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TOME 34 N°4 Octobre 2006 ISSN 0300-4937 N°4 Revue du Service de santé des armées Médecine & Armées « Cœur et Armées »

Médecine - sssm45.free.frsssm45.free.fr/IMG/pdf/200610_Medecine_et_armees_4.pdf · 289 MÉDECINE ET ARMÉES Revue du Service de santé des armées T. 34 - n° 4 - Octobre 2006 Direction

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TOME 34 N°4 Octobre 2006ISSN 0300-4937

N°4

Revue du Service de santé des armées

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« Cœur et Armées »

Octobre 2006

289

MÉDECINE ET ARMÉES

Revue du Service de santédes armées

T. 34 - n° 4 - Octobre 2006

Direction centraledu Service de santé des arméesMédecine et Armées1, Place Alphonse Laveran,75230 Paris Cedex 05.

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

MGI PH. LOUDES

RÉDACTEUR EN CHEF

MG F. FLOCARD – Tél. : 01 40 51 47 01

RÉDACTEURS EN CHEF ADJOINTS

MC É. DARRÉ – MC A. SPIEGEL.

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION

Mme M. SCHERZI – Melle L. CHOLLETTél. : 01 40 51 47 44Fax : 01 40 51 51 76Email : [email protected]

TRADUCTION

MC M. AUDET-LAPOINTE

COMITÉ DE RÉDACTION

MC B. BARANGER – MCS B. BAUDUCEAU –MC A.-X. BIGARD – PHC P. BURNAT - MC J.-D. CAVALLO – MC É. DARRÉ– MC J.-M.DEBONNE – MG R. JOSSE - CDCS PH. KAHL -VBCS J.-C. KERVELLA – MC. J.-M. ROUS-SEAU – MC A. SPIEGEL.

COMITÉ SCIENTIFIQUE

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CONSEILLERS HONORAIRES

MGI PH. ALLARD – MGI M. BAZOT – MGI B.BRISOU – MCS A. CHAGNON – MGI L.COURT – MGI J.-P. DALY – MGA J.DE SAINTJULIEN - MGI R. FORISSIER – MGI M.FROMANTIN – MGI CL. GIUDICELLI – MGI J.KERMAREC – MGI CH. LAVERDANT – MGI P.LEFEBVRE – PGI LECARPENTIER – VBGI R.LUIGI – VBGI CL. MILHAUD – MGI J. MINÉ –MCS CL. MOLINIÉ – MCS J.-L. PAILLER – MGIJ.-M. VEILLARD – MGI J. VIRET – MG R. WEY.

ÉDITION

Délégué à l'information et à la communicationde la Défense (DICoD) - BP 33, 00450 Armées. Tél. : 01 44 42 30 11

ABONNEMENT (5 NUMÉROS PAR AN)

ECPAD/Service abonnements, 2 à 8 routedu Fort, 94205 IVRY-SUR-SEINE Cedex.Tél. : 01 49 60 52 44 - Fax : 01 49 60 52 68.Tarif des abonnements 1 an :• Métropole et DOM-TOM : 36,5 €• Métropole et DOM-TOM

militaires et - 25 ans : 25 €• Étranger : 47 €• Supplément port avion

DOM-TOM et étranger : 23 €Prix du numéro : 7,5 €Les chèques sont à libeller à l’ordre de l’agentcomptable de l’ ECPAD.

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Pôle graphique de Tulle – BP 290 –19007 Tulle Cedex.Tél. : 05 55 93 61 00Commission paritaire N° 0306 B 05721ISSN : 0300-4937

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Ghislaine PLOUGASTELwww.gplougastel.com

SOMMAIRE

Pages

291 • Éditorial.R. BRION

« CŒUR ET ARMÉES » : Physiologie

293 • Stress au cours du saut en parachute à très haute hauteur. Approche par l’étude de 38 holters ECG.L. AIGLE, J.-M. CHEVALIER, L. JOURNAUX, É. TREMSAL, Y. BODESCOT.

299 • Étude de la variabilité sinusale lors d’immersion totale longue durée en eau froide.G. CELLARIER, CL. ROBINET, L. MOUROT, A.-V. DESRUELLE, C. JÉGO.

305 • Influence de l’activité physique sur la distensibilité aortique.P. LAURENT, P. MARENCO, O. CASTAGNA, R. CARLIOZ, J.-P. MENU.

« CŒUR ET ARMÉES » : Rythmologie

311 • Évaluation de l’influence de l’activité sportive sur l’électrocardiogramme de jeunes incorporés.Apport d’une nouvelle méthode de traitement des données.J.- R. CAIGNAULT, S. GUÉRARD, V. GRIFFET, F. BERNARD, R. BRION.

315 • Anomalies de la repolarisation ventriculaire et aptitude médico-militaire.S. KÉRÉBEL, G. CELLARIER,C. JÉGO, Y. LEDOLLEY, F. BARBOU,L. CORGIE, R. POYET, P. LAURENT,G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ.

323 • Conduite à tenir devant une extrasystolie ventriculaire.G. QUINIOU, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON.

329 • Indications actuelles des techniques ablatives et incidence sur l’aptitude en milieu militaire.PH. HÉNO, L. BRAEM, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, E. BASTARD, PH. PAULE, P. VARLET, L. FOURCADE.

335 • Dysplasie ventriculaire droite arythomgène. Étiopathogénie, diagnostic, évolution, prise en charge et retentissement sur l’aptitude au service.PH. BRANDSTÄTT, J.-M. CHEVALIER, J.-M. RIGOLLAUD, F. BIRE, P.-L. MASSOURE, R. CARLIOZ.

« CŒUR ET ARMÉES » : Divers

343 • Diagnostic et pronostic de la cardiomyopathie hypertrophique en 2006. Acquis et incertitudes.P. GODON, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, G. QUINIOU.

349 • Myocardite à forme pseudo-infarctoïde du sujet jeune. Revue de la littérature à propos de troisobservations.X. ROUX, J.-M. CHEVALIER, Y.-M. GAVEAU, P. GODON, F. BIRE, R. BRION.

355 • Intérêt du scanner dans la maladie coronaire.O. GUIRAUDET, L. BONNEVIE, P. MARION, B. BOYER, D. MARTIN, X. CHANUDET.

361 • Insuffisance cardiaque en région tropicale. Prise en charge diagnostique et thérapeutique.PH. PAULE, PH. HÉNO, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, L. BRAEM, B. JOP, P. VARLET, J.-É. TOUZE, L. FOURCADE.

369 • Cœur et spondylarthropaties.U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON, G. QUINIOU.

375 • Syndrome de Tako-tsubo. Une ballonisation apicale transitoire du ventricule gauche.F. BARBOU, S. KÉRÉBEL, Y. LEDOLEY, C. JÉGO, P. LAURENT, G. CELLARIER, G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ.

379 • Syndrome du marteau hypothénar chez un jeune militaire.P.-L. MASSOURE, M. BEUSTES-STEFANELLI, E. DULAURENT, F. BIRE, J.-M. RIGOLLAUD, P. SHMOOR, S. SKOPINSKI, J.-M. CHEVALIER.

290

CONTENTS

Pages

« HEART AND ARMY » : PHYSIOLOGY

293 • Stress durind hight altitude parachute jumping. Approach by holter ECG.L. AIGLE, J.-M. CHEVALIER, L. JOURNAUX, É. TREMSAL, Y. BODESCOT.

299 • Heart rate variability during long duration total body immersion in cold water.G. CELLARIER, CL. ROBINET, L. MOUROT, A.-V. DESRUELLE, C. JÉGO.

305 • Aortic distensibility and physical activity.P. LAURENT, P. MARENCO, O. CASTAGNA, R. CARLIOZ, J.-P. MENU.

« HEART AND ARMY » : RYTHMOLOGY

311 • Assessment of influence of sport activity on electrocardiograms of young recruits. Utility of a data-processing new method.J.- R. CAIGNAULT, S. GUÉRARD, V. GRIFFET, F. BERNARD, R. BRION.

315 • Abnormalities of the ventricular repolarisation and military aptitude.S. KÉRÉBEL, G. CELLARIER,C. JÉGO, Y. LEDOLLEY, F. BARBOU,L. CORGIE, R. POYET, P. LAURENT,G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ.

323 • Premature ventricular complex: appropriate management.G. QUINIOU, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON.

329 • Radiofrequency catheter ablation of cardiac arrythima: indications and aptitude implications in military medicine.PH. HÉNO, L. BRAEM, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, E. BASTARD, PH. PAULE, P. VARLET, L. FOURCADE.

335 • Arrhythmogenic right ventricular cardiomypathy: etiopathogeny, diagnostis, evolution, management and aptitude to serve.PH. BRANDSTÄTT, J.-M. CHEVALIER, J.-M. RIGOLLAUD, F. BIRE, P.-L. MASSOURE, R. CARLIOZ.

« HEART AND ARMY » : MISCELLANEOUS

343 • Diagnosis and prognosis of hypertrophic cardiomyopathy in 2006: knowledge and uncertainty.P. GODON, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, G. QUINIOU.

349 • Myocarditis mimicking myocardial infarction in the young: review of the literature about three cases reports.X. ROUX, J.-M. CHEVALIER, Y.-M. GAVEAU, P. GODON, F. BIRE, R. BRION.

355 • Interest of computed tomography in coronary artery disease.O. GUIRAUDET, L. BONNEVIE, P. MARION, B. BOYER, D. MARTIN, X. CHANUDET.

361 • Heart failure in the tropics: diagnosis and treatment.PH. PAULE, PH. HÉNO, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, L. BRAEM, B. JOP, PH. VARLET, J.-É. TOUZE, L. FOURCADE.

369 • Cardiovascular diseases in spondylarthropathies.U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON, G. QUINIOU.

375 • Tako-tsubo syndrome: a left ventricular transient apical ballooning.F. BARBOU, S. KÉRÉBEL, Y. LEDOLEY, C. JÉGO, P. LAURENT, G. CELLARIER, G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ.

379 • Hypothenar hammer syndrme in a young military.P.-L. MASSOURE, M. BEUSTES-STEFANELLI, E. DULAURENT, F. BIRE, J.-M. RIGOLLAUD, P. SHMOOR, S. SKOPINSKI, J.-M. CHEVALIER.

ÉDITORIAL

médecine et armées, 2006, 34, 4

Il nous faut avant tout remercier la rédaction de la revue Médecine et Armées d'avoirconsacré à la cardiologie militaire un numéro thématique. Ce projet a abouti grâce à ladétermination de son coordonnateur, le médecin en chef J.-M. Chevalier et à laparticipation de presque tous les services de cardiologie des Hôpitaux d’instruction desarmées qui ont produit une belle diversité de synthèses attractives et de travauxoriginaux dans leurs domaines d'excellence.

Cette revue est également l’occasion de s’interroger sur ce que représente aujourd’huila cardiologie militaire.

Entité dynamique qui s'est très bien adaptée à l'évolution spectaculaire de lacardiologie, elle a une identité forte à laquelle ses acteurs (présents ou passés) ont unsentiment marqué d'appartenance.

Depuis 1991, les cardiologues militaires se réunissent chaque année. Ces réunionsinitialement organisées à l’HIA du Val-de-Grâce par le médecin chef des services horsclasse J.-P. Ollivier se sont dans un second temps déplacées dans d’autres HIA avec unsuccès constant encore renforcé par la participation plus récente des paramédicaux.Ces réunions contribuent indiscutablement à unir la spécialité.

Depuis 2005, la cardiologie militaire a franchi un cap important au sein de la Sociétéfrançaise de cardiologie (SFC) avec l’institutionnalisation d’une séance de cardiologiemilitaire au sein des « Journées européennes de la Société française de cardiologie ».Cette séance, sous l’égide de la Société française de médecine des armées et de laSociété française de médecine aéronautique et spatiale, nous assure un espaced’expression annuel dans le congrès international phare de la SFC (8000 cardiologues)et témoigne de la reconnaissance de notre spécificité par les instances scientifiquesciviles de la cardiologie.

Tout ceci est excellent mais est-ce suffisant ? Je ne le crois pas.

Parmi les acteurs de la cardiologie militaire on compte une quarantaine de praticiensqualif iés, une dizaine d’internes et assistants en formation, sans oublier nos

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médecine et armées, 2006, 34, 4292

indispensables ESR et vacataires. Si l’on compare le nombre des praticiens militairescertifiés au nombre de cardiologues civils en France il apparaît que nous représentonsenviron 0,6 % du nombre global des spécialistes en cardiologie et environ 2 % dunombre des cardiologues exerçant exclusivement en centre hospitalier public.

Ces chiffres mettent en évidence le fait que si chacun des neuf services ne représentequantitativement que peu de chose, la cardiologie militaire regroupée représente unnombre de praticiens loin d’être négligeable.

Or, lorsque l’on analyse le sommaire de cette revue, on s’aperçoit vite que pas uneseule publication ne relate un travail multicentrique émanant de plusieurs de noshôpitaux militaires. Force est de constater sur ce plan un éclatement en neuf entités. Sinous voulons exister à l’échelle universitaire et faire émerger une « école de lacardiologie militaire française » ce ne pourra être qu’à travers des travauxsuffisamment étayés pour qu’ils s'imposent comme des références internationales etpour cela il sera indispensable d’unir nos données. Nous avons des domaines deprédilection comme les limites de la normalité, le retentissement de l’entraînementphysique, l’influence des conditions extrêmes, la mise en évidence des pathologies del’adulte jeune, le suivi régulier des populations dont nous avons la charge etc.Probablement devrons-nous également nous allier à d’autres spécialités devenuesproches comme l’endocrinologie et la pathologie métabolique.

Croyez bien que si nous ne saisissons pas rapidement et à l’échelle nationale les sujetsqui relèvent de nos spécificités d’autres le feront à notre place.

La nouvelle École du Val-de-Grâce pourrait être le support de ce type d’actioncommune qui devra nécessairement impliquer nos internes. Un « conseil scientifiquede la spécialité » pourrait être créé, avec une représentation de chaque service etl’objectif de définir des projets communs à plus grande échelle…

Ma génération de chefs de service a œuvré pour donner des moyens adaptés à chacundes services de cardiologie des HIA et à développer un véritable professionnalisme. Jecrois que dans l’ensemble elle y a bien réussi. La génération suivante des chefs deservices qui se met progressivement en place aura à bâtir la transversalité entre lesservices, condition qui sera indispensable pour que la cardiologie militaire conquièretoute la place qu’elle mérite.

MGI Richard Brion

HIA Desgenettes, Lyon

Dossier « Cœur et Armées » : Physiologie

médecine et armées, 2006, 34, 4 293

STRESS AU COURS DU SAUT EN PARACHUTE À TRÈS GRANDE HAUTEURApproche par l’étude de 38 holters ECG

Le saut opérationnel à très grande hauteur avec dérivesous voile est un concept aéroporté récent permettant deparcourir une grande distance sous voile, puis de se poserdiscrètement avant de réaliser une mission commando dejour et surtout de nuit. Pour étudier les réactionscardiovasculaires de ce type de saut extrême, nous avonsposé 38 holters rythmiques ECG (13 sauts de jour, 17sauts de nuit et 8 vols avec intention de saut) chez 18parachutistes très expérimentés (610 sauts et 32 ans enmoyenne). Comme prévu, les variations de fréquencecardiaque (Fc) scandent les différentes phases de saut :équipement, montée dans l’avion, dénitrogénation,accélération franche lors du saut, décroissance très lentelors de la dérive sous voile et rebond juste avantl’atterrissage. Aucune anomalie rythmique ou ischémiquen’a été enregistrée. Mais de nuit, la Fc d’un mêmeparachutiste est toujours significativement plus élevée quede jour, traduisant le stress psychologique engendré parles conditions environnementales extrêmes. Cette étudeconfirme que l’entraînement diminue les réactions destress (et donc la Fc) au fil des sauts et que lesparachutistes ont su gérer au mieux des incidents de saut,situations parfois très dangereuses se traduisant par uneaugmentation franche de la Fc sans trouble du rythme.

Mots-clés : Holter ECG. Parachutisme à très hautealtitude. Stress.

RÉSUMÉ

STRESS DURING HIGHT ALTITUDE PARACHUTEJUMPING. APPROACH BY HOLTER ECG.

The high altitude parachute jumping, with drift undersail is a recent concept allowing to cover a long distance,then to land discreetly before realising his militarymission daily or nightly. To study cardiovascular’sreactions of this extreme parachute jumping, we placed38 holters ECG (13 daily jumps, 17 nightly jumps and 8flights with jump intention) on 18 parachutists well-trained (mean 610 jumps and 32 years old). As planned,the variations of the cardiac frequency scan the differentevents of the jump. No rhythmical or ischemic abnormitywas registered. But by night and for the sameparachutist, the cardiac frequency is significantly higherthan by day, translating the psychological stressconsecutive to the extreme environmental conditions.This study confirms that training lowers the reactions ofstress (then the cardiac frequency) jump after jump, andwhen incidents occur, the parachutists may be able tomanage dangerous situations with an important butnormal increase of the cardiac frequency.

Keywords : Holter ECG. Parachuting at very high level.Stress.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 293-298)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Le saut opérationnel à très grande hauteur (SOTGH) avecdérive sous voile est un concept récent d’opération aéroportée révélé au grand public par la très médiatiséetraversée de la Manche en tandem réussie le 7 novembre1999 par deux militaires français (largage à 8200 mètres,40 km parcourus en 27 minutes). Effectué à haute altitude(> 5 000 mètres) sous oxygène pur et avec ouvertureimmédiate du parachute après la sortie de l’avion, son butest l’infiltration discrète de personnels expérimentés en territoire hostile. L’objectif de ce travail (1) est d’appro-

cher les réactions cardio-vasculaires de stress engendréespar ce type de saut extrême en enregistrant l’activité électrocardiographique par la méthode holter ECG (étudedes variations de fréquence, recherche d’une éventuelleextrasystolie aux deux étages, voire d’une ischémie) chezdes parachutistes militaires très expérimentés et sansfacteur de risque cardio-vasculaire. Après un rappel sur le SOTGH et ses différentes contraintes matérielles,physiologiques et psychologiques, nous décrirons lesmodalités de l’étude avant d’en présenter les résultats.

II. CONTRAINTES DU SAUT OPÉRATIONNELÀ TRÈS GRANDE HAUTEUR.

Le SOTGH est une activité militaire parachutiste de hautetechnicité. Dans un but opérationnel (inf iltrationd’agents, actions commando, mise en place d’équipes de

L. AIGLE, médecin principal. J.-M. CHEVALIER, médecin chef des services,praticien confirmé. L. JOURNAUX, médecin en chef. É. TREMSAL, médecin enchef. Y. BODESCOT, directeur des activités holter, Ela France.Correspondance: J.-M. CHEVALIER, Service de cardiologie, HIA Robert Picqué,BP 28, 33998 Bordeaux Armées.

L. AIGLE, J.-M. CHEVALIER, L. JOURNAUX, É. TREMSAL, Y. BODESCOT

DOSSIER

recherche), des parachutistes sont largués à très haute altitude sous oxygène pur, le plus souvent de nuit (plus de4500 m jusqu'à 7500 m). Ils ouvrent leur parachute dès lasortie de l’avion et effectuent ensuite une dérive sous voile(DSV) qui sera variable, en durée (10 à 30 minutes) et endistance (en moyenne une vingtaine de km, mais parfoisjusqu’à 40 km) selon de nombreux paramètres (altitude de largage, direction et intensité des vents, terrain plat ouaccidenté, etc.). Ce type de saut entraîne à la fois descontraintes physiologiques et des réactions de stress (2, 3),mais aussi des contraintes importantes d’ordre technique(avion particulier, qualification des personnels, matérielsspécifiques). En effet, ces parachutistes emportent jusqu’à80kg de matériel (fig.1) pour réaliser ce type de saut: deuxparachutes, une bouteille d’oxygène pur au masque, unsystème de vision nocturne, des moyens sophistiqués detransmission, l’armement, le matériel de survie, etc.

A) CONTRAINTES PHYSIOLOGIQUES

Les contraintes liées à l’altitude et à ce type de vol sontmultiples (4, 5) :– baisse de la température liée à l’altitude (à 6000 m il fait- 40 °C);– grande vitesse de chute initiale sous voile (10 m/s) enraison de la moindre densité de l’air dans les hautescouches de l’atmosphère ;– le vent relatif est un facteur aggravant la sensation de froid (wind chill factor) ;– la longueur des vols impose des contraintes positionnelles (ankylose des jambes par le harnais), de mobilisation des commandes de vol (difficile maintienprolongé des bras en l’air) et des difficultés de concen-tration nécessaire à la navigation de nuit avec jumelles de vision nocturne.L’ hypobarie d’altitude intervient sur l’organisme partrois mécanismes :– la diminution de la pression barométrique (loi de Boyle-Mariotte) responsable de barotraumatisme essentiellement lors de la chute libre initiale ;– la diminution de la pression partielle en oxygèneresponsable d'hypoxie aiguë qui peut avoir des conséquences dramatiques sur la vigilance (6) et quiimpose la respiration d’oxygène pur pendant toute ladurée du vol et de la dérive sous voile. Dès 4 500 m, leseffets de l’hypoxie sont multiples, avec perturbation de lamotricité, altération de la vision, atteinte psychique avecperte des capacités intellectuelles (6). Seule l’auditionrésiste à l’hypoxie et peut donc servir de moyen de sauve-tage ultime (importance des liaisons radiophoniques) ;– la diminution de la pression partielle en azote observéelors de la montée en altitude est responsable de la patho-logie de décompression (lois de dissolution des gaz deHenry) à la sortie de l’avion. En aéronautique, les formesgraves sont heureusement rares. Cette décompression desgaz est prévenue par la dénitrogénation qui consiste en larespiration préalable d’oxygène pur pendant toute la duréede vol (vol stationnaire à une altitude cabine de 1 500 menviron pendant une durée variable en fonction de lahauteur de largage) afin d’éliminer la plus grande partie del’azote résiduel. Cette oxygénation sera poursuivie durantla dérive sous voile jusqu'à l’arrivée au sol (fig.2).

294 l. aigle

Figure 1. Chuteur opérationnel équipé. Figure 2. Longue dérive sous voile.

B) CONTRAINTES DE STRESS PSYCHO-LOGIQUE (3, 7-9).

Le stress psychologique est un élément constant et majeurlors du saut en parachute que ce soit chez le débutant (10)ou le confirmé (4, 7) lors de sauts à ouverture automatique(4, 11) et à ouverture retardée (12) avec une gestion trèsindividuelle du stress. Lors du SOTGH, le stress est biensûr lié à ce type de saut que l’on peut qualifier d’extrême,mais aussi à l’anticipation de la mission à venir. Lesconséquences d’une mauvaise gestion de ce stresspeuvent entraîner des fautes de procédure lors des inci-dents de saut (retard à l’ouverture du parachute, mauvaiseadhérence du masque, mauvais réglage des jumelles devision nocturne, etc.), une dépense énergétique plusimportante et surtout un épuisement psychique majeuravant même que la mission au sol ne débute.

III. ÉTUDE.

L’objectif a été d’approcher les réactions de stress lors duSOTGH en enregistrant de façon continue l’électrocar-diogramme par la méthode holter ECG, enregistrant ainsiles variations de la fréquence cardiaque durant toutes lesphases du saut, de l’équipement jusqu’à l’arrivée au sol etaprès si possible. Les enregistrements permettantd’étudier chez un même parachutiste la variation de Fcentre un saut de jour et un saut de nuit, entre des sautssuccessifs, lors des incidents de saut et lors des vols avecintention de saut (qui sont des vols avec équipementcomplet mais annulation du saut pour des raisons techniques, météorologiques le plus souvent).

A) PERSONNELS ÉTUDIÉS.

Se sont portés volontaires lors d’une campagne de SOTGH en septembre 1999 18 militaires de carrièreappartenant au Commandement des opérations spéciales. Tous ces hommes étaient très expérimentés,avec une moyenne d’âge 32 ± 3,2 ans, plus élevée que celle trouvée dans les unités parachutistes conven-tionnelles. Ils étaient tous des sportifs de très bon niveau, sans antécédent personnel ou familial notable.Seuls deux parachutistes étaient fumeurs réguliers. Leur examen clinique était rigoureusement normal avec une fréquence cardiaque moyenne de 63,7 ± 6,5bpm. Leur pression artérielle systolique était en moyennede 124,5 ± 5,2 mmHg et la diastolique de 71,8 ± 9,8mmHg. C’étaient des hommes parfaitement stables sur le plan psychologique, ayant bénéf icié de nombreux tests de sélection préalable. Leur expérience parachutiste est bien sûr significative,notamment en chute libre avec un minimum de 250 sautscommandés et un maximum de 1 500, soit une moyennede 610 ± 330 sauts. Le nombre de sauts à très grandehauteur (SOTGH) était bien sûr beaucoup plus limité (14± 5 sauts en moyenne, extrêmes de 5 à 25 sauts), car cetteactivité est d’introduction récente avec un nombre trèslimité (et très onéreux) de campagne de sauts.

B) MATÉRIEL.N’ayant pu bénéficier d’un soutien institutionnel (projetde recherche refusé car jugé sans intérêt médico mili-taire !) nous avons utilisé du matériel aimablement prêtépar la société ELA médical avec 5 holters rythmiques detype SYNEFLASH et 10 cartes mémoires type SYNESISde 20 méga-octets. Le holter se compose d’un boîtier defaible encombrement (130 x 90 x 25 mm) et de faiblepoids (290g) avec un écran à cristaux liquide et un raccordà cinq pistes. La séquence de mise en marche du holter estsimple et rapide. L’unité centrale de la société ELAMédical nous a aussi été prêtée avec le logiciel d’interpré-tation SYNETEC qui a permis de sauvegarder sur placel’ensemble des holters puis une analyse secondaire.Après dégraissage de la peau, tous les holters ont étéposés de la même manière juste avant que les parachu-tistes ne s’équipent. À l’issue du saut, les données étaientsauvegardées dans des fichiers individuels de l’unitécentrale puis les cartes mémoires étaient réinitialiséespour une nouvelle utilisation.

C) MÉTHODE D’ANALYSE.Avant de pouvoir analyser les variations de Fc et dusegment ST, un important travail de nettoyage des tracés aété nécessaire. Il a consisté en la validation de toutes lesmorphologies de QRS en commençant par les véritablesartefacts puis les complexes normaux et supra-ventricu-laires pour finir par les vraies ESV (peu nombreuses).Ensuite, la bonne position des curseurs pour l’intervalleR-R a été vérif iée. Puis, il a fallu valider la totalité des zones artefactées (ligne de base instable, défaut dereconnaissance des complexes QRS) en revalidant sinécessaire chaque battement tant en terme de positionne-ment que d’identification. Le T0 (heure de largage) aensuite été déterminé en réalisant un zoom sur le pic de Fcet en le comparant avec l’horaire connu du largage, puisvalidation déf initive. À l’issue de ce long travail de« nettoyage-validation » nécessaire pour obtenir destracés fiables, les données de Fc ont été exportées dans unfichier texte par périodes de 30 secondes, puis importéesdans un f ichier EXCEL et alignées sur le T0. Pourl’analyse statistique des données, une loi polynomialed’ordre 4 a été utilisée pour le tracé de la Fc, car elle seulepermettait d’obtenir des coefficients de corrélation lesplus élevés possibles ainsi que la meilleure approche de laréalité des courbes. Rapidement après le début del’analyse, de grosses variations dans les écarts-type ontcontraint de modifier la méthode d’étude en moyennantles intervalles par minute puis en réalisant une moyenneglissante lissée sur quatre minutes, pour améliorer lecoefficient de corrélation. Lors de l’analyse globale etstatistique des holters par la société ELA Médical, deuxtracés ont dû être rejetés car non exploitables.

D) LIMITES DE LA MÉTHODE.Nous avons dû faire face à de nombreux problèmes. Lepremier, a été la conception artisanale du protocoled’étude dans le cadre d’une thèse de doctorat en médecine, sans f inancement institutionnel et avec

295stress au cours du saut en parachute à très grande hauteur

DOSSIER

uniquement la bonne volonté des médecins parachutisteset le prêt gracieux du matériel par la Société Ela Medical.Le second problème a été l’attente d’une campagne deSOTGH. Cette campagne, plusieurs fois repoussée,dépendait de nombreux paramètres dont la disponibilitéd’un avion, de différents techniciens et de la météorologiecar les enchaînements de sauts sont toujours sous sadépendance. La météo sera plutôt favorable mais denombreux problèmes d'avionique perturberont certainssauts. En pratique, nous n’avons été prévenus que quinzejours avant le début de la campagne de SOTGH. Il a doncfallu récupérer rapidement tout le matériel d'enregistre-ment et d'analyse, apprendre à le manier et définir unprotocole d'étude. Puis il a fallu prendre contact avec lesmédecins parachutistes assurant le soutien médical de lacampagne afin qu’ils transmettent auprès du commande-ment la demande d’autorisation de réaliser cette étude.Tous ces problèmes techniques et ces contraintes expli-quent surtout que nous n’ayons pas eu le temps de biendécrire aux parachutistes l’intérêt de garder les holtersplus d’une heure voire 24 heures après le saut. Il n’y a paseu de problème avec le matériel de la société ELA, simpled’emploi, fiable et très solide. Il n’y a pas eu de perte dedonnées grâce à un délai minimum entre le recueil et lasauvegarde. Enfin, il n’y pas eu de défaut de stockage, etl’activité musculaire n’a pas perturbé le signal. Secondai-rement, nous avons constaté qu’il aurait fallu recueillir defaçon plus précise les horaires de largage et surtoutd’arrivée au sol pour affiner les résultats. Ceci aurait puêtre facilement réalisable car il y avait un médecin en souteet un autre au sol susceptibles de relever ces horaires.

IV. RÉSULTATS.

Au cours de cette campagne de SOTGH, 39 holters ECGont été mis en place. Un des holters n’a pas fonctionnépour une raison inconnue. Sur les 38 autres holters posés,8 parachutistes ont été équipés correctement mais lessauts n’ont pas eu lieu (vols avec intention de saut) pourdes raisons matérielles et d’avionique. Secondairement,deux tracés holter ECG ont été exclus car non exploi-tables. Au total, 28 holters avec dérive sous voile serontété réalisés : 12 lors d’un saut de jour (entre 5 600 et6300 m), 16 lors d’un saut de nuit (5600 m), 7 personnelsayant sauté une fois de jour et une fois de nuit.L’horaire de largage a été défini comme T0. Pour l’étude,nous avons réalisé les moyennes des données en prenantcomme un intervalle de temps de 120 minutes avant T0 et60 mn après.Pour les huit vols avec intention de saut, les enregistre-ments s’arrêtent dans l’avion à différentes phases de laprocédure de dénitrogénation. Ils sont étudiés à part.

A) HOLTERS RYTHMIQUES DE 28 SOTGH.

La f igure 3 représente le diagramme des fréquencescardiaques moyennes des 28 sauts (en jaune), des 12 sautsde jour (en bleu) et des 16 sauts de nuit (en rouge). Que cesoit de jour comme de nuit, on individualise facilementhuit périodes. La phase d’équipement au sol (1) est longue

et fastidieuse (vérification du matériel). Ici les modifica-tions de la Fc (qui varie de 95 à 105 bpm environ) sontdues principalement à un effort physique (équipement,longue station debout). En vol (2), les parachutistes sontassis au repos complet et n’ont aucune tâche à effectuer.Ils respirent de l’oxygène pur et leur fréquence cardiaquediminue très lentement mais dans des proportionsmoindres que l’on aurait été en droit d’attendre chez ceshommes entraînés au repos. Pendant la dénitrogénation(une heure environ), la Fc moyenne est de 85 bpm. Danscette situation, le stress psychologique est l’élémentfondamental responsable de la tachycardie relativepersistante. Viennent ensuite les deux pics de Fc (3 et 4)correspondant à des efforts physiques en soute avant lasortie de l’avion. En ce qui concerne les pics de Fc à lasortie et à l'ouverture du parachute (5), ils sont quasimentsimultanés car l'ouverture de la voile est très précoce(dans les cinq premières secondes). On trouve des valeursmoyennes à 132 bpm le jour et 154 bpm la nuit avec desextrêmes de 180 bpm, toujours inférieures aux Fc maximales théoriques. Juste après l'ouverture, on note unpetit décroché dans la courbe (6) qui s'explique par lesmanœuvres à réaliser pour la navigation (tour d’horizon,vérification de l’azimut) et la sécurité de la dérive sousvoile. Lors de cette dérive sous voile (7), on note unedécroissance lente et régulière de la Fc, passant enmoyenne à 105 bpm en dix minutes de vol. L'autre caractéristique de ces sauts est la phase d'atterrissage (8)qui entraîne un ressaut tachycardique modéré en fin devol. Celui ci est lié à la crainte d’un obstacle imprévu, aulargage près du sol de la gaine contenant le matérielemporté et à la difficulté du poser avec tout l’équipement.Lors de cette dernière phase, la Fc passe à 115 bpm enmoyenne. Le dernier pic d’accélération (9) correspond audéséquipement, avec l’euphorie relative post stress (3, 8)sans différence entre un saut de jour ou de nuit.Lors des douze sauts de jour (fig. 3, tracé en bleu), onretrouve un tracé similaire à celui des 28 sauts moyennésmais décalé vers des fréquences cardiaques plus basses

296 l. aigle

Figure 3. Diagramme des fréquences cardiaques moyennes des 28 sauts (enjaune), des 12 sauts de jour (en bleu) et des 16 sauts de nuit (en rouge). 1 = longéquipement au sol ; 2 = assis dans l’avion avec dénitrogénation en O2 pur ; 3 et4 = lever et efforts en soute ; 5 = sortie de l’avion et ouverture immédiate ; 6 = vérification de l’azimut ; 7 = dérive sous voile ; 8 = atterrissage ; 9 = déséquipement.

(moins dix bpm) sur l’ensemble de l’enregistrement, ce quiest classique. La moyenne de Fc sous voile est de 98 bpm.C’est la seule étude dans la littérature qui rapporte les variations de Fc lors des sauts de nuit. En effet, les réac-tions cardiovasculaires ont été plusieurs fois étudiées parla méthode holter (8, 11, 13-15) mais toujours lors desauts diurnes. Lors des 16 sauts de nuit enregistrés (fig. 3,ligne rouge), on retrouve les huit périodes pré décritesmais avec un Fc toujours au moins supérieure de 10 voire15 bpm par rapport à la même période en saut de jour. Quece soit lors de la dénitrogénation assis dans l’avion ou lorsdes mouvements de vérification de matériel en soute. Lepic de Fc au largage est à 154 bpm en moyenne la nuit (soit22 bpm de Fc en plus que le jour) ce qui traduit bien lestress psychologique engendré par le saut de nuit. Ladifférence est encore plus caricaturale lors de la dérivesous voile où la Fc est toujours supérieure à 110 bpm, soit20 bpm de plus que le jour. Enf in, malgré un strict repérage préalable et des cartes très précises, la crainted’un obstacle non vu à l’arrivée au sol (fossé récemmentcreusé, souche d’arbre non arrachée, f il de fer tendurécent) angoisse toujours ces grands professionnels (16,17). L’étude montre que de nuit la différence est significa-tive pour les variations de la Fc par rapport à celles de jour,et que cette variation est essentiellement due au stresspsychologique car les contraintes matérielles et environ-nementales (froid, etc.) sont les mêmes hormis l’obscuritéet le port de jumelle à vision nocturne. Lors d'étudesprécédentes à l'ETAP (4), des vols avec intention de saut(VIS) avaient été enregistrés chez des novices lors deSOA. Il avait été noté, après une courte phase de tachycardie liée à l’agitation du personnel de soute, unebradycardie relative dès l'annonce de l'annulation du saut.

B) HUIT HOLTERS LORS DE VOL AVECINTENTION DE SAUT.

Lors des huit VIS (5 de jour et 3 de nuit) les résultats sur laFc sont différents chez ces parachutistes très expéri-mentés. L'annulation du saut n'a pas l'effet « libérateur destress » comme chez de jeunes recrues (4) et la fréquencecardiaque poursuit sa rapide décroissance vers une valeurproche de la Fc de repos. C'est une nouvelle preuve del'adaptation émotionnelle due à l’entraînement. Cecinous permet aussi de confirmer que lors d’un vol normal,la Fc ne descend pas sous les 75 bpm traduisant bien laconcentration et le stress physiologique d’avant saut.

C) SEPT PERSONNELS ONT EFFECTUÉ UNSAUT DE JOUR ET UN SAUT DE NUIT.

Pour chacun d’eux, la différence est significative avec uneFc de nuit toujours plus élevée que celle de jour (pour l’undes personnels, la Fc maximale de nuit est de 160 bpm, laplus basse de jour au même moment est de 80 bpm). Unparachutiste (tab. I) a effectué les 8, 10 et 11 septembre1999 trois sauts de jour dans les mêmes conditions. Si lachute et l’ouverture du parachute entraînent une réactioncatécholergique identique, on constate une nette diminution de la Fc en récupération post saut. On peut en

déduire que la répétition des sauts permet une meilleuregestion du stress et donc une meilleure maîtrise de l’activité. Ce qui confirme l’importance de l’entraîne-ment pour des activités à risque comme le SOTGH, leparachutiste devant être immédiatement apte à débuter samission le plus souvent en milieu hostile et inconnu.

D) INCIDENTS DE SAUT.

Au cours de cette étude, 4 incidents de sauts ont été enregistrés :– 2 à la sortie de l’avion (retard d’ouverture du parachutede 3 à 6 secondes) ;– 1 sous voile (inefficacité des jumelles à vision nocturne) ;– et 1 à l’atterrissage (obstacle imprévu sur l’aire de poser).Lors d’un saut de nuit, le parachutiste P.S. fait sa séquenced’ouverture mais sans succès. La voile se libère enfinaprès six secondes. Pour un chuteur de son expérience,cela reste une situation extrêmement anxiogène mais quia été analysée de manière sereine (il se laissait encore troissecondes avant de tirer sur la poignée du parachute deréserve). L’ECG parle de lui même, montrant une tachycardie importante sur la durée de l’incident (165bpm) et un lent retour à la normale. Alors que pour lemême saut de jour sa Fc était à 91 sous voile. Vingtminutes après le saut, la Fc était toujours sinusale à 105bpm après l’incident de saut, alors qu’il était préalable-ment à 86 bpm sans incident. Le parachutiste A. Ch.effectue un saut de nuit avec un système de visionnocturne cassé (fig.4). Ceci se traduit par une tachycardiequi s’est prolongée tout le vol (Fc moyenne à 135 bpmsous voile) alors qu’elle était à 120 bpm lors d’undeuxième saut avec jumelles à vision nocturne.Les quatre incidents ne sont pas « critiques » si on se placedans un contexte de parachutisme de loisir. Ils prennent iciune tout autre signification: décider de libérer une voile etde repartir en chute libre avant d’ouvrir le parachute desecours de nuit, en charge sous oxygène et à 5600 mètresn'est pas une situation que tout un chacun est à même degérer facilement. L'expérience, la gestion du stress et desévénements sont des éléments capitaux mais qui n'empê-chent pas une tachycardie réactionnelle plus ou moinsintense liée à la décharge physiologique d'adrénaline.Mais les fréquences maximales retrouvées (de l’ordre de180 bpm), restent en deçà des valeurs de la FMT. Surtout,aucun trouble du rythme auriculaire ou ventriculaire significatif n’a été révélé. Dans d'autres études (10, 18)

297stress au cours du saut en parachute à très grande hauteur

DOSSIER

Tableau I. Évolution de la Fc après le saut d’un même parachutiste ayantréalisé trois SOTGH diurnes à trois jours d’intervalle.

Temps après T0 08 /09 10/09 11/09

+ 5 minutes 87 84 86

+ 9 minutes 90 85 82

+ 15 minutes 101 84 81

+ 20 minutes 95 84 84

+ 25 minutes 117 105 108

sans notion d'incident, des sujets plus novices passentlargement au-dessus des 200 bpm. Ceci traduit bien lacapacité à gérer différemment de tels événements.

V. CONCLUSION.

Ce travail représente la première étude des variations defréquence cardiaque lors des sauts en parachute de nuit(jamais décrit) et de jour, qui plus est à grande hauteur (> 5 000 m) en respiration d’oxygène pur et dans desconditions d’atterrissage parfois difficiles. Cette étude apermis d’obtenir un tracé ECG continu caractéristique du

SOTGH de jour et de nuit, avec ses différentes phases :équipement initial, long vol assis en cabine pressuriséeavec dénitrogénation, puis saut agressif à très grande altitude (froid, hypoxie, accélération), puis assez longuedérive sous voile et atterrissage en milieu parfois hostile.Les réactions cardio-vasculaires de stress sont franchespour des personnels très entraînés sans toutefois dépasserla FMT ni révéler d’anomalie rythmique. La Fc des sautsde nuit est significativement supérieure de dix bpm aumoins à celle de jour lors de toutes les phases du saut et duvol sous voile, tant individuellement que collectivement.La succession de sauts entraîne une diminution relative de la Fc moyenne et donc du stress témoignant de l’impor-tance d’un l’entraînement régulier. Lorsque le parachutisteest équipé mais n’a pas sauté, il n’y a pas d’appréhensiondu saut. Par ailleurs, lors des incidents de saut, l’expériencea permis une bonne gestion des situations.Le SOTGH doit donc être considéré comme un parachu-tisme de l’extrême, qui nécessite une sélection médicaleet technique rigoureuse des candidats.Il serait très intéressant d’envisager une préparationmentale pour ces chuteurs comme cela se pratique déjàdans de nombreux sports de haut niveau, car cette étuderévèle un stress anticipatoire franc pour des chuteurs trèsentraînés qui, une fois au sol, auront besoin de toutes leurscapacités psychiques pour réaliser leur mission. Il seraitaussi intéressant de refaire une étude en conservant lesholters lors d’un enchaînement saut-exercice de combatcommando afin d’étudier l’évolution de la Fc dans unesituation la plus proche possible de la réalité.

298 l. aigle

Figure 4. Diagramme des fréquences cardiaques moyennées toutes les5 minutes et centrées sur T0 (sortie d’avion) chez un même parachutiste. Ladifférence entre le saut de nuit (ligne du haut) et de jour (ligne du bas) estmanifeste lors de la dérive sous voile beaucoup plus anxiogène.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Dossier « Cœur et Armées » : Physiologie

médecine et armées, 2006, 34, 4 299

ÉTUDE DE LA VARIABILITÉ SINUSALE LORS D’IMMERSIONTOTALE DE LONGUE DURÉE EN EAU FROIDE

La variabilité sinusale peut être utilisée comme moyen dedépistage non invasif de la fatigue physique. Nous noussommes intéressés à ses variations lors d’immersion delongue durée en eau froide chez des nageurs de combat,afin d’apprécier le retentissement sur les capacitésopérationnelles. La variabilité sinusale a été enregistréeles nuits précédant et suivant l’immersion, et durant latotalité de l’immersion, chez dix plongeurs totalementimmergés pendant six heures, à 10° et à 18°. Il existe unediminution du tonus végétatif entre les nuits précédant etsuivant l’immersion (SDNN : -1 % à 18°), significative à10° (SDNN : -14,2 %, p < 0,05) et plus marquée pour leparasympathique (p < 0,05). La baisse parasympathiqueest plus importante à 10° qu’à 18 °C (HF : -28,4 % versus-47,6 %, p < 0,001). Durant l’immersion, il existe unemajoration de la variabilité sinusale (SDNN : +16,1 % à18° [p = 0,03], et +6,2 % à 10° [p = ns]), prépondéranteau niveau du parasympathique (HF/LF : +19,9 % à 18° et+16,0 % à 10°, p = ns). Il s’agit à notre connaissance dela première expérimentation en immersion complète. Lamodification des paramètres de variabilité sinusale audécours d’une immersion prolongée en eau froidepourrait être en rapport avec une fatigue physique et unebaisse des performances opérationnelles en find’immersion qui persiste jusqu’au lendemain.

Mots-clés : Capacité opérationnelle. Fatigue physique.Immersion totale. Tonus neurovégétatif. Variabilitésinusale.

RÉSUMÉ

HEART RATE VARIABILITY DURING LONGDURATION TOTAL BODY IMMERSION IN COLDWATER.Heart rate variability can be used for non invasive detectionof physical fatigue. We studied its variations during longduration immersion of combat divers in cold water, in orderto evaluate the consequences on operational capacities.Heart rate variability was recorded the nights precedingand following immersion, and during the totality ofimmersion, on 10 divers completely immerged during 6hours, at 10° then 18 °C. There is a decrease of vegetativetone the night following immersion comparing with thepreceding one (SDNN : -1 % at 18°), significant forimmersion at 10 °C (SDNN: -14.2 %, p < 0.05) and moremarked for the parasympathetic tone (p < 0.05). Theparasympathetic decrease is more important at 10° than at18° (HF : - 28,4 % versus -47,6 %, p < 0,001). Duringimmersion, we observe an increase of heart rate variability(SDNN: +16.1 % at 18° [p = 0.03], and +6.2 % at 10°, [p= ns]), more marked for the parasympathetic tone (HF/LF:+ 19.9 % at 18° and + 16.0 % at 10°, p = ns). As far as weknow, it is the first experimentation realized in completeimmersion with such data recordings. The heart ratevariability parameters modifications after a long durationimmersion in cold water may suggest a fatigue and adiminution of the operational performances at the end ofthe diving, prolonged at least the following day.

Keywords : Complete immersion. Heart rate variability.Neurovegetative tone. Operational capacities. Physicalfatigue.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 299-303)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

La variabilité sinusale (VS) représente les variationsphysiologiques des intervalles RR (entre 2 QRS), traduisant l’influence de la balance vago-sympathiquesur le nœud sinusal.De nombreux auteurs ont démontré son intérêt dans l’évaluation non invasive de l’entraînement, en

particulier pour la détection du surentraînement et de l’état de fatigue (1-9).Le but de ce travail a été d’analyser la VS chez des nageurs de combat, déterminer la faisabilité de son enregistrement chez un plongeur en immersion complèteprolongée en eau froide, et étudier son application pourévaluer le retentissement sur l’aptitude opérationnelle.

II. PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL.

L’expérimentation a reçu l’accord du CCPPRB deMarseille 1 (recherche biomédicale fondamentale enconditions extrêmes, sans bénéfice individuel direct).

G. CELLARIER, médecin en chef, praticien confirmé. Cl. ROBINET, médecin en chef, spécialiste de médecine de la plongée. L. MOUROT, post-doctorant. A.-V. DESRUELLE, ingénieur d’étude et de fabrication. C. JÉGO, médecinprincipal, praticien confirmé. F. BARBOU, médecin principal, praticien confirmé.Correspondance : G. CELLARIER, Service de cardiologie, HIA Sainte-Anne, BP 600, 83800 Toulon Armées.

G. CELLARIER, CL. ROBINET, L. MOUROT, A.-V. DESRUELLE, C. JÉGO, F. BARBOU

DOSSIER

A) SUJETS.

Nageurs de combat au nombre de dix (33 ± 3 ans, 173 ±2 cm, 77 ± 3 kg), tous volontaires ayant signé un consentement éclairé, ont été immergés totalementpendant six heures, à deux reprises à une semaine d’intervalle, à 18 °C et à 10 °C, dans un ordre déterminé.Les plongeurs ont bénéficié d’une protection thermiqueidentique à celle utilisée pour leurs missions opération-nelles, modifiée pour permettre le passage des différentscâbles, capteurs et sondes.

