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MEMOIRE En vue de l’obtention du diplôme Sup de Co Reims Reims Management School Cycle Master 2011-2013 Mémoire académique Par : Marc COUTURIER JURY : Philippe Rozin - TUTEUR Janvier 2013 L’adoption du Sarbanes-Oxley Act de 2002 et la mise en place de la section 404 ont-elles été synonymes de perte d’attractivité et de compétitivité des trois principaux marchés financiers américains auprès des entreprises étrangères ?

MEMOIRE - apdc-france.fr€¦ · 6 A) L’effet de la SOX sur la capitalisation boursière des sociétés quittant les marchés américains

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MEMOIRE

En vue de l’obtention du diplôme Sup de Co Reims

Reims Management School

Cycle Master

2011-2013

Mémoire académique

Par : Marc COUTURIER

JURY : Philippe Rozin - TUTEUR

Janvier 2013

L’adoption du Sarbanes-Oxley Act de 2002 et la mise en place de la section

404 ont-elles été synonymes de perte d’attractivité et de compétitivité des trois

principaux marchés financiers américains auprès des entreprises étrangères ?

2

3

REMERCIEMENTS

En préambule de ce dossier, je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui ont contribué à

la réalisation de ce mémoire.

Je souhaite, dans un premier temps, remercier sincèrement Monsieur Rozin, mon tuteur de

mémoire, pour le temps qu’il m’a consacré, la disponibilité et la patience dont il a fait preuve

à mon égard ainsi que pour les judicieux conseils qu’il m’a prodigué.

Je remercie ensuite l’ensemble des professeurs de Reims Management School qui m’ont

apporté leur aide. Je témoigne ainsi toute ma gratitude à Monsieur Fourneaux pour le soutien

moral qu’il m’a apporté lors de mes périodes de doute et pour m’avoir orienté à bon escient

vers des interlocuteurs susceptibles de m’aider dans la réalisation de mon dossier.

Je remercie également Messieurs Granik et Kanyinda pour l’aide précieuse qu’ils m’ont

apporté ainsi que pour le temps qu’ils ont consacré au traitement de ma deuxième hypothèse.

Leur expertise et leurs compétences, notamment dans l’utilisation de Bloomberg et de

Datastream, m’ont été plus que bénéfiques.

En outre, j’exprime ma reconnaissance à Monsieur Grenier pour la gentillesse dont il a fait

preuve en m’accordant une formation accélérée à l’utilisation du logiciel SPSS.

Enfin, j’adresse naturellement mes plus sincères remerciements à mes parents pour leur

soutien et leurs encouragements.

4

SOMMAIRE

Contenu REMERCIEMENTS .................................................................................................................. 3

INTRODUCTION ...................................................................................................................... 7

PARTIE I – ETAT DE L’ART ................................................................................................ 11

I. Les origines et les caractéristiques de la SOX passées au crible................................... 11

A) A l’origine de la SOX, les scandales financiers du début des années 2000 ........... 11

1) L’exemple d’Enron : un cas d’école ...................................................................... 11

2) Des investisseurs ruinés et la nécessité de réagir rapidement ................................ 14

B) Mais qu’est-ce donc que le Sarbanes-Oxley Act ? ................................................ 16

1) Une revue globale des aspects réglementaires de la SOX ..................................... 16

2) Focus sur la section la plus controversée de la SOX : la Section 404 ................... 18

3) Une adoption compliquée par un cadre réglementaire déjà bien fourni ................ 22

4) Des aménagements proposés pour répondre aux critiques .................................... 23

II. Les liens potentiels entre l’adoption de la SOX et la perte de compétitivité des marchés

financiers américains auprès des entreprises étrangères ....................................................... 25

A) Le contexte général de l’analyse ............................................................................ 25

1) Les raisons traditionnelles de la multicotation aux Etats-Unis .............................. 25

2) Différents moyens de cotations et différentes obligations ..................................... 27

3) Un processus de retrait compliqué mais assoupli .................................................. 29

B) L’adoption de la SOX : un lien direct avec la perte de compétitivité et

d’attractivité des marchés financiers américains .............................................................. 30

1) Une réglementation plus rude et plus sévère qui décourage .................................. 31

2) Une réglementation trop onéreuse qui désespère ................................................... 33

3) Des réactions aux annonces de la SOX et de la section 404 qui en disent long .... 34

4) Une évolution des primes de cotation croisée lourde de sens ................................ 36

5) Une évolution du nombre de nouvelles multicotations et du nombre de retraits sur

les marchés US qui ne laissent guère de place au doute ............................................... 38

C) Perte de compétitive et d’attractivité du marché US : la SOX ne peut être accusée

de tous les maux ................................................................................................................ 41

1) Incohérence de certaines réactions du prix des titres avec la théorie de la perte de

compétitivité .................................................................................................................. 41

2) Des investisseurs qui accordent du crédit à la SOX et qui la valorisent ................ 44

5

3) Une prime qui reste significativement positive sur les marchés US après l’adoption

de la SOX ...................................................................................................................... 46

4) Des retraits des marchés US liés au développement parallèle d’autres grandes

places financières internationales .................................................................................. 47

5) Des retraits plus liés aux caractéristiques changeantes des entreprises et des

marchés qu’à l’adoption de la SOX .............................................................................. 52

PARTIE II – CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIE ............................................. 58

I. Enonciation de la problématique et des hypothèses ...................................................... 58

A) Problématique ........................................................................................................ 58

B) Hypothèses ............................................................................................................. 59

II. Méthodologie de recherche........................................................................................ 61

A) Hypothèse n°1 ........................................................................................................ 61

1) Justification de la méthode ..................................................................................... 61

2) La méthode de collecte et de test ........................................................................... 62

a) L’évolution du nombre de cotations sur les marchés US des entreprises

étrangères soumises aux exigences de la SEC .......................................................... 62

b) L’évolution de la part de marché mondiale des US sur les multicotations ........ 65

B) Hypothèse n°2 ........................................................................................................ 67

1) Justification de la méthode ..................................................................................... 67

2) La méthode de collecte et de test ........................................................................... 69

C) Hypothèse n°3 ........................................................................................................ 71

1) Justification de la méthode ..................................................................................... 71

2) La méthode de collecte et de test ........................................................................... 72

PARTIE III – ANALYSE DES RESULTATS ET LIMITES ................................................. 76

I. Résultats et limites de l’hypothèse n°1 ......................................................................... 76

A) L’évolution global des marchés US au regard des cotations étrangères ................ 77

B) Analyse des retraits par type de pays ..................................................................... 79

C) Analyse des parts de marché au regard des cotations étrangères ........................... 82

D) Limite des résultats obtenus ............................................................................... 87

II. Résultats et limites de l’hypothèse n°2 ......................................................................... 92

A) Etude comparative des rendements entre un portefeuille « SOX » et un portefeuille

« non-SOX » lors de 7 annonces majeures de la SEC sur 2002 ....................................... 92

B) Limite des résultats obtenus ................................................................................... 97

III. Résultats et limites de l’hypothèse n°3 ...................................................................... 99

6

A) L’effet de la SOX sur la capitalisation boursière des sociétés quittant les marchés

américains ......................................................................................................................... 99

B) Analyse des principales raisons ayant motivé les retraits .................................... 102

C) Limite des résultats obtenus ................................................................................. 105

CONCLUSION ...................................................................................................................... 107

ANNEXES ...................................................................................... Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 1: La « Rule 144A » ................................................... Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 2: « Les 11 titres de la SOX » .................................... Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 3: « Le cube COSO » ................................................. Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 4: « Le passage de l’Auditing Standard N°2 à l’Auditing Standard N°5 »

..................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 5: « La Rule 12h-6 » ................................................... Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 6: « Comparaison de la législation Américaine, Canadienne et Française en

matière de sécurité financière des sociétés cotées » .................... Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 7: « Les principaux événements de la SOX selon Litvak » ... Erreur ! Signet non

défini.

ANNEXE 8: « Les principaux événements de la SOX selon Li » .......... Erreur ! Signet non

défini.

ANNEXE 9: « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°1» .......... Erreur ! Signet non

défini.

ANNEXE 10: « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°2» ........ Erreur ! Signet non

défini.

ANNEXE 11: « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°3» ........ Erreur ! Signet non

défini.

ANNEXE 12: « Document Intermédiaire de Mémoire» ............. Erreur ! Signet non défini.

GLOSSAIRE ................................................................................... Erreur ! Signet non défini.

BIBLIOGRAPHIE .......................................................................... Erreur ! Signet non défini.

7

INTRODUCTION

Si la décennie 1990 a été marquée aux Etats-Unis par une euphorie boursière et une

croissance exceptionnelle que beaucoup considérait comme sans limites, le début des années

2000 semble avoir considérablement remis le modèle américain en question. Le gonflement

puis l’éclatement de la bulle internet mais aussi la mise en lumière de nombreux scandales

financiers ont mis à mal une économie florissante. Ainsi, la révélation de fraudes financières

sans précédent de mastodontes tels Enron ou WorldCom et les faillites qui s’en sont suivies

ont entraîné la ruine de milliers d’investisseurs et petits épargnants US. Une telle situation,

conjuguée au contexte économique mondial moribond, a alors entraîné de vives réactions

outre-Atlantique et a poussé le gouvernement américain à réagir dans l’urgence. C’est ainsi,

sous la pression populaire et pour montrer sa réactivité face à l’un des enjeux majeurs du

début du nouveau millénaire, que le Congrès américain a adopté le Sarbanes-Oxley Act

(SOX) en juillet 2002.

Cette loi, considérée par le président Bush lui-même comme la réforme financière américaine

la plus importante depuis l’adoption du Securities Exchange Act de 19341 avait alors pour

vocation première de restaurer la confiance des investisseurs. Elle s’appuyait notamment sur

un accroissement des sanctions pénales encourues par les fraudeurs, un renforcement du rôle

des auditeurs externes et des comités d’audit ou encore sur la création d’un organe

indépendant de surveillance. Elle accordait également une importance primordiale à la mise

en place d’un système de contrôle interne efficace qui puisse garantir la fiabilité des

informations financières fournies aux investisseurs.

Bien que célèbre, la SOX reste malgré tout une loi méconnue du grand public. C'est pourquoi

il m'a semblé opportun de réaliser un travail de recherche à son sujet. Toutefois, cette loi étant

riche, tentaculaire et particulièrement complexe, il m'apparaissait impossible dans ce dossier

1 Cf. Glossaire pour définition

8

de la traiter dans son exhaustivité. J’ai alors, au fil de mes recherches et des conseils avisés de

mon tuteur, affiné mon sujet et circonscrit mon analyse sur un aspect particulier, à savoir son

impact potentiel sur la perte d’attractivité des marchés financiers américains auprès des

entreprises étrangères. En effet, de prime abord, la période post-SOX semble avoir été

marquée par le déclin des places américaines au profit d’autres places internationales,

européennes notamment. La question était alors de savoir si la SOX en était responsable.

Afin de préciser mon sujet, il me semble nécessaire d’apporter quelques précisions sur le

cadre de mon travail, notamment en termes réglementaires, géographiques et temporels.

Ainsi, si mon mémoire porte sur l’impact de la SOX dans sa globalité, ce dernier accorde une

importance particulière à l’un des volets les plus contrastés de la loi, la section 404 en

l’occurrence. En effet, les nouvelles exigences liées au contrôle interne des entreprises ont

suscité et concentré de vives critiques et ont fait couler beaucoup d’encre.

Il est ensuite important de noter que mon analyse a porté sur l’attractivité des trois principaux

marchés financiers américains, à savoir le New-York Stock Echange (NYSE), le National

Association of Securities Dealers Automated Quotations (NASDAQ) et l’American Stock

Exchange (AMEX)2. C’est en effet principalement sur ces trois places boursières que les

sociétés américaines et étrangères cherchent à se faire coter. Le choix de considérer l'analyse

de l’impact de la SOX sur ces marchés de manière globale plutôt que sur l’un d’entre eux

seulement n’a pas été le fruit du hasard mais a été motivé par la complexité d’analyse et

d’accès aux données sur ces marchés et sur les entreprises qui y opéraient.

De même, les exigences de la Securities and Exchange Commission2 (dont la SOX fait partie

intégrante) ne s’appliquant pas à toutes les sociétés réalisant des transactions sur les marchés

financiers américains, mon travail s’est principalement focalisé sur l’impact de la SOX sur les

sociétés concernées. En effet, les sociétés effectuant des transactions via la « Rule 144a3 » ou

les ADR4 de niveau I ne sont pas soumises aux différentes contraintes réglementaires de la

Securites and Exchange Commission (SEC) et donc de la SOX. Cependant, afin de

comprendre l’impact de la loi sur les sociétés concernées, la comparaison avec des entreprises

non soumises à ces exigences s’est avérée particulièrement pertinente.

2 Cf. Glossaire pour définition

3 Cf. Glossaire pour définition et Annexe1 : La « Rule 144A » pour détail de la loi

4 Cf. Glossaire pour définition

9

En outre, mon travail s’est principalement intéressé à l’impact de la loi sur l’attractivité des

marchés financiers américains auprès des entreprises étrangères. En effet, si l’analyse de

l’impact de la loi sur les sociétés américaines s’est avérée précieuse, c’est bien la propension

des sociétés non américaines à se faire coter aux Etats-Unis qui a concentré mon attention.

L’analyse des effets de la loi sur les sociétés cotées aux US et d’origine américaine aurait

d’ailleurs pu faire l’objet d’un dossier à elle seule.

Enfin, c’est le cadre temporel qu’il est nécessaire ici de préciser. Ainsi, puisque la SOX a été

adoptée en 2002, c’est bien sur la période ultérieure à cette date que mon analyse s’est

principalement portée. Néanmoins, afin de comprendre les répercussions et conséquences de

l’adoption de la loi sur ces marchés, il m’a été nécessaire de comparer leur attractivité entre la

période pré et post-SOX. En prenant appui sur les différentes études réalisées par les auteurs

ayant abordé la question et à partir des données que j’ai pu obtenir au travers de mes

recherches, j’ai alors polarisé mon travail sur la période 1995-2008.

Relevons également que la littérature économique sur le sujet de l’attractivité des marchés

financiers américains suite à l’adoption de la SOX est abondante. En effet, dès 2003,

nombreux sont les auteurs universitaires, économistes et analystes financiers à s’être penchés

sur la question. Ces derniers ont alors cherché, notamment via des analyses statistiques de

données empiriques, à mettre en exergue le rôle potentiel de la loi sur la perte d’attractivité et

de compétitivité des marchés américains. Mais, de manière assez intéressante, les conclusions

de ces différentes études semblent controversées et fournissent parfois des explications

différentes du phénomène observé. Si certains affirment que la SOX est l’unique responsable

de la tendance constatée aux Etats-Unis, d’autres se refusent au contraire à faire de la loi la

seule coupable de tous les maux des marchés US. Toutefois, certaines divergences dans les

conclusions des auteurs semblent provenir de l’utilisation de données et de techniques

d’échantillonnage différentes. Ainsi, l’existence d’un consensus, serait-il seulement partiel,

sur l’impact de la SOX ne semble pas à première vue justifié mais ne peut pas non plus être

totalement remis en cause.

Un regard neuf sur le sujet semble donc être opportun pour tenter de comprendre quelles

conclusions se vérifient effectivement. Sans prétendre apporter la bonne et unique réponse au

sujet, ce dossier cherchera à répondre à la problématique suivante : l’adoption du Sarbanes-

Oxley Act de 2002 et la mise en place de la section 404 ont-elles été synonymes de perte

10

d’attractivité et de compétitivité des trois principaux marchés financiers américains auprès des

entreprises étrangères ?

