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Imane
Typewritten text
Siège de l'Institution au Mechouar
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Revue de l'InstItutIon du MédIateuR du RoyauMe du MaRoc

Numéro 1 • avril 2014

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o  PrésentationAbdelaziz Benzakour, Médiateur du Royaume ............................................... 5

o  EtudEs Et rEchErchEs

La fonction d’information du Médiateur du RoyaumeMohammed El Yaâgoubi .................................................................................. 7

Le droit d'accès à l'information au Maroc : état des lieux et perspectives à la lumière de la nouvelle constitutionAbdallah Harsi .................................................................................................. 19

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Numéro 1 • avril 2014

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Présentation

Nombreuses sont les occasions qui nous ont permis de rencontrer d’éminentes personnalités impliquées dans la défense et la promotion des Droits de l’Homme, et fortement engagées dans l’établissement d’une bonne gouvernance à même de renforcer l’édification démocratique, à laquelle nous aspirons tous, dans notre pays et auquel notre appartenance nous honore et à la grandeur duquel nous nous faisons un devoir de contribuer.

A travers leurs questionnements, ces différents acteurs de la société civile nous reprochent, parfois et avec élégance, un déficit en matière de communication, chose que nous assumons bien volontiers, lorsque nous essayons de les informer des nouvelles prérogatives conférées à l’Institution du Médiateur du Royaume, ou des décisions prises pour donner satisfaction aux doléances ainsi qu’aux recommandations faites aux parties concernées afin de corriger d’éventuels errements, de redresser les torts occasionnés par des abus, ou d’indemniser les préjudices avérés, résultant de dysfonctionnements relevés par nos soins.

Il est donc apparu nécessaire de procéder à une publication périodique, en quelque sorte, un organe exprimant le point de vue de l’Institution, à l’instar de l’ancienne revue de Diwan Al Madhalim, dans une formule nouvelle qui ambitionne de marquer la différence intervenue.

Notre propos est de disposer d’un moyen de communication susceptible de mieux rendre compte des réactions face à d’éventuelles insuffisances, car nous sommes convaincus que malgré nos efforts et nos investigations, la perfection demeure hors d’atteinte.

Le succès ne peut donc accompagner toutes les initiatives, en dépit de l’entière bonne foi et de toute la sincérité.

Afin de répondre aux attentes, l’Institution a opté pour une méthode visant à fonder ses conclusions sur une logique de Droit, reposant autant que possible, sur des dispositions légales et réglementaires, s’appuyant en cela sur la jurisprudence, tout en prenant en

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Abdelaziz Benzakour6

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considération les meilleures pratiques des institutions étrangères similaires dans les pays les plus avancés dans l’exercice démocratique et surtout en tenant compte des principes consensuels admis sur le plan international. Tout cela, bien entendu, dans le strict respect du Dahir portant sa création et dans un contexte caractérisé par la recherche de la justice et de l’équité.

Notre travail a ainsi permis de dégager des règles dont l’effet dépasse le seul cas examiné et les seules parties concernées. Elles doivent, au contraire, offrir une référence générale applicable à tous les cas similaires et dans toutes les administrations, en tant que précédent excluant toute interprétation restrictive ou application singulière pour prévenir toute tentation d’ordre subjectif, chez certains responsables enclins, de par leurs fonctions, à l’égoïsme et à la personnalisation du traitement des affaires, alors que de fait, ils ne sont que de simples gestionnaires administratifs astreints à l’observance de la légalité.

Cela permettra, sans aucun doute, d’éviter toute perte de temps à la fois aux Administrations et aux administrés.

Ce faisant, l’Institution espère, avec l’appui de Dieu le tout puissant, assurer à cette nouvelle publication, bilingue mais à prédominance arabe, une régularité dans les champs juridiques administratifs et des Droits de l’Homme, pour enrichir les débats, la connaissance et l’information, mais surtout pour se convaincre du bien fondé de notre démarche et persuader nos divers interlocuteurs de sa juste opportunité.

Le Médiateur du RoyaumeLe Bâtonnier Abdelaziz BENZAKOUR

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La fonction d’information du Médiateur du Royaume

Mohammed El YaâgoubiProfesseur à la Faculté de droit de Salé

L'objectif essentiel de la création du Médiateur, et cela pratiquement dans beaucoup de pays, est d'améliorer les rapports de l'Administration avec les administrés d'abord à travers une information efficace et systématique du citoyen (1).

L’article premier du dahir du 17 mars 2011 ((( insiste d'ailleurs en premier lieu sur cette fonction vitale en précisant que le Médiateur … a pour mission, dans le cadre des rapports entre l'administration et les usagers, de procéder à la diffusion des valeurs de la moralisation et de la transparence dans la gestion des services publics et de veiller à promouvoir une communication efficiente entre d'une part les personnes agissant à titre individuel ou collectif et d'autre part les administrations au sens large du terme.

Il s'agit plus particulièrement de pallier les limites et les insuffisances du contrôle exercé par le juge administratif. En fait, la naissance du médiateur en général s'explique par le fait que, malgré l'existence de la juridiction administrative, il existe selon l'expression de Landon et Amson un assez vaste « no man’ land » de brimade, de mauvaise volonté d'injustice par abstention ou omission qui subsiste entre les erreurs de l'administration et les pouvoirs de la justice (3).

Le Médiateur du Royaume qui paraît jouer le rôle d'un « courrier du cœur » ((( semble être destiné à effacer le sentiment très répandu chez le public marocain qui consiste à imaginer difficilement qu'une décision administrative puisse être édictée sur une base où n'interviendraient pas la faveur ou le mauvais vouloir.

(1) B. Maligner, les Fonctions du médiateur, PUF, 1979.(2) Dahir du 17 mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur, B.O. du 17/3/2011, p. 279.(3) R. Lindon, D. Amson, « Un “ombudsman” en France ? », JCP, 1970, p. 2322.(4) P. Garant, Du protecteur du citoyen québécois au Médiateur français, AJDA, 1973, p. 243.

Etudes et recherches

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Mohammed El Yaâgoubi8

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La fonction d'information du Médiateur a surtout la prétention de résoudre le problème fondamental de l'administré en tant qu'« handicapé juridique » devant l'administration. En raison de la complexité croissante des législations et des réglementations, les citoyens ne sont plus en mesure de connaître leurs droits et leurs devoirs. Le principe « nul n'est censé ignorer la loi » demeure théorique quand il faut consacrer deux ou trois heures à la lecture du Bulletin officiel et ce d'une façon quotidienne (5).

Le Médiateur du Royaume est susceptible d'exercer la fonction d'information dans deux cas spécifiques : l’information sur les fondements de la décision administrative litigieuse et une information générale de l'administré.

I. L’information du plaignant sur les fondements de la décision administrative

L'information est effectuée d'abord au niveau de la plainte pour se développer au niveau des recommandations et propositions.

A. L’information au niveau de l’information de la plainte

Le terme même de Médiateur semble impliquer naturellement la nécessité logique et juridique d'une information de l'administré ou plaignant sur les antécédents et les justifications des décisions et mesures litigieuses. En fait, le Médiateur parvient en général à personnaliser l'affaire mieux que le juge, et par la fonction d'information, le Médiateur se rapproche du plaignant. La tâche de cette institution consiste d'abord à expliquer, et le cas échéant, à justifier les attitudes de l'administration.

Cette information se fonde sur deux raisons.

L'information est impliquée directement par l'article 5 du dahir du 17 mars 2011 précité selon lequel « Le Médiateur est chargé d'instruire, soit de sa propre initiative… soit sur plaintes ou doléances dont il est saisi, les cas qui porteraient préjudice à des personnes physiques ou morales, marocaines ou étrangères en raison de tout acte de l'administration, qu'il soit une décision implicite, une action ou une activité considérée contraire à la loi, notamment lorsqu'il est entaché d'excès ou d'abus de pouvoir ou contraire aux principes de justice et d'équité. »

D'après cet article, il est évident que les réclamations concernent les relations de l'Administration et les administrés ; en raison des termes absolus utilisés, ils devraient logiquement inclure la question particulière de l'information sur les antécédents de la décision administrative.