B) MATÉRIELS.

L’immersion a été réalisée dans un bassin hors sol spécifiquement créé, avec régulation thermique de l’eau.Les sujets ont été sanglés et lestés en position demi-assisesur un siège immergé de façon à ce que la tête soit complètement sous l’eau. Un respirateur de type« Benett » a permis la ventilation des plongeurs. Un monitorage ECG et des températures cutanées etcentrales complétait l’équipement qui comportait undispositif de recueil urinaire, un enregistreur d’EMG etun cathéter sanguin permettant notamment le recueil descatécholamines plasmatiques (fig. 1, 2).

C) MÉTHODES.

L’enregistrement Holter a été réalisé par un appareilminiaturisé Holter Vista®, avec un logiciel Ultima HolterSoft® (Novacor SA), permettant 72 heures d’enregistrement continu sur deux pistes. La variabilitésinusale a été mesurée et analysée selon les recommanda-tions ESC/NASPE (10). Les différents paramètres de VSet leur signification sont rappelés dans le tableau I. La VSa été analysée les nuits avant et après immersion et durantla totalité de l’immersion. Les résultats sont illustrés parles figures 3 à 5. Les analyses statistiques et les comparai-sons de moyennes sont faites à l’aide du test t de Student et les analyses multivariées en analyse de variance(ANOVA à 1 facteur).

III. RÉSULTATS.

A) ANALYSE DE LA VS AVANT ET APRÈSIMMERSION (FIG. 3).

Il existe une variation des paramètres de VS témoignantd’une altération du tonus végétatif, plus marquée pour le parasympathique.

1. Immersion à 18 °C.Il existe une diminution (n’atteignant pas le seuil de signif icativité) des paramètres de VS entre la nuit précédant l’immersion et la nuit suivante. Cette

300 g. cellarier

Figure 2. Plongeur immergé.

Figure 1. Schéma du protocole expérimental. Figure 3. Variations de variabilité sinusale après immersion.

diminution concerne l’ensemble des indices de VS :globaux (SDNN = 105 ms vs 104 ms; PNN50 = 23,8 % vs16,8 %), activité orthosympathique (LF = 2 048 ms2 vs1 473 ms2), activité sympathique (HF = 680 ms2 vs 487ms2), et balance sympathique témoignant d’une baisse plus marquée du tonus parasympathique (HF/LF= 0,34 vs 0,29).

2. Immersion à 10 °C.Il existe également une diminution des paramètres de VS entre la nuit précédant l’immersion et la nuit suivante, atteignant cette fois le seuil de significativité :SDNN = 120 ms vs 103 ms (p = 0,05) ; PNN50 = 27,2 % vs 16,1 % (p < 0,05) ; LF = 2 495 ms2 vs 1 430 ms2

(p < 0,05) ; HF = 963 ms2 vs 505 ms2 (p < 0,05) ; HF/LF= 0,37 vs 0,32 (p = ns).

B) ÉVOLUTION DE LA VS AU COURS DEL’IMMERSION (FIG. 4).

L’analyse de la VS durant l’immersion montre, entre ledébut et la fin de la plongée, l’existence d’une majorationdes indices avec augmentation prépondérante du tonus parasympathique.

1. Immersion à 18 °C.

SDNN = 91 ms vs 105 ms (p = 0,03) ; PNN50 = 15,4 % vs24,3 % (p = ns) ; LF = 766 ms2 vs 2 953 ms2 (p = ns) ; HF =5335 ms2 vs1037 ms2 (p =ns) ; HF/LF =0,37 vs0,44(p = ns), au début de l’immersion versus à la f in del’immersion respectivement.

2. Immersion à 10 °C.

SDNN = 108 ms vs 115 ms (p = ns) ; PNN50 = 25,0 % vs33,6 % (p = 0,01) ; LF = 3 356 ms2 vs 4 257 ms2 (p = ns) ;HF =1472 ms2 vs2344 ms2 (p =ns) ; HF/LF =0,48 vs0,56(p = ns), au début de l’immersion versus à la f in del’immersion respectivement.

C. INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURED’IMMERSION (FIG. 5).

L’altération du tonus parasympathique la nuit suivant l’immersion est plus importante à 10°qu’à 18 °C:HF = 505 vs 487 ms2 (p < 0,001) ; HF/LF = 0,29 vs 0,32 (p = ns).

IV. DISCUSSION.

Il s’agit à notre connaissance de la première expéri-mentation d’immersion totale, avec tête sous l’eau des sujets. Cette étude a nécessité la conception et la réalisation d’un bassin spécif ique par l’Institut de médecine navale du SSA. La tête des plongeurs était en affleurement juste sous le niveau d’eau, et la ventilation comportait une pression inspiratoire positive qui compensait la différence de pression due àl’immersion.La durée de l’immersion et les températures étudiéesreflètent les conditions réelles opérationnelles desnageurs de combat. Elles ont nécessité une surveillancecontinue de la température centrale, qui s’abaissait à 36,24 ± 0,11 °C et 36,18 ± 0,11 °C lors des immersions à 18° et 10° respectivement (p = ns entre les deux tempé-ratures d’immersion). Un monitorage cardio-respiratoireainsi que l’enregistrement de la VS a été permis grâce

301étude de la variabilité sinusale lors d’immersion totale de longue durée en eau froide

DOSSIER

Tableau I. Paramètres de variabilité sinusale et leur signification.

Analyse spectrale (reflet vago-sympathique) Analyse temporelle (équivalence spectrale)

Très basses fréquences (VLF) : 0,0033 - 0,04 Hz(thermorégulation et activité vasomotrice).

Basses fréquences (LF) : 0.04 - 0,15 Hz (activité sympathique).Hautes fréquences (HF) : 0.15-0,4 Hz (activité parasympathique).

Rapport HF/LF : balance sympathique.

SDNN, ou écart-type des RR : densité spectrale totale.

SDANN 5 : écart-type sur 5 mn (LF).

PNN 50 : % de triplets avec > 50 ms de différence entre 2 RR (HF).

Figure 4. Évolution de la VS au cours de l’immersion.

à l’adaptation des combinaisons permettant le passagedes fils, capteurs et sondes.Concernant l’enregistrement Holter-ECG, il s’agit également de la première analyse de la variabilité sinusaleen continu pendant une immersion totale.Nous retrouvons une majoration de la VS au cours del’immersion, avec prépondérance de la majoration parasympathique.Ces données ont déjà été notées par différentes équipeslors de la soumission des sujets à un stress physique (5, 7-9). Il est bien sûr diff icile de faire la part du stresspsychique engendrée par une immersion de cette durée à des températures particulièrement basses. Dishman et al. (11) ont rapporté l’influence inverse du stresspsychique préalable sur les variations du tonus parasympathique. La connaissance de la température deplongée avant l’immersion (cinq plongeurs commençantpar une immersion à 18° et cinq par une température de 10° puis inversement) a certainement joué un rôle dansla modulation de la composante HF lors de l’immersion.Ceci peut expliquer, en partie, l’incrément paradoxale-ment moins important des basses fréquences durantl’immersion à 10°.Les travaux précédemment conduits lors d’immersiontête hors de l’eau sont également superposables (12-17).Miwa et al. décrivent une diminution des HF au reposaprès trois jours d’immersion sèche (13), et retrouventtout comme dans notre travail une majoration du parasympathique au cours d’une immersion aux épaules(14). Ces modifications au cours de l’immersion sontconf irmées par les travaux de Seps et al. qui les rapprochent de celles relevées en microgravité (15).Cette activation parasympathique en cours d’immersionpeut être en partie expliquée par les altérations hémody-namiques dues à l’immersion (avec notamment élévationdes pressions de perfusion thoraciques), comme l’amontré l’équipe de Schipke (16). L’influence de la température de l’eau semble néanmoins importante dansces modif ications survenant pendant l’immersion,

comme l’ont montré Mourot et al. chez des plongeurs nontotalement immergés à neutralité thermique puis en eaufraîche (17). Nous mesurons d’ailleurs dans notre expérimentation une sécrétion de catécholamines plus importante à 10° tout au long de l’immersion, avec un pic en milieu d’immersion plus marqué à 10° qu’à 18°(adrénaline : 80,4 vs 48,8 pg/ml, p < 0,05 ; noradrénaline :1 752 vs 1 020 pg/ml, p < 0,05). L’activation para-sympathique pendant la plongée pourrait ainsi égalementêtre la conséquence d’un à-coup vagal secondaire au stress thermique.Les travaux de l’équipe stéphanoise (4-6) ont bien montré l’influence de la fatigue physique sur la VS. Bienque réalisés dans des conditions différentes puisqueétudiant les conséquences d’un entraînement intensif, ilspeuvent faire émettre l’hypothèse que les modificationsprédominant sur le parasympathique la nuit suivantl’immersion chez nos nageurs de combat, témoigned’une fatigue physique qui persiste au moins jusqu’aulendemain de la plongée. D’autres travaux, incluant desmesures de paramètres de forces physiques par exemple,seront néanmoins nécessaires pour rattacher ces modifications de VS à une fatigue physique.Le rôle de la température dans ce stress physique parait en revanche évident, et est confirmé dans notre étude parune variation de la VS plus importante à 10° qu’à 18 °C(avec baisse de HF > LF). D’autres travaux issus de cetteexpérimentation et en cours de publication mettent en évidence une déshydratation secondaire à la plongée,persistant le lendemain, pouvant contribuer à la majoration de cette fatigue physique.

A) LIMITES DE L’ÉTUDE.

La taille limitée de notre effectif, conséquence de la lourdeur de l’expérimentation, explique certainement lanon significativité statistique des résultats à 18°.Les conditions de stress différentes (ordre de passage ettempératures connus avant l’immersion) ont un rôle sur letonus vago-sympathique. Des raisons techniques nerendaient pas possible la modulation immédiate de latempérature du bassin, imposant le passage en deuxgroupes de températures prédéfinies des sujets.L’absence de corrélation à des tests d’exercice ne permet pas d’affirmer formellement la fatigue physiquedes plongeurs.

V. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES.

De cette première expérience d’analyse de la variabilité sinusale chez des sujets soumis à une immersion complète en eau froide, on retiendra, commedans les travaux précédemment réalisés (immersion tête hors d’eau) une majoration du tonus parasympa-thique au cours de l’immersion, et une diminution des paramètres de variabilité sinusale au décours del’immersion.Ces résultats pourraient être liés d’une fatigue physique corrélée à la contrainte thermique, présente lors de la récupération nocturne suivante ; des travaux

302 g. cellarier

Figure 5. Différences de variabilité sinusale après immersion selon latempérature. Analyse multivariée (test ANOVA 1 facteur).

complémentaires sont nécessaires pour étayer cette hypo-thèse. Ils peuvent témoigner d’une diminution descapacités opérationnelles des nageurs de combat,apparaissant dès la fin de l’immersion, et persistant aumoins jusqu’au lendemain de la plongée.

La confection et l’essai de tenues à réchauffage actif sont une voie de recherche af in d’optimiser ces performances opérationnelles. Dans l’attente, il faut insister sur l’importance de la réhydratation après la plongée.

303étude de la variabilité sinusale lors d’immersion totale de longue durée en eau froide

DOSSIER

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

VIENT DE PARAÎTRE

PHYSIOLOGIE ET MÉDECINE DE LA PLONGÉE

coordonnateurs B. BROUSSOLLE – J.-L. MÉLIET

coordonnateur associé M. COULANGE

2e ÉDITION

Par rapport à la 1re édition, les articles ont été remaniés, et pour la plupart complètement réécritspour tenir compte de l'évolution des connaissances et des techniques de plongée, aussi bien dansle domaine sportif que professionnel, civil et militaire.L'ouvrage a été coordonné pendant quatre ans par B. BROUSSOLLE et J.-L. MÉLIET, qui se sontadjoints un comité de rédaction composé de A. BARTHÉLÉMY, E. BERGMANN, E. CANTAIS, Ph. CAVENEL,J. CORRIOL, B. GRANDJEAN, M. HUGON, J. REGNARD et J.C. ROSTAIN.M. COULANGE a été associé aux travaux pour finaliser la maquette et suivre l'édition. Qu'ils en soienttous remerciés.Ce livre tente de dresser le tableau le plus complet des connaissances dans chaque discipline,avec deux principales parties :– la physiologie et l'adaptation des principales fonctions soumises aux conditions très spécifiquesdu milieu aqueux hyperbare ;– la médecine, avec l'étude des accidents (barotraumatismes, accidents toxiques, accidents dedécompression) et de leur traitement.Un chapitre spécial est consacré à la plongée en apnée qui connaît une vogue croissante.L'aptitude, la prévention et la réglementation concernant les différentes formes de plongées, la plongée de l'enfant et de la femme, font l'objet de chapitres particuliers. Enfin, les différentestechniques de plongée, les appareils respiratoires, les systèmes de protection, sont passés en revue.Des annexes apportent tous les renseignements utiles et un index facilite les recherches.Il s'adresse avant tout aux médecins, étudiants en médecine et personnel médical oeuvrant dansle domaine si particulier de la médecine de plongée. Mais il peut être consulté avec profit par lesmoniteurs, instructeurs et par les plongeurs eux-mêmes soucieux de leur sécurité.Il est complémentaire du Traité de médecine hyperbare de F. WATTEL et D. MATHIEU, paru chez le même éditeur.

ISBN 978-2-7298-2983-4 – Format 17,5 x 26 cm – Pages : 880 – Prix : 75 € – ELLIPSES-Édition Marketing, 32 rue Bargue75740 Paris cedex 15 – Tél. : 01 45 67 74 19 – www.editions-ellipses.fr

304

Dossier « Cœur et Armées » : Psysiologie

médecine et armées, 2006, 34, 4 305

INFLUENCE DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE SUR LADISTENSIBILITÉ AORTIQUE

Notre étude analyse l’effet de l’activité physique sur ladistensibilité aortique et la pression artérielle centrale.Trente volontaires sains (âge 34,5 +/-3 ans), 26 hommes et4 femmes, normotendus et sans antécédentcardiovasculaire ont été inclus et répartis en deuxgroupes de 15 sujets selon la pratique de l’activitéphysique. Les paramètres physiologiques sont enregistrésau repos à distance de toute activité sportive. Lespressions centrales sont mesurées chez les sportifs, et ladistensibilité aortique (évaluée par la vitesse depropagation de l’onde de pouls carotido-fémorale) estmesurée dans les deux groupes. Les deux groupes étudiés(sédentaires vs sportifs) sont appariés selon l’âge (34 +/- 3vs 35 +/- 3 ans) et les pressions artérielles brachialessystoliques (PAS) (124 +/- 3 vs 125 +/- 3 mmHg) etdiastoliques (PAD) (76 +/- 2 vs 74 +/- 3 mmHg). Il n’y apas d’amplification de la pression pulsée aorto-brachialechez les sportifs. La distensibilité aortique, identiquestatistiquement entre les deux groupes (9,1 +/- 0,3 vs 8,5+/- 0,5 m/s, NS), est bien corrélée à l’âge (r = 0,53 ; p< 0,05) et à la PAS (r = 0,56 ; p < 0,05) chez les sujetssédentaires alors qu’elle est inversement corrélée à l’âge(r = 0,74 ; p < 0,05) et n’est pas corrélée à la PAS chez lessujets sportifs.

Mots-clés : Activité physique. Amplification de lapression artérielle. Distensibilité aortique. Vitesse depropagation de l’onde de pouls.

RÉSUMÉ

AORTIC DISTENSIBILITY AND PHYSICALACTIVITY.

The aim of this study is to analyse the influence ofphysical activity on aortic compliance and central bloodpressure. Thirty healthy volunteers (26 men and 4women, age 34,5+/-3 years) without hypertension orcardiovascular diseases were included and divided in 2groups of 15 subjects. Physiological parameters wererecorded at rest 24 hours at least after a physical activity.Aortic pressure was measured in sportive patients andaortic compliance (evaluated by aortic carotido-femoralpulse wave velocity) was measured in both groups. Twogroups (sedentary vs trained) were matched by age (34+/-3 vs. 35+ /-3 years), systolic (124+/-3 vs. 125+/-3 mmHg),(SBP), and diastolic (76+/-2 vs. 74+/-3 mmHg), (DBP)brachial arterial pressure. No aorto-brachial pulsepressure (PP) amplification was found in the sportivesubjects. There was no aortic distensibility difference(9,1+/-0,3 vs. 8,5+/-0,5 m/s: NS) between the two groupsand aortic distensibility was well age (r=0,53 :p<0,05)and SBP correlated (r=0,56 :p<0,05) in the sedentarygroup but it was reverse age-correlated (r=0,74 :p<0,05)and not SBP correlated in the sportive group.Keywords: Aortic distensibility. Arterial pressureamplification. Physical activity. Pulse wave velocity.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 305-310)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Les maladies cardiovasculaires représentent un problèmede santé publique en France comme dans le reste dumonde. Parmi les moyens de lutte contre l’apparition deces pathologies, figure la maîtrise des facteurs de risquecardiovasculaire ainsi que la pratique de l’activitéphysique (1, 2) qui permet d’atténuer l’importance decertains facteurs cardiovasculaires comme l’hyperten-sion artérielle, la dyslipidémie, l’obésité et le diabète (3).Les recommandations du Collège américain de médecinedu sport proposent de pratiquer une activité physique

quotidienne modérée d’au moins 30 minutes (4), la réduction de l’incidence des accidents coronariens étantdirectement proportionnelle au niveau de l’activitéphysique pratiquée (5).

II. EFFETS DE L’EXERCICE PHYSIQUE.

Il existe une relation inverse entre le niveau d’activitéphysique pratiquée et l’incidence des accidents cardiovasculaires, aussi bien chez les hommes que chezles femmes (6, 7). L’exercice physique fait partie desrecommandations pour la prévention primaire et secondaire des pathologies cardiovasculaires (8) alorsqu’aucune explication physiopathologique claire n’a étéfournie concernant le rôle protecteur du sport sur lesystème cardiovasculaire (9, 10). L’exercice physiqueaméliore la perfusion myocardique, mais n’a que deseffets limités sur l’extension des lésions d’athérosclérose

P. LAURENT, médecin en chef, praticien certifié. P. MARENCO, praticienhospitalier, doctorant. O. CASTAGNA, médecin des armées, adjoint IMNSSA. R. CARLIOZ, médecin chef des services, professeur agrégé du SSA. J.-P. MENU,médecin chef des services, professeur agrégé du SSA.Correspondance : P. LAURENT, Service de cardiologie, HIA Sainte Anne, BP 600, 83800 Toulon Armées.

P. LAURENT, P. MARENCO, O. CASTAGNA, R. CARLIOZ, J.-P. MENU

DOSSIER

(11). Les effets bénéf iques de l’exercice physique régulier pourraient passer par des actions sur plusieursfacteurs dont la restauration d’une fonction endothéliale(notamment des artères coronaires) qui, lorsqu’elle estperturbée, favorise le développement de l’athéroscléroseet de la thrombose (12). L’endothélium maintient uncertain degré de vasodilatation (production rapide deprostacyclines et de monoxyde d’azote (NO) lors deforces de cisaillements de la paroi), et participe ainsi à larégulation de la pression artérielle. Chez l’animal (lechien), la fonction endothéliale est améliorée par l’exercice physique régulier grâce à des phénomènesd’augmentation de l’expression génique de la NOsynthase (13).De nombreux travaux ont mis en évidence la pertinence de la mesure de la pression artérielle centrale commefacteur de risque cardiovasculaire (14), ceci étant trèscompréhensible d’un point de vue physiopathologique carla pression mesurée au niveau de l’aorte est, réellement,celle « vue par le cœur » contrairement à celle mesurée classiquement au niveau de l’artère brachiale lors d’uneconsultation clinique. La pression artérielle pulsée (PP)mesurée au niveau de l’artère carotide commune est quasi-identique à la PP mesurée dans la crosse aortique (15).Physiologiquement, il existe une augmentation de la pression artérielle, du cœur vers la périphérie, communé-ment appelée « amplification ». Cette amplification estobservée essentiellement pour la pression artériellesystolique (PAS) et également pour la pression artériellepulsée (PP) qui correspond à la différence entre la PAS etla pression artérielle diastolique (PAD), cette dernièreétant stable sur l’ensemble de l’arbre artériel.Or, certaines études (16-18) ont montré qu’une baisse decette amplif ication de la PP pouvait constituer unmarqueur de risque cardiovasculaire supplémentaire. Labaisse d’amplification de la PP le long de l’arbre artérielpeut être dû à une augmentation de la rigidité artérielleplus fréquemment observée chez les sujets âgés.Notre étude a analysé l’influence de l’activité sportive sur lapression artérielle centrale, sur l’amplification de la PP ainsique de la distensibilité aortique. Nous avons émis l’hypothèse selon laquelle l’influence bénéfique de lapratique d’activité sportive sur les pathologies cardiovascu-laires agirait par le biais d’une baisse de la pression artériellecentrale (et donc l’augmentation de l’amplification de laPP) et d’une augmentation de la distensibilité aortique.

III. MÉTHODES.

De manière à évaluer l’influence de l’activité sportive surles différents paramètres hémodynamiques mesurés,nous avons comparé les résultats obtenus à partir d’unéchantillon de patients sportifs à ceux issus d’une population témoin de patients sédentaires.

A) POPULATION ÉTUDIÉE.

Nos patients sont répartis en deux groupes : un groupe de15 sportifs pratiquant une activité physique régulièredepuis au moins une année à raison de 60 minutes par

séances, avec au moins 3 séances par semaine et ungroupe de 15 sujets sédentaires strict.Le caractère sportif est établit sur les données aérobies deconsommation maximale d’oxygène (mesure de la V02maxréalisée au cours d’une épreuve d’effort) qui est supérieure à120% de la théorique pour l’ensemble des sportifs.Aucun sujet ne présente de facteurs de risque cardiovascu-laire notés lors de l’interrogatoire et de l’examen clinique.

B) PARAMÈTRES HÉMODYNAMIQUES.

Les paramètres hémodynamiques sont mesurés aprèsquinze minutes de repos en décubitus dorsal, chaquevolontaire étant installé dans une pièce climatisée à 21°C.

1. Pression artérielle (PA) brachiale.Chaque PA retenue au niveau brachial est le résultat d’unemoyenne de trois mesures réalisées au bras gauche avecun appareil de mesure automatique de la pression artérielle utilisant une technique de mesure par oscillo-métrie (Omron® 705 CP). La fréquence cardiaquemoyenne est le résultat d’une moyenne de trois mesuresprises chacune sur une minute.La pression artérielle systolique (PAS), diastolique(PAD), moyenne (PAM), pulsée (PP = PAS-PAD), ainsique la fréquence cardiaque (FC) sont monitorées toutesles cinq minutes, lors des mesures des autres paramètreshémodynamiques.

2. Pression artérielle centrale (aortique).Cette mesure est estimée lors du recueil de la pressionartérielle en regard de l’artère carotide réalisée par tonométrie d’applanation (Sphygmocor®) grâce à l’aided’une fonction de transfert mathématique validée par denombreuses études (19, 20) permettant de calculer lapression artérielle centrale (aortique). Cette pression à étémesurée uniquement chez les sportifs car la mesure de lapression artérielle centrale a déjà été largement étudiéechez les sujets sédentaires.

3. Amplification de la pression pulsée (PP).La PP (PP =PAS-PAD) n’est pas constante, mais augmentede façon centrifuge dans les artères de gros calibre. Lecalcul de l’amplification de la PP impose une mesure decelle-ci à différents niveaux de l’arbre artériel : aortique,carotidien, brachial et radial. L’amplification est définiecomme la différence entre la PP distale et la PP proximale.

4. Mesure de la distensibilité aortique : calcul de lavitesse de propagation de l’onde de pouls (VOP) caro-tido-fémorale.La distensibilité aortique a été évaluée par la mesure de lavitesse de propagation de l’onde de pouls (VOP) carotido-fémorale à l’aide du Complior®, après dix minutes derepos. Cet appareil de mesure automatisée procure uneexcellente reproductibilité inter et intra-observateur et adéjà été validé dans des études précédentes (21, 22). L’ondede pression générée par l’éjection ventriculaire se propagele long de l’arbre artériel en fonction des propriétés du mur

306 p. laurent

vasculaire. Deux capteurs mécanographiques cutanés sontutilisés : l’un est placé en regard de l’artère carotidiennedroite, l’autre est en regard de l’artère fémorale droite. Lesondes pulsatiles enregistrées au niveau des deux sites apparaissent sur l’écran en temps réel. La tangente auxcourbes de pression est automatiquement calculée,permettant de définir le pied de l’onde de pouls enregistrée.La différence de temps entre les courbes est déterminée etl’appareil fait alors le calcul de vitesse en fonction de ladistance mesurée entre les deux capteurs à l’aide d’unruban métrique appliqué sur la peau. Le résultat exprimécorrespond à la moyenne d’une dizaine de mesures. Cettemesure permet d’évaluer la distensibilité aortique.

5. Étude de la fonction cardiaque.Tous les patients ont bénéficié de la réalisation d’uneéchocardiographie. L’évaluation des paramètrescardiaques structuraux et l’analyse de la fonction diastolique (fonction de remplissage), est toujours pratiquée par le même opérateur, sur le même appareild’échographie doppler (General Electric Vingmed®)muni d’une sonde de 2,5 MHz et selon les recommanda-tions de la Société française de cardiologie. Le patient est placé en décubitus latéral gauche, la main gauchederrière la tête. Les mesures doppler sont effectuées en find’inspiration. Les mesures sont toutes répétées trois fois àl’occasion de cycles respiratoires différents, et seule lamoyenne des trois est retenue.

C) ANALYSE STATISTIQUE DES DONNÉES.

De manière à éviter tout biais dans l’interprétation des résultats, les deux groupes de patients (sportif etsédentaires) ont été appariés selon l’age, le poids et lapression artérielle brachiale. En raison du faible effectifde femmes (deux dans chaque groupe) aucune compa-raison statistique liée au sexe n’a été réalisée.Les analyses statistiques ont été effectuées avec le logicielStatview® 5 (SAS intitute Inc, Cary, North Carolina,USA) utilisé avec un ordinateur PC. Les valeurs ont étéexprimées en moyennes ± 1 déviation standard (DS) pourles variables quantitatives, en nombres et pourcentagespour les variables qualitatives :– les calculs de moyennes, déviation standard (DS) eterreur standard de la moyenne (ESM) sont réalisés dansles statistiques descriptives ;– les comparaisons des différentes pressions artérielles enfonction du site de mesure ont été effectuées par un test deWilcoxon pour séries appariées ;– tests de corrélation : nous n’avons pas effectué de testsde corrélations linéaires multiples compte tenu de la taillede l’échantillon. Les volontaires des deux groupes ont étéappariés sur les paramètres cliniques et hémodynamiqueset comparés par un test T de Student pour séries appariéesavec un seuil de significativité p < 0,05. Les corrélationsrecherchées entre VOP, paramètres cliniques et hémody-namiques, ont été effectuées par un test de Spearman avecégalement un seuil de significativité p < 0,05.

IV. RÉSULTATS.

A) DESCRIPTION DE LA POPULATIOND’ÉTUDE.

Les 30 volontaires sains normotendus ont été répartis endeux groupes appariés d’après l’âge (34 +/- 3 vs 35 +/- 3ans : NS) et les pressions artérielles brachiales systoliques(124 +/- 3 vs 125 +/- 3 mmHg: NS) et diastoliques (76 +/-2 vs 74 +/- 3 mmHg : NS). Les données sont résuméesdans le tableau I. Chaque groupe est composé de 13hommes et 2 femmes. Les sports pratiqués sont des sportsd’endurance : cyclisme sur route (n = 8) et course à pieds(n =7). Tous les volontaires de l’étude ont bénéficié d’uneéchocardiographie qui a confirmé la normalité de la frac-tion d’éjection ventriculaire gauche et l’absence devalvulopathie.

B) MESURE DE LA FRÉQUENCECARDIAQUE, DE LA PRESSION ARTÉRIELLECENTRALE ET AMPLIFICATION DE LA PPAORTO-BRACHIALE CHEZ LE SUJETSPORTIF.

La fréquence cardiaque moyenne du groupe sportif estsignificativement beaucoup plus basse (57 +/- 2 vs 70 +/-2 batt/mn, p < 0,0001) que celle du groupe témoin.La mesure de la pression artérielle systolique aortique estde 122 +/- 4 mmHg, la PAD est mesurée à 72 +/- 2 mmHget la pression pulsée est mesurée à 49 +/- 3 mmHg,l’amplification de la PP aorto-brachiale étant nulle. Lessportifs de notre étude, ne présentent donc aucune amplification de la PP aorto-brachiale.

C) MESURE DE LA VITESSE DE PROPA-GATION DE L’ONDE DE POULS.

La VOP carotido-fémorale ne diffère pas entre le groupesédentaire et le groupe sportif de l’étude (9,1 +/- 0,3 vs 8,5+/- 0,3 m/s respectivement).La VOP est bien corrélée à l’âge (fig.1) et à la PAS (fig. 2)chez les sujets sédentaires.

307influence de l’activité physique sur la distensibilité aortique

DOSSIER

ParamètresGoupe 1

(sportifs)

Groupe 2

(sédentaires)p

N 15 15

Âge, années 35±3 34±3 NS

Tailles, cm 173±2 173±1 NS

Poids, kg 68±2 69±2 NS

PAS brachiale, mmHg 125±3 124±3 NS

PAD brachiale, mmHg 74±3 76±2 NS

PP brachiale, mmHg 50±2 48±2 NS

FC, batt/min 57±8 70±9 < 0,0001

VOP carotido-fémorale, m/s 8,5±0,5 9,1±0,3 NS

Tableau I. Caractéristiques cliniques des deux groupes de volontaires.

Valeurs moyennes ± esm, NS (non significatif)

Par contre, cette VOP est inversement corrélée à l’âge(fig. 1) et n’est pas du tout corrélée à la PAS (fig. 2) chezles sujets sportifs.

V. DISCUSSION.

Notre étude montre que la pratique de l’activité sportiven’a pas d’influence sur la mesure de la VOP moyennecarotido-fémorale au repos, notre population ayant unage moyen de 35 ans. À la différence d’autres travaux (23-25), nous n’avons pas retrouvé de différence de VOPaortique au repos entre les sportifs et les sédentaires.Cependant, les courbes de corrélation entre la VOP et l’âge ont un prof il différent entre les sédentaires et les sportifs, ces derniers semblant améliorer leurdistensibilité aortique avec l’âge, allant ainsi à l’encontredu phénomène de « aging ».Il est admis que la VOP augmente avec l’âge (26), aussibien chez l’homme que chez la femme. Les déterminantsphysiologiques majeurs de la VOP sont représentés par l’élasticité du vaisseau, et par la pression artériellesystolique. L’augmentation âge dépendante de la VOP est essentiellement liée à des altérations de la structure dela média des vaisseaux (augmentation du collagène, diminution de l’élastine et calcification). Elle se voitaussi en l’absence d’athérosclérose ce qui en fait unphénomène indépendant (27).L’élasticité artérielle est gouvernée par des modificationsde structure de la matrice, mais aussi par la régulationendothéliale du tonus musculaire vasculaire. Étant admisque l’entraînement en endurance augmente la distensibi-lité artérielle et diminue la PAS, la durée et le typed’exercice ont leur importance. Au cours d’un exerciceaérobie modéré, il est observé une augmentation de ladistensibilité artérielle des gros vaisseaux en seulementquatre semaines chez des sujets sains normotendus (28).L’augmentation de l’élasticité artérielle associée àl’hypertension systolique isolée n’est pas réversible aprèshuit semaines d’entraînement, alors que la pratique d’uneactivité physique est capable d’améliorer l’élasticité desartères de gros calibre chez les sujets jeunes normotendusen seulement quatre semaines.

Lors d’un entraînement sur vélo, comme c’était le caspour la moitié de nos volontaires, les effets sur la distensibilité artérielle sont visibles en seulement quatresemaines d’entraînement aérobie modéré (29). Lesmécanismes impliqués passent par des modifications du tonus vasculaire des vasa vasorum (30). Au cours d’un exercice physique aérobie, la distensibilité artérielle augmente donc immédiatement, pour revenir àsa valeur normale dans l’heure qui suit. Ce mécanisme devasodilatation des vasa vasorum contribue à l’augmenta-tion de la distensibilité aortique et ainsi, à la prévention à long terme de la dégénérescence de la media et del’épaississement intrinsèque de l’aorte. Durant et aprèsl’exercice, il se produit une libération de métabolitesvasodilatateurs au niveau du lit vasculaire. Le NO libérépar l’endothélium joue un rôle dans la réponse du fluxsanguin à l’exercice (31, 32). Les effets du NO sontmédiés par la relaxation isométrique des vaisseaux detelle sorte que la distensibilité puisse être modifiée indé-pendamment du diamètre artériel. La vasodilatation estdonc un mécanisme à court terme permettant d’augmenterla distensibilité lors de l’entraînement physique.La pression artérielle varie selon le site anatomique oùelle est mesurée. La PAM reste stable tout au long del’arbre artériel car la PAS augmente progressivementmais très significativement, alors que la PAD diminuepeu : La pression artérielle pulsée (PP = PAS-PAD)augmente ainsi de l’aorte vers la périphérie. Ce phéno-mène appelé « amplif ication de la pression pulsée »s’explique par le rôle joué par les ondes de réflexion artérielle qui viennent moduler la PP. Les ondes deréflexion qui surviennent en début de diastole permettentla bonne perfusion des artères coronaires (33).Ces ondes de réflexion sont plus tardives au niveau périphérique (car elles viennent de loin), et contribuentdonc peu ou pas à l’amplification du pic de PAS et donc dela PP. Par conséquent, les pressions périphériques sous-estiment l’augmentation de la PAS centrale liée à l’âgeparce qu’elles ne tiennent pas compte de l’exagération dupic systolique tardif caractéristique, observée dans lesartères centrales lors du vieillissement (34-36).Il est admis que le phénomène d’amplification de la PPaorto-radiale est faible chez les sujets de plus de 50 ans, en

308 p. laurent

Figure 1. Corrélations Âge/VOP dans les groupes 1 (Sportifs) et 2(Sédentaires), p < 0,05.

Figure 2. Corrélations VOP/PAS entre le groupe 1 (sportifs) et le groupe 2(sédentaires).

raison d’une augmentation des ondes de réflexionprécoce, alors qu’il est bien réel chez les sujets jeunes. Deplus, chez les moins de 50 ans, le phénomène d’amplifi-cation diminue d’autant plus que la PAD augmente (37).Alors qu’il a été clairement mis en évidence l’existenced’une amplification centrifuge de la PP entre l’aorte et les artères des membres supérieurs et inférieurs (38, 39)dans d’autres travaux, le groupe de patients sportifs denotre étude ne présente aucune amplification de la PPaorto-brachiale. Ce résultat pourrait s’expliquer par lafréquence cardiaque basse observée dans le groupesportif (40), l’amplification de la PP aorto-brachialedépendant de la durée de la systole (elle augmente lorsquela durée de la systole diminue et inversement (41)). Cetteaugmentation de la durée de la systole est responsabled’une augmentation de la PAS centrale par addition del’onde de pression incidente et de l’onde réfléchie auniveau de l’aorte avec pour conséquence une élévation de la PP centrale et donc une baisse du phénomèned’amplification de la PP.Bien qu’il existe des données sur le remodelage ventriculaire gauche (VG) lié au vieillissement (42, 43)ou à l’entraînement en endurance, il y a peu de donnéessur les interactions du sport et du vieillissement sur leventricule gauche. Gates et collaborateurs (44) ontmontré que les modifications de la structure ventriculairegauche et de la fonction diastolique liées au vieillisse-ment chez les sédentaires en bonne santé, s’observentégalement chez les sportifs malgré l’exercice physiquerégulier. Arbab-Zadeh et collaborateurs (45) montrentque l’entraînement prolongé en endurance préserve lacompliance ventriculaire gauche du vieillissement.L’absence d’amplification de la PP (par l’augmentationde la PAS centrale dont elle résulte), risquerait doncd’augmenter la post-charge et d’aller à l’encontre deseffets bénéfiques sur la distensibilité vasculaire.Le lien entre la fréquence cardiaque et l’amplification dela PP a déjà été mis en évidence lors de nos précédentstravaux, à partir d’une population de patients hypertendus(46). Une PP élevée est associée à une augmentation de l’incidence des évènements cardiovasculaires (47) etune VOP élevée est un facteur prédictif indépendantd’évènements cardiovasculaires (48-50).

À ces phénomènes liés au vieillissement, viennents’ajouter des facteurs de risque cardiovasculaires additionnels comme le tabac, l’HTA, les dyslipidémies,le diabète, les facteurs génétiques. Tous ces facteurs ontune finalité commune, la genèse de l’athérosclérose.Notre étude comporte des effectifs insuffisants pour fairedes corrélations multiples. Des effectifs de 30 volontairesdans chaque groupe permettraient d’avoir des donnéesstatistiquement intéressantes et d’effectuer des corréla-tions multiples. Les sports pratiqués sont des sportsd’endurance, mais ils sont différents. Un plus grandnombre de volontaires permettra de faire des groupeshomogènes et de comparer les différents sports entre eux.La moyenne de notre population est jeune et il sera intéressant de voir si ces observations persistent chez des sujets plus âgés.De plus, notre population comporte une majoritéd’hommes. Étant donné que le sexe à une influence surl’amplification de la PP (le phénomène d’amplificationde la PP chez l’homme est plus important que chez lafemme, surtout chez les sujets jeunes), il serait intéressantde pouvoir distinguer les hommes des femmes. Nousavons déjà montré par exemple, que la VOP est corrélée àla FC chez les hommes, mais pas chez les femmes (51).

VI. CONCLUSION.

La pratique d’une activité physique régulière et soutenuen’a pas d’influence sur la distensibilité aortique évaluéeau repos et atténue complètement le phénomène d’ampli-fication de la pression pulsée. Le sport en endurance rendla distensibilité aortique moins dépendante de la pressionartérielle systolique et de l’âge, et pourrait donc par cemécanisme, assurer un rôle protecteur du réseau artérielpar rapport au vieillissement physiologique de la paroiartérielle aortique.L’absence d’amplif ication de la pression pulsée aorto-brachiale pose un autre problème. Elle pourrait parcontre, contribuer à une augmentation de la chargemyocardique et faciliter le développement d’une hypertrophie myocardique.

309influence de l’activité physique sur la distensibilité aortique

DOSSIER

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Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie

médecine et armées, 2006, 34, 4 311

ÉVALUATION DE L’INFLUENCE DE L’ACTIVITÉ SPORTIVESUR L’ÉLECTROCARDIOGRAMME DE JEUNES INCORPORÉSApport d’une nouvelle méthode de traitement des données

La réalisation d’un électrocardiogramme estsystématique lors de la visite d’aptitude dans les armées.Le diagnostic le plus fréquemment suspecté grâce auxrésultats de cet examen est celui d’hypertrophieventriculaire gauche. Ce travail rendu possible grâce à lanumérisation des électrocardiogrammes enregistrés dansles centres de sélection, permet de redéfinir les normesdes différents critères électriques d’hypertrophieventriculaire gauche (indices de Sokolow, Cornell, Lewis)chez le sujet jeune. L’indice de Sokolow estsignificativement influencé par l’activité sportive intense(moyenne : 28 mm +/- 8 chez les sédentaires, 32 mm +/-10 chez les sportifs), ce qui devrait nous conduire à tenircompte du niveau de l’entraînement sportif du sujetavant d’interpréter son électrocardiogramme.

Mots-clés : Électrocardiogramme. Hypertrophieventriculaire. Sportif.

RÉSUMÉ

ASSESSMENT OF INFLUENCE OF SPORTACTIVITY ON ELECTROCARDIOGRAMS OFYOUNG RECRUITS. UTILITY OF A DATA-PROCESSING NEW METHOD.

Recording electrocardiograms of young recruits issystematic in French army. The most often suspecteddiagnosis is therefore left ventricular hypertrophy, inpractice rarely confirmed by other means. This work,thanks to electrocardiograms numerization of youngrecruits, allows us to redefine normality criteria ofelectrical left ventricular hypertrophy of the young male(Sokolow, Cornell, Lewis index). The Sokolow criterion issignificantly influenced by intense sport activity (mean 28+/- 8 mm for the sedentaries vs 32 +/- 10 mm for theathletes). This result should bring us to evaluateelectrocardiogram of a young, in the light of his sport-practice habits.

Keywords : Athletes. Electrocardiogram. Myocardialhypertrophy.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 311-313)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

La réalisation systématique d’électrocardiogrammesdans les armées a pour objet d’offrir un moyen de dépis-tage supplémentaire des cardiopathies, en particulier decelles pouvant être à l’origine de morts subites (1).Les industriels proposent depuis plusieurs années une aideau diagnostic sous la forme d’un diagnostic automatisé.Le diagnostic le plus couramment porté chez l’adultejeune est celui de « probable hypertrophie ventriculairegauche», qui n’est pratiquement jamais confirmée par lesméthodes d’imagerie (2). En effet, les travaux à l’origine

de la définition des critères électriques d’hypertrophieventriculaire gauche ont été réalisés sur des populationsplus âgées, avec une sensibilité médiocre et une trèsbonne spécificité. En revanche, elles ne sont pas validéeschez l’adulte jeune, a fortiori sain (3, 4).Le travail que nous présentons, réalisé dans le service depathologie cardiovasculaire de l’hôpital d’instruction desarmées (HIA) Desgenettes dans le cadre d’un projet derecherche du Service de santé des armées (SSA), utiliseune méthode originale de numérisation des tracés, puisl’utilisation pour la détection des anomalies, non d’unalgorithme prédéf ini, mais d’un tri statistique devariables (198 au total). L’anormalité se définit alorscomme le tracé s’écartant le plus de la moyenne de lapopulation étudiée (5).Cette méthode trouve tout son intérêt dans le «screening»de la population des jeunes sportifs, chez lesquels lediagnostic d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG)

J.-R. CAIGNAULT, médecin principal, praticien certifié. S. GUÉRARD, médecinprincipal, praticien certifié. V. GRIFFET, médecin principal, praticien confirmé. F. BERNARD, médecin en chef, praticien certifié. R. BRION, médecin généralinspecteur, praticien certifié.Correspondance : J.-R. CAIGNAULT, Service de pathologie cardiovasculaire,HIA Desgenettes, BP 25, 69998 Lyon Armées.

J.-R. CAIGNAULT, S. GUÉRARD, V. GRIFFET, F. BERNARD, R. BRION

DOSSIER

est le plus fréquemment porté par l’interprétation automatisée. Le diagnostic de myocardiopathie hypertrophique est alors particulièrement redouté.L’hypertrophie ventriculaire gauche retentit sur l’électro-cardiogramme en augmentant les amplitudes descomplexes QRS, une déviation axiale gauche, et degrandes ondes S dans les dérivations précordiales. Lesanomalies de la repolarisation et d’une onde q sont importantes à prendre en considération pour le diagnosticd’hypertrophie ventriculaire gauche (1, 6).L’objectif de ce travail était plus particulièrement l’étude de la pertinence des critères classiques ECGd’hypertrophie ventriculaire gauche dans la populationdes jeunes sportifs, et l’établissement de nouvellesnormes de positivité le cas échéant.

II. CARACTÉRISTIQUES DE LA POPULATION.

Notre population est constituée de 604 hommes jeunes,de sexe masculin, dont l’âge moyen est de 21,3 ans. Ilssont présumés sains grâce à l’établissement d’une fichede recueil des données anamnéstiques, cliniques et électrocardiograhiques.On définit trois groupes selon l’activité sportive déclaréedu jeune :– groupe 1 (213) : sujets sédentaires ;– groupe 2 (173) : sujets pratiquant du sport d’intensitémodérée ou moyenne, de façon occasionnelle ou régulière pour des activités de loisir ;– groupe 3 (198) : sport pratiqué de façon régulière et intense voire en compétition.

III. MATÉRIELS ET MÉTHODES.

Au total, 710 ECG ont été enregistrés sur des jeunes incorporés du centre de sélection de Lyon, et analysés par un cardiologue ; 85 étaient inexploitables : doublons, mauvaise qualité, mauvais positionnement desélectrodes ; 21 tracés pathologiques (Wolff ParkinsonWhite, importants troubles de la repolarisation, bloc debranche) ont été écartés.La numérisation des tracés utilise un boîtier particulier(boîtier corina®, Marquette-Hellige) relié à un ordinateurutilisant le programme cardiosoft® (Marquette-Hellige).Ces outils permettent d’extraire la matrice des mesuresréalisées par l’enregistreur numérique et de la traiter avecun logiciel de statistiques. Les tracés « hors normes » sontautomatiquement mis en évidence ; la déf inition desnormes devient dynamique, évoluant avec la taille de labase de données. Cette méthode permet le traitementd’une grande quantité de données et d’adapter les conclusions à la norme de la population étudiée, dansnotre étude, les jeunes, sportifs ou sédentaires.Nous comparons la fréquence cardiaque, la largeur du QRS et les critères électriques d’hypertrophie ventriculaire gauche du groupe 1 et du groupe 3.Les critères ECG les plus communs, pour le diagnosticd’hypertrophie ventriculaire gauche, étudiés sont :

– l’indice de Sokolow : (SV1 + RV5 (ou RV6)) . Il estconsidéré comme positif s’il dépasse 45 mm chezl’homme avant 50 ans, 35 mm chez l’homme après 50 anset chez la femme après 15 ans ;– l’indice de Lewis : (RD1 - RD3) + (SD3 - SD1). Il estanormal au-dessus de 17 mm, il ne peut être positif quelorsque l’axe du QRS est orienté à gauche.– l’indice de Cornell (RaVL + SV3) est considéré commepathologique au-delà de 28 mm chez l’homme et 20 mmchez la femme.

IV. RÉSULTATS.

A) FRÉQUENCE CARDIAQUE.

La fréquence cardiaque moyenne de repos de la population est de 71 (+/- 12)/min. Il existe une différencesignificative (p < 0,0001) entre la population sédentaire(75 +/- 14/min) et la population de sportifs (64 +/-12/min).

B) DURÉE DU QRS.

La répartition des durées de QRS n’est pas gaussienne, sa valeur moyenne est de 100,8 ms.Nous n’observons pas de différence entre les sédentaireset les sportifs.

C) INDICE DE SOKOLOW.

La répartition des valeurs de l’indice de Sokolow répond àla loi normale. Il existe une différence significative de lavaleur moyenne de l’indice de Sokolow entre les deuxgroupes 1 et 3 (fig. 1). Il est de 32 (+/-10) mm chez lessportifs, tandis qu’il n’est que de 28 (+/- 9) mm chez lessédentaires. Si l’on choisit comme règle pour définir lanormalité la valeur en dessous de laquelle 95 % de lapopulation étudiée se trouve, on obtient alors commevaleurs « normales » de l’indice de Sokolow:– chez le sédentaire : inférieur à 43 mm;– chez le sujet entraîné : inférieur à 52 mm.