Afin d’apporter une réponse satisfaisante à cette question de recherche, ce mémoire

s’articulera en trois parties. Dans un premier temps, la revue de la littérature permettra de

mieux cerner les raisons et motivations de l’adoption de la loi, ses principales caractéristiques

ainsi que les arguments en faveur et défaveur de l’idée d’une responsabilité de cette dernière

dans le déclin des marchés financiers américains. Ce premier volet débouchera alors sur la

formulation de trois hypothèses.

Une fois ces hypothèses posées, il s’agira naturellement dans une deuxième partie de les

tester. A cet effet il conviendra d’abord d’expliquer les méthodes et techniques de collecte des

données et de test. Enfin, il sera nécessaire, pour chacune d’entre elles d’analyser les données

recueillies. C’est dans cette optique que la troisième et dernière partie de ce dossier sera

dédiée à l’analyse et à l’interprétation des résultats ainsi qu’à la mise en lumière de leurs

limites intrinsèques et extrinsèques.

11

PARTIE I – ETAT DE L’ART

I. Les origines et les caractéristiques de la SOX passées au crible

Avant de nous focaliser sur le cœur du sujet de ce dossier, à savoir l’impact potentiel de la

SOX sur le déclin de l’attractivité des marchés financiers américains, il semble primordial au

préalable d’analyser les origines et raisons de l’adoption d’une telle loi ainsi que d’en

expliquer les principales caractéristiques.

A) A l’origine de la SOX, les scandales financiers du début des années 2000

Le début des années 2000 a été marqué par des révélations en cascade de nombreux scandales

financiers d’envergure et sans précédent. Ainsi, de grandes entreprises américaines,

présentées pendant de nombreuses années comme des modèles de réussite économique et

comme des sociétés pérennes, ont connu du jour au lendemain de graves difficultés

financières, voire se sont placées sous le chapitre 11 de la loi sur les faillites aux Etats-Unis.

C’est fut ainsi le cas de mastodontes tels Tyco, WorldCom, Global Crossing ou encore

Adelphia. Si les exemples de ce type ne manquent pas, les exigences de volume de ce dossier

nous ont amené à ne traiter que l’exemple le plus frappant, celui d’Enron.

1) L’exemple d’Enron : un cas d’école

12

Nombreux sont les auteurs à avoir analysé l’exemple d’Enron. Parmi eux, Paul M. Healy et

Krishna G. Palepu5 ont alors décrypté dès 2003 les raisons d’une descente aux enfers

imprévue.

La valeur de la société a augmenté de 56 % sur l’année 1999 puis de 87% sur l’année 2000

pour atteindre une valeur de 83,13$ par action et une capitalisation boursière excédant les 60

milliards de dollars. En outre, d’après la célèbre étude de "Fortune" sur les entreprises les plus

en vue, Enron était considérée comme l’une des plus innovantes. Pourtant, en l’espace d’un an

seulement, son image et sa valeur ont littéralement plongé dans les abysses. Mais avant

d’analyser les raisons de cette chute brutale, il semble opportun de définir le business de la

société et son évolution.

Créée par Kenneth Lay en 1985 après la fusion de Houston Natural Gas et d’Internorth, la

société était spécialisée dans le transport de gaz par oléoducs. Mais rapidement, avec la

volonté d’une croissance plus importante, Enron a décidé de diversifier son activité. Ainsi, en

2001, la société était un conglomérat qui possédait et dirigeait des oléoducs, des centrales

électriques, des usines de papier et même des entreprises de fibres optiques. Mieux, afin de se

couvrir contre les risques de volatilité des prix liés à la dérégulation des marchés énergétiques,

elle était également présente sur les places boursières en tant qu’opérateur de marché sur les

produits qu’elle produisait et vendait. En l'espèce, l’entreprise utilisait les nombreux dérivés

financiers à sa disposition tels les contrats swap, futures ou forward. Cette activité boursière

s’est d’ailleurs considérablement renforcée au fil du temps au détriment des activités

traditionnelles de la société puisqu’en 2000 son activité boursière pesait 20 fois celle de son

activité de fourniture de gaz. Toutefois, si l’extension vers des marchés proches comme celui

de l’électricité se sont bien déroulées, les choses ont été beaucoup plus compliquées pour la

transition sur des marchés totalement nouveaux comme celui de la fourniture de câbles à haut

débit sur lequel la technologie n’en était encore qu’à ses balbutiements. Si les débuts

semblaient prometteurs, la capacité à générer des profits sur le long-terme, du fait d’une

complexité accrue des activités de la société, était plus qu’incertaine.

Cette complexité a d’ailleurs révélé les limites de la comptabilité. En effet, tout en restant

dans la légalité, la société a tiré parti de ces limites pour piloter son résultat et son bilan et

5 Healy Paul M., Palepu Krishna G. (2003), “The Fall of Enron”, in Journal of Economics Perspectives, pp. 3-

26.

13

donc donner une belle image de ses performances, quand bien même ces dernières n’étaient

pas au rendez-vous. Par exemple, le « mark-to-market consiste à évaluer régulièrement, voire

en permanence, une position sur la base de sa valeur observée sur le marché au moment de

l’évaluation6 ». Enron a décidé d’utiliser cette démarche comptable pour évaluer la valeur des

contrats que la société signait sur plusieurs années voire décennies. C’est donc le

management de la société qui évaluait la valeur de ces contrats sur la base de la valeur

actuelle des cash flows futurs et donc des recettes et dépenses futures, quand bien même la

pérennité de ces contrats n’était pas assurée. C’est ainsi, par exemple, qu’Enron, après avoir

signé un contrat avec Blockbuster Video, a annoncé des profits estimés à plus de 110 millions

de dollars alors même que la viabilité technique et la demande étaient remises en question.

De plus, Enron a utilisé les sociétés ad hoc (Special Purpose Vehicle7 en anglais, SPV) pour

contrôler et piloter les risques sur ses actifs. Ces dernières sont au cœur des montages

destinés à permettre la déconsolidation comptable voire la non consolidation. Ces techniques

étaient alors développées pour "sortir du bilan" l'endettement des entreprises en transférant les

actifs et l’endettement corrélatif dans des sociétés ad hoc. C’est ainsi que la société, via la

création de plus de 100 SPV, réussissait à sous évaluer son endettement et à surévaluer ses

résultats. Toutefois, la mise en lumière de toutes ces irrégularités a forcé Enron, le 2

Décembre 2001, à déclarer faillite. La plupart des critiques se sont alors concentrées sur le

cabinet qui auditait Enron, le cabinet Arthur Andersen. Mais les responsabilités semblent plus

partagées qu’il n’y paraît à première vue.

Ainsi, d’après les auteurs, la direction est loin d’être exempte de tout reproche. En effet,

comme la plupart des entreprises américaines, Enron avait recours aux « stock-options ». En

2001, Kenneth Lay détenait plus de 5 millions d’actions alors que les autres membres de la

direction en détenaient plus de 12 millions. Si cela permet normalement d’aligner les intérêts

de la direction avec ceux des actionnaires, certains membres du top management sont parfois

tentés de faire augmenter la valeur de l’entreprise seulement sur le court-terme et donc au

détriment de la pérennité de l’entreprise.

De même, les auteurs ont mis en cause le comité d’audit, lequel avait, en 2001, traité en

l’espace d'une heure et vingt-cinq minutes seulement, des sujets aussi complexes que le

6 http://www.vernimmen.net/html/glossaire/definition_mark_to_market.html

7 Cf. Glossaire pour définition

14

rapport d’audit d’Arthur Andersen, la revue du plan de contrôle interne de 2001 ou encore un

rapport sur les principaux risques de contentieux de la société. Il n’a donc en aucun cas pu

remettre en question le rapport d’audit ou les relations paradoxales qui existaient entre la

société et ses entités ad hoc.

En outre, les auditeurs externes ont joué un rôle primordial dans cette affaire. Ainsi, Arthur

Andersen a été accusé de laxisme dans ses travaux d’audit du fait d’un conflit d’intérêt plus

que probable au regard du montant des honoraires perçus. En effet, en 2000, les honoraires

d’audit perçus par le cabinet pour ses travaux sur les comptes d’Enron ne représentaient pas

moins de 27% du chiffre d’affaires d’audit des sociétés cotées du cabinet de Houston. C’est

sans doute la raison pour laquelle le cabinet a décidé de fermer les yeux et même de supporter

les activités frauduleuses de la société.

Les analystes financiers ont aussi, à l'évidence, leur part de responsabilité. Dans le cas

d’Enron, de grands noms comme Lehman Brothers ont toujours incité à l’achat plutôt qu’à la

vente d’actions Enron. Ces banques d’investissement, qui entretenaient des relations

d’affaires étroites avec Enron, avaient naturellement tout intérêt à ce que les affaires marchent

bien.

Enfin, les autorités de régulation ne semblent pas avoir rempli correctement le rôle qui leur

était dévolu. En effet, si la plupart des règles comptables américaines présentaient l’avantage

d’être inflexibles et mécaniques, elles autorisaient des "pointures" de la littérature

économique et comptable à trouver des moyens de contourner la réglementation tout en s’y

conformant.

2) Des investisseurs ruinés et la nécessité de réagir rapidement

Enron n’a malheureusement pas été un cas isolé. En effet, ainsi que nous l'avons évoqué

précédemment, de nombreuses autres entreprises, longtemps considérées comme sûres et

saines, ont suivi le mouvement et sont tombées les unes après les autres. Naturellement, ces

chutes brutales n’ont pas été sans conséquences pour les marchés financiers et les ménages

américains.

15

Gregory C. Leon8 en a d’ailleurs apporté la preuve formelle. Ainsi il a prouvé que les faillites

ou difficultés financières d’Enron et compagnies ont entraîné un effondrement des marchés

américains. Le Nasdaq a, par exemple, perdu 70% de sa valeur entre son apogée en 2000 et le

30 juillet 2002, date d’adoption effective de la SOX. De plus, le S&P 5009 a, pour sa part,

chuté de plus de 40% quand le Dow Jones enregistrait une baisse de plus de 25%. Le

graphique ci-après est d’ailleurs la parfaite illustration de ces propos. Hsihui et al. (2006) ont

par ailleurs prouvé que, sur la même période, la perte de confiance des investisseurs avait

entraîné un recul de 54% des volumes de transactions.

Enfin, à la suite de ces différentes turbulences, The Labor Research Association a expliqué

que de 2000 à la fin de l’année 2001, la valeur totale des actifs du Plan 401(k)9, c'est-à-dire le

système d’épargne retraite des Etats-Unis, a diminué de 10,1%, soit une baisse de l’ordre de

279 milliards de dollars. En effet, via leur plan de retraite, de très nombreux ménages

américains ont investi indirectement sur les marchés financiers touchés par les scandales à

répétition. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la situation catastrophique des

8 Leon Gregory C. (2006), “Stigmata: The Stain of Sarbanes-Oxley on US Capital Markets”, in the International

Conference on Emerging Markets Finance & Economics in Istanbul, pp. 125-181

9 Cf. Glossaire pour définition

16

marchés américains en 2001. Il n’y avait donc rien d’étonnant à voir la confiance des

investisseurs US dans leur système capitaliste comme dans la capacité de leur gouvernement à

les protéger se dégrader fortement. Pour faire face à cette défiance sans précédent, le

législateur a vite intégré la nécessité de prendre des mesures rapides. C’est la raison pour

laquelle, sous une pression populaire croissante, le Congrès US a brutalement adopté le

Sarbanes-Oxley Act le 30 juillet 2002.

Cependant, en étant sous pression et à vouloir aller trop vite, le Congrès américain n’a peut-

être pas étudié assez en détail les véritables causes de ces scandales et a adopté une loi à la

hâte pour contenter un maximum de monde. Les critiques qui se sont alors faites entendre

seront analysées dans la suite du dossier.

B) Mais qu’est-ce donc que le Sarbanes-Oxley Act ?

1) Une revue globale des aspects réglementaires de la SOX

La SOX a donc été ratifiée par le président Bush le 30 juillet 2002 après son adoption

quelques jours plus tôt par le Sénat et le Parlement américain. Cette loi était, selon ses propres

dires, « la réforme la plus importante du monde des affaires américain depuis Franklin D.

Roosevelt ».

Son objectif, clairement affiché, est de restaurer la confiance des investisseurs bafouée par

nombreux scandales financiers. Pour remplir ce contrat, la loi contient 11 Titres différents qui

décrivent les multiples exigences liées au reporting financier des sociétés cotées aux Etats-

Unis. Chacun de ces titres est ensuite divisé en plusieurs sections qui fournissent de plus

amples détails sur ces contraintes réglementaires. Etant donné les très nombreuses

ramifications de cette loi, il ne nous a naturellement pas été possible de la traiter de façon

exhaustive10

. Nous nous sommes alors attachés, notamment au travers des articles d’Hervé

10

Cf Annexe 2 : « Les 11 Titres de la SOX » pour le détail

17

Stolowy11

et de Gregory C. Leon12

, d'en présenter les aspects les plus marquants et les plus

importants.

Premièrement, c’est essentiellement sur l’amélioration du reporting financier que la SOX

insiste fortement. Ainsi la section 302 exige-t-elle que le PDG et le DAF des entreprises qui

soumettent des rapports à la SEC certifient que chaque rapport annuel ou trimestriel a été

revu, qu'il est sincère et qu’il ne cherche pas à induire en erreur. La section 404, pour sa part,

exige que les rapports annuels conformes au Security Exchange Act de 1934 contiennent un

rapport sur le contrôle interne qui affirme que le management est responsable de

l’établissement, du maintien et de l’évaluation de la structure de contrôle interne et des

procédures de reporting financier. Cette section sera plus amplement développée dans la

partie suivante. De plus, la section 101 a entraîné la création du Public Company Accounting

Oversight Board (PCAOB)13

, organe indépendant ayant pour mission la supervision de l’audit

des sociétés cotées qui sont assujettie à la SEC.

C’est ensuite sur le renforcement de l’indépendance et sur la diminution des conflits

d’intérêts que l’accent est porté. La Section 201 impose ainsi, pour un même client, une stricte

séparation des missions de conseils et des missions d’audit des états financiers. La Section

301, quant à elle, exige que chaque membre du comité d’audit fasse également partie du

Conseil d’Administration et soit indépendant. La Section 406 impose la communication d’un

code éthique de la part du top management. Enfin, la Section 402 interdit aux sociétés

d’accorder un prêt à l’un des membres de la direction, sauf si l’activité de crédit constitue

l’activité principale de l’entreprise.

La protection des conduites à risques est également au cœur de la SOX. La Section 307

impose en effet aux avocats de communiquer toute preuve de violation de la loi de sécurité

financière de la part de la société ou de l’un de ses salariés. La Section 301 exige du comité

d’audit qu’il établisse une procédure de réception, de rétention et de traitement des plaintes

11

Stolowy Hervé et al. (2003), « Audit financier et contrôle interne : l’apport de la loi Sarbanes-Oxley », in

Revue française de gestion, n°147, pp.133-143.

12 Leon Gregory C. (2006), “Stigmata: The Stain of Sarbanes-Oxley on US Capital Markets”, in the

International Conference on Emerging Markets Finance & Economics in Istanbul, pp. 125-181

13 Cf Glossaire pour définition

18

reçues. En outre, les Sections 806 et 1107 renforcent la protection des employés contre les

représailles éventuelles consécutives à la dénonciation d’une fraude de la part d’un des

employés ou de la direction.

Enfin, la SOX met l’accent sur les sanctions et accentue les moyens de dissuasion. Ainsi les

Titres VIII, IX et XI renforcent-ils considérablement les sanctions pénales mais aussi

financières pour les sociétés qui ne se conformeraient pas à la loi. A titre d’exemple, suite à

l’adoption de la loi, les peines de prison peuvent alors s’élever jusqu’à 20 ans et les amendes

jusqu’à 5 000 000 de dollars.

