigt étant en hyper extension. L’injectionau travers des poulies tendineuses est ainsi évitée. Il faut prévenir le patient que la ponction est douloureuse.L’aiguille non montée sur la seringue est introduite à 45° en direction du doigt, cette fois-ci, jusque dans lagaine des fléchisseurs. La verticalisation de l’aiguille lors de la flexion du doigt du patient prouve son bon positionnement. Après un léger retrait d’environ 1 mm,l’injection de 2 à 3 ml se fait sans résistance dans l’espacelibre de la gaine (11, 12, 15, 16).

VI. COMPLICATIONS.

Les complications des ALR sont rares et faciles à prévenir. La syncope vagale est la plus courante. Les allergies sont exceptionnelles et rarement dramatiques. Ces complications sont prévenues grâce à un patient informé, consentant, toujours en décubitusdorsal. Le contact verbal est maintenu pendant le geste. Les prodromes de l’intoxication systémique à la Lidocaïne® doivent être constamment recherchés (tab. I) (12). Une syncope vagale peut aussi survenir.L’arrêt des soins s’impose alors avec mise en place de mesures de réanimation symptomatiques,

370 h. lefort

Figure 5. Bloc intrathécal.

Figure 4. Bloc du nerf radial. Signes subjectifs : Paresthésies, fourmillements des extrémités,céphalées en casque ou frontales, goûtmétallique dans la bouche, malaise généralavec angoisse, étourdissement, ébriété,vertiges, logorrhée, hallucinations visuellesou auditives, bourdonnements d’oreille.

Signes objectifs : Pâleur, tachycardie, nausées, vomissements,syndrome confusionnel, empâtement de la parole, irrégularité respiratoire,nystagmus, fasciculations au niveau deslèvres ou de la langue.

Tableau I. Prodromes de toxicité systémique à la Lidocaïne®.

oxygénothérapie, voire utilisation d’atropine dans lecadre spécif ique du traitement de la syncope vagale(20 µg.Kg). La disponibilité des personnels et du matérielde réanimation doit être immédiate. L’urgentiste doit êtreformé à ces mesures de réanimation. Le traumatismenerveux peut se faire par contusion directe du nerf ou parcompression. Il se traduit souvent par une douleurviolente. La technique d’injection doit être maîtrisée afin de prévenir le traumatisme. Sa survenue oblige àrenouveler l’examen clinique et à le consigner dans ledossier. Le patient est informé des conséquences ainsi que de la suite de la prise en charge (soins,surveillance dans le temps). La ponction se réalise en condition stérile, à distance d’un foyer septique, isoléeà l’aide d’un champ troué collant. L’infection reste alorsexceptionnelle. Sa survenue nécessite la mise en routed’une antibiothérapie adaptée avec surveillance

de l’évolution. L’avis d’un spécialiste de chirurgie orthopédiste devient alors indispensable (2, 7, 8, 10-12).

VII. CONCLUSION.

Ces nouvelles techniques d’anesthésies locorégionalesde la main autorisées pour l’urgentiste méritent d’êtrelargement diffusées. Elles sont d’un réel confort pour lemédecin mais surtout pour le patient dans la prise en charge d’une main traumatisée. Ces techniquesconcernent particulièrement le médecin d’unité dans sa pratique quotidienne d’urgentiste au sein de son infirmerie ou à la porte de l’hôpital, mais aussi dans lapratique de la médecine de l’avant. L’apprentissage des blocs de la main et plus généralement les blocs autorisés par les conférences d’experts devraient fairepartie de notre formation universitaire et d’une formationcontinue dans des services référents.

371anesthésies locorégionales de la main en urgence

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

372

VIENT DE PARAÎTRE

HARMONISATION DE LA RÉPARATION

DES PRÉJUDICES CORPORELS

DANS L'UNION EUROPÉENNE

Application au contentieux

de la responsabilité médicale

Sous la direction de Jacques HUREAU

Face à la libre circulation des hommes et des biens au sein del'Union européenne, l'harmonisation de la réparation desdommages en cas de lésions corporelles et de décès s'impose

entre les États membres. Reprenant les visées de la résolution (75) 7 du Conseil de l'Europe du 14 mars 1975 qui s'appuyait sur la Convention européenne des droits de l'Homme, l'Académienationale de médecine, garante d'une certaine forme d'humanisme, a souhaité s'impliquer dans ledroit de la personne humaine, ce qui constitue une profonde évolution de la pensée médicale.

Devant le développement général du contentieux en responsabilité médicale et l'inflationindemnitaire qu'il engendre, l'Académie a retenu un premier thème de travail sur « l'indemnisationdu dommage corporel en responsabilité médicale dans l'Union européenne ». Ce thème n'avait encore fait l'objet d'aucune tentative d'harmonisation. Au-delà des divergences dans les doctrines concernant la responsabilité médicale et dans l'organisation des systèmes de santé en Europe, le but est ici de faire émerger le meilleur des points de convergence entre lesdifférents États de l'Union.

Cet ouvrage rassemble à la fois le rapport de synthèse présenté et adopté en séance plénière del'Académie le 4 avril 2006, une riche documentation, la bibliographie la plus récente sur le sujetainsi que les procès verbaux des séances de travail où ont été entendues les personnalités parmiles plus compétentes dans les domaines traités.

Harmonisation de la réparation des préjudices corporels dans l'Union européenne s'adresse auxmédecins, aux juristes et à tous ceux concernés par les questions de responsabilité médicale.

ISBN 978 2 7430 0960 1 – Pages : 128 – Format : 15,5 x 24 cm – Prix : 28 € – Lavoisier – 11 rue Lavoisier, 75008 Paris –Contact Presse : Ana ARS – [email protected] – Tél. : + 33 (0)1 47 40 67 63 – Fax : + 33 (0)1 47 40 67 02 – www.lavoisier.fr

Mise au point

médecine et armées, 2007, 35, 4 373

ÉVOLUTIONS DU SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE DES FORCESDE L’US ARMY

Des enquêtes épidémiologiques à grande échelle évaluentl’impact psychologique d’un engagement dur et prolongéchez les militaires américains déployés en Afghanistan eten Irak. Les résultats de ces enquêtes ont conduit à desaménagements et à des innovations en matière de soutienpsychologique. Ces innovations concernent l’assistancepsychologique sur place lors du déploiement et lasurveillance attentive et régulière de l’état de santémentale des soldats dans les mois qui suivent leur retourde mission.

Mots-clés : États de stress post-traumatiques. Soutienpsychologique des forces.

RÉSUMÉ

THE EVOLUTION OF PSYCHOLOGICAL SUPPORTFOR U.S. ARMY TROOPS.

Large scale epidemiological studies have assessed thepsychological impact on American Forces of long termdeployment in the harsh environments of Iraq andAfghanistan. Their findings have led to improvements inmental health care as well as innovations in treatment.These innovations involve the provision of psychologicalsupport during deployment and careful and regularassessment of the mental health of soldiers in the monthsfollowing their return from duty.