312 j.-r. caignault

Figure 1. Répartition des indices de Sokolow dans les populations sportives(catégorie 3, trait plein) et sédentaires (catégorie 1, pointillés). On observe uneaugmentation significative de l’indice de Sokolow dans la population dessportifs, par rapport à la population des sédentaires.

D) INDICE DE LEWIS.

La distribution de l’indice de Lewis dans nos populationsrépond à la loi normale. Il n’existe pas de différence significative de l’indice de Lewis entre les deux groupesde niveau d’entraînement (fig. 2).

E) INDICE DE CORNELL.

Il n’existe pas de différence entre les indices de Cornelldes groupes 1 et 3 (fig. 3).

V. CONCLUSIONS.

Différents indices prédictifs d’une augmentation de la masse myocardique comme l’indice de Sokolow (SV1 + RV5 (ou RV6)), l’indice de Lewis (RD1- RD3) + (SD3 - SD1) ou l’indice de Cornell (RaVL+ SV3), fréquemment utilisés dans le dépistage d’une

hypertrophie ventriculaire gauche ont été étudiés par uneméthode d’électrocardiographie numérisée dans unepopulation de 604 adultes jeunes présumés sains.En comparant les mesures réalisées sur les tracés dessédentaires par rapport à celles des sportifs, nous pouvonsétablir que l’indice de Sokolow moyen chez le sujet nonou peu entraîné est de 28 mm. La limite supérieure de lanormale est de 43 mm. Par contre, chez le sujet entraîné,cette limite peut être portée à 52 mm. Ces données sontconformes à celles de précédents travaux (6, 7).L’indice de Lewis et l’indice de Cornell ne sont par contre pas influencés par le niveau d’entraînementsportif, ce qui les rend, à notre avis, plus intéressants pour dépister une hypertrophie ventriculaire gauchepathologique. L’association de la positivité de plusieurscritères est certainement plus pertinenteCes données sont à prendre en compte avant la réalisation d’une échocardiographie à la recherche d’unehypertrophie ventriculaire gauche.

313évaluation de l’influence de l’activité sportive sur l’électrocardiogramme de jeunes incorporés

DOSSIER

Figure 2. Répartition des indices de Lewis des populations de sportifs(catégorie 3, trait plein), et de sédentaires (catégorie 1, pointillés). Onn’observe aucune influence de l’activité sportive sur l’indice de Lewis.

Figure 3. Répartition des indices de Cornell dans les populations de sportifs(catégorie 3, trait plein) et de sédentaires (catégories 1, pointillés). Onn’observe pas d’influence de l’activité sportive sur l’indice de Cornell.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

314

VIENT DE PARAÎTRE

S R A S

COMMENT UNE ÉPIDÉMIE GLOBALE A ÉTÉ STOPPÉE

Le SRAS a causé plus de peur et de perturbations sociales que n'importe quelle autre maladie de notre époque. Bien que le nombre de personnes décédées soit peu important, il a néanmoins perturbé l'économie, paralysé le commerce et les voyages internationaux, et « dépeuplé » les rues de certaines des villes les plus prospèresdu monde.

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ISBN : 92 9061 213 4 – Pages : 308 – (en langue anglaise) – WHO Press 1211 geneva 27, Switzerland – Tél. : +41 22 791 2476 – Fax : + 41 22 791 48 57 – Email : [email protected]

Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie

médecine et armées, 2006, 34, 4 315

ANOMALIES DE LA REPOLARISATION VENTRICULAIRE ETAPTITUDE MÉDICO-MILITAIRE

La découverte d’anomalies électrocardiographiques de larepolarisation ventriculaire pose fréquemment unproblème d’interprétation pour la décision d’aptitude aumédecin expert. La hantise est de méconnaître l’existenced’une cardiopathie sous-jacente, potentiellementresponsable d’une incapacité subite, le plus souvent dufait de la survenue d’un trouble rythmique grave. Onpeut schématiquement séparer les anomalies mineures,largement dominées par le syndrome de repolarisationprécoce et par le « cœur du sportif », des anomaliesprimaires et secondaires. Ces dernières sont alors latraduction électrique d’une cardiopathie (cardio-myopathie hypertrophique, ischémique, valvulaire,dysplasie arythmogène du ventricule droit), d’une« canalopathie » (syndrome de Brugada, syndrome duQT long congénital) ou de troubles électrolytiques,métaboliques ou iatrogènes. L’anamnèse, les données del’examen clinique et la réalisation systématiqued’examens complémentaires au moindre doute doiventpermettre de les différencier.

Mots-clés : Anomalies de la repolarisation. Aptitude.Électrocardiogramme.

RÉSUMÉ

ABNORMALITIES OF THE VENTRICULARREPOLARISATION AND MILITARY APTITUDE.

Electrocardiographic abnormalities of ventricularrepolarization remain an usual problem in the decision ofaptitude. The obsessive fear is to mistake the existence ofan underlying cardiopathy, which can lead to suddenincapacity by severe rhythm disorders. We canschematically separate them in : minor abnormalities,largely dominated by the “early repolarizationsyndrome” and the "heart of the sportsman", andprimary or secondary abnormalities which representelectric signs of a cardiopathy (hypertrophiccardiomyopathy, ischaemic desease, arrhythmogenicright ventricular dysplasia), a "canalopathy" (Brugadasyndrome, congenital long-QT syndrome) or anelectrolytic, metabolic or iatrogenic disorder. Medicalhistory, clinical exam with the systematic realization ofcomplementary exams in case of doubt may lead to theirexact cause.

Keywords : Aptitude. Electrocardiogram. Ventricularrepolarization abnormalities.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 315-322)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

La découverte d’anomalies de la repolarisation ventriculaire sur un électrocardiogramme de surface estloin d’être rare et n’épargne pas la population militaire,bien que jeune le plus souvent. Dans ce contexte, il s’agit,la plupart du temps, d’anomalies mineures ou bénignes,mais le clinicien gardera à l’esprit la possibilité de cardiopathies ou d’anomalies sous-jacentes pouvant

mettre en jeu le pronostic vital, lié le plus souvent àl’occurrence d’un trouble rythmique grave.Nous exclurons de notre propos les troubles de repolarisation permanents ou transitoires tels que ceuxrencontrés dans les syndromes coronariens aigus et lesanomalies résultant d’une perturbation d’activation duventricule comme les blocs de branche gauche (1) ou droit(bien que pouvant prêter à confusion), les préexcitationsventriculaires (2) et les syndromes post-tachycardiques(3) (effet Chatterjee).

II. COURANTS IONIQUES ET REPOLARISATION.

A) CONTRACTION CELLULAIRE MYOCARDIQUE.

Les cellules myocardiques ont des propriétés contractilesliées à l’existence de différence de potentiels transmem-branaires, en rapport avec des transferts ioniques. Lasortie rapide de sodium, et plus lente de calcium, sont à

S. KÉRÉBEL, médecin principal, praticien confirmé. G. CELLARIER, médecin en chef, praticien certifié. C. JÉGO, médecin principal, praticien certifié. Y. LEDOLLEY, interne des Hôpitaux de Marseille. F. BARBOU, médecinprincipal, praticien confirmé. L. CORGIE, médecin lieutenant, praticien enformation. R. POYET, médecin, praticien confirmé. P. LAURENT, médecinprincipal, praticien certifié. G. FOUCAULT, médecin en chef, praticien certifié. C. BOUCHIAT, médecin en chef, praticien certifié. R. CARLIOZ, médecin en chef,professeur agrégé du SSA.Correspondance : S. KÉRÉBEL, Service de cardiologie, HIA Sainte-Anne, BP600, 83800 Toulon Armées.

S. KÉRÉBEL, G. CELLARIER, C. JÉGO, Y. LEDOLLEY, F. BARBOU, L. CORGIE,R. POYET, P. LAURENT, G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ

DOSSIER

l’origine de la dépolarisation. La repolarisation, phénomène tardif et lent, est surtout liée à une sortie depotassium (fig. 1). Toutes modifications de ces courantsioniques, d’origine primaire ou secondaire, vont être à l’origine de perturbations de la repolarisation ventriculaire (phases 1, 2 et 3 du potentiel d’action) (4).

B) REPOLARISATION VENTRICULAIRE ETÉLECTROCARDIOGRAMME (ECG).

La repolarisation ventriculaire se déf init comme l’intervalle entre le début du point J jusqu’à la f in del’onde T ou U. Le point J (pour « Jonction ST ») est définicomme le point où le complexe QRS rejoint le segmentST. Il correspond approximativement à la fin de la dépola-risation et au début de la repolarisation. Le segment ST estla partie du tracé comprise entre la fin du complexe QRS(point J) et le début de l'onde T. Il correspond à la phase 2,en plateau, du potentiel d'action. Le segment ST estnormalement isoélectrique : son déplacement vers le haut(sus-décalage) ou vers le bas (sous-décalage) indiquegénéralement un état pathologique. L'onde T correspondà la phase 3 terminale de la repolarisation ventriculaire.Elle a normalement un aspect asymétrique (montée pluslente que la descente) et un sommet légèrement arrondi.Son amplitude est faible (0,1 à 0,4 mvolt). Elle peut êtrepositive, isoélectrique ou négative en V1. Elle est en règle positive de V2 à V6 chez l'adulte. Normalement,l'onde T est plus ample en V6 qu'en V1. Chez l'adulte, lesdérivations périphériques montrent généralement uneonde T positive, excepté en aVR où l'onde T est toujoursnégative. L'onde T peut être négative dans la dérivation IIIsi la position du cœur est horizontale et dans la dérivationaVL si la position du cœur est verticale. Avec le segmentST, l'onde T est la partie du tracé qui est la plus sensibleaux influences extérieures reflétant des phénomènesphysiologiques ou pathologiques. Enfin, l'onde U est unedéflexion positive de faible amplitude qui est parfoisobservée après l'onde T. Elle est presque exclusivementretrouvée dans les dérivations précordiales. Elles’observe chez les jeunes sujets normaux, dans des casd'hypertrophie ventriculaire, en cas de bradycardieimportante ou lors de troubles ioniques (5).

III. ANOMALIES ÉLECTROCARDIOGRA-PHIQUES DE LA REPOLARISATION.

A) ANOMALIES MINEURES.

1. Syndrome de repolarisation précoce.Anomalie bénigne fréquente, intéressant souvent le sujetjeune, sportif et longiligne, elle se définit comme unesurélévation du point J par rapport à la ligne de base, souventmieux vue dans les dérivations précordiales. Il existe uneconcavité vers le haut du segment ST (aspect en « selle decheval »), un petit crochetage de la pente descendante del'onde R enfin, une onde T de grande amplitude et d'aspectsymétrique (fig. 2). Dans certains cas, cette élévation peut être plus marquée (pouvant atteindre 1 mm à 4 mm) et prêter à confusion avec certains aspects observés dans lapéricardite aiguë ou une lésion sous-épicardique d’origineischémique voire une forme atypique de canalopathie (cf. Syndrome de Brugada). Le contexte permet le plussouvent de redresser le diagnostic (6).

2. Onde T « juvénile ».Parmi les anomalies «physiologiques», on peut retrouverchez l'enfant et l’adulte jeune (surtout chez la jeunefemme) l’existence d’ondes T négatives de V1 jusqu'enV3 (fig. 3) (5). Une onde T négative en V3 chez l’hommeest jusqu’à preuve du contraire pathologique et doit faire rechercher, outre une ischémie, une dysplasie arythmogène du ventricule droit (DAVD).

3. Sujet de race noire.Dans cette population, la présence d’une « pseudo »hypertrophie ventriculaire gauche et d’ondes T négativesest également possible, mais le caractère ethnique desparticularités ECG reste un diagnostic d’élimination(après échocardiographie) (5).

4. « Cœur du sportif ».Avant de parler de « cœur d’athlète », il faut se rappelerque les modif ications ECG liées à un entraînement

316 s. kérébel

Figure 1. Le potentiel d’action cellulaire : les mouvements ioniques.

Figure 2. Syndrome de repolarisation précoce.

(le plus souvent en endurance) ne se voient que pour des charges importantes (> 10 heures/semaine). De plus,le cœur du sportif est morphologiquement un cœur enrègle normal ; l’éventuelle hypertrophie concentriqueconsécutive à un entraînement intensif est toujours peu importante. Il n’est cependant pas rare de retrouversur l’ECG de ces athlètes une augmentation de l’indice de Sokolow-Lyon, parfois associé à des troubles nonspécifiques de la repolarisation (ondes T négatives ouaplaties, allongement de l’intervalle QT) (fig. 4) (7). Ladécouverte de telles anomalies doit inciter à la prudenceet doit faire éliminer une cardiopathie sous-jacente. Il estindispensable de prendre un avis spécialisé, de réaliserune épreuve d’effort et une échographie cardiaque pour

écarter, en particulier, une cardiomyopathie hypertro-phique (CMH) (tab. I). Pellicia et al. (8) retrouvent chez1 005 athlètes, 145 (14,4 %) ECG comportant des anomalies significatives. Ils isolent seulement 27 sujets(2,7 %) porteurs d’anomalies de la repolarisation dans lesprécordiales droites ou gauches, en règle associées à descardiopathies et des « canalopathies » (cf. infra). Enfin,persiste le difficile problème du dopage chez le sportif dehaut niveau qui peut être responsable de modificationsstructurelles myocardiques (hypertrophie et fibrose).Il faut en conclure que la présence de troubles de la repolarisation dans deux dérivations consécutives(notamment en précordiale gauche) reste exceptionnellechez l’athlète et doit faire écarter une cardiopathie.

B) ANOMALIES PRIMAIRES ET SECONDAIRESDE LA REPOLARISATION.

1. Associées à une cardiopathie.Toutes les cardiopathies peuvent être responsables de modifications de la repolarisation en rapport avec lescontraintes volumiques, de surcharge et/ou les modifica-tions structurelles. Nous détaillerons certaines d’entreelles responsables d’anomalies plus spécifiques et/ouayant une implication particulière dans les armées.a) Cardiomyopathie hypertrophique (CMH).La cardiomyopathie hypertrophique est la maladie génétique cardiovasculaire la plus fréquente (1/500), dephénotype et pronostic variable. Ce dernier est dominé

317anomalies de la repolarisation ventriculaire et aptitude médico-militaire

DOSSIER

Figure 3. Onde T « juvéniles » chez une femme âgée de 28 ans.

Figure 4. Cœur de sportif « sain » (Indice de Sokolow-Lyon mesuré à 45 mm).

Tableau I. Critères discriminants entre cœur de sportif et CMH. (DTDVG= diamètre télédiastolique du ventricule gauche, OG = oreillette gauche, VO2max = consommation maximale d’oxygène) (17).

par le risque de mort subite, notamment à l’effort (jusqu’à6 % des sujets jeunes). L’électrocardiogramme peutretrouver avec une sensibilité de 60% et une spécificité de97% (fig.5, 6) : des troubles de la repolarisation (70% descas) aspécifiques à type de sous-décalage du segment ST,d’ondes T négatives ou plates, de territoire variable selonla localisation de l’hypertrophie ; des signes d’hypertro-phie ventriculaire gauche (HVG) (tab. II) (fig. 7) dans55% des cas ; des ondes Q de pseudo-nécrose en territoireinférieur ou latéral dans 1/3 des cas (9, 10).

b) Cardiopathies ischémiques.Théoriquement rares dans une population jeune et sélectionnée, elles peuvent néanmoins être dépistéeschez les cadres plus âgés. L’intérêt de la réalisation

systématique après 40 ou 45 ans d’un ECG, d’autant plus qu’il existe des facteurs de risque cardiovasculaireset/ou des symptômes, est de pouvoir dépister une coronaropathie silencieuse ou négligée. Outre lesséquelles de nécrose (ondes Q), l’ischémie chroniquepourra se traduire par les troubles de repolarisation systématisés suivants : onde T négative (ischémie sous-épicardique), sous-décalage de ST (lésion sous-endocardique) (f ig. 8). C’est l’occasion de rappeler ici toute l’importance de posséder dans le dossier médical des ECG antérieurs de référence (10) et la nécessité de réaliser si nécessaire une épreuve d’effort(malgré sa faible sensibilité) voire une échographie destress ou une scintigraphie cardiaque.c) Dysplasie arythmogène (DVDA).Les anomalies ECG retrouvées dans la DVDA intéressent le QRS et l'onde T (fig. 9). Il peut s'agir d'une déviation axiale, de la présence d'un bloc de branche droit complet ou incomplet, d'un élargissement localisé du QRS, d'une onde epsilon (30 %) aussi rare que spécifique, ou d'une inversion de l'onde T. Ce derniersigne est le plus classique et le plus fréquemment retrouvé (54 % des cas), bien qu’il soit considéré comme un critère mineur. Cette inversion des ondes T,

318 s. kérébel

Figure 5. ECG de cardiomyopathie hypertrophique septale chez un candidat à l’engagement âgé de 18 ans. l’engagement âgé de 18 ans.

Figure 6. Échocardiographie de CMH à prédominance septale chez uncandidat à l’engagement âgé de 18 ans (incidence paraseptale grand axe ; VG= ventricule gauche, SIV = septum interventriculaire, OG = oreillette gauche,Ao = aorte).

Figure 7. Hypertrophie ventriculaire gauche : surcharge systolique VG.

Figure 8. ECG de cardiopathie ischémique chronique.

Tableau II. Critères ECG d'hypertrophie ventriculaire gauche (HVG).

Indice de

Sokolow-Lyon

SV1+RV5 ou RV6 > 35 mm (âge > 35ans)SV1+RV5 ou RV6 > 45 mm (âge < 35 ans)

Indice de CornellRaVL + SV5 > 28 mm (chez l'homme) RaVL

+ SV5 > 20 mm (chez la femme)

Surcharge

systolique VG

Sous-décalage du point J et du segment STconvexe vers le haut, suivie d'une onde Tnégative ou biphasique en V5-V6, DI, aVL.

Surcharge

diastolique VGAspect QS en V1, V2, jusqu'en V3

en l’absence de bloc de branche droit, est le plus souvent notée dans les dérivations précordiales droites,parfois en V5V6, et plus rarement en D2D3VF (11).L’authentification de cette cardiopathie dans ses formesdébutantes ou focales se heurte à l’absence d’examens complémentaires fiables.d) Prolapsus valvulaire mitral.Maladie fréquente (5 % de la population), elle peut se traduire électriquement par des anomalies de la repolarisation (inversion de l’onde T dans les dérivationsinférieures et latérales), ainsi que de façon inhabituellepar un allongement de l’intervalle QT (12).

2. « Canalopathies » et troubles de la repolarisation.Les canalopathies primaires se définissent comme desanomalies intrinsèques des conductances ioniquesentraînant des anomalies primaires de la repolarisationventriculaire. Elles s’opposent aux canalopathies dites secondaires, où la repolarisation est sous la dépen-dance de facteurs extrinsèques. Elles ont en communl’existence de mutations génétiques et une instabilitérythmique ventriculaire, parfois létale (fig. 10) (4).

a) Syndrome de Brugada.Rare (prévalence = 5/10 000) et décrit par les frèresBrugada en 1992, il s’agit d’une cardiopathie arythmo-gène héréditaire, à cœur échographiquement normal,dont le diagnostic repose sur l’ECG avec un aspect desurélévation du point J associé à un sus-décalage en dôme> 2 mm du segment ST sur les dérivations droites, suivid’ondes T plates ou négatives (f ig. 11), sans cause ischémique ou métabolique, responsable de mort subitepar trouble du rythme ventriculaire. L’ECG peut varierdans le temps. Il existe trois phénotypes (fig. 12) (4, 13).

b) Syndrome du QT long congénital (L-QT).De prévalence égale à 1/5 000, il est caractérisé par un allongement de l’intervalle QTc (normalement< 400 ms chez l'homme et 440 ms chez la femme ; un QTc > 440 ms est associé à une forte probabilité de L-QT) et l’existence de syncopes et/ou de morts subitespar torsades de pointes. En France, les formes LQT1 sont les plus fréquentes (60 %), devant LQT2 (35 %), etLQT3 (5 %) (4).c) Syndrome du QT court.Récemment décrit, cette forme familiale rare de «canalo-pathie » se caractérise par un intervalle QT < 320 ms et des arythmies aux deux étages (14).

319anomalies de la repolarisation ventriculaire et aptitude médico-militaire

DOSSIER

Figure 9. Dysplasie arythmogène du ventricule droit chez une jeune femmeâgée de 22 ans (flèche : onde epsilon, aspect de « post-excitation » de faibleamplitude à la partie terminale du complexe QRS traduisant le retardd’activation du ventricule droit).

Figure 10. Aspects électriques des « canalopathies » (de gauche à droite :syndrome du QT long congénital, syndrome du QT court, syndrome de Brugada).

Figure 11. Syndrome de Brugada.

Figure 12. Les trois types du syndrome de Brugada.

3. Troubles électrolytiques (5).

a) HyperkaliémieL’augmentation d'amplitude des ondes T est la manifestation la plus précoce. Elle apparaît quand la kaliémie excède 5,5 mEq/L. Les ondes T sont amples,positives, à base étroite (aspect en « tente »), d'aspectsymétriques, ou avec asymétrie inversée par rapport à celle d'une onde T normale. L'intervalle QTc restenormal ou est légèrement diminué. Le segment STprésente une image de « pseudo-lésion ». Le complexeQRS s’élargit (> 0,12 seconde) quand la kaliémie excède 6,5 mEq/L (fig. 13).

b) Hypokaliémie.L'hypokaliémie donne des troubles ECG diffus apparaissant souvent avant les signes cliniques (crampes, paresthésies…). Ces troubles s'installent dans l'ordre suivant, selon le profondeur de l'hypoka-liémie : ondes T aplaties, ondes U agrandies, d'où unaspect de «pseudo» QT long (avec un espace QT normal),dépression du segment ST. Les anomalies ne sont pas aussi bien corrélées avec les taux sériques de potassium que dans l'hyperkaliémie. Les modificationscaractéristiques de la repolarisation se produisent généralement lorsque le potassium sérique descend en deçà de 2,7 mEq/L.c) Hypercalcémie.L'hypercalcémie donne principalement un raccourcisse-ment de l'intervalle QTc. Elle s’accompagne souventd’une bradycardie sinusale. Le segment ST peut disparaître complètement, s’incorporer dans l'onde T et donner un aspect semblable à l 'hyperkaliémie. L'hypocalcémie produit la manifestation ECG inverse :allongement de l'intervalle QTc aux dépens du segmentST qui devient particulièrement long tandis que la duréede l'onde T n'est pas modifiée.d) Autres électrolytes.L'hypomagnésémie et l'hypermagnésémie donnentrespectivement les mêmes troubles ECG que l'hypokaliémie et l'hyperkaliémie. Enfin, notons que les anomalies de la natrémie ne provoquent pas des modifications électriques.

4. Désordres métaboliques.

a) Hypothermie profonde (< 28 °C).Elle entraîne une bradycardie sinusale et une prolonga-tion des intervalles PR et QT. La modification la plustypique est l'onde J d’Osborn (fig. 14). Elle correspond au crochetage de la branche terminale du QRS avec sur-élévation en dôme, le point J est alors surélevé parrapport à la ligne de base (15).

b) Hypothyroïdie.Outre la bradycardie sinusale et le micovoltage, elle peut se traduire par un discret sous-décalage du segment ST, un allongement de l’intervalle QT et par des ondes T aplaties.

5. Médicaments et repolarisation (5, 16).Nombreuses sont les spécialités pouvant modif ier la repolarisation, ce risque est majoré en cas d’associationet/ou d’interactions médicamenteuses (tab. III). Le clini-cien restera particulièrement vigilant aux situations« potentialisatrices » (traitement par amiodarone chez unpatient sous diurétique, «canalopathie» frustre méconnuepar exemple).a) Digitaliques.Ils sont responsables d’un sous-décalage du segment STavec raccourcissement de l'intervalle QT (aspect « encupule »), un aplatissement de l'onde T qui peut prendreun aspect biphasique ou s'inverser complètement.

320 s. kérébel

Figure 13. Hyperkaliémie à 6 mmol/l.

Figure 14. Onde J d’Osborn chez une patiente en hypothermieprofonde (24 °C).

MédicamentsAmiodarone, Bépridil, Halofantrine,

Métronidazole, Pimozide,Chlorpromazine, cisapride…

Troubles ioniques Hypokaliémie, hypomagnésiémie…

Troubles métaboliques Hypothermie, hypothyroïdie…

Tableau III. Principales causes de QT longs acquis.

Il existe une augmentation d'amplitude de l'onde U. L'as-pect le plus caractéristique de l'imprégnation digitaliqueest la cupule avec onde T biphasique. Cet aspect estcompatible avec une concentration plasmatique correcteet indique simplement l'effet thérapeutique de la digitale.Le signe d'une possible intoxication est l'apparition d'unsous-décalage plus marqué du segment ST avec une ondeT complètement négative (fig. 15).

b) Antipaludéens.L'halofantrine (HALFAN®), à un degré moindre laquinine (QUINIMAX®) provoquent un allongement del’intervalle QT. La chloroquine (NIVAQUINE®) a lemême effet mais à doses toxiques. Un ECG est obligatoireavant le traitement pour mesurer l’intervalle QT.c) Bépridil (CORDIUM®).Il peut être responsable d’un allongement de l’intervalle QT, de torsades de pointes en cas d’hypokaliémie associée, d’aplatissement de l’onde T et d’apparition d’onde U.

d) Amiodarone (CORDARONE®).

Allonge la repolarisation (onde U fréquente).

e) Autres antiarythmiques.

Les médicaments de la classe IB (lidocaïne, mexilétine),de la classe IC (propafénone, flécaïnide, cibenzoline)n’ont que peu d’effets sur la repolarisation ventriculaireen l’absence d’anomalie primaire sous jacente.

IV. CONSÉQUENCES SUR L’APTITUDE.

Concernant la décision médico-militaire, deux situationsse présentent :– il s’agit à l’évidence d’anomalies mineures ou physiologiques de la repolarisation ventriculaire(syndrome de repolarisation précoce) ou « innocentes »,voire attendues (cupule digitalique) : l’aptitude à l’emploipeut être maintenue, sans examen complémentaire, éventuellement sous réserve de surveillance ;– dans tous les autres cas : troubles de la repolarisationacquis (ECG modifié par rapport à la VSA précédente),anomalies inexpliquées, douteuses ou difficiles (sportifet doute sur une CMH, discret bloc de branche droiteincomplet et doute sur un syndrome de Brugada…), il estindispensable d’éliminer une cardiopathie sous-jacente,potentiellement responsable de mort subite ; des examenset un avis spécialisé sont souvent nécessaires. Toutescardiopathies et/ou « canalopathies » engendrent uneinaptitude à l’engagement et des restrictions d’aptitudeen visite révisionnelle voire l’inaptitude.

V. CONCLUSION.

L’électrocardiogramme, prolongement de l’examenclinique, peut être l’occasion de dépister des cardiopa-thies « silencieuses » révélées par une anomalie de larepolarisation, sous réserve d’une analyse appliquée etconsciencieuse. Aucune interprétation hâtive ou facilen’est permise ; tout doute diagnostic doit être levé, et doncs’accompagner d’un avis spécialisé cardiologique.

321anomalies de la repolarisation ventriculaire et aptitude médico-militaire

DOSSIER

Figure 15. Effets des digitaliques sur la repolarisation (A : cupule= imprégnation ; B : surdosage).

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competition : recommandations nord-américaines et européennes.Consensus Cardio 2006 ; 15 : 10-6.

VIENT DE PARAÎTRE

« MÉTÉO ET SANTÉ »

Jean-CLaude COHEN, Jean-Louis SAN MARCO

« Météo et santé » aborde tous les dérèglements climatiques et apporte des conseils simples decomportement face aux risques atmosphériques pour « mieux vivre » au fil des saisons en cas decanicule ou de grand froid (avec ou sans neige). On y découvre aussi un regard nouveau sur lapollution, sur les risques allergiques liés aux pollens ou sur les bienfaits et méfaits du soleil. Il estindispensable que chacun d'entre nous retrouve avec plaisir un art de vivre adapté au temps du jour(habitat, vêtements, alimentation, activités et loisirs).L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), organisme créé par le ministèrede la Santé, s'est associé à Météo-France pour stimuler au travers de ce guide une nouvelle culture durisque météo. Le professeur Jean-Louis SAN MARCO est à l'origine du premier système d'alerte canicule,à Marseille, suite à l'épisode caniculaire de l'été 1983.

Avec cet ouvrage, la météo ouvre désormais une nouvelle voie à la médecine préventive.

Les auteurs :

– Jean-Claude COHEN, ingénieur à Météo-France depuis 1979, est spécialiste en biométéorologie,coordinateur « météo et santé » pour Météo France depuis 1996 et membre de la Société internationalede biométéorologie.

– Jean-Louis SAN MARCO, professeur de médecine à la faculté de Marseille, a été président de l'INPS.

ISBN 2-74910-408-4 – Pages 200 – Prix : 18 € – Éditions Le Cherche-Midi Collection « Santé » – Contacts presse : Météo France ;Julien GUILLAUME – Tél. : 01 45 56 71 32 – [email protected] Éditions Le Cherche-Midi ; Brigitte LIOT – Tél. : 01 6066 26 44/06 32 75 79 81 – [email protected]

Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie

médecine et armées, 2006, 34, 4 323

CONDUITE À TENIR DEVANT UNE EXTRASYSTOLIEVENTRICULAIRE

La découverte à l’électrocardiogramme d’extrasystolesventriculaires est le plus souvent fortuite et de bonpronostic. Il s’agit d’un des motifs de consultation lesplus fréquents en matière d’aptitude cardiologique.L’organicité est rare, mais potentiellement gravejustifiant la réalisation d’examens complémentairessimples qui permettront dans la majorité des cas deconclure. L’apport des techniques d’imagerie récentepermettra, dans les situations litigieuses, de trancher.

Mot-clé : Extrasystole ventriculaire.

RÉSUMÉ

PREMATURE VENTRICULAR COMPLEX:APPROPRIATE MANAGEMENT.

Premature ventricular complexes are observedcommonly in clinical practice and vary from the morebenign to potentially fatal. The appropriate managementdepends on the associated symptoms, characteristics ofpremature ventricular complexes and associated longterm prognosis of a structural heart disease.

Keyword : Premature ventricular complex.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 323-327)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Circonstance très fréquente en pratique quotidienne, ladécouverte à l’électrocardiogramme d’extrasystolesventriculaires (ESV) est le plus souvent fortuite. L’organicité est rare mais potentiellement grave justifiantla réalisation d’examens à la fois anatomiques et fonctionnels. Il importe alors de distinguer le bénin de cequi ne l’est pas, la distinction à l’instant t étant parfoisdélicate nécessitant alors le recul du temps. L’apport destechniques d’imagerie récente permet le plus souventsinon de trancher, du moins d’orienter.En pratique médico-militaire cardiologique, il s’agit du motif principal de demande de consultation avecl’hypertension. Depuis la fin de l’ère cosmétologique dutraitement de l’extrasystolie (étude CAST en 1989 (1)),les écrits ont considérablement chuté sur le sujet. Ladémarche diagnostique n’en demeure pas moins unequestion d’actualité au sein d’une population jeune etsportive chez qui on craindra en priorité une dysplasiearythmogène du ventricule droit (DAVD) ou une myocardiopathie.

II. DÉFINITION.

Il s’agit d’une dépolarisation ventriculaire prématurée,donc élargie par rapport à un complexe de base (100 ms etle plus souvent > 120 ms), non précédée d’une activitéauriculaire initiatrice, suivie d’une repolarisation de sensopposé au QRS.

III. PRÉVALENCE.

Celle-ci est particulièrement variable selon la populationconsidérée (âge, caractère symptomatique, présenced’une cardiopathie) et surtout le mode de dépistage(clinique, ECG, holter rythmique) (2, 3). La présenced’ESV lors de l’enregistrement sur 24 heures est dudomaine du physiologique (40-75 % des sujets), quelleque soit la population. Dès lors, un certain nombre deparamètres sont à prendre en considération pour séparerle banal du pathologique.

IV. MÉCANISMES.

A) RÉENTRÉE.

Il s’agit d’un mécanisme faisant appel à une anomalie de la conduction de l’influx électrique, au sein dumyocarde ventriculaire, lié à la présence d’un obstaclefonctionnel ou anatomique.

G. QUINIOU, médecin en chef, praticien certifié. U. VINSONNEAU, médecinprincipal, praticien confirmé. A. BRONDEX, médecin lieutenant, praticien enformation. C. VANOYE, médecin lieutenant, interne des hôpitaux des armées. P. GODON, médecin en chef, praticien certifié.Correspondance: G. QUINIOU, Service de cardiologie, HIA Clermont Tonnerre,BP 41, 29240 Brest Armées.

G. QUINIOU, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON

DOSSIER

B) FOYER AUTOMATIQUE.

Lié à l’altération de l’automatisme cellulaire myocardique (spontané).

C) ACTIVITÉ DÉCLENCHÉE.

Elle est le résultat d’une seconde dépolarisation soit au décours, soit en fin de repolarisation et influencée parle rythme cardiaque qui la précède.

V. CARACTÉRISTIQUES DE L’EXTRA-SYSTOLIE VENTRICULAIRE.

Parfois ressentie par l’intéressé ou objectivée lors del’examen clinique, l’extrasystolie sera le plus souventdécouverte sur un électrocardiogramme systématique.

A) LOCALISATION (AXE ET RETARDRENSEIGNENT SUR L’ORIGINE DUCOMPLEXE PRÉMATURÉ).

1. Retard.Le retard droit (aspect de bloc de branche droit) définitune ESV naissant du ventricule gauche. Le retard gauche(aspect de bloc de branche gauche) définit le plus souventune ESV naissant du ventricule droit (seule exception, lesESV naissant du septum ventriculaire gauche haut).

2. Axe.Il est calculé de la même manière qu’en rythme sinusal, et fait appel schématiquement à l’orientation et l’ampli-tude des vecteurs en D1 et aVf. Il renseigne sur le site del’ESV. À gauche, un axe droit ou hyperdroit évoque la région apicale, un axe gauche évoquant la régionseptale. À droite, un axe vertical positif (au sens du cercle trigonométrique) évoque une localisation infundibulaire ou septale haute, un axe vertical négatifune localisation apexienne.

B) MORPHOLOGIE.

Une ESV comprise entre 100 et 120 ms est en faveurd’une origine septale haute rendant compte d’une dépolarisation peu désynchronisée des deux ventricules.Une ESV large et crochetée est par contre en faveur d’unecardiopathie. De même, la présence de plus de deuxmorphologies est un argument de poids en faveur d’uneorganicité. Mais, on prendra soin de différencier deuxmorphologies d’ESV, d’une fusion entre une ESV et uncomplexe ventriculaire normal. En effet, l’aspect del’ESV sera alors modifié, pouvant faire croire à tort à laprésence de deux morphologies distinctes.

C) PRÉMATURITÉ.

Elle est définie par l’intervalle de couplage reliant l’ESVau complexe précédent. Elle rend compte classiquementdu potentiel de gravité de l’ESV quand elle survient dans la période réfractaire ventriculaire du complexeprécédent. C’est en effet, dans cette période que le risquede déclencher un trouble du rythme soutenu (tachycardie

ventriculaire (TV) ou fibrillation ventriculaire (FV)) estle plus grand. On considère qu’un couplage est courtquand l’index de prématurité RR/QT est < 0,85. Au-delàde 1, l’ESV est dite tardive (4). C’est ainsi que l’onexplique le mécanisme du commotio cordis (traumatismethoracique responsable de mort subite chez les joueurs dehockey sur glace, en cas d’impact à grande vitesse d’unpalet sur la poitrine avant le pic de l’onde T (5)). Paranalogie, le choc électrique sur l’onde T est utilisé pourdéclencher une fibrillation ventriculaire lors de la mise enplace d’un défibrillateur automatique implantable.

D) INTERVALLE DE COUPLAGE.

Le couplage de l’ESV (distance séparant l’ESV du QRSprécédent) rend le plus souvent compte du mécanisme decelle-ci. Lors de la présence d’une parasystolie, on assistefréquemment à une variation du couplage de l’ESV. Eneffet, il s’agit ici d’un trouble de l’automatisme d’ungroupe cellulaire avec, sur l’ECG de surface, la présenced’intervalles interectopiques variables pouvant êtreréduite à un plus petit dénominateur commun. C’estfréquemment ici que l’on observe des phénomènes defusion. À l’inverse, lorsqu’il existe une réentrée, lecouplage est classiquement f ixe, puisque l’ESV estdéclenchée par l’arrivée du rythme spontané et doncdépendante de celui-ci.Par ailleurs, le couplage de l’ESV et de l’activité auriculaire est souvent la raison de confusion. En effet,selon la séquence réalisée, on pourra suspecter une préexcitation lorsque l’espace P/ESV est court ou, à tort,prendre l’ESV pour un complexe supra ventriculaireconduit avec aberration (aspect de bloc de branche).L’étude attentive de plusieurs ESV permettra en présencede couplage variable de rectifier le diagnostic (l’espaceP/ESV est alors fluctuant). Si le doute persiste, la réalisa-tion d’un effort (dix flexions) permettra de faire varier lafréquence sinusale et les rapports à l’onde P (ici quelquesmillisecondes suffisent pour éliminer un diagnostic parexcès de pré excitation ou d’aberration).

E) NOMBRE D’ESV.

La classification de Lown et Wolff (6) permet d’évaluernumériquement l’extrasystolie ventriculaire. Mais celle-ci est actuellement désuète car sans intérêt diagnostique ou pronostique, le nombre en lui-même nereprésentant pas un facteur de gravité.

F) CARACTÈRE RÉPÉTITIF.

L’alternance régulière d’ESV et du rythme spontané, fait appel à des mécanismes électrophysiologiques sans valeur pronostique particulière. Il peut s’agir d’unbigéminisme (alternance ESV rythme sinusal) ou d’untrigéminisme (1 ESV pour 2 battements sinusaux). Laprésence de doublet, de triplet, voire de tachycardieventriculaire non soutenue (plus de trois ESV de suite),est par contre plus rare dans l’extrasystolie bénigne etsurvient plus volontiers en présence d’anomalie organique.Mais ce caractère n’est pas univoque car il existed’authentique tachycardie ventriculaire sur cœur sain.

324 g. quiniou

G) CONDUCTION RÉTROGRADE.

Il s’agit d’une caractéristique intéressante permettantd’aff irmer l’origine ventriculaire d’un complexe (éliminant ainsi une aberration de conduction), qui signela dépolarisation rétrograde du myocarde auriculaire viale nœud auriculo ventriculaire. Cette propriété estvariable d’un individu à l’autre et fonction de la fréquenceventriculaire (phénomène de Wenckebach). Elle se caractérise par une onde P incluse dans l’onde T de l’ESVen cas de remontée complète vers l’oreillette. Cetteconduction rétrograde peut aussi être responsable dephénomène de ralentissement de la conduction auriculoventriculaire lors du battement suivant l’ESV, car le nœudauriculo ventriculaire n’a pas encore totalement récupéré. Dans ce cas, on assistera à un allongement duPR post ESV. C’est ainsi qu’on explique aussi les phéno-mènes de repos compensateur à l’issue d’une ESV enfonction de la dépolarisation rétrograde ou non du massifauriculaire. On assistera, soit à un repos compensateurcomplet (le complexe sinusal succédant à l’ESV estbloqué, il faut donc attendre l’intervalle suivant), soit àl’absence de repos compensateur (ESV interpolée), encas de non remontée de la dépolarisation au massif auriculaire. Tous les intermédiaires sont ainsi possibles.

VI. ÉTIOLOGIE.

On pourra opposer les ESV sur cœur sain qui ne nécessite qu’exceptionnellement une thérapeutique(essentiellement en cas de symptomatologie) et les ESVsur cardiopathie. L’ESV sur cardiopathie ischémique estla plus fréquente, mais quelque soit la cardiopathie, ils’agit d’une manifestation satellite habituelle (myocar-diopathie dilatée, myocardiopathie hypertrophique(CMH), valvulopathie, DAVD). En pratique quotidienne,une étiologie doit être recherchée.

VII. RECONNAÎTRE LE BÉNIN DUPATHOLOGIQUE.

A) ESV DITE BÉNIGNE DE ROSENBAUM.

Observable à tout âge, et fréquemment chez l’adultejeune (d’autant plus que l’on réalise des ECG systéma-tiques), celle-ci présente des critères de bénignité. Ellenaît de l’infundibulum pulmonaire ou du septum interventriculaire haut, de type retard gauche, axe verticalpositif ne dépassant pas 120ms à couplage variable plutôtlong, le plus souvent isolée monomorphe, peu ou moyen-nement fréquente, non aggravée par l’effort (f ig. 1).Malheureusement, d’authentiques DAVD ont cet aspect.Il est donc nécessaire de s’appuyer sur d’autres critères.

B) À QUEL MOMENT UNE ESV DEVIENT-ELLE PRÉOCCUPANTE?

Quand elle est large et crochetée (signature d’une cardiopathie sous jacente), qu’elle est polymorphe (plusde deux morphologies traduisent l’étendue de la lésion),

quand elle se majore à l’effort (signant sa sensibilité auxcatécholamines). Le nombre à l’inverse importe peu.Quant à la répétitivité, elle est soumise à interprétationpuisque les TV sur cœur sain présentent un bon pronostic(7). L’élément essentiel à prendre en considération est la présence d’une cardiopathie sous jacente, qui conditionne le pronostic.De rares publications tempèrent cette vision mani-chéenne. Chez seize patients présentant des FV et/ou desTV polymorphes responsables pour certains de mortssubites récupérées (cinq d’entre eux), l’extrasystolieunitaire ne diffère en rien de la classique ESV de Rosenbaum (8, 9). L’équipe de Haïssaguerre a publié en f in d’année dernière une série de 36 patients présentant des FV initiées par une extrasystolie caractéristique (10). Chez huit patients étaient objectivées des ESV de type retard gauche, axe inférieurne les différenciant en rien d’ESV bénignes. La différenceclinique essentielle dans ces deux publications tient aucaractère symptomatique de ces patients. Ces élémentsrécents doivent donc rendre prudent toute conclusionconcernant une extrasystolie ventriculaire ne présentantpas tous les critères de bénignité classiques, et en particulier une histoire clinique de syncope.

VIII. EN PRATIQUE.

Deux cas de figures :– la cardiopathie est connue et la prise en charge est spécifique et déborde du cadre de cet article ;– l’ESV est découverte chez un sujet asymptomatique oupauci symptomatique.L’interrogatoire doit être drastique à la recherche d’antécédents familiaux de cardiopathie ou de mort subite, d’antécédent personnel parfois oublié ou minimisé (malaise à l’effort ou lors d’un stress), et bien sur de signes cliniques tels qu’une dyspnée, desépisodes de douleur thoracique ou des sensations detachycardie. La recherche de prise de médicaments, mais aussi de toxiques potentialisant ou révélateurs(alcool, café, cannabis, cocaïne) ou de produits dopants(surtout chez l’adulte jeune sportif), doit faire partie intégrante de l’interrogatoire. L’examen est, par contre,

325conduite à tenir devant une extrasystolie ventriculaire

DOSSIER

Figure 1. ESV de type retard gauche axe vertical positif.

rarement contributif hormis la recherche d’un souffleorganique (myocardiopathie hypertrophique, prolapsusvalvulaire mitral).En fait, l’ECG sera déjà révélateur et devra être lu avecattention, à la recherche d’un QT long (QT corrigé> 440 ms, calculé par la formule de Bazett : QT corrigé= QT mesuré en milliseconde/racine carrée de l’espaceRR mesuré en seconde). On sera très attentif à l’aspect du QRS en précordiale droite à la recherche d’un élargissement supérieur à 110 ms, la présence d’une ondeepsilon ainsi qu’à des troubles de la repolarisation évocateurs d’une DAVD. La présence de séquelle ischémique (onde q) ou de troubles de la repolarisationévoquera une coronaropathie passée inaperçue. Une HVG électrique, un aspect pseudo infarctoïde feront rechercher une CMH. En fait, le plus souvent,celui-ci est subnormal et c’est la réalisation d’examens de première intention fonctionnels et anatomiques qui permettront de trancher.

A) ÉCHOCARDIOGRAPHIE.

L’échocardiographie objectivera une altération de lafonction ventriculaire gauche (FEVG) segmentaire (en cas de coronaropathie) ou globale (myocardiopathiedilatée), une valvulopathie (prolapsus valvulaire mitral).Une dilatation des cavités droites avec altération de la fonction contractile du ventricule droit, présence de trabéculations importantes, aspect d’empilementd’assiettes seront recherchés en cas de suspicion de DAVD. Une HVG avec un septum inter ventriculairesupérieur à 13 mm sera suspect de CMH (dont lediagnostic différentiel avec le cœur du sportif est parfois délicat).

B) HOLTER RYTHMIQUE DES 24 HEURES.

Le holter rythmique des 24 heures va permettre de caractériser, plus finement que l’ECG, cette ESV.

C) RECHERCHE DE POTENTIELS TARDIFS.

La recherche de potentiels tardifs (PTV) dont la valeurprédictive a surtout été objectivée dans la coronaropathieet la DAVD (positifs si trois critères positifs).

D) ÉPREUVE D’EFFORT.

L’épreuve d’effort qui, hormis l’aggravation possible de l’extrasystolie, s’intéressera au niveau d’effort réaliséet à l’apparition de signes d’ischémie.À l’issue de ces examens : soit l’extrasystolie est, de touteévidence, bénigne ou il existe des atypies : symptomato-logie clinique, anomalies échocardiographiques,présence de phénomènes répétitifs au repos ou à l’effort,bimorphisme voire polymorphisme, PTV positifs. Dès lors, il est nécessaire de passer à des examens deseconde intention dont la plupart auront pour butd’éliminer le diagnostic de DAVD.