Enfin, la SOX renforce considérablement le rôle de la SEC. La Section 107 lui offre par

exemple la supervision du Board. La SEC peut alors modifier voire censurer les actions

entreprises par ce dernier. La Section 303 lui donne également l’autorité exclusive pour

entreprendre des recours judiciaires contre des personnes ou des sociétés cherchant à

influencer les auditeurs externes. Dans le même ordre d’idée, la Section 1105 permet in fine à

la SEC d’empêcher une personne d’être PDG ou DAF d’une société cotée.

2) Focus sur la section la plus controversée de la SOX : la Section 404

Les caractéristiques fondamentales de la SOX étant maintenant posées, il est sans doute

intéressant de s’attarder un peu plus longuement sur l’une des sections les plus controversées

de la loi, en l’espèce, la Section 404. En effet, ce sont les exigences liées au contrôle interne

des entreprises qui ont suscité les plus vives critiques. Mais avant d’en analyser les coûts et

les avantages, il semble nécessaire d’en expliquer les fondamentaux.

La définition de la notion de contrôle interne semble cependant être un prérequis. Ainsi,

d’après la SEC, le contrôle interne est « un processus mis en place par ou sous la

responsabilité du PDG, du DAF ou de toute autre personne exerçant une fonction similaire et

certifié par le conseil d’administration, fournissant une assurance raisonnable de la fiabilité du

reporting financier et de la préparation des états financiers en accord avec les principes

comptables en vigueur (GAAP) ». Il convient de noter qu’en rédigeant cette définition du

contrôle interne, la SEC s’est rapproché du cadre de contrôle interne défini en 1992 par le

« Committee of Sponsoting Organizations of the Tradeway Commission (COSO)14

». Il

fournit, en effet, un cadre pertinent pour la mise en place d’un contrôle interne efficace et

14

Cf Glossaire pour défintion et Annexe 3 : « Le cube COSO » pour le détail

19

repose sur 5 composants majeurs : l’environnement de contrôle, l'évaluation des risques, les

activités de contrôle, l’information et la communication et la supervision.

Le contrôle interne étant défini, intéressons-nous aux différentes exigences de la Section 404

qui lui sont liées. Comme l’ont explicité entre autres Sak Bhamornsiri, Robert Guinn, Richard

G. Schroeder15

, la section 404 est divisée en deux sections distinctes : la section 404 (a) et la

section 404 (b). La première souligne la responsabilité du management et lui impose

l’émission d’un rapport sur le contrôle interne de la société dans lequel il affirme sa

responsabilité dans la mise en place et le maintien d’un système de contrôle interne adéquat

au regard de l’information financière. Le rapport doit également contenir une évaluation du

contrôle interne de l’entreprise. Enfin, cette section impose au PDG, au DAF et à toute autre

personne exerçant une fonction similaire de certifier sur une base trimestrielle et annuelle la

fiabilité du système de contrôle interne. La seconde, la section 404 (b) en l’occurrence,

souligne la responsabilité de l’auditeur externe. Il doit certifier que le management a

effectivement évalué son contrôle interne et doit émettre sa propre opinion sur la fiabilité de

ce dernier. L’auditeur doit donc fournir deux opinions différentes. Dans un premier temps, il

doit dire si la direction a correctement effectué son évaluation du contrôle interne. Ensuite, il

doit émettre une opinion sur la fiabilité du système de contrôle interne de la société et sur le

respect des différentes exigences de la loi.

L’auditeur doit émettre un refus de certifier le contrôle interne de la société s’il relève une ou

plusieurs anomalies significatives lors de ses travaux. A noter toutefois que l’auditeur peut

émettre une certification sans réserve des états financiers alors même qu’il a émis un refus de

certification de l’efficacité du contrôle interne. Il doit alors prouver qu’il a réalisé des

procédures alternatives qui permettent de s’assurer que les états financiers sont dépourvus

d’anomalies significatives. Le rapport sur le contrôle interne doit être transmis à la SEC avec

le rapport sur les comptes annuels.

Toutes ces nouvelles exigences ont alors naturellement réduit la liberté des individus et des

organisations. Dès lors, les critiques n’ont pas tardé à se faire entendre et ont parfois semblé

15

Bhamornsiri Sak, Guinn Robert, Schroeder Richard G. (2008), “International Implications of the Cost of

Compliance with the External Audit Requirements of Section 404 of Sarbanes-Oxley”, in International

Advances in Economic Research, pp. 17-29.

20

justifiées. Ainsi, de nombreux auteurs se sont penchés sur l’analyse des coûts de la SOX et

n’ont pas « pris de gants » pour l’attaquer ouvertement.

Ces critiques se sont focalisés principalement sur trois axes distincts. Dans un premier temps,

ce sont les hausses substantielles des coûts de conformité qui ont été incriminées. D’après

Krishnan16

(2008) ces coûts additionnels supportés pour se conformer à la section 404 de la

SOX étaient de trois types : les honoraires d’audit liés à un besoin de travaux plus conséquent,

les coûts de recrutement de personnel supplémentaire et les coûts liés aux dépenses de

consulting et d’investissement en nouvelles technologies. Ainsi, Raghunandan et Rama17

(2006) ont-ils, par exemple montré que les honoraires d’audit avaient augmenté de 86% pour

les entreprises s’étant conformées à la section 404 en 2004 et que ces mêmes honoraires

étaient de 46% supérieurs pour les entreprises déclarant des faiblesses significatives de leur

contrôle interne. En outre, des auteurs comme Ebrahim18

(2010) ont montré que ces hausses

n’avaient pas été proportionnelles à la taille du client. Ainsi, les PME ont dû supporter un

fardeau beaucoup plus lourd que les grandes entreprises.

C’est ensuite sur les ambiguïtés de la loi que certains auteurs se sont attardés. Ainsi, Gupta et

Leech19

(2005) ont montré que l’absence d’un guide pratique pour le management sur les

critères d’évaluation des contrôles était préjudiciable. Ils ont ensuite mis en exergue le

manque de clarté des définitions de l’Auditing Standard N°2 sur les différents types

d’anomalies. A titre d’exemple, les frontières entre les notions de « more than

inconsequential » et de « more than remote » restaient particulièrement floues. Enfin, les

auteurs ont montré que le manque de précision des textes poussait auditeurs comme audités à

adopter une démarche fondée plus sur les contrôles que sur les risques. Or, tous ces éléments

16

Krishnan Jagan, Rama Dasaratha, Zhang Yinghong (2008), “Cost to comply with SOX section 404”, in A

Journal of Practice & Theory, Vol. 27, N°. 1, pp. 169-186

17

Raghunandan and Rama (2006), “SOX Section 404 material weakness disclosures and audit fees”, in A

Journal of Practice & Theory, 25(1), pp. 99-114.

18 Ebrahim Ahmed (2010), “Audit fee and auditor change: the effect of Sarbanes-Oxley Act”, in Managerial

Auditing Journal 25.2, pp.102-121.

19

Gupta Parveen P., Leech Tim (2005), “Making Sarbanes-Oxley 404 work - Reducing cost, Increasing

effectiveness”, in International Journal of Disclosures and Governance, vol. 3, n°1.

21

ont amené chacune des parties, les auditeurs en particulier, à réaliser de nombreux travaux

parfois totalement inutiles et coûteux. En effet, les cabinets d’audit, du fait des contrôles du

PCAOB, cherchaient à se prémunir de tous les risques en réalisant plus de travaux que

nécessaires et augmentaient alors leurs honoraires en conséquences.

Enfin, des auteurs comme Bhamornsiri, Guinn, et Schroeder20

(2008) ont montré que

l’adoption de la SOX était responsable, au moins partiellement, de la perte d’attractivité des

marchés financiers américains. A titre d’exemple, en 2006, le niveau des entrées en bourse ne

représentait qu’un tiers de celui de 2002. Notons toutefois que cette critique fera l’objet d’une

attention toute particulière dans la suite de ce document puisqu’il s’agit ici du cœur du sujet

de ce mémoire.

Cependant, la SOX n’a heureusement pas entraîné que des surcoûts et certains auteurs ont

cherché à la défendre. En effet, ces nouvelles exigences ont été mises en place par les

législateurs car elles offraient de nombreux avantages aux entreprises concernées. Wagner et

Dittmar21

(2006) ont ainsi montré que la conformité à la Section 404 permettait aux

entreprises de devenir maître de leurs contrôles, de renforcer leur environnement de contrôle,

d’uniformiser les processus parfois redondants et donc inutilement coûteux et d’améliorer la

documentation de ces derniers. Comme l’a expliqué Nagy22

(2010), l’évolution positive de

ces différents paramètres a permis de réduire la probabilité d’émettre des états financiers

erronés. L’application de la règlementation a donc permis d’atteindre l’un de ses objectifs

prioritaires, soit l’amélioration de la qualité de l’information financière.

Cette amélioration a d’ailleurs eu des conséquences plus que positives sur l’accès au capital

des entreprises. Schneider et Church23

(2008) ont ainsi montré que les entreprises qui

20

Bhamornsiri Sak, Guinn Robert, Schroeder Richard G. (2008), “International Implications of the Cost of

Compliance with the External Audit Requirements of Section 404 of Sarbanes-Oxley”, in International

Advances in Economic Research, pp. 17-29.

21 Wagner Stephen, Dittmar Lee (2006), « Les avantages imprévus de la loi Sarbanes-Oxley », in Harward

Business Review.

22 Nagy Albert L. (2010), “Section 404 Compliance and Financial Reporting Quality”, in Accounting Horizons,

vol. 24, n°3, pp. 441 – 454.

23 Schneider Arnold, Church Bryan K. (2008), “The effect of auditors’ internal control opinions on loan

decisions”, in Journal of Accounting and Public Policy, pp.1-18.

22

reçoivent une certification sans réserves de leur contrôle interne pouvaient avoir un accès plus

facile et à moindre coût au financement par dette bancaire. En effet, les prêteurs semblent

clairement valoriser les opinions des auditeurs sur le contrôle interne des sociétés. De même,

se conformer à la loi permettrait de faire baisser le coût des capitaux propres. Les

investisseurs, étant mieux informés sur les risques de l’entreprise, exigeraient des rentabilités

inférieures. Ainsi, Asfbaugh-Skaife a montré que les entreprises qui améliorent leur système

de contrôle interne et obtiennent une certification sans réserve voient le coût de leur capital

fortement diminué.

En outre, contrairement à ce que nombreux opposants à la loi ont voulu faire croire, une étude

de Bedard (2006) a montré que les performances financières des entreprises disposant d’un

contrôle interne efficace ont augmenté lors de l’émission de leur premier rapport. La

soumission à la SOX pourrait ainsi jouer favorablement sur les performances des entreprises.

Enfin, la SOX et la Section 404 plus particulièrement ont entraîné un avantage, non des

moindres : la baisse du nombre de fraudes. En effet, comme l’a expliqué Prentice24

(2007), se

sachant surveillés, les acteurs économiques ont moins tendance à chercher à contourner les

règles et méthodes comptables en vigueur.

Au final, si la section 404 et la SOX plus globalement ont généré des coûts importants, les

avantages tirés de la conformité à cette dernière sont loin d’être négligeables. Reste à savoir

qui, des bénéfices ou des coûts, l’emportent. Le débat semble loin d’être tranché.

3) Une adoption compliquée par un cadre réglementaire déjà bien fourni

Il semble également opportun de préciser que l’adoption de la SOX a été rendue encore plus

compliquée du fait de son introduction au moment même où la législation internationale

connaissait des mutations profondes.

Premièrement, il est intéressant de noter qu’avant même l’adoption de la SOX, les marchés

financiers américains étaient déjà les plus régulés et les plus contraignants au monde.

24

Prentice Robert A. (2007), “Sarbanes-Oxley: The evidence regarding the impact of section 404”, in McCombs

Research Paper Series, No. IROM-09-0.

23

L’adoption du Securities Exchange Act de 1934 avait déjà lourdement renforcé les exigences

de reporting des entreprises américaines.

Ensuite, la SOX a vu le jour alors que les accords de Bâle II commençaient à être débattus. En

effet, c’est en 2004 que les nouvelles recommandations tel le passage du ratio Cooke au ratio

McDonough25

ont été publiées. Ces contraintes supplémentaires n’ont naturellement pas

favorisé la correcte mise en place des exigences de la SOX pour les institutions financières

européennes.

Enfin, l’adoption de la SOX s’est effectuée au moment même où les « International Financial

Reporting Standards24

» (dit IFRS) voyaient le jour. Ces normes s’appliquaient alors à partir

de 2005 pour toutes les sociétés européennes cotées, c’est-à-dire à une date assez proche de

celle de l’application des exigences de la SOX. Cette nouvelle réglementation était lourde et

coûteuse à mettre en place et ne tombait donc pas au meilleur moment pour les sociétés

étrangères qui étaient cotées aux Etats-Unis ou qui souhaitaient y entrer en bourse.

Notons toutefois que les deux réglementations précédemment citées touchaient

principalement les entreprises européennes et n’avaient donc d’impact sur la mise en place de

la SOX que pour les sociétés non américaines cotées aux Etats-Unis. Quoiqu’il en soit,

l’adoption de la SOX s’est effectuée dans un cadre réglementaire international en pleine

mutation qui n’a en rien facilité la tâche déjà ardue des entreprises soumises à la loi.

4) Des aménagements proposés pour répondre aux critiques

Lors de l’adoption de la loi, la SEC avait fourni un programme détaillé sur les dates légales de

conformité. Toutefois, les critiques et les nombreuses lettres de recommandations qui lui ont

été adressées l’ont amené à repenser certains de ces critères.

Ainsi, à l’origine, les sociétés disposant d’une capitalisation boursière ou « public float24

» de

plus de 75 millions de dollars remplissaient les conditions des « accelerated filers » telles que

définis par la SEC. Ces dernières devaient alors se soumettre aux exigences de la SOX à partir

du 15 décembre 2002. La date légale de conformité aux exigences plus spécifiques de la

Section 404 avait quant à elle était fixée au 15 novembre 2004.

25

Cf Glossaire pour définition

24

Les « non accelerated filers », à savoir les entreprises avec une capitalisation boursière de

moins de 75 millions de dollars mais également les entreprises étrangères, se sont vues

accorder un délai plus long. Ainsi, ces dernières devaient se conformer à la SOX à partir de

décembre 2007. Concernant les exigences de la Section 404, la date légale de conformité avait

été initialement fixée au 15 décembre 2008. Mais en raison des nombreuses critiques et études

sur le sujet, la SEC a décidé le 2 octobre 2009 de leur accorder un délai supplémentaire.

Ainsi, la conformité à la Section 404 a finalement été repoussée à juin 2010.

De même, lors de l’adoption de la loi, la SEC avait publié « l’Auditing Standard N°2 : An

Audit of Internal Control Over Financial Reporting Performed in Conjunction With an Audit

of Financial Statements ». C’est cette règle qui servait de guide aux auditeurs et aux audités et

qui définissait les différentes anomalies à considérer lors de l’audit du contrôle interne. Mais,

comme nous l'avons vu précédemment, de nombreuses voix se sont élevées contre le manque

de clarté de ces différentes définitions. La SEC a alors pris ces diverses remarques et

commentaires en compte et a donc décidé, le 25 juillet 2007, d’adopter « l’Auditing Standard

N°5 : An Audit of Internal Control over Financial Reporting That Is Integrated with An Audit

of Financial Statements26

». L’objectif de cette publication était alors de fonder l’évaluation

du management et des auditeurs plus volontiers sur les risques que sur les contrôles. Il

s’agissait également d’être moins prescriptif afin de permettre à l’auditeur de se concentrer

principalement sur les tests qu’il jugeait nécessaire et d’éliminer les procédures inutiles. Ce

texte rendait alors l’audit plus adaptable au contexte, à la taille et à la complexité des

entreprises.

Ces différents aménagements montrent donc que certaines des critiques formulées à l'endroit

de la SOX étaient justifiées et que la SEC a essayé de les prendre en considération. Toutefois,

cette dernière a su rester ferme sur certains points qu’elle considérait comme primordiaux.