Keywords: Post-traumatic stress disorder. Psychologicalsupport.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 373-376)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Une brève histoire de la « psychiatrie de combat » del’Armée américaine.Les grands principes américains de la prise en charge destroubles psychiatriques de guerre ont été déterminésdurant la deuxième guerre mondiale puis réévalués au fildes conflits suivant. Ils ont été élaborés à partir de ce queles psychiatres anglais avaient eux-mêmes développédurant la guerre de 14-18. Durant les deux guerresmondiales, beaucoup de soldats présentant des troublespsychiatriques avaient été évacués à l’arrière et un trèsfaible taux des soldats évacués étaient ensuite retournésau combat. Par contre, d’autres blessés psychiatriquesn’avaient pas été évacués et avaient pu bénéficier surplace de brefs soins psychiatriques orientés vers le retourau combat ; c’est ainsi que 60% à 80% d’entre eux avaientpu reprendre leur place dans leur unité (1).Dans les premiers mois de la guerre de Corée, les troupesaméricaines f irent face à un taux très élevé de pertespsychiatriques, de l’ordre de 250/1000. Ces blessés furentrapatriés vers le Japon ou les États-Unis et peu revinrent au

combat. Le principe d’une prise en charge brève à l’avantfut alors repris et par la suite 80 % des blessés psychiquesretournèrent au combat. C’est ainsi que les principes de Salmon furent définitivement adoptés : proximité,immédiateté, simplicité et expectative.La guerre du Vietnam s’est caractérisée par un faible tauxde blessés psychiques, environ 11 %. Il y eut par contreune incidence importante des troubles des conduites,particulièrement la consommation d’alcool et de stupéfiants. Le problème fut surtout après la guerre, le très grand nombre de vétérans présentant un Post-traumatic stress disorder (PTSD). Une curiosité dudiscours des américains sur ce sujet est qu’ils attribuentaux mouvements politiques de contestation de la guerre du Vietnam la causalité des troubles psychotrau-matiques observés : en gros, c’est parce que les vétéranscontestaient la guerre et accessoirement réclamaient despensions qu’ils présentaient un PTSD (2). La relation decausalité inverse mériterait de ne pas être négligée…La guerre du Golfe a causé peu de blessés psychiques. Lesobservations ont surtout porté sur les interrelations entreles problèmes familiaux et les troubles de l’adaptation insitu. Mais c’est, comme dans le cas de la guerre duVietnam, l’incidence des troubles différés qui a pausé unréel problème avec l’apparition de pathologies associantun cortège symptomatique de troubles psychiques, detroubles somatiques et de troubles neurologiques réunissous le vocable de syndrome de la guerre du Golfe.

P. CLERVOY, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. L.BOURDON, médecin en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. B. SICARD,médecin en chef, praticien certifié.Correspondance: P. CLERVOY, service de psychiatrie, HIA Sainte-Anne, BP 600,83800 Toulon Armées.

P. CLERVOY, L. BOURDON, B. SICARD

C’est sur ces expériences que le ministère de la Défenseaméricain a analysé la pathologie psychiatrique observée enIrak et élaboré différents protocoles de prise en charge (3).

II. ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE EN GUERRE.

Les États-Unis d’Amérique sont entrés en guerre après lesattentats du 11 septembre 2001: la guerre globale contre leterrorisme (traduction de Global war against terrorism(GWOT). C’est en intensité et en durée la plus importanteopération militaire depuis la guerre du Vietnam. L’engagement principal actuel est le théâtre de guerreirakien. La période d’affrontement régulier, armée contrearmée, a été courte et plus ou moins conforme aux planifications logistiques. Par contre, la période qui a suiviet qui est encore en cours, celle des opérations de sécurisa-tion et de reconstruction des forces de police, se montreplus longue et plus difficile que prévue (4). La proportiondes évacuations sanitaires pour un trouble psychique isoléest très faible et ne constitue pas un problème particulier ;par contre, l’incidence des troubles d’apparition différéeest très importante, obligeant le système de soin de l’Arméeaméricaine à des adaptations rapides (5, 6).La guerre en Irak est un conflit qui dure. C’est un conflitqui est de moins en moins populaire au sein de la population civile américaine. Selon les estimations desmedias, début août 2006, environ 60 % des américains nesouhaitaient pas que cet engagement soit prolongé.Comme pour la guerre du Vietnam il y a quarante ans, cefacteur public influe sur la qualité de la réinsertion dusoldat de retour chez lui. La guerre en Irak est aussi unconflit qui use. Le taux de ré-engagement après unemission en Irak est nettement inférieur au taux de ré-engagement après une mission en tout autre endroit.L’opération « Iraqi Freedom » exige un effort permanentde valorisation. Une mission dure en moyenne douzemois ; certains soldats en sont à leur troisième rotation surce théâtre. La personne du soldat est considérée commeun enjeu majeur et des moyens conséquents sont mis enœuvre pour améliorer sa qualité de vie, sa santé et sonéquipement. Le soldat américain est l’objet de toutes lesattentions, particulièrement parce que le volontaire pourla prochaine rotation en Irak se recrute parmi ceux qui ysont déjà allés. Des enquêtes par questionnaires évaluentson état moral, ses besoins et ses satisfactions. Denombreuses mesures sont prises pour valoriser sonaction ; c’est en ce sens que le soldat américain a été élu« personnalité de l’année » par le magazine times.

III. COÛT PSYCHOLOGIQUE DE L’OPÉRA-TION IRAQI FREEDOM.

La ressource humaine est une donnée cruciale. Aux personnels tués ou physiquement blessés : respectivement 3 140 et 24 000 environ (bilanfévrier 2007), il faut ajouter un nombre majeur et difficileà quantifier précisément de personnes présentant destroubles psychiques. Le nombre de soldats qui présententdes difficultés psychologiques au retour d’une rotationest estimé à 34 % d’entre eux : ce sont des manifestations

dépressives, des conduites d’inhibition ou des conduitesagressives qui ont un retentissement sur la stabilité de leur vie sociale, familiale et conjugale. Ces troubles apparaissent dès la deuxième partie du séjour et se majorent entre le 3e mois et le 6e mois qui suit le retour.Seuls 25 % des soldats présentant des diff icultés psychologiques reçoivent les soins appropriés en raisond’un manque d’information et d’un jugement négatifpersistant du milieu militaire concernant les problèmespsychologiques. Ces évaluations sont congruentes auxrésultats d’une enquête épidémiologique de grandeampleur datant de 2003, réalisée sur plus de 20 000 militaires de l’armée de Terre et du corps des marines quiavaient été évalués par auto-questionnaires. Cette enquêteavait dégagé deux points : l’incidence des troublespsychiques au retour varie entre 23 % et 40 %, et unnombre conséquent de militaires n’ont pas accès aux soinsadéquats en raison de la persistance d’une stigma-tisation des troubles psychiques au sein de l’armée (7).Sur ces constats, le Service de santé américain à mis enplace des structures et des procédures nouvelles pourdiminuer l’incidence de ces troubles psychologiques en faisant la promotion d’actions de formation et d’information, en renforçant le dépistage lors du déploiement et au retour et en favorisant l’accès aux soins.