Pour certains (l’école bordelaise), le test à l’Isoprotérénol(1 ampoule dans 100 cc) représente un test d’une grandevaleur dans la recherche d’une DAVD.L’IRM représente actuellement la méthode non irradiantela plus répandue. Elle peut apporter des renseignementssur la structure, l'épaisseur et la taille du VD ainsi que sacinétique segmentaire et globale. Un hypersignal détectédans la paroi myocardique est très spécifique de l'infiltratadipeux. Une atteinte associée du VG peut être égalementrecherchée. Pour Grimm (11), l’IRM présente une trèsbonne valeur prédictive négative permettant d’éliminer laprésence d’une DAVD sur un examen normal.L'angioscintigraphie isotopique avec analyse de phase de Fourrier permet d'étudier l'hétérogénicité de lacontraction ventriculaire droite et de visualiser des zones d'hypokinésie, d'akinésie ou de dyskinésie. Lesfractions d'éjection droite et gauche, peuvent êtreévaluées d'une façon fiable. Le pronostic étant d’autantplus mauvais qu’il existe des anomalies ventriculairesgauches associées (12).L'angiographie ventriculaire droite conventionnelle estclassiquement considérée comme l'examen de référencedans la DAVD. Elle doit être réalisée d'une façon sélectiveen deux incidences différentes. Dans les formes diffuses,les anomalies angiographiques consistent en une dilatation cavitaire droite avec dysfonction systolique etbaisse de la fraction d'éjection. Ces signes ne sontmalheureusement pas retrouvés dans les formes locali-sées et cette technique reste très opérateur dépendant.La biopsie endomyocardique a été utilisée dans certainesétudes pour dépister une DAVD dans les arythmiesventriculaires sur cœur apparemment sain, ou pourconf irmer le diagnostic déjà suspecté par les autresexamens paracliniques. Néanmoins, cette méthodeprésente plusieurs limites. Les faux négatifs sontpossibles dans les formes localisées de la maladie. D'autre part, un infiltrat adipeux de la paroi ventriculairedroite n'est pas toujours synonyme de DAVD (richesseparticulière du VD normal en adipocytes). Enfin, labiopsie endomyocardique n'est pas sans risque dans cettepathologie où la paroi du VD est particulièrementamincie et fragilisée.Une exploration électrophysiologique sera parfoisréalisée dans les formes avec ESV complexes et/ou TV,soit dans un but pré-thérapeutique d’ablation (TVsoutenue), soit af in de s’assurer de l’absence de TVélectro-déclenchables (en présence de TV non soutenue).À l’issue de ce panel d’examen, il est bien rare que lasituation ne soit pas claire. En l’absence de certitudediagnostique le recul du temps permettra de trancher. En effet, il est de bonne pratique de réévaluer la situation à un ou deux ans du bilan initial en l’absence de strictenormalité des examens. Chez un sportif, il peut êtreencore plus difficile de s’assurer de la stricte bénignitédes ESV, et c’est parfois l’arrêt de l’activité couplée à unbilan exhaustif qui permettront d’assurer le diagnostic decœur de sportif (13). Dans tous les cas, il conviendra derappeler aux patients asymptomatiques la nécessité de

326 g. quiniou

consulter en cas de signes d’appels, que sont des palpitations, un malaise ou une inadaptation à l’effort.

IX. CONCLUSION.Bien qu’il s’agisse dans l’immense majorité d’uneanomalie plus que d’une pathologie, la présence d’une

extrasystolie ventriculaire nécessite quelques examens simples permettant d’écarter une organicitésous jacente. La présence de signes cliniques rendraprudent le clinicien, d’autant plus que depuis peu,certaines formes d’extrasystoles considérées commebénignes ont pu être rendues responsables de mort subite.

327conduite à tenir devant une extrasystolie ventriculaire

DOSSIER

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

328

VIENT DE PARAÎTRE

CODE SANITAIRE POUR LES ANIMAUX TERRESTRES

L'objectif du Code sanitaire pour les animaux terrestres est d'assurer la sécurité sanitaire des échangesinternationaux d'animaux terrestres et de leurs produits dérivés, grâce à la définition détaillée des mesures sanitairesque les Autorités vétérinaires des pays importateur et exportateur doivent appliquer afin d'éviter le transfert d'agentspathogènes pour l'animal ou pour l'homme, tout en prévenant la création de barrières sanitaires injustifiées.Les mesures sanitaires recommandées dans le Code terrestre (présentées sous forme de normes, lignes directriceset recommandations) sont formellement adoptées par le Comité international de l'OIE qui rassemble tous lesDélégués des Pays Membres de l'OIE.La 14e édition intègre les amendements apportés au Code terrestre lors de la 73e Session générale tenue enmai 2005. Ces amendements ont été insérés dans les chapitres et annexes portant sur les sujets suivants : définitionsgénérales, notification et informations épidémiologiques, zonage et compartimentation, critères d'inscription demaladies sur la liste de l'OIE, fièvre aphteuse, fièvre catarrhale du mouton, fièvre de la Vallée du Rift, tuberculosebovine, encéphalopathie spongiforme bovine, peste porcine classique et influenza aviaire. Y ont été égalementintroduites de nouvelles annexes sur la semence de bovins et de petits ruminants, la surveillance générale de la santéanimale et les systèmes de surveillance de l'encéphalopathie spongiforme bovine, la fièvre aphteuse, la peste porcineclassique et l'influenza aviaire. La présente édition intègre quatre nouvelles lignes directrices sur le bien être animal(transport par voies maritime et terrestre, abattage à des fins prophylactiques et abattage à des fins de consommationhumaine), ainsi que des annexes révisées sur l'usage des antimicrobiens.

L'élaboration des normes, lignes directrices et recommandations de l'OIE est le fruit d'un travail continu entrepris parl'une des commissions spécialisées de l'OIE, la Commission des normes sanitaires pour les animaux terrestres.Cette Commission fait appel aux meilleurs spécialistes mondiaux pour préparer de nouveaux projets d'articles duCode terrestre ou bien procéder à la révision des articles déjà existants en fonction des progrès de la sciencevétérinaire.Le fait que les mesures figurant dans le Code terrestre résultent d'un large consensus des Autorités vétérinaires des PaysMembres de l'OIE et que cet ouvrage ait été retenu par l'Organisation mondiale du commerce dans le cadre de l'Accordsur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires pour être la norme internationale en matière de santé animaleet de zoonoses, lui confèrent une valeur double.

Dans une première partie sont présentés les définitions des termes ou expressions utilisés, la liste des maladies animalesvisées par l'OIE, les modalités de déclaration de ces maladies au niveau international, les règles d'éthique en matièred'échanges internationaux et de certification, les principes de l'analyse de risque à l'importation, ainsi que la façon dontdoivent s'organiser les procédures d'importation et d'exportation.Une seconde partie s'attache à examiner, pour chaque maladie animale considérée par l'OIE comme importantedans les échanges internationaux, les conditions sanitaires auxquelles un pays exportateur doit répondre, enfonction des maladies sévissant sur son territoire, afin d'assurer la sécurité sanitaire des échanges internationauxd'animaux terrestres vivants, de semence, d'embryons, de produits carnés ou laitiers et d'autres produits d'origineanimale.Des annexes rappellent les épreuves diagnostiques à mettre en œuvre avant l'exportation (faisant ainsi le lien avecle Manual of Diagnostic Tests and Vaccines for Terrestrial Animais de l'OIE), et décrivent les modalités du contrôlesanitaire et de l'hygiène spécialement dans le domaine de la reproduction, les procédés d'inactivation des agentspathogènes, les conditions de protection des animaux dans les transports internationaux, les principes générauxapplicables aux systèmes de surveillance pour la reconnaissance du statut indemne d'une maladie ou d'uneinfection donnée ainsi que les lignes directrices pour le bien-être animal et pour l'antibiorésistance.

En fin d'ouvrage sont présentés les modèles de certificats vétérinaires internationaux approuvés par l'OIE.Le Code terrestre est un document de référence indispensable à tous les opérateurs concernés par les échangesinternationaux d'animaux terrestres et de leurs produits dérivés. Compte tenu de la nécessité d'y intégrer lesdernières informations scientifiques disponibles, il fait l'objet d'éditions annuelles.

ISBN 92-9044-636-6 - Pages : 682 - Format : 21 x 29,7 cm - Prix : 55 euros - OIE, 12 rue de Prony, 75017 Paris - [email protected]

Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie

médecine et armées, 2006, 34, 4 329

INDICATIONS ACTUELLES DES TECHNIQUES ABLATIVES ETINCIDENCE SUR L’APTITUDE EN MILIEU MILITAIRE

Les techniques ablatives sont proposées depuis un peuplus de quinze ans dans le traitement radical desarythmies. La technique la plus employée actuellementest l’ablation par radiofréquence. Cet article a pourobjectif de préciser les indications, les résultats, lescomplications et les implications médicomilitaires destechniques ablatives en centrant notre propos surl’ablation des arythmies rencontrées chez le sujet jeune.Les problèmes pratiques soulevés par l’aptitude enmilieu militaire après ablation sont également envisagés.

Mots-clés : Ablation par radiofréquence. Aptitude. Sujetjeune.

RÉSUMÉ

RADIOFREQUENCY CATHETER ABLATION OFCARDIAC ARRHYTHMIA : INDICATIONS ANDAPTITUDE IMPLICATIONS IN MILITARYMEDICINE.

Ablation techniques are proposed since 15 years forarrhythmia treatment. The most used technique isactually radiofrequency catheter ablation. The aim ofthis article is to precise indications, results, andcomplications of this technique. We also detailmedicomilitary implications of radiofrequency ablationand focus on arrhythmias of the young adult. Theparticular problems of military aptitude afterradiofrequency catheter ablation are also discussed.

Keywords : Military aptitude. Radiofrequency catheterablation. Young adult.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 329-333)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Les techniques ablatives sont proposées depuis un peu plus de quinze ans dans le traitement radical desarythmies. La technique la plus employée actuellementest l’ablation par radiofréquence (RF). Depuis peu, unenouvelle technique, la cryo-ablation est également disponible et est venue compléter l’arsenal thérapeu-tique. Ces méthodes ont récemment bénéf icié de l’essor des systèmes de cartographie cardiaque électro-anatomique qui ont permis de mieux comprendre lemécanisme de certaines arythmies et de les rendre accessibles à l‘ablation. C’est le cas notamment de lafibrillation atriale (fig. 1) et des arythmies post chirurgiecardiaque, qui peuvent désormais bénéf icier d’un traitement radical par ablation. L’objectif de cet article est depréciser les indications, les résultats, les complications et

les implications médico-militaires des techniques ablatives,en centrant notre propos sur l’ablation des arythmiesrencontrées chez le sujet jeune et les problèmes pratiquessoulevés par l’aptitude en milieu militaire après ablation.

Ph. HÉNO, médecin en chef, praticien certifié. L. BRAEM, médecin principal,praticien confirmé. D. MIOULET, médecin des armées, praticien confirmé. J.-M. PELONI, médecin principal, praticien confirmé. É. BASTARD, interne des hôpitaux. Ph. PAULE, médecin principal, praticien certifié. P. VARLET¸médecin en chef, praticien certifié. L. FOURCADE médecin en chef, praticiencertifié agrégé.Correspondance: P. HÉNO, Service de pathologie cardio-vasculaire, HIA Laveran,BP 50, 13998 Marseille Armées.

PH. HÉNO, L. BRAEM, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, É. BASTARD, PH. PAULE, P. VARLET¸ L. FOURCADE

DOSSIER

Figure 1. Ablation de fibrillation atriale : isolation des veines pulmonaires avecsystème de cartographie électroanatomique.

II. TECHNIQUE (1, 2).

Le geste d’ablation est le plus souvent réalisé dans lemême temps que l’exploration électrophysiologique(EEP). Plusieurs cathéters d’électrophysiologie diagnostique ainsi que la sonde d’ablation sont introduitssous anesthésie locale par voie veineuse fémorale, sous-clavière ou dans de rares cas par voie rétrograde artériellefémorale. Les sondes sont ensuite positionnées au niveaude l’endocarde sous contrôle radioscopique (f ig. 2).L’exploration électrophysiologique permet de préciser lemécanisme de l’arythmie : existence d’un foyer, d’uncircuit de réentrée, d’une dualité nodale ou d’une voieaccessoire. L’utilisation de systèmes de cartographie plussophistiqués est parfois nécessaire, en particulier pour lestachycardies atriales et la fibrillation auriculaire (FA).L’ablation endocavitaire assure le traitement radicalcuratif en transformant le substrat myocardique arythmogène en une cicatrice fibreuse électriquementneutre. La technique la plus utilisée est actuellementl’ablation par courant de radiofréquence, qui permet de réaliser un échauffement localisé à l’interface électrode-endocarde. Cet échauffement entraîne un effetlésionnel irréversible, lorsque la température en bout desonde est supérieure à 50 °C. L’utilisation dans certainscas de cathéters « irrigués » permet de délivrer des puis-sances supérieures et de créer des lésions plus profondes.Ces cathéters limiteraient également la formation decaillots intracavitaires au contact de la sonde.Contrairement au courant de radiofréquence qui induit unéchauffement tissulaire responsable de la lésion, il estpossible de provoquer des lésions tissulaires par le froid,appelées cryothérapie (3). Cette technique apparue en1991 est encore actuellement peu développée en France.Elle possède toutefois plusieurs avantages qui pourraientvoir son utilisation augmenter en particulier chez le sujetjeune. Cette technique permet notamment grâce au

« cryomapping » de créer des lésions tissulaires transitoires et réversibles, qui permettent de déterminerplus précisément le site proximal d’ablation, d’éviter deslésions inutiles en diminuant le nombre d’applicationsd’énergie et surtout de diminuer le taux de complicationsà type de bloc auriculoventriculaire (BAV). Cettenouvelle technique semble particulièrement intéressantedans l’ablation des tachycardies jonctionnelles par réentrée intranodale et des voies accessoires proches desvoies normales de conduction (voies antéroseptales et« midseptales »), où la proximité des voies de conductionnormales du cœur rend le risque de BAV iatrogène nonnégligeable. L’autre intérêt réside dans le fait que pendantla délivrance du froid, l’électrode se colle au tissu, larendant parfaitement stable.

III. INDICATIONS.

L’ablation peut désormais être proposée dans la plupartdes arythmies. Nous limiterons notre propos aux arythmies rencontrées chez le sujet jeune indemne decardiopathie, qui correspondent aux arythmies rencontrées le plus souvent en milieu militaire.Les tachycardies jonctionnelles sont les tachycardies lesplus fréquentes chez le sujet jeune. Le groupe des tachycardies jonctionnelles comprend les tachycardiespar réentrée intranodale et les tachycardies utilisant une voie accessoire.

A) TACHYCARDIES JONCTIONNELLES PARRENTRÉE INTRANODALE.

Les tachycardies jonctionnelles par réentrée intranodale(1, 2, 4) constituent la cause la plus fréquente de tachycardie supraventriculaire régulière (maladie deBouveret). Ces patients présentent une dualité de laconduction nodale, et la technique consiste à aller pratiquer l’ablation de la voie lente nodale située enrégion postéroseptale. La complication majeure de cetteprocédure est représentée par le risque de survenue deBAV complet dans 1 % à 5 % des cas. Le taux de succèsimmédiat est de 97 %. Le taux de récidive à long terme est de 5 %. Ce type d’ablation est proposé chez les patients symptomatiques présentant des crises de tachycardie en rapport avec une réentrée intranodale,résistantes au traitement médical ou avec mauvaise tolérance du traitement. Compte tenu du risque de BAV, laradiofréquence nous semble devoir être déconseilléechez le sujet jeune, et la cryothérapie à privilégier pourl’avenir dans ce contexte (3).

B) FAISCEAUX DE KENT.

Les faisceaux de Kent correspondent à l’existence deconnexions électriques anormales entre l’oreillette et lesventricules. L’électrocardiogramme (ECG) montre unaspect de pré-excitation ventriculaire avec PR court (inférieur à 120 ms) et empâtement du pied du QRS (ondedelta). Le syndrome de Wolff-Parkinson-White est déf ini par l’association de symptômes à type de

330 ph. heno

Figure 2. Radioscopie : incidence oblique antérieure gauche. Position dessondes endocavitaires lors de l’ablation de flutter atrial commun.

palpitations à cet aspect électrocardiographique. Les faisceaux de Kent sont composés de fibres musculaires àconduction rapide et peuvent « court-circuiter » les voiesde conductions normales. Il est possible de rencontrerdifférentes arythmies chez les patients porteurs d’un faisceau de Kent. Il peut s’agir de tachycardies par rythmeréciproque empruntant la voie accessoire dans les sensantérograde ou rétrograde. Il peut survenir également desarythmies atriales telle que la FA avec conduction rapideaux ventricules. Il existe alors un risque de mort subite parfibrillation ventriculaire lors des passages en FA, en particulier lorsque la période réfractaire de la voie accessoire est courte (< 250 ms) et la réponse ventricu-laire très rapide (> 200/mn). L’ablation des faisceaux deKent est indiquée chez les patients porteurs d’une voieaccessoire présentant une dangerosité potentielle(période réfractaire courte, profession à risque, pratiquedu sport en compétition), en particulier lorsque existentdes antécédents d’arythmie supraventriculaire cliniqueou déclenchée au cours de l’EEP (2, 4-6).

C) TACHYCARDIE PERMANENTE JONCTION-NELLE RÉCIPROQUE.

La tachycardie permanente jonctionnelle réciproque ditetachycardie de Coumel (7). Il s’agit d’une tachycardieempruntant une voie accessoire à conduction rétrogradelente et décrémentielle. La topographie du faisceau estgénéralement postéroseptale droite. L’ECG inscrit unetachycardie à QRS fins, avec onde P’ rétrograde, négativeen DII, DIII, VF avec un espace RP’ supérieur à P’R. Latolérance de ces tachycardies est variable. Les formespermanentes et rapides peuvent être responsables chez l’adulte jeune de cardiomyopathies rythmiques avec altération de la fraction d’éjection ventriculairegauche (FEVG). L’ablation par RF représente le traitement de première intention de ces tachycardies, et s’accompagne d’une amélioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche.

D) TACHYCARDIE EMRUNTANT UNE FIBREDE MAHAIM (7).

Les fibres de Mahaim sont rares et correspondent à desvoies accessoires à type de connexions fasciculo-ventri-culaires, sans expression clinique, ou nodo-ventriculairesresponsables de tachycardie. En tachycardie, l’ECGinscrit un QRS large à type de bloc de branche gauche avec un axe gauche. L’ablation par radiofréquenceest indiquée dans les formes récidivantes et mal toléréesde tachycardie.

E) FLUTTER ATRIAL COMMUN.

Le flutter atrial commun (1, 2, 8) est une arythmie parmacro réentrée atriale droite, rare chez le sujet jeune, etplus souvent rencontrée chez le patient d’âge mûr. Nousl’avons cependant rencontrée chez de jeunes militairesdans de rares cas. Le principe de l’ablation est la créationd’une ligne de bloc de conduction bidirectionnelle auniveau de l’isthme cavo-tricuspide afin d’interrompre le

circuit de réentrée (fig. 3). L’ablation par radiofréquencereprésente désormais le traitement de première intentionen raison de taux de succès dépassant 96 % au terme de deux années de suivi et d’un taux de complications très faible. Le taux de récidive à long terme se situe entre5 % et 9 % selon les séries. Dans notre expérience duflutter du sujet jeune, la procédure s’est toujours soldéepar un succès. Nous ne détaillerons pas l’ablation desautres flutters (flutter atypiques, flutter cicatriciel,cardiopathies congénitales…).

F) TACHYCARDIES ATRIALES.

Les tachycardies atriales (1, 2), en particulier focales par automatisme anormal, peuvent survenir en l’absencede toute cardiopathie et sont rencontrées de manièresélective chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte jeune.Elles sont très résistantes au traitement médical et l’ablation par radiofréquence est une bonne indication.Les études les plus récentes revendiquent un taux de succès de 92% à 100% avec un taux de récidive variantde 4 % à 10 %.

G) FIBRILLATION AURICULAIRE.

La f ibrillation auriculaire (FA) est une arythmie qui peut être rencontrée chez le sujet jeune, en particulierdans ses formes dîtes vagales (période nocturne ou postprandiale) et cathécolergiques (lors d’un stress ou àl’effort). Cette technique d’ablation nécessite un abord del’oreillette gauche par cathétérisme transseptal. Le risquede perforation cardiaque est très faible dans les centresentraînés (0,002 %). La technique d’ablation consiste àdéconnecter les quatre veines pulmonaires où sont situéesles foyers arythmogènes initiateurs de la tachycardie.Cette déconnexion est éventuellement complétée par la réalisation de lésions linéaires auriculaires gauches.Les complications sont représentées par la sténose desveines pulmonaires (1,9 %), la survenue d’accidentsthromboemboliques systémiques (1,1 %) et les lésions de l’œsophage. Il existe encore un taux important de récidives (30 %) dans les premiers mois nécessitant aumoins une nouvelle procédure. Malgré sa relativecomplexité, l’ablation de la fibrillation atriale semble

331indications actuelles des techniques ablatives et incidence sur l’aptitude en milieu militaire

DOSSIER

Figure 3. Ablation de flutter atrial commun. Arrêt du flutter pendant le tir deradiofréquence.

pouvoir être proposée chez de jeunes patients souffrant de fibrillation atriale paroxystique invalidante, c'est-à-dire demeurant symptomatiques après échec d’au moins un ou deux médicaments antiarythmiques. Une densité minimale d’arythmie est exigée avec aumoins un épisode tous les quinze jours. Les indications de l’ablation de la FA ne sont toutefois pas encore complètement validées (9).

H) TACHYCARDIE INTRAFASCICULAIRESENSIBLE AU VÉRAPAMIL.

La tachycardie intrafasciculaire sensible au vérapamil outachycardie de Belhassen, se présentent sous forme d’unetachycardie ventriculaire à QRS peu élargis (autour de140 ms) à type de retard droit et d’axe supérieur gauche(2). Il s’agit d’une tachycardie ventriculaire sur cœur sainsurvenant classiquement chez l’homme entre 15 et 40 anspouvant être responsable de cardiomyopathie rythmiqueavec altération de la FEVG. L’ablation est indiquée chezles patients symptomatiques présentant des lipothymiesou des syncopes, ou en cas de tachycardies récidivantesou résistantes au traitement médical. Le taux de succès estde 80 à 90%. Il existe d’autres tachycardies ventriculairesbénignes sur cœur sain telles que la tachycardie en salvede Gallavardin que nous n’aborderons pas.

IV. COMPLICATIONS.

Le taux de complications est variable selon l’arythmietraitée (10). Un travail portant sur 1 050 patients adressés pour ablation d’arythmie supraventriculaire, et comportant 1 136 gestes d’ablation a montré lasurvenue de complications graves chez 3 % des patients et de complications mineures chez 8,1 % despatients (11). Le taux de mortalité était de 0,2 %. Cescomplications peuvent être liées à la ponction veineuse,au geste de cathétérisme, ou à l’ablation elle-même. Lescomplications liées à la ponction veineuse comprenaientles hématomes au point de ponction (3%), les pseudoané-vrysmes, les fistules artérioveineuses, les thrombosesveineuses ou artérielles, voire une exceptionnelle infection. Il est survenu un pneumothorax en cas de ponction sous clavière chez 1 % des patients. L’ablationpouvait être compliquée d’épanchement péricardique(2 %, dont une tamponnade), de bloc auriculoventricu-laire (0,8 % dont six blocs auriculoventriculairescomplets) ou de troubles du rythme. Il a été égalementrapporté la survenue de lésions d’une artère coronairepouvant se compliquer d’infarctus du myocarde (0,1 %dans la série de Calkins) et de lésions valvulaires responsables d’insuff isance mitrale, tricuspide ouaortique (0,1 %). Des accidents thromboemboliquespeuvent survenir en particulier lors de procédures d’ablation dans les cavités gauches (1 % d’accidentsvasculaires cérébraux dans le travail sus cité). Enfin,quelques patients ressentent des douleurs thoraciquestransitoires pendant le tir de radiofréquence. Dans leregistre européen MERFS le taux de complication était de

5,1 % et le risque de mortalité faible de 0,04 % (2). Lerisque radique est faible (12). Il a été estimé que chaqueheure de radioscopie était associée à un risque desurvenue de cancer fatal de 0,1 % et d’un risqued’anomalie génétique de 20 par million de naissance. Il est à noter que la grande majorité des ablations est réalisée avec moins d’une heure de scopie. Les procédures d’ablation ne doivent bien entendu pas êtreréalisées en cours de grossesse, sauf cas particuliers(urgence vitale).Au regard de ce risque de complications, heureusementrelativement rares mais parfois graves, on comprend queles procédures d’ablation doivent être rigoureusementjustifiées, en particulier chez les sujets asymptomatiquesdemandeurs d’aptitude au service dans les armées.À l’opposé, plusieurs études ont montré que l’ablationdes arythmies avait un impact positif sur la qualité de viedes patients traités (1, 2), aussi bien en ce qui concernel’amélioration des symptômes que la qualité de vie générale. Plusieurs études randomisées ont égalementmontré que l’ablation était supérieure au traitementmédical en terme de qualité de vie.

V. IMPLICATIONS MÉDICO-MILITAIRES.

La découverte d’une arythmie à l’engagement ou encours de carrière est souvent synonyme d’une restrictiond’aptitude voire d’une inaptitude. L’ablation, techniqueradicale, peut permettre à ces militaires de recouvrer leur aptitude. Les modalités concernant l’aptitude aprèsablation ont été récemment précisées dans l’instructionde référence (13). L’aptitude doit être évaluée dans unservice de cardiologie d’un hôpital d’instruction desarmées (HIA). Il convient d’attendre six mois aprèsl’ablation en raison du risque non négligeable de récidive,comme nous l’avons vu précédemment. Ce délai doit êtreporté à un an après ablation de FA. Le cardiologue expertdoit disposer du compte rendu détaillé de l’EEP et dugeste d’ablation. L’expertise doit commencer par un interrogatoire rigoureux à la recherche de la persistancedes symptômes ou de l’apparition de nouveaux signesfonctionnels. L’examen clinique doit s’attacher àl’examen des points de ponction avec auscultation desaxes vasculaires af in de s’assurer de l’absence de complication locale. L’examen cardiovasculaire doit êtrecomplet et rechercher en particulier l’existence d’unsouffle cardiaque. Du point de vue paraclinique, un ECG12 dérivations doit toujours être réalisé. L’échocardiogra-phie évaluera plus précisément l’appareil valvulaire, lafonction ventriculaire gauche et le péricarde. Uneépreuve d’effort et un holter ECG seront également effectués. Le holter ECG sera réalisé à la recherche de lapersistance d’arythmie. L’épreuve d’effort permettra des’assurer de l’absence de déclenchement d’arythmie ensituation cathécolergique. Dans le cas d’une ablationd’une voie accessoire à conduction antérograde, un test àla Striadyne sera réalisé. L’injection rapide de 20 mg deStriadyne par voie intraveineuse permet en effet debloquer la conduction par les voies normales et de révéler

332 ph. heno

l’existence d’une préexcitation ventriculaire résiduelle.Cet examen doit être réalisé sous monitorage continu del’électrocardiogramme, avec de l’atropine à disposition.Ce test est contre indiqué chez les patients asthmatiques.À l’issue de cette consultation spécialisée, le patient sans cardiopathie associée ayant bénéficié avec succès de l’ablation d’une tachycardie jonctionnelle pourra être classé G = 2 ou G = 3. De même le patient sans cardiopathie associée ayant bénéficié avec succès del’ablation d’une tachycardie atriale ou d’un flutter atrial etne nécessitant pas de traitement médical, pourra êtreclassé G =2 ou G =3. Le militaire ayant bénéficié en coursde carrière de l’ablation d’une fibrillation auriculairepourra être classé au bout d’un an, de G = 3 à G = 5, enl’absence de récidive et de séquelle. À l’engagement, leclassement sera G = 4. Les syndromes de pré-excitationventriculaire pourront être classés après ablation de G = 2à G = 4, en fonction de la persistance éventuelle de symp-tômes ou de l’existence de séquelles. En ce qui concerneles rares tachycardies ventriculaires sur cœur sain, laréglementation fixe le classement de G = 4 à G = 6, ycompris après ablation. Pour tous les patients, les déci-sions seront prises au cas par cas. En ce qui concerne lesaptitudes particulières (personnel navigant, plongée,chute opérationnelle…), la décision d’aptitude sera

prononcée au cas par cas, après réalisation d’une évaluation approfondie (cf. supra) et en concertation etcollaboration avec les autorités concernées (CPEMPNA,CEMPNA, CEMPP…).

VI. CONCLUSION.

En raison de son bon rapport eff icacité-sécurité, l’ablation par RF est devenue un traitement de choix debeaucoup d’arythmies. L’ablation par cryothérapiesemble désormais une bonne alternative chez certainspatients récusés pour une ablation classique à haut risque.À côté des indications indiscutables (mauvaise tolérance,altération de la FEVG, résistance aux traitements anti-arythmiques, risque de mort subite dans les cas desfaisceaux de Kent « malins »), les jeunes patients sont deplus en plus demandeurs d’indications de confort (raisonprofessionnelle, engagement, compétition sportive…). Ilconvient de discuter ces indications au cas par cas, eninformant de manière éclairée le patient sur le rapportbénéfice/risque de la procédure. Il convient également derappeler que même en cas d’ablation avec succès un délaide six mois à un an est nécessaire avant de pouvoirprononcer une révision d’aptitude.

333indications actuelles des techniques ablatives et incidence sur l’aptitude en milieu militaire

DOSSIER

1. Morady F. Radio-frequency ablation as treatment for cardiacarrhythmias. New England Journal of Medicine 1999; 340 : 535-44.

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9. Jaïs P, Hocini M, Sacher F et al. Place de l’ablation dans letraitement de la fibrillation auriculaire : où en sommes nous ? Oùallons nous ? Archives des maladies du cœur et des vaisseaux2004 ; 97 : 1 071-7.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

334

VIENT DE PARAÎTRE

L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES

« HYMNE À LA VIE »

François PÉDRON, Jacques BRAVO

" Pour que ceux qui ont risqué leur vie ou versé leur sang pour la défense de la monarchie, finissent leurs jours dans la tranquillité "

Ordonnance du roi Louis XIV, 1670.

Depuis l'édification des Invalides sous le règne de Louis XIV au XVIIe siècle, l'Hôtel des Invalides abritederrière ses hauts murs les hommes et les femmes gravement atteints en défendant la liberté oul'indépendance de la France. Aujourd'hui, l'Institution nationale des Invalides (INI) accueille unecentaine de pensionnaires. Parallèlement, c'est un établissement médical de pointe spécialisé dans letraitement du grand handicap, qui s'est ouvert depuis quelques années aux blessés civils.Avec le livre l'Institution nationale des Invalides « Hymne à la vie », édité par Corinne KREBS, le journaliste François PÉDRON et le photographe Jacques BRAVO donnent un éclairage inédit à la viequotidienne de ce lieu, à son histoire et aux personnes qui l'animent avec passion et dévouement.En mots et en images, ils esquissent les portraits émouvants de ses pensionnaires, dernières victimes et témoins des conflits et barbaries du XXe siècle.

Sommaire

– Les Invalides : un morceau d'histoire de France.

– Destins d'hommes et de femmes au service de la Liberté.

– L'Institution Nationale des Invalides, un établissement médical de pointe dans le traitement du

handicap et des traumatismes.

– Le Cercle sportif de l'INI, une référence mondiale pour les sportifs handicapés de haut niveau.

– La cathédrale Saint Louis des Invalides, un lieu de solennité et de recueillement bientôt

tricentenaire.

Les auteurs : Jacques BRAVO et François PEDRON sont allés à leur rencontre pour recueillir, souvent pourune ultime fois, leur récit, leur douleur, mais aussi leur sourire ou leur optimisme.Ils ont composé avec tendresse 10 portraits de femmes et 22 portraits d'hommes exceptionnels.Au fil des pages, nous découvrons les destins tragiques, étonnants, miraculeux et toujours dignes deces personnes. Certaines, trop meurtries dans leur chair ou dans leur esprit, enfermées dans leurpassé, communiquent avec difficulté. D'autres ont conservé une énergie, une formidable joie de vivremalgré les épreuves et ne sont pas avares d'anecdotes.

L'institution Nationale des Invalides - Hymne à la vie a été dédicacé par Monsieur Jacques CHIRAC,Président de la République.

Ce livre a été édité par l'association L'esprit de tous les combats, en partenariat avec le Ministère de laDéfense et l'Association Les Gueules Cassées.

ISBN 2 95 25428 0 5 – Pages :184 – Prix : 55 € – Contacts presse : Géraldine MUSNIER – Tél. : 06 60 94 05 49 – [email protected]– Florence Maeso 06 66 60 02 51 – [email protected]

Dossier « Cœur et Armées » : Rythmologie

médecine et armées, 2006, 34, 4 335

DYSPLASIE VENTRICULAIRE DROITE ARYTHMOGÈNEÉtiopathogénie, diagnostic, évolution, prise en charge etretentissement sur l’aptitude au service

La dysplasie ventriculaire droite arythmogène est unecardiomyopathie associant des changementshistologiques du myocarde ventriculaire droit et desarythmies exposant au risque de mort subite, décritepour la première fois en 1977. Il existe une diversité deformes cliniques révélatrices, que nous avons vouluillustrer à travers trois observations qui concernent desmilitaires en activité. L’affirmation du diagnostic repose sur l’association d’arguments cliniques,électrocardiographiques et morphologiques que nouspassons en revue avant de préciser l’évolution, lepronostic et la prise en charge thérapeutique. Lesdifficultés liées à la détermination d’une aptitude à servirsont illustrées à travers ces trois observations.

Mots-clés : Dysplasie ventriculaire droite arythmogène.Insuffisance cardiaque. Mort subite. Troubles du rythmeventriculaire.

RÉSUMÉ

ARRHYTHMOGENIC RIGHT VENTRICULARCARDIOMYOPATHY: ETIOPATHOGENY, DIAG-NOSIS, EVOLUTION, MANAGEMENT ANDAPTITUDE TO SERVE.

Arrhythmogenic right ventricular cardiomyopathy is aheart muscle disease: first described in 1977, it ischaraterized by histologic changes involution of the rightventricle associated with ventricular arrhythmia andsudden death. The clinical presentation is variable. Thediagnosis is based on association of clinical,electrocardiographic and morphological abnormalitieswhich are reviewed before description of natural history,prognosis and therapy. Difficulties to determine theaptitude to serve are illustrated through threeobservations concerning militaries.

Keywords: Arrhythmogenic right ventricular dysplasia.Heart failure. Sudden death. Ventricular arrhythmia.

(Médecine et armées, 2006, 34, 4, 335-342)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

La dysplasie ventriculaire droite arythmogène (DVDA)est une cardiomyopathie associant des changementshistologiques du myocarde ventriculaire droit et desarythmies. Cette entité anatomo-clinique a été décritepour la première fois par Fontaine et al. en 1977 (1) à partird’observations per-opératoires.Histologiquement, il s’agit d’un remplacement fibro-adipeux progressif et transmural, plus ou moinsdiffus, du myocarde du ventricule droit.Cette pathologie rare concerne le plus souvent des adultesjeunes avec une prédominance masculine de l’affection.

Elle expose au risque d’arythmie ventriculaire grave à déclenchement catécholergique.À partir de trois observations concernant des militaires,colligées à l’HIA Percy et l’HIA Robert Picqué, nous rapportons les différentes formes de présentationclinique de cette affection, les moyens diagnostiques et évoquons les problèmes d’aptitude qui ne manquentpas de se poser.

II. OBSERVATIONS.

A) OBSERVATION 1.

Une jeune femme, âgée de 26 ans, sous-officier souscontrat, présente depuis de nombreuses années desmalaises sans perte de connaissance et sans relation avecl’effort, étiquetés crises de « spasmophilie ». Elle estadmise aux Urgences en avril 2002 en raison d’une pertede connaissance complète précédée de manifestations

PH. BRANDSTÄTT, médecin en chef, praticien certifié. J.-M. CHEVALIER,médecin en chef, praticien certifié. J.-M. RIGOLLAUD, médecin principal,praticien certifié. F. BIRE, médecin en chef, praticien certifié. P.-L. MASSOURE,médecin principal, praticien confirmé. R. CARLIOZ, médecin en chef, professeuragrégé du SSA.Correspondance : PH. BRANDSTÄTT, Service de cardiologie, HIA RobertPicqué, BP 28, 33998 Bordeaux Armées.

PH. BRANDSTÄTT, J.-M. CHEVALIER, J.-M. RIGOLLAUD, F. BIRE, P.-L. MASSOURE, R. CARLIOZ

DOSSIER

à type de paresthésies des extrémités avec une gênevisuelle reproduisant les malaises qu’elle connaissait.Compte tenu d’anomalies de la repolarisation sur l’électrocardiogramme (ECG) avec onde T négative enD2, D3 et aVF et de V1 à V5 (fig. 1), une hospitalisationavec surveillance monitorée de l’ECG est réalisée. Celle-ci permet d’identifier la survenue de salves de tachycardieà complexes QRS larges à type de retard gauche-axegauche, se prolongeant pendant plusieurs minutes(fig. 2). La présence de plusieurs complexes de fusion et de capture et l’existence d’une dissociation auriculo-ventriculaire signent l’origine ventriculaire dessalves de tachycardie. Cependant, contrastant avecl’inquiétude légitime du personnel soignant alerté par les alarmes du scope, la patiente ne ressentait que lesmanifestations étiquetées spasmophiliques, ce quipermettait d’affirmer a posteriori le caractère ancien et répété de ces épisodes de tachycardie ventriculaire,habituellement bien tolérés avec cependant un épisoderécent syncopal. Compte tenu de l’origine ventriculairedroite de cette tachycardie ventriculaire et de la négativitéde l’onde T en précordiales droites, l’hypothèse d’unedysplasie ventriculaire droite est évoquée. L’échocardiographie s’avère sans particularité notam-ment au niveau du ventricule droit. Le Holter ECGretrouve une extrasystolie ventriculaire monomorphenon répétitive en dehors d’un quadruplet de mêmemorphologie. Les potentiels tardifs ventriculaires (PTV)s’avèrent négatifs pour deux critères, seul le voltage RMSétant positif à 36 microvolts. Une angioscintigraphiemyocardique note simplement une discrète dilatation duventricule droit mais la cinétique pariétale et la fractiond’éjection sont normales. L’imagerie par résonancemagnétique (IRM) cardiaque ne retrouve pas d’infiltra-tion graisseuse de la paroi ventriculaire droite en spinécho mais il existe un bombement de la paroi antérieureavec une absence de contractilité compatible avec le diagnostic de DVDA.Une stimulation ventriculaire programmée réalisée sousaténolol s’avère négative mais le test à l’isoprénaline est

positif avec déclenchement de salves non soutenues de tachycardie ventriculaire.Un traitement par sotalol est proposé et progressivementaugmenté à une posologie de 400 mg/j afin de contrôlerl’extrasystolie ventriculaire. Un classement G = cinq estproposé et le contrat n’est pas renouvelé.La patiente interrompt son traitement par sotalol au bout d’un an ainsi que le suivi cardiologique qui avait été instauré. Deux ans après la découverte de la DVDA, il est fait mention, lors de la surveillance post-opératoired’une appendicectomie, d’une persistance de salves de tachycardie ventriculaire non soutenues en l’absencede tout traitement.

B) OBSERVATION 2.

Un jeune homme, âgé de 22 ans, appelé du Servicenational, sans antécédent personnel ou familial, présente en 1996, lors d’un test de Cooper, un arrêt cardio-circulatoire en rapport avec une fibrillation ventri-culaire qui est réduite par un choc électrique externe.Malheureusement, la récupération est incomplète avecdes séquelles neurologiques importantes liées à l’anoxiecérébrale prolongée, ce qui conduit à une réformeprononcée par la Commission de réforme du Servicenational. Les investigations cardiologiques sont menéesau cours de son séjour en rééducation. L’ECG note un élargissement anormal du ventriculogramme enprécordiales droites sans trouble de la repolarisation.L’ECG à haute amplification montre une durée anormaledu QRS filtré mais les deux autres critères sont négatifs.Le Holter ECG et l’épreuve d’effort n’identifient pasd’extrasystolie signif icative. L’échocardiographiesuspecte des anomalies de cinétique au niveau du ventricule droit, ce que confirme l’angiographie avec unediscrète dilatation du ventricule droit, une hypokinésiediffuse, des anomalies de cinétique au niveau de la portioninféro et latéro-basale avec une dilatation presqueanévrysmale de la région sous-tricuspidienne, une akinésie avec image en éperon de la paroi antéro-latérale de l’infundibulum pulmonaire. La stimulationventriculaire programmée, y compris sous isoprénaline

336 p. brandstätt

Figure.1. ECG de la patiente 1 à l’admission.

Figure 2. Tachycardie ventriculaire avec complexes de fusion et complexe de capture.

est négative. Le diagnostic de DVDA est aff irmé et compte tenu de l’arrêt cardiaque inaugural, un défibril-lateur implantable est mis en place avec poursuite d’untraitement par bétaxolol 10 mg/j. Le dernier contrôleréalisé avec un recul de sept ans témoigne d’un état stablesans récidive d’un trouble du rythme.

C) OBSERVATION 3.

Un homme, âgé de 48 ans, sous-officier de carrière, esthospitalisé en 2001 pour prise en charge d’un tableaud’insuffisance cardiaque globale. L’interrogatoire nousapprend qu’il a déjà une longue histoire cardiologiqueinaugurée par une tachycardie ventriculaire en 1977,réduite par cardioversion électrique. Une évaluation deuxans plus tard fait état d’un ventricule droit un peu dilaté etle protocole de stimulation ventriculaire programmées’avère négatif : le diagnostic retenu est celui de tachycardie ventriculaire sur cœur apparemment sain relevant d’un traitement par sotalol. Lors du suivimarqué par des épisodes de récidive du trouble du rythme, le diagnostic de DVDA est évoqué devant l’apparition d’anomalies échocardiographiques duventricule droit qui apparaît dilaté avec des anomaliessegmentaires de la contractilité.Alors que le patient n’a pas présenté de récidive de tachy-cardie ventriculaire depuis 1994 sous sotalol 320 mg/j, ilconstate une diminution progressive de ses capacités àl’effort jusqu’à l’installation du tableau d’insuffisancecardiaque globale qui conduit à son hospitalisation.L’ECG s’inscrit en rythme sinusal avec un microvoltagediffus des complexes QRS associé à une négativité del’onde T de V1 à V5 (fig. 3) ; il n’existe cependant pasd’onde epsilon. L’échocardiographie surprend parl’aspect de dilatation bi-ventriculaire (fig. 4) avec, d’unepart un ventricule droit très dilaté et hypocontractile de

façon nette au niveau de la paroi latérale, et d’autre part un ventricule gauche globalement hypokinétique avecfraction d’éjection ventriculaire gauche estimée enSimpson monoplan à 29 %. Les potentiels tardifs ventri-culaires sont positifs pour les trois critères (fig. 5). LeHolter ECG retrouve une hyperexcitabilité ventriculairemodérée mais polymorphe avec de rares doublets maissans aucune salve. L’épreuve d’effort couplée à une étudedes gaz respiratoires réalisée après stabilisation de l’étathémodynamique est limitée à 140 watts par une dyspnéeimportante, sans atteinte du seuil ventilatoire, le pic de VO2 s’établissant à 22 ml/kg/mn avec présenced’extrasystoles ventriculaires à type de retard gauchependant l’effort dont un seul doublet.L’angioscintigraphie myocardique confirme l’atteinte bi-ventriculaire, la fraction d’éjection du ventricule droit étant chiffrée à 43 % avec une importante dilatation

337dysplasie ventriculaire droite arythmogène

DOSSIER

Figure 3. ECG du patient 3 témoignant d’un microvoltage des complexes QRS avec onde T négative de V1 à V5.

Figure 4. Dilatation bi-ventriculaire à l’échocardiographie.

cavitaire alors que le ventricule gauche non dilaté présenteune cinétique altérée et une fraction d’éjection à 28 %.L’examen IRM confirme les éléments précédents avec un amincissement de la paroi ventriculaire en région anté-rieure mais sans infiltration pariétale par de la graisse.Le diagnostic de DVDA étant retenu sur l’ensemble deces arguments, le patient bénéficie d’une stimulationventriculaire programmée réalisée sous bisoprolol quis’avère négative. Une coronarographie complète lesinvestigations et apparaît normale, permettant d’éliminerune origine ischémique à l’atteinte du ventricule gauche.Dans un premier temps, l’intéressé est mis en congé delongue maladie pour une durée de six mois avant de fairevaloir ses droits à la retraite.Avec un recul de 30 mois, le patient est stabilisé sur le planclinique sous un traitement associant du bisoprolol5 mg/j, un inhibiteur de l’enzyme de conversion, un diurétique et un anti-vitamine K. Il n’a présenté aucunépisode documenté de tachycardie ventriculaire.

III. DISCUSSION.

Depuis la première description en 1977, de nom-breux progrès ont été réalisés dans le domaine de la pathogénie, de la génétique, du diagnostic de la dysplasieventriculaire droite arythmogène, qui est intégrée depuis1996 dans le cadre plus vaste des cardiomyopathiesventriculaires droites arythmogènes (2).La DVDA se caractérise par des anomalies structurelles et fonctionnelles du ventricule droit induites par le remplacement f ibro-adipeux des cardiomyocytes. Le mécanisme de l’atrophie progressive de la paroiventriculaire droite peut être lié à l’apoptose, quilorsqu’elle est sévère, peut produire un certain degré de fibrose. Le mécanisme de l’adipogénèse reste cepen-dant obscur. Avec le temps, le remplacementfibro-adipeux des cardiomyocytes du ventricule droit va s’accentuer, conduisant à une déhiscence de sa paroiqui va se dilater, manifestant par endroit des zonesanévrysmales localisées, situées d’abord au niveau de lajonction trabéculo-infundibulaire de la paroi antérieure

du ventricule droit, l’apex puis la région sous-tricuspi-dienne étant atteints plus tardivement (3). Lesphénomènes inflammatoires observés dans certains cas de DVDA correspondraient à des phénomènes environnementaux venant se superposer à l’anomaliegénétiquement déterminée (4).La prévalence de la DVDA est d’environ 1 pour 5 000dans la population générale (5). Les formes familialesreprésentent plus de 50 % des cas avec une transmissionautosomique dominante sauf dans la maladie de Naxos oùelle est associée à des anomalies cutanées et où la transmission est autosomique récessive. Trois gènes ontété identifiés à ce jour (6).Les premiers signes cliniques de la maladie apparaissentavant 40 ans dans plus de 80% des cas. Une prédominancemasculine est retrouvée dans toutes les séries. Les circonstances de découverte de la DVDA sontvariées. À coté des formes symptomatiques de la maladieoù l’arythmie ventriculaire est au premier plan, respon-sable de palpitations, lipothymies, syncopes ou d’unemort subite en particulier sur les terrains de sport et qui estfréquemment l’élément révélateur de la maladie (7), il existe des formes asymptomatiques ou pauci symptomatiques, découvertes devant des anomaliesECG, la présence d’extrasystoles ventriculaires (ESV) oudans le cadre d’enquêtes familiales. La découverte d’uneDVDA devant un tableau d’insuff isance cardiaquecomme dans notre observation 3 reste exceptionnelle.L’ECG en rythme sinusal peut orienter le diagnostic enmontrant des anomalies très évocatrices d’une DVDA : il peut s’agir d’une déviation axiale, d’un élargissementlocalisé du QRS supérieur à 110 ms en V1-V2 traduisantun retard de conduction pariétale dans le ventricule droit,d’une inversion de l’onde T notée le plus souvent en V1-V2-V3 mais parfois jusqu’à V5-V6 voire en D2-D3-aVF. On peut observer une anomalie plus spécifique telleque l’onde « epsilon » de post-excitation ventriculairesurvenant après le complexe QRS au début du segmentST. Il peut parfois exister un bas voltage des QRS commedans les observations 1 et 3. L’arythmie ventriculaire peutse limiter à des extrasystoles ventriculaires qui typique-ment ont une morphologie de retard gauche, mais desaspects de retard droit peuvent se rencontrer. Ces ESV onttendance à se majorer à l’effort, témoignant du caractèreadrénergique de l’arythmie avec survenue potentielle desalves de tachycardie ventriculaire (TV), soutenues ounon, dont l’aspect a été particulièrement étudié parLeclercq et al. à partir de 47 cas (8) : dans 96 % des caselles ont un aspect de retard gauche, dans 91 % des casl’axe est compris entre -80° et +110°, la largeur moyennedu QRS de la TV est de 151 +/-28 ms soit moindre quedans les cardiomyopathies congestives et le post-infarctus mais plus que dans les TV idiopathiques. L’apport de l’ECG à haute amplification est indéniablemais la recherche de potentiels tardifs ventriculaires aglobalement une sensibilité de 80 % et une spécificité de88 % pour le diagnostic de DVDA ; toutefois la valeurdiagnostique des PTV est plus élevée dans les formesdiffuses et en cas de présence de TV soutenue (9).