Ainsi, malgré les différentes pressions subies pour exempter les PME et les entreprises

étrangères des exigences de la section 404, la SEC n’a jamais cédé et a toujours affirmé sa

ferme intention de faire appliquer la loi à toutes les sociétés cotées aux Etats-Unis,

indépendamment de leur taille ou de leur pays d’origine.

26

Cf Annexe 4 : « Le passage de l’Auditing Standard N°2 à l’Auditing Standard N°5 »

25

II. Les liens potentiels entre l’adoption de la SOX et la perte de compétitivité des

marchés financiers américains auprès des entreprises étrangères

Les origines et raisons de l’adoption de la SOX ainsi que ses principales caractéristiques étant

maintenant clairement explicités, il semble opportun de se plonger dans le cœur du sujet de ce

mémoire, l’impact potentiel de la loi sur la perte d’attractivité du marché US auprès des

sociétés étrangères. Mais avant d’analyser le débat qui fait rage autour de ce sujet sensible, il

nous semble primordial d’expliquer les raisons traditionnelles qui ont poussé les entreprises

non américaines à vouloir se faire coter aux Etats-Unis. De même, l’analyse des différents

moyens de cotations et du processus de retrait des marchés financiers américains semblent

être un pré-requis à notre analyse.

A) Le contexte général de l’analyse

1) Les raisons traditionnelles de la multicotation aux Etats-Unis

Depuis plusieurs décennies, nombre d’entreprises étrangères ont fait le pari de la

multicotation27

aux Etats-Unis. De nombreux auteurs se sont alors intéressés aux raisons qui

ont motivé certaines entreprises à entrer en bourse sur un autre marché que sur celui de leur

27

Cf Glossaire pour définition

26

pays d’origine. L’analyse de leurs études nous a alors permis de dégager trois raisons

principales à la cotation multiple.

La première d’entre elle est la réduction du coût des fonds propres. Ainsi, une enquête réalisée

par Erruneza et Miller (2000) a prouvé que l’accès à un capital moins onéreux que sur son

marché d’origine pouvait être un facteur significatif de motivation pour certaines sociétés

étrangères. Un an plus tôt, Stulz fournissait déjà les explications de cette possibilité de lever

des fonds à moindre coût. Il affirmait alors que cette baisse, suite à la multicotation, était liée

à deux phénomènes fondamentaux : des exigences de rendements plus faibles de la part des

actionnaires du fait d’une diversification des portefeuilles et donc des risques d’une part et des

coûts d’agence réduits lors de l’augmentation de capital d’autre part. De manière plus

concrète, l’étude menée par Sarkissian et Schill (2009) a permis de mettre en évidence que le

coût des fonds propres baissait significativement sur les cinq premières années, voire même

sur la première décennie, suivant la cotation étrangère.

La deuxième raison tient au renforcement de la reconnaissance et de la visibilité des sociétés.

L’étude de Bancel et Mittoo (2001) a montré que 56,8% des entreprises européennes ayant

répondu à leur enquête avaient indiqué que la visibilité accrue, le prestige et l’image étaient

des facteurs de motivation primordiaux. Cette notoriété renforcée a notamment été autorisée

par une couverture médiatique plus forte des sociétés nouvellement cotées aux Etats-Unis. En

effet, leur présence sur le territoire américain a poussé les analystes financiers à s’intéresser

de plus près à leur business. Et malgré des prévisions plus pessimistes que pour les sociétés

d’origine US, ces analystes envisageaient tout de même de meilleures perspectives pour ces

dernières.

Enfin, c’est l’amélioration de la gouvernance d’entreprise qui serait l’un des facteurs clés des

multicotations. La théorie de « la crédibilité par association » ou « bonding theory »

développée par Coffee et Stulz (1999) a ainsi lourdement insisté sur cet aspect. Elle repose

sur l’idée selon laquelle les entreprises bénéficient de leur cotation sur les marchés US du fait

de leur entrée sur un marché avec un environnement réglementaire très dense. Ainsi, ce cadre

légal beaucoup plus stricte, en renforçant les contraintes de communication des informations

financières, limite la possibilité des membres du top management d’exploiter des informations

privilégiées (acte plus connu sous le nom de délit d’initié) et donc de s’enrichir aux dépens

des autres actionnaires. Cette protection a d’ailleurs permis, selon Reese et Weisbach de

renforcer la capacité des entreprises concernées à lever des fonds non seulement aux Etats-

27

Unis mais aussi sur leur marché d’origine et ailleurs dans le monde. Ces propos ont par la

suite été confirmés par Doidge, Karolyi et Stulz28

(2007) qui ont montré qu’entre 1993 et

2002, les fonds levés par les entreprises avant et après leurs multicotations étaient passés de 3

à 17 milliards de dollars aux Etats-Unis, de 15 à 79 milliards sur leur marché d’origine et de

10 à 55 milliards sur les autres marchés.

Les raisons qui ont poussé les sociétés étrangères à se faire coter aux Etats-Unis sont donc

multiples et non négligeables. La question qui se pose alors est de savoir si le déclin des

marchés US est liée au fait que la SOX a entraîné la suppression de ces différents bénéfices.

Nous tenterons d’y apporter une réponse dans la suite de ce document.

2) Différents moyens de cotations et différentes obligations

Si les raisons de la multicotation aux Etats-Unis ont été explicitées, il semble désormais

important de comprendre quels sont les différents moyens et outils qui permettent d'y accéder

ainsi que les différentes obligations et contraintes qui leurs sont liées.

L’outil le plus classique est naturellement la cotation ordinaire sur l’un des trois marchés

financiers américain, le NYSE, le NASDAQ ou l’AMEX en l’espèce. Ainsi, les entreprises

qui souhaitent y faire admettre leurs titres doivent simplement remplir certains critères

notamment en termes de taille (capitalisation boursière, ratios comptables…). Les sociétés qui

optent pour cette option émettent alors leurs titres de la même manière que les sociétés

américaines et sont donc soumises aux mêmes lois et réglementations qu'elles. Elles doivent

par exemple publier leurs états financiers selon les normes comptables en vigueur aux Etats-

Unis, à savoir les US GAAP. De même, dès qu’elles remplissent les conditions des

« accelerated filers », elles doivent se soumettre aux exigences de la SEC et donc de la SOX.

Notons toutefois qu’à l'exception de quelques firmes canadiennes, très peu d’entreprises ont

choisi cette option ces dernières années.

En effet, la majorité des entreprises étrangères ont plutôt privilégié le recours à des

programmes d’émission de certificats d’actions étrangères, les fameux « American Depositary

28

Doidge Craig, Karolyi George Andrew, Stulz René M. (2007), “Has New-York become less competitive in

global markets? Evaluating foreign listing choices over time”, in ECGI Working Paper Series in Finance

28

Receipt ». D’après Vernimmen, ces derniers peuvent se définir comme « des certificats

nominatifs émis par une banque américaine en contrepartie d'un dépôt d'un certain nombre

d'actions étrangères sur ses livres. La banque gère pour le compte de l'émetteur les flux de

dividendes et le registre des détenteurs. Les ADR sont classés par niveau (de 1 à 4) selon le

seuil d'informations exigé par l'autorité boursière américaine (Securities and Exchange

Commission), le niveau 3 correspondant à une cotation complète ».

Hostak, Lys, Yang et Karaoglu29

(2012) ont alors apporté quelques précisions sur ces

différents outils et sur les obligations de chacun d’entre eux. Les ADR de niveau I sont

échangés sur les Pink Sheets30

et sont largement exemptés des obligations de la SEC et donc

de la SOX. Ils ne permettent pas d’effectuer des augmentations de capital ou d’effectuer des

offres publiques d’échange mais servent uniquement à élargir le nombre d’investisseurs et à

assurer une présence sur les marchés US.

Les ADR de niveau II et III s’échangent pour leur part sur les marchés financiers ordinaires.

Les ADR de niveau II incluent les actions auparavant émises à l’étranger alors que ceux de

niveau III permettent aux entreprises de lever des fonds par l'émission de nouvelles actions.

Les entreprises ayant recours à ces deux niveaux d’ADR sont donc considérées comme des

déclarants auprès de la SEC et sont donc sujettes à ses exigences, y compris celles de la SOX.

Elles doivent donc communiquer des rapports annuels, fournir des informations semestrielles

et notamment une réconciliation de leurs comptes avec les US GAAP sur le Form 20-F31

.

Quelques exceptions pour les entreprises étrangères ont toutefois été accordées. A titre

d’exemple, elles sont exemptées de fournir certaines informations comme la rémunération de

leurs dirigeants ou les charges de retraites. De même, alors que les sociétés US doivent

remettre leur rapport annuel à la SEC dans un délai de 90 jours suivants la clôture des

comptes, les entreprises étrangères disposent d’un délai de 180 jours.

Enfin, le dernier outil pour se faire coter aux Etats-Unis est le recours aux placements privés

régis par la règle 144A. Ces placements s’effectuent auprès des « Qualified Institutional

29

Hostak Peter, Lys Thomas, Yang Yong George, Karaoglu Emre (2012), “An examination of the impact of

SOX on the attractiveness of US Capital Markets for foreign firms”, Electronic copy available at

http://ssrn.com/abstract=956020

30 Cf Glossaire pour définition

31 Cf Glossaire pour définition

29

Buyers » c’est-à-dire d’investisseurs institutionnels et n’offrent qu’une liquidité limitée.

D’ailleurs, compte tenu de la nature de ces investisseurs, les exigences et contraintes

réglementaires sont restreintes au strict minimum. Ainsi, les entreprises choisissant cette

option ne sont pas soumises aux exigences de la SEC et donc de la SOX.

Il apparaît donc ici clairement que les exigences de la SOX ne s’appliquent qu’aux entreprises

étrangères ayant recours à une cotation ordinaire ou aux ADR de niveaux II et III. Les

analyses sur le rôle de la loi sur la perte d’attractivité des marchés US s’intéresseront donc

principalement à ce type de transactions.

3) Un processus de retrait compliqué mais assoupli

Intéressons-nous maintenant au processus de retrait des marchés financiers américains. En

effet, la connaissance des prérequis à la sortie de la multicotation aux Etats-Unis est

primordiale.

Mais dans un premier temps précisons qu’il existe différents types de retraits. Ainsi faut-il

bien distinguer les retraits volontaires des retraits involontaires et des retraits de fusion-

acquisition. Les premiers correspondent à des retraits liés à une requête expresse des sociétés

et à une réelle volonté de leur part de se soustraire aux obligations et exigences de la SOX.

Les seconds correspondent à des retraits forcés et initiés par le marché lui-même en raison de

difficultés financières ou d’une non-conformité aux différentes obligations légales. Enfin, les

retraits liés aux opérations de fusions-acquisitions ont lieu lorsqu’une entreprise cotée rachète

ou est rachetée par une autre société cotée. Il apparaît ici évident que pour analyser l’impact

potentiel de la SOX sur le déclin des marchés US, nous devrons principalement nous focaliser

sur les retraits volontaires.

Chaplinsky et Ramchand32

(2009) nous permettent ensuite de comprendre le processus de

retrait des marchés US et son évolution. Ainsi, ces derniers ont expliqué que lorsqu’une

entreprise est cotée aux USA, elle doit respecter à la fois les exigences du marché sur lequel

elle se trouve et les exigences de la SEC. Mais si le retrait de la cote officielle permet de

32

Chaplinsky Susan, Ramchand Latha (2009), “First impressions count: Foreign firms' entry and exit from the

US”, Electronic copy available at http://ssrn.com/abstract=1362261

30

s’acquitter des exigences du marché, il ne signifie pas pour autant un acquittement vis-à-vis

des exigences de la SEC. En effet, pour jouir complètement des économies résultant d’une

soustraction aux obligations de la SEC et donc de la SOX, les entreprises concernées doivent

également se désinscrire ce qui, avant mars 2007, était un processus compliqué.

En effet, toutes les entreprises sont capables de se retirer de la cotation officielle mais toutes

ne sont pas en mesure de se désinscrire de la SEC. L’inscription à la SEC est fonction non

seulement de la cotation mais aussi de l’existence d’une base significative d’actionnaires.

Ainsi, avant 2007, les entreprises étrangères avec des actifs supérieurs à 10 millions de dollars

et qui disposaient d’au moins 500 actionnaires dont 300 étaient des résidents américains

étaient obligatoirement soumises à la section 12 de l’Act de 1934 indépendamment du fait

d’être cotées ou non. Ainsi, avant de se désinscrire, une entreprise devait vérifier qu’elle

disposait bien de moins de 300 actionnaires aux Etats-Unis, ce qui n’était pas une mince

affaire. En effet, la manière de compter les actionnaires US qui détenaient leurs ADR et leurs

actions ordinaires sous-jacentes était particulièrement compliquée. Ainsi, si les titres étaient

détenus par des institutions financières (banques, fonds, courtiers…), les entreprises

étrangères devaient identifier, sur une base mondiale, le nombre de comptes distincts

contenant les actions des résidents américains.

En réponse à ces problèmes, la SEC a amendé les règles concernant la désinscription. La Rule

12-633

, approuvée le 21 mars 2007 puis devenue effective le 4 juin 2007, a facilité la

désinscription des sociétés étrangères. Les contraintes de retrait ont été particulièrement

allégées et de nombreuses sociétés qui avaient renoncé à se retirer des marchés du fait d’un

processus trop complexe ont alors pu effectuer leur sortie. De plus, puisque de nombreuses

démarches étaient nécessaires pour se soustraire complètement à l’ensemble des lois

financières américaines avant 2007, il est raisonnable de penser que les entreprises ayant pris

la décision de se retirer de la cotation officielle avant 2007 étaient particulièrement motivées à

le faire.

B) L’adoption de la SOX : un lien direct avec la perte de compétitivité et

d’attractivité des marchés financiers américains

33

Cf Annexe 5 : « La Rule 12h-6 »

31

Au regard des nombreux avantages décrits précédemment, il semble évident que, par le passé,

les bénéfices d’une multicotation aux Etats-Unis excédaient les coûts. Toutefois l’adoption de

la SOX pourrait avoir changé la donne. En effet, compte tenu des nombreuses exigences et

contraintes réglementaires, les entreprises étrangères doivent désormais se demander si les

bénéfices apportés par l’entrée en bourse aux Etats-Unis sont toujours supérieurs aux coûts et

s’il ne serait pas plutôt avantageux de s’en retirer ou simplement de n'y pas rentrer.

L’évolution des marchés financiers américains semblent en tout cas indiquer que certains sont

passés à l’acte. Il semble donc opportun d’analyser les raisons d’un tel choix.

1) Une réglementation plus rude et plus sévère qui décourage

Premièrement, Ayayi et Noël34

(2007) ont montré que si la SOX avait atteint certains de ses

objectifs, la baisse du nombre de cas de fraudes notamment, cette dernière était également au

moins partiellement responsable, en raison de son caractère plus strict et contraignant que les

autres réglementations internationales, de la perte d’attractivité des marchés US.

La loi SOX a en effet servi de modèle à bien des pays occidentaux lorsqu’il s’est agi de mettre

en place une réglementation sur l’information financière. Toutefois, malgré de nombreuses

similitudes, les différences ont parfois été notables et ont semblé impacter défavorablement

les marchés financiers américains. Pour illustrer leur propos, les auteurs ont alors décidé de

comparer le cadre américain aux cadres canadiens et français.