(5) Sans parler des textes réglementaires non publiés au Bulletin officiel et qui ont une influence sur la vie du citoyen.

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En outre, en vertu de cet article, le Médiateur est en principe parfaitement compétent pour recevoir une réclamation par laquelle un administré mécontent et lésé dénonce le refus de communication des motifs d'un acte qui l'affecte dans sa vie.

Cette observation est consolidée par le fait que le titre de la première section du chapitre II ainsi que les termes mêmes de l'article 5 se fondent sur la légalité en tant que référence pour satisfaire les réclamations. Le titre de la 1re section du chapitre II parle d'« actes illégaux» alors que l'article 5 parle « de tout acte de l'administration … considéré contraire à la loi notamment lorsqu'il est entaché d'excès ou d'abus de pouvoir ….. » ; or, le refus de motiver un acte litigieux ou d'en communiquer les motifs constitue un excès de pouvoir (6).

L'article premier du dahir précité confirme cette manière de voir.

Selon cet article le Médiateur est une institution indépendante et spécialisée qui a pour mission, dans le cadre des rapports entre l'Administration et les usagers de défendre les droits : le terme « rapports » est absolument général.

L'article premier considère que la diffusion de la transparence dans la gestion et la diffusion de la transparence dans le rapport Administration-administrés par l'intermédiaire du Médiateur s'insère logiquement dans la série des réformes entreprises pour consolider l'ouverture des services publics. On peut citer à cet égard certaines dispositions de la nouvelle constitution (7), les lois organisant les collectivités territoriales, la loi relative à la motivation des actes administratifs précitée, la loi relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel (8), le projet de loi en cours d'adoption relative au droit à l'information….

Le fait que l'organisme administratif ne fonctionne pas conformément à la justice et à l'équité et au droit (articles 1 et 5) correspond dans une large mesure à la notion de mal- administration (9). Certes, cette notion est générale et vague. Elle est même insusceptible d'une définition claire et précise (10) mais il n'empêche qu'il s'agit d'une notion qui éclaire et justifie, l'Institution du médiateur et les institutions assimilées dans la mesure surtout où elle inclut toute catégorie de défaut de fonctionnement de l'administration.

Or, et c'est la seconde raison, cette notion implique parmi ses composantes l'absence d'information sur les motifs de la décision administrative.

(6) Voir article 1er de la loi du 23 juillet 2002, B.O. du 15/8/2002, n° 50300.(7) Article 15 (droit de présenter des pétitions) article 27 (droit d’accéder à l’information détenue par l’administration) …(8) Loi n° 09.09, B.O. du 5/3/2009, n° 57.14, p. 345.(9) P. Sabourin, Recherches sur la notion de maladministration dans le système français, AJDA, 1974, p. 396.(10) La définition se limite à des énumérations ; Grossman la définit comme un ensemble comprenant « la négligence, l'inattention, l'incompétence, l'inaptitude, l'obstination dans l'erreur, la turpitude », in A. Legrand, « Le commissaire parlementaire pour l’administration, ombudsman britannique », RDP, 1969, p. 250.

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Le Médiateur du Royaume peut donc jouer un grand rôle dans le développement des garanties préalables ou concomitantes à l'action administrative ou à l'acte administratif. Il peut également contribuer à l'évolution du système administratif marocain vers une plus large communication des motifs qu'elle soit antérieure ou postérieure à la décision administrative.

Ainsi l'administration peut refuser un passeport à un marocain sans lui faire connaître les motifs de cette décision et que son refus ne peut être annulé qu'autant que l'intéressé établit que les motifs de la décision dont il se plaint sont inexacts en fait et en droit alors que précisément il doit les ignorer. Certes, depuis l'adoption de la loi du 2003 précitée, le refus d'octroi du passeport doit être motivé. Mais il n'en reste pas moins que l'invocation du problème de la motivation dans le cadre de l'institution du Médiateur révèle les perspectives ouvertes par cette institution dans le développement de l'information des administrés sur les fondements des actes administratifs.

Le droit comparé confirme d'ailleurs cette remarque. Pour l'Ombudsman britannique, la légalité externe semble être l'objet unique du contrôle. Le Commissaire parlementaire ne se déclare compétent que dans les cas de violation des règles de forme et de procédure. Par conséquent, le rôle essentiel de l'ombudsman est de dégager des règles de bonne procédure dont il rappellerait l'existence aux autorités administrative (11).

Le Médiateur du Royaume est suffisamment outillé par le dahir du 17 mars 2011 pour mieux assurer cette fonction d'information. Ces moyens sont divers. On peut noter d'abord la possibilité dont il dispose pour accéder aux informations détenues par les autorités concernées. Selon le 2e paragraphe de l'article 13 du dahir précité, « Le Médiateur peut provoquer les explications des autorités concernées sur les faits objet de la plainte ou de la doléance et se faire communiquer les éclaircissements nécessaires, les documents et les informations y afférents. »

Par la possibilité d'un contact direct entre le plaignant et le Médiateur, l'administré est en mesure de connaître, outre les motifs de la mesure contestée, le contenu plus ou moins détaillé du dossier de l'affaire.

L'accès du Médiateur aux documents administratifs est renforcé par d'autres articles du dahir qui institutionnalisent la circulation de l'information entre le Médiateur et les Administrations concernées. L'article 19 prévoit que le Médiateur est assisté dans l'accomplissement de ses missions par un délégué spécial chargé de faciliter l'accès aux informations administratives. Par ailleurs, le 6e paragraphe de l'article 27 est plus systématique puisqu'il prévoit parmi les compétences des médiateurs régionaux la mission

(11) A. Legrand, « Le commissaire parlementaire pour l’Administration », précité, p. 251.

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11La fonction d’information du Médiateur du Royaume

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de renseignement et d'orientation des citoyens et l'incitation de l'administration à établir une communication efficiente avec eux.

L'institutionnalisation du canal d'information atteint son comble avec la détermination des interlocuteurs du Médiateur. En effet, l'Administration désigne parmi les responsables qui en relèvent des interlocuteurs permanents qui jouissent du pouvoir de décision au sujet des plaintes et des doléances qui leur sont transmises par le Médiateur. Il est également créé entre le Médiateur et les administrations des comités permanents de coordination et de suivi (article 24). Ces interlocuteurs permanents doivent informer par écrit l'institution du Médiateur des résultats obtenus dans la solution des litiges (article 25 alinéa 3). Ils doivent également « inciter les différents services relevant de l'Administration à faire preuve de la totale transparence dans leurs rapports avec l'Institution du Médiateur, ses délégués spéciaux et les médiateurs régionaux » (article 25 alinéa 6).

Le dahir précité renforce doublement cette mission d'information du Médiateur et par conséquent la position du plaignant concerné par l'affaire. L'article 28 prévoit pour l'administration une obligation d'information sans laquelle le Médiateur ne peut exercer sa compétence. Il précise bien que « L'Administration est tenue de fournir au Médiateur, à ses délégués spéciaux et aux Médiateurs régionaux le soutien nécessaire à leurs démarches et de coopérer étroitement avec eux en facilitant leurs missions d'enquête et d'investigation et en leur communiquant tous les documents et les informations concernant les plaintes et les doléances dont elle est saisie… », En outre, cette obligation d'information est assortie d'une procédure et de sanctions, c'est ainsi que tout comportement de l'administration qui pourrait entraver l'action du Médiateur doit faire l'objet d'un rapport spécial soumis au Chef du gouvernement, après information du Ministre responsable ou du chef de l'administration concernée, afin de prononcer les sanctions qui s'imposent et de prendre les mesures nécessaires (article 31).