338 p. brandstätt

Figure 5. Potentiels tardifs ventriculaires positifs pour trois critères.

La normalité de l’examen ne permet cependant pas d’éliminer formellement une forme peu évoluée de DVDA comme l’illustrent nos observations 1 et 2 avecun seul critère positif. L’échocardiographie recherche une dilatation du ventricule droit, des anomalies de la cinétique pariétale et une éventuelle atteinte associée du ventricule gauche. Cependant les formes mineures restent difficiles à identifier avec cette technique.L’angioscintigraphie isotopique en contraste de phase permet d’étudier l’hétérogénéité de la contractionventriculaire droite, d’évaluer de manière f iable les fractions d’éjection ventriculaire droite et gauche. La mise en évidence d’anomalies du ventricule droit lors d’une angioscintigraphie isotopique réalisée devantdes troubles du rythme sévères provenant du ventriculedroit apparaît comme hautement prédictive d’un risque de décès aussi bien que la présence d’anomalies duventricule gauche (10).L’angiographie ventriculaire droite est encore considéréepar certains experts comme la méthode de référence pourévaluer la fonction ventriculaire droite ; les critèresdiagnostiques actuellement retenus ont été proposés parDaubert et al. (11) : une dilatation ventriculaire droited’importance variable mais non systématique, desanomalies de la cinétique segmentaire et des anomaliesde la morphologie réalisant typiquement l’aspect devoussures arrondies, akinétiques ou dyskinétiques,ressortant nettement sur le contour télédiastoliquepouvant créer de véritables images d’anévrysme. Cesanomalies sont soit isolées, soit associées chez un mêmepatient atteignant par ordre de fréquence l’apex, la faceantérieure de l’infundibulum pulmonaire et la paroi

postéro-diaphragmatique du ventricule droit correspon-dant au triangle de la dysplasie (12). Lors d’une étudeprospective portant sur 85 DVDA (13), il a été montréqu’une diminution de l’excursion de la tricuspide(TAPSE < 12 mm) permet d’identifier les patients dont la fraction d’éjection ventriculaire droite est inférieure à 35 % (sensibilité : 96 %, spécif icité : 78 %) et que la présence d’un anévrysme de l’infundibulum pulmonaire identifie ceux dont la fraction d’éjectionventriculaire gauche est inférieure à 40 % (sensibilité :86 %, spécificité : 96 %).L’imagerie par résonance magnétique devient l’examenclé du diagnostic car elle permet d’étudier les anomaliesmorphologiques du ventricule droit (dilatation, amincissement pariétal, déformation des contours…) etelle met en évidence la présence de tissu adipeux setraduisant par un hypersignal en écho de spin. Enfin lestechniques de ciné-IRM apportent des renseignementssur les anomalies de cinétique segmentaire du ventriculedroit (akinésie ou dyskinésie) (14, 15). Le scanner multi barrettes permet également de rechercher la présence de graisse dans la paroi latérale du ventricule droit, dans le septum et la paroi latéralegauche, un aspect festonné de la paroi latérale du ventricule droit (16).La stimulation ventriculaire droite programméerecherche l’inductibilité des tachycardies ventriculaires :dans les formes diffuses, plusieurs morphologies de tachycardie ventriculaire peuvent être déclenchées.Haïssaguerre et al. ont montré que la perfusion d’isoprénaline à haute concentration permet d’induireune tachycardie ventriculaire dans 85 % des cas de DVDA (17).

339dysplasie ventriculaire droite arythmogène

DOSSIER

Critères majeurs Critères mineurs

- Dilatation importante du ventricule droit (VD) et réduction de

la fraction d'éjection du VD sans (ou avec légère) altération du

ventricule gauche (VG)*,

- Anévrismes du VD*,

- Dilatation segmentaire sévère du VD*,

- Infiltration fibro-graisseuse du myocarde sur la biopsie endo-

myocardique,

- Onde epsilon ou allongement (>110 ms) des complexes

QRS en dérivations précordiales droites (V1-V3),

- Maladie familiale confirmée par nécropsie ou chirurgie.

- Dilatation modérée et globale et/ou légère réduction de la

fraction d'éjection du VD avec VG normal*,

- Dilatation segmentaire modérée du VD*,

- Hypokinésie segmentaire du VD*,

- Inversion des ondes T en dérivations précordiales droites

(V1-V3) (sujets de plus de 12 ans ; en l'absence de bloc de

branche droit),

- Présence de potentiels tardifs ventriculaires (ECG à haute

amplification),

- Tachycardie ventriculaire (soutenue ou non) à type de retard

gauche (ECG, Holter, épreuve d'effort),

- Extrasystoles ventriculaires fréquentes (>1000/24 heures) au

Holter,

- Antécédent familial de mort subite précoce (<35 ans) due à

une DVDA suspectée,

- Antécédent familial (diagnostic clinique basé sur ces

critères).

Tableau I. Critères diagnostiques de la DVDA d’après Mc Kenna et al. (18).

* Détecté par échographie, angiographie, imagerie par résonance magnétique ou scintigraphie.

La biopsie endomyocardique n’est que rarement réaliséecompte tenu de ses limitations (des faux négatifs sontpossibles dans les formes localisées) et de ses risques.Considérant les difficultés rencontrées pour établir lediagnostic de DVDA, un groupe d’experts a établi en1994 des critères diagnostiques (18) : la présence de deuxcritères majeurs, ou d’un critère majeur et de deux critèresmineurs, ou de quatre critères mineurs permet de retenirle diagnostic de DVDA (tab. 1).Le problème du diagnostic différentiel se pose surtoutdevant les manifestations rythmiques de la maladie : le diagnostic d’ESV bénignes d’origine infundibulaire ou de tachycardie ventriculaire bénigne naissant duventricule droit nécessite la normalité des examensmorphologiques et l’absence de potentiels tardifs ventri-culaires mais une surveillance est indispensable afin de ne pas passer à coté d’une forme débutante et/ou focalede DVDA. Le problème du rapport entre DVDA etsyndrome de Brugada reste l’objet de controverses.Certaines DVDA peuvent présenter des anomalies ECGavec un sus-décalage du segment ST comparable à ce quiest décrit dans le syndrome de Brugada. Corrado et al.(19) ont montré, lors d’une étude autopsique portant sur273 morts subites d’origine cardiovasculaire survenuesavant 35 ans, que 13 sujets présentaient à l’ECG un susdécalage du segment ST isolé (9 cas) ou associé à un blocde branche droit (4 cas) et que tous sauf un présentaientune DVDA à l’autopsie ; mais contrairement aux DVDAsans sus décalage du segment ST de la même série, les décès étaient survenus sans relation avec l’effort chezdes sujets ayant souvent présenté des changements dyna-miques de l’ECG et des tachycardies ventriculairespolymorphes qui sont plutôt l’apanage des syndromes de Brugada, témoignant de formes de recouvrement entrela DVDA et le syndrome de Brugada.L’évolution et le pronostic de la DVDA sont encore malconnus. Ils restent dominés par le risque de mort subiterythmique, particulièrement au cours de l’effort sportif.Une étude histologique (20) réalisée dans la région deVenise concernant les causes de mort subite chez desjeunes gens de moins de 35 ans montre qu’un tiers des 60décès colligés entre 1979 et 1986 sont dus à une DVDA.Furlanello et al. (21), examinant 1 642 athlètes de compétition italiens présentant des troubles du rythme,portent le diagnostic de DVDA chez 6 % d’entre eux: lorsd’un suivi moyen de huit ans, 4 % présentèrent un arrêtcardiaque ou une mort subite, les sujets porteurs d’uneDVDA représentant un quart du nombre total des athlètesayant présenté l’un de ces évènements, confirmant ainsile fait que la DVDA est la cause principale de mort subiteà l’effort parmi les athlètes italiens. La relation entre lamort subite chez le sportif et la DVDA soulève plusieursquestions. D’abord, l’effort n’est-il que le facteur déclen-chant du trouble du rythme fatal chez un sportif porteurd’une DVDA : à partir d’une série autopsique de 300morts subites chez des sujets de moins de 35 ans, Corradoet al. (22) montrent que le fait de pratiquer une activité decompétition entraîne un risque significativement plusélevé de mort subite, en grande partie lié à l’existence

d’une pathologie cardiovasculaire sous-jacente, le sport favorisant l’émergence d’arythmies ventriculairesfatales durant l’exercice physique. Mais aussi, le sportpeut-il favoriser le développement d’une DVDA:Heidbüchel (23) fait l’hypothèse que certains sportsd’endurance pratiqués à un haut niveau (en particulier le cyclisme) peuvent entraîner des atteintes structurellesdu ventricule droit qui ne seraient pas apparues sans cette pratique sportive, expliquant que sur une série de 46 athlètes de haut niveau (dont 80 % de cyclistes)présentant des arythmies ventriculaires complexes, 59 % étaient porteurs d’une DVDA certaine et 30 % d’une DVDA probable.Par ailleurs, avec le recul évolutif portant sur denombreuses séries de la littérature, il est apparu que lerisque d’insuffisance cardiaque s’avère être supérieur à20 % des cas de DVDA. Fontaine et al. (4) proposent uneclassif ication des modalités évolutives de la DVDA en fonction de l’altération de la fraction d’éjection duventricule gauche: dans le type I, la FEVG est supérieure à50 % et le risque apparaît exclusivement rythmique ; dansle type II, la FEVG est comprise entre 30 % et 50 % : laforme est stable et peut le rester pendant de nombreusesannées ; dans le type III avec une FEVG inférieure à 30 %,il existe une dégradation progressive du myocarde avecun risque d’insuffisance cardiaque progressivement irréversible. Plus récemment, une étude multicentrique à la fois clinique et histologique portant sur 42 cas de DVDA avec diagnostic histologique (autopsie outransplantation cardiaque) démontre que l’atteinte duventricule gauche est présente dans 76 % des cas, qu’elleapparaît dépendante de l’âge, plus fréquente en casd’histoire clinique longue, qu’elle progresse au cours du suivi échographique et qu’elle est associée à desévènements cliniques d’ordre rythmique plus fréquentsainsi qu’à un taux d’insuffisance cardiaque plus impor-tant (24). Aussi, l’évolution semble s’établir en plusieursphases (25) : une phase avec des changements structurelsminimes du ventricule droit, sans ou avec des troubles du rythme ventriculaires peu sévères, pendant laquelleune mort subite peut être la première manifestationclinique ; une phase avec un désordre électrique mani-feste responsable de troubles du rythme symptomatiquessusceptibles d’être à l’origine d’un arrêt cardiaque,associé à des anomalies structurelles et fonctionnelles du ventricule droit ; une phase d’insuff isance ventriculaire droite par extension progressive del’atteinte du ventricule droit, le ventricule gauche restantplus ou moins préservé ; enfin une dernière phase avecinsuffisance cardiaque globale liée à la progression de la dysfonction ventriculaire gauche: à ce stade, la DVDA ressemble aux cardiomyopathies dilatées avecatteinte bi-ventriculaire.Les trois observations que nous rapportons illustrentparfaitement cette diversité clinique et évolutive. L’obser-vation 2 correspond à une forme dont la premièremanifestation clinique est une mort subite récupéréesurvenue lors d’un effort sportif, l’atteinte du ventriculedroit n’étant retrouvée qu’à l’angiographie ventriculaire

340 p. brandstätt

droite. L’observation 1 correspond à une atteinte ventriculaire droite pure responsable d’une tachycardieventriculaire soutenue révélatrice de la DVDA, l’atteinteventriculaire droite étant suspectée sur l’angioscintigra-phie ventriculaire droite. Enfin la troisième observationpour laquelle existe un recul de 27 ans témoigne de l’évolutivité de l’affection avec initialement des épisodes de tachycardie ventriculaire avec atteinteisolée du ventricule droit puis apparition d’une atteinteventriculaire gauche asymptomatique et enfin survenued’un tableau d’insuff isance cardiaque globale sans récidive de troubles du rythme soutenus.La prise en charge thérapeutique des patients atteints de DVDA reste encore très empirique. Les patientsprésentant des arythmies ventriculaires bien tolérées et non menaçantes sont habituellement mis sous anti-arythmiques en utilisant de préférence les bêtabloquantset en particulier le Sotalol (26), compte tenu du caractèreadrénergique des troubles du rythme, en s’aidant du contrôle de l’eff icacité du traitement par la stimulation ventriculaire programmée. Les techniquesablatives constituent un complément logique dutraitement antiarythmique, quand celui-ci devient inefficace pour le contrôle des récidives. Le défibrillateurautomatique implantable (DAI) fait figure de protectionultime et universelle vis-à-vis de la mort subite rythmique. Cependant, les recommandations françaiseset nord-américaines actuelles n’envisagent pas la DVDAcomme une entité à part et la rareté de la maladie renddifficile les études randomisées. Dans ces conditions, la plupart des implantations se font à l’occasion d’unévènement clinique majeur : mort subite récupérée(comme dans l’observation 2), tachycardie ventriculairesyncopale, mal tolérée ou non contrôlée par le traitementpharmacologique ou l’ablation, les indications réellement prophylactiques (histoire familiale de mortsubite liée à une DVDA, altération de la fonction ventricu-laire gauche…) restant rares. La plus grande étude à ce jour a été menée chez 132 patients porteurs d’uneDVDA et implantés (27) : 48 % ont eu un déclenchementapproprié du DAI lors d’un suivi moyen de 39 mois dont la moitié pour un trouble du rythme potentiellementfatal. Par ailleurs, une histoire avant implantation d’arrêtcardiaque récupéré, de tachycardie ventriculaire mal tolérée hémodynamiquement, un âge jeune et unealtération ventriculaire gauche étaient des facteursprédictifs indépendants de survenue d’une fibrillation ou d’un flutter ventriculaire. Les nombreuses incertitudes concernant l’évolutionspontanée et l’eff icacité des différentes théra-peutiques ont conduit à proposer en 2000 la création d’un registre international sur la DVDA (28). À l’écheloneuropéen, il est réalisé la mise en place de banques de données cliniques, anatomo-pathologiques, génétiques ainsi qu’une évaluation des thérapeutiquesavec une stratif ication du risque concernant cette pathologie, l’ensemble de ces travaux étant f inancé par la Communauté européenne (6).

L’étendue de ces incertitudes rend bien sûr la détermina-tion de l’aptitude médicale à servir dans les Armées trèsdélicate : la présence ou la découverte d’une DVDA àl’engagement doit conduire à prononcer une décisiond’inaptitude. L’identif ication formelle d’une DVDA en cours de carrière doit conduire à des restrictions importantes d’activité, imposant souvent des changements de spécialité voire une inaptitude défini-tive. Selon les nouvelles normes d’aptitude en cardiologiedatant du 06/12/2004 (29), le classement proposé est G =quatre à six pour «autres cardiomyopathies», « tachy-cardies ventriculaires qu’elle qu’en soit la cause »,« insuffisance cardiaque chronique » ou « insuffisancecardiaque aiguë, compliquant une affection non curable».Les éléments à prendre en compte sont représentés par la présence de troubles du rythme ventriculaire et l’efficacité de leur contrôle par les bêtabloquants en particulier, ainsi que par l’existence d’une altération de la fonction ventriculaire gauche. La survenue de complications évolutives (mort subite récupérée,insuffisance cardiaque…) ou la nécessité de certainesthérapeutiques (mise en place d’un déf ibrillateur implantable…) paraissent incompatibles avec le maintien en activité qui ne saurait s’envisager que demanière personnalisée et restrictive, par dérogation aux normes médicales et sous couvert d’un suivi cardiologique imposé.Les décisions d’inaptitude à l’emploi prononcées dans lecas de nos trois observations illustrent ces propositions :la survenue d’une mort subite récupérée avec séquelles etd’une insuffisance cardiaque étaient incompatibles avecle maintien en activité ; seule l’observation 1 aurait pufaire discuter un maintien en activité chez une secrétaire,sous réserve d’une efficacité du traitement bêtabloquantet d’un suivi périodique avec bien sûr le maintien d’uneactivité sédentaire stricte : cependant, le recul nous amontré l’absence de compliance et d’observance de lapatiente qui valide a posteriori notre prudence initiale.

IV. CONCLUSION.

La DVDA est une entité anatomo-clinique rare dont lapremière description remonte seulement à 1977 et dont laprévalence, l’étiologie et l’évolution, malgré des progrèscertains, restent encore bien mal connus. Le diagnostic,qu’il faut savoir évoquer devant des anomalies ECG enprécordiales droites, des arythmies ventriculaires symp-tomatiques ou non, bénéficie des progrès de l’imagerie duventricule droit et s’appuie sur des critères diagnostiquesdéfinis en 1994. En dehors du risque rythmique qui doittoujours rester à l’esprit, il existe un risque non négligeable d’insuffisance cardiaque lié à la progressionde l’atteinte d’abord au niveau de l’ensemble du ventricule droit puis au niveau du ventricule gauche.L’ensemble de ces incertitudes a conduit à proposer la création d’un registre international sur la DVDA et d’unensemble de banques de données européennes afin deprogresser dans le domaine du diagnostic, de l’histoirenaturelle et de la stratification du risque.

341dysplasie ventriculaire droite arythmogène

DOSSIER

342 p. brandstätt

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29 1° modificatif à l’instruction n° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME du1er octobre 2003 (BOC, p. 7118 ; BOEM 620-4*) relative à ladétermination de l’aptitude médicale à servir. BOC/PP.6 décembre 2004. n° 50 : 6 409-35.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Dossier « Cœur et Armées » : Divers

médecine et armées, 2006, 34, 4 343

DIAGNOSTIC ET PRONOSTIC DE LA CARDIOMYOPATHIEHYPERTROPHIQUE EN 2006Acquis et incertitudes

Des progrès considérables dans la connaissance de lacardiomyopathie hypertrophique ont été accomplis aucours des dernières années. Il demeure importantd’éviter les erreurs par défaut, surtout chez le sujet jeuneétant donné le risque de mort subite qui s’attache à cettemaladie mais, à l’inverse, les erreurs par excès entraînentun handicap psychologique et social grave. L’électro-cardiogramme et l’échocardiographie sont toujours lapierre angulaire du diagnostic mais l’imagerie parrésonance magnétique et l’analyse génétique peuventcontribuer aux diagnostics difficiles. La cardiomyopathiehypertrophique demeure en 2006 une maladie complexe,probablement moins grave que ce que l’on pensaitinitialement pour la majorité des patients mais pouvantêtre à l’origine d’événements cardiovasculaires majeurset de décès prématurés encore difficilement prévisibles.

Mots-clés : Cardiomyopathie hypertrophique.Diagnostic. Mortalité. Pronostic.

RÉSUMÉ

DIAGNOSIS AND PROGNOSIS OF HYPERTROPHICCARDIOMYOPATHY IN 2006: KNOWLEDGE ANDUNCERTAINTY.

Considerable progress has been accomplished in theunderstanding of hypertrophic cardiomyopathy (HCM)over the last years. It remains important to avoidoverlooking this diagnosis especially in young subjects,because of the risk of sudden death but, conversely, falsepositive diagnosis can result in a serious social andpsychological handicap. Electrocardiogramm and twodimensionnal echocardiography are currently thestandard tests for the clinical diagnosis of HCM butmagnetic resonance imaging and genetic diagnosis maybe helpful for difficult diagnosis. HCM remains acomplex disease, less serious than initially thought in themajority of patients, but the cause of majorcardiovascular events and premature deaths wich stillremain difficult to prevent.

Keywords: Diagnosis. Hypertrophic cardiomyopathy.Mortality. Prognosis.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 343-348)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

La cardiomyopathie hypertrophique (CMH), bien quefinalement assez peu fréquente en pratique quotidienne,continue d’occuper une place importante dans l’imaginaire médical.À l’origine de décès subits survenant chez des patientsjeunes, notamment lors d’un effort sportif, elle jouit ainsid’une mauvaise réputation et demeure, à juste titre, unepréoccupation constante de nombreux médecins, qu’ilssoient médecins d’unité, médecins du sport, urgentistesou cardiologues.En sa défaveur demeure la complexité de la maladie qui,malgré un déterminisme génétique et des caractéristiques

anatomiques univoques, s’exprime toujours avec unpolymorphisme clinique et évolutif majeur et parfoisdéroutant. Cependant ces dernières années ont vu évoluer la maladieavec une phase diagnostique plus précise et plus rigoureuse, une stratégie de prise en charge mieux établie,un pronostic sans doute moins péjoratif que ne le laissaittransparaître les premières séries, des thérapeutiques plus agressives et efficaces et, enfin, l’irruption de lagénétique dans tous les aspects de la maladie.

II. DÉFINITION – PHYSIOPATHOLOGIE.

La CMH est une cardiomyopathie caractérisée par unehypertrophie primitive portant essentiellement sur leventricule gauche, sans dilatation cavitaire.Cette hypertrophie est typiquement asymétrique, prédominant sur le septum interventriculaire (SIV).Toutefois le siège et le degré de l’hypertrophie peuventêtre très variables. Ainsi l’hypertrophie peut siéger, outre

P. GODON, médecin en chef, praticien certifié. U. VINSONNEAU, médecinprincipal, praticien confirmé. A. BRONDEX, médecin lieutenant, praticien enformation. C. VANOYE, médecin lieutenant, praticien en formation. G. QUINIOU,médecin en chef, praticien certifié.Correspondance : P. GODON, Service de cardiologie, HIA Clermont-Tonnerre,BP 41, 29240 Brest Armées.

P. GODON, U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, G. QUINIOU

DOSSIER

le SIV, sur la paroi antérolatérale voire, plus rarement, être diffuse et symétrique (< 5 % des cas) ou purementlocalisée à l’apex. Quant au degré d’hypertrophie il peutêtre rudimentaire ou considérable, dépassant 30 mm,avec parfois une grande variabilité dans le temps chez unmême individu.Microscopiquement on observe des cellules myocar-diques hypertrophiées dont l’agencement est désorganiséavec une augmentation du taux de fibrose.Cette hypertrophie pathologique induit plusieurs conséquences à l’origine des manifestations cliniques de la maladie :– une altération de la fonction diastolique responsable decertains tableaux d’insuffisance cardiaque à fonctionsystolique conservée ;– des anomalies de la microcirculation potentiellementresponsables de manifestations angineuses ;– une obstruction sous aortique dynamique, liée àl’hypertrophie septale, présente chez 30 % des patients, àl’origine du souffle caractéristique de l’affection. Cetteobstruction contribue à la survenue, ou l’aggravation, desymptômes à l’effort ;– l’intrication d’une ischémie fonctionnelle, d’uneinadaptation hémodynamique et d’altérations structurelles fait alors le lit des complications rythmiquesqui vont influencer le pronostic vital.Longtemps suspectée sur l’existence de cas familiaux,l’origine génétique de la maladie a pu être démontée en 1989 avec l’identif ication d’un premier gène responsable. Depuis, plus de 300 mutations ont été identifiées à partir de treize gènes différents faisant de laCMH une affection particulièrement hétérogène en termegénétique. Cependant plus de 80 % des mutations retrouvées concernent deux gènes : MYBPC3 codant laprotéine C qui lie la myosine et MYH 7 codant la chaînelourde ß de la myosine.La transmission se fait sur un mode autosomique dominant à pénétrance variable, les formes familialesreprésentant 60 % des cas.

III. ÉPIDÉMIOLOGIE.

Il faut bien reconnaître qu’elle est encore très mal connue. La plupart des publications font état d’une prévalence de 1 cas pour 500 dans la population générale mais toutesces publications se réfèrent à l’unique étude d’envergureréalisée sur le sujet par BJ Maron en 1995 sur une population de 4 111 jeunes Américains (1). Ces conclu-sions suggèrent ainsi une fréquence importante de la maladie dans la population générale.Pourtant la CMH reste relativement rare en consultationcardiologique et les cohortes de suivi de patients porteurs d’une CMH sont f inalement assez peu importantes : 247 patients inclus sur une période de 28 ans par une équipe nantaise (2) ou bien encore 225patients suivis par le Thorax Center de Rotterdam sur la période 1970-1999 (3).

Il faut ainsi reconnaître en 2006 notre absence totale de connaissance de la prévalence de la CMH en France ou en Europe.

IV. COMMENT FAIRE LE DIAGNOSTIC ?

Le diagnostic de CMH peut être évoqué dans des situations diverses :– c’est naturellement toujours la découverte d’un souffleou d’une anomalie à l’électrocardiogramme (ECG) quipeut conduire au diagnostic ;– ce peut être aussi la survenue d’un symptôme inhabituel, malaise, syncope, dyspnée, angor, surtoutlorsqu’il survient à l’effort ;– ce peut être une découverte fortuite dans le cadre d’uneenquête génétique chez un patient asymptomatique mais dont l’un des apparentés est porteur de l’affection ;– enfin, malheureusement, ce peut être une découvertenécropsique, devant une mort subite inopinée, inattendueou inexpliquée, particulièrement lors d’une séance de sport. Lorsque la possibilité d’une CMH est évoquée l’établissement d’un diagnostic formel et, si possible,rapide devient alors une nécessité absolue en raison desconséquences potentielles de cette affection et des répercussions psychologiques, sociales ou profession-nelles qui peuvent en découler.

A) EXAMEN CLINIQUE.

L’examen clinique occupe toujours une place incontournable bien qu’il puisse être normal chez un patient asymptomatique sans gradient de pression.La principale anomalie est un souffle très particulier,présent uniquement chez les patients dont l’hypertrophieinduit une obstruction ventriculaire. Le souffle est alorsmésosystolique, distinct des premiers et deuxièmesbruits, accru en position debout, en expiration, par le Valsalva, diminué au contraire en position accroupie ou en inspiration.

B) ECG.

L’ECG vient naturellement compléter l’examen clinique et se montre souvent anormal avec quatre types d’anomalies :– une HVG électrique dans 60 % à 90 % cas avec une augmentation parfois considérable de l’amplitudedes ondes R en V5, V6 ;– la présence d’ondes Q anormales, supérieures à 3 mm deprofondeur pour une durée supérieure à 0,04 secondeschez 30 % à 50 % des patients, siégeant particulièrementen D2, D3, VF et V4-V6 ;– des anomalies diverses de la repolarisation ; ondes Tnégatives amples et profondes ou au contraire géantes et pointues ;– des troubles conductifs aspécifiques.Alors que l’ECG est rarement normal, moins de 15 % descas, ces anomalies électriques peuvent être parfois trèsprécoces, voire survenir avant l’existence d’une réelle

344 p. godon

hypertrophie échographique du VG chez des patientsporteurs d’une mutation génétique (4).

C) ÉCHOCARDIOGRAPHIE.

L'échocardiographie demeure la pierre angulaire du diagnostic de CMH (fig. 1).

Toute anomalie auscultatoire, toute constatation d’untrouble de la repolarisation ou d’une extrasystolie, afortiori ventriculaire, sur l’ECG doit justifier la réalisa-tion systématique d’une échocardiographie avant dedélivrer un certificat d’aptitude au service et/ou au sport.L'hypertrophie ventriculaire gauche est naturellementl'anomalie dominante. Siégeant habituellement sur leseptum inter ventriculaire elle peut en revanche être plusétendue, voire diffuse ou bien au contraire localisée en destopographies inhabituelles (pointe). Maron a ainsi définiquatre types de CMH en fonction du siège de l'hypertro-phie, sur la partie antérieure du septum pour le type I (10 % des cas), l'ensemble du septum pour le type II (20 %), le septum et la paroi antérolatérale pour le type III(50 %) et enfin les localisations ne touchant pas le septumantérieur pour le type IV (20 % ) (5). Pour être compatibleavec le diagnostic de CMH cette hypertrophie doit être significative et dépasser 15 mm (13 mm s'il existe des cas familiaux authentif iés), sans s'accompagner de dilatation cavitaire.Cette hypertrophie peut être diff icile à mettre enévidence, ou à évaluer et il est alors essentiel de savoirrenouveler l'examen, si possible par un second opérateur,avant de porter un diagnostic de CMH, tant ce diagnosticpeut être lourd de conséquences.La seconde anomalie essentielle à rechercher lors del'examen échographique est l'existence d'un obstacle àl'éjection ventriculaire gauche. Celui ci s'exprime par unmouvement anormal, systolique, de la valve antérieuremitrale (SAM) et, lors de l'analyse doppler, par une accélération du flux antérograde aortique qui prend unaspect caractéristique avec pic de vélocité télésystolique(aspect en « lame de sabre »). Ces anomalies sont ainsi lereflet d'un gradient de pression à l'intérieur du VG que l'onretrouve chez environ 1/3 des patients.

D'autres anomalies échographiques sont fréquem-ment retrouvées : absence de dilatation ventriculaireindispensable au diagnostic, dilatation de l'oreillettegauche, insuff isance mitrale, anomalie du doppler mitral. Plus récemment certains auteurs (6) ont rapportédes anomalies précoces du doppler tissulaire avec effondrement des vélocités myocardiques qui pourraientêtre contributives lors des diagnostics difficiles.

D) IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE(IRM).

L'IRM n'est pas systématiquement nécessaire audiagnostic de CMH. En revanche, il peut arriver que l'échocardiographies'avère techniquement diff icile, notamment chez lespatients peu échogènes. L'IRM, qui fournit toujours desimages de haute résolution, peut alors contribuer auxdiagnostics diff iciles, surtout lorsqu'il existe une incertitude sur les mesures d'épaisseur pariétale ou lorsd'une localisation inhabituelle de l'hypertrophie (apex).Certaines séquences d'acquisition IRM (tagging)permettent par ailleurs de mettre en évidence des anoma-lies de contractilité segmentaire pathognomoniques de laCMH. Ces séquences trouvent tout leur intérêt lors dudiagnostic différentiel avec un cœur d'athlète (7).L'IRM bénéficie ainsi actuellement d'une indication declasse II dans le diagnostic de CMH (8).

E) DIAGNOSTIC GÉNÉTIQUE.

L'association d'un contexte clinique, d'anomalies électriques et échographiques suffit en général à porter le diagnostic de CMH (9). La découverte d'une anomalie génétique pourrait alorsconforter le clinicien dans ses hypothèses diagnostiqueslorsque l'on connaît le pronostic et les conséquencesparfois redoutables de la CMH.Il faut alors garder à l'esprit que le diagnostic génétiquereprésente une analyse coûteuse (6 800 € pour l'analyse de cinq gènes) et longue (1 an minimum avant le rendudéfinitif des résultats) et qu'elle n'identifie une mutation,dans l'état actuel des connaissances, que chez 2/3 despatients porteurs d'une authentique CMH (10).Aussi la réalisation d'un diagnostic génétique n'est-ellerecommandée que dans quatre situations :– pour un diagnostic prénatal, possible dès la 10e semaine,lorsque l'un des deux parents est porteur d'une CMHavérée avec une anomalie génétique authentifiée ;– lors d'une enquête familiale chez les apparentés d'unpatient porteur d'une CMH avérée, avant que ces apparentés ne développent des anomalies électriques ou échographiques ;– à titre diagnostic lorsque les anomalies électriques ou échographiques sont ambiguës, chez un sportif par exemple ;– à titre pronostic puisque certaines mutations sont considérées comme plus à risque de mort subite. Cetteindication demeure toutefois controversée en raison du trop faible nombre de travaux à ce sujet.

345diagnostic et pronostic de la cardiomyophatie hypertrophique en 2006

DOSSIER

Figure 1. Aspects échographiques d’une CMH à prédominance antéroseptale.

V. ÉCARTER CE QUI N'EST PAS UNE CMH.

Il s'agit d'un aspect essentiel puisque les conséquences et la prise en charge peuvent être radicalement différents.

A) MALADIES DE SURCHARGE DEPRESSION.

Les maladies de surcharge de pression (rétrécissementaortique, HTA) sont en règle faciles à écarter.

B) PATHOLOGIES INFILTRATIVES.

Les pathologies infiltratives (amylose, hémochroma-tose), plus rares, s'inscrivent dans un contexte souventévocateur qui permet de redresser le diagnostic.

C) AFFECTIONS TRÈS PARTICULIÈRES.

Certaines affections très particulières, syndrome de Noonan, ataxie de Friedreich, myopathies mitochon-driales, comportent une hypertrophie VG s'inscrivantdans un tableau clinique tel que l'ambiguïté n'est pas permise.

D) MALADIE DE FABRY.

La maladie de Fabry ou déficit génétique en α galactosi-dase A lié au chromosome X mérite d'être évoquée cheztout adulte jeune porteur d'une HVG. L'hypertrophie,souvent homogène et symétrique s'accompagne d'acroparesthésies, d'angiokératomes et d'anomaliesrénales (protéinurie, insuffisance rénale).La prévalence de cette affection en présence d'une HVGn'est pas négligeable puisqu'une récente étude fait apparaître cette anomalie chez 6 patients sur 153étiquetés CMH (11).L'intérêt d'un tel diagnostic repose sur la possibilité de mettre en oeuvre un traitement spécif ique par enzymothérapie substitutive.

E) « CŒUR D'ATHLÈTE ».

Le « cœur d'athlète » représente le diagnostic différentielle plus délicat à aborder pour le médecin militaireconfronté à un patient jeune et sportif porteur d'une HVG.Il convient en premier lieu de s'assurer de la réalité d'unentraînement soutenu qui doit comporter au moins dixheures d'activité hebdomadaire pour engendrer un retentissement significatif sur le muscle cardiaque.Plusieurs arguments échographiques (tab. I) permettentsouvent de faire le diagnostic différentiel entre une hypertrophie physiologique, « d'adaptation » ou pathologique (12).Parfois, lorsque le doute persiste, c'est l'interruption de l'entraînement sportif pendant plusieurs mois qui, en permettant d'observer la régression de l'hypertrophiefait écarter le diagnostic de CMH.

VI. QUELLES EXPLORATIONS COMPLÉMEN-TAIRES RÉALISER DEVANT UNE CMH ?

Outre l'ECG et l'échocardiographie qui posent lediagnostic plusieurs examens supplémentaires peuventêtre envisagés.

A) IRM CARDIAQUE ET LE GÉNOTYPAGE.

L'IRM cardiaque et le génotypage de la maladie, que nousavons abordé précédemment.

B) ÉPREUVE D'EFFORT.

L'épreuve d'effort, plus ou moins incontournable, permetde documenter les éventuels symptômes fonctionnels despatients (dyspnée, angor, palpitations) et de les corréler àdes anomalies électriques, ischémie électrique, arythmieventriculaire ou supraventriculaire, profil tensionnel àl'effort anormal.

C) ENREGISTREMENT HOLTER DE L'ECG.

L'enregistrement Holter de l'ECG sur 24 h permet d'évaluer l'existence d'arythmies asymptomatiques. Si la présence d'ESV est extrêmement banale et sanssignification pathologique, en revanche la découverte de tachycardies ventriculaires non soutenues (TVNS = 3ESV ou plus) représente un marqueur de risque rythmique de signif ication péjorative. Ainsi sur un récent travail portant sur 178 patients porteurs d'uneCMH et ayant bénéf icié d'un enregistrement Holter l'existence d'une ou plusieurs salves de TVNSprésente une faible valeur prédictive positive (9 %) maisune bonne valeur prédictive négative (95 %) quant au risque de mort subite (13).

346 p. godon

CMHCœur

d’athlète

Contexte familial oui non

Anomalie ECG oui non

Sexe féminin oui non

Regression à l'arrêt du sport non oui

Hypertrophie asymétrique oui non

Diamètre télédiastolique VG<45 mm oui non

Dilatation OG oui non

Doppler mitral anormal oui non

Anomalies doppler tissulaire oui non

Tableau I. Critères distinctifs usuels entre une hypertrophie d'adaptation etune CMH chez un sujet sportif.

D) RECHERCHE DE POTENTIELS TARDIFS.

La recherche de potentiels tardifs ventriculaires n'a pas démontré d'intérêt dans l'évaluation pronostiqued'une CMH.

E) EXPLORATION ÉLECTROPHYSIOLOGIQUE.

L'exploration électrophysiologique avec stimulationventriculaire programmée ne permet pas, sauf indicationparticulière, de différencier les patients à faible risque de ceux à haut risque de complications rythmiques (14).En effet, même avec des protocoles de stimulation peu agressifs, on parvient assez facilement à déclencherune arythmie ventriculaire soutenue chez ces patientssans permettre un screening satisfaisant des patients les plus à risque.Dans le cadre du suivi d'un patient porteur d'une CMH le renouvellement de ces différentes explorations, ECG,échocardiographie, épreuve d'effort, Holter ECG, s'envisage sur un rythme annuel que l'on peut éventuelle-ment raccourcir selon les cas.

VII. COMMENT ÉVALUER LE PRONOSTICD'UNE CMH ?

Une fois les diff icultés diagnostiques résolues c'est la seconde diff iculté majeure à laquelle se heurte le clinicien. En dépit de grandes incertitudes qui demeurent en 2006sur l'évolution individuelle de la maladie il convient eneffet d'essayer de répondre du mieux possible aux interro-gations du patient et de son entourage, alors que la plupartdes sites Internet grand public diffusent une informationfocalisée essentiellement sur le risque de mort subite.

A) LES COMPLICATIONS DE LA CMH SONTESSENTIELLEMENT AU NOMBRE DEQUATRE :

1. Mort subite.La plus connue en est la mort subite dont certaines observations ont parfois défrayé la chronique. En dépit decertaines avancées cette complication majeure garde soncaractère peu prévisible et représente parfois la première,et seule, manifestation de la maladie.

2. Évolution progressive vers une insuff isancecardiaque.Un mode évolutif moins connu mais tout aussi fréquentest l'évolution progressive vers une insuff isancecardiaque avec amincissement progressif des parois quicontiennent de plus en plus de fibrose, dilatation cavitaireet altération progressive de la fonction systolique.

3. Accident vasculaire cérébral ischémique.L'accident vasculaire cérébral ischémique, en raison des fréquentes arythmies, et notamment de la fibrillation atriale, reste une complication classique.

4. Greffe endocarditique.La greffe endocarditique sur la valve mitrale ou le septum demeure rare.

B) LE PRONOSTIC GLOBAL DE LA CMHDEMEURE EN 2006 MAL CONNU.

Ceci est lié pour une part à la grande hétérogénéité de lamaladie avec de nombreuses formes asymptomatiquesqui demeureront méconnues et, à l'inverse, certainesmorts subites qui restent sans étiquette en l'absence d'autopsie.Cela explique les divergences de pronostic que l'on peutobserver dans la littérature selon que les données émanentde centres de référence, avec un biais de recrutement lié àdes malades souvent plus « complexes », ou qu'ellesproviennent de populations moins sélectionnées.Ainsi Kofflard et al. (3) ont comparé leur propre série depatients néerlandais non sélectionnés à six séries depatients provenant de centres de référence et six séries depatients « tout venant ». Lorsque les patients sont issus deséries très sélectionnées le pronostic apparaît alorssombre avec une mortalité cardiovasculaire annuelle del’ordre de 2 % à 4 % chez les adultes et jusqu’à 6 %/anchez les enfants. En revanche lorsque l’on étudie despatients suivis dans des centres moins spécialisés lamortalité annuelle d’origine cardiovasculaire est plusfaible, entre 0 % et 1,3 % et la mortalité subite annuelle estévaluée entre 0 % et 0,7 %.Le CHU de Nantes a récemment rapporté le suivi à douzeans en moyenne d’une cohorte de 243 patients porteursd’une CMH (2). Lors du suivi, 54 patients sont décédésdont 41 d’une cause cardiovasculaire (mortalité cardio-vasculaire annuelle = 1,37 %) avec 20 morts subites, 17décès liés à une insuff isance cardiaque, 3 accidentsvasculaires cérébraux et 1 complication chirurgicale.Il apparaît donc raisonnable de considérer aujourd’hui le pronostic de la CMH comme certainement moins péjoratif que ne le laissait supposer les premières donnéeshistoriques dont les conclusions reposaient sur un biais de recrutement. Il n’en demeure pas moins que la CMHn’est pas une maladie bénigne et génère incontestable-ment une surmortalité cardiovasculaire. Celle-cis’exprime pour moitié par des décès subits, le plussouvent chez des patients jeunes entre 10 ans et 40 ans, etpour l’autre moitié par une insuffisance cardiaque quisurvient plus tardivement vers 60 ans.

C) PEUT-ON PRÉDIRE LE RISQUE DE MORTSUBITE ?

La CMH parait donc désormais associée à un risque demort subite évalué entre 0 % et 1 % par an chez l’adulte,peut-être un peu plus chez l’enfant. La prédiction de cetype de risque pour un individu donné demeure l’un desproblèmes les plus difficiles posés par la maladie et l’undes aspects les plus angoissants pour le patient.Un exemple récent a mis en exergue le rôle de l’activitésportive dans la survenue d’une mort subite. Cependantcelle-ci survient le plus souvent dans les efforts de

347diagnostic et pronostic de la cardiomyophatie hypertrophique en 2006

DOSSIER

la vie quotidienne et chez des patients peu ou pas symptomatiques.Plusieurs travaux récents ont permis d’identif ier l’existence de facteurs de risque de mort subite ce qui autorise actuellement une relative stratif ication individuelle du risque de mort subite (15) :– l’existence d’antécédents personnels ou familiaux de mort subite (au moins 2 cas avant 40 ans) ;– des syncopes répétées (au moins 2 par an) ;– une faible élévation tensionnelle lors du test d’effort(moins de 25 mm) ;– une hypertrophie myocardique supérieure à 30 mm ;– l’existence de salves de tachycardie ventriculaire nonsoutenue sur le Holter.Ainsi l’incidence annuelle de mort subite serait inférieureà 1 % en l’absence de facteur de risque, de 1,2 % enprésence d’un facteur, 3 % en présence de 2 facteurs et 11 %/an au-delà. D’autres facteurs sont également incriminés tels quel’existence d’une ischémie à l’effort ou d’un gradientintra ventriculaire gauche mais leur importance est moinsdémontrée. L’épaisseur myocardique tient également unecertaine place puisque dans un travail portant sur 480patients suivis 6,5 ans (15) aucune mort subite n’estsurvenue chez les patients dont l’épaisseur du septuminter ventriculaire n’excédait pas 15 mm (16).

Enfin le type de mutation génétique en cause pourraitégalement influencer le pronostic et notamment le risquede mort subite. Ainsi les altérations du gène codant la chaîne lourde de la myosine (MYH 7) ou celui de latroponine T (TNNT2) comporteraient un risque plusélevé de mort subite. Cependant, bien que l’on puisseespérer à l’avenir une meilleure stratification du risquefondée sur la génétique il n’existe pas à l’heure actuelle dedonnées suffisantes pour accorder au type de mutationune signification pronostique précise.

VIII. CONCLUSION.

Responsable de morts subites chez des sujets jeunes ledépistage d’une cardiomyopathie hypertrophiquedemeure une priorité du Service de santé des armées. Cedépistage demeure néanmoins encore imparfait et parfois très problématique en 2006, tout particulièrementlorsque l’on se retrouve confronté à des manifestationsélectriques ou échocardiographiques compatibles avecun cœur d’athlète. Le diagnostic de CMH générant uneinaptitude au sport et donc, de facto, à l’engagement,toute erreur de diagnostic, par excès ou par défaut, pourra inévitablement être à l’origine de contentieux.

348 p. godon

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Dossier « Cœur et Armées » : Divers

médecine et armées, 2006, 34, 4 349

MYOCARDITE A FORME PSEUDO-INFARCTOÏDE DU SUJETJEUNERevue de la littérature à propos de trois observations

La myocardite à forme pseudo-infarctoïde est un modede révélation fréquent des myocardites du sujet jeunedésormais bien rapporté dans la littérature. Associantune douleur thoracique d’allure coronarienne, desmodifications électrocardiographiques parfoissystématisées évocatrices d’ischémie et une élévationplasmatique des marqueurs cardiaques, le principalproblème est celui du diagnostic différentiel avec uneischémie myocardique d’origine coronarienne dont laprise en charge et le pronostic sont radicalementdifférents. Le développement de nouvelles techniquesd’imagerie, dominées par l’IRM, permet actuellement undiagnostic plus aisé, évitant le plus souvent de recourir àla biopsie endomyocardique qui est considérée commel’examen de référence. Nous rapportons troisobservations concernant de jeunes militaires atteints demyocardite à forme pseudo-infarctoïde avant de faireune mise au point sur cette entité clinique particulièrepouvant poser des problèmes médico-militaires à courtou moyen terme.

Mots-clés : Douleur thoracique. Ischémie myocardique.Myocardite. Pseudo-infarctoïde.

RÉSUMÉ

MYOCARDITIS MIMICKING MYOCARDIALINFARCTION IN THE YOUNG : REVIEW OF THELITERATURE ABOUT THREE CASES REPORTS.

Myocarditis mimicking acute myocardial infarction is auseful clinical aspect of myocarditis of the young, wellreported in the literature. This entity join a coronary-likechest pain, electrocardiographic abnormality andelevated cardiac enzyme and the main difficult is thedifferential diagnosis with an acute coronary syndrombecause treatment is different. The developpement ofnew imaging technologies, particulary the MagneticResonance Imaging, allows an easier diagnosis and oftenovoid endomyocardial biopsy, which is the gold standard.We report three cases of young military recruits withmyocarditis mimicking acute myocardial infarction and areview of the literature about this clinical entity whichcan have a medico-military consequences in short ormiddle-long term.

Keywords : Chest pain. Myocardial infarction.Myocarditis.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 349-354)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

La myocardite est définie par une atteinte inflammatoiredu myocarde liée le plus souvent à un processus infectieux dont l’origine virale prédomine largement.Son expression clinique est variable : défaillancecardiaque aiguë fébrile, tableau de douleurs péricar-diques ou parfois, mort subite dramatique chez un jeune en apparente bonne santé.La révélation d’une myocardite mimant cliniquement,électriquement et biologiquement une ischémie myocardique appelée également forme pseudo-

infarctoïde, est une présentation classique et désormaisbien rapportée dans la littérature. Il semble également quece mode de révélation soit plus fréquent chez les hommesjeunes, expliquant qu’un certain nombre de séries soitissues des forces armées françaises ou étrangères.Nous rapportons trois observations d’hommes jeunes ayant présenté une myocardite aiguë à formepseudo-infarctoïde. Après analyse de leurs caractéris-tiques cliniques et paracliniques, nous ferons une mise au point sur cette entité clinique qui est loin d’être exceptionnelle.

II. OBSERVATIONS.

Voici trois observations de jeunes militaires ayantconsulté dans les Hôpitaux d’instruction des armées(HIA) de Lyon ou de Bordeaux (1).

