1
5 actualités Actualités pharmaceutiques n° 474 Mai 2008 il faut savoir que les produits y sont vendus deux fois plus cher qu’en France. À titre d’exemple, Nurofen ® est vendu en moyenne 6,30 € en Italie contre 2,96 € en France. Nous avons déjà les prix parmi les plus bas d’Eu- rope, sans compter qu’avec les génériques, il est possible de trouver encore des produits sûrs moins chers. Avec la signature de cette charte, les officines pourront vendre des médicaments peut-être même moins cher que ce que propose Monsieur Leclerc. C’est ce qui se passe déjà avec la parapharmacie. AP : Finalement, quelle réponse souhaitez- vous apporter à cette nouvelle attaque ? P.G. : Nous comptons déployer deux types de réponse. Tout d’abord, il nous faut œuvrer pour renforcer le professionnalisme du pharmacien, qui a déjà bien avancé avec le développement de la qualité à l’officine et la formation continue pharmaceutique qui doit devenir une obligation. Un conseil pharma- ceutique devra accompagner toutes les ven- tes de boîtes de médicaments en libre accès. Dans certains cas, le pharmacien va devoir refuser de vendre des médicaments que des patients, devenus consommateurs, ont déjà dans les mains. Cela doit donc amener à une organisation du lieu de vente qui impose un passage obligatoire du patient par un phar- macien ou un préparateur pour y recevoir un conseil systématique. Une clarté dans l’agen- cement sera absolument nécessaire pour éviter un mélange entre des médicaments et d’autres produits par exemple. Nous envisageons ensuite de communi- quer vers les politiques et les Français, par le biais d’une campagne nationale, dans le but de faire prendre conscience de l’intérêt du réseau officinal tel qu’il est actuellement organisé. Et pour cela, nous prévoyons une campagne choc, très différente de tout ce qui a été fait jusqu’à présent (presse générale, presse quotidienne régionale, voire plus...). Cette opération avait été initiée par la Fédé- ration, il y a quelque temps déjà, suite aux différentes attaques que nous subissons, notamment de la Commission européenne. Mais nous nous plaçons bien dans une logi- que de défense de la profession et non de promotion de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Nous avons pris des contacts avec les autres orga- nisations. Nous leur laissons le temps de se positionner, sachant que le rédactionnel et les visuels de la campagne ne peuvent pas être diffusés. Cette opération d’envergure, puisque son coût pourrait avoisiner le million d’euros, sera financée par les pharmaciens eux-mêmes. C’est pourquoi nous avons lancé un appel de fonds. Je peux d’ores et déjà vous dire que notre appel semble entendu... La campagne sera sur pied pour la fin mai. Nous jugerons alors du moment le plus opportun pour sa diffusion. AP : Concernant l’ouverture du capital, quel est votre point de vue ? P.G. : L’organisation du système officinal actuel repose sur trois piliers : la réparti- tion démo-géographique, le monopole et le capital. Si on touche à l’un de ces trois piliers, le système est déstabilisé. Les groupes financiers qui veulent entrer dans les capitaux des officines demanderont des retours sur investissement. Comme l’augmentation globale des ventes est peu probable dans un pays comme le nôtre, dont il est dit que la consommation est déjà trop importante, le seul moyen de valoriser l’officine acquise sera de prendre des parts de marché aux officines avoisinantes, ce qui fragilisera l’organisation actuelle du réseau. Pour la FSPF, une ouverture partielle du capital n’est également pas envisageable. Le niveau d’ouverture risquerait d’être remis en cause par la Commission européenne. AP : D’autres syndicats sont plus modé- rés que vous à ce sujet... P.G. : Peut-être, mais une forte majorité de pharmaciens partage notre point de vue. Avec des groupes financiers, le pharma- cien aura des objectifs de rentabilité, il perdra de vue sa mission principale qu’est la santé publique. Encore une fois, la ques- tion est de savoir quelle pharmacie nous voulons pour la France... Propos recueillis par Sébastien Faure [email protected] L e Collectif national des groupe- ments de pharmaciens d’officine (CNGPO) a souhaité réagir vive- ment, dans un communiqué 1 , au mes- sage des centres E. Leclerc affirmant que les prix qu’ils pratiqueraient sur les médicaments dans leurs grandes sur- faces seraient 25 % moins élevés que ceux pratiqués en officine. Le CNGPO s’interroge : « Mais moins chers par rapport à qui, par rapport à quoi ? » Le collectif rappelle en effet que la concurrence, en ce qui concerne le prix des médicaments, existe déjà et depuis longtemps, au sein du réseau pharmaceutique et entre produits contenant le même principe actif. Les prix pratiqués par les pharmacies grou- pées 2 sont ainsi lisibles et affichés, ce qui permet de les comparer. De plus, pour le collectif, le manque de concurrence dans la grande distribu- tion et les écarts de prix d’une même enseigne d’un lieu à un autre, dénoncés récemment, ne garantiraient nullement une baisse des prix. Enfin, à la différence des enseignes de grande distribution, « les pharmaciens d’officine ne sont pas que des com- merçants » et « un médicament n’est pas une boîte de conserve », s’indigne Pascal Louis, président du collectif, qui rappelle que la banalisation des médicaments est porteuse de dérives qui peuvent être préjudiciables pour la santé publique. Élisa Derrien Notes 1. Communiqué du 7 avril 2008. 2. Le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) réunit, au travers de 11 groupements (Alrheas, Apsara, Ceido, Cofisanté, Évolupharm, Forum Santé, Giphar, Giropharm, Optipharm, Plus Pharmacie, Réseau Santé), 8 500 pharmacies. Réaction Médicament et grande distribution, une alliance improbable ? © Fotolia/J. Popic Note 1. Le Salon Pharmagora s’est déroulé du 29 au 31 mars 2008, à Paris.