On aurait souhaité que le dahir reconnaisse au Médiateur la possibilité d'engager directement au lieu et place de l'autorité administrative compétente la procédure disciplinaire contre l'agent responsable ou le cas échéant saisir le juge répressif. Le législateur marocain n'a pas opté pour cette solution estimant qu'elle ne pourrait être que d'un usage théorique et qu'elle ne renforcerait l'action du Médiateur que sur le plan moral et psychologique en raison du caractère fortement hiérarchique et hiérarchisé de l'administration marocaine. Il n'en reste pas moins que cette solution est ambitieuse au niveau des principes et est susceptible de faciliter la tâche du Médiateur particulièrement en matière d'accès aux documents administratifs.

Cet accès aux documents est encore valorisé par la position avantageuse du Médiateur du Royaume si on le compare sur ce plan avec le juge administratif. Ce dernier accède aux documents administratifs d'une manière limitative. Il faut au préalable qu'il y ait

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matière à contrôle et qu'il s'agisse le plus souvent d'un détournement de pouvoir (12). En outre, contrairement au juge administratif marocain qui répugne à enquêter par lui-même, le Médiateur enquête directement. A ces moyens de vérification s'ajoutent des moyens d'action proprement dite. Ainsi l'article 12 précise que « Lorsqu'il s'avère au Médiateur que la plainte dont il est saisi est juridiquement fondée… il entreprend toute démarche et prend les contacts nécessaires avec l'administration concernée afin de l'inciter à satisfaire la requête du plaignant… ». L'article 15 consolide ces moyens d'action : « Lorsque le Médiateur est convaincu de par ses enquêtes et ses investigations que l'application stricte d'une règle de droit est susceptible de créer des situations inéquitables ou préjudiciables aux usagers, il peut proposer au Premier ministre de prendre toute mesure ou démarche en vue de trouver une solution juste et équitable au cas posé et lui proposer l'amendement de la règle de droit. »

B. L’information à travers les recommandations et les propositions

L'information du plaignant est susceptible d'être assurée également à travers les recommandations, propositions et observations qui peuvent être adressées par le Médiateur à l'administration concernée. Selon le 2e alinéa de l'article 14, cette administration doit prendre dans un délai de 30 jours prorogeable d'une durée supplémentaire fixée par le Médiateur les mesures nécessaires pour l'examen des affaires dont il les a saisies et l'informer par écrit des décisions ou des mesures qu'elle a prises relativement à ses recommandations et propositions.

La recommandation ou la proposition (13) constituent des moyens d'action et d'intervention du Médiateur pour améliorer les relations de l'Administration avec les administrés.

La recommandation s'adresse d'abord à l'organisme qui a fonctionné d'une manière critiquable. L'ignorance des motifs de la décision administrative est un comportement inopportun type susceptible d'être dénoncé par le Médiateur et d'aboutir à une recommandation.

Mais la recommandation en tant que moyen permettant de régler les difficultés dont il est saisi s'adresse également au plaignant et consiste en une information de ce dernier sur sa situation particulière. Elle peut contenir notamment des explications sur la manière dont le réclamant peut résoudre autrement le litige qui l'oppose à l'administration.

(12) M. El Yaâgoubi, « Le détournement de pouvoir dans la jurisprudence administrative au Maroc », REMALD, “Thèmes actuels”, 1996, n° 6, p. 181.(13) En pratique, il semble que ces deux moyens ne sont pas faciles à distinguer.

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13La fonction d’information du Médiateur du Royaume

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L'accès aux documents administratifs (1) (14), l’audition des agents publics (15), la recommandation et la proposition constituent une panoplie complète permettant au Médiateur de pouvoir réaliser une information sur les fondements de la mesure administrative litigieuse. Plus globalement, avec la recommandation et la proposition, le Médiateur devient un inspirateur des réformes administratives pour améliorer l'information des réclamants.

La communication des antécédents d'un acte, d'une procédure, d'une opération à l'administré mécontent est d'autant plus positive que l'institution du Médiateur se caractérise par certains atouts.

D'abord, la saisine du Médiateur est une technique efficace en raison de sa rapidité et sa souplesse, le formalisme est réduit au minimum nécessaire. Pour être recevables, il suffit que les plaintes soient écrites, et en cas d'impossibilité, elles peuvent être formulées oralement par le plaignant sous réserve de leur consignation et leur enregistrement par les services compétents. Ensuite, les plaintes doivent être signées par le requérant en personne ou par son représentant mandaté à cet effet. Elles doivent indiquer les démarches effectuées par le plaignant ou le requérant auprès de l'administration concernée et être assortie des preuves et des pièces justificatives.

Par ailleurs et surtout, le dahir du 17 mars 2011 adopte dans son article premier une conception particulièrement large des organes soumis au contrôle du Médiateur. Celui-ci peut être saisi par l'ensemble des organismes qui, de quelque manière qu'elle soit, directement ou indirectement, font partie de l'administration. Il s’agit des administrations publiques, des collectivités locales, des établissements publics, des organismes dotés de prérogatives de puissance publique ainsi que tous autres entreprises et organismes soumis au contrôle financier de l'Etat… Tous les services publics sont donc concernés.

A titre de comparaison, la loi britannique du 22 mars 1967 ne retient qu'une énumération pour délimiter le champ d'intervention de l'ombudsman qui exclut le « local government » et les entreprises publiques ; par contre, le dahir précité marque à cet égard un progrès certain par rapport aux conceptions anglo-saxonnes qui excluent de la compétence du Commissaire parlementaire un grand nombre d'activités administratives.

La loi du 23 juillet 2002 relative à la motivation des décisions administratives est susceptible de donner une nouvelle consistance à l'action du Médiateur du Royaume. Celui-ci peut parallèlement à l'action du juge administratif connaître de l'illégalité qui consiste pour l'Administration à ne pas motiver un acte administratif. On a relevé que l'illégalité est également et logiquement un cas classique de maladministration. Le

(14) Article 13 alinéa 2.(15) Article 18 alinéa 1er.

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Médiateur peut surtout jouer un rôle en apportant une solution au problème délicat du silence administratif (16) qu'il devrait dénoncer systématiquement.

II. L’information générale du plaignant

Le dahir permet en réalité au Médiateur de réaliser une véritable fonction d'information qui semble résulter directement de la spécificité même de cette institution ou du genre ombudsman, le Médiateur est considéré comme un contrôleur indépendant des organismes contrôlés (article 1er du dahir) mais il ne dispose pas du pouvoir de décision.

Il n’a qu’un pouvoir de recommandation et de proposition (17). Or, ce qui contrebalance cette absence de pouvoir de décision et se trouve par conséquent valorisé c'est le droit du Médiateur de disposer de toutes les informations possibles emmagasinées par l'administration et surtout le droit d'être au courant de tout ce qui se passe à l'intérieur de celle-ci. L'inexistence d'un pouvoir de décision entraîne un privilège quasi total d’information qui joue comme un élément de compensation.

A. L’information particulière du plaignant

En fait, la cause la plus fréquente des plaintes, justifiées ou non, semble être une absence de contacts entre l'Administration et les administrés ; par exemple, une administration n'explique pas suffisamment le sens d'une procédure ou les raisons de sa décision… Ce sont là les péchés des bureaucrates dans tous les pays du monde (18).

Cette fonction d'information du Médiateur apparaît dès l'introduction de la plainte auprès de cette institution.

Tout d'abord, s'il apparaît au Médiateur que l'objet de la plainte ou de la doléance ne relève pas de sa compétence, il procède, selon les cas et suivant l'objet de la plainte ou de la doléance, à l'orientation du plaignant vers l'autorité compétente ou à lui fournir tout renseignement utile (article 11 alinéa 2). Par ailleurs, si la réclamation lui apparaît comme non justifiée il faut savoir pour quel motif le réclamant ne lui est pas donné satisfaction.