X. ROUX, lieutenant, praticien en formation. J.-M. CHEVALIER, médecin chef desservices, praticien certifié. Y.-M. GAVEAU, lieutenant, praticien en formation. P. GODON, médecin en chef, praticien certifié. F. BIRE, médecin en chef, praticiencertifié. R. BRION, médecin chef des services, praticien certifié.Correspondance: X. ROUX, Service de cardiologie, HIA Robert Picqué, BP 28,33998 Bordeaux Armées.

X. ROUX, J.-M. CHEVALIER, Y.-M. GAVEAU, P. GODON, F. BIRE, R. BRION

DOSSIER

A) OBSERVATION N° 1.

Il s’agit d’un homme, âgé de 22 ans, consultant pour desdouleurs thoraciques évoluant depuis 24 heures. Cesdouleurs sont medio thoraciques, irradiant dans le brasdroit et évoluant dans un contexte fébrile. Les facteurs derisque cardiovasculaire du patient sont un tabagismemodéré à cinq cigarettes par jour et un antécédent familiald’infarctus du myocarde à l’âge de 40 ans. L’examenphysique du patient est sans particularité si ce n’est unefièvre à 38,5 °C.L’électrocardiogramme (ECG) retrouve un sus-décalageen DI, aVL et de V2 à V6. La biologie met en évidence une ascension des marqueurs cardiaques (troponine Ic à34,4 µg/L) associée à un syndrome inflammatoire (CRP> 96 mg/L). Une échographie transthoracique (ETT)révèle une hypokinésie apicale localisée sans altérationde la fonction ventriculaire gauche mais avec une petite lame d’épanchement péricardique. Une imageriepar résonance magnétique (IRM) cardiaque confirme le diagnostic de myocardite et l’épreuve d’effort à quinze jours, maximale, est négative avec une quasi-normalisation de l’ECG de base. Le patient ressort del’hôpital asymptomatique sous acide acétylsalicylique(Aspégic®) prescrit à doses anti-inflammatoires. L’étiologie virale, suspectée, n’a pu être mise en évidence.

B) OBSERVATION N° 2.

Il s’agit d’un homme, âgé de 21 ans, appelé du contingent,consultant pour des douleurs medio thoraciques intenses,sans irradiation, dans un contexte d’asthénie fébrile. Il rapporte quinze jours auparavant un épisode de rhino-pharyngite spontanément résolutif. L’examenphysique retrouve une tachycardie à 100 battements parminute avec une tension artérielle à 120/80 sans signe dedécompensation cardiaque. L’électrocardiogrammemontre un sus-décalage du segment ST plutôt diffus sansimage en miroir. La biologie montre une élévation desCPK et LDH avec également une CRP augmentée(55 mg/L) L’ETT réalisée est normale. Les symptômesdisparaissent sous acide acétylsalicylique (Aspégic®)trois grammes par jour et le patient est asymptomatique àun mois avec épreuve d’effort négative. L’enquête étiologique est restée négative.

C) OBSERVATION N° 3.

Il s’agit d’un homme, âgé de 26 ans, hospitalisé pour unedouleur thoracique typiquement angineuse paroxystiquealors que celui-ci est traité par macrolides depuis troisjours pour une angine. L’unique facteur de risque cardiovasculaire rapporté par le patient est un tabagismeactif évalué à cinq paquets-année. L’examen physiqued’entrée est strictement normal. L’ECG initial retrouve unsus-décalage du segment ST de V3 à V6 ainsi qu’en inférieur, sans miroir (fig. 1). La biologie montre uneélévation de la troponine Ic (16 µg/L) et de la myoglobineassociée à une CRP à 118 mg/L. Une ETT retrouve une contraction inhomogène dans le territoire inférieur.Une coronarographie diagnostique ne retrouve pas

d’anomalies sur le réseau coronaire. L’IRM est noncontributive. À un mois, le patient est revu, asymptoma-tique, avec amélioration de l’ECG (fig. 2) et de l’ETT.Aucune étiologie n’est retrouvée.

III. DISCUSSION.

Ces trois observations de jeunes patients atteints demyocardite illustrent un mode de présentation classiquequ’est la forme pseudo-infarctoïde. Cette entité cliniquepose le difficile problème de son diagnostic différentielque sont les syndromes coronariens aigus pour lequel toutretard diagnostic doit être évité.

A) PHYSIOPATHOLOGIE.

La myocardite est une atteinte inflammatoire du musclecardiaque quelqu’en soit la cause (1, 2). Elle se caractérisehistologiquement par un inf iltrat inflammatoire, de l’œdème, des foyers de nécrose et de la f ibrose enproportion variable (3). Son origine est le plus souventinfectieuse et notamment virale dans la majorité des cas. La multiplicité des agents potentiellement en causes (virus, bactéries, parasites…) rend l’enquête étiologique exhaustive quasiment impossible et expliquele nombre important de myocardite dite « idiopathique »pour lesquelles aucun agent infectieux précis n’a pu être identifié (4).L’atteinte myocardique est secondaire à deux mécanismesprincipaux : cytotoxicité directe de l’agent infectieux etréaction immunitaire à l’encontre des cellules cardiaquespouvant entraîner des phénomènes inflammatoires

350 x. roux

Figure 1. Électrocardiogramme initial de l'observation N° 3 : sus-décalage dusegment ST de V3 à V6 ainsi qu'en inférieur.

Figure 2. Électrocardiogramme à un mois : disparition du sus-décalage avec apparition secondaire d'ondes T négatives en inférieur et V5-V6.

persistants responsables des complications chroniques(cardiomyopathies dilatées) (5).L’atteinte inflammatoire myocardique peut être ainsi responsable :– d’une défaillance cardiaque aiguë, allant de la simplehypotension au choc cardiogénique rapidementprogressif ;– de troubles de conduction par inflammation du tissuconductif avec bloc de conduction auriculo-ventriculaire(BAV) ou intra ventriculaire ;– de troubles du rythme aux deux étages ;– d’une symptomatologie douloureuse, soit par uneatteinte péricarditique fréquemment associée donnantune symptomatologie volontiers positionnelle, soit par lasouffrance myocardique mimant une douleur angineuseresponsable des formes pseudo-infarctoïdes ;– d’anomalies biologiques, électrocardiographiques etéchographiques, variables selon les cas.

B) ÉPIDÉMIOLOGIE.

Bien que son incidence ne soit pas connue avec certitudeen raison des diff icultés diagnostiques des formesatypiques et d’un nombre important de formes asympto-matiques, la myocardite est estimée aux alentours de1,06 % selon une série autopsique suédoise (4).Celle-ci est bien documentée comme cause de mort subitechez le sujet jeune avec des fréquences variant de 10 % à20 % des causes de décès d’origine cardiaque chez lesjeunes recrues militaires (6-11). Cette incidence élevéechez les jeunes militaires semble liée à une plus grandepromiscuité (favorisant la transmission des agents infectieux) associé à une exposition accrue aux exercicesphysiques intenses (facteur potentiellement aggravateurou révélateur de myocardite) (12).La forme pseudo-infarctoïde mimant une atteinte coronarienne semble être un mode de révélation fréquentnotamment chez le sujet jeune. Une série finlandaiseportant sur une population de 672 672 jeunes militairesmontre que la majorité des 98 myocardites se présentaitavec une forme pseudo-infarctoïde (13) lorsqu’ils étaientsymptomatiques.

C) CLINIQUE.

La myocardite, quand elle est symptomatique, peut serévéler sous différentes formes : insuffisance cardiaqueaiguë fébrile, mort subite, troubles du rythme… (14).La forme pseudo-infarctoïde est déf inie par la triple association :– d’une douleur thoracique d’allure angineuse (rétro sternale, oppressive, parfois irradiante…) ;– de modif ication électrocardiographique évoquant une atteinte ischémique (cf. infra) ;– d’anomalies biologiques avec augmentation plasmatique des marqueurs cardiaques.Le terrain est souvent celui d’un sujet de sexe masculin, d’âge jeune, avec pas ou peu de facteurs derisque cardiovasculaire (15).

Sur le plan des douleurs, celles-ci sont le plus souventrétro sternales, avec parfois des irradiations classiquesd’atteinte coronarienne (bras gauche, maxillaire inférieur) comme cela est le cas chez le patient N° 1. Soncaractère oppressant est régulièrement retrouvé.Des douleurs positionnelles ou majorées à l’inspirationprofonde sont parfois présentes évoquant une atteintepéricarditique ou pleurale.L’examen physique est le plus souvent normal, mais peut retrouver des signes d’insuff isance cardiaque. Un frottement péricardique est parfois audible à l’auscultation (16).Les signes généraux bien que fréquents, sont inconstantsavec l’existence d’une fièvre souvent modérée lorsqu’elleest présente (38-38,5°), une asthénie inconstante, rarement une franche altération de l’état général.Des signes extra cardiaques peuvent être présents, enrelation avec l’agent causal : rash cutané, érythèmemigrant (maladie de Lyme), énanthème buccal, adénopathies cervicales… Le plus souvent, ces signesprécèdent l’épisode de myocardite de quelques jours et une infection d’allure virale préalable est évocatrice du diagnostic, bien que présente moins d’une fois sur deux (17).

D) PARACLINIQUE.

1. Biologie.Celle ci montre plusieurs anomalies :– anomalies non spécifiques, en rapport avec le syndromeinflammatoire lié à l’agent infectieux en cause : élévationde la CRP dans plus de la moitié des cas (17) souventmodérée, parfois plus importante, hyperleucocytose àprédominance lymphocytaire ou de polynucléairesneutrophiles selon l’étiologie (virale, bactérienne) ouquelquefois un syndrome mononucléosique franc (18) ;– anomalies spécif iques avec l’augmentation desmarqueurs cardiaques. Il existe une augmentation des CPK et de la myoglobine, en règle modérée maisparfois très élevée, et de la troponine I ou T, plus spécifique d’une atteinte myocardique. La spécificité de la cinétique des marqueurs biologiques dans lamyocardite reste controversée.Le « Brain natriuretic peptid » (BNP) est fréquem-ment augmenté dans les myocardites, témoin d’une insuffisance cardiaque associée. Bien que peu spécifiquede la myocardite, il peut être intéressant pour mettre en évidence une atteinte myocardique dans un tableautypique de péricardite lorsque le dosage de troponine est normal (19).

2. Électrocardiogramme.Les anomalies électrocardiographiques observées sont,par définition, évocatrices d’une ischémie myocardique,parfois fluctuantes dans le temps. Le plus souvent, il s’agit d’une élévation du segment ST de plus d’un millimètre dans au moins deux dérivations qui se suiventavec un miroir possible, mais en règle absent.

351myocardite à forme pseudo-infarctoïde du sujet jeune

DOSSIER

Il peut y avoir également un sous décalage du ST, desondes Q pathologiques. Ces anomalies peuvent siéger enantérieur, en inférieur et des anomalies diffuses sontégalement possibles (13). Les formes avec ondes Qseraient de moins bon pronostic car plus fréquemmentassociées à une évolution fulminante (20).Des troubles du rythme sont rapportés en période aiguë avec des extrasystoles auriculaires, ventriculaireset parfois de véritables tachycardies ventriculaires engageant le pronostic vital. Des troubles de la conduction comme des blocs de branche sont décrits, plusrarement des blocs auriculo-ventriculaires parfoiscomplets. Ces anomalies, liées à l’inflammation, tendentà disparaître en quelques jours mais peuvent persisterdans le temps en cas de fibrose cicatricielle (16).

3. Échographie.L’échographie cardiaque est peu spécif ique dans lamyocardite et permet surtout une évaluation rapide de lafonction ventriculaire gauche, globale et segmentaire.Des anomalies de la cinétique segmentaire sont souventmises en évidence sans prédilection particulière pour unterritoire donné. L’échographie peut également mettre enévidence une atteinte péricardique fréquemment associée, montrant un épanchement péricardique généralement modéré.

4. Autres examens d’imagerie.La scintigraphie et l’IRM myocardiques permettentd’évoquer fortement une myocardite dans le cadre d’unsyndrome douloureux thoracique.La scintigraphie myocardiaque, pas toujours faciled’accès et de moins en moins pratiquée, consiste enl’injection d’anticorps anti-myosines marqués à l’indium111 avant acquisition des images. Cet examen montrebien les zones de nécrose et, couplé à une scintigraphietraditionnelle au thallium, aurait une bonne sensibilité etspécificité dans le diagnostic de myocardite, notammentdans les formes pseudo-infarctoïdes. (21-24).L’IRM connaît un développement important dans le domaine de la cardiologie et semble présenter un intérêt dans les myocardites aiguës (25). Celle ci met enévidence de multiples foyers inflammatoires fixant legadolinium au temps tardif de topographie le plus souvent sous épicardique. Elle permet une bonne discrimination entre inflammation myocardique etatteinte d’origine ischémique.

E) DIAGNOSTIC.

Le diagnostic positif de la myocardite repose sur l’étudehistopathologique issue des fragments de biopsie endomyocardique. La conf irmation repose sur lescritères de Dallas édité en 1987 (26). Cependant, labiopsie manque de spécificité et de sensibilité comptetenu de l’existence de zones myocardiques saines entre les foyers de nécrose responsables de faux négatifs. Son caractère invasif et les risques qui lui sont

associés ainsi que le peu de bénéfice attendu explique sa faible utilisation (27-30).Le diagnostic positif est donc le plus souvent porté sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques où l’imagerie non invasive (IRM) prend une place croissante.Dans les formes pseudo-infarctoïdes, le principaldiagnostic différentiel est celui d’un syndrome corona-rien aigu et notamment d’un authentique infarctus qui nécessiterai des gestes de revascularisation enurgence. À ce titre, toute suspicion clinique d’atteintecoronarienne devant un tableau atypique (absence de fièvre, de syndrome inflammatoire) ou traînant doitfaire pratiquer une coronarographie diagnostique dans les meilleurs délais.La péricardite provoque plutôt une symptomatologiepositionnelle, avec des anomalies ECG diffuses parfoisévocatrice (anomalies du PQ, sus-décalage concave versle haut…) et ne s’accompagne pas d’une élévation desmarqueurs cardiaques. Rappelons que les deux entités,relativement proches, peuvent être associées.Les cardiomyopathies de stress et notamment le syndromede tako-tsubo peuvent simuler en tout point une myocardite lorsqu’elles surviennent dans un contexteinfectieux (sepsis, infection sévère…). Le diagnostic est souvent porté sur l’aspect caractéristique du ventricule gauche à la ventriculographie montrant une ballonisation de tout l’apex de celui-ci avec normalitédu réseau coronarien.Les autres diagnostics différentiels sont ceux de toutedouleur thoracique aiguë : embolie pulmonaire, dissection aortique… à évoquer systématiquement.

F) COMPLICATIONS.

Les complications possibles des myocardites à formepseudo-infarctoïde sont celles de toute myocardite.Les complications de la phase aiguë sont dominées par l’insuffisance cardiaque et les troubles du rythmeet/ou conductifs. L’insuffisance cardiaque gauche ouglobale peut être d’installation rapidement progressive,voir fulminante, conduisant parfois à un état de chocnécessitant un traitement rapide.Les troubles du rythme sont possibles au niveau supra ventriculaire avec extrasystoles, épisodes de f ibrillation auriculaire, tachysystolie. Les troubles du rythme ventriculaire (tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire) engagent le pronostic vital etseraient responsables d’une partie des morts subitesobservées chez le sujet jeune (31, 32).Les troubles de conduction sont classiques avec notamment l’apparition de bloc auriculo-ventriculaireparfois complet nécessitant une électrostimulation transitoire. Les blocs intraventriculaires (droit ou gauche)sont rarement symptomatiques.Les complications à long terme sont essentiellementreprésentées par la myocardiopathie dilatée. Il est maintenant clairement établi qu’un certain nombre demyocardiopathies dilatées idiopathiques sont secondaireà un épisode ancien de myocardite, symptomatique ou

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non (33, 34). Cette évolution reste imprévisible mais ilsemblerait que les formes pseudo-infarctoïdes soient unfacteur protecteur (16, 18). La physiopathologie de cette évolution n’est que partiellement élucidée et feraitintervenir des mécanismes d’auto-immunité liés a la persistance d’antigènes viraux (3, 35-37).La relation entre myocardite et atteinte coronarienne est rarement observée mais pose un réel problèmediagnostique dans les formes pseudo-infarctoïdes.Quelques cas de thromboses coronariennes (septale) ont été rapportés (38). Un mécanisme de vasospasme est aussi décrit (39).

G) TRAITEMENT.

Le traitement des myocardites à forme pseudo-infarctoïde ne présente pas de spécificité particulière si ce n’est le traitement de la douleur, souvent intense, qui ne doit pas être négligé.L’aspirine à dose anti-inflammatoire (un gramme troisfois par jour) est parfois utilisée par analogie avec la péricardite sans que son innocuité soit démontrée dansl’évolution des lésions myocardiques (40).L’utilisation de traitements immunosuppresseurs ou immunomodulateurs n’ont pas fait la preuve de leurefficacité mises à part pour quelques rares étiologies :myocardite des connectives, à cellules géantes… (41).La prise en charge de l’insuff isance cardiaque, destroubles du rythme ou de conduction ne présente pas de particularité. Le traitement de l’agent infectieux estrarement possible en dehors des causes bactériennes,fongiques ou parasitaires (42). En effet, l’agent viral encause est rarement identifié et il n’existe bien souvent pas de traitement antiviral validé.Toute myocardite diagnostiquée doit entraîner la suspension des activités sportives pour une durée qui n’estpas codifiée mais qui devrait être de l’ordre de trois mois (9).

H) ÉVOLUTION/PRONOSTIC.

L’évolution classique habituelle des myocardites est larécupération ad integrum d’une fonction cardiaquenormale avec disparition des symptômes, comme cheznos trois patients, une fois la phase aiguë passée. Ce bonpronostic varie en fonction de l’étiologie et un pronosticsévère et souvent défavorable s’observe dans certainstypes histologiques (myocardite à cellules géantes) (43).Cependant, un certain nombre de patients vont évoluersecondairement vers une cardiomyopathie dilatéed’installation progressive pouvant se révéler plusieursannées après l’épisode aigu (33-36). La nécessité d’unesurveillance clinique et échocardiographique à distancede l’épisode aigu doit être expliquée au patient.

IV. CONCLUSION.

La myocardite aiguë à forme pseudo-infarctoïde est unmode de révélation classique des myocardites du sujetjeune. Bénéf iciant des progrès récents de l’imageriemédicale, son diagnostic est devenu plus aisé mais resteparfois difficile dans les formes atypiques. La volonté dene pas passer à côté d’une atteinte coronarienne doit êtreune préoccupation pour le clinicien. Le recours à desexplorations complémentaires comme l’IRM, voire lacoronarographie, s’impose en cas de doute diagnostique.Rarement confirmée par une biopsie, son traitementrepose essentiellement sur la gestion des complications àla phase aiguë, l’exemption de toute activité physiqueintense pour une durée prolongée et un suivi ultérieurrégulier.L’application du dogme « pas de sport en période fébrile » reste essentielle dans les unités.

353myocardite à forme pseudo-infarctoïde du sujet jeune

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Dossier « Cœur et Armées » : Divers

médecine et armées, 2006, 34, 4 355

INTÉRÊT DU SCANNER DANS LA MALADIE CORONAIRE

Le scanner prend une place croissante dans la prise encharge de la maladie coronaire. Le score calcique,largement utilisé en Amérique du Nord et dontl’utilisation se développe en Europe, permet unequantification des calcifications artérielles coronaires.Ces dernières sont un marqueur habituel del’athérosclérose coronaire. Cette quantification présenteune valeur diagnostique intéressante dans la maladiecoronaire, la valeur prédictive négative d’un score nulpermettant pratiquement d’éliminer la maladie. Surtout,la valeur pronostique forte, graduée, indépendante duscore calcique est utilisée pour établir une stratificationdu risque coronaire. Le coro-scanner réalise unecoronarographie non invasive. La nécessité de résolutionsélevées impose l’utilisation de multi coupe (si possible aumoins 64), et rend compte de la nécessité, en pré-requis,d’une fréquence cardiaque non accélérée et si possiblerégulière. Les calcifications coronaires sont un facteurlimitant du coro-scanner, à l’origine de la grandemajorité des artéfacts. La précision diagnostiqueprogresse, expliquant son utilisation en pratique cliniquepar de nombreuses équipes chez les patients à niveau derisque pré test peu élevé ou intermédiaire. En analyseper-patient, la valeur diagnostique se rapproche de cellede la coronarographie conventionnelle.

Mots-clés : Calcification artérielle coronaire.Coronarographie. Maladie coronaire. Scanner. Scorecalcique.

RÉSUMÉ

INTEREST OF COMPUTED TOMOGRAPHY INCORONARY ARTERY DISEASE.

Computed tomography takes an increasing place incoronary artery disease. Calcium scoring, widely used inNorth America and progressing in Europe, allows aquantification of coronary artery calcifications which area usual marker for coronary atherosclerosis. Thisquantification presents an interesting diagnostic value incoronary artery disease, the negative predictive value ofa null score virtually ruling out the disease. Especially,the strong, graduated, independent prognostic value ofcalcium scoring is used to establish a stratification of thecoronary risk. The multi-slice computed tomographycoronary angiography carries out a non-invasivecoronarography. The need for high resolutions imposesthe use of a recent multi-slice device (if possible at least64 slices), and accounts for the need, as a prerequisite, ofa non-elevated heart rate, if possible regular. Coronarycalcifications are a limiting factor of multi-slicecomputed tomography coronary angiography, at thesource of the large majority of pitfalls. The diagnosticaccuracy is improving, which accounts for its use inclinical practice by many teams on patients with arelatively low or intermediate pre test risk level. In per-patient analysis, the diagnosis accuracy approachesthe high standard of conventional coronarography.

Keywords: Calcium scoring. Coronary arterycalcification. Coronary artery disease. Multi-slicecomputed tomography coronary angiography.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 355-359)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Pandémie responsable de la première cause de mortalitédans le monde, la maladie coronaire est très insidieuse,puisqu’environ la moitié des infarctus du myocarde et desmorts subites sont inauguraux. Actuellement certaines

associations de facteurs de risque, comme le syndromemétabolique, sont en pleine expansion. Les différentessociétés savantes (American Heart Association (AHA),European Society of Cardiology) insistent actuellementsur l’importance d’un dépistage précoce des sujets àrisque intermédiaire ou à haut risque.Le calcium est un composant facultatif mais habituel del’athérome et constitue un marqueur de l’athérosclérosecoronaire, notamment infra-clinique. Le coro-scanner,en progression constante, gagne en précision diagnos-tique ; il est déjà utilisé par beaucoup d’équipes enroutine, dans certaines indications, en remplacement dela coronarographie conventionnelle.

O. GUIRAUDET, médecin en chef, praticien certifié. L. BONNEVIE, médecin enchef, professeur agrégé. P. MARION, médecin en chef, praticien certifié. B. BOYER,médecin chef des services, professeur agrégé. D. MARTIN, médecin chef des services,praticien certifié. X. CHANUDET, médecin chef des services, professeur agrégé.Correspondance: O. GUIRAUDET, Service de cardiologie et médecine vasculaire,HIA Bégin, 69 avenue de Paris, 00498 ARMÉES.

O. GUIRAUDET, L. BONNEVIE, P. MARION, B. BOYER, D. MARTIN, X. CHANUDET

DOSSIER

II. LIMITES DES MÉTHODES ACTUELLES.

Une méthode de dépistage doit être non invasive, valide,précise, facilement applicable et acceptable, non génératrice d’effets indésirables (1).Celles actuellement disponibles concernant la maladiecoronaire sont limitées. Les recommandations de l’AHAde 2002 concernant la pratique de l’ECG d’effortcomportent une stratif ication pré-test du niveau derisque, éventuellement facilitée grâce à l’émergence defacteurs de substitution comme l’épaisseur intima médiaou l’index de pression systolique. L’indication reste declasse II b chez le sujet asymptomatique, en cas defacteurs de risque multiples ou de maladie vasculaire non coronaire connue, de classe III sinon. La sensibilitéest voisine de 50 % et la spécificité de 90 % (2). Échogra-phie de stress et scintigraphie myocardique, plusperformantes, sont indiquées en cas de non faisabilité del’ECG d’effort pour la première ; la deuxième, à l’origined’une irradiation (10 à 15 mSv), est de plus relativementcoûteuse (372€si négative et 672€avec la réinjection derepos en cas de positivité ; l’échographie de stress est noncotée, habituellement assimilée à une échocardiographietrans-thoracique, donc d’un montant d’environ 100 €,l’ECG d’effort coûte pour sa part environ 80 €). Comptetenu des limites des méthodes non invasives actuellementdisponibles force est de souvent recourir à la coronarogra-phie, qui reste le gold-standard La maladie coronaire esten pratique définie angiographiquement par la présenced’athérome, non sténosant pour des lésions inférieures à 50 % de perte de diamètre sur deux incidences orthogonales, sténosant au delà, réalisant alors la maladie coronaire chronique. De plus c’est la seuleméthode diagnostique du spasme coronarien. Cependant,la coronarographie répond mal au pré-requis d’uneméthode de dépistage : elle reste (faiblement) invasive, à l’origine d’une irradiation (2 à 4 mSv), nécessite l’injection de produit de contraste, est coûteuse (environ300 €), de plus elle image le flux et la lumière maisméconnaît l’évaluation de la paroi, comme en témoignel’échographie endo-coronaire. Or on connaît actuelle-ment l’importance des lésions intermédiaires dans lagenèse des accidents coronariens.

III. APPORT DU SCANNER CARDIAQUE.

C’est une méthode d’imagerie en coupes développéedepuis 1990 pour la tomographie par faisceau d’électrons(qui n’est plus utilisée en France car trop coûteuse, tropspécifique et actuellement dépassée par son concurrent)et 1999 pour le multi-détecteur. L’apport de ce dernier est proportionnel au niveau de progression technologiqueet informatique le concernant, notamment pour le coro-scanner. En effet, les impératifs associés de résolu-tion spatiale, temporelle et de contraste sont une gageurepour imager l’athérosclérose coronaire. Actuellement les64 coupes permettent l’acquisition volumique del’ensemble du massif cardiaque en moins de 12 secondes,avec une épaisseur de coupe infra millimétrique (0,6mm),

un temps de rotation du statif de 330 ms. La synchronisa-tion ECG est indispensable à la reconstruction diastolique.La résolution temporelle est de la moitié ou du quart dutemps de rotation. Le voxel est isotropique, d’environ400 µ de coté (le double du pixel de la coronarographie).L’examen est réalisé en contraste spontané pour le calculdu score calcique coronaire (SCC) et avec injection deproduit de contraste pour le coro-scanner. La quantiténécessaire de celui-ci diminue proportionnellement au nombre de détecteurs (actuellement 60 à 80 ml). L’irradiation peut nettement dépasser celle d’une coronarographie conventionnelle, atteignant jusqu’à 10 à 15 mSv (soit environ 3 à 4 fois plus). Toutefois, l’optimisation des doses en fonction de l’anatomiepermet des réductions substantielles, ainsi que la modulation ECG. (« ECG pulsing »), l’association desdeux permettant des réductions supérieures à 50 % et dedescendre à des doses alors équivalentes à celles de lacoronarographie conventionnelle. Pour le score calciqueces mesures permettent de réduire la dose délivrée aumSv. Un logiciel dédié est indispensable au calcul de ce dernier. Le post-traitement pour le coro-scanner utilisele MIP (« maximum intensity projection »), le MPR(« multi planar reconstruction »), les reconstructionscurvilinéaires (curvilignes multiplanaires) et le VRT ou rendu volumique.Les limites du coro-scanner sont en partie inhérentes à ses capacités de résolutions et la coronarographieconventionnelle, dans ce domaine encore nettement plus performante, permet une meilleure luminographie.Les fréquences cardiaques élevées, régulières ou non,sont proscrites, l’optimum étant moins de 65 par minute.Le béta-blocage permet, outre la réduction des artéfactscinétiques, de réduire l’irradiation. Certains proposent de plus, comme lors d’une coronarographie conven-tionnelle, l’utilisation systématique de dérivés nitrés.Une autre limite importante est représentée par les calcifications, notamment coronaires, responsables plusvolontiers de faux-positif de sténose (par blooming)plutôt que de faux-négatif. Le maintien d’une apnée, dont la durée se réduit avec le nombre de détecteurs, est également à considérer. L’insuffisance rénale sévère et l’allergie sont des contre-indications relatives. Actuellement le scanner, injecté ou non, est côté Z19 soit environ 140 €.

IV. SCORE CALCIQUE CORONAIRE.

Les calcif ications sont détectables par le scanner, ce qui permet de quantifier leur dépôt global sous formed’un score de calcification (2). Sont considérées commedes calcifications, les images de densité supérieure ouégale à 130 UH, dont la surface est supérieure à 1 mm2. LeSCC. décrit par Agatston et al en 1990 (3) correspond à la surface totale des calcifications coronaires. Si latomographie à faisceau d’électrons (TFE) constitue latechnique de référence pour le calcul du SCC, le scannermulticoupe a été validé dans cette indication (1). De plus,il présente l’avantage d’une meilleure reproductibilité

356 o. guiraudet

(fig. 1). Les études histo-pathologiques démontrent unecorrélation forte avec la charge athéroscléreuse totale.Environ 2/3 des plaques sont calcifiées. Toujours pourl’AHA, le degré de calcif ication est également unmarqueur de vulnérabilité au niveau de la plaque, demême que la charge calcique coronaire totale à l’étagepanartériel. Au niveau systémique, la protéine C réactive(autre marqueur de vulnérabilité) est corrélée au scorecalcique. La calcif ication est un phénomène actif, favorisé par l’apoptose et les lipides oxydés. La vitesse deprogression du score calcique a une valeur pronostique :en effet elle est corrélée au risque d’événements.

A) RECOMMANDATIONS ACC/AHA 2000.

Elles retiennent pour la TFE une sensibilité de 92 % et une spécificité de 55 % pour le diagnostic de sténosecoronaire significative (2). La positivité du score estdéterminée par une valeur seuil. Elles soulignent l’excellente valeur prédictive négative : l’absence decalcification élimine très probablement la présence deplaque d’athérosclérose. A contrario, un score élevéimplique la présence de plaques et plus celui-ci est élevéplus grande est la probabilité de sténose(s) serrée(s), sanstoutefois de relation absolument linéaire avec cesdernières. Il n’existe pas non plus corrélation anatomiqueentre la localisation des calcif ications et celle dessténoses serrées.L’intérêt diagnostique est limité par la faible spécificité.Pour le pronostic, l’insuffisance des données conduit à une proposition d’utilisation au cas par cas af in depermettre une meilleure stratif ication du risque et notamment le dépistage des patients à haut risque, dans lesous groupe des patients initialement classés comme à risque intermédiaire.

B) RECOMMANDATIONS ESC 2003.

Pour le diagnostic, la valeur prédictive négative depresque 100 % permet pour des douleurs atypiques avec

un score nul « d’éviter facilement » la coronarographie,d’éliminer les faux positifs de l’ECG d’effort, très rare-ment pas ou peu de calcium est observé en cas d’infarctusdu myocarde (1). Par contre, on tient compte des fauxpositifs avec coronarographie seulement en casd’ischémie.Le score d’Agaston est devenu un facteur de risque indépendant pour l’extension de la maladie coronaire etpour le pronostic, apportant une information forte,graduée et supplémentaire à celle fournie par l’analysedes facteurs de risque conventionnels. Les valeurs seuils alors habituellement proposées se situent entre 80et 160 ou intéressent les scores élevés (400 voire 1 000).L’utilisation des percentiles distribués en fonction del’âge et du sexe permet une meilleure stratif ication(classes extrêmes: inférieures au 25°, supérieures au 75°ou 90° percentile). La détermination d’un niveau de risque équivalent à celui de la situation de préventionsecondaire est possible ; la majorité des évènementssurviennent pour des scores supérieurs au 75° percentile.Les indications restent pour l’ESC identiques à celles de l’AHA.

C) ACTUELLEMENT.

Principalement aux USA et en Allemagne, le scorecalcique est utilisé seul ou en association avec larecherche d’ischémie pour une stratification pronostiquechez les sujets à risque, avec comme à l’occasion de laréalisation d’un examen diagnostique de l’ischémie,établissement d’une probabilité pré-test, puis post-testd’évènement. L’objectif étant le traitement des sujets àrisque intermédiaire ou élevé (risque de morbi-mortalitécardiovasculaire à dix ans compris respectivement entre5 % et 20 % puis dépassant 20 %).Se développe le concept d’âge coronaire, avec proposi-tion de remplacement de l’âge de l’état civil par unéquivalent dérivé du score calcique, intégré ensuite dans l’équation de Framingham, af in d’aff iner la stratification du risque.Enfin et d’importance, la valeur pronostique forte, indé-pendante, des calcifications coronaires est égalementretrouvée en prévention secondaire.

V. CORO-SCANNER.

Il ne fait pas encore l’objet de recommandations, actuelle-ment en évaluation. Toutefois, les très bons résultatshomogènes publiés légitiment son utilisation habituelleen pratique clinique par de nombreuses équipes. Danscertaines indications, il pourrait remplacer en effet lacoronarographie conventionnelle diagnostique, et cedepuis déjà plusieurs années (fig. 2, 3).Des progrès techniques récents le conduisent vers la validation, comme en atteste l’étude de Zurich (4). Celle-ci est réalisée avec un 32 détecteurs effectuant 64 coupes,avec un temps de rotation de 370 ms et un tube à hautepuissance (680 mA) disponible depuis 2004. Elle inclut67 patients d’âge moyen 60 ans, de fréquence cardiaquemoyenne 66 battements par minute (bpm), avec exclusion

357intérêt du scanner dans la maladie coronaire

DOSSIER

Figure 1. Comparaison des images de calcifications coronaires obtenues par latomographie par faisceau d’électrons puis avec un 4 détecteur.

de la f ibrillation auriculaire, devant tous bénéf icier d’une coronarographie diagnostique. Cette dernière amontré la présence de lésions significatives chez 70 % ettritronculaires chez 50 % de l’ensemble des patients. Lescoro-scanners sont réalisés sans SCC préalables(remplacés par une évaluation qualitative), ni béta-blocage, ni administration de dérivés nitrés. La dosimétrieest adaptée à l’anatomie. L’ECG pulsing n’est pas utilisé car il empêche l’examen proto-diastolique supplémentaire souvent nécessaire, notamment pour lacoronaire droite. La durée médiane de l’apnée est douzesecondes. La reconstruction fait appel à un algorithmepassant à deux secteurs en cas de fréquence cardiaquesupérieure à 65 bpm. À partir de 1,5 mm de diamètretoutes les artères sont évaluées.En analyse per segment la sensibilité est de 94 %, la spécificité de 97 %, la valeur prédictive positive de 87 %et négative de 99 %, retrouvant les résultats d’une étuderécente réalisée avec un 16 détecteur et un tube à hautepuissance (5). Mais cette fois ci, en analyse per patient le classement est parfait, malgré un calibre seuil d’évaluation plus faible. La progression en précisionprédictive est impressionnante (on rappelle les faiblesvaleurs prédictives négatives jusqu’alors habituelles enanalyse per patient : 75% en 2004 avec un 16 détecteurs etsur une population de caractéristiques voisines).Aucune exclusion n’a été rendue nécessaire pour descritères de qualité d’image. Toutefois la limite importanteest représentée par des calcifications massives qui affec-tent 18 % de l’ensemble des segments. Ces calcificationsimportantes sont responsables de 58 % des pertes de

qualité d’image, de tous les faux positifs et de 72 % desfaux négatifs. Les calcif ications, quand elles sont àl’origine d’erreur d’interprétation, génèrent trois foisplus de faux positifs (75 %) que de faux négatifs (25 %). Loin derrière viennent ensuite les artéfacts demouvement, affectant 5 % des vaisseaux (et volontiers ledeuxième segment de la coronaire droite). Ils sont responsables de 13 % des dégradations de qualitéd’image et rendent compte des 28 % de faux négatifsrestants. Ces artéfacts sont favorisés par les fréquencescardiaques élevées et peuvent être le plus souventcompensés par la sélection manuelle de la phase la moins polluée. Les problèmes d’hyposignaux deviennentégalement plus rares, atteignant 8 % des artères et àl’origine de 20 % des pertes de qualité d’image, la plupart survenant sur la rétro ventriculaire gauche etl’inter ventriculaire postérieure. Mais ils n’ont pasentraîné d’erreur importante d’interprétation. Enfin, lesinteractions avec des structures adjacentes sont peufréquentes et à l’origine de dégradations modérées enqualité d’image.La rançon de conserver une possibilité d’analyse proto-diastolique est une dosimétrie plus élevée.La possibilité d’analyse de la paroi est une supérioritéimportante du scanner vis-à-vis de la coronarographieconventionnelle. De plus elle est aidée par l’acquisitionvolumique, qui fait également défaut à cette dernière. Eneffet, l’étude de la plaque d’athérome, de son volume et desa constitution (en fonction des densités), ainsi que duremodelage sont validés par les comparaisons avecl’échographie endo-coronaire d’une part et l’anatomo-pathologie d’autre part. De plus, la quantification dessténoses s’enrichit alors des possibilités de planimétriedu luminogramme, technique inspirée de l’échographieendo-coronaire, mais avec une moindre précision liée à lamoins bonne résolution spatiale.Nous mentionnons uniquement, car relevant de la prévention secondaire, l’intérêt du coro-scanner dans ledépistage de la maladie du greffon (précision diagnos-tique similaire à l’analyse du réseau natif) et l’évaluationdes anastomoses (fig. 4). Le dépistage de la resténoseintra-stent souffre quant à lui des artéfacts métalliques.En pratique, dans l’attente des recommandations, on peut proposer la réalisation du coro-scanner :

358 o. guiraudet

Figure 2. Lésion du tronc commun distal avec plaque hétérogène lipidique etcalcifiée, sur une coupe native. À gauche la coronarographie, à droitel’imagerie par scanner coronaire.

Figure 3. Sténose serrée du genu superius de la coronaire droite. À gauche lacoronarographie, à droite l’imagerie par scanner coronaire en mode M.I.P.

Figure 4. Analyse en rendu volumique puis en curviligne multi planaire d’unpontage aorto-marginal.

– dans certaines indications de la coronarographiediagnostique, sans élargissement compte-tenu de la dosimétrie et sans logique prévisible de revascularisationdans le même temps (écartant d’emblée les patients ischémiques). Les indications pour cette dernière raisonexcluent la classe I et sont limitées à certaines de classe II,avec une probabilité pré-test basse à modérée. C’est le casdes coronarographies « d’élimination », comme, parexemple, celles réalisées chez des patients asymptoma-tiques ou présentant des douleurs thoraciques atypiqueset une épreuve d’effort litigieuse ou non contributive,voire non réalisable. L’hypertrophie ventriculaire gaucheconnue plaide également en faveur d’une approche noninvasive, comme le bilan pré chirurgie cardiaque horscardiopathie ischémique, type remplacement valvulairechez un patient présentant peu de facteurs de risque, ouencore le diagnostic étiologique d’une cardiomyopathiedilatée. Les rares anomalies d’origine et de trajet descoronaires constituent également une bonne indication ;– une sélection rigoureuse des patients est impérative.L’examen est différé en cas de tachycardie, régulière ounon. L’apnée, même brève, doit être réalisable. Pour beaucoup un SCC inférieur à 1000 (ou une masse calciqueinférieure à 300 mg) est un pré-requis « obligatoire » pourune interprétation correcte avec un 16 détecteurs. UnSCC plus élevé, témoignant d’une athérosclérose importante, de mauvais pronostic, invite à rechercher, àl’aide d’un test sensible, une ischémie ; la présence decette dernière est requise pour aller à la coronarographieconventionnelle en raison à la fois des limites d’interpré-tabilité du scanner et de la probable revascularisationassociée dans le même temps ; – la préparation est également importante, avec béta-blocage (sauf contre indication) en cas de fréquencecardiaque supérieure à 65 bpm nitrés et entraînement à l’apnée (fig. 5).

VI. CONCLUSION.Le scanner a déjà pris une place importante dans le dépistage de la maladie coronaire. Sur le continent nord-américain et en Allemagne principalement, le scorecalcique est utilisé comme marqueur de l’athérosclérose,

à valeur pronostique forte, graduée, indépendante. Lecoro-scanner, en progression constante, vient d’atteindreen analyse per patient une précision diagnostique satisfaisante. Restant irradiant et requérant l’injection deproduit de contraste, il remplace progressivement la coronarographie conventionnelle en cas de prévalencepré test faible ou intermédiaire. Mais tachycardie et calcifications restent des facteurs limitants. Bien qu’entermes de résolutions la coronarographie reste le gold-standard, il dépasse cette dernière dans les domainesd’acquisition volumique et d’analyse de la paroi, dont onconnaît l’implication en termes de compréhensionphysiopathologique de la maladie coronaire.

359intérêt du scanner dans la maladie coronaire

DOSSIER

Figure 5. Conditions pratiques de réalisation du coro-scanner.

Indications

Limitées à un sous-groupe de la coronarographie diagnostique conventionnelle :

- patient non ischémique (absence d’indication prévisible de revascularisation)- prévalence pré coronarographie basse ou intermédiaire

Sélection

- FC < 90 bpm- bonne faisabilité de l’apnée- SCC

Préparation

- entraînement à l’apnée- béta-blocage en l’absence de contre-indication si FC > 65 bpm- dérivés nitrés IV

SCC < 1000 SCC > 1000Recherche d’ischémie

Stop Coronarographieconventionnelle

- +

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UN DÉFI DE SANTÉ PUBLIQUE, UNE AMBITION MÉDICO-SCIENTIFIQUE

Sous la direction de Gérard ORTH et Philippe SANSONETTI

Le temps n'est pas éloigné où l'on pensait que les maladies infectieuses seraient maîtrisées grâceà la généralisation des mesures d'hygiène et à l'utilisation des antibiotiques et des vaccins. Cet espoir a malheureusement été déçu et l'on assiste à une résurgence des maladies infectieuseset des parasitoses et à l'émergence régulière de nouveaux agents infectieux, le plus souvent d'origine animale. Les populations les plus défavorisées de la planète payent le plus lourd tribut,mais force est de constater que le développement engendre aussi son lot de pathologies infectieuses.

Ce problème de santé publique ancien se présente, depuis ces dernières décennies, avec uneampleur et des caractéristiques nouvelles. C'est pour cette raison que l'Académie des sciences ajugé indispensable de lui consacrer une réflexion approfondie.

Les causes de cette situation sont multiples : elles sont analysées dans la première partie durapport, d'où il ressort que, s'il faut admettre qu'il y aura toujours des maladies infectieuses,l'homme a sa part de responsabilité dans leur recrudescence actuelle.

La deuxième partie de l'ouvrage développe les différents aspects de la réponse que nos sociétésdoivent opposer à ce défi : cette réponse nécessitera un effort coordonné, sans précédent, derecherche, d'enseignement et d'actions en santé publique.

Des recommandations sont adressées aux pouvoirs publics, aux différents acteurs de la santé etde la recherche, ainsi qu'à l'ensemble de nos concitoyens, car une information complète, étayée etlucide est aussi l'un des éléments de la maîtrise des maladies infectieuses.

ISBN : 2-86883-888-X – 488 pages – Prix : 59 € – EDP Sciences, 17 avenue du Hoggar, Parc d'activités de Courtabœuf - BP112, 91944 Les Ulis Cedex A – Contact Presse : Élise Chatelain – Tél. : 01 69 18 69 87 – [email protected]

Dossier « Cœur et Armées » : Divers

médecine et armées, 2006, 34, 4 361

INSUFFISANCE CARDIAQUE EN RÉGION TROPICALEPrise en charge diagnostique et thérapeutique

Les maladies cardiovasculaires constituent un graveproblème de santé publique à l’échelle mondiale, et lespays en développement sont de plus en plus concernés.L’évolution des facteurs de risque cardiovasculaire dansces pays favorise notamment l’incidence descoronaropathies. L’insuffisance cardiaque est une entitéfréquente, et c’est dans le cadre des missions extérieureset de l’aide médicale aux populations que le médecinmilitaire peut être conduit à prendre en charge cesaffections. Le traitement symptomatique de l’insuffisancecardiaque ne comporte pas de particularité, mais lesétiologies sont variées et les carences des systèmes desoins conduisent à une prise en charge souvent retardée.Il existe des maladies plus spécifiques du monde tropicalet des causes cosmopolites qui traduisent le phénomènede transition épidémiologique dans les pays endéveloppement. À travers des tableaux typiques, lesauteurs illustrent certaines étiologies qui présentent unintérêt par leur fréquence, leur mode de survenue, leurprésentation clinique ou des spécificités thérapeutiques.Ils soulignent les caractéristiques de la cardiomyopathiedu péri-partum, du Béribéri cardiaque, de la fibroseendomyocardique, du rétrécissement mitral, de lapéricardite chronique constrictive, de la maladie deChagas, des cardiomyopathies associées à l’infection parle VIH, et de l’impact de l’hypertension artérielle surl’insuffisance cardiaque.

Mots-clés : Béribéri cardiaque. Cardiomyopathie du péri-partum. Fibrose endomyocardique. Hypertensionartérielle. Insuffisance cardiaque. Maladie de Chagas.Péricardite chronique constrictive. Rétrécissement mitral.

RÉSUMÉ

HEART FAILURE IN THE TROPICS : DIAGNOSISAND TREATMENT.

Cardiovascular diseases constitute a serious public healthissue on a worldwide scale and developing countries aremore and more concerned. The emergence ofcardiovascular risk factors in these countries favours thedevelopment of coronaropathy. Heart failure is afrequent entity and with the multiplication of foreignassignments and humanitarian care, the military unit’smedical officer becomes more and more involved in themanagement of these diseases. Symptomatic treatmentdoes not pose a real problem but causes are very variedand the lacks in the care systems lead to a delay in thetreatment. Some heart diseases are more specific to thetropical world, which together with cosmopolitan causesof heart failure conveys the epidemiological transition indeveloping countries. The authors illustrate someparticular features of the cardiopathies observed in thetropics, which are interesting because of their frequency,their mode of occurrence, their clinical presentation orthe therapeutic possibilities. They emphasize thecharacteristics of peri partum cardiomyopathy, cardiacberiberi, endomyocardial fibrosis, rheumatic disease,constrictive pericarditis, Chagas’ disease, cardio-myopathy associated with HIV infection and the impactof hypertension on heart failure.

Keywords : Cardiac beriberi. Chagas’disease. Chronicconstrictive pericarditis. Endomyocardial fibrosis. Heartfailure. Hypertension. Mitral stenosis. Post-partumcardiomyopathy.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 361-367)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Actuellement les maladies cardiovasculaires représen-tent la première cause de mortalité dans le monde, et sontresponsables d’environ 30 % des décès. En Afriquesubsaharienne, la mortalité cardiovasculaire représente

maintenant la deuxième cause de mortalité au même niveau que les infections respiratoires, alors qu’en Asie elle occupe déjà la première place (1). Expression clinique évolutive de la plupart des maladies cardiovasculaires, l’insuffisance cardiaque(IC) est très fréquemment rencontrée dans les pays en développement (PED).Dans les PED de la zone tropicale, la migration des populations vers les zones urbaines induit des modifications des habitudes alimentaires et de l’activitéphysique. L’augmentation de la consommation du tabac, l’élévation de l’index de masse corporelle et ledéveloppement du diabète de type 2 contribuent à la trèsnette augmentation de la maladie coronaire. Les facteurs

PH. PAULE, médecin principal (TA), praticien certifié. PH. HÉNO, médecin enchef, praticien certifié. D. MIOULET, médecin des armées, praticien confirmé. J.-M. PÉLONI, médecin principal, praticien confirmé. L. BRAEM, médecinprincipal, praticien confirmé. B. JOP, interne CHU. P. VARLET, médecin en chef,praticien certifié. J.-É. TOUZE, médecin général, praticien certifié agrégé. L. FOURCADE, médecin en chef, praticien certifié agrégé.Correspondance : PH. PAULE, Service de cardiologie, HIA Laveran, BP 50,13998 Marseille Armées.