Médicament et grande distribution, une alliance improbable ?

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Médicament et grande distribution, une alliance improbable ?

5 actualités

Actualités pharmaceutiques • n° 474 • Mai 2008

il faut savoir que les produits y sont vendus deux fois plus cher qu’en France. À titre d’exemple, Nurofen® est vendu en moyenne 6,30 € en Italie contre 2,96 € en France. Nous avons déjà les prix parmi les plus bas d’Eu-rope, sans compter qu’avec les génériques, il est possible de trouver encore des produits sûrs moins chers. Avec la signature de cette charte, les officines pourront vendre des médicaments peut-être même moins cher que ce que propose Monsieur Leclerc. C’est ce qui se passe déjà avec la parapharmacie.

AP : Finalement, quelle réponse souhaitez-vous apporter à cette nouvelle attaque ?P.G. : Nous comptons déployer deux types de réponse. Tout d’abord, il nous faut œuvrer pour renforcer le professionnalisme du pharmacien, qui a déjà bien avancé avec le développement de la qualité à l’officine et la formation continue pharmaceutique qui doit devenir une obligation. Un conseil pharma-ceutique devra accompagner toutes les ven-tes de boîtes de médicaments en libre accès. Dans certains cas, le pharmacien va devoir refuser de vendre des médicaments que des patients, devenus consommateurs, ont déjà dans les mains. Cela doit donc amener à une organisation du lieu de vente qui impose un passage obligatoire du patient par un phar-macien ou un préparateur pour y recevoir un conseil systématique. Une clarté dans l’agen-cement sera absolument nécessaire pour éviter un mélange entre des médicaments et d’autres produits par exemple.