IV. INNOVATIONS DU SOUTIEN PSYCHO-LOGIQUE AU SEIN DE L’US ARMY.

A) « BATTLE BUDDY ».

Le principe est de constituer très tôt, dès la formation militaire, un fonctionnement en binôme. Battle Buddypeut être traduit comme « le pote de combat ». Il vise àconstituer un lien de camaraderie fort entre deux soldatsappartenant au même groupe de combat qui s’épaulentpsychologiquement durant toute la mission et continuentà se soutenir pendant la période parfois difficile du retour.Une information sur les troubles psychiques post-traumatiques, sur les conduites addictives et sur le risquesuicidaire est apportée à plusieurs reprises avant le départsous la forme de conférences qui sont renouvelées durantla mission et encore au retour. Chaque soldat apprend àreconnaître chez son camarade les signes évocateurs d’untrouble dépressif, à évaluer un risque suicidaire et àorienter un camarade en difficulté vers une structure desoin adaptée. Ils ont l’obligation de se rendre visite ou aumoins de se contacter régulièrement par téléphone auretour af in d’éviter les situations d’isolement et depouvoir intervenir tôt, avant que la situation familiale ouconjugale ne se détériore définitivement. Le Battle Buddyest ainsi le premier échelon de dépistage d’un troublepsychique chez un soldat tout au long des cycles dudéploiement et du retour.

B) LES 91 X.

Les personnels désignés sous le vocable « Ninety One Xray » sont une innovation tout à fait originale. Ce sont desmilitaires du rang qui ont une formation sommaire enmatière de soutien psychologique. Cette formation dure

374 p. clervoy

vingt-cinq semaines : ils reçoivent une formation générale sur les maladies mentales, les traitements médicamenteux et les approches psychothérapiques ; ilsapprennent à conduire un entretien psychiatrique et àfaire passer des tests ; ils sont formés aux différentesthérapies de groupe. Ils sont intégrés aux équipes desoutien psychologique et participent aux missionsd’information et de dépistage. Ils peuvent aussi être intégrés à des structures fixes comme les hôpitaux decampagne où ils ont un rôle d’infirmier psychiatrique.Revenus à la vie civile, ils peuvent être employés commepersonnel de surveillance dans les services de psychiatriedes hôpitaux civils.Le numéro 91 est le code de l’ensemble des spécialistessanté au sein des effectifs militaires : 91 A, 91 B, 91 C…peuvent ainsi désigner les médecins, les infirmiers, lesauxiliaires sanitaires. 91 X désigne donc des personnelsaux compétences psychologiques restreintes mais quiréalisent des tâches spécif iques. Lors des enquêtes épidémiologiques ils conduisent des entretiens structuréset remplissent des questionnaires. Ils participent aussi à des activités cliniques sous la supervision d’un psychologue ou d’un psychiatre. Dans les différentscomptes rendus et retours d’expériences des missions enIrak, les 91 X sont présentés comme une catégorie depersonnels très utiles au sein des équipes d’interventionpsychologique, notamment par la proximité qu’ils entretiennent avec le contingent des forces.

C) COMBAT STRESS TEAM.

Les équipes d’intervention et de soutien psychologiquesont disponibles au niveau de chaque brigade. Chaqueéquipe associe un psychiatre, un ou plusieurs psychologues, un travailleur social, des inf irmierspsychiatriques, un aumônier et plusieurs 91 X. C’est lapersonne la plus ancienne ou la plus qualifiée qui en prendla direction. Il n’existe pas, ou peu, de compétition entreeux. Leurs interventions sont mutualisées en ce sens quela même validité est donnée à une action quelles quesoient les catégories de ceux qui composent l’équipechargée de prodiguer une action de soutien. Cela leurpermet de se démultiplier en situation d’urgence et deconduire plusieurs actions dans un même temps lorsquecela est nécessaire.

D) INTENSE TRAVAIL DE SOUTIEN PSYCHO-LOGIQUE AU RETOUR.

Ce soutien psychologique est organisé autour d’un triple constat :– l’incidence des troubles psychiques différés est de 30 %en moyenne dont 15 % de troubles post-traumatiques ;– leur aspect évolutif est spécifique avec un pic de dé-compensation entre le 90e et le 180e jour qui suit le retour;– l’incidence pronostique de ces troubles peut être trèsdéfavorable sur le plan de l’adaptation sociale, familialeet professionnelle.À leur retour et avant de partir en permission, les militaires engagés en Irak font l’objet de plusieurs

programmes particuliers de prise en charge qui visent à leur permettre de sortir progressivement de l’environne-ment mental qu’ils ont connu pendant douze mois, à sedégager de la posture défensive qui leur a permis desurvivre en ambiance de combat mais qui maintenantmenace leur réadaptation à la vie domestique.Dès la f in de mission, ils ont un séjour de une à deuxsemaines dans des centres de transition où ils bénéficientde programmes psycho-éducatifs, d’information sur lestroubles dépressifs, les troubles post-traumatiques, lasurveillance du risque suicidaire. Un premier dépistageest effectué par des professionnels de santé mentale quipeuvent d’ores et déjà orienter le militaire vers un centrede soin spécialisé.Ils bénéficient ensuite d’une permission de 30 jours. Ilssont ensuite considérés comme non opérationnelspendant deux mois dans l’armée active, trois mois dans laGarde Nationale. Immédiatement après leur retour ettrois mois après, ils ont l’obligation de se soumettre à desenquêtes épidémiologiques par questionnaires.Cette politique active de surveillance psychologique dusoldat à son retour après une mission est définie sous leterme de Post-deployment health re-assessment(PDHRA). C’est un ensemble de procédures desurveillance psychologique active et dynamique. Unepopulation « à risque » a été définie : les soldats qui ontprésenté des troubles psychiques lors de la mission, lesblessés et leur famille, les familles des militaires décédés,les personnels du Service de santé et les personnelschargés sur place de l’assistance mortuaire, les person-nels ayant été exposés à des évènements particulièrementstressant, les personnels qui ont été durablement isolésdurant leur mission. Les pathologies activement recherchées sont les troubles psychiques post-traumatiques, les troubles anxio-dépressifs, les conduitesaddictives et notamment l’abus d’alcool, les conduites de violence conjugale et familiale.Sur le théâtre de guerre irakien, le soldat doit être en alerteen permanence, l’arme approvisionnée et chargée,prompt à répondre par une attitude défensive à toutstimuli menaçant. Ses déplacements doivent être hâtifs etimprovisés en permanence pour éviter les nombreuxpièges que sont les tireurs embusqués, les voiturespiégées, les bombes artisanales. Une fois, rentré chez lui,il doit rapidement se décaler de cette posture d’alerte.Revenu dans son environnement familier, il doit pouvoirdécompresser et s’insérer sereinement dans sa vie ordinaire. Ce changement n’est pas spontané, il fautparfois l’apprendre. Le film d’information Battlemindtraining sur les diff icultés de retour à la vie civile ordinaire après une mission est destiné aux soldats, auxcadres de contact et aux acteurs du soutien santé. Un siteInternet a été crée : www.battlemind.org totalement dédiéà cet objectif et qui reprend le contenu du film. Cet outil aété réalisé par le LCL Carl Castro du département depsychiatrie et des sciences du comportement du WalterReed Army Institute of Research. Quatre courtesséquences vidéo ont été réalisées : le permissionnaire quipart se promener et qui reste en posture d’alerte avec