Les similitudes entre les législations ne sont pas négligeables. A titre d’exemple, concernant

l’amélioration de l’audit externe, deux principes clés directement liés à l’indépendance des

auditeurs ont été adoptés par les législateurs des trois pays: la stricte séparation des activités

d’audit et de conseil et la rotation des auditeurs en fin de mandat. Ainsi, depuis l’adoption de

ces réglementations et pour éloigner le spectre de l’affaire Enron, les auditeurs ne peuvent en

aucun réaliser une prestation de conseil auprès d’un client et émettre simultanément ou

successivement une opinion sur les comptes de ce dernier. L’importance accordée à

l’indépendance de l’auditeur empêche alors ce dernier « d’être juge et partie ». Dans le même

34

Ayayi Ayi, Noël Christine (2007), “Réglementation financière et attractivité des marchés financiers – Une

comparaison des cadres Nord-Américain et Français”, Electronic copy available at http://affi2007.u-

bordeaux4.fr/Actes/16.pdf

32

ordre d’idée, afin d’éviter qu’auditeurs et audités n’entretiennent des relations trop étroites ou

personnelles, une rotation des associés signataires des dossiers doit être opérée à la fin de

chaque mandat (5 exercices aux Etats-Unis et au Canada contre 6 en France).

Toutefois, malgré ces nombreuses analogies, les différences et divergences sont parfois

significatives. Si la France et le Canada se sont fortement inspirés du modèle US, ces deux

nations ont tout de même cherché à adapter les règles américaines à leur contexte et à leurs

objectifs respectifs. Ainsi, si les dirigeants de sociétés cotées aux Etats-Unis reconnus

coupables d’avoir sciemment signé des états financiers erronés et/ou frauduleux encourent

une peine de prison de 25 ans et une amende pouvant s’élever à 5 millions de dollars, leurs

homologues canadiens et français n’encourent respectivement « que » des peines de prison de

10 et 5 ans35

(avec un amende maximum en France de 375 000€). De même, si le rapport sur

le contrôle interne peut apparaître identique sur de nombreux points, sa philosophie est bien

différente d’une nation à l’autre. Si l’objectif de la Loi de Sécurité Financière36

est

d’encourager les entreprises à adopter une démarche dynamique pour améliorer leur contrôle

interne, celui de la SOX est plutôt de sanctionner et donc de susciter de la crainte pour les

entreprises qui ne respecteraient pas les règles très formelles et très strictes imposées par la loi

(Conac 2003). Si la loi française laisse une certaine liberté aux entreprises dans l’émission du

rapport sur le contrôle interne et ne communique aucunement sur de possibles sanctions en

cas de manquements, la SOX, au contraire, impose un référentiel unique (le COSO) qu’il est

obligatoire de suivre sous peine de lourdes sanctions.

L’évolution défavorable du nombre d’introductions en bourse aux Etats-Unis parallèle à

l’adoption de la SOX (évolution que nous analyserons dans la suite du document), semble

alors fournir une preuve, certes incomplète, que le caractère plus ou moins stricte et

contraignant de la réglementation est l’un des éléments explicatifs primordiaux de la perte de

compétitivité et d’attractivité des marchés financiers US. Depuis le passage de la SOX,

nombreuses sont en effet les entreprises à privilégier leur marché local où les places

financières mondiales croissantes mais moins contraignantes tels les marchés européens et

asiatiques. L’exemple de China Construction Bank, plus grosse levée de fonds depuis 2000,

35

Cf Annexe 6 : « Comparaison de la législation Américaine, Canadienne et Française en matière de sécurité

financière des sociétés cotées»

36 Cf Glossaire pour définition

33

en est la parfaite illustration. Cette dernière a en effet préféré entrer en bourse sur le marché

de Hong-Kong plutôt que sur le sol américain.

Selon les auteurs, « la probité (semblerait donc souvent se payer) au prix de l’attractivité

financière et de la performance économique ». Toutefois, bien que désignant la SOX comme

responsable, ces derniers étaient bien conscients qu’elle ne pouvait être accusée de tous les

maux des marchés financiers US. Le contexte économique global tout comme de nombreux

autres facteurs ont naturellement accentué, voire été à l’origine, du phénomène.

2) Une réglementation trop onéreuse qui désespère

C’est ensuite les coûts colossaux de conformité à la loi qui ont été mis sur le banc des accusés.

Toutefois, ayant déjà évoqué les travaux des auteurs s’étant intéressés à la hausse substantielle

de ces coûts et notamment des honoraires d’audit, nous n'y reviendrons pas.

Précisons tout de même le fait que certaines entreprises ont explicitement cité la SOX lors de

leur retrait. Par exemple, Tony Barclay, le DAF de Fisher and Paykel décrivait la motivation

de son entreprise à se retirer du marché US : « En février 2003, le Conseil d’Administration a

constaté que les ADR n’étaient pas rentables, c'est-à-dire qu'elles n’avaient pas un rapport

coût/efficacité suffisant. Seulement 1% de nos actionnaires détenaient des ADR, nous étions

soumis à la SOX et à ses coûts importants de conformité et nos actionnaires en Australie et en

Nouvelle-Zélande ne cessaient pas de nous demander pourquoi nous étions toujours cotés aux

Etats-Unis alors que cela nous coûtait un demi-million de dollars par an. Nos investisseurs

néo-zélandais et australien nous disaient qu’ils pourraient assumer notre augmentation de

capital donc ce n’est pas comme si nous ne pouvions pas lever des fonds ailleurs. La décision

a été prise de se soustraire aux coûts de conformité et de redevenir une société cotée en

Australie, où la majorité des investisseurs se trouvaient».

Ainsi, au regard des augmentations substantielles des dépenses à engager pour se conformer à

la loi, il n’est pas vraiment surprenant que les entreprises étrangères aient commencé à

reconsidérer l’intérêt d’une multicotation aux Etats-Unis suite à l’adoption de la loi. C’est

d’ailleurs d’autant moins surprenant que, comme nous l'avons évoqué précédemment, de

nombreuses sociétés étrangères, notamment européennes, devaient déjà effectuer des

dépenses conséquentes pour se conformer à d’autres réglementations tout aussi lourdes. Il en

34

était par exemple ainsi des entreprises européennes cotées qui devaient se conformer aux

IFRS à compter du 1er janvier 2005. Si la mise en place d’une réglementation aussi importante

n’avait rien d’une partie de plaisir, le cumul de cette dernière avec la mise en place de la SOX

s’apparentait à un véritable parcours du combattant.

Enfin, un autre facteur repoussant a été mis en avant : les frais de souscription aux Etats-Unis.

En effet, une étude menée par Oxera Consulting Ltd pour le compte du London Stock

Exchange, a suggéré que le plus grand désavantage des marchés US reposait sur les

honoraires des banques d’investissement de Wall Street. Si ces frais s’élevaient à 6,5% ou 7%

du montant des actions émises aux USA, ces derniers n’étaient « que » de 3 à 4% en Europe

et parfois même encore plus bas en Asie. Pas étonnant donc d’avoir constaté que certaines

entreprises étrangères aient alors décidé de se tourner vers d’autres places que les marchés

financiers américains.

3) Des réactions aux annonces de la SOX et de la section 404 qui en disent long

Ensuite, de nombreux auteurs se sont intéressés aux réactions du prix des titres des sociétés

soumises à la loi lors des différentes annonces effectuées par les législateurs américains sur la

SOX et son application. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que ces réactions sont riches

d’enseignement.

Ainsi, Litvak37

(2006) a montré que les rendements des entreprises étrangères cotées via les

ADR de niveau II et III avaient réagi de manière sensiblement différente par rapport aux

rendements des entreprises étrangères cotées aux US dotées des mêmes caractéristiques en

termes de pays, d’industrie, et de taille mais non soumises aux exigences de la SEC (et donc

cotées via les ADR de niveau I et/ou les placements privés régis par la Rule 144A). En effet,

son étude a mis en exergue le fait que tous les événements qui augmentaient la probabilité que

la SOX s’applique aux entreprises étrangères étaient associés à des rendements plus faibles

pour les entreprises soumises aux règles de la SEC. A l’inverse, l’auteur a observé des

rendements positifs de ces dernières lors des annonces liées à de possibles exemptions38

. Les

37

Litvak Kate (2006), “Effect of the Sarbanes-Oxley Act on Non-US Companies Cross-Listed in the US”, in

Law and Economics Research Paper No. 55, Electronic copy available at http://ssrn.com/abstract=876624

38 Cf Annexe 7 : « Les principaux événements de la SOX selon Litvak »

35

réactions dans des proportions moindres des entreprises étrangères non soumises à la SEC ont

d’ailleurs confirmé l’hypothèse selon laquelle la SOX avait effectivement joué

défavorablement sur l’attractivité des marchés US auprès des émetteurs étrangers soumis aux

règles de la SEC.

De même, l’auteur a expliqué que l’environnement institutionnel du pays d’origine des

sociétés multicotées avait des effets significatifs sur ces rendements. Ainsi, les pays européens

dotés d’un environnement institutionnel fort et les pays disposant d’un Produit Intérieur Brut

(PIB) plus élevé semblent avoir réagi plus négativement aux différentes annonces indiquant

l’application sans exception de la loi à toutes les sociétés cotées aux US. Ce résultat tend alors

à prouver que les investisseurs d’entreprises étrangères soumises aux règles de la SEC et

provenant de pays avec une gouvernance de qualité supérieure ont anticipé le fait que la SOX

aurait des coûts supérieurs aux bénéfices. En effet, leur gouvernance d’entreprise étant déjà

correctement développée, les investisseurs semblent avoir anticipé que les coûts additionnels

supportés pour se conformer à la SOX ne seraient pas compensés par les avantages liés à

l’amélioration de la « corporate governance ».

Li39

(2007) a ensuite confirmé les résultats émis par Litvak. Ce dernier a en effet examiné

l’impact à court et long terme de la SOX sur les émetteurs étrangers multicotés aux Etats-Unis

et a trouvé des résultats somme toute assez similaires.

Ainsi, concernant l’impact à court-terme, les prix des titres de ces derniers ont diminué

d’environ 10% aux Etats-Unis et sur leurs marchés locaux au moment des annonces40

liées au

passage et à la mise en place de la SOX. A l’inverse, les sociétés étrangères cotées aux US

mais exemptées des exigences de la SOX du fait de leurs transactions uniquement sur les

marchés de gré à gré, les fameux Pink Sheets41

, ne semblent pas avoir été affectées de manière

significative.

De plus, les résultats de son étude ont montré que les réactions des émetteurs étrangers

variaient de manière importante en fonction de leurs caractéristiques de gouvernance et

39

Li Xi (2007), “The Sarbanes-Oxley Act and Cross-Listed Foreign Private Issuers”, Electronic copy available

at http://ssrn.com/abstract=971255

40 Cf Annexe 8 : « Les principaux événements de la SOX selon Li »

41 Cf Glossaire pour définition

36

principalement de la force de leurs règlementations financières. Ainsi, les réactions des

émetteurs étrangers aux événements de la SOX étaient en général négativement associées à la

qualité de leurs mécanismes de gouvernance.

Concernant l’impact à long-terme de la SOX, l’auteur a montré que, suite à son adoption, de

plus en plus de sociétés étrangères ont décidé de se retirer de la cotation aux US et de se

désinscrire auprès de la SEC afin de se soustraire aux exigences de la loi. En outre, alors que

les rendements anormaux42

lors des annonces de retrait et de désinscription étaient négatifs

avant le passage de la SOX, ils étaient positifs après son adoption. Ainsi, alors que les

actionnaires minoritaires ne bénéficiaient pas de la décision des majoritaires de se retirer

avant 2002, ils ont légèrement bénéficié de cette dernière dans la période post-SOX.

Ces conclusions montrent donc que si les investisseurs accueillaient défavorablement les

annonces de retraits avant l’adoption de la loi du fait de bénéfices supérieurs aux coûts, ces

derniers valorisent désormais ces décisions. Ils considèrent alors que les coûts de conformité à

la SOX sont largement supérieurs aux bénéfices et qu’il est donc opportun de se retirer.

A l’instar de Litvak, ces résultats suggèrent donc que ces coûts excessifs fragiliseraient

grandement les avantages de la multicotation. La « théorie de la crédibilité par association »

qui semblaient exister dans la période pré-SOX serait alors remise en question.

Il apparaît donc évident que la SOX n’a pas été accueilli de la meilleure des manières par les

entreprises étrangères cotées aux US et soumises aux exigences de la SEC.

4) Une évolution des primes de cotation croisée lourde de sens

Une action bénéficie d’une prime lorsque le marché est enclin à la payer plus cher que sa

valeur réelle du fait notamment de perspectives de croissance intéressantes. Certains

investisseurs, du fait des bénéfices de la multicotation, sont ainsi prêts à payer une prime pour

42 Le jugement de l’impact de l’évènement requiert une mesure des rendements anormaux. Le rendement

anormal est le prix actuel ex post sur la fenêtre d’évènement moins le rendement normal de la firme sur cette

même fenêtre. Le rendement normal est défini comme le rendement espéré inconditionnellement la présence de

l’événement. En clair, le rendement anormal représente l’écart du rendement observé d’un titre i au temps t, Ri t ,

sur l’espérance de rendement de ce titre, le rendement dit « normal », E(Ri t).

37

les actions émises aux Etats-Unis par des sociétés étrangères. On parle alors de prime de

cotation croisée ou de « cross-listing premium ».

Il semble donc intéressant d’analyser l’évolution de ces primes pour les sociétés étrangères

dans la période post-SOX pour comprendre si l’adoption de la loi a vraiment eu les effets

néfastes qu’on lui attribue. De nombreuses études se sont alors penchées sur le sujet. Parmi

elles, celle menée par Litvak43

en 2007 a fourni des conclusions intéressantes.

L’auteur a en effet analysé si la SOX avait affecté la prime que les investisseurs étaient prêts à

payer pour les actions des entreprises étrangères cotées aux USA. Son analyse a alors montré

que de 2001 (pré-SOX) à 2002 (post-SOX), le ratio « Q de Tobin44

» et le ratio « market to

book43

» des entreprises étrangères cotées aux USA et sujettes à la SOX (et donc cotées via les

ADR de niveau II ou III) avait baissé de manière significative par rapport aux entreprises

similaires en termes de taille, d’industrie et de pays mais non cotées aux USA et par rapport

aux entreprises cotées aux USA mais non sujettes à la SOX (et donc cotées via les ADR de

niveau 1 et via les placements privés).

Ainsi, sur 2002, le ratio « Q » moyen des entreprises étrangères cotées aux US et soumises à

la SOX a baissé de 17% quand celui des entreprises étrangères non cotées aux Etats-Unis ne

baissait « que » de 9,8% et que celui des sociétés étrangères cotées sur les marchés

américains mais non soumises à la SOX n’enregistrait une baisse « que » de 6,7%.

De plus, le fait que les entreprises étrangères cotées aux US mais non soumises à SOX avaient

un ratio « market to book » qui variait de manière similaire à celui des entreprises étrangères

non cotées aux US a permis à l’auteur de confirmer que le déclin des entreprises étrangères

cotées aux US et soumises à la SOX semblait bien être lié à l’exposition à la SOX elle-même

et non à des tendances communes à toutes les entreprises qui effectuaient des transactions aux

Etats-Unis.

Comme dans son étude précédente sur la réaction du prix des titres aux annonces liées à la

SOX, l’auteur suggère que l’adoption de la SOX a eu plus de coûts que d’avantages pour

43

Litvak Kate (2007), “Sarbanes-Oxley and the cross-listing premium”, in Michigan Law Review, pp. 1858-

1883

44 Cf Glossaire pour définitions

38

certaines entreprises multicotées et plus particulièrement pour celles qui étaient déjà bien

gouvernées.

5) Une évolution du nombre de nouvelles multicotations et du nombre de retraits

sur les marchés US qui ne laissent guère de place au doute

Finalement, les auteurs ont cherché à analyser l’évolution chiffrée des marchés US en termes

d’entrées et de sorties dans la période post-SOX. La littérature économique sur le sujet a

d’ailleurs été abondante. Toutefois, compte tenu des exigences de volume de ce dossier, nous

avons choisi de ne mettre en avant que l’étude réalisée par Chaplinsky et Ramchand45

(2009),

cette dernière étant particulièrement complète. En effet, sur la période 1962-2006, les auteurs

ont analysé 1 344 entrées et 724 retraits liés à des opérations de fusions-acquisitions, à des

choix volontaires ou à des décisions subies et imposées.