Le Protecteur du citoyen au Québec procède à la même information de l'administré en cas de rejet de la réclamation. Il existe cependant, une différence à relever entre le Médiateur du Royaume et le Protecteur du citoyen au Québec pour celui-ci, il s'agit d'une

(16) J. Laveissière, « Le silence de l’Administration », thèse de doctorat, Faculté de droit de Bordeaux, 1979.(17) B. Maligner parle de « L’autorité de chose médiatisée », précité, p. 108.(18) J.F. Garner, « L’ombudsman britannique », RIDC, 1970, p. 462-463.

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15La fonction d’information du Médiateur du Royaume

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obligation qui résulte de la loi dans les cas où il rejette une plainte comme non fondée ; la loi l'oblige à donner les motifs et indiquer les recours ouverts s'il en est (19).

Pour le Médiateur du Royaume, cette fonction d'information n'apparaît pas dans les termes du dahir. Certainement dans la pratique, le Médiateur précité, tout en précisant pour quel motif il ne peut examiner la plainte, informe le plaignant sur les autres voies qui lui permettent d'obtenir satisfaction. Le Médiateur, en se justifiant par une information adéquate, pourrait assurer la continuité du contrôle de l'Administration.

L'indication d'autres voies de recours, que la plainte ne relève pas de sa compétence ou ne soit pas fondée, présente deux intérêts. Elle implique un nouveau contrôle et permet la personnalisation par le fait que le réclamant, apprenant que sa plainte est rejetée, voit sa requête susciter un certain intérêt.

Dans le cadre global du contrôle effectué par le Médiateur du Royaume, le contenu de l'information faite au plaignant est très varié.

Il peut être général et concerner peut-être l'explication d'une mesure ou d'une législation. Il peut traduire le sens d'une règle de droit, expliquer le fonctionnement d'une procédure technique ou les règles présidant à la détermination du régime fiscal applicable. L'information peut également consister en des éclaircissements sur l'état d'un dossier.

Certes, l'article 6 du dahir prévoit les catégories de réclamations qui ne peuvent être instruites par le Médiateur. Il s'agit des doléances visant la révision d'une décision de justice irrévocable, les plaintes concernant les questions pour lesquelles la justice a été saisie en vue de prendre les mesures ou décisions qui s'imposent, et enfin les questions qui relèvent de la compétence du Conseil national des droits de l'homme.

Mais il est souhaitable que le Médiateur adopte une conception extensive de sa mission d'information sur ce point pour faire connaître au plaignant l'existence d'une procédure susceptible de lui donner satisfaction.

D'autre part, et c'est la deuxième caractéristique de l'information, le Médiateur peut donner des conseils aux réclamants. Il joue en quelque sorte le rôle d'avocat. Sans qu'il y ait un examen de la réclamation, le Médiateur informe, en principe, sous forme de conseils, le réclamant afin que celui-ci soit rétabli dans sa situation.

Cette information, sous cette forme particulière, devrait être systématique, précise et détaillée et porter sur toutes les possibilités procédurales. Le Médiateur devrait avoir un comportement à caractère de conseiller. De cette manière, le Médiateur évite aux requérants d'entreprendre une action qui, sans doute, serait vouée à l'échec.

(19) P. Garant, article précité, p. 243.

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B. L’information à travers les techniques de contrôle

L’information est également assurée grâce aux techniques de contrôle prévues par l'article 14 alinéa 2 selon lequel le Médiateur peut adresser ses recommandations, propositions et observations à l'administration concernée qui doit prendre dans un délai de 30 jours prorogeable d'une durée supplémentaire qu'il fixe, les mesures nécessaires pour l'examen des affaires dont il les a saisi et l'informer par écrit, des décisions ou des mesures qu'elles a prises relativement à ses recommandations et propositions.

Cette technique de contrôle permet incontestablement une information du Médiateur et, par conséquent, du plaignant. L'organisme mis en cause devrait présenter dans sa réponse les justifications et l'explication de son attitude ou de la décision ou mesure administrative objets du contrôle.

En cas d'entrave ou d'opposition ou de manquement volontaire d'un responsable à fournir l'appui nécessaire ou d'abstention ou de défaut de communication ou d'information, le Médiateur saisit le Chef du Gouvernement ou de l'administration concernée par un rapport spécial dénonçant les comportements précités afin de prononcer les sanctions et les mesures qui s’imposent (article 31).

L'article 9 de la loi française sur le Médiateur prévoit également une solution séduisante qui implique également l'information du plaignant : « Le Médiateur est informé de la suite donnée à ses interventions. A défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu'il a fixé, il peut rendre publiques ses recommandations sous la forme d'un rapport spécial publié et présenté dans les conditions prévues à l'article 14. L'organisme mis en cause peut rendre publique la réponse faite et, le cas échéant, la décision prise à la suite de la démarche faite par le médiateur (20). »

Le dahir du 17 mars 2011 ne prévoit pas cette technique de transparence en cas de réponse non satisfaisante.

Le rapport spécial qui met en cause publiquement un organisme attribue à ce dernier la possibilité de faire connaître à l'ensemble du public et particulièrement aux plaignants concernés « sa réponse ». L'organisme se justifie et explique son attitude à propos d'une décision ou d'une mesure.

Le rapport spécial en France se présente comme un rapport contradictoire évoquant les thèses en présence. Il comporte l'argumentation du réclamant, les explications de l'organisme mis en cause et la solution de l'affaire proposée par le Médiateur. La réponse par laquelle l'administration s'oppose au rapport spécial et qui constitue une communication des motifs nous semble normale et logique dans la démocratie. L'administration n'a pas

(20) Loi n° 37-6 du 3/1/1973 instituant un Médiateur, BIIAP, 1973, n° 26, p. 48.

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17La fonction d’information du Médiateur du Royaume

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seulement le droit mais en outre le devoir fondamental d'éclairer les administrés sur ses décisions et plus généralement sur ses attitudes.

De même, conformément à l'article 37 du dahir précité, le Médiateur soumet au Roi un rapport annuel sur le bilan d'activité et les perspectives d'action de l'Institution. Outre l'inventaire du nombre et de la nature des plaintes, des enquêtes et investigations, des conclusions qui en découlent, ce rapport traite également des différents dysfonctionnements qui caractérisent les relations administration-administrés et des recommandations en vue d'améliorer ces relations. Le rapport est publié au Bulletin officiel et diffusé à grande échelle.

L'établissement du rapport annuel est un cadre adéquat susceptible de permettre au Médiateur du Royaume de soulever directement et globalement le problème de l'information de l'administré par l'administration et de détecter les rapports où l'administré souffre de façon négative de l'ignorance juridique.

La rédaction des rapports annuels successifs permet aussi au Médiateur de devenir, en raison de sa fonction même de contrôle de l'administration, un détecteur ou un inspirateur des réformes possibles de l'administration. Par la publicité qu'il fait du contrôle il sensibilise les autorités administratives compétentes et surtout le législateur aux mesures à prendre d'une façon adéquate pour développer l'information sur les antécédents des décisions, mesures et démarches administratives. Le Médiateur du Royaume peut déterminer les champs d'action administrative où la nécessité de la transparence est prioritaire et urgente.

Par ailleurs, le Médiateur peut appeler aussi le législateur à l'établissement d'un principe général de motivation sauf exception nettement délimitées pour élargir l'application de la loi de 2002.