375évolutions du soutien psychologique des forces de l’us army

une arme de poing sur lui, le soldat qui s’isole et quin’arrive pas à être disponible pour son épouse et sesenfants, le soldat qui s’alcoolise de façon répétée pour échapper aux crises d’angoisse et aux phénomènesde répétition pycho-traumatiques, et la dernière séquence est consacrée à la dé-stigmatisation des troubles psychologiques et l’accès aux soins sur des structures appropriées. Chaque séquence est suivie d’un commentaire pédagogique qui peut être utilisé lors dessessions de travail de groupe. Il est prévu une traductionen langue française au profit des forces canadiennes. Pourl’anecdote, se sont des 91 X qui se sont transformés enacteurs occasionnels pour la réalisation de ces fictions.Enfin, de multiples actions de soutien sont mises en placeauprès des familles dont un membre est durablementabsent du fait de sa mission. Chaque unité monte – pourchaque mission – un groupe de soutien des familles quifonctionne essentiellement sur le bénévolat, encadré etsoutenu par les structures institutionnelles militaires(clergé, service social). De nombreuses brochures etmanuels sont distribués aux conjoints et aux enfants,détaillant différentes situations : les familles monoparen-tales, les familles ayant un enfant handicapé, commentfaire face aux situations d’urgences ou de détressesociale. L’ensemble de ces informations est mise à jour etest disponible sur plusieurs sites Internet (moteur derecherche military family web sites).

E) « RESET… AND BACK AGAIN ».

Le soutien psychologique du soldat est très clairementorienté sur le maintien du potentiel effectif opérationnel :« ré-initialiser » le soldat et le renvoyer en mission. Uneforte volonté institutionnelle permet de renvoyer en Iraktous les volontaires possibles, y compris les blessésguéris, les mutilés appareillés ou celui qui a présenté destroubles psychiques post-traumatiques.Les résultats de ces innovations en matière de soutienpsychologique sont présentés comme très favorables.Au-delà de la doctrine et des principes mis en place, il fautreconnaître que ce succès est aussi le témoignage d’une

très bonne ambiance de travail. Lors des manifestationsqui réunissent les différents professionnels de la santémentale pour partager leurs expériences, cette ambianceest chaleureuse. Il y a une camaraderie institutionnelletrès marquée au sein des équipes de soutien psycholo-gique des forces de l’armée américaine. Ces liens sontfondés sur des rapports simples, respectueux, spontanéset une proximité entre chaque échelon hiérarchique, que ce soit lorsqu’un officier général s’adresse à sessubordonnés ou réciproquement. Les militaires américains sont fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font.Les deux constantes de l’ensemble de ces personnels sontune attitude de modestie individuelle et la haute valeurdonnée à leur institution et à leur mission.

V. CONCLUSION.

Les enseignements pour le Service de santé des armées :– anticiper les troubles psychiques par une action en amontde sensibilisation du commandement et des actionsd’information des personnels par des conférences et desréunions de travail sur le thème du soutien psychologiquedes forces dans les opérations militaires modernes ;– soutenir les actions in situ, sur le théâtre d’opération,associant l’intervention des médecins d’unité, des spécia-listes de psychiatrie des hôpitaux, des psychologues des forces, les officiers environnement humain… ;– une action de vigilance, à moyen et long terme, centréesur l’adaptation au retour. Cela est important pour tous,mais encore plus pour les personnels qui sont « perdus devue » par leur unité au retour de leur mission, soit qu’ilsaient été placés en congé maladie, soit qu’ils soient mutés,soit que leur contrat soit arrivé à échéance ou qu’ils aientpris leur retraite.Ce que montre, avant tout, l’expérience récente desAméricains en Irak, c’est que les décompensationspsychiques ne se produisent pas majoritairement durantle déploiement, mais que pour beaucoup, elles se manifestent tardivement, parfois plusieurs mois après la réintégration de ses foyers.

376 p. clervoy

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Fait clinique

médecine et armées, 2007, 35, 4 377

HYPERCALCÉMIE HUMORALE ET LYMPHOME MALIN NON HODGKINIEN

Introduction : L’hypercalcémie n’est pas fréquente aucours des lymphomes et se voit le plus souvent à un stadeévolué de la maladie ; quand elle survient précocement,elle est en général la traduction d’un lymphome agressif.Elle est rarement la conséquence d’une atteinte osseusecar le principal mécanisme est humoral : productionexcessive de PTH-related peptide (PTH-rp) le plussouvent, de vitamine D active 1,25 (OH)2D3 plus rare-ment. L’élévation concomitante de ces deux médiateursest inhabituelle.Observation : Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 82 ans qui s’est présenté avec des douleursépigastriques et une altération de l’état général,conduisant au diagnostic de lymphome malin nonhodgkinien lymphoblastique associé à une hypercalcémie(3,21 mmol/l). Une élévation du taux de PTH-rp et, à undegré moindre, de celui du 1,25 (OH)2D3 était retrouvée.L’hypercalcémie n’a été contrôlée que par les corticoïdespuis par le traitement chimio-thérapique du LMNH.Commentaires : L’hypercalcémie sévère peut être unemanifestation précoce des lymphomes de haut grade. Elleest en rapport le plus souvent avec une sécrétion de PTH-rp par les cellules lymphomateuses : les corticoïdes et lachimiothérapie adaptée en sont le meilleur traitement.

Mots-clés : Chimiothérapie. Corticoïdes. Hypercalcémie.Lymphome non-hodgkinien. PTH-rp.

RÉSUMÉ

HUMORAL HYPERCALCEMIA AND NON-HODGKIN’S LYMPHOMA.