Ce graphique tiré de leur étude illustre le nombre net total (entrées – sorties) d’entreprises

étrangères cotées sur les places financières américaines majeures. Parti de moins de 34

entreprises en 1962, ce nombre est passé à 75 en 1980, 245 en 1990, 728 en 2000 (sommet)

pour redescendre à 620 en 2006. Il montre également que c’est la période 1993-2000 qui a

connu le plus grand nombre de cotations étrangères et que cette dernière a été suivie par une

période de déclin de 2000 à 2004 avant un rebond relatif en 2005.

45

Chaplinsky Susan, Ramchand Latha (2009), “First impressions count: Foreign firms' entry and exit from the

US”, Electronic copy available at http://ssrn.com/abstract=1362261

39

Cet autre graphique montre le nombre annuel d’entreprises étrangères entrant et sortant des

marchés US entre 1962 et 2006. Notons qu’avant 1981 les entrées étaient relativement rares.

Après cette date, nous constatons une hausse continue du nombre d’entrées puisqu’aucune

année n’en a connu moins de 15. Le nombre d’entrées à atteint son apogée en 2000 avec 137

nouvelles cotations. Les premiers retraits ont eu lieu en 1980 et ont crû de manière plus

importante à partir du milieu des années 90. Ainsi, le ratio entrées/sorties sur des intervalles

de 5 ans montre une augmentation de la proportion des retraits. En effet, ce ratio était de 0.16

entre 1981 et 1985, de 0.49 entre 1996 et 2000 et de 1.56 entre 2001 et 2005. Et c’est bien ce

pic entre 2001 et 2005, lié à une hausse des retraits conjuguée à une baisse des nouvelles

cotations, qui a soulevé de nombreuses questions sur l’attractivité du marché US.

Les auteurs ont également suivi le nombre d’entrées et sorties d’entreprises étrangères sur les

marchés US majeurs par pays entre 1965 et 2006. Ils ont alors montré qu’en 1965 37

entreprises étrangères de dix pays différents étaient cotées aux USA. Plus de 70% de ces

cotations provenaient de pays développés et 62% d’entre elles étaient originaires de deux pays

seulement : le Canada et le Royaume-Uni. Mais de ce modeste départ, les auteurs ont constaté

une succession de croissance des cotations par pays et du nombre de pays représenté sur les

marchés US. Ainsi, en 2000, 728 entreprises de 60 pays différents étaient cotées aux Etats-

Unis.

De plus, si 80% des entreprises étrangères cotées aux USA provenaient des pays développés

en 1985, la tendance s’est inversée dans les années suivantes. Ainsi, en 2000, les entreprises

étrangères cotées aux USA provenaient majoritairement des pays émergents. Depuis le pic de

2000, il y a eu une réduction nette de 112 cotations des pays développés et une hausse nette de

40

4 cotations des pays émergents. Parmi les pays développés, ce sont le Canada (40), le

Royaume-Uni (37), les Pays-Bas (12) et la Suède (12) qui ont connu le plus grand nombre de

retraits depuis 2000. Parmi les pays émergents, ce sont la Chine (30), la Grèce (9) et le Brésil

(7) qui ont connu le plus grand nombre d’entrées en bourse mais ces nouvelles cotations ont

largement été compensées par les retraits importants d’Israël (15), de Hong-Kong (10) et du

Mexique (10).

Enfin les auteurs ont analysé l’évolution du nombre et du type de retrait à travers le temps.

Sachant qu’aucun retrait n’avait eu lieu avant 1980, les auteurs se sont penchés seulement sur

la période 1980-2006. Ainsi, sur les 724 retraits recensés entre 1980 et 2006, 439 (soit 61%)

ont été effectué sur le NASDAQ et 288 (soit 39%) sur le NYSE/AMEX. Parmi ces retraits,

43% concernaient des fusions-acquisitions, 48% étaient involontaires et 9% étaient

volontaires. Et alors que les auteurs ont observé une tendance haussière des retraits sur la

période d’étude, c’est bien le nombre de départs volontaires qui a pris le plus d’ampleur sur

les dernières années. En effet, si les retraits volontaires ne s’élevaient au total qu’à 15 entre

1980 et 2000, ces derniers ont atteint un niveau de 51 entre 2001 et 2006. Ainsi, cette

augmentation des départs volontaires coïncide avec l’adoption de la SOX en 2002. D’ailleurs,

42 des 51 retraits de la période 2001-2006 ont eu lieu en 2002.

Ces différentes conclusions tendent donc à prouver que c’est après 2002 que les retraits se

sont accélérés et que les nouvelles cotations ont véritablement diminué. Bien que ces résultats

ne permettent pas d’affirmer que la SOX est la seule responsable, ils permettent tout de même

de considérer qu’elle a effectivement eu un impact sur l’attractivité des marchés financiers

américains.

De ces différentes analyses, nous pourrions donc conclure que la SOX est au moins

partiellement, si ce n’est entièrement, responsable du déclin de l’attractivité des marchés

financiers US auprès des entreprises étrangères. En effet, certains auteurs ont mis en

évidence le fait que la SOX était trop contraignante et trop onéreuse. D’autres ont mis

en exergue les réactions particulièrement négatives du prix des titres des sociétés

étrangères aux annonces informant que la SOX s’appliquerait à toutes les entreprises

sans exception. Enfin, plusieurs études ont montré que les primes qu’étaient prêts à

payer les investisseurs pour les actions des entreprises étrangères cotées aux Etats-Unis

41

avaient largement chuté dans la période post-SOX. Il apparaît donc assez évident que la

SOX n’a pas été accueilli favorablement par les émetteurs étrangers. Les évolutions

constatées sur les marchés américains après 2002, à savoir une chute des nouvelles

cotations et une hausse des retraits, viennent d’ailleurs largement confirmer ces propos.

C) Perte de compétitive et d’attractivité du marché US : la SOX ne peut être accusée

de tous les maux

Il est donc évident pour certains analystes que la SOX était responsable de la perte de

compétitivité et d’attractivité des marchés financiers américains. Toutefois, les opposants

n’étaient pas seuls et certains auteurs se sont alors érigés en ferveur défenseur de la loi. Pour

eux, les critiques émises à l’encontre de la SOX, si elles pouvaient parfois se justifier,

devaient être nuancées voire remises en question. Il est donc intéressant d’analyser les

arguments majeurs qu'ils invoquent.

1) Incohérence de certaines réactions du prix des titres avec la théorie de la perte de

compétitivité

Dans un premier temps, certains auteurs se sont attachés à prouver que les conclusions des

études précédemment citées devaient être nuancées et remises dans le contexte particulier de

leur analyse. C’est ainsi par exemple que Doidge, Karolyi et Stulz46

(2009) ont montré que

certains résultats sur la réaction à la SOX des prix des titres des entreprises étrangères cotées

aux US pouvaient remettre la théorie de la perte de compétitivité en question.

A cet effet, les auteurs ont analysé 144 entreprises qui se sont retirées des marchés US

majeurs entre 2002 et 2008. De la même manière que des études menées antérieurement, ils se

sont alors penchés sur la réaction du prix des titres des entreprises étrangères aux annonces de

46

Doidge Craig, Karolyi George Andrew, Stulz René M. (2009),”Why do foreign firms leave US equity

markets?”, in ECGI Working Paper Series in Finance

42

la SOX. Mais ces derniers ne se sont pas limités à cette enquête et ont poussé leur analyse un

peu plus loin en s’intéressant plus particulièrement aux retraits ayant eu lieu avant et après

2007, c'est-à-dire avant et après que la Rule 12h-6 ait été adoptée. En effet, lorsque cette

nouvelle loi a été effective, la désinscription est devenue beaucoup plus facile. Ces divers

changements ont alors été suivis par un pic dans le nombre de retrait sur l’année 2007.

Toutefois, ce pic n’a été que temporaire et éphémère puisqu’il ne s'est pas confirmé l’année

suivante. Les auteurs ont alors cherché à comprendre pourquoi certaines entreprises

étrangères s’étaient retirées et comment le changement de loi avait affecté leur décision de

partir.

Concernant la réaction aux annonces sur la SOX du prix des titres des entreprises étrangères

cotées aux Etats-Unis, les auteurs n’ont trouvé aucune preuve non ambiguë qui puisse

supporter l’idée d’une perte de compétitivité des marchés américains. En effet, la preuve la

plus évidente en faveur de cette hypothèse serait que les entreprises qui se sont retirées des

marchés US étaient négativement affectées par la SOX et qu’en se soustrayant à ses

exigences, elles ont effectivement tiré profit de leur retrait. Cependant, les auteurs n’ont

trouvé aucune preuve permettant d’affirmer que les actionnaires minoritaires des sociétés

ayant décidé de se retirer ont tiré profit du retrait de leur société. Certes, il y a certains

éléments qui prouvent que ces entreprises ont été affectées négativement par la SOX mais

seulement en utilisant la méthode de « portefeuilles équipondérés47

», c'est-à-dire un

portefeuille dans lequel chaque titre représente une fraction identique de la valeur totale du

portefeuille. Ainsi, en utilisant cette méthode, les auteurs se sont rapprochés des conclusions

émises par Litvak en montrant que les sociétés étrangères cotées aux US avaient

effectivement réagi défavorablement aux annonces communiquant sur l’application de la

SOX à toutes les sociétés cotées sans exception.

Néanmoins, en utilisant des portefeuilles « pondérés par les capitalisations boursières46

»,

c'est-à-dire un portefeuille dans lequel chaque titre est pondéré en fonction de la valeur de

marché totale de chaque entreprise, les auteurs n’ont trouvé aucune preuve qui supportent

l’idée d’un impact négatif de la SOX sur le titres des sociétés étrangères. Or, il est

couramment admis que les portefeuilles pondérés par les capitalisations boursières sont le

meilleur moyen de mesurer l’impact économique global puisqu’ils reflètent le changement

global de la valeur de ces entreprises.

47 Cf Glossaire pour définitions

43

Concernant l’impact de la Rule 12h-6, les auteurs se sont posés la question suivante : les

entreprises qui se sont retirées en 2007 et 2008 après l’adoption de cette nouvelle règle ont-

elles réagi favorablement à l’annonce de cette nouvelle loi facilitant le processus de

désinscription ? La théorie de la perte de compétitivité supposerait naturellement une réponse

positive à cette question puisqu’à ce moment, cinq ans après la mise en place de la SOX, le

marché aurait déjà bien intégré les coûts de ses exigences et aurait certainement compris que

ces entreprises avaient de grandes chances d’être éligibles à l’exercice de l’option de

désinscription.

Toutefois, une fois encore, les auteurs n’ont pas réussi à confirmer cette hypothèse. En effet,

en analysant trois évènements précis, l’annonce de la proposition d’une nouvelle loi le 14

décembre 2005, l’annonce d’une nouvelle proposition de loi suite à l’allongement des délais

de conformité le 13 décembre 2006 et l’adoption officielle de loi le 21 mars 2007 en

l’occurrence, les auteurs ont montré qu’aucune de ces dates n’avait entraîné de réaction

significative du prix des actions, qu’elle soit positive ou négative.

Enfin, afin de conforter leur idées et de prolonger leur analyse, les auteurs ont examiné si les

entreprises attribuaient tout ou partie de leur décision de se retirer à la SOX et au fardeau de la

règlementation US. Mais malgré l’analyse des communiqués de presse de nombreuses

entreprises de l’échantillon, les auteurs n’ont pas trouvé de résultat significatif.

Ces différents résultats remettent donc clairement la théorie de la perte de compétitivité en

question car, si cette dernière se vérifiait, les entreprises auraient réagi défavorablement aux

annonces liées à la SOX, et ce, qu’elle que soit la méthode d’analyse employée par les

auteurs. De même, l’adoption de la Rule 12h-6 aurait alors du entraîner des réactions plus que

positives des entreprises ayant décidé de se désinscrire de la SEC et de se retirer des marchés

US. Toutefois, aucune de ces hypothèses ne s’est vérifiée complètement et il semblerait donc

que la SOX ne puisse pas être accusée du déclin des marchés américains avec des preuves

concrètes et irréfutables.

44

2) Des investisseurs qui accordent du crédit à la SOX et qui la valorisent

Ensuite, il est intéressant de remarquer que certains auteurs ne se sont pas contentés de

remettre en question les conclusions clamant la responsabilité de la SOX dans le déclin des

marchés US. Ces derniers se sont en effet attachés à prouver que cette dernière avait été

bénéfique pour les sociétés cotées aux USA. Pour ce faire, leurs études ont cherché à prouver

que, contrairement à ce que les opposants à la loi affirmaient, les investisseurs valorisaient la

SOX.

Ainsi, Duarte, Kong, Siegel et Young48

(2007) se sont intéressés à la question. L’une de leurs

études cherchait à comprendre l’impact de la SOX sur les investisseurs américains et sur les

managers. Ils ont alors montré que la SOX avait augmenté la valeur d’une société étrangère

typique d’environ 2% et celle d’une société américaine moyenne entre 6% et 11%. Ce résultat

suggérait alors que les investisseurs minoritaires considéraient que la SOX offrait des

avantages supérieurs aux coûts de conformité. Ils accordaient donc plus de valeur aux

bénéfices qu’aux coûts de la loi. En outre, ces derniers ont montré que les réactions du prix

des titres des petites entreprises à l’annonce d’une multicotation aux Etats-Unis avant et après

l’adoption de la loi n’étaient guère différentes de celles des grandes sociétés. Ce constat

indiquait alors que le débat sur les coûts fixes substantiels de la SOX n’avait certainement pas

lieu d’être.

Par la suite, Hostak, Yang et Karaoglu49

(2012) ont également essayé de montrer que les

investisseurs accordaient une importance à la SOX. Ils ont mis en évidence qu’une réaction

positive du marché à l’annonce d’un retrait était cohérente avec l’idée que les coûts attendus

de conformité à la SOX excédaient les bénéfices escomptés d’amélioration de la gouvernance

d’entreprise, c’est-à-dire qu’il était dans l’intérêt des actionnaires de se retirer. A l’inverse,

une réaction négative du marché à l’annonce d’un retrait était cohérente avec la déduction des

investisseurs que le retrait était un indicateur de l’envie des managers et actionnaires

majoritaires des entreprises concernées, les fameux « Managers or Controlling

48

Duarte Jefferson, Kong Katie, Siegel Stephan, Young Lance (2007), “Foreign listings, US equity markets, and

the impact of the Sarbanes-Oxley Act”, Working paper, Rice University

49 Hostak Peter, Lys Thomas, Yang Yong George, Karaoglu Emre (2012), “An examination of the impact of

SOX on the attractiveness of US Capital Markets for foreign firms”, Electronic copy available at

http://ssrn.com/abstract=956020

45

Shareholders » (MCO’s), de protéger leurs intérêts privés. Une réaction négative pouvait

également être le signe d’une anticipation de moindres bénéfices à être cotée à l’étranger.

Grâce à leur étude, les auteurs ont alors remarqué des réactions particulièrement négatives

lors de l’annonce de départ des sociétés s’étant retirées des marchés américains et ayant

clairement fait référence à la SOX lors de leur communication sur les raisons de leur choix. A

l’inverse, les sociétés s’étant retirées mais n’ayant fait ni directement ni indirectement

référence à la SOX ont enregistré des rendements anormaux positifs lors de l’annonce de leur

retrait. Ces résultats étaient alors cohérents avec l’hypothèse selon laquelle les investisseurs

considéraient que les bénéfices nets de la SOX auraient pu être plus que positifs pour

certaines entreprises qui se sont retirées. Une fois qu'elles ont annoncé leur sortie, les

investisseurs ont alors réalisé que ces avantages ne se réaliseraient pas et les prix des titres ont

diminué en conséquence.