PH. PAULE, PH. HÉNO, D. MIOULET, J.-M. PÉLONI, L. BRAEM, B. JOP, P. VARLET, J.-É. TOUZE, L. FOURCADE

DOSSIER

de risque cardiovasculaire classiques des pays développés sont dorénavant transposés sous les tropiques,à l’origine du phénomène de transition épidémiologique.À côté de la pathologie ischémique en expansion,d’autres affections plus spécifiques aux PED génèrentdes tableaux d’IC souvent sévères (2).Ainsi outre mer cohabitent la pathologie des pays riches etdes maladies que les praticiens européens, généralistes ouspécialistes n’ont plus l’occasion de rencontrer dans leurexercice habituel. Cependant dans le cadre des OPEX, lesmédecins militaires sont souvent amenés à participer àl’aide médicale aux populations, et des expériencesrécentes ont montré l’importance de l’IC dans cecontexte. Au-delà de la prise en charge d’un épisode aigu,il importe de savoir réaliser un bilan étiologique simpleafin d’orienter utilement l’attitude thérapeutique.Cet article a pour but de rappeler les éléments dudiagnostic étiologique d’une poussée d’IC, avec lesmoyens limités disponibles dans un hôpital de campagne,afin de déterminer la prise en charge la mieux adaptée. Le diagnostic positif de l’IC congestive ainsi que le traitement purement symptomatique des épisodes aigusn’y seront pas abordés.

II. DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE.

A) ÉTAPE CLINIQUE.

Devant des signes d’IC, l’enquête étiologique passe avant tout par une démarche clinique minutieuse. Il s’agit dans un premier temps de rechercher des antécédents de cardiopathie ou de souffle cardiaqueancien, de rhumatisme articulaire aigu durant l’enfance,d’hypertension artérielle (HTA) négligée, de grossesserécente, la notion d’une infection à VIH ou un antécédentde tuberculose. Ces notions seront souvent difficiles àidentif ier chez des patients ne bénéf iciant d’aucun suivi, opposant parfois la barrière de la langue et chezlesquels les cardiopathies sont souvent diagnostiquéestardivement. Il faut préciser les facteurs de risque cardiovasculaire identifiables, la prise de toxiques (khât àDjibouti, éthylisme…). Chez l’insuffisant cardiaque,outre l’évaluation de la dyspnée, l’interrogatoirerecherche des signes fonctionnels associés tels que desprécordialgies, des palpitations, des malaises.On recherche une altération de l’état général, ainsi quel’existence d’une fièvre prolongée. D’emblée, l’examencutané et des muqueuses recherche une pâleur desconjonctives, un ictère des sclérotiques ou des signes enfaveur d’un syndrome carentiel. L’examen de la peau peutêtre difficile chez des sujets de race noire, notamment à larecherche d’une éruption cutanée, d’un pouls capillaire,de faux panaris d’Osler (élévations rouges violacéesdouloureuses, situées à la pulpe du doigt, sans suppura-tion). L’examen des mains peut révéler un hippocratismedigital. L’attention sera retenue par la brillance du regardou une exophtalmie. La palpation de l’aire cardiaque peutpercevoir un frémissement. L’auscultation du cœurrecherche des bruits surajoutés : souffles systolique ou

diastolique en précisant leur localisation et leur ir radiation, roulement diastolique ou frottement péricardique. La recherche soigneuse des différents pouls est importante ainsi que la mesure de leur fréquence,leur régularité et le caractère bondissant ou paradoxal(diminution en inspiration) du pouls radial. L’ausculta-tion des trajets vasculaires et la palpation de l’abdomen à la recherche d’une masse battante permettent d’évoquerl’existence d’une athérosclérose diffuse. La mesure de lapression artérielle est réalisée aux deux bras. Onrecherche des signes de phlébite au niveau des membresinférieurs. La palpation des aires ganglionnaires et de larate est systématique. Cette étape clinique ne doit pasomettre le dépistage de foyers infectieux au niveau de lasphère ORL et de l’appareil dentaire.

B) PARACLINIQUE.

Facilement disponible, l’ECG permet d’évaluer lafréquence et le rythme du cœur, l’axe du complexe QRS,des troubles éventuels de la repolarisation. On recherchedes troubles de conduction ou du rythme, des signes desurcharge ventriculaire, d’ischémie ou de nécrose.La radiographie thoracique permet la mesure de l’indexcardiothoracique, la mise en évidence d’une modificationde la silhouette cardiaque et de l’existence de calcificationsvasculaires, annulaires ou péricardiques sur des clichés deface et de prof il. On apprécie l’état du parenchyme pulmonaire et l’existence d’un épanchement pleural.Des examens biologiques simples peuvent être réalisés,notamment la numération formule sanguine pour mettreen évidence une anémie, une polynucléose à neutrophilesou une hyperéosinophilie. On doit rechercher une insuffi-sance rénale, une anomalie des tests fonctionnelshépatiques et une dysthyroïdie au moindre doute. Dansles situations aiguës, la gazométrie artérielle permetd’apprécier la sévérité de la situation clinique, et l’exis-tence d’un effet shunt. L’élévation des enzymescardiaques (CPK et CPK MB) et de la troponine orientevers un syndrome coronaire aigu. La sérologie VIH doitêtre d’indication large.Un appareil d’échographie (non obligatoirement dédié à l’étude du cœur) peut être disponible et permettre la réalisation d’un examen de débrouillage facilitant ladémarche diagnostique. On recherche une atteinte de la fonction systolique du ventricule gauche (VG), untrouble de la cinétique segmentaire, une hypertrophieventriculaire, une dilatation des cavités cardiaques, unépanchement péricardique. La disponibilité d’un moduledoppler permet l’évaluation de la pression artériellepulmonaire systolique ou d’une valvulopathie. L’étudedes pressions de remplissage du VG est utile pour identifier un profil restrictif et apporter des arguments enfaveur d’une péricardite chronique constrictive.Au terme de cette première évaluation, la plupart dessituations paraîtront évidentes et leur diagnostic posera peu de problèmes face à des affections souvent trèsévoluées. Il s’agit essentiellement de causes cosmopo-lites. Par contre, certains tableaux plus spécifiques auxrégions tropicales peuvent être individualisés et seront

362 ph. paule

détaillés dans le chapitre suivant. Enfin quelle que soit lacardiopathie en cause, on n’omettra pas de rechercher lefacteur de décompensation expliquant la pousséed’insuff isance cardiaque : une surcharge en sel, unsevrage thérapeutique, une poussée hypertensive, untrouble du rythme, une ischémie, une anémie, une dysthyroidie, une pneumopathie intercurrente.

III. ÉTIOLOGIES.

A) QUELQUES TABLEAUX ORIGINAUX…

1. Un contexte particulier.

a) Exemple 1.Une patiente, âgée de 28 ans, sans antécédent, est hospitalisée à l’Hôpital principal de Dakar pour unedyspnée au moindre effort puis au repos, survenue unmois après un accouchement non compliqué. Elle aprésenté trois grossesses préalables qui se sont dérouléessans problème. Elle est admise dans un tableau cliniqued’insuffisance cardiaque gauche. L’ECG enregistre unetachycardie sinusale avec une négativation de l’onde Tdans les dérivations latérales. Le cliché thoraciqueconfirme le diagnostic d’œdème aigu du poumon et met en évidence une cardiomégalie (fig. 1). La NFS nemontre pas d’anémie.L’échocardiographie trans-thoracique (ETT) objectiveun VG dilaté globalement hypokinétique avec une fraction d’éjection effondrée à 25 %, sans autre anomaliepar ailleurs.Il faut évoquer dans ce contexte une cardiomyopathie dupéri-partum (CMPP), présente sous toutes les latitudes,mais rencontrée avec une plus grande incidence (1/100 à1/1 000 délivrances) en Afrique sub-saharienne chez lesfemmes Noires de niveau social modeste et multipares.Elle survient par définition durant le dernier mois de lagrossesse ou les cinq mois suivant l’accouchement chez

des jeunes femmes sans antécédent cardiovasculaire (3).Elle se présente sous la forme d’une insuff isancecardiaque d’évolution aiguë, associée en échocardiogra-phie à une dilatation cavitaire et une hypokinésie avec altération sévère de la fraction d‘éjection du VG. Letraitement symptomatique associe le repos strict et lerégime hyposodé, l’utilisation de diurétique de l’anse etd’IEC puis de bêtabloquant pendant plusieurs mois,permettant la guérison ad integrum dans 30 % à 50 % descas. Les complications rythmiques et surtout emboliquessont redoutées et imposent souvent la mise en route d’un traitement anticoagulant. La mortalité est de 10 % à30 % à la phase aiguë et la récidive est possible lors d’unefuture grossesse. Cette affection d’étiopathogénie toujoursmystérieuse comporte un risque d’évolution vers unecardiomyopathie dilatée et un tableau d’IC chronique (4, 5).b) Exemple 2.Un jeune réfugié, âgé de 25 ans, est recueilli à la frontièredu Darfour. Très asthénique et dyspnéique au moindreeffort, il est cachectique et présente des signes évidents dedénutrition. On note un tableau clinique d’insuffisancecardiaque globale à dominante droite avec de volumineuxœdèmes des membres inférieurs et des organes génitauxexternes. L’examen met aussi en évidence un déf icitsensitivo-moteur en faveur d’une polyneuropathie des membres inférieurs. L’ECG est sans particularité. Le cliché thoracique montre une volumineuse cardiomé-galie. L’ETT objective une dilatation des cavités droitesavec une insuffisance tricuspidienne et une atteinte de lafonction ventriculaire droite. Les cavités gauches sont devolume normal sans altération de la fonction systoliquedu ventricule qui apparaît plutôt hyperkinétique.Il s’agit d’un Béribéri cardiaque associé à une atteinteneurologique signant la forme « humide » de la carence en thiamine (vitamine B1). Maladie de la misère, on larencontre dans le contexte de populations déplacées et de camps de réfugiés (5). Elle est souvent secondaire à une alimentation à base exclusive de riz blanc, et peutêtre favorisée par l’éthylisme chronique. Ce déf icit vitaminique entraîne une vasodilatation systémique et l’élévation du débit cardiaque, associée à une atteintedirecte du myocarde. Lorsque les mécanismes decompensation se trouvent dépassés, s’installe un tableaud’IC globale à prédominance droite. Le traitementimpose l’apport de thiamine par voie parentérale(500 mg/jour) relayé par voie orale, sans lequel lesmesures thérapeutiques de l’insuff isance cardiaque n’ont aucune efficacité. L’amélioration clinique rapide et spectaculaire (48 heures) confirme alors le diagnosticet l’évolution est favorable (6) sous réserve de la prise en charge de la dénutrition et d’autres éventuellescarences alimentaires.

2. Une anomalie auscultatoire.

a) Exemple 1.Un adolescent ivoirien, âgé de 15 ans, consulte dans un tableau d’insuff isance cardiaque globale.Essoufflé pour des efforts minimes, il présente un retard

363insuffisance cardiaque en région tropicale

DOSSIER

Figure 1. Cliché thoracique de face objectivant une cardiomégalie chez unepatiente porteuse d’une cardiomyopathie du péri-partum.

staturo-pondéral, une volumineuse ascite contrastantavec des œdèmes modérés des membres inférieurs.L’auscultation perçoit un bruit de galop et un souffle holosystolique intense en jet de vapeur irradiant dansl’aisselle. L’ECG montre simplement des signes d’hypertrophie auriculaire gauche. Le cliché thoraciqueconfirme les signes congestifs et montre l’augmentationde l’index cardiothoracique avec un double contour del’arc inférieur droit. Il existe une hyperéosinophilie à1 200 éléments/mm3. L’ETT montre un comblementf ibreux de la pointe du VG, un épaississement de l’appareil sous-valvulaire mitral ainsi qu’une oreillettegauche très dilatée (fig. 2). La fonction systolique ventri-culaire gauche est conservée. Il existe une insuffisancemitrale sévère sans épaississement des feuillets. On meten évidence une hypertension artérielle pulmonaire.Compte tenu du contexte épidémiologique et de la symptomatologie, il faut évoquer chez ce jeune patientune fibrose endomyocardique de Davies. Il s’agit d’unecardiomyopathie restrictive secondaire à la toxicité des protéines basiques libérées par les polynucléaireséosinophiles et dirigées contre l’endocarde. Cette affection est l’apanage presque exclusif des régions tropicales où sévissent de manière endémique les helminthiases à cycle tissulaire, contractées tôt dansl’enfance. Le comblement fibreux peut intéresser l’un ou l’autre des ventricules voire les deux, et impliquerl’appareil sous-valvulaire mitral ou tricuspidien. Il s’yassocie une forte propension à la formation de thrombusintra-ventriculaire. Le phénomène de restriction au remplissage ventriculaire est presque toujours associé à des fuites valvulaires sévères (4). La symptoma-tologie associe de façon variable des signes d’IC gauche et/ou droite, et des fuites valvulaires mitrale et/ou

tricuspidienne. Le diagnostic est affirmé par l’aspectéchographique de comblement apical des ventricules etd’ectasie des oreillettes. Il existe une relation inverseentre le taux d’éosinophiles qui peut s’être normalisé et le temps écoulé depuis le début des symptômes. Lepronostic est sombre avec 50% de décès dans les deux ansqui suivent le diagnostic (5). Seule l’endocardectomiechirurgicale peut infléchir cette évolution, associée à laréalisation d’une plastie ou d’un remplacement valvulaire (7).b) Exemple 2.Une jeune Afghane, âgée de 25 ans, enceinte de trois mois est hospitalisée dans un tableau d’œdème aigu du poumon rapidement amélioré par l’injection de furosémide IV. Son entourage rapporte de nombreusesangines inconstamment traitées durant son enfance, et des épisodes répétés de douleurs et de fluxions articulaires. Après amélioration de l’état hémodyna-mique, l’examen clinique retrouve un éclat du premierbruit du cœur au foyer mitral, un dédoublement dudeuxième bruit et un roulement diastolique. L’ECG enre-gistre une fibrillation auriculaire à 120 bpm. Le clichéthoracique montre un dédoublement de l’arc inférieurdroit sans augmentation de l’arc inférieur gauche. L’ETTmontre un épaississement de l’extrémité des feuilletsmitraux, rigides et déformés en canne de golf (fig.3), avecun aspect de fusion des commissures valvulaires, sans calcification de l’appareil sous valvulaire. La surfacemitrale est évaluée à 1 cm2 par planimétrie et le gradientde pression trans-mitral mesuré par doppler est élevé à 14 mm Hg. Il n’existe pas d’insuffisance mitrale. Lafonction systolique du ventricule gauche est conservée.La pression artérielle pulmonaire systolique est évaluée à 50 mm Hg.Cette jeune patiente présente un rétrécissement mitrald’origine rhumatismale compliqué de f ibrillation auriculaire. Le traitement des angines streptococciques a permis de faire disparaître cette affection dans les pays industrialisés. Les valvulopathies rhumatismales

364 ph. paule

Figure 2. Échocardiographie en incidence para-sternale grand axe :comblement fibreux du ventricule gauche et dilatation de l’oreillette gauchedans le cadre d’une fibrose endomyocardique.

Figure 3. Échocardiographie en incidence para-sternale grand axe :rétrécissement mitral avec feuillets mitraux épaissis et déformés, limitation del’ouverture mitrale en diastole.

demeurent fréquentes dans les PED, représentant environ le tiers des causes d’hospitalisation en cardiologie (2). Le rétrécissement mitral se compliquevolontiers de troubles du rythme supra-ventriculaire etd’embolies systémiques. Outre le traitement de lapoussée d’insuffisance cardiaque, ici favorisée par lagrossesse, il est souhaitable de réaliser un traitement étiologique qui dépend des possibilités logistiqueslocales. En zone tropicale, le traitement par valvulo-plastie mitrale percutanée par ballonnet continue de poser des problèmes de coût ; la commissurotomie percutanée par dispositif métallique réutilisable représente un espoir pour l’avenir (8). La commissuro-tomie chirurgicale à cœur fermé ne nécessite pas decirculation extra-corporelle, peut être réalisée par un chirurgien généraliste pratiquant l’abord du cœur par thoracotomie latérale, et constitue une alternative qui demeure d’actualité (9). En cas d’insuff isance mitrale associée, seul le remplacement valvulaire peut être proposé.

3. Une insuffisance cardiaque droite au premier plan.Un tchadien, âgé de 50 ans, est admis dans un tableaud’anasarque comportant des œdèmes des membres inférieurs et une ascite, une hépatomégalie et uneévidente turgescence des veines jugulaires. Ses antécédents sont mal connus. L’auscultation perçoit unbruit vibrant proto-diastolique maximum à l’apex,augmenté à l’inspiration. L’ECG enregistre une tachycardie sinusale à 110 bpm, un microvoltage avec desondes T négatives diffuses. La radiographie thoraciquemet en évidence un petit cœur triangulaire à bord gaucherectiligne avec des calcifications péricardiques mieuxvisibles sur le cliché de profil (fig. 4), un épanchementpleural bilatéral minime et une opacité parenchymateuseapicale droite. L’ETT objective des oreillettes dilatéescontrastant avec des ventricules de taille normale. La

fonction systolique du VG est normale, mais il existe une expansion du ventricule droit en inspiration avecinversion de la courbure septale. Au doppler, l’amplitudedu flux de remplissage du cœur gauche diminue à l’inspiration. On note une dilatation de la veine cave inférieure, sans modification de son diamètre par lesmouvements respiratoires. Le péricarde apparaît épaissi.Il s’agit d’un tableau de péricardite chronique constrictive. Dans ce contexte, l’origine tuberculeuse est fortement probable. L’incidence de la péricarditetuberculeuse augmente en Afrique en raison de safréquente association à l’infection par le VIH. L’évolutionvers l’épaississement f ibreux et la constriction puis la calcif ication péricardique induit un phénomène hémodynamique d’adiastolie, à l’origine des signes d’ICà prédominance droite. La prise en charge nécessitel’utilisation de diurétique afin de diminuer les signescongestifs, et un traitement antibiotique antituberculeuxbiphasique d’une durée de six mois. Il faut y associer une péricardectomie chirurgicale d’emblée en cas decalcification, ou après évaluation de l’efficacité d’un traitement antituberculeux de 4 à 8 semaines. En l’absence de traitement, l’affection peut évoluer vers l’IC terminale ou un tableau de pseudo-cirrhosehépatique (10). Il faut systématiquement rechercher uneinfection associée par le VIH.

4. Syncopes et IC en Amérique Latine.Un Garimperos d’origine brésilienne, âgé de 35 ans,consulte à l’antenne médicale du camp Régina enGuyane. Ce patient qui vit en forêt amazonienne depuisplus de vingt ans, décrit un essoufflement d’aggravationprogressive survenant désormais pour des effortsmodérés, et plus récemment plusieurs épisodes desyncopes au repos et à l’effort. L’examen cliniqueretrouve un bruit de galop à la pointe, chez un patienttachycarde. L’électrocardiogramme enregistre un rythme

365insuffisance cardiaque en région tropicale

DOSSIER

Figure 4. Clichés thoraciques de face et de profil : calcifications péricardiques (flèches) dans le cadre d’une péricardite chronique constrictive.

sinusal avec un bloc de branche droit, une onde Q de V3 àV5 et de nombreuses extrasystoles ventriculaires polymorphes. Le cliché thoracique montre une cardiomégalie. L’ETT obtenue à l’hôpital de Cayenneobjective une altération de la fonction systolique globale du VG qui apparaît dilaté et l’existence d’un anévrysme apical.Il s’agit d’une cardiomyopathie constituant la prin-cipale manifestation au stade chronique de la maladie de Chagas. Cette parasitose due à Trypanosoma Cruzi,protozoaire transmis par les déjections d’une punaise,constitue une cause fréquente d’insuffisance cardiaquechez les enfants et les adultes jeunes en Amérique du Sud.Seuls 15 % à 30 % des patients infectés développent une forme chronique, cardiaque ou digestive, dans undélai de 15 à 20 ans (11). L’ECG peut montrer des troublesconductifs de haut degré et des troubles du rythme ventriculaire qui se traduisent volontiers par des malaisessyncopaux. L’ETT met en évidence une cardiomyopathiedilatée hypokinétique, et souvent la présence d’unanévrysme apical caractéristique pouvant se compliquerde la formation de thrombus. La mort subite secondaire àune arythmie ventriculaire émaille souvent le cours de lamaladie. À ce stade, les parasites sont difficiles à mettreen évidence (xénodiagnostic de Brumpt éventuellementsensibilisé par PCR sur déjections de réduves) et lesméthodes sérologiques ont une valeur d’orientationcompte tenu du nombre de réactions croisées. Outre letraitement symptomatique de l’insuffisance cardiaque, laprise en charge doit prendre en compte les complicationsthromboemboliques par l’anti-coagulation, et lestroubles du rythme peuvent nécessiter l’utilisation d’anti-arythmiques ou l’implantation d’un défibrillateur,rarement disponibles dans les PED. Tous les patientsdoivent bénéf icier d’un traitement anti-parasitaire (nifurtimox, benznidazole), à l’exception du stade chronique en phase terminale.

B) DES CAUSES COSMOPOLITES…

Il ne s’agit pas d’établir une liste fastidieuse et certainement non exhaustive des différentes cardiopa-thies rencontrées en zone tropicale. Celles-ci sontrappelées dans le tableau I. Cependant certaines causescosmopolites d’IC se distinguent par leur fréquence oupar des particularités tropicales.Les facteurs de risque de la maladie coronaire sont dorénavant présents sur tous les continents et les paystropicaux ne font plus exception. En Afrique par exemple,cinq paramètres contribuent à la survenue de 90 % desinfarctus du myocarde : tabac, hypertension artérielle(HTA), diabète de type 2 et obésité, anomalies du bilanlipidique (notamment rapport apo B/apo A) (12). Laconsommation de tabac est en pleine expansion dans les PED où la consommation de tabac a progressé deplus de 100 % ces dernières années. Les modifications durégime alimentaire associées à l’urbanisation ont favoriséle développement de l’obésité et du diabète qui devien-nent de réels problèmes de santé publique. Les projectionsépidémiologiques établissent ainsi une progression de la

mortalité cardiovasculaire en Afrique de 15 % en 1995 à35% en 2015 (13). Avec l’accroissement des coronaropa-thies, la part des cardiomyopathies ischémiques est appelée à augmenter en tant que cause d’IC, d’autantplus que les moyens thérapeutiques font cruellementdéfaut dans ce domaine. En l’absence de possibilité de revascularisation, l’IC constitue plus souvent un mode évolutif de la maladie coronaire. Les poussées d’IC émaillant le suivi du coronarien concernent despatients plus jeunes qu’en Europe, avec un pronosticmoins bon à court et long terme.L’HTA est déjà le premier des facteurs de risque cardiovasculaire dans le monde en terme de fréquence.Dans les PED, on estime que son incidence progres-sera de 80 % à l’horizon de 2025, avec 1,15 milliardd’adultes hypertendus (14). Les cardiopathies hypertensives constituent un problème fréquent dans ces pays, en Afrique subsaharienne notamment. L’HTAy est fréquente et diagnostiquée avec retard, très souvent au stade des complications. L’absence de prise en charge thérapeutique adaptée favorise l’émergencedes cardiopathies hypertensives (5). L’hypertrophieventriculaire gauche concentrique est déjà présente chez 75 % des patients lorsque le diagnostic d’HTA estporté, cause possible d’IC par trouble du remplissage du VG. À plus long terme, on assiste à un remodelage du VG avec dilatation cavitaire progressive et altérationde la fonction contractile. À ces stades avancés, le retentissement cardiaque de l’HTA s’associe volontiers à l’insuffisance rénale et au risque majoré d’accidentvasculaire cérébral (15).En marge du phénomène mondial de transition épidémiologique qui voit globalement diminuer la morbi-mortalité de cause infectieuse, l’infection à VIH participe en Afrique de manière non négligeable à la mortalité cardiovasculaire. Si dans les pays riches nous sommes surtout confrontés actuelle-ment au problème des effets secondaires métaboliquesdes trithérapies, il s’agit dans les PED de faire face aux complications cardiaques du virus et des infections

366 ph. paule

Atteintes

cosmopolites

Cardiopathie ischémiqueCardiomyopathies dilatées

Cardiomyopathie hypertrophiqueCardiomyopathie hypertensive

Cardiopathies congénitalesCardiopathies valvulaires

MyocarditesEndocarditesTamponnade

Embolie pulmonaire

Atteintes plus

spécifiques

aux zones

tropicales

Cardiopathies du VIHCardiopathies parasitaires : maladie de Chagas,

bilharziose …Cardiopathies carentielles : Béribéri, anémie,

éthylisme…Cardiomyopathie du péri-partum

Fibrose endomyocardiquePéricardite chronique constrictive

Cardiothyréose

Tableau I. Principales causes d’insuffisance cardiaque en zone tropicale.

opportunistes qui peuvent toucher les trois tuniques du cœur (5). Les séries autopsiques rapportent 30 %à 40 % de cardiomyopathie dilatées chez les sujetsinfectés par le VIH, surtout quand le déf icit en CD4 est important au stade de SIDA. En termes de mortalité et de morbidité, même si la part rapportée aux atteintes cardiovasculaires du SIDA est difficilementchiffrable en milieu tropical, elle représente une étiologie courante de cardiopathie dilatée hypokinétiquedu sujet jeune (16).Il faut citer la fréquence des cardiopathies congénitalesvieillies (CIV, CIA…), non dépistées durant l’enfance ounon corrigées faute de moyens. Elles constituent une causefréquente d’IC et de complications infectieuses par endocardite à l’âge adulte. Enfin, l’anémie profonde et prolongée constitue une caused’IC, tout particulièrement chez l’enfant où il n’est pas rared’observer des taux d’hémoglobine inférieurs à 5 g/dl. Enzone tropicale, il s’agit d’anémies souvent multifactorielles(parasitoses digestives, hémoglobinopathies, grossessesitératives, carences).L’hyperthyroïdie prise en charge tardivement estfréquemment diagnostiquée au stade de cardiothyréoseassociant IC et arythmie supra-ventriculaire. Dans le casde l’anémie et de la cardiothyréose, le tableau d’IC estd’autant plus marqué qu’il existe une cardiopathiepréexistante.

C) À PROPOS DU PALUDISME.

Si le paludisme ne se complique pas de manifestationscardiaques directement en rapport avec le rôle de

l’hématozoaire, il n’en demeure pas moins qu’il existe un risque d’œdème du poumon d’origine lésionnelle aucours des accès graves. Véritable capillarite parasitaire,cet œdème lésionnel n’est pas associé à une dysfonctionmyocardique, mais il est favorisé par une surcharge volumique liée à une réhydratation parentérale excessive.En cas de fonction cardiaque sous jacente préalablementaltérée (cardiomyopathie, valvulopathie), la situationpeut alors se compliquer d’une défaillance hémodyna-mique avec œdème pulmonaire à la fois cardiogénique etlésionnel. Cela constitue entre autres, un argument poursouligner l’importance de la sélection des personnelsmilitaires désignés pour servir outre mer.

IV. CONCLUSION.Avec le développement inexorable des maladies cardiovasculaires dans les PED, la prise en charge de l’IC y devient un problème de santé publique. Dans lecadre de l’aide médicale aux populations locales enOPEX, le médecin militaire projeté doit pouvoir prendre en charge des patients en IC souvent jeunes et porteurs d’affections inhabituelles ou parfois oubliées des pays développés. Si la prise en charge initialesymptomatique pose peu de problèmes, il en va tout autrement du traitement étiologique. Celui-ci peutparfois s’avérer simple et peu onéreux, mais bien souvent il nécessite une prise en charge au long cours ou la mise en œuvre de moyens chirurgicaux peu accessibles à ces populations.

367insuffisance cardiaque en région tropicale

DOSSIER

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

368

VIENT DE PARAÎTRE

RAPPORT SUR LA SANTÉ EN EUROPE 2005

L'action de santé publique : améliorer la santé des enfants et des populations

Les gouvernements et les décideurs de la Région européenne de l'OMS savent que la santé estune ressource essentielle pour le développement économique et social. Ils ont tout lieu de seféliciter de l'amélioration globale de la santé dans la Région, mais il subsiste encore, entre les paysde ses parties occidentale et orientale et entre les groupes socioéconomiques dans les pays, desdisparités croissantes qu'il est crucial de réduire. Le Rapport sur la santé en Europe 2005 montreque cet objectif peut être atteint. Il résume les grands problèmes de santé publique auxquels laRégion doit faire face et qui touchent en particulier les enfants, et indique les moyens d'y remédier.Il contribue ainsi à diffuser les informations fiables dont il faut disposer pour prendre des décisionsjudicieuses dans le domaine de la santé publique.

Le rapport fait la synthèse d'informations factuelles et d'analyses provenant de l'OMS et d'autressources. Il montre que les maladies non transmissibles sont la principale cause de la charge demorbidité dans la Région et que les maladies transmissibles représentent une chargesupplémentaire pour les pays de la partie orientale, en raison de la pauvreté et de l'insuffisance dufinancement des services de santé. Il fait valoir qu'en ayant recours à des interventions globalesbien connues pour s'attaquer aux principaux facteurs de risque (tabagisme, consommationd'alcool, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, surcharge pondérale, consommationinsuffisante de fruits et de légumes, et sédentarité), il serait possible de prévenir dans une largemesure les problèmes de santé les plus préoccupants : cardiopathie ischémique, troublesdépressifs unipolaires, maladies cérébrovasculaires, troubles dus à un abus d'alcool, maladiespulmonaires chroniques, cancer du poumon et traumatismes résultant d'accidents de la circulation.Il met ainsi en évidence la nécessité d'agir.

Le Rapport sur la santé en Europe 2005 porte plus particulièrement sur la santé des enfants, carcelle-ci détermine la santé pendant toute l'existence et au cours de la génération suivante. Ilsouligne que les problèmes de santé des enfants et des adultes ne sont pas les mêmes, et qu'ilexiste d'importantes différences dans les causes et les taux de mortalité et de morbidité chez lesenfants dans la Région. Il met ainsi en évidence la nécessité de politiques complémentaires ciblantles adultes et les enfants, et la complexité de la tâche dont les pays doivent s'acquitter pouraméliorer la santé des enfants. Le rapport reconnaît que chaque pays doit suivre sa propre voie,mais montre que la pauvreté et l'inégalité socioéconomique sont les principales menaces quipèsent sur la santé des enfants; il demande l'accomplissement d'efforts accrus en matière deprotection et de promotion de la santé; et il dresse, à partir d'informations factuelles, une liste descaractéristiques des politiques et des programmes les plus efficaces. Investir dans la santé desenfants, c'est investir dans l'avenir.

ISBN 92-890-2376-7 – Pages : 144 (allemand, anglais, français et russe) – WHO Press 1211 geneva 27, Switzerland – Tél. : +41 22 791 24 76 – Fax : + 41 22 791 48 57 – Email : [email protected] – http://who.int/bookorders

Dossier « Cœur et Armées » : Divers

médecine et armées, 2006, 34, 4 369

CŒUR ET SPONDYLARTHROPATHIES

Les spondylarthropathies sont caractérisées par uneatteinte inflammatoire des enthèses axiales et/oupériphériques. La morbi-mortalité cardiovasculaire de cegroupement de pathologies, ne s’explique pas uni-quement par les classiques complications valvulaires etles troubles conductifs rencontrés. Cette morbi-mortalitéest secondaire d’une part, à une prévalence accrue decertains facteurs de risque conventionnels et au risquespécifique de cette pathologie rhumatismale et d’autrepart, aux thérapeutiques utilisées et à une sous estimationdes comorbidités cardiovasculaires. Ces patientsnécessitent donc une prise en charge globale, dontl’estimation de leur risque cardiovasculaire absolu.

Mots-clés: Mortalité cardiovasculaire. Spondylarthropathies.

RÉSUMÉ

CARDIOVASCULAR DISEASES IN SPONDYLAR-THROPATHIES.

Spondylarthropathies refer a group of inflammatoryarthrites caracterized by an association with HLA B27and the development of sacroiilitis and enthesitis.Spondylarthropathies appear to be associated with anincreased cardiovascular mortality and morbidity.Available data indicates an increased cardiovascular riskin spondylarthropathies. This postulated could be causedby a higher prevalence of conventional cardiovascularrisk factors, but also a specific risk factor for developingcardiovascular disease, and the undertreatment ofcardiovascular comorbidity. Rheumatologists should beaware of the enhanced cardiovascular risk in patientswith spondylarthropathies.

Keywords: Cardiovascular disease. Spondylarthropathies.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 369-374)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Les spondylarthropathies (SP) regroupent un ensemblede pathologies dont la lésion élémentaire est une atteinteinflammatoire des enthèses axiales et/ou périphériques.Les manifestations cardiovasculaires classiques sontdominées par une atteinte valvulaire aortique, destroubles conductifs, parfois des myocardites et rarementdes péricardites. Celles-ci sont de sévérités variables et conditionnent le pronostic vital. Cependant, ces manifestations n’expliquent pas totalement la surmorta-lité d’origine cardiovasculaire (1). En effet, les SP sontassociées à une augmentation de la prévalence desfacteurs de risque cardiovasculaires conventionnels etsont considérées comme un facteur de risque indépendantà part entière. Paradoxalement, il existe aussi une sousestimation de la morbidité cardiovasculaire chez cespatients fréquemment algiques (2).

II. SPONDYLARTHROPATHIES.

A) DÉFINITION.

Les spondylarthropathies (SP) constituent un groupehomogène de rhumatismes inflammatoires comprenant :la spondylarthrite ankylosante, les arthrites réaction-nelles ou syndrome de Reiter, le rhumatisme psoriasique,les manifestations articulaires des entérocolopathiesinflammatoires chroniques (maladie de Crohn etrectocolite hémorragique) ainsi que les spondylarthropa-thies indifférenciées. Les SP ont en commun un terraingénétique comme l’atteste l’existence de cas familiaux etla forte liaison avec l’antigène d’histocomptabilité declasse I : HLA B27. Elles sont caractérisées sur le planclinique et radiologique par des enthésopathies axiales(pelvi-rachidienne) et des arthrites périphériques. Lesatteintes extra articulaires intéressent la peau, l’appareiluro-génital, l’appareil digestif, l’œil et plus rarement lesystème cardiovasculaire (3).

B) ÉPIDÉMIOLOGIE.

Les SP se déclarent le plus souvent chez l’adulte jeuneentre 16 et 30 ans, mais il existe des formes précoces avant

U. VINSONNEAU, médecin principal, praticien confirmé. A. BRONDEX, médecinlieutenant, praticien en formation. C. VANOYE, médecin lieutenant, praticien enformation. P. GODON, médecin en chef, praticien certifié. G. QUINIOU, médecinen chef, praticien certifié.Correspondance : U. VINSONNEAU, Service de cardiologie, HIA ClermontTonnerre, BP 41, 29240 Brest Armées.

U. VINSONNEAU, A. BRONDEX, C. VANOYE, P. GODON, G. QUINIOU

DOSSIER

l’âge de 15 ans (arthrites chroniques juvéniles) (4). EnEurope 10 % à 15 % des SP débutent avant 15 ans alorsque dans les pays du Maghreb ce pourcentage est del’ordre de 30 %. On note une prépondérance masculinepour la spondylarthrite ankylosante (2 à 3 hommes pour 1femme) ainsi que pour les formes génito-urinaires desarthrites réactionnelles (2 à 6 hommes pour 1 femme). Laprévalence des SP est de l’ordre de 0,2 % à 0,5 % et doncproche de celle de la polyarthrite rhumatoïde (5, 6). Par ailleurs, il est intéressant de noter que la prévalence dela spondylarthrite ankylosante est en hausse en raisond’une meilleure connaissance des formes cliniques juvé-niles, féminines et frustres et qu’il en est de même durhumatisme psoriasique. À l’inverse, la prévalence desarthrites réactionnelles est en baisse dans les pays occi-dentaux du fait de la modif ication de l’écologiebactérienne et de l’utilisation plus fréquente des antibiotiques. Enfin, les sujets vivants ou originaires duMaghreb ainsi que les sujets infectés par le VIH sont plusà risque de développer une SP (7).

C) CRITÈRES DIAGNOSTIQUES DES SPON-DYLARTHROPATHIES.

L’European Spondylarthropathy Study Group (ESSG) a établi des critères diagnostiques cliniques et radiologiques dont la sensibilité et la spécificité sont de87 %. Il est ainsi décrit des critères mineurs et des critèresmajeurs. Le diagnostic est retenu si au moins un critèremajeur et un critère mineur sont présents (tab. I) (8)

D) MORTALITÉ DES SPONDYLARTHROPATHIES.

La mortalité des spondylarthropathies est accrue parrapport à une population témoin, et s’avère d’originecardiovasculaire (9-13) (tab. II). Cette surmortalité estune notion peu connue et ne s’explique pas par les clas-siques complications des SP. En effet, ce groupe depathologie rhumatismale voit son risque cardiovasculaireaugmenté du fait de son mode de vie, des traitementsassociés et probablement des facteurs propres au rhuma-tisme inflammatoire (2).

III. COMPLICATIONS CARDIOVASCULAIRESCLASSIQUES DES SPONDYLARTHROPATHIES.

La racine aortique est la cible préférentielle de la maladie.Les lésions histologiques sont décrites au niveau des troistuniques de la paroi artérielle. L’adventice est le sièged’un épaississement qui renferme des inf iltrats lympho-plasmocytaires non spécifiques en manchonautour des vasa-vasorum dont l’intima peut s’épaissir. La média-aortique voit son architecture élastique dissociée par des cicatrices f ibreuses mutilantes etparfois des éléments inflammatoires. L’intima est le sièged’une fibrose sous endothéliale notamment à la based’insertion des sigmoïdes. En continuité avec cette sclérose inflammatoire aorto-sigmoidienne, des couléesd’aspect semblable viennent empâter la base des cupules sigmoidiennes et la région sous-sigmoidienne où elles forment un petit bourrelet (bombement sous-aortique ou « subaortic bump»). Une extension versla grande valve mitrale et le septum est possible. Cettetopographie lésionnelle explique les atteintes cardiaquescentrées sur la valve aortique essentiellement ainsi que les troubles conductifs.

A) ATTEINTE DE LA RACINE AORTIQUE ETINSUFFISANCE AORTIQUE.

Les anomalies de la racine aortique (insuff isanceaortique exclue) sont rapportées chez 61 % des patientsporteurs d’une spondylarthrite ankylosante en échographie cardiaque (14, 15). On peut observer unépaississement pariétal de la paroi postérieure de la racine(16). Il peut exister une dilatation de la racine aortique enregard de la valve sans dilatation des sinus de Valsalva oude la jonction sino-tubulaire (17). Malgré cette atteinteaortique, on ne rapporte pas dans la littérature de cas dedissection ou d’anévrysme de l’aorte initiale.Au niveau valvulaire, l’atteinte débute par un épaississe-ment des sigmoïdes aortiques (épaississement de 2 mmsur au moins deux sigmoïdes). Cet épaississement peutprendre la forme d’un nodule hyper-échogène à contourrégulier. L’insuffisance aortique résulte à la fois d’unedistension de l’aorte initiale, d’un épaississement et del’éversion des bords libres des sigmoïdes aortiques vers le

370 u. vinsonneau

Critères majeurs Critères mineurs

– Douleurs rachidiennesinflammatoires

– Synovites asymétriques ouprédominant

aux membres inférieurs

– Antécédents familiaux de SP– Psoriasis

– Maladie inflammatoire intestinale– Urétrite

– Diarrhée aiguë– Douleurs fessières à bascule

– Enthésopathie– Sacro iléite radiologique

Tableau I. Critères diagnostiques des spondylarthropathies selon l’ESSG.

Auteurs/

année

Nombre

de

patients

Décès

observés

Décès

attendus

Observés/

attendus

Radford et al ;1977 (10)

836 42 33 1,29

Karprove et al ;1980 (11)

138 25 12 2,13

Smith et al ; 1982 (12)

14111 476 355 1,2

Tableau II. Évaluation de la mortalié cardiovasculaire au cours despondylarthrite ankylosante.

ventricule gauche. Les prolapsus sont rares (4 % des cas)(16). L’insuffisance aortique survient habituellement versl’âge moyen de la vie ou après 10 à 15 ans d’évolution de lamaladie. Une, des premières séries, rapportée évaluait laprévalence de l’insuffisance aortique clinique au cours desspondylarthrites ankylosantes à 2% à 10 ans et à 12% après30 ans d’évolution (18). Deux études plus récentes, sur deseffectifs restreints (24 et 29 patients), ont évalué en échographie trans-thoracique (ETT) et/ou trans-œsopha-gienne (ETO), cette prévalence à respectivement 34 % et30 % à 10 ans d’évolution (14, 15). Ces insuffisancesaortiques sont le plus souvent modérées et nécessitent rarement un remplacement valvulaire. En échographie, lebombement sous-aortique correspond à un épaississementhyperéchogène de la jonction aorto-mitrale et est défini enETO par une longueur supérieure à 7,7 mm et une hauteursupérieure à 3,2mm (15, 17).

B) INSUFFISANCE MITRALE.

Une atteinte mitrale est rapportée en échographie trans-thoracique par Roldan et al chez 30 % de l’effectifd’une série de 44 sujets atteints d’une spondylarthriteankylosante (16). Ils ont observé un épaississement de la base de la valve mitrale antérieure, évoquant une extension mitrale du bombement sous-aortique chez tous les patients qui avaient une insuff isance mitrale au moins modérée. Cet épaississement est àl’origine d’une restriction des mouvements de la valvemitrale antérieure avec conservation de la mobilité de ses portions moyennes et distales, responsable de l’insuffisance mitrale. D’autres mécanismes suscep-tibles d’entraîner une régurgitation mitrale ont aussi été décrits. Il s’agit de prolapsus valvulaires mitraux antérieurs ou postérieurs, de dilatation du ventriculegauche secondaire à une insuffisance aortique et de greffeoslérienne. L’association d’une régurgitation mitrale etaortique est parfois décrite (6).

C) TROUBLES DE LA CONDUCTIONAURICULO-VENTRICULAIRE.

Ils sont secondaires au processus inflammatoire atteignant le septum membraneux siège des voies deconductions. Tous les degrés de bloc auriculo-ventricu-laire peuvent être observés. Il s’agit en général d’unsimple allongement de l’espace PR associé ou non à un trouble de la conduction intra-ventriculaire. Ils sontassociés près d’une fois sur deux à une insuff isanceaortique. En l’absence de celle-ci, ils sont rarementprésents (19). La topographie de ces troubles appréciéepar une exploration électrophysiologique objective unbloc nodal ou infra nodal (20). Les blocs auriculo-ventriculaires complets sont retrouvés chez 1 % à 9 % despatients atteints d’une spondylarthrite ankylosante etpeuvent évoluer par poussées, régressives le plus souventsous traitement anti-inflammatoire stéroïdien. Les blocsde haut grade permanent nécessitant la mise en place d’unstimulateur cardiaque définitif sont en fait rares et signentune cicatrice fibreuse définitive des voies de conductions

(21). La prévalence d’un bloc complet au cours d’unearthrite réactionnelle est estimée à 6% par Good et al dansune série historique de 1974 de 164 patients (22).

D) AUTRES TROUBLES CONDUCTIFS.

Les dysfonctions sinusales sont rares. Le mécanisme estune oblitération de l’artère du nœud sinusal secondaire àune hypertrophie de l’intima (23).

E) ATTEINTES MYOCARDIQUES ETPÉRICARDIQUES.

Des tableaux cliniques de myocardite et d’insuffisancecardiaque sont rapportés dans la littérature chez despatients atteints de spondylarthrite ankylosante (19).Ribeiro et al ont observé chez 28 patients atteints de spondylarthrite ankylosante une atteinte de la fonctionsystolique ventriculaire gauche dans 18 % des cas. Lesanomalies échographiques retrouvées sont une dilatationcavitaire et une altération modérée de la fraction d’éjection (24). Brewerton et al ont biopsié le myocardeindifférencié de 30 patients atteints de spondylarthriteankylosante et retrouvent chez 28 d’entre eux une hypertrophie du tissu de soutien sans inf iltration cellulaire inflammatoire. Ces patients étaient tousnormotendus et indemnes d’ischémie myocardique oud’atteinte valvulaire (25). La dysfonction diastolique estplus fréquente que l’atteinte systolique au cours des spondylarthrites ankylosantes (25, 26), d’autant plus quela maladie évolue depuis au moins quinze ans. Le profilde remplissage est de type trouble de la relaxation ettraduit souvent une atteinte infra-clinique (27, 28). Laprévalence varie de 20% à 53% selon les auteurs (25, 29).L’atteinte péricardique est le plus souvent asymptoma-tique et rare avec moins de 1 % des patients présentant un tableau clinique de péricardite (26). La présence enéchographie d’un épanchement péricardique dans laspondylarthrite ankylosante est en revanche plus souventrapportée et varie énormément selon les auteurs entre 4%et 42 % sans explication précise (30, 31).Il est malheureusement bien diff icile de tirer des conclusions d’études non randomisées portant sur deseffectifs réduits.

IV. SPONDYLARTHROPATHIES ET FACTEURSDE RISQUE CARDIOVASCULAIRES CONVEN-TIONNELS.

A) TABAGISME.

Le tabagisme actif chez des patients atteints de spondylarthrites ankylosantes est un facteur de mauvaispronostic fonctionnel. En effet, les auteurs ont observéqu’un tabagisme actif est associé à une atteinte clinique et radiologique plus sévère par rapport à une populationde non-fumeurs. Cette atteinte fonctionnelle est unfacteur prépondérant de sédentarité, majorant ainsi (32, 33) le risque cardiovasculaire de ces patients.

371cœur et spondylarthropathies

DOSSIER

B) BILAN LIPIDIQUE.

Pour certains auteurs, le prof il lipidique des SP serait caractérisé par une diminution du cholestérol totalavec une baisse privilégiée du HDL cholestérol (34, 35).Mais ces résultats méritent d’être conf irmés pourRossner et al (36).

C) AUTRES FACTEURS DE RISQUESCONVENTIONNELS.

La prévalence de l’hypertension artérielle au cours des SPest sensiblement identique à la population générale et estestimée entre 8 % et 18 % (2, 37). Les SP n’ont pasd’influence sur le poids des patients, en effet il n’existepas d’augmentation significative de l’indice de massecorporelle chez les patients atteints de rhumatismeinflammatoire par rapport à la population générale (35).Enfin, il n’existe pas de données épidémiologiques surl’association spondylarthropathies et diabète.Ainsi, pour certains auteurs, il existe une prévalence accruedes facteurs de risques cardiovasculaires conventionnelschez les patients porteurs de spondylarthropathies (2). Enpratique, la modification du profil lipidique avec une diminution du HDL cholestérol ainsi que le tabagisme actif sont deux facteurs de risques cardiovasculairesmajeurs à contrôler chez les patients atteints de SP.