Introduction: Hypercalcemia is a rare complication ofnon-Hodgkin’s lymphoma. Usually, hypercalcemiaoccurs late in the disease course, except for high gradelymphoma. Most often, hypercalcemia is related toexcessive level of circulating PTH-rp, sometimes of 1,25(OH)2D3. Concomitant high plasmatic concentration ofPTH-rp and 1,25 (OH)2 D3 is uncommon.Case: We report the case of a 82-year-old man whopresented with abdominal pain and weigh loss, leading tothe diagnosis of lymphoblastic B-cell lymphomaassociated with hypercalcemia (3,21 mmol/L). PTH-rpand 1,25 (OH)2 D3 plasmatic levels were high. Calciumconcentration could only be normalized withglucocorticoids followed by chemotherapy.Discussions: This case report confirms that hyper-calcemia, as a consequence of excessive plasmatic level ofPTH-rp secreted by tumoral cells, can occur early in thecourse of high grade lymphoma. Glucocorticoids andchemotherapy are the best treatment options.Keywords: Chemotherapy. Glucocorticoids. Hyper-calcemia. Non-Hodgkin’s lymphoma. PTH-rp.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 377-380)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

L’hypercalcémie est un événement rare au cours del’évolution des lymphomes, en dehors de ceux associés àl’HTLV1 (1). Elle est exceptionnellement révélatriced’un lymphome malin non hodgkinien (LMNH), le plussouvent agressif. Elle n’est que rarement la conséquenced’une atteinte osseuse le plus souvent étendue, principalmécanisme de l’hypercalcémie au cours du myélome (1, 2). Nous rapportons une observation d’un LMNH

lymphoblastique B associé à une hypercalcémie sévèred’origine humorale, présente lors du diagnostic et résistant au traitement par les biphosphonates.

II. OBSERVATION.

Monsieur P.L., âgé de 82 ans, présentait un antécédent de mélanome malin avec métastases ganglionnaires ayant nécessité une exérèse chirurgicale et une cobalto-thérapie 29 ans plus tôt. Il était hospitalisé pour desdouleurs abdominales présentes depuis deux mois, sansvomissements ni troubles du transit, évoluant dans uncontexte d’altération de l’état général avec asthénie,anorexie et amaigrissement chiffré à dix kilos en six mois.Le patient était apyrétique et ne décrivait aucune douleur osseuse. Il n’existait aucun signe clinique de

T. AMEZYANE, médecin commandant. M. ZYANI, médecin commandant,praticien certifié. S. LECOULES, médecin en chef. L. BORDIER, médecinprincipal. J.-S. BLADÉ, médecin principal. J. DESRAMÉ, médecin en chef. D.BÉCHADE, médecin en chef. J.-P. ALGAYRES, médecin chef des services. Correspondance: J.-P. ALGAYRES, service de médecine interne, HIA du Val-de-Grâce, BP 1, 00446 ARMÉES.

T. AMEZYANE, M. ZYANI, S. LECOULES, L. BORDIER, J.-S. BLADÉ, J. DESRAMÉ, D. BÉCHADE, J.-P. ALGAYRES

déshydratation. L’examen cardiovasculaire était normalet la TA mesurée à 130/80 mm Hg. L’examen notait unesensibilité de l’hypochondre gauche et un empâtement dela région épigastrique dont la palpation profonde faisaitsuspecter l’existence d’une masse tumorale. Il n’existaitni hépatomégalie, ni splénomégalie, ni ascite. Les airesganglionnaires étaient libres. L’examen de l’appareillocomoteur ne révélait pas de douleurs à la pression et à lapercussion des structures osseuses.Les examens biologiques montraient un hémogrammenormal et un syndrome inflammatoire modéré (VS= 25 mm; CRP = 25 mg/l ; fibrinogène = 5 g/l). Il existaitune hypercalcémie à 3,21 mmol/l et une insuffisancerénale (créatininémie = 135 µmol/l, clearance de la créatininémie = 35 ml/mn). La phosphorémie était à 0,75 mmol/l ; le ionogramme sanguin, l’électrophorèse des protides (protides = 72 g/l ; albumine = 39 g/l) et lesphosphatases alcalines étaient normaux; les LDH étaientélevées à 874 UI/l (normale < 250 UI/l). Les sérologiesVIH, VHB et VHC étaient négatives. La radiographie etle scanner du thorax étaient normaux. L’échographie et latomodensitométrie abdominale objectivaient la présencede très volumineuses adénopathies coelio-mésentériques(f ig. 1) souvent confluentes, réalisant une « couléeganglionnaire et à degré moindre celle d’adénopathiesinter aortico-cave (fig. 2).

Le traitement de l’hypercalcémie était débuté avec une réhydratation parentérale, un biphosphonate (pamidronate 60 mg à J1 et J3) et de la calcitonine (Cibacalcine® 0,5 mg s/c deux fois par jour) sans eff icacité sur la calcémie. Une ascite de moyenne abondance apparaissait au 5e jour. La ponction montrait

un liquide inflammatoire (protides = 35 g/l) avec hypercellularité (2 500 éléments nucléés/mm3 à prédominance lymphocytaire) ; les lymphocytes degrande taille évoquaient un processus lymphomateux.Une échoendoscopie révélait une thrombose de la veinesplénique, étendue au carrefour mésentéricoporte etpermettait la biopsie d’une adénopathie de 2cm affirmantle diagnostic de lymphome lymphoblastique B. Unecorticothérapie (méthylprednisolone 80 mg/j x cinqjours) permettait une normalisation de la calcémie auquatrième jour. La biopsie ostéomédullaire montraitl’absence d’envahissement et la scintigraphie osseuseétait normale. La chimiothérapie selon un protocole CVPpuis CHOP en raison d’un échappement au protocole de première ligne permettait la disparition des signesgénéraux, des douleurs et de l’ascite, la disparition desadénopathies sur les examens tomodensitométriques de contrôle. Le patient demeure en rémission complète et la calcémie reste normale douze mois après la fin de la chimiothérapie.Les dosages réalisés en période d’hypercalcémie permettaient secondairement d’expliquer cette dernière :la PTH intacte était effondrée, inférieure à 3 ng/l (normale« N » comprise entre 7 et 75 ng/l), la PTH-rp était élevée à3,1 pmol/l (N < 1,3) et le 1,25 (OH)2D3 mesuré à 74 ng/l(25 < N < 66).

III. COMMENTAIRES.Quatre-vingt-dix pour cent des hypercalcémies sont duesà une hyper-parathyroïdie primaire ou à une cause néopla-sique : les cancers et les hémopathies sont les causes lesplus fréquentes des hypercalcémies de l’adulte (3). Seuls15 % des LMNH développent une hypercalcémie (4) : lafréquence dépend de leur type histologique (1 % à 2 % encas de lymphome de bas grade) et de leur extension (5, 6).

378 j.-p. algayres

Figure 1. TDM abdominale. Coupe transversale. Volumineux processus rétro-péritonéal correspondant à de volumineuses adénopathies confluentes.

Figure 2. TDM abdominale. Coupe transversale. Volumineuse adénopathieinter aortico-cave.