Nous envisageons ensuite de communi-quer vers les politiques et les Français, par le biais d’une campagne nationale, dans le but de faire prendre conscience de l’intérêt du réseau officinal tel qu’il est actuellement organisé. Et pour cela, nous prévoyons une campagne choc, très différente de tout ce qui a été fait jusqu’à présent (presse générale, presse quotidienne régionale, voire plus...). Cette opération avait été initiée par la Fédé-ration, il y a quelque temps déjà, suite aux différentes attaques que nous subissons, notamment de la Commission européenne. Mais nous nous plaçons bien dans une logi-que de défense de la profession et non de promotion de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Nous avons pris des contacts avec les autres orga-nisations. Nous leur laissons le temps de se positionner, sachant que le rédactionnel et les visuels de la campagne ne peuvent pas être diffusés. Cette opération d’envergure, puisque son coût pourrait avoisiner le million d’euros, sera financée par les pharmaciens eux-mêmes. C’est pourquoi nous avons lancé un appel de fonds. Je peux d’ores et déjà vous dire que notre appel semble entendu... La campagne sera sur pied pour la fin mai. Nous jugerons alors du moment le plus opportun pour sa diffusion.

AP : Concernant l’ouverture du capital, quel est votre point de vue ?P.G. : L’organisation du système officinal actuel repose sur trois piliers : la réparti-

tion démo-géographique, le monopole et le capital. Si on touche à l’un de ces trois piliers, le système est déstabilisé. Les groupes financiers qui veulent entrer dans les capitaux des officines demanderont des retours sur investissement. Comme l’augmentation globale des ventes est peu probable dans un pays comme le nôtre, dont il est dit que la consommation est déjà trop importante, le seul moyen de valoriser l’officine acquise sera de prendre des parts de marché aux officines avoisinantes, ce qui fragilisera l’organisation actuelle du réseau. Pour la FSPF, une ouverture partielle du capital n’est également pas envisageable. Le niveau d’ouverture risquerait d’être remis en cause par la Commission européenne.

AP : D’autres syndicats sont plus modé-rés que vous à ce sujet...P.G. : Peut-être, mais une forte majorité de pharmaciens partage notre point de vue. Avec des groupes financiers, le pharma-cien aura des objectifs de rentabilité, il perdra de vue sa mission principale qu’est la santé publique. Encore une fois, la ques-tion est de savoir quelle pharmacie nous voulons pour la France... �

Propos recueillis par

Sébastien Faure

[email protected]

L e Collectif national des groupe-ments de pharmaciens d’officine (CNGPO) a souhaité réagir vive-

ment, dans un communiqué1, au mes-sage des centres E. Leclerc affirmant que les prix qu’ils pratiqueraient sur les médicaments dans leurs grandes sur-faces seraient 25 % moins élevés que ceux pratiqués en officine.Le CNGPO s’interroge : « Mais moins chers par rapport à qui, par rapport à quoi ? » Le collectif rappelle en effet que la concurrence, en ce qui concerne le prix des médicaments, existe déjà et depuis longtemps, au sein du réseau

pharmaceutique et entre produits contenant le même principe actif. Les prix pratiqués par les pharmacies grou-pées2 sont ainsi lisibles et affichés, ce qui permet de les comparer.De plus, pour le collectif, le manque de concurrence dans la grande distribu-tion et les écarts de prix d’une même enseigne d’un lieu à un autre, dénoncés récemment, ne garantiraient nullement une baisse des prix.Enfin, à la différence des enseignes de grande distribution, « les pharmaciens d’officine ne sont pas que des com-merçants » et « un médicament n’est

pas une boîte de conserve », s’indigne Pascal Louis, président du collectif, qui rappelle que la banalisation des médicaments est porteuse de dérives qui peuvent être préjudiciables pour la santé publique.

Élisa Derrien

Notes1. Communiqué du 7 avril 2008.

2. Le Collectif national des groupements

de pharmaciens d’officine (CNGPO) réunit,

au travers de 11 groupements (Alrheas, Apsara,

Ceido, Cofisanté, Évolupharm, Forum Santé,

Giphar, Giropharm, Optipharm, Plus Pharmacie,

Réseau Santé), 8 500 pharmacies.

Réaction

Médicament et grande distribution, une alliance improbable ?

© F

oto

lia/J

. P

op

ic

Note1. Le Salon Pharmagora s’est déroulé

du 29 au 31 mars 2008, à Paris.