Enfin, une autre étude sur le sujet nous a semblé riche d’enseignement. Il s’agit de celle

préparée en 2012 par Rezaee et Espahbodi50

à l’occasion d’une de leur conférence sur la

comptabilité. Ces derniers ont en effet examiné la réaction du prix des actions à l’opinion

émise par les auditeurs sur le contrôle interne tel qu’exigé par la section 404 de la SOX pour

trois groupes d’entreprises distinctes : des entreprises retardant la publication de leur rapport

sur le contrôle interne, des entreprises communiquant un contrôle interne inefficace et des

entreprises communiquant un contrôle interne fiable.

Leur analyse a alors mis en évidence des résultats singulièrement intéressants. Ainsi, les

auteurs ont constaté des rendements particulièrement négatifs pour les entreprises qui

retardaient la publication de leurs rapports sur le contrôle interne. Ces rendements

continuaient à être négatifs, bien que dans une moindre mesure, pour les entreprises qui

communiquaient un contrôle interne inefficace et étaient positifs pour les entreprises

disposant d’un système fiable. Ces résultats suggéraient donc clairement que les participants à

leur étude valorisaient la fiabilité des informations financières de la section 404 et donc

valorisaient les exigences de la SOX. En outre, les auteurs ont montré que les réactions

enregistrées n’étaient en rien affectées par la taille des entreprises ou leur endettement

(mesuré par le ratio dette/actif). Selon eux, la décision de la SEC de faire appliquer la SOX à

50

Rezaee Zabihallah, Espahbodi Reza, Espahbodi Pouran and Hassan (2012), “Firm Characteristics and Stock

Price Reaction to Sox 404 Compliance”, in the 10th

annual Iranian accounting conference, pp. 1-49

46

toutes les entreprises sans exception et sans égard à leur taille ou à leur pays d’origine était

donc tout à fait justifiée.

Les résultats de ces différentes études ont donc bien montré que les investisseurs

considéraient qu’une réglementation efficace, efficiente et évolutive comme la SOX et plus

particulièrement la Section 404 pouvait créer un environnement sûr et sain pour les sociétés

cotées et qui leur permette d’améliorer l’efficacité de leur contrôle interne et donc d’améliorer

la fiabilité et l’exactitude de leurs états financiers. Ainsi, plus que de rendre la SOX

innocente, ces auteurs ont montré qu’elle avait de nombreuses vertus et que les investisseurs

savaient les reconnaître.

3) Une prime qui reste significativement positive sur les marchés US après

l’adoption de la SOX

De nombreuses études ont montré que les marchés financiers américains avaient perdu en

compétitivité au profit des marchés asiatiques et européens, le marché londonien notamment.

Certains auteurs se sont alors demandé si la place londonienne était vraiment devenue plus

compétitive que la place New-Yorkaise.

Ainsi, si les bénéfices nets pour les actionnaires liés à leur cotation sur les marchés américains

avaient réellement chuté, Doidge, Karolyi et Stulz51

(2007) auraient dû constater une baisse de

la prime à New-York ou au moins une baisse de cette prime comparativement à celle de

Londres. Toutefois, les résultats de leur analyse ne semblent pas confirmer cette tendance.

Leur étude montre en effet que la prime de multicotation aux Etats-Unis est positive et

statistiquement significative sur chaque année de la période 1990 à 2005. De 1990 à 2001, les

entreprises cotées aux US ont une valorisation moyenne supérieure de 17,5% par rapport à

celles qui ne sont pas cotées. De 2002 à 2005, cette supériorité s’élève à 14,3%. Ainsi,

puisque la différence entre les deux périodes n’est pas significative (p-value de 0,49), ce test

suggère bien que la prime de multicotation aux US n’a pas baissé de manière significative

après l’adoption de la SOX.

51

Doidge Craig, Karolyi George Andrew, Stulz René M. (2007), “Has New-York become less competitive in

global markets? Evaluating foreign listing choices over time”, in ECGI Working Paper Series in Finance

47

De manière assez surprenante, les auteurs ont en outre montré qu’il n’y avait pas de prime

discernable pour les cotations étrangères aux Royaume-Uni sur l’ensemble de la période

étudiée, que ce soit sur le Main Market ou sur l’AIM. En réalité, les cotations étrangères via

les « depositary receipts » ou les actions ordinaires s’effectuaient avec des discounts sur 13

des 16 années étudiées.

Au final, les auteurs n’ont donc pas réussi à trouver une preuve suffisante pour affirmer que

les marchés US aient perdu de leur attractivité auprès des entreprises étrangères. Cette étude

remet donc en cause les conclusions tirées par les nombreux auteurs qui affirmaient que la

place londonienne avait pris le dessus sur la place new-yorkaise.

4) Des retraits des marchés US liés au développement parallèle d’autres grandes

places financières internationales

S’il semble de prime abord évident que la décennie 2000 a été marquée par un déclin des

marchés américains notamment via une baisse des nouvelles multicotations et une hausse

sensible des retraits, certains auteurs se sont refusés à faire de la SOX l’unique responsable de

cette perte d’attractivité. Ainsi, leurs études ont cherché à montrer que l’évolution constatée

aux Etats-Unis avait également été guidée par le développement d’autres places financières

dans le monde. Et si l’adoption de la SOX n’a évidemment pas été étrangère à ce

développement, il est clair qu’elle ne pouvait pas être accusée de tous les maux.

Dans un premier temps, Gregory C. Leon52

(2007) a montré que l’évolution des marchés

financiers dans le monde était étroitement corrélée à l’évolution de la santé de l’économie

mondiale. Ainsi, si l’économie américaine a été confrontée à une récession au deuxième

trimestre de 1991, elle a ensuite connu, tout comme l’économie mondiale, une période de

forte croissance entre 1991 et 1997. Puis au milieu de l’année 1997, la crise asiatique a touché

de nombreuses économies est-asiatiques et a ralenti le taux de croissance mondial en 1998 et

1999. De même, l’explosion de la bulle internet en 2000 a été suivie par une récession aux

Etats-Unis et une PIB mondial plus modéré.

52

Leon Gregory C. (2006), “Stigmata: The Stain of Sarbanes-Oxley on US Capital Markets”, in the

International Conference on Emerging Markets Finance & Economics in Istanbul, pp. 125-181

48

Ce qui est remarquable, selon son étude, c’est que l’activité de cotation durant la période

d’analyse est le miroir quasi parfait de l’état de l’économie mondiale. Ainsi, en 1990, au

moment où l’économie mondiale a fortement ralenti, les IPO étaient particulièrement rares et

majoritairement effectuées sur le marché d’origine des entreprises concernées. Le nombre

d’IPO a ensuite atteint un pic en 1996 à 3 358 pour redescendre à 2 136 en 1997.

Conséquences de la crise financière asiatique, le nombre d’IPO a même chuté à 1 387 en

1998. Ce nombre est ensuite remonté jusqu’à 2 360 au plus haut du boom internet en 2000.

Puis, suite à l’explosion de la bulle, le nombre d’IPO a baissé pour atteindre 1 016 en 2003.

Enfin, suivant la tendance de reprise économique, le nombre d’IPO est remonté à 1 707 en

2004 et 1 596 en 2005.

Toutefois, l’évolution individuelle des différentes places financières internationales,

notamment après l’éclatement de la bulle internet, n’a pas été identique partout. Ainsi, alors

que le nombre d’IPO à l’étranger a atteint un sommet en 2005, le nombre d’IPO de sociétés

étrangères aux Etats-Unis était "à la traîne". A titre d’exemple, la part des IPO étrangères aux

US par rapport à l’ensemble des IPO de sociétés étrangères a fortement baissé, passant de

54% en 1990 à 17% en 2005. En outre, alors que de 2002 à 2005 la capitalisation boursière

mondiale (hors US) a plus que doublé, la capitalisation boursière américaine n’a augmenté

« que » de l’ordre de 50%.

Cette évolution est alors liée, au moins en partie, au fait que l’économie américaine a eu plus

de mal à se sortir de la crise internet que les autres grandes nations mondiales. En effet, en

étant l’épicentre du séisme, l’économie US a plus de difficultés à se remettre sur de bons rails.

La baisse de compétitivité des marchés américains dans la période post-SOX pourrait donc

partiellement s’expliquer par le contexte économique moribond du début des années 2000 et

par un réveil lent et douloureux. L’adoption d’une réglementation plus rude, si elle peut

également apparaître comme une explication crédible, ne peut donc pas servir de bouc

émissaire.

D’autres auteurs ont également cherché à prouver que la SOX n’était pas la seule responsable

du déclin US. Ils ont ainsi mis en exergue de nombreux autres critères explicatifs. Ainsi,

Robert A. Prentice53

a montré que les places financières internationales s’étaient développées

53

Prentice Robert A. (2007), “Sarbanes-Oxley: The evidence regarding the impact of section 404”, in McCombs

Research Paper Series, No. IROM-09-0.

49

notamment grâce à une liquidité accrue. Si les Etats-Unis sont restés pendant longtemps le

seul lieu de la planète où il était possible de trouver d’importantes liquidités, la donne semble

effectivement avoir changé. La liquidité des marchés européens comme asiatiques s’est en

effet fortement renforcée. Francesco Guerrera et Andrei Postelnicu54

ont par exemple montré

que dans des marchés comme Hong-Kong, les petits investisseurs individuels (retail

investors) jouaient un rôle crucial dans le succès des IPO car ils pouvaient absorber plus de la

moitié de la valeur offerte sur le marché. L’évolution chiffrée confirme d’ailleurs la tendance

observée puisque les fonds levés à Hong-Kong ont crû de manière exponentielle passant de

125 millions de dollars en 1998 à 3,7 milliards de dollars en 2005.

De plus, toujours d’après Robert A. Prentice55

, la baisse des entrées en bourse aux Etats-Unis

serait également liée à un transfert de connaissances à l’étranger. En investissant hors de son

territoire, les entreprises américaines ont partagé leur méthode de travail et ont alors permis à

de nombreuses entreprises étrangères de produire localement et plus seulement d’importer des

produits américains. De plus, le développement des places financières à travers le monde et

l’envie de rester sur son territoire a amené de nombreuses sociétés étrangères à entrer en

bourse sur leur propre place financière.

Par ailleurs, l’évolution haussière des autres places financières internationales serait liée à la

différence substantielle des frais engagés lors d’une entrée en bourse. Ces derniers sont bien

supérieurs aux Etats-Unis qu’ailleurs. En Asie, par exemple, ces frais sont divisés par deux.

Ainsi, en 2006, si l’entrée en bourse de la banque ICBC56

sur les marchés de Hong-Kong et de

Singapour a généré 500 millions de dollars de frais, cela aurait coûté plus d’un milliard de

dollars à New-York. La SOX n’explique donc pas à elle seule le déclin américain. Il faut

d’ailleurs bien noter qu’une économie d’un demi-milliard de dollars permettrait à une société

cotée « moyenne » de financer les coûts liés à SOX pendant plus d’un siècle.

54

Guerrera Francesco & Postelnicu Andrei (2005), “A Not So Foreign Exchange”, in Financial Times, 18th

November 2005

55 Prentice Robert A. (2007), “Sarbanes-Oxley: The evidence regarding the impact of section 404”, in McCombs

Research Paper Series, No. IROM-09-0.

56 ICBC : Industrial and Commercial Bank of China

50

Enfin, Doidge, Karolyi et Stulz57

(2007) ont montré que l’analyse des évolutions chiffrées des

différentes places financières mondiales n’était pas aussi aisée et qu’il était donc réducteur de

considérer la SOX comme seule responsable du déclin US. A ce titre, les auteurs ont comparé

l’évolution des marchés financiers américains à celle des marchés financiers anglais.

A première vue, entre 1998 et 2005, la part de marché de la place financière londonienne, en

termes d’attraction des entreprises étrangères, a crû alors que celle du marché new-yorkais a

plus ou moins stagné. Ainsi, si en 1998, la part de marché du fameux London Stock Exchange

s’élevait à 16%, cette dernière a atteint 19% en 2005. Sur la même période, la part de marché

de la « Big Apple » est restée à niveau d’environ 30%. En se cantonnant à cette analyse, il

apparaît donc que Londres a attiré des entreprises étrangères qui quelques années auparavant

seulement auraient certainement privilégié les Etats-Unis.

Toutefois, les auteurs ont poussé leur analyse plus loin et ont montré que cette évolution

devait être nuancée par la nature même des marchés sur lesquels les entreprises étrangères se

sont fait coter. En effet, si la place londonienne a eu le vent en poupe, c’est globalement grâce

au succès rencontré par « l’Alternative Investment Market58

».

Les entreprises qui se font coter à Londres peuvent en effet choisir de le faire via l’émission

d’actions ordinaires ou de certificats de dépôts sur le Main Market, marché dont les exigences

sont plus faibles que celles du NYSE, de l’AMEX ou encore du NASDAQ mais qui restent

conséquentes. Mais ces entreprises disposent d’une alternative puisqu’elles peuvent aussi faire

le choix d’effectuer leur cotation sur l’AIM. Ce marché a été créé en 1995 par le London

Stock Exchange en tant que marché junior destiné à fournir des capitaux aux petites

entreprises à forte croissance. Il est bien connu que les exigences sur ce marché,

comparativement à celles des marchés américains ou même simplement du Main Market

londonien, sont réduites au strict minimum. En réalité, tout ce qui est exigé sur ce marché est

le soutien d’un Nomad (nominated advisor). Ensuite, l’entreprise doit juste satisfaire quelques

faibles obligations de communication du marché. Ainsi, l’AIM impose seulement « un devoir

57

Doidge Craig, Karolyi George Andrew, Stulz René M. (2007), “Has New-York become less competitive in

global markets? Evaluating foreign listing choices over time”, in ECGI Working Paper Series in Finance

58 Cf Glossaire pour définition

51

général de communication des informations qu’il est raisonnable de considérer comme

nécessaire à la compréhension totale de la position financière du candidat59

».

Or, bien que le succès de l’AIM soit impressionnant, il est primordial de comprendre que

l’entreprise typique qui rentre sur ce marché est une petite entreprise qui, en raison de ses

caractéristiques, n’aurait pas pu effectuer sa cotation à New-York que ce soit aujourd’hui ou

dans les années 90. Ainsi, pour « comparer ce qui est comparable », l’évolution des marchés

financiers américains ne doit pas être comparée à celle de l’ensemble des marchés londoniens

mais bien seulement au Main Market.

Les résultats de l’étude menée par les auteurs sont alors riches d’enseignement puisqu’ils

montrent qu’en réalité, en neutralisant l’impact de l’AIM, les trois principales places

financières américaines ont augmenté leur part de marché par rapport au Main Market. Ainsi,

si en 1998, New-York disposait de 92% de cotations étrangères de plus que le Main Market

londonien, ce chiffre a grimpé jusqu’à 165% en 2005. En excluant l’AIM, il apparaît que le

Main Market, comparativement aux marchés new-yorkais, a en réalité enregistré un déclin.

C’est donc la hausse de l’AIM qui est venue compenser largement la baisse de ce dernier et

qui a biaisé l’analyse effectuée dans un premier temps.

Ainsi, il serait faux d’interpréter le succès de l’AIM et la croissance du marché londonien qui

s’en est suivi comme une preuve du déclin de l’attractivité des marchés US. La cotation sur le

marché londonien peut très bien être devenue plus attractive alors même que la combinaison

d’attributs d’une cotation à New-York n’a pas changé. Après tout, les changements de

caractéristiques des entreprises peuvent avoir rendu la cotation à Londres plus intéressante

pour les sociétés qui n’avaient pas encore de cotation. Pour reprendre l’analogie utilisée par

les auteurs, une hausse de la part de marché des touristes à Nice comparé à Saint Moritz ne

veut pas forcément dire que Saint Moritz est devenue moins compétitive. Cela peut

simplement signifier que la saison a changé.