Deux mécanismes sont possibles dans l’hypercalcémiedes LMNH. Le premier est une localisation osseuse du lymphome: celle-ci ne s’observe que dans 5 % à 15 %des cas (1) et ne s’accompagne d’une hypercalcémie que chez moins de 10 % des patients (1) ; cette dernière est due, comme pour les métastases osseuses des cancers et le myélome, à la sécrétion par les cellulesmalignes de différentes cytokines, prostaglandines de la série E, TNF, IL1 ou 6, plus rarement de 1,25 (OH)2D3ou de PTH-rp (7, 8).Le mécanisme prépondérant est la sécrétion, en dehors detoute atteinte osseuse, par les cellules lymphoïdesmalignes et par les macrophages de facteurs humoraux ;deux médiateurs sont incriminés : le 1,25 (OH)2D3 et la PTH-rp. Des taux élevés de 1,25 (OH)2D3 ont été retrouvés dans plusieurs études consacrées auxhypercalcémies compliquant les lymphomes (4, 9-11).La production de 1,25 (OH)2D3 est liée à une activité 1 alpha-hydroxylase excessive par les cellules lympho-mateuses ou les macrophages : la responsabilité de cesderniers a été montrée dans une observation privilégiéepar examen immunohistochimique après splénectomiechez un patient présentant un LMNH B splénique degrade intermédiaire (12) ; ce mécanisme est identique àcelui des hypercalcémies rencontrées au cours des mala-dies granulomateuses (4, 10) : une observation de LMNHB associé à une hypercalcémie avec élévation du taux del’enzyme de conversion de l’angiotensine a d’ailleurs été rapportée (13). L’ élévation du 1,25 (OH)2D3 s’accompagne d’une diminution de la PTH (5, 8).Un autre mécanisme est la production excessive de PTH-rp par les cellules lymphomateuses (2, 14). L’AMPcnéphrogénique est élevée et la PTH diminuée sauf dans derares cas d’hyperparathyroïdie primaire concomitante(15). Pour des raisons mal connues, certaines actions de laPTH-rp sont différentes de celles de la PTH (1, 2, 5, 7, 16) :– augmentation de la résorption osseuse par la PTH-rpsans induction d’une augmentation de la formationosseuse (1, 16) ;– effet rénal plus modéré sur la réabsorption du calcium (1) ;– absence d’élévation du taux sérique de 1,25 (OH)2D3même si la PTH-rp stimule l’activité 1 alpha-hydroxylase(1, 7, 16). L’absence d’augmentation du calcitriol pourrait

être liée à une inhibition de l’activité 1 alpha-hydroxylasepar une autre région de la PTH-rp ou par un éventuelfacteur humoral (2, 5, 16).L’élévation concomitante des taux de PTH-rp et de 1,25 (OH)2D3, comme dans notre observation, n’est pas habituelle : l’augmentation du taux de 1,25 (OH)2D3pourrait s’expliquer par un défaut d’inhibition de la 1 alpha-hydroxylase activée par la PTH-rp.Au plan thérapeutique, le meilleur traitement de l’hypercalcémie est celui du LMNH. En attendant la mise en route de ce dernier, son contrôle est impératifdans les formes symptomatiques : la réhydratation hydroélectrolytique fait partie intégrante du traitement etses indications dépendent de l’importance de la calcémie,des signes de déshydratation et du terrain général du patient. Les biphosphonates, largement utilisés au cours du myélome multiple, sont inconstamment eff icaces en cas d’hypercalcémie maligne humorale sans lésion osseuse. Les biphosphonates les plus utiliséssont le clodronate et le pamidronate et le zolédronated’utilisation plus récente (17). Leur action est retardée,maximum au bout de trois à quatre jours, ce qui justifiel’utilisation simultanée de la calcitonine (200 à 400 UI/jdurant les trois à quatre premiers jours) dont l’efficacitéplus rapide est partielle et transitoire (17). Les corticoïdessont plus efficaces dans le traitement des hypercalcémiesau cours des lymphomes (1, 8) ; ils augmentent lacalciurie, diminuent l’absorption intestinale du calciumet rentrent dans les protocoles de chimiothérapie deslymphomes. Ils peuvent initialement être utilisés seuls ouen association avec les biphosphonates pour corriger unehypercalcémie sévère. Le risque de syndrome de lysetumorale impose de prévenir et dépister une insuffisancerénale aiguë favorisée par l’hypercalcémie.

IV. CONCLUSION.

Les LMNH agressifs peuvent se manifester à un stade précoce par une hypercalcémie parfois sévère.Cette dernière est le plus souvent d’origine humorale. Sa correction doit faire appel dans un premier temps aux corticoïdes ; la chimiothérapie permet, parallèlementau contrôle de la maladie, la normalisation durable de l’hypercalcémie.

379hypercalcémie humorale et lymphome malin non hodgkinien

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VIENT DE PARAÎTRE

LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE DANS LE MONDE

Surveillance, planification, financement

Rapport 2006 de l'OMS.

En l'an 2000, les Nations Unies ont déterminé les Objectifs de développement du millénaire (ODM), uncanevas destiné à suivre les progrès du développement humain. Une des cibles de ce développementest d'ici 2015 d'avoir maîtrisé et d'avoir commencé à inverser la tendance de l'incidence desprincipales maladies transmissibles, dont la tuberculose (TB). Pour répondre au défi que représente les ODM, le paysage de la lutte contre la tuberculose a été redessiné en 2005 par lesnouvelles Normes internationales pour les soins anti-tuberculeux, et leur incorporation dans la stratégieélargie « Stop TB » (halte à la tuberculose). Cette stratégie, basée sur les principes de la lutte contre latuberculose bien connue sous l'appellation de DOTS (pour Directly Observed Treatment Short-course -traitement de brève durée sous surveillance directe), doit être appliquée au cours des dix prochainesannées sous la rubrique du Plan Mondial « Stop TB, 2006 - 2015 ».Cette série de rapports annuels de l'OMS surveille où en est l'épidémie mondiale de tuberculose, etmontre sur graphique la progression vers les ODM. Le rapport 2006, dixième de la série présente desdonnées sur le nombre de cas notifiés, et les résultats thérapeutiques pour 200 pays. Il met l'accent surles activités qui sont essentielles pour la réussite de la mise en oeuvre de la stratégie Stop TB etexpose les coûts, les budgets, les dépenses et les sources de financement. Il résume également lesprogrès issus d'initiatives particulières telles que le développement de partenariats public-privé dans lalutte contre la tuberculose, la gestion des cas de tuberculose pharmacorésistante et les collaborationsentre lutte contre la TB et lutte contre le SIDA.Depuis 1980, plus de 80 millions de patients tuberculeux ont été notifiés dans le système desurveillance de l'OMS, et plus de 20 millions ont été traités dans le cadre des programmes DOTSdepuis 1995. Le système de surveillance financière, depuis son origine en 2002, totalise près de 6milliards de dollars US pour la lutte contre la tuberculose. En rassemblant ce volume croissant dedonnées, le rapport sur la Lutte contre la Tuberculose dans le Monde est devenu la meilleure sourced'information sur la réponse nationale et internationale à l'épidémie mondiale de tuberculose.