On a vu que l'Ombudsman britannique ne connaît que de la légalité externe. De même, le Protecteur du citoyen a dégagé certains principes de procédure (21) comme les droits de la défense, le principe du contradictoire, la publicité (22). La même tendance se remarque chez l'Ombudsman danois (23) qui a décidé que les motifs d'une décision doivent être communiqués dès que le requérant le demande. Il estime que la motivation doit être précisée afin que l'administré puisse intenter un recours. L'Ombudsman danois est allé jusqu'à contrôler le régime juridique de la motivation des décisions administratives lorsqu'elle est obligatoire. L'Ombudsman suédois a également proposé l'instauration d'un

(21) M. Combarnous, « Ombudsman et juge administratif, observation sur les premiers rapports du protecteur du citoyen du Québec », BIIAP, 1971, n° 20, p. 16.(22) Cependant les organismes concernés sont pour la plupart des organismes quasi-judiciaires.(23) A. Legrand, l’Ombudsman scandinave, LGDJ, 1970, p. 408-409.

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principe général de motivation des décisions administratives. Il justifie cette règle par le fait que le recours gracieux et surtout le recours hiérarchique constituent la pierre angulaire du droit administratif suédois, ce qui est le cas également en droit marocain.

Il est donc naturel et souhaitable que le Médiateur du Royaume attache de l'importance au problème de l'information sur les bases de l'acte administratif. Il contribuera sans aucun doute à la meilleure application de la loi précitée du point de vue du régime juridique de cette garantie et du point de vue de l'économie générale de ce texte législatif qui ne l'a instituée que d'une manière limitée et partielle.

En tant que détecteur et inspirateur des réformes, on pourrait dire que le Médiateur du Royaume joue le rôle d'un organe de transmission de l'idée de droit.

Il est important que le Médiateur du Royaume souligne dans ses rapports annuels l'existence d'un « devoir d’information que les agents publics doivent constamment assumer ». Il ne suffit pas en effet que l'administration agisse conformément aux prescriptions législatives et réglementaires. Encore faut-il que l'action administrative soit reçue d'une manière adéquate et correcte par les administrés. La grande leçon à tirer de cette nécessité du devoir d'information des administrateurs est de transformer ceux-ci en médiateurs quotidiens entre le public et l'Etat.

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Le droit d'accès à l'information au Maroc : état des lieux et perspectives à la lumière de la nouvelle constitution

(Avec étude spéciale du cas de l’Institution du Médiateur)

Abdallah HarsiProfesseur de droit public à la Faculté de droit de Fès,

Membre du Bureau exécutif de Transparency Maroc

Introduction

Réclamée depuis longtemps par de nombreuses composantes de la société civile marocaine, la constitutionnalisation du droit d’accès à l’information a enfin eu lieu à l’occasion de la promulgation de la constitution de 2011. L’article 27 de la constitution pose le principe, et renvoie à la loi pour les modalités et conditions de mise en œuvre. Pour saisir la portée de cette réforme, il convient de la placer dans son contexte général, en rappelant notamment l’état du droit antérieur (dominé par une interdiction de principe de divulguer l’information), le référentiel international en la matière, le droit comparé, avant d’analyser le contenu de l’article 27 et indiquer quelques pistes de travail pour l’élaboration d’une loi sur l’accès à l’information.

Nous examinerons dans un dernier paragraphe le rôle de l’Institution du Médiateur dans la promotion du droit d’accès à l’information.

I. L’interdiction de principe du droit d’accès à l’information avant la constitution du 1er juillet 2011 Contenu de l’article 18 du statut général de la fonction publique

En droit administratif marocain, la règle générale est l’interdiction de principe faite aux fonctionnaires et agents publics de fournir des informations ou transmettre des pièces

Etudes et recherches

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ou documents administratifs à autrui. Cette règle découle de l’article 18 du dahir du 24 février 1958 portant Statut général de la Fonction publique. De nos jours, cette règle est largement dépassée, mais l’interdiction peut toujours être mise en avant pour refuser à quiconque l’accès à l’information et aux documents administratifs, sauf dans les cas prévus par voie réglementaire.

Cet article distingue deux cas. Le premier est celui du secret professionnel, tel que régi et sanctionné par le Code pénal. Le second a un aspect administratif : celui de l’obligation de discrétion professionnelle, avec une interdiction formelle de communiquer des documents administratifs aux tiers. Ces dernières obligations s’inscrivent dans le cadre du au statut général de la fonction publique.

Voici les termes de l’article 18 :

« Indépendamment des règles instituées dans le Code pénal en matière de secret professionnel, tout fonctionnaire est lié par l’obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits et informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

« Tout détournement, toute communication contraire au règlement de pièces ou documents à des tiers sont formellement interdits. En dehors des cas prévus par les règles en vigueur, seule l’autorité du ministre dont dépend le fonctionnaire peut délier celui-ci de cette obligation de discrétion ou le relever de l’interdiction édictée ci-dessus. »

Le renvoi au code pénal : le secret professionnel

C’est une question que le Code pénal (dahir du 26 novembre 1962) aborde – de manière incidente et sans entrer dans les détails – dans l’article 446. Or, une lecture attentive de cet article fait apparaître qu’il concerne surtout le domaine médical (avortement), les actes criminels, les mauvais traitements ou les privations à l’endroit des mineurs, ou d’un des conjoints à l’endroit de l’autre, ou contre une femme… tous des cas où il est fait obligation à toute personne qui en a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de sa profession ou sa fonction d’en informer qui de droit.

Il n’existe pas, dans le Code pénal, de dispositions spéciales expresses sanctionnant clairement les fonctionnaires d’une manière générale pour non respect du secret professionnel. Toutefois, l’article 446 interdit également à toute personne qui, en raison de ses fonctions permanentes ou temporaires, est dépositaire de secrets professionnels, de révéler ces secrets, et sanctionne les contrevenants d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Mais on ne peut déduire que ces dispositions s’appliquent également aux fonctionnaires de l’administration, étant donné l’esprit général de cet article. Il faut mentionner une autre disposition, formulée en général, et qui ne concerne pas directement

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21Le droit d'accès à l'information au Maroc

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les fonctionnaires. Il s’agit de l’article 181 qui dispose à l’égard de tout marocain coupable de violation des secrets de la défense nationale.

Malgré l'ambiguïté de la loi pénale, on peut penser qu’elle demeure applicable aux agents du service public, mais uniquement dans les cas où un texte législatif ou réglementaire le prévoit expressément. Exemples : les articles relatifs au secret professionnel de la loi des finances pour l’exercice 2005 (art. 38) et du décret du 5 février 2007 relatif aux marchés publics (art. 93). Le secret professionnel ne se définit donc pas d’une manière générale, mais il y a secret professionnel chaque fois que le législateur l’impose expressément pour une activité administrative donnée, et pour une catégorie de fonctionnaires déterminée.

Inversement, l’obligation de discrétion professionnelle et de non communication des documents administratifs, qui découlent de l’article 18 du Statut général de la fonction publique, ont une portée beaucoup plus générale et constitue un véritable frein à la promotion du droit d’accès à l’information.

Le véritable sens de l’obligation de discrétion professionnelle

Selon l’article 18 précité, tout fonctionnaire est tenu de garder secrets (ou confidentiels) les informations professionnelles qui parviennent à sa connaissance pendant l’exercice de ses fonctions. Il s’agit non pas du “secret professionnel” au sens du Code pénal, mais de la simple obligation de “tenir sa langue”, soit ne pas divulguer oralement ce qui se produit dans l’administration où le fonctionnaire exerce ses fonctions. Les auteurs de droit administratif conviennent à ce propos de considérer qu’une telle obligation s’applique à la vie privée du fonctionnaire, c’est-à-dire en dehors de l’administration.