V. SPONDYLARTHROPATHIES: UN FACTEUR DERISQUE CARDIOVASCULAIRE SPÉCIFIQUE.

Une augmentation de la morbidité cardiovasculaire aucours des SP n’est pas seulement liée aux atteintes classiques des SP et à l’augmentation de la prévalence desfacteurs de risques conventionnels. La diminution del’activité physique, le terrain génétique HLA B27 etl’inflammation jouent un rôle propre (2).

A) DIMINUTION DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE.

Plusieurs critères influençant l’incapacité physique ontété mis en évidence. Il s’agit des douleurs aiguës ou chroniques, axiales et périphériques, du tabagisme actif,de la dépression, mais aussi de l’anxiété, de l’âge et dusexe féminin (38) Ces différents facteurs conduisent àterme à la sédentarité.

B) TERRAIN GÉNÉTIQUE HLA B27.

La physiopathologie des spondylarthropathies fait appelà un terrain immunogénétique prédisposant (HLA B27).L’enthèse est le siège électif de l’atteinte inflammatoire,mais pas seulement du fait de l’observation d’une atteinteextra articulaire notamment cardiaque au cours de cesmaladies. L’Ag HLA B27 est un facteur génétique important dans la genèse de troubles conductifs de hautgrade (19). En effet, Bergfeldt et al ont observé chez despatients appareillés pour troubles conductifs de hautgrade et indemnes de rhumatisme inflammatoire, uneprévalence augmentée de l’Ag HLA B27. Ces auteurs ontégalement observé sur une série de 223 patients appareillés pour bloc auriculo-ventriculaire de haut

grade, une prévalence supérieure à celle attendue dansune population témoin de spondylarthrites ankylosantes(13 patients soit 6 %) et d’arthrites réactionnelles (15patients soit 9 %). L’Ag HLA B27 était présent chez 22des 28 patients avec atteintes rhumatologiques. Lesauteurs ont ainsi déf ini le concept du « HLAB27 associated cardiac disease » où l’Ag HLA B27 serait unfacteur génétique prédisposant aux troubles conductifsde haut grade (19). Cependant, cette hypothèse reste àconfirmer par d’autres études.

C) INFLAMMATION ET ATHÉROSCLÉROSEACCÉLÉRÉE.

L’athérosclérose est responsable d’une augmentation de la mortalité cardiovasculaire au cours des maladiesinflammatoires chroniques telles que la polyarthriterhumatoïde ou le lupus érythémateux disséminé. Il est démontré que l’inflammation chronique favorise la formation des plaques d’athérome et participe à l’instabilité de celles-ci (39). Certains auteurs ont utiliséle terme d’athérosclérose accélérée secondaire aux maladies inflammatoires chroniques. L’élévation de la Créactive protéine, du fibrinogène et des plaquettes sontdes marqueurs spécifiques de l’athérosclérose précoce(40-43). Cette relation n’est pas déf initivement démontrée dans les spondylarthropathies car peu dedonnées sont disponibles. Laurent et al ont montré qu’une élévation signif icative du f ibrinogène estretrouvée chez des sujets atteints de SP et qu’elle reflètel’activité inflammatoire de la maladie (44). Les donnéessur la corrélation CRP et activité inflammatoire de lamaladie sont contradictoires. Ruof et al ne retrouve pasd’élévation significative du taux de CRP chez des sujetsatteints de spondylarthrite ankylosante en dehors despoussées inflammatoires (45), alors qu’une élévationsignificative et chronique de la CRP serait associée auxformes cliniques de spondylarthrite ankylosante avecarthrites périphériques ainsi qu’au rhumatisme psoriasique, pour Spoorenberg (44, 46).

VI. SOUS-ESTIMATION DU RISQUECARDIOVASCULAIRE.

Les atteintes cardiaques classiques des SP sont le plussouvent bien connues par les cliniciens. En revanche,l’influence de ces pathologies sur le risque cardiovascu-laire absolu l’est moins. Reldeimer et al (47) ont ainsimontré qu’il existe une sous estimation des facteurs derisque conventionnels chez les patients atteints de pathologies chroniques rhumatologiques. De plus, laprise en charge thérapeutique rhumatologique est parfoisdélétère d’un point de vue cardiovasculaire. En effet, le traitement des spondylarthropathies est centré sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dont le rôle est reconnu dans la déstabilisation de l’équilibretensionnel. Pope et al ont ainsi montré au cours d’une méta-analyse que les AINS interfèrent avec les traitements anti-hypertenseurs, notamment ceux dont

372 u. vinsonneau

la cible d’action est le système rénine-angiotensine-aldostérone, en les inhibant (48). Whelton et al ontcomparé, dans une population de patients souffrant derhumatisme inflammatoire chronique et d’hypertensionartérielle, le Celecoxib et le Rofecoxib. Les résultats ont montré que le Rofecoxib déstabilise plus l’équilibretensionnel que le Cerecoxib lors de traitement concomitant par béta-bloquant, inhibiteur de l’enzyme de conversion ou antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2. En revanche, ces molécules n’ont pasd’influence sur la pression artérielle des patients traités par inhibiteurs calciques ou diurétiques (49).Depuis, le Rofecoxib a été retiré du marché devant lesrésultats intermédiaires de l’étude APPROVe quimontraient un risque deux fois plus important deprésenter un événement cardiovasculaire de typeinfarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébralchez les patients traités (50).En pratique, le clinicien doit rester vigilant devant l’association d’un traitement anti-hypertenseur et d’un AINS quant à l’équilibre tensionnel. Son choixthérapeutique doit être guidé par la connaissance des interactions des AINS et des molécules agissant sur le système rénine-angiotensine.Le traitement de fond des SP a connu une révolution avecl’avènement des anti-TNF-alpha (notammentl’Infliximab). Nous rappellerons que ce traitementprésente quelques restrictions d’usage chez l’insuffisantcardiaque car contre-indiqué dans l’insuff isancecardiaque évoluée et à manier avec précautions dans lesformes plus légères. Les effets secondaires rapportés sontmultiples, rythmiques tensionnels et thrombotiques.Enfin, dans le cadre de la prise en charge des douleursthoraciques aux urgences, la responsabilité du rhumatisme inflammatoire dans la genèse de ces douleurs est parfois trop rapidement évoquée, laissant

dès lors peu de place au diagnostic d’insuff isance coronarienne (31).

VII. RHUMATOLOGUE ET CARDIOLOGUE :UNE ALLIANCE OPPORTUNE.

Ainsi, la mortalité cardiovasculaire accrue des patientsatteints de spondylarthropathie nécessite une surveillancecardiologique adaptée. À côté des atteintes cardiaquesclassiques, la surveillance doit porter sur l’évaluation et letraitement des facteurs de risque conventionnels chez unpatient susceptible de développer une athéroscléroseprécoce. Un bilan comprenant un examen clinique, un électrocardiogramme et une échographie trans-thoracique sont le plus souvent effectués à la demande des rhumatologues, en présence d’un point d’appelclinique, autour de la dixième année d’évolution, quandapparaissent les atteintes cardiaques classiques. Uneévaluation plus précoce, permettant d’évaluer le risquecardiovasculaire absolu et de dépister une insuffisancecoronaire, serait certainement intéressante dans la priseen charge de ces patients. Le clinicien devra alorss’adapter et proposer un examen fonctionnel interpré-table (scintigraphie au dypiridamole, échographie destress), en cas de limitations fonctionnelles.

VIII. CONCLUSION.

Les manifestations cardiaques au cours des spondy-larthropathies ne se limitent pas aux classiques atteintesvalvulaires aortiques et aux troubles conductifs. Il existe fréquemment une augmentation du risque cardiovasculaire absolu chez ces patients, nécessitant une gestion globale des spondylarthropathies, où lecardiologue a pleinement sa place.

373cœur et spondylarthropathies

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Dossier « Cœur et Armées » : Divers

médecine et armées, 2006, 34, 4 375

SYNDROME DE TAKO-TSUBOUne ballonisation apicale transitoire du ventricule gauche

Le syndrome de ballonisation apicale transitoire duventricule gauche ou syndrome de « Tako-tsubo » mimeun syndrome coronarien aigu avec sus-décalage dusegment ST. Il est caractérisé par une akinésie réversibledes segments apicaux et moyens sans lésion coronaireassociée ni élévation enzymatique concordante avecl’étendue des territoires akinétiques. Il toucheprincipalement des femmes entre 50 ans et 60 ans et faitsuite à un stress émotionnel ou physique. Le pronostic estexcellent chez les survivants avec récupération rapided’une fonction systolique normale. La physiopathologiereste discutée, excluant une myocardite au profit d’unesidération.

Mots-clés : Sidération myocardique. Syndrome deballonisation apicale transitoire du ventricule gauche.Tako-tsubo.

RÉSUMÉ

TAKO-TSUBO SYNDROME: A LEFT VENTRICULARTRANSIENT APICAL BALLOONING.

The syndrome of left ventricular transient apicalballooning, or tako-tsubo syndrome, presents like acutecoronary syndrome with ST segment elevation. It ischaracterised by reversible akinesia of the middle andapical segments with no associated coronary lesion orenzymatic elevation concordant with the extent of theakinetic areas. It mainly affects women between 50 and60 years old and follows emotional or physical stress. Theprognosis is excellent in survivors with a rapid return ofnormal systolic function. The pathophysiology remainsdebatable, excluding myocarditis in favour of sideration.

Keywords : Left ventricular transient apical ballooning.Myocardial sideration. Tako-tsubo.

(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 375-377)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Le syndrome de ballonisation apicale transitoire duventricule gauche, appelé « Tako-tsubo » par les auteursjaponais en raison de la ressemblance angiographique duventricule gauche à un vase en terre cuite servant de piègeà pieuvres, a été décrit pour la première fois par Dote (1)en 1991. Les principales séries concernent des patientsjaponais (2-4), plus récemment quelques cas ont étérapportés chez des sujets caucasiens (5-7). Nous nousproposons de faire le point sur cette pathologie méconnuepouvant faire évoquer à tord le diagnostic de syndromecoronarien aigu avec sus-décalage du segment ST.

II. PRÉSENTATION CLINIQUE.

Le syndrome de ballonisation apicale transitoire duventricule gauche associe un tableau clinique desyndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segmentST à une libération limitée des enzymes de nécrosemyocardique et à l’absence de sténose coronaire angiographique significative.Il touche essentiellement des femmes entre 60 ans et 70 ans (âge moyen 67 ans) (2) et débute par une douleur angineuse faisant suite à un stress émotionnel ouphysique (2-7). Plus rarement, il succède à un accidentvasculaire cérébral, une crise d’asthme ou une chirurgieextracardiaque (2). Un facteur déclenchant est retrouvédans 67 % à 100 % des cas. Les patients peuvent avoir dessignes d’insuffisance cardiaque gauche (6 des 13 patientsde Desmet) (5), allant de la simple dyspnée d’effortjusqu’au choc cardiogénique. Plus rarement (2, 3), lemotif d’hospitalisation est la survenue d’un malaise oud’une syncope liés à des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire (8 % à 16 % des patients).

F. BARBOU, médecin principal, praticien confirmé. S. KÉRÉBEL, médecinprincipal, praticien confirmé. Y. LEDOLEY, praticien en formation. C. JÉGO,médecin principal, praticien certifié. P. LAURENT, médecin principal, praticiencertifié. G. CELLARIER, médecin en chef, praticien certifié. G. FOUCAULT,médecin en chef, praticien certifié. C. BOUCHIAT, médecin en chef, praticiencertifié. R. CARLIOZ, médecin en chef, professeur agrégé du SSA.Correspondance: F. BARBOU, Service de cardiologie, HIA Sainte-Anne, BP 600,83800 Toulon Armées.

F. BARBOU, S. KÉRÉBEL, Y. LEDOLEY, C. JÉGO, P. LAURENT, G. CELLARIER, G. FOUCAULT, C. BOUCHIAT, R. CARLIOZ

DOSSIER

Typiquement, l’électrocardiogramme (fig. 1) montre à laphase aiguë un sus-décalage du ST de V3 à V6, sansmiroir, qui est suivi en quelques jours par une inversiondes ondes T (3) et parfois de petites ondes q transitoires.Plus rarement, l’ECG ne montre qu’une ischémie sous-épicardique ou se révèle normal (4). L’intervalle QTest fréquemment allongé dès l’admission, avec unmaximum au 2e ou 3e jour. Une équipe japonaise (8) adéterminé des critères ECG permettant de différencier lesyndrome de Tako-tsubo et les patients présentant uninfarctus antérieur transmural aigu. L’absence d’imagesen miroir assure une sensibilité de 100 %. Associée à unrapport de la somme des sus-décalages ST V4-V6/V1-V3supérieur ou égal à un, la spécificité est de 100 %. Il s’agitnéanmoins d’une étude rétrospective portant sur uncollectif de seulement 26 patients. L’augmentation desbiomarqueurs cardiaques est modérée et n’est jamaiscorrélée à l’importance des territoires akinétiques. Laballonisation apicale se caractérise à l’échocardiographieet à la ventriculographie (fig. 2) par une akinésie dessegments apicaux et moyens associée à une hyperkinésiedes segments de la base. La coronarographie doit toujoursêtre réalisée en urgence de manière à éliminer une occlusion coronaire épicardique, celle-ci est le plussouvent normale et ne montre pas de lésion compatibleavec l’étendue de la zone akinétique.

III. ÉVOLUTION-PRONOSTIC.

Le pronostic est bon chez les survivants avec récupérationsystématique d’une fonction ventriculaire gauchenormale en deux semaines (fig. 3) (5). Dans la série deTsuchihashi (2) on ne note qu’un décès pour 88 patients,survenu par défaillance poly-viscérale. La phase aiguëpeut parfois être émaillée par des complications rythmiques, une insuffisance cardiaque gauche voire unchoc cardiogénique nécessitant le recours aux aminesvasopressives, à la mise en place d’un ballonnet de contrepulsion intra-aortique voire d’une assistance ventricu-laire (2, 3). Le traitement est empirique, associant le plussouvent IEC, inhibiteurs calciques, dérivés nitrés etdiurétiques. Dans quelques cas, les bêtabloquants ont été employé avec succès (5). Enfin, il semble qu’unerécurrence à distance soit possible, trois cas ont été décritsavec un intervalle libre de 1 an à 6 ans (2, 5).

IV. PHYSIOPATHOLOGIE.

La physiopathologie de ce syndrome reste discutée etinexpliquée. L’hypothèse d’une myocardite peut êtreexclue car il n’a jamais était retrouvé de syndrome inflammatoire, d’élévation des anti-corps antiviraux nid’anomalie histologique évocatrice sur les biopsiesmyocardiques (3). L’altération sévère de la cinétiquesegmentaire associée à une libération limitée des enzymescardiaques et à une récupération complète relativementrapide de la fonction systolique sont évocateurs d’unesidération myocardique. Cette sidération ne semble pasêtre liée à un spasme sur une artère épicardique car lestests de provocation sont le plus souvent négatifs (2, 4), lesbiopsies et les études IRM ne montrent pas de lésion denécrose (9) et surtout les territoires akinétiques ne sontpas irrigués par une seule artère. De la même façon, onexplique mal que des spasmes multiples soient respon-sables d’une akinésie intéressant systématiquement lesmêmes territoires. Pour sa part, Mohri (10) a montré quedes spasmes microvasculaires pouvaient être à l’origined’une ischémie myocardique en l’absence d’anomaliecoronaire épicardique. Cette hypothèse est peu probabledans le Tako-tsubo car l’étude doppler intracoronaire à laphase aiguë n’a pas montré d’atteinte de la microcircula-tion (4). Les défects scintigraphiques de perfusionmyocardique, en l’absence d’anomalie du flux coronaires’expliqueraient par une dysfonction mitochondriale (4,11). La possibilité d’un obstacle dynamique transitoire de la chambre de chasse du ventricule gauche a été également évoquée comme pouvant être responsable dece tableau clinique (12). En effet, il a été noté dans

376 f. barbou

Figure 1. ECG initial. Sus-décalage du ST de V1 à V5 sans miroir en inférieur.

Figure 2. Ventriculographie initiale en OAD. Akinésie des segmentsantérolatéral, diaphragmatique, septo-apical, inféro-postérieur, apical ethyperkinésie des segments de la base.

Figure 3. Ventriculographie en OAD à J10, normalisation de la fonctionventriculaire gauche.

plusieurs observations l’existence d’un gradientVG/aorte à la phase aiguë (2), gradient lié à un systolicanterior motion (SAM) et régressant avec l’améliorationhémodynamique. L’exposition à une stimulation adrénergique intense serait responsable de l’apparition decet obstacle chez des patientes présentant une chambre dechasse de petite taille associée à un volume ventriculaireréduit. Il induirait une élévation des pressions intracavi-taires et pariétales, une diminution de la perfusion etl’apparition d’une ischémie des portions moyennes etapicales. Toutefois, le gradient VG-aorte n’est pastoujours mis en évidence (13 % dans la série de Bybee(13)), les biopsies endomyocardiques ne montrent pas designe d’ischémie et Tawarahara (14) a décrit un casd’anomalie réversible de la cinétique des segments de la base associée à une hyperkinésie apicale qui ne peutêtre expliquée par un obstacle à l’éjection ventriculaire.Une autre hypothèse est l’action toxique directe des catécholamines sur les myocytes comme cela a été décritdans l’hémorragie méningée (15). Les récepteursadrénergiques cardiaques facilitent la perméabilité de lamembrane cytoplasmique au calcium qui, en excès dansle cytosol, devient cytotoxique. En outre, les récepteursadrénergiques sont localisés de façon préférentielle àl’apex du ventricule gauche (16), permettant d’expliquer

le retentissement focal du facteur autocrine. Ueyama (17)a développé un modèle animal de ballonisation transitoire du ventricule gauche en soumettant des rats àun stress émotionnel. Cette dernière hypothèse est sédui-sante d’autant qu’il existe des similitudes histologiquessur les biopsies endomyocardiques de ces patients et leslésions objectivées dans les cardiopathies catécholer-giques (18). Le taux de catécholamines circulantes n’esttoutefois pas toujours élevé (3). Enfin, Ueyama a suggéréque la baisse du taux d’œstrogènes pourrait expliquer laprédominance de ce syndrome chez la femme âgée (19).La physiopathologie de ce syndrome reste donc àexplorer, l’hypothèse d’un mécanisme plurifactoriel nepouvant être exclue.

V. CONCLUSION.

Le syndrome de ballonisation apicale transitoire du ventricule gauche est une cardiomyopathie transitoireinduite par le stress dont le pronostic est toujours excellenten l’absence de complication initiale. La survenue d’unsyndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segmentST chez une femme âgée et dans un contexte de stressintense doit faire évoquer le diagnostic et faire préférer unecoronarographie en urgence à une éventuelle fibrinolyse.

377syndrome de tako-tsubo

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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VIENT DE PARAÎTRE

POUR UNE ÉTHIQUE DU MÉTIER DES ARMES

Vaincre la violence

Jean-René BACHELET

Avec le général BACHELET – il a commandé à Sarajevo en 1995, et a été le principal artisan d'uneréflexion sur l'exercice du métier des armes dans l'armée de Terre qui a abouti à un « code du soldat » –, nous découvrons une armée qui ne veut laisser dans l'ombre aucune des questions quise posent au soldat dans ce XXIe siècle où l'affrontement armé prend des formes inédites. Maispoint de bavardage chez BACHELET. Un souci de tout explorer et de tout dire. Exercer le métier desarmes c'est être confronté à la violence, contraint, en dernière instance, de détruire et de tuer.

On ne peut donc éluder ni les déterminants politiques, ni les implications éthiques etphilosophiques. Ni celles liées directement aux modalités techniques de l'action. L'auteur nous livreainsi une sorte d'introspection magistrale de l'armée de Terre d'une nation démocratique qui placeau centre de ses principes les droits de l'homme, le respect et la dignité de l'Autre, et qui,cependant, doit aussi être capable de faire un usage « efficient » de la force. Jusqu'à tuer cet Autredont on sait qu'il est un homme et non l'incarnation du Mal. Cela implique que l'armée soit auservice de l'autorité légitime – le pouvoir national – et qu'elle ait une double obsession. Être, d'unepart, une force efficiente et, d'autre part, maîtriser cette force, lui fixer des limites strictes. Pour desraisons éthiques – afin de ne pas basculer dans la barbarie –, mais aussi parce qu'une « efficiencesans limites » est non seulement inutile mais de surcroît contre-productive.

Max GALLO

L’auteur : Jean-René BACHELET a effectué une carrière militaire complète dans l'armée de Terrejusqu'aux plus hauts niveaux de responsabilités. En tant qu'officier général, il a exercé de multiplescommandements, dont celui du secteur de Sarajevo, en 1995.

ISBN : 2 7117 7297 8 – Format : 16x24 cm – Pages : 192 – Prix 19 € – Éditions Vuibert 12 rue des Cordelières, 75013 Paris – Tél. : 01 44 08 49 00 – Fax : 01 44 08 49 29 – [email protected]

Dossier « Cœur et Armées » : Divers

médecine et armées, 2006, 34, 4 379

SYNDROME DU MARTEAU HYPOTHÉNAR CHEZ UN JEUNEMILITAIRE

Le syndrome du marteau hypothénar est une cause rared’ischémie digitale le plus souvent secondaire àl’occlusion embolique des artères digitales résultant detraumatismes répétés de l’artère ulnaire au niveau del’arche palmaire. Nous rapportons le cas d’un jeunemilitaire qui a eu une ischémie digitale secondaire à uneembolie à partir d’un anévrysme d’une branche del’artère ulnaire. Ceci était probablement en rapport avecdes traumatismes répétés de la paume de la main,provoqués par son précédent emploi d’électricien. Lediagnostic topographique, difficile à préciser avecl’angiographie par résonance magnétique, a été facilitépar l’artériographie préopératoire. L’intervention aconsisté en une résection de l’anévrysme et sutureartérielle bord à bord sans séquelle à douze mois.

Mots-clés : Angiographie par résonance magnétique.Maladie professionnelle. Personnel militaire. Syndromedu marteau hypothénar.

RÉSUMÉ

HYPOTHENAR HAMMER SYNDROME IN A YOUNGMILITARY.Hypothenar hammer syndrome is a rare cause of fingerischemia secondary to embolic occlusion of the digitalarteries as a result of repetitive trauma to the palmarulnar artery. We report the case of a young militaryfound to have digital embolic complications from anulnar artery aneurysm. This is thought to have developedas a result of palmar trauma experienced during hisformer job as an electrician. Precise topographicdiagnosis was difficult with Magnetic ResonanceAngiography whereas arteriography was useful beforesurgery. Resection of the aneurysm and directanastomosis was performed with favourable outcomewithin 12 month of follow up.Keywords : Hypothenar hammer Syndrome. Magneticresonance angiography. Military personnel. Occu-pational disease.(Médecine et Armées, 2006, 34, 4, 379-382)

ABSTRACT

I. INTRODUCTION.

Les manifestations ischémiques digitales des membressupérieurs sont rares chez l’homme jeune. L’activitéprofessionnelle actuelle ou passée des personnels militaires ou civils est susceptible de provoquer deslésions par traumatismes répétés, en particulier des traumatismes vasculaires. L’observation que nousrapportons illustre les problèmes diagnostiques et thérapeutiques rencontrés dans le syndrome du marteau hypothénar.

II. CAS CLINIQUE.

Nous rapportons le cas d’un militaire, âgé de 22 ans, droitier, caucasien, engagé depuis un an dans l’armée de

Terre comme chauffeur de poids lourds, qui a consultéen urgence pour une sensation «de doigt mort» au niveaudu majeur droit, apparue spontanément 48 heures auparavant alors qu’il marchait en montagne.Il a exercé le métier d’électricien pendant trois ans enmilieu civil avant de s’engager. Son tabagisme était estiméà trois années tabac, avec consommation occasionnelle decannabis. Il n’ a jamais pratiqué d’activité sportive particulière en dehors de son activité militaire. Il n’a pasrapporté d’antécédent médical personnel ou familial.Il a consulté en urgence pour une sensation « de doigtmort » au niveau du troisième doigt de la main droite.L’examen local a retrouvé une pâleur et une cyanose auniveau de la 2e et 3e phalange du majeur droit avec unehypoesthésie totale au niveau de ces deux phalanges sanstrouble trophique. Le doigt était froid. Il n’y avait pas delésion cutanée au niveau du doigt, de la main ou des deuxmembres supérieurs. La manœuvre d’Allen était positiveà droite. Le diagnostic d’ischémie sub aiguë du 3e doigt dela main droite a été porté.L’examen clinique général et vasculaire était normal avecperception de tous les pouls sans souffle. La recherched’une cardiopathie emboligène était négative (ECG,

P.-L. MASSOURE, médecin principal, praticien confirmé. M. BEUSTES-STEFANELLI. E DULAURENT, médecin lieutenant. F. BIRE, médecin en chef, praticien certifié. J.-M. RIGOLLAUD, médecin en chef, praticien certifié. P. SCHMOOR, médecin en chef, praticien certifié. S. SKOPINSKI,médecin principal, praticien certifié. J.-M. CHEVALIER, médecin chef des services,praticien certifié.Correspondance : P.-L. MASSOURE, Service de pathologies cardio-vasculaires,HIA Robert Picqué, BP 28, 33998 Bordeaux Armées.

P.-L. MASSOURE, M. BEUSTES-STEFANELLI, E. DULAURENT, F. BIRE, J.-M. RIGOLLAUD,P. SHMOOR, S. SKOPINSKI, J.-M. CHEVALIER

DOSSIER

Holter ECG des 24 heures, échocardiographie transthoracique et trans œsophagienne). La recherche exhaus-tive d’une thrombophilie congénitale et acquise étaitnégative.L’échographie Doppler des membres supérieurs étaitnormale au niveau brachial et antébrachial. Lesmanœuvres positionnelles à la recherche d’un syndromede la traversée cervico-thoraco-brachiale étaient négatives. L’échographie Doppler artériel des artèrespalmaires a mis en évidence un anévrysme sur le réseaude l’artère ulnaire mesurant environ 10 mm de grand axe(f ig. 1). L’angiographie par résonance magnétique(ARM) du membre supérieur droit a mis en évidence uneartère radiale et ulnaire droite de bon calibre mais il existait une malformation anévrysmale de 8 x 6 mm audépend d’une branche artérielle siégeant au niveau du carpe médian avec défaut de la vascularisation auniveau de troisième doigt (fig. 2, relue par deux équipesdifférentes). L’artériographie a redressé le diagnostictopographique car l’anévrysme siégeait au niveau d’unebranche de l’artère ulnaire (f ig. 3). Il n’y avait pasd’atteinte controlatérale.

L’ensemble des signes cliniques et radiologiques étaitdonc en faveur d’un syndrome du marteau hypothénar.L’origine professionnelle était ici probable (ancien électricien, microtraumatismes répétés au niveau dupoignet droit) même si la durée d’exposition était faible.Le patient n’a pas décrit de traumatisme unique ou répétédans son activité de loisir mais il est également possibleque le mécanisme causal soit ancien et soit passé inaperçu.En un mois, l’anévrysme a augmenté de volume (11 x9mm) et le patient a développé un trouble trophique distal(fissurations et ulcérations).Le traitement médical initial a consisté en une anticoagu-lation par héparine de bas poids moléculaire à dosecurative et molécule vaso-active (buflomédil 400 mg/jintraveineux). Un relais per os est était ensuite proposé ; ilassociait aspirine (300mg/jour) et vaso-actifs. Deux moisplus tard, l’intervention chirurgicale a consisté en unerésection de l’anévrysme avec suture artérielle simple,bord à bord, sans complication secondaire. L’analysehistologique de l’anévrysme a mis en évidence une fibrodysplasie de la paroi artérielle.À six mois, les troubles trophiques étaient limités. Lepatient a été maintenu apte au service (classement S 3temporaire) à l’exclusion de tout travail de manutentionpotentiellement traumatique. À douze mois, il n’y avaitplus de séquelle trophique.

IV. DISCUSSION.

Le syndrome du marteau hypothénar (SMH) se présentecomme une ischémie digitale unilatérale décrite historiquement par Von Rosen en 1934 (1). Il est provoquépar l’occlusion d’une artère digitale par embolisation àpartir de l’artère ulnaire palmaire et est associé à des traumatismes répétés de la paume de la main.Le substrat anatomique est déterminant. Le trajet superfi-ciel de l’artère ulnaire rend ce vaisseau sensible auxtraumatismes mécaniques répétés. Il faut noter le rôle del’os crochu qui peut jouer le rôle « d’enclume » surlaquelle l’artère est traumatisée. De nombreuses

380 p.-l. massoure

Figure 1. Échographie bidimensionnelle des artères palmaires révélant laprésence d’un anévrysme de l’artère ulnaire droite.

Figure 2. Angiographie par résonance magnétique du membre supérieur droitmettant en évidence un anévrysme sur une branche médiane des artères du carpe.

Figure 3. Artériographie des membres supérieurs : anévrysme de l’artèreulnaire droite.

expositions professionnelles (mécanicien, charpentier,électricien, mineur…) ou sportives (vélo tout terrain,hockey, karaté, badminton, handball, baseball, gardien debut, golf, tennis) sont rapportées (2-6). L’atteinte peut êtrebilatérale. Cependant, ces activités professionnelles ousportives sont très répandues et il n’y a que très peu de casdécrits. Les occlusions de l’artère ulnaire peuvent êtreasymptomatiques ; Little et Ferguson ont dépisté parmanœuvre d’Allen et Doppler une occlusion de cette artèrechez 14 % des travailleurs manuels utilisant leur maincomme un marteau (7). Le facteur traumatique n’est doncpas le seul en cause. Le plus souvent, une dysplasie f ibromusculaire des artères ulnaires est retrouvée comme pour notre patient. Sur le plan histologique, il s’agitd’une hyperplasie intimale, d’une hyperplasie de la média, parfois associée à une effraction de la limitante élastique interne.Sur le plan physiopathologique, l’ischémie peut êtreprovoquée soit par occlusion segmentaire de l’artèreulnaire par un thrombus, soit par un spasme au niveau del’anévrysme, soit par embolie à partir d’un thrombus intraanévrysmal. Vayssairat et al ont rapporté 17 cas de SMHavec 10 occlusions de l’artère ulnaire et 7 anévrysmes del’artère ulnaire (6). Dans les plus larges séries, uneanomalie angiographique (sténose, ectasie vasculaire,anévrysme) est toujours retrouvée chez les patientssymptomatiques (2, 6).Les symptômes cliniques classiques sont l’intolérance aufroid au niveau des doigts, un phénomène de Raynaud, lacyanose, une sensation de douleur ischémique commedans notre observation. La manœuvre d’Allen est le plussouvent positive. L’examen du membre controlatérals’impose. La palpation d’une masse pulsatile sur le trajet del’artère ulnaire au niveau du carpe est possible. Des signesneurologiques (paresthésies distales dans le territoireulnaire) induits par la compression au niveau del’anévrysme ont été décrits chez 3 patients sur 5 dans lasérie de Duverger et al (8). Les troubles trophiques (ulcères,fissurations) ne se développent que secondairement. Dansles cas les plus graves, une gangrène digitale et des rétractions ischémiques ont été décrites. Le syndrome ducanal carpien, le syndrome du canal de Guyon, et les accidents emboliques systémiques sont les principauxdiagnostics différentiels. La recherche d’une thrombo-philie congénitale ou acquise est en général négative (2).Les examens d’imagerie sont déterminants tant sur leplan étiologique que pré-thérapeutique. L’explorationdoit être bilatérale à la recherche d’une atteinte controlatérale asymptomatique. L’échographie dopplerest l’examen de première intention mais ne saurait suffiredans le cadre pré-thérapeutique. L’imagerie non invasiveest performante avec en particulier l’ARM qui permet de décrire précisément les lésions, la vascularisationcollatérale et permet l’exploration dans le même temps dumembre controlatéral. Cependant, cet examen ne donnepas d’information dynamique sur le flux artériel. Cetexamen est parfois limité par des problèmes de résolutionspatiale comme dans notre observation (9). Ces problèmessont probablement plus liés aux conditions d’acquisition,

au choix des séquences, qu’aux limites intrinsèques de latechnique. L’angioscanner spiralé multi barrettes a desperformances équivalentes. Si l’angiographie sélectivebilatérale reste pour beaucoup l’examen pré-opératoirede référence, elle peut être prise en défaut lorsquel’anévrysme est thrombosé, éventualité non rare. L’avantage de l’ARM et de l’angioscanner est depermettre la mise en évidence de l’anévrysme même s’ilest thrombosé et d’en préciser les rapports anatomiques.Ces examens tendent à devenir les examens de référence.Chez les patients symptomatiques, le traitement chirurgical est indiqué dans les formes anévrysmales. Lesinterventions les plus fréquentes sont la résection del’anévrysme et l’anastomose bord à bord comme pournotre patient, ou la résection avec interposition d’ungreffon veineux saphène. L’utilisation d’un greffon artériel (épigastrique inférieur) a été récemment proposée(10). Dans les formes non anévrysmales (thrombotiqueisolée), le traitement est en général conservateur. Le traitement médical n’est pas clairement codif ié et repose sur les antalgiques, les traitements dermatolo-giques locaux, les antiagrégants et éventuellementl’ilomédine associée aux anticoagulants. La fibrinolysein-situ (urokinase ou rt-PA) est indiquée dans les casd’ischémie aiguë sévère avec gangrène. Des perfusionsd’antagonistes calciques (diltiazem) sont parfois proposées ainsi que l’hémodilution (2, 6, 10).L’arrêt du tabac et le reclassement professionnel s’imposent (6).Une déclaration comme maladie professionnelle doit être réalisée si l’activité en cause est en lien avec uneprofession exercée dans la vie civile (tableau n° 69 desmaladies professionnelles). Cependant, une duréed’exposition de cinq ans est requise pour pouvoir déclarerle SMH comme maladie professionnelle, ce qui n’étaitpas le cas de notre patient.Pour notre patient, la survenue de cette ischémie estsurvenue hors service et son emploi dans l’armée neprédispose pas à cette pathologie. La poursuite des activités militaires est possible mais dans un emploi quine peut en aucun cas entraîner une récidive homo oucontrolatérale puisqu’il existe probablement un terrainfavorisant (dégénérescence fibromusculaire de la paroiartérielle). Selon l’instruction déterminant l’aptitudemédicale à servir dans les forces françaises, les lésionsartérielles mécaniques sont classées S, I, G 2 à 6, lesanévrysmes et embolies (artères périphériques) S, I, G 4 à6 (11). Le syndrome du marteau hypothénar, pathologieartérielle traumatique pouvant entraîner une déformationartérielle anévrysmale et des embolies digitales ne fait l’objet d’aucun classement spécifique. La détermina-tion de l’aptitude est à moduler en fonction de la sévéritéde l’atteinte, de la gène entraînée et du traitement entrepris. La correction chirurgicale et le reclassementprofessionnel ont été considérés comme des facteurs debon pronostic pour notre patient, justifiant le maintien deson aptitude à servir.

381syndrome du marteau hypothénar chez un jeune militaire

DOSSIER

382 p.-l. massoure

1. Von Rosen S. Ein fall von thrombose in der arteria nach einwirkungvon stumpfer gewalt. Acta Chir Scand 1934; 73 : 500-6.

2. Ferris BL, Taylor LM, Oyama K, Mc Lafferty RB, Edwards JM,Moneta GL et al. Hypothenar hammer syndrome : proposedetiology. J Vasc Surg 2000 ; 31 : 104-13.

3. Kreitner KF, Duber C, Muller LP, Degreif J. Hypothenar hammersyndrome caused by recreational sports activities and muscleanomaly in the wrist. Cardiovasc Interv Radiol 1996 ; 19 : 356-9.

4. Applegate K, Spiegel P. Ulnar artery occlusion in mountain bikers.J Sport Med Phys Fitness 1995 ; 35 : 232-4.

5. De Monaco D, Fritsche E, Rigoni G, Schlunke S, Von WartburgU. Hypothenar hammer syndrome : retrospective study of ninecases. J Hand Surg 1999 ; 24 : 731-4.

6. Vayssairat M, Debure C, Cormier J, Bruneval P, Laurian C, JuilletY. Hypothenar hammer syndrome : seventeen cases with long-term-follow-up. J Vasc Surg 1987 ; 5 : 838-43.

7. Little JM, Fergusson DA. The incidence of the hypothenarhammer syndrome. Arch Surg 1972 ; 105 : 684-5.

8. Duverger V, Meyrat L, Singland JD, Bonnet S, Bauer B, VergosM. Les anévrysmes traumatiques de l’artère cubitale. À propos decinq cas. e-mémoire de l’Académie nationale de chirurgie 2004 ; 3(2) : 51-5.

9. Winterer JT, Ghanem N, Roth M, Schaefer O, Lehnhardt S, ThurlC et al. Diagnosis of the hypothenar hammer syndrome by high-resolution contrast-enhanced MR angiography. Eur Radiol 2002 ;12 : 2 457-62.

10. Smith HE, Dirks M, Patterson R. Hypothenar hammer syndrome :digital ulnar artery reconstruction with autologous inferiorepigastric artery. J Vasc Surg 2004 ; 40 : 1 238-42.

11. Ministère de la Défense. Instruction N° 2100/DEF/DCSSA/AST/AME du 1er octobre 2003 modifiée le 18 novembre 2004.BOC N° 50 du 6 décembre 2004 : p. 6416.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

V. CONCLUSION.

Ce cas typique d’ischémie digitale par syndrome du marteau hytpothénar est original par la faible durée d’exposition professionnelle, et par la difficulté du diagnostic topographique en ARM, diagnosticredressé ici par l’artériographie préopératoire.

Cependant, l’ARM et l’angioscanner, examens non invasifs, tendent à devenir les examens de référence. Letraitement chirurgical est habituel devant un anévrysmeulnaire et le reclassement professionnel s’impose dans la mesure de sa compatibilité avec l’aptitude à servirlorsqu’il s’agit d’un militaire.

VIENT DE PARAÎTRE

LE COMITÉ D'EXPERTS DE L'OMS

SUR LA NORMALISATION BIOLOGIQUE

Ce rapport présente les recommandations d'un comité d'experts de l'OMS chargé de coordonner des activités amenant à adopter des exigences internationales pour la production et le contrôle des vaccins et d'autresproduits biologiques et à établir des produits biologiques de référence sur le plan international.Le rapport commence par une discussion de sujets généraux portés à l'attention du comité et fournit des informationssur l'état et le développement de produits de référence pour différents anticorps, antigènes, produits et dérivéssanguins, cytokines, facteurs de croissance et substances endocrinologiques. La deuxième partie du rapport, relevant plus particulièrement des fabricants et des autorités législatives nationales,contient des recommandations pour la production et le contrôle de qualité des vaccins conjugués anti-méningococcique du groupe C, des indications sur les exigences réglementaires en matière d'évaluation clinique desvaccins, des indications pour la production et le contrôle de la qualité du vaccin oral inactivé contre le choléra, et desindications sur les procédures d'inactivation et de suppression virales destinées à assurer la sécurité virale desproduits dérivés du plasma humain.

ISBN : 92 4 120924 0 – 232 pages (en langue anglaise) – WHO Press 1211 geneva 27, Switzerland – Tél. : +41 22 791 24 76 – Fax : + 41 22 791 48 57 – Email : [email protected]

383

DOSSIER

VIENT DE PARAÎTRE

SCIENCE EXPÉRIMENTALE ET CONNAISSANCE DU VIVANT

La méthode et les concepts

Pierre VIGNAIS, Paulette VIGNAIS

Ce livre présente l'importance de l'expérimentation, à travers l'histoire jusqu'aux limites que laméthode expérimentale semble connaître aujourd'hui.

L'ouvrage permet de comprendre comment les nouveaux instruments, les nouvelles techniques, lesdécouvertes ont engendré des concepts générateurs d'idées qui, une fois testés, ont permis lamise en œuvre de la méthode expérimentale. L'analyse est prolongée jusqu'aux limites que laméthode expérimentale semble rencontrer aujourd'hui (au sens biologique, philosophique,sociologique) face à la complexité du vivant. Le lecteur se trouve ainsi placé face aux questionsconcernant sa propre identité biologique et l'évolution dans le futur de la science et de la société.

Avec précision et une grande honnêteté intellectuelle, Pierre VIGNAIS propose un travail de mémoiredont chacun peut avoir besoin, une aide à la compréhension historique, une mise au point sur laméthode expérimentale qui a amené la notion de modèles (biologiques, intellectuels).

L'ouvrage concerne les biologistes, les médecins, pharmaciens, scientifiques concernés par lessciences du vivant, mais aussi les historiens et philosophes, comme tous les citoyens cultivéssoucieux de comprendre les mutations de la science et de la société.

Pierre VIGNAIS est professeur honoraire de Biochimie de la Faculté de médecine de Grenoble(Université Joseph FOURIER). Ses travaux dans les domaines de la biologie cellulaire et desinteractions hôtes- pathogènes (plus de 200 publications) font autorité et lui valurent la médailled'argent du CNRS et le Grand Prix de l'Académie des Sciences. Il est l'auteur de l'ouvrage « Labiologie des origines à nos jours » (Grenoble Sciences, EDP Sciences).

Paulette VIGNAIS est Directeur de Recherche au CNRS, Laboratoire de Biochimie et Biophysiquedes Systèmes Intégrés (CEA Grenoble, Direction des Sciences du Vivant). Elle est une spécialistereconnue des systèmes de réponse adaptative bactérienne et de l'expression des facteurs devirulence.

ISBN : 2 86883 897 9 – Pages : 432 pages – Prix : 45 € – EDP Sciences, 17 avenue du Hoggar, Parc d'activités de Courtabœuf- BP 112, 91944 Les Ulis Cedex A. – Contact Presse : Élise CHATELAIN – Tél. : 01 69 18 69 87 – [email protected]

384

GÉNÉRALITÉSL'article proposé pour parution dans Médecine et Armées, relate un travail original et spécifique à la médecine dans les armées (fait médical, chirurgical,pharmaceutique, vétérinaire, historique, médico-administratif, épidémiologique…).

PRÉSENTATION DU MANUSCRIT• Le manuscrit est fourni :– soit sur papier en trois exemplaires ;– soit sur support numérique adressé par voie postale ;– soit adressé par E. mail (Internet, Intranet, Lotus) ;– soit sous forme multiple.• Le manuscrit est rédigé :– en langue française (sauf exception après accord de la rédaction) ;– en double interlignage en Times new roman corps 12;– recto seulement marge gauche ;– paginé.• La première page comporte :– le titre précis et concis sans abréviation, en lettres capitales accentuées,– le nom du ou des auteurs en lettres capitales accentuées, précédé des initiales duprénom en lettres capitales accentuées (avec trait d'union pour les prénoms composés)séparés par un point.– le nom du ou des auteurs, précédé des initiales du prénom des auteurs suivis dugrade et du titre principal ;– le nom, l'adresse et les coordonnées téléphoniques, de télécopie ou E-mail del'auteur destinataire des correspondances, des épreuves à corriger. • La deuxième page est réalisée selon les règles avec:– le titre en français en lettres capitales accentuées ;– le titre en anglais ;– le résumé en français de 15 lignes maximum sans abréviation ni référence;– suivi de quatre à cinq mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétique etséparés par un point ;– le résumé en anglais suivi des mots-clés répertoriés, classés par ordre alphabétiqueet séparés par un point.• Le texte :– débute à la troisième page;– est concis, précis et les évènements passés sont écrits au passé composé ;– les abréviations sont en nombre limité et exclues du titre et des résumés et sontexplicites lors du premier emploi ; le terme entier est précédé de l'abréviation miseentre parenthèses lors de la première apparition dans le texte ;– la terminologie est respectée (symbole, unité, nombre écrit en chiffres sauf ceuxinférieurs à dix sept, lorsqu'ils commencent une phrase ou lors d'énumérationsfréquentes dans le texte, médicaments).– La présentation est au carré (texte justifié) sans retrait ni interligne, ni gras dans letexte ni mot souligné et selon le plan:I. CHAPITRE.A) SECTION.1. Article.a) Paragraphe.– alinéa;- sous alinéa,les puces • peuvent être utilisées sans renvois de bas de page.• Les figures (graphiques, illustrations et photographies) :

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– sont fournis sur une seule page avec leur titre et leur numéro ;– sont précisément appelés dans le texte, placés entre parenthèses par ordre d'apparition;– doivent se suffirent à eux même sans que l'on doive se référer au texte.• Les remerciements :– sont placées en fin de texte.• Les références bibliographiques:– sont numérotées en chiffres arabes placés entre parenthèses (dans le texte, lestableaux et les figures) dans l'ordre d'apparition;– les chiffres sont séparés par des virgules, mais au-delà de deux chiffres successifsseuls les deux extrêmes sont présentés, séparés par un trait d'union;– les noms des auteurs, séparés par une virgule, sont mentionnés jusqu'à six, au-delà,le dernier des six est suivi de la mention « et al. ».– les noms des revues sont conformes aux listes officielles référencées.

LES RÉFÉRENCESLes références comportent obligatoirement, dans l'ordre suivant :– noms des auteurs en minuscules accentuées (première lettre en capitale accentuée)suivis des initiales des prénoms en majuscules accentuées séparés par une virgule, ledernier étant suivi de la mention « et al. » ;– titre intégral dans la langue de publication (caractères latins) et d'un point ; suivi de:À propos d'un article extrait de revue:– nom de la revue suivi de l'année de parution, puis d'un point virgule ;– tome, pouvant être suivi du numéro entre parenthèses, puis deux points ;– numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite,séparés par un trait d'union et point final.À propos d'un livre:– ville de l'éditeur puis deux points ;– éditeur suivi d'un point virgule ;– année d'édition et éventuellement du nombre de pages suivi d'un point final.À propos d'un chapitre extrait d'un livre:– titre du chapitre et point ;– puis « in : » suivi du ou des noms et initiales des prénoms du ou des coordinnateurssuivis de « ed » ou « eds » et d'un point ;– titre du livre et point ;– ville de l'éditeur puis deux points ;– maison d'édition et virgule ;– année d'édition et deux points ;– numéros de la première page et de la dernière abrégée au plus petit chiffre explicite,séparés par un trait d'union et point final.À propos d'une thèse:– ville suivie de deux points et de l'université puis d'un point virgule ;– année de la thèse et nombre de pages et point final.

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Ce numéro de Médecine et Armées, entièrement consacré à la pathologie cardio-vasculaire s’adresse de façon égale aux

médecins généralistes et spécialistes. Du stress lors du saut en parachute à l’insuffisance cardiaque en milieu tropical, les auteursabordent l’ensemble des grands thèmes de la cardiologie moderne,avec chaque fois que cela a été possible l’analyse du retentissement sur l’aptitude au service.

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N°4 TOME 34 N°4 Octobre 2006ISSN 0300-4937