ISBN : 92 4 156291 9 – 226 pages (en langue anglaise) – WHO Press 1211 geneva 27, Switzerland – Tél. : +41 22 791 24 76 – Fax : + 41 22 791 48 57 – Email : [email protected]

Fait clinique

médecine et armées, 2007, 35, 4 381

PURPURA FULMINANS À STREPTOCOCCUS PNEUMONIAEIntérêt des traitements non conventionnels

Le purpura fulminans est une affection redoutable,engageant le pronostic vital immédiat et pouvant êtreresponsable de séquelles fonctionnelles majeures. Unefemme, âgée de 32 ans, avec comme principal antécédentune splénectomie dans l’enfance, a présenté un purpurafulminans à Streptococcus pneumoniae. L’issue favorablea pu être obtenue grâce à l’adjonction au traitementconventionnel d’une hémofiltration de type haut débitassociée à un traitement vasodilatateur et àl’administration d’antithrombine III. Compte tenu de lagravité du purpura fulminans, il faut insister sur l’intérêtd’un traitement combiné conventionnel et nonconventionnel. En effet, l’hémofiltration en interrompantla cascade immuno-inflammatoire, le traitementvasodilatateur en améliorant la perfusion tissulaire etl’antithrombine III en limitant le processusthrombotique, semblent avoir un rôle direct sur lepronostic vital et fonctionnel. Leur utilité ne doit pas êtreméconnue.

Mots-clés : Antithrombine III. Hémofiltration. Purpurafulminans. Traitement vasodilatateur.

RÉSUMÉ

STREPTOCOCCUS PNEUMONIAE PURPURAFULMINANS : UNCONVENTIONNAL TREATMENTUSEFULNESS.

Purpura fulminans has a very bad prognosis and canrequire amputations in the survivors. A spleenless 32year-old woman, presented a purpura fulminans relatedto Streptococcus pneumoniae infection. Favourableoutcome was obtained with haemofiltration, antithrombin III infusion and vasodilatation therapyassociated to the classical rescucitation and antibiotictreatment. Haemofiltration, antithrombin III infusionand vasodilatation therapy present a real usefulness inpurpura fulminans, by stopping the immunoinflam-matory cascade and thrombosis and by improvingtissular perfusion.

Keywords : Antithrombin III. Haemofiltration. Purpurafulminans. Vasodilatation therapy.

(Médecine et Armées, 2007, 35, 4, 381-384)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Le purpura fulminans est une affection au pronostic vitalet fonctionnel redoutable. L’utilité de l’hémofiltrationlimitant la cascade inflammatoire, d’un traitement vasodilatateur permettant d’améliorer la perfusion tissulaire périphérique et d’antithrombine III (AT III)limitant le processus thrombotique, n’a été que rarementdécrite dans la littérature (1-16).Nous rapportons l’observation d’une jeune patiente avecpurpura fulminans à Streptococcus pneumoniae pourlaquelle l’association de ces thérapeutiques au traitementconventionnel, a permis une issue rapidement favorable.

II. OBSERVATION.

Il s’agit d’une femme, âgée de 32 ans, dont le principalantécédent est représenté par une splénectomie à l’âge de trois ans dans les suites d’un accident de la voiepublique, sans suivi ni vaccinations habituelles en particulier contre le pneumocoque.Hospitalisée en réanimation devant l’apparition brutale d’un collapsus fébrile (tension artérielle (TA) à80/60 mmHg et tachycardie à 140 battements parminute), l’examen cutané objective une éruption purpurique de la face avec aspect nécrotique des ailes dunez, ainsi que des marbrures diffuses (fig. 1). Le score deGlasgow est évalué à 15 avec une raideur de nuquemodérée sans signes de Kernig ou Brudzinski. Sur le planrénal, on observe une anurie tandis que la fonction respi-ratoire est parfaitement conservée.Le bilan biologique montre un syndrome inflammatoiremajeur. La fonction rénale est altérée avec un taux d’urée

V. GRIFFET, médecin principal, praticien confirmé. J.-Y. MARTINEZ, médecinprincipal, praticien confirmé. C. LIONS, médecin principal, praticien confirmé. J.-L. SOUBIROU, médecin en chef, praticien certifié. J. ESCARMENT, médecinchef des services, professeur agrégé du SSA.Correspondance: V. GRIFFET, Service de cardiologie, HIA Desgenettes, BP 25,69998 Lyon Armées.

V. GRIFFET, J.-Y. MARTINEZ, C. LIONS, J.-L. SOUBIROU, J. ESCARMENT

à 12 mmol/l et une créatinine sérique à 260 micromol/l.On observe également une Coagulation intravasculairedisséminée (CIVD) avec une thrombopénie à 29 000plaquettes/mm3, un taux de prothrombine (TP) à 21 %, un Taux de céphaline activée (TCA) à six fois le témoin, un taux de f ibrinogène à 0,8 g/l avec présence decomplexes solubles et de produits de dégradation de la fibrine. Le taux d’antithrombine III est abaissé (50 %)et il est constaté une acidose métabolique.La ponction lombaire met en évidence un Liquide céphalorachidien (LCR) clair, « eau de roche » sanscellule, avec normoglycorachie et normoprotéinorachie.Il n’est pas mis en évidence de germe à l’examen direct. En revanche, on isole les antigènes solubles dupneumocoque dans le LCR.L’évolution dans la nuit est marquée par une extension deslésions purpuriques sur l’ensemble du corps et dès lelendemain, le diagnostic suspecté de purpura fulminans àpneumocoque est confirmé par l’isolement du germedans la mise en culture du LCR et les hémocultures.L’antibiogramme montre qu’il s’agit d’un pneumocoquede sensibilité diminuée à la pénicilline G avec uneconcentration minimale inhibitrice à 0,380 mg/l.Il n’est pas retrouvé de porte d’entrée ORL ni pulmonaire.Il n’a pas été recherché de brèche ostéo-méningée, l’accident de la voie publique de la patiente datant de plus de vingt ans.La prise en charge thérapeutique a associé dès l’admission de la patiente, une biantibiothérapie par