L’interdiction de principe de communiquer les documents administratifs à autrui

D’un autre côté, le même article 18 interdit formellement à tout fonctionnaire de communiquer à d’autres personnes des documents ou autres pièces administratives de façon non réglementaire, c’est-à-dire non conforme aux dispositions d’un texte réglementaire. Ce qui ne débarrasse pas ce passage de son ambiguïté. Il est donc possible de considérer que ce passage accorde au fonctionnaire la permission de délivrer des documents ou pièces dans le cas où il existe un texte qui le permet. Auquel cas, il est clair qu’il ne s’agit pas là d’un droit d’accès à l’information ou de consultation des documents administratifs (la question ne se posait pas ainsi en 1958, date où le Statut de la Fonction publique a été rédigé et promulgué), mais d’une simple mention de la catégorie de documents qu’il faut délivrer et qui relève des compétences des différentes administrations, tels que les autorisations et les attestations administratives.

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Les exceptions prévues

L’article 18 dispose, par ailleurs, qu’il n’est pas permis de délier un fonctionnaire de l’obligation de discrétion professionnelle ou de lever l’interdiction qui lui est faite de communiquer des documents à de tierces personnes sans décision du ministre dont relève ledit fonctionnaire, sauf dans les cas où les textes en vigueur en disposent autrement. Et, là aussi, la mention ne manque pas d’ambiguïté. On pourrait l’interpréter comme une disposition accordant le dernier mot en la matière au ministre tant qu’il n’y a pas d’autre texte législatif ou réglementaire accordant une telle prérogative à une autre autorité administrative supérieure ou subalterne.

Pour une reconnaissance de principe du droit d’accès des citoyens à l’information et aux documents administratifs

Le contenu de l’article 18, rédigé en 1958 et jamais modifié, est actuellement largement dépassé par la pratique administrative. De nombreuses administrations mettent à la disposition du public un ensemble de documents sous forme d’études, de rapports, de circulaires, de statistiques, etc., dans des centres de documentation ou des bibliothèques propres à ces administrations, ou par des moyens de communication électroniques. Cette pratique doit être légalement consacrée, précisée et élargie. L’accès à l’information et aux documents administratifs est devenu, de nos jours, un droit lié à celui de l’accès au service public. Il est donc nécessaire de remanier le contenu de cet article afin d’accompagner ces développements. Les interdictions imposées aux fonctionnaires doivent rester exceptionnelles, alors que le droit des citoyens à l’information et l’accès aux documents administratifs faire l’objet d’une reconnaissance de principe par la promulgation d’une loi spécifique. Autrement, en l’absence d’une telle loi, l’article 18 peut s’avérer un fondement sérieux pour toute administration qui refuse de délivrer des informations, documents et pièces aux administrés, les privant ainsi de l’un des droits fondamentaux reconnus actuellement aux usagers du service public.

La promulgation de la constitution de 2011 qui reconnaît le droit d’accès à l’information modifie substantiellement l’état du droit marocain en la matière. Mais avant d’analyser les dispositions constitutionnelles et explorer à leur lumière de nouvelles pistes de travail, il convient d’exposer le référentiel international en la matière, ainsi que quelques expériences étrangères de reconnaissance du droit d’accès à l’information.

II. Le référentiel international en la matière

Le droit d’accès à l’information a été considéré parfois restrictivement comme étant un droit d’accès aux documents administratifs. C’est le cas, par exemple, de la loi française du 17 juillet 1978. Toutefois, ce droit est désormais reconnu au niveau international

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comme étant intrinsèquement lié et découlant du droit à la liberté d’expression. Plus de 90 pays reconnaissent ce droit et le consacrent par des textes législatifs.

Le droit à la liberté d’opinion et d’expression, inscrit depuis longtemps dans deux instruments internationaux essentiels, a été considéré comme induisant ou plus exactement comme incluant le droit à l’information. C’est ce qui ressort des deux textes suivants :

– L’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, qui dispose : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

– L’article 19 du Pacte international des droits civils et politiques de 1966 reprend les mêmes termes, en les précisant : « Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

Plus récemment, la Convention des Nations Unies contre la corruption, ratifiée par le Maroc en 2007, constitue un puissant facteur susceptible de pousser les Etats à consacrer ce droit, même si le choix entre sa constitutionnalisation, ou son inscription dans une simple loi relève du choix de chaque pays. C’est ce que l’on peut déduire de l’article 13, alinéa 1, relatif à la « participation de la société » : « Chaque Etat partie prend des mesures appropriées, dans la limite de ses moyens et conformément aux principes fondamentaux de son droit interne, pour favoriser la participation active de personnes et de groupes n’appartenant pas au secteur public, tels que la société civile, les organisations non gouvernementales et les communautés de personnes, à la prévention de la corruption et à la lutte contre ce phénomène, ainsi que pour mieux sensibiliser le public à l’existence, aux causes et à la gravité de la corruption et à la menace que celle-ci présente. Cette participation devrait être renforcée par des mesures consistant notamment à : accroître l’accès effectif des processus de décision et promouvoir la participation du public à ces processus ; assurer l’accès effectif du public à l’information ; respecter, promouvoir et protéger la liberté de rechercher, de recevoir, de publier et de diffuser des informations concernant la corruption. Cette liberté peut être soumise à certaines restrictions, qui doivent toutefois être prescrites par la loi si nécessaires. »

Si la constitutionnalisation du droit d’accès à l’information est perçue comme un moyen de lui donner une garantie d’existence plus solide, il n’en demeure pas moins que la promulgation d’une loi spécifique demeure toujours nécessaire pour organiser avec plus de détails l’exercice de ce droit.

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Au Maroc, le plaidoyer en faveur du droit d’accès à l’information a toujours été dans le sens la consécration constitutionnelle d’abord. L’expérience de différents pays montre cependant la diversité des procédés choisis et la différence dans la démarche adoptée. Dans de nombreux cas, une loi spécifique sur le droit d’accès à l’information, peut s’avérer suffisante si elle est rédigée selon les principes directeurs reconnus en la matière, lesquels principes permettent sa mise en œuvre effective.

III. Eléments de droit comparé

Dans l’étude intitulée : « Liberté de l’information étude juridique comparative » (Unesco, 2008) réalisée par l’expert mondial Tony Mendel, ce dernier cite entre 48 à 55 pays qui consacrent le droit d’accès à l’information publique ou aux documents administratifs au niveau constitutionnel ; l’utilisation d’expressions différentes justifie la différence dans le nombre des pays recensés. T. Mendel précise que dans cinq de ces pays, le droit d’accès à l’information a été reconnu comme découlant implicitement du texte constitutionnel par les Cours suprêmes de ces pays. Dans certains pays, la constitution comprend des dispositions détaillées sur le droit à l’information, ce qui constitue en fait une élévation de règles de nature législative au niveau de règles constitutionnelles. L’exemple type de ce modèle est celui de la Suède de 1766, qui intègre dans sa constitution la loi sur la liberté de la presse. Dans la majorité des cas, une loi spécifique à ce droit intervient pour en fixer les modalités d’application.

Toutefois, on peut remarquer que la reconnaissance constitutionnelle du droit d’accès à l’information demeure la voie préférée, au niveau mondial. C’est ainsi que la reconnaissance de ce droit a connu une extension importante au cours des dernières années, notamment avec l’émancipation de nombreux pays qui ont adopté le pluralisme des partis ou se trouvent en transition démocratique. Il importe de noter que la garantie constitutionnelle du droit à l’information est généralement liée à celle d’autres droits qui constituent les bases de l’édification d’une société démocratique.

Au niveau des pays arabes, et jusqu’à une date récente, la Jordanie était le seul pays qui a adopté (en 2007) une loi garantissant aux citoyens le droit d’accéder à l’information dont dispose l’Etat. Selon le Rapport du Centre de la liberté de l’information et des médias pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord (CMF-MENA) à l’occasion de la journée internationale des droits de l’Homme en décembre 2010, « deux pays arabes, le Yémen et Bahreïn, sont en voie d’adopter une loi similaire et d’autres pays s’orientent à le faire. De même, le Liban est en train de préparer une loi garantissant le droit des citoyens d’accéder à l’information. Par contre, en Palestine, un projet en ce sens est gelé au niveau du Conseil législatif ».

