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Méditations et réflexions ( texte 3 ) Dans la méditation, il y a de ces moments où l'esprit vit une sorte de souffrance salvatrice, un mal nécessaire dont les douleurs pourraient ne pas être ni charnelles, ni cutanées. On les ressent, ces douleurs, elles ressemblant à celles qu'on devrait ressentir, quand on vous arrache une partie ou un organe de votre corps. Cela ressemblerait aux sensations d'une femme, au moment ultime de son accouchement. Ces cris de douleur, vous savez, qui devraient faire mal aux parents proches présents et sans aucune expérience en la matière. Des cris qui pourraient aussi se comparer à ceux qu'on émet au moment d'une grande et mauvaise surprise : entendu une nouvelle ou vu un spectacle inattendu et qui fait mal,.. La durée de ce sentiment n'a aucune importance. Il peut durer des heures entières comme il ne peut durer que quelques longues minutes. L'essentiel est cet instant qui suit : la sensation de bonheur, de grande joie, l'extase en son sens le plus mystique, le plus spirituel. Une sorte de jouissance, d'osmose avec la lumière très brillante, aveuglante qui vous baigne de tout votre corps, qui immacule de tout votre esprit, de tout votre être. Une légèreté qui vous saisit et vous élève, avec une aisance incomparable : on vole. On traverse l'espace/temps. On est au même moment dans

Méditations et réflexions ( 3 ème partie )

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Méditations et réflexions ( texte 3 )

Dans la méditation, il y a de ces moments où l'esprit vit une sorte de souffrance salvatrice, un mal nécessaire dont les douleurs pourraient ne pas être ni charnelles, ni cutanées. On les ressent, ces douleurs, elles ressemblant à celles qu'on devrait ressentir, quand on vous arrache une partie ou un organe de votre corps. Cela ressemblerait aux sensations d'une femme, au moment ultime de son accouchement. Ces cris de douleur, vous savez, qui devraient faire mal aux parents proches présents et sans aucune expérience en la matière. Des cris qui pourraient aussi se comparer à ceux qu'on émet au moment d'une grande et mauvaise surprise : entendu une nouvelle ou vu un spectacle inattendu et qui fait mal,..

La durée de ce sentiment n'a aucune importance. Il peut durer des heures entières comme il ne peut durer que quelques longues minutes.

L'essentiel est cet instant qui suit : la sensation de bonheur, de grande joie, l'extase en son sens le plus mystique, le plus spirituel. Une sorte de jouissance, d'osmose avec la lumière très brillante, aveuglante qui vous baigne de tout votre corps, qui immacule de tout votre esprit, de tout votre être. Une légèreté qui vous saisit et vous élève, avec une aisance incomparable : on vole. On traverse l'espace/temps. On est au même moment dans le passé, dans le présent et dans le futur. Le regard limpide, comme une eau de source, si calme. L'ouïe fine, comme les deux parties d'un cheveu coupé en longueur. La voix si douce, si chantante, qui ne pourrait être que celle des anges. Le geste, si lent, si affectif, si apaisant, comme celui des nonnes, des mères, des saintes sœurs au fond de leur couvent.

Et vous entendez alors et alors seulement la voix presque divine qui vous récite les Sourates du Coran Sacré : ayates après ayates, très lentement, presque musicalement

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et à tel point que vous avez cette impression de pouvoir les apprendre par cœur aussi facilement que votre nom et votre prénom. Vous suivez la mélodie, vous captez le sens des mots, vous osez déchiffrer les plus difficiles, dans le défilement extraordinaire des métaphores filées, des métonymies, des anaphores, des thèses et des antithèses : paroles de Dieu, transcrites dans le verbe, gravées dans la mémoire par la force de la voix d'un Abdelbasset Abdessamad récitant La parole sainte qui envahit et pénètre l'âme.

Vous perdez le sens du temps. La rose des vents semble ne pas vous servir pour quelque chose. Vous êtes dans l'intemporel.

L'espace n'a pas de limites, n'a pas d'horizons visibles à l'œil nu.

Le passé et le futur se confondent en un présent du texte lu, dit, chanté, médité, appris en sa propre musicalité que les érudits grammairiens arabes, andalous et perses ont longtemps et beaucoup étudié et tenté d'en élucider les secrets.

Mais les voies du Seigneur sont toujours impénétrables !

Une des grandeurs des Saintes Écritures. Un des fameux miracles du Saint Coran.

Une des révélations, intemporelles, qui traverse et englobe tous les recoins du vaste univers : la création de Dieu. Elle ne connaît qu'un temps, dont le début est le moment de la Révélation de l'Islam, comme troisième religion monothéiste, à Sidna Mohammed que la Prière et le Salut de Dieu soient sur lui, dans l'historique grotte de Hira.

L'intemporel continue avec le voyage nocturne entrepris par le prophète sur l'ordre de Dieu à dos du Buraq jusqu'à la mosquée d'Al Aqsa, en Palestine.

Ainsi, la fascination et l'amour deviennent un souffle d'adoration.

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La foi et la quête de la Connaissance ouvrent les portes les plus hermétiquement closes dans les moments les plus escomptés par les Soufis dans la méditation en Dieu, en sa divinité unique et incontestable par le croyant.

La voie suivie commence par le texte : les 114 Sourates du Coran. Une visite ou plutôt une visitation poétique et prophétique qui tenterait de rendre cette beauté unique et cette valeur extrêmement profonde et plus sensible dans un monde intelligible, figé, difficile à cerner par le commun des mortels, l'exégèse des ulémas qui ne voyaient et n'expliquaient que les interdits, les récompenses et les sanctions qui mènent les fidèles et les infidèles à la Géhenne et au Paradis !

Abdelmalek AghzafCafé L'Époque, FèsLe vendredi 27/06/2014.