ceftriaxone (4 g/j)/vancomycine (2 g/j), une corticothé-rapie par hydrocortisone (300 mg/j), un remplissagevasculaire par macromolécules, des transfusions itératives en concentrés plaquettaires et en Plasma frais congelé (PFC).Parallèlement à ce traitement conventionnel, il a été décidé de débuter dès la sixième heure après sonadmission, une épuration extrarénale à type d’hémofil-tration continue à un débit de 1,5 l/heure et à haut débit(100 ml/kg/h soit 5 l/heure), 8 heures par jour pendant 3 jours, avec un relais par hémodialyse conventionnellejusqu’à la reprise d’une fonction rénale satisfaisante.Des perfusions quotidiennes d’AT III (100 U/kg) ont étéadministrées pendant 5 jours af in d’obtenir un taux plasmatique dans les valeurs usuelles.Soixante douze heures après son admission, la patienteest stabilisée sur le plan hémodynamique (TA à 120/80mmHg) avec régression partielle de la CIVD (TP à 76 %,TCA à deux fois et demi le témoin et thrombopénie à 50000 plaquettes/mm3).Néanmoins, l’apparition de lésions nécrotiques supplémentaires en regard de la troisième phalange dumajeur gauche et des premier et deuxième orteils du pied droit, nous a incités à mettre en place un traitementanticoagulant (héparine non fractionnée à dose isocoagulante) et surtout vasodilatateur associant buflomédil (600 mg/j) et iloprost (0,05 mg dans 25 ml desérum glucosé isotonique à la seringue électrique avec vitesse d’administration de 4 ml/h obtenue progressivement, pour une durée quotidienne de sixheures). Ce traitement vasodilatateur a été maintenu six jours et parfaitement toléré comme les autres mesures thérapeutiques. De manière concomitante, desapplications quotidiennes de sulfadiazine argentiqueétaient mises en place.Enfin, nous n’avons pas recouru à l’administration deprotéine C activée compte tenu de la thrombopénieinitiale inférieure à 30 000 plaquettes/mm3 contre-indiquant son utilisation.L’évolution a été marquée par l’absence d’apparition denouvelles lésions nécrotiques, la disparition des lésionspurpuriques et la cicatrisation des lésions nécrotiques desailes du nez (fig. 2). Les lésions nécrotiques de la maingauche (troisième phalange du majeur) et du pied droit(premier et deuxième orteils) ont nécessité malheureuse-ment une sanction chirurgicale un mois après la sortie deréanimation de la patiente.Deux mois après son admission en réanimation, lapatiente a pu regagner son domicile de manière définitive,après avoir bénéficié de sa vaccination antipneumococ-cique et de la mise en place d’un traitement par pénicillineV orale selon les recommandations habituelles (17).

III. DISCUSSION.

Le purpura fulminans est caractérisé par un chocseptique, accompagné d’un purpura extensif et d’uneCIVD. Il est habituellement en rapport avec une infectioninvasive à méningocoque mais d’autres germes comme le

382 v. griffet

Figure 1. Éruption purpurique de la face avec aspect nécrotique des ailes dunez, ainsi que des marbrures diffuses.

pneumocoque en particulier, peuvent en être responsable.Son pronostic est redoutable avec une mortalité de 20 % à 25 %. De plus, sa morbidité est loin d’être négli-geable puisque 5 % à 20 % des survivants développent des nécroses cutanées et/ou des ischémies de membrespouvant nécessiter des greffes de peau ou des amputations (18, 19).Sa prise en charge thérapeutique associe le plus souvent : antibiothérapie, support inotropique et ventilatoire, transfusions de concentrés plaquettaires et de PFC (1, 2, 6).À côté de ce traitement conventionnel, d’autres thérapeutiques adjuvantes ont été rapportées avec unecertaine eff icacité dans la littérature ces dernières années, notamment en terme de morbidité et de mortalité. Parmi celles-ci, l’hémofiltration, l’utilisationde vasodilatateurs et l’administration d’AT III semblentavoir un rôle non négligeable. Lors du choc septique, il existe une cascade immuno-inflammatoire faisantintervenir les cytokines dont les principales sont représentées par le tumor necrosis factor α (TNF α) et l’interleukine 1 (IL 1). Ces cytokines ont un rôle majeur dans la survenue des défaillances d’organesmultiples (3). L’hémof iltration, en éliminant ces cytokines, permet d’interrompre cette cascade inflammatoire et semble ainsi améliorer le pronostic vital immédiat (1-3, 6, 7). Dans chacune de ces séries (1, 2, 6), certes d’effectif restreint, la mortalité observée a été moins importante que celle attendue avec le traitement conventionnel. Il a en effet été clairementdémontré une nette diminution des taux de TNF α et d’IL 1 après hémofiltration dans le sérum plasmatique

de patients avec choc septique (3). De plus, l’hémofiltra-tion permet de suppléer la fonction rénale, de contrôler labalance volémique et peut ainsi éviter la nécessité d’uneventilation mécanique et ses inconvénients avec le risqued’infection nosocomiale en particulier (1, 2), confirmantles données expérimentales obtenues chez le cochon avecœdème aigu du poumon lésionnel induit (8). Enf in,l’intérêt du haut débit est lié à l’élimination en quantitéplus importante des cytokines (4, 5).Comme Best (1), nous n’avons pas eu besoin de recourir àla ventilation mécanique chez notre patiente et ce malgréun remplissage vasculaire majeur.À côté du pronostic vital immédiat, le purpura fulminanspeut être responsable de séquelles fonctionnelles liéesaux lésions nécrotiques cutanées, pouvant aboutir à desamputations de membres. Certains auteurs ont ainsirapporté l’intérêt d’un traitement vasodilatateur faisantappel aux prostacyclines, aux dérivés nitrés ou aux blocssympathiques afin d’améliorer la perfusion périphérique(9, 10). Il peut alors sembler légitime de discuter la miseen place de ce traitement le plus précocement possible,dès la stabilité hémodynamique obtenue.L’utilisation d’AT III reste controversée. Si pour certains(18, 20), son intérêt reste à démontrer, pour d’autres (11-13) elle a un rôle important en limitant le processusthrombotique liée à la CIVD, améliorant ainsi la perfusion périphérique avec un effet favorable sur les lésions cutanées (11). Son bénéf ice en terme de réduction de mortalité a ainsi été démontré dans une étude contrôlée chez des patients présentant un chocseptique (14), tout comme son rôle dans la réduction de ladurée de la CIVD (15) confirmant les données obtenuesinitialement chez le babouin (16). Elle permet d’autrepart de limiter la coagulation dans le circuit de dialyse.Même s’il s’agit de cas anecdotiques, la progression des lésions nécrotiques chez notre jeune patiente, mère de deux enfants en bas âge, nous a incités à mettre en place cette association thérapeutique (AT III, buflomédilet iloprost) af in d’essayer de limiter au maximum les séquelles fonctionnelles du purpura fulminans et de préserver son avenir socioprofessionnel mais également familial. Comme ces auteurs (10-13), il noussemble que ce traitement a été bénéf ique en limitant le nombre d’amputations nécessaires et en évitant uneintervention de chirurgie plastique au résultat incertain au niveau des ailes du nez.

IV. CONCLUSION.

Même s’il est difficile de faire la part des choses entre ce qui revient au traitement conventionnel ou non conventionnel, le mauvais pronostic vital immédiat mais aussi fonctionnel du purpura fulminans peut justifier leur utilisation combinée d’autant plus qu’ils’agit volontiers de patients jeunes. Seules des études prospectives multicentriques et randomiséespourraient apporter la preuve définitive de l’utilité de ces traitements non conventionnels.

383purpura fulminans à streptoccus pneumoniae

Figure 2. Évolution et disparition des lésions purpuriques et cicatrisation deslésions nécrotiques des ailes du nez.

384 v. griffet

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Dans ce numéro, Médecine et Armées propose à ses lecteurs un dossier thématiqueconsacré à « la Nutrition en milieu militaire ». Ce thème est important pour

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