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La Tunisie est le deuxième pays arabe à avoir adopté une loi en la matière. Le gouvernement provisoire a promulgué, le 26 mai 2011, un décret-loi garantissant le droit d’accès aux documents administratifs à l’exception de ceux de certaines administrations publiques (armée, police, justice…). Le décret-loi du 26 mai 2011 a été modifié par le décret-loi n° 45 du 11 juin 2011. Cette modification intervient dans le sens de la limitation du champ des exceptions à ce droit, ainsi que la réduction du délai d’entrée en vigueur du décret-loi.

Au Maroc, la société civile plaide depuis longtemps pour la reconnaissance du droit à l’information et l’accès aux documents administratifs. D’autre part, l’idée d’un projet de loi gouvernemental sur l’accès à l’information était en gestation. La réforme constitutionnelle de 2011 a été l’occasion de régler la question sur le plan du principe et établit pour la première fois le droit du public d’accéder à l’information.

IV. La reconnaissance du droit d’accès à l’information par la Constitution de 2011

On pouvait penser que depuis l’affirmation par le Maroc en 1992 de son attachement aux principes, droits et obligations découlant des chartes des organismes internationaux, et aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus (Préambule de la constitution révisée du 9 octobre 1992), il n’y avait pas d’obstacle juridique sérieux à ce que le droit d’accès à l’information soit reconnu, entre autres. Il n’en fut rien ; ce droit ne sera reconnu qu’à l’occasion de la réforme constitutionnelle de 2011, l’enjeu se situant semble-t-il au niveau politique.

Il convient d’examiner en premier lieu l’esprit général de la nouvelle constitution marocaine, devenu favorable à la reconnaissance de droits et de principes de bonne gouvernance ; nous verrons ensuite le contenu de l’article 27 de la constitution qui consacre le droit d’accès à l’information.

1. L’esprit général de la nouvelle constitution marocaine et le droit d’accès à l’information

La réforme constitutionnelle de 2011 a changé de manière fondamentale les données du problème. Elle introduit des dispositions qui réitèrent l’adhésion aux chartes internationales et établissent la primauté des instruments juridiques internationaux sur le droit interne, d’une part, la participation des citoyens à la gestion de la chose publique, d’autre part, et la proclamation de principes de bonne gouvernance.

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La consécration de la primauté des conventions internationales ratifiées par le Maroc sur le droit interne

Le préambule de la constitution de 2011, mieux rédigé et plus détaillé, réitère l’adhésion du Maroc aux chartes internationales et introduit pour la première fois la règle de la primauté des conventions internationales sur le droit interne. Cette dernière proclamation est importante dans la mesure où elle induit l’introduction en droit marocain de règles posées par pactes, traités et conventions dûment ratifiées par le Maroc. Elle impose aussi l’harmonisation de la législation nationale pour la rendre conforme aux règles internationales. Il importe dans ce cadre de citer les dispositions du préambule de la Constitution relatives à l’ensemble de cette question :

« Préambule :

Le Royaume du Maroc, membre actif au sein des organisations internationales, s’engage à souscrire aux principes, droits et obligations énoncés dans leurs chartes et conventions respectives.

Le Royaume du Maroc, Etat uni, totalement souverain, appartenant au Grand Maghreb, réaffirme ce qui suit et s’y engage :

– protéger et promouvoir les dispositifs des droits de l’Homme et du droit international humanitaire et contribuer à leur développement dans leur indivisibilité et leur universalité ;

– accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale. »

La démocratie participative

Le principe de la participation du public à la chose publique est affirmé pour la première fois au niveau constitutionnel. Il est évident que l’organisation de cette participation par la loi induit nécessairement l’information du public. Cette participation fait l’objet de l’alinéa 1 de l’article 6 de la constitution : « Les pouvoirs publics œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale. » L’alinéa 2 du même article est plus évocateur en ce qui concerne le droit à l’information, puisqu’il impose la publicité des normes juridiques : « Sont affirmés les principes de constitutionnalité, de hiérarchie et d’obligation de publicité des normes juridiques. »

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Des dispositions spécifiques établissent la participation des associations intéressées à la chose publique et imposent aux pouvoirs publics d’organiser cette participation, dont les conditions et les modalités feront l’objet d’une loi. C’est ce qui ressort des dispositions de l’article 12 de la constitution, alinéa 3 : « Les associations intéressées à la chose publique, et les organisations non gouvernementales, contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics. Ces institutions et pouvoirs doivent organiser cette contribution conformément aux conditions et modalités fixées par la loi. »

Toutes ces dispositions impliquent l’accès des citoyens et des organismes de la société civile à l’information.

Les principes et règles de bonne gouvernance

Des principes généraux de bonne gouvernance sont établis par la constitution. Elles insistent en particulier sur la notion de transparence des services publics, et sur la nécessité d’être à l’écoute des usagers et de leurs doléances. Ce qui exige dans tous les cas une information adéquate du public.

L’article 154 pose ce que la doctrine appelle les « lois du service public » dans les termes suivants : « Les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations. » Le même article prévoit que les services publics doivent être soumis aux « normes de qualité, de transparence, de reddition des comptes et de responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques consacrés par la Constitution » on peut donc penser légitimement que parmi les principes et valeurs démocratiques auxquels renvoie cet alinéa figure celui de l’information du public, qui fait l’objet de l’article 27.

Le terme transparence réapparaît dans l’article 155, qui dispose que : « Leurs agents (des services publics) exercent leurs fonctions selon les principes de respect de la loi, de neutralité, de transparence, de probité, et d’intérêt général. »

Quant à l’article 156, il impose aux services publics d’être à l’écoute des usagers et d’assurer le suivi de leurs observations, propositions et doléances.

Afin de mettre en œuvre ces dispositions, la constitution prévoit l’édiction d’une charte des services publics qui fixera l’ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement des administrations publiques, des régions et des autres collectivités territoriales et des organismes publics.

Il faut noter que même si ces dispositions relatives aux principes de bonne gouvernance ne concernent pas directement le droit d’accès à l’information, prévu par un article spécifique qui est l’article 27, elles permettent de dire que le droit à l’information doit être

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organisé par le législateur de la manière la plus large, en dépit ou peut-être en raison même du caractère laconique de l’article 27.

2. La consécration du droit d’accès à l’information : contenu de l’article 27 de la constitution et pistes de travail

Comme nous venons de le dire, l’article 27 est assez bref ; il pose le principe du droit d’accès à l’information, détermine les organismes intéressés, pose des directives générales pour l’établissement d’exceptions, et renvoie pour tout cela à une loi.

Le principe du droit d’accès à l’information est posé par l’alinéa 1 de l’article 27 dans les termes suivants : « Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public. »

L’expression « citoyennes et citoyens » semble exclure nécessairement du droit à l’information les résidents étrangers, qui peuvent bien avoir un intérêt à accéder à l’information publique. Cette expression est donc limitative et se justifie mal puisqu’elle est en contradiction avec d’autres dispositions constitutionnelles qui accordent aux étrangers les mêmes libertés fondamentales que les Marocains et leur accorde le droit de participer aux élections locales : « Les étrangers jouissent des libertés fondamentales reconnues aux citoyennes et citoyens marocains, conformément à la loi. Ceux d’entre eux qui résident au Maroc peuvent participer aux élections locales en vertu de la loi, de l’application de conventions internationales ou de pratiques de réciprocité. » (Article 30, alinéa 3). Le professeur Jamal Eddine Naji cite certains pays où « la présentation de demandes d’information n’est soumise à aucune restriction fondée sur la citoyenneté ou la résidence … » (Plaidoyer pour le droit d’accès à l’information, Transparency Maroc-UNESCO, janvier 2010).

D’autre part, le même caractère restrictif apparaît au niveau du terme information, car on ne peut valablement déduire du texte constitutionnel si le terme « information » fait également référence aux documents administratifs. Il s’agit ici de la question de la forme, ou plus exactement du support de l’information auquel le citoyen peut accéder. La loi pourra peut-être apporter des précisions à ce sujet.

Enfin, la liste des organismes qui peuvent être sollicités est également imprécise. En effet, dans la pratique législative marocaine, l’expression « administrations publique » signifie les administrations centrales de l’Etat ainsi que les services qui en dépendent au niveau territorial ; mais il faut y ajouter également les établissements publics, dont certains sont à caractère administratifs, et qui sont juridiquement des organismes publics gérant un service public administratif, ou industriel et commercial, ces derniers étant soumis dans leur organisation au moins au droit public. D’un autre côté, l’expression « institutions élues »

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n’est pas suffisamment claire. On peut penser immédiatement aux assemblées élues des différentes collectivités territoriales, qui sont les communes, les préfectures et les provinces, les régions, et leurs groupements territoriaux. Mais si cette interprétation est largement exacte, un double problème se pose en raison de l’imprécision de l’expression utilisée : d’une part, le texte constitutionnel demeure ambigu : d’une part, il aurait du préciser qu’il agit des institutions « publiques » élues, afin de rester dans la logique de l’alinéa 1 de l’article 27, d’autre part, en dehors des institutions élues des collectivités territoriales, il peut bien exister d’autres institutions élues qui ne font partie de cette catégorie. Encore une fois, la loi qui sera édictée devra apporter les précisions nécessaires sur l’ensemble de ces questions.

Les exceptions au droit d’accès à l’information font l’objet du second alinéa du même article 27. C’est ainsi que « Le droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la loi. »

Il existe bien entendu des exceptions de ce genre dans différents pays. Il est cependant clair que la constitution ne peut poser, comme le fait l’article 27, que des principes généraux de nature à guider le législateur. La loi sur le droit d’accès à l’information devra donc être rédigée avec beaucoup de soin, afin de garantir au mieux l’exercice de ce droit. Certes, il faut s’inspirer du travail de synthèse important qui a été réalisé par la société civile marocaine en ce sens. D’autres principes à caractère international ont également été développés, notamment par l’UNESCO et par l’organisation des droits de l’Homme « Article XIX ». Les pistes de travail pour l’élaboration d’une loi spécifique au droit d’accès à l’information doivent s’insérer dans le cadre des principes directeurs reconnus en la matière.

Une loi sur l’accès à l’information devra établir des règles claires et aussi exhaustives que possible relativement aux questions suivantes, en particulier : la définition du domaine public informationnel gouvernemental, la délimitation du champ d’application, le principe de la divulgation pro-active et la divulgation maximale de l’information, l’obligation de publier l’information, un régime limitatif des exceptions, les procédures pour demander l’information, les coûts, l’organe chargé de l’application de la loi, les voies de recours.

V. Le rôle de l’Institution du Médiateur dans la promotion du droit d’accès à l’information

L’Institution du Médiateur est créée par le dahir du 17 mars 2011, qui la substitue à celle de Diwan Al Madhalim. Le nouveau texte est plus développé, et en plus des nombreuses attributions qu’il confère au Médiateur, il consacre pour la première fois de

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nombreuses dispositions relatives au rôle de cette nouvelle institution dans la promotion du droit d’accès à l’information.

Nous examinerons ce rôle successivement à travers le dahir de création du Médiateur et du Règlement intérieur pris en application de ce dahir.

1. Les attributions du Médiateur en matière d’accès à l’information d’après le dahir du 17 mars 2011

L’article premier du dahir définit le Médiateur comme étant une institution nationale, indépendante et spécialisée qui a pour mission, dans le cadre des rapports entre l’administration et les usagers, de défendre les droits, de contribuer à renforcer la primauté du droit et à propager les principes de justice et d’équité, de procéder à la diffusion des valeurs de la moralisation et de la transparence dans la gestion des services publics et de veiller à promouvoir une communication efficiente entre d’une part, les personnes physiques ou morales, marocaines ou étrangères, et d’autre part, l’administration dans son sens le plus large (administrations de l’Etat, collectivités territoriales, établissements publics, les organismes dotés de prérogatives de la puissance publique, ainsi que tous autres entreprises et organismes soumis au contrôle financier de l’Etat).

Dans l’exercice de ses missions, le Médiateur est assisté au niveau central par des délégués spéciaux. L’article 19 du dahir prévoit la nomination d’un délégué spécial chargé de faciliter l’accès aux informations administratives. Quant aux médiateurs régionaux, nommés par le Médiateur, ils sont également chargés, en plus de leurs autres attributions, de renseigner et orienter les citoyens et inciter l’administration à établir une communication efficiente avec eux (article 23).

D’autre part, le Médiateur présente au Premier ministre, dans le cadre de ses attributions et en tant que force de proposition pour améliorer l’action de l’administration et la qualité des prestations publiques qu’elle fournit, des rapports spéciaux comprenant ses recommandations et ses propositions qui tendent, entre autres, à améliorer les structures d’accueil et de contact dans les différents services de l’administration, pour une communication efficiente avec les usagers (article 33).

2. Les attributions du Médiateur en matière d’accès à l’information d’après le règlement intérieur de l’Institution

Le règlement intérieur de l’Institution du Médiateur, pris en application de l’article 53 du dahir sus cité et publié le 7 juin 2012, consacre de nombreuses dispositions à la mise en œuvre par cette Institution du droit d’accès à l’information, et en fixe les conditions de l’exercice de ce droit.

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Dans son chapitre II, consacré à l’organisation centrale de l’Institution, le règlement intérieur réserve une section première aux délégués spéciaux du Médiateur. Le premier délégué spécial dont le règlement intérieur traite, est le délégué chargé de faciliter l’accès aux informations administratives.

C’est ainsi que le Délégué spécial chargé de faciliter l’accès aux informations administratives veille à ce que toute personne, ayant un intérêt personnel légitime, puisse exercer le droit d’obtenir de l’Administration, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, les informations qu’elle souhaite, indépendamment de leur contenu, du lieu de leur conservation, de leur forme ou leur support et, en cas de besoin, des copies ou photocopies des documents ou des instruments contenant ces informations. Il veille également à la prise de toutes les mesures appropriées pour la garantie de ce droit, en coordination avec les interlocuteurs permanents (article 11).

Bien entendu, seul celui qui a un intérêt direct dans un dossier ou une affaire le concernant, peut recourir au Médiateur ou au délégué spécial pour obtenir une information administrative, en précisant de manière claire le but recherché à travers l’information demandée (article 12).

Les demandes d’informations administratives injustifiées, ou dont le caractère abusif est perceptible de son caractère répétitif ou systématique sont classées par le Médiateur.

Lorsque l’Administration ne donne pas suite à la demande d’information souhaitée, pour n’importe quel motif, et si l’Institution est persuadée de l’existence de l’intérêt personnel légitime du plaignant, le délégué spécial concerné demande à l’Administration de lui faire parvenir, dans le délai qu’il fixe, des copies ou photocopies des documents ou instruments réclamés, quel que soit leur support matériel afin de les transmettre au requérant, sauf s’il s’agit d’information à caractère confidentiel, en vertu de la loi.

Enfin, certaines informations administratives ne peuvent être communiquées aux intéressés. La liste de ces exceptions est limitative. Elles concernent les actes des instances judiciaires revêtant un caractère confidentiel ; les actes préparatoires de la prise de décisions administratives ; les données à caractère personnel, telles qu’elles sont fixées par les textes relatifs à leur protection.

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