Il est donc évident que la baisse de compétitivité des marchés financiers américains est

corrélée au développement d’autres places financières dans le monde. Mais si l’adoption de la

SOX a certainement en partie favorisé ce développement, d’autres critères sont à prendre en

considération. Ainsi, une liquidité accrue, une volonté de rester sur son marché d’origine ou

59

Doidge Craig, Karolyi George Andrew, Stulz René M. (2007), “Has New-York become less competitive in

global markets? Evaluating foreign listing choices over time”, in ECGI Working Paper Series in Finance

52

encore des frais d’entrée plus faibles sont autant de facteurs explicatifs de l’évolution des

places européennes et asiatiques. De plus, comme évoqué ci-dessus, l’analyse trop hâtive des

évolutions chiffrées peut parfois dissimuler des résultats lourds de sens et de conséquences.

5) Des retraits plus liés aux caractéristiques changeantes des entreprises et des

marchés qu’à l’adoption de la SOX

Enfin, d’autres auteurs ont également essayé de montrer que la hausse du nombre de retraits et

la baisse du nombre des nouvelles cotations sur les principaux marchés financiers américains

ne pouvaient pas simplement être attribuées à l’adoption de la SOX. Ils ont mis en évidence le

fait que, plus que la loi, ce sont les caractéristiques des entreprises étrangères, les conditions

générales de marché et leur impact sur la performance financière de ces dernières qui sont à

l’origine de la tendance observée. Si certains ont alors indiqué que ce sont les caractéristiques

des sociétés s’étant retirées qui ont changé, d’autres ont affirmé que ce sont plutôt celles des

sociétés non encore cotées et donc des éventuelles nouvelles « recrues » qui se sont

transformées.

Ainsi, dans un premier temps, Chaplinsky et Ramchand60

(2009) se sont attachés à montrer

que certaines conditions de marché et caractéristiques des entreprises étrangères ont pu rendre

la multicotation aux Etats-Unis désavantageuse et pousser certaines d’entre elles à se retirer.

Concernant les conditions de marché, ils ont d’abord constaté qu’au fil du temps les marchés

locaux des entreprises étrangères cotées sur les places américaines sont devenus des

compétiteurs bien plus féroces pour les USA. Le ratio capitalisation boursière/PIB de ces

derniers est ainsi passé de 14% entre 1981 et 1990 à près de 92% entre 2001 et 2006. De plus,

comme le montre l’indicateur Corporate Governance Quality (CGQ), la gouvernance

d’entreprise s’est également améliorée à travers le temps. Ainsi, si le CGQ atteignait une

moyenne de 62% pour les cotations effectuées entre 1991 et 2000, celui-ci a atteint 67% sur la

période finale, de 2001 à 2006 en l’occurrence.

60

Chaplinsky Susan, Ramchand Latha (2009), “First impressions count: Foreign firms' entry and exit from the

US”, Electronic copy available at http://ssrn.com/abstract=1362261

53

Ces résultats suggèrent donc, indépendamment du type de loi qui gouverne le pays d’origine,

que les standards de gouvernance se sont bien améliorés hors des USA sur la période

d’analyse. Les retraits constatés aux US et effectués au profit de ces marchés ne seraient donc

pas simplement liés à la SOX mais pourraient s’expliquer par le fait que les marchés locaux

sont devenus tout autant capables que les marchés américains de répondre aux besoins de

leurs sociétés.

Puis, les auteurs ont montré que la croissance du nombre de départs s’était traduite par une

baisse du temps de cotation pour les entreprises étrangères. Ainsi, si les sociétés étrangères

restaient en moyenne cotées au moins 33 ans avant 1975, cette moyenne n’a cessé de baisser

sur les trois décennies suivantes pour atteindre une durée de 6 ans entre 1996 et 2000. De

même, si avant 1975, 100% des entreprises restaient cotées au moins 5 ans, cette proportion a

nettement baissé pour s’établir à 65% entre 1996 et 2000. Enfin, les auteurs ont constaté une

chute brutale dans la part des entreprises qui restent cotés au moins 10 ans puisque celle-ci

était de 100% avant 1975 mais a plongé à 45% entre 1996 et 2000. Ainsi, il y a clairement eu

une réduction du temps de cotation des entreprises étrangères sur les marchés US. Toutefois,

cette tendance s’étant observée avant 2001, c’est-à-dire avant le passage de la SOX, la loi ne

peut pas en endosser la responsabilité.

Les auteurs se sont ensuite penchés sur les caractéristiques des entreprises étrangères cotées

sur les marchés US et de celles s’en étant retirées. Ils ont alors montré que la qualité des

sociétés étrangères entrant aux Etats-Unis avait nettement diminué avec le temps. Ainsi, d’une

manière générale, les entreprises étrangères réalisant leur Initial Public Offering61

(IPO) aux

USA avant 1980 provenaient majoritairement des pays développés et disposaient d’un Return

On Assets (ROA) moyen de 17% (médian de 14%). Les chiffres d’après 1980 présentent une

tendance baissière puisque le ROA61

moyen sur la période 2001-2006 s’élevait « seulement »

à 6% (médian à 9%). Ainsi, la rentabilité opérationnelle moyenne et médiane a été divisée

environ par deux sur la période étudiée.

De plus, les auteurs ont mis en exergue le fait que les sociétés qui se sont retirées

volontairement étaient de plus petite taille en termes de ventes et d’actifs médians que les

entreprises restantes. Ils ont également noté qu’une part plus faible d’entre elles jouissait de

résultats positifs. En outre, en termes d’avantages, une part significativement plus faible

61

Cf Glossaire pour définitions

54

d’entre elles avait levé des capitaux au moment de leur cotation ou durant leur présence sur le

marché. Enfin, si la couverture par les analystes atteignait plus de 58% pour les entreprises

toujours cotées, celle-ci ne s’établissait qu’à 45% pour les entreprises démissionnaires.

Pour résumer, en comparant les caractéristiques des entreprises qui se sont retirées

volontairement après l’adoption de la SOX à celles qui sont restées, les auteurs ont constaté

qu’elles étaient plus petites et moins rentables, disposaient de perspective de croissance

moindre, d’une couverture par les analystes assez faible et n’utilisaient pas au maximum leur

opportunité de lever des fonds. Les sociétés étrangères qui se sont retirées de la cote officielle

aux USA avaient donc des caractéristiques qui laissent supposer qu’elles avaient été admises

alors qu’elles étaient plus faibles que les autres. En d’autres termes, ces entreprises ne

jouissaient donc plus d’aucun avantage à être cotées aux Etats-Unis. Et puisque leur marché

d’origine leur offrait une bonne alternative au marché US, il n’est pas anormal de les avoir

vus se retirer.

Les conclusions de l’étude de Hansel, Pownall et Wang62

(2008) semblent également aller

dans le même sens. Ils ont en effet cherché à réévaluer les effets de la SOX sur le nombre de

retrait de la cote officielle sur les marchés US en prenant en compte les conditions générales

de marché et les fondamentaux des entreprises, la taille et la rentabilité de ces dernières

notamment. Ils ont alors trouvé que les facteurs de marché qui expliquaient la fréquence des

nouvelles cotations sur les marchés US de 1962 à 2005 expliquaient également la majeure

partie de la variation des retraits sur la même période.

Ils ont alors montré que les fondamentaux des entreprises tels que le ROA, la dette, le ratio de

liquidité générale ou encore le total actif étaient tous significativement associés à la

probabilité de se retirer. Ainsi, d’après leur étude, les petites entreprises, c’est-à-dire celles

avec des rendements comptables plus faibles, celles qui disposent de moins de liquidité

financière et d’un levier financier plus fort, sont plus susceptibles de se retirer des marchés

financiers américains.

De même, ces derniers ont prouvé que les conditions générales de marché jouaient également

sur la propension des sociétés à se retirer. Plus spécifiquement, l’intensité des nouvelles

inscriptions à la cote officielle de la période précédente, l’attractivité du marché de la dette et

62

Hansen Bowe, Pownall Grace, Wang Xue (2008), “The robustness of the Sarbanes-Oxley effect on the US

Capital Market”, Electronic copy available at http://ssrn.com/abstract=10133921

55

l’incertitude de la demande de l’économie globale sont positivement associés à la probabilité

d’un retrait.

Enfin en divisant leur échantillon en quintile en fonction de la taille des entreprises, les

auteurs ont voulu vérifié les résultats des études précédentes qui suggéraient que les petites

entreprises avaient été plus lourdement frappées, c’est-à-dire plus volontiers poussées vers la

sortie. Leurs résultats tendent à prouver que les petites entreprises disposant de performances

financières plus faibles sont plus susceptibles de se retirer des marchés US sur l’ensemble de

la période étudiée. Les auteurs ont aussi montré que l’adoption de la SOX n’était que

marginalement associée avec une probabilité plus élevée de retrait des plus petites sociétés de

l’échantillon. De même, de manière cohérente avec les délais supplémentaires de conformité

accordés aux plus petites entreprises, la mise en place de la section 404 n’est pas

significativement associée avec la probabilité de départ de ces dernières. D’un autre côté, si le

passage de la SOX n’est pas associé avec la probabilité de retrait des 80% plus grandes

entreprises de l’échantillon, la mise en place de la section 404 l’est bien. Ainsi, les auteurs ont

conclu que la mise en place de la section 404 était associée avec une probabilité accrue de

retrait des marchés US pour les plus grandes sociétés, particulièrement si leurs performances

financières n’étaient pas au rendez-vous.

Si les études précédentes ont suggéré que les marchés US avaient été désavantagés par la

nature onéreuse de la SOX et que ce sont les petites entreprises peu liquides qui avaient

particulièrement été touchées, les résultats des auteurs, au contraire, tendent à prouver que la

hausse des départs des petites entreprises du marché US dans la première moitié de la

décennie est plus dictée par les changements contemporains des facteurs généraux de marché

et leurs effets sur la performance des entreprises que directement par la réglementation

comptable et de la gouvernance d’entreprise.

Enfin, Doidge, Karolyi et Stulz63

(2007) ont montré que l’évolution constatée des marchés US

étaient plus liées au changements de caractéristiques des sociétés non cotées qu’aux

changements de caractéristiques des sociétés déjà cotées aux Etats-Unis.

Ainsi, les marchés US pourraient-ils être devenus moins attractifs du fait qu’ils n’arrivaient

plus dans la période post-SOX à attirer les entreprises qu’ils attiraient dans les années 90.

63 Doidge Craig, Karolyi George Andrew, Stulz René M. (2007), “Has New-York become less competitive in

global markets? Evaluating foreign listing choices over time”, in ECGI Working Paper Series in Finance

56

Toutefois, les analyses des auteurs n’ont pas permis de trouver des preuves supportant une

telle conclusion. En effet, leur étude, basée sur une comparaison des marchés new-yorkais et

londonien, a mis en avant le fait que les attributs des entreprises qui affectaient la décision de

se faire coter sur un marché il y a quelques années sont majoritairement les mêmes

aujourd’hui.

Les auteurs ont ainsi prouvé que les entreprises qui étaient et sont attirées par les marchés

américains et anglais majeurs (NYSE, AMEX, NASDAQ et Main Market LSE) ne sont pas

très différentes. De plus, hormis quelques minces exceptions pour les marchés américains, les

auteurs ont affirmé que les caractéristiques des entreprises cotées aux Etats-Unis ou en

Angleterre n’ont que très peu évolué entre la période pré et post-SOX.

Mais alors que les caractéristiques des entreprises nouvellement cotées n’ont guère changé

avant et après l’adoption de la SOX, les caractéristiques des sociétés non multicotées, c’est-à-

dire celles qui ne sont cotées que sur leur marché d’origine, changent quant à elles

significativement : elles sont plus petites, ont un ratio Tobin qui chute et une croissance des

ventes qui, bien que positive, reste très inférieure aux sociétés multicotées. Et si les

caractéristiques des entreprises étrangères non cotées sur une marché différent que celui de

leur pays d’origine changent, il est normal que leur appétit pour la multicotation aux US ou

ailleurs change aussi.

Il y a donc peu de preuves qui soutiennent l’idée que les entreprises ont pris récemment leur

décision de cotation différemment de la manière dont elles l’avaient pris entre 1990 et 2001. Il

n’y a donc également que peu de preuves qui soutiennent l’idée d’une perte de compétitivité

du marché US. Si quelque chose a changé après l’adoption de la SOX, ce serait plutôt que les

entreprises non multicotées sont devenues plus petites et donc moins susceptibles de se faire

coter à New-York ou sur le Main Market londonien. Plus que la SOX, la source principale du

déclin du marché américain serait donc un vivier de nouvelles recrues potentielles plus faible

que par le passé.

Ainsi, à la lumière de ces différentes études, il apparaît que si l’adoption de la SOX et ses

coûts de conformité colossaux n’ont certainement pas été étrangers au départ

d’entreprises des Etats-Unis, il est clair qu’elle n’en est pas la seule responsable. En

effet, certains auteurs ont remis en cause la théorie de la perte de compétitivité des

57

marchés US en mettant en évidence certaines réactions incohérentes du prix des titres

des sociétés cotées aux annonces liées à la SOX ou en montrant que certains investisseurs

allaient même jusqu’à la valoriser. D’autres ont montré que le déclin connu par la Big

Apple était plus lié au développement d’autres grandes places financières à travers le

monde qu’à l’adoption de la SOX. Enfin, sans remettre totalement en cause la

responsabilité de la SOX, certaines études ont prouvé que les caractéristiques des

entreprises et les conditions générales de marché pouvaient à elles seules expliquer une

partie non négligeable de l’évolution constatée sur les marchés financiers américains.

58

PARTIE II – CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIE

Il semble primordial de préciser d'emblée que nous avons choisi d’utiliser une démarche

hypothético-déductive pour ce dossier. Il s’agissait alors dans un premier temps de cibler

notre objet de recherche et d’effectuer une revue de la littérature en conséquence.

Notre état de l’art nous a alors permis de dégager les grandes théories et les concepts majeurs

liés à notre étude. Il s’agit désormais de définir une problématique et de poser des hypothèses

de recherche puis d’expliquer notre méthodologie de test ainsi que les raisons qui ont motivé

nos choix. C’est ici l’objet de notre deuxième partie.

I. Enonciation de la problématique et des hypothèses

A) Problématique

A la lecture de l’état de l’art, il apparaît de manière assez évidente que les conclusions des

auteurs sur la responsabilité de la SOX dans le déclin des marchés financiers US sont

contrastées. En effet, pour certains d’entre eux, il ne fait aucun doute que la loi est

responsable, au moins partiellement, de la perte d’attractivité des marchés financiers US

auprès des entreprises étrangères. Pour s’en convaincre, il suffit alors simplement de se

pencher sur les rendements anormaux négatifs lors des annonces précisant que la SOX

s’appliquerait à toutes les entreprises sans exceptions. Toutefois, d’autres études ont permis

de mettre en évidence le fait qu'elle ne pouvait pas être accusée de tous les maux des marchés

américains. Le développement d’autres grandes places financières mondiales peut, par

exemple, expliquer une partie du phénomène observé. De même, il semblerait que certaines

entreprises qui se sont retirées dans la période post-SOX avaient des caractéristiques qui

rendaient la multicotation aux Etats-Unis inutile. A titre d’exemple, ces dernières étaient plus

petites et ne jouissaient plus de la possibilité de lever des fonds. Leur présence aux Etats-Unis

était donc loin d’être vitale.

Si les conclusions des différentes études menées sont contrastées, c’est donc qu’il n’existe pas

réellement de consensus entre les auteurs. Il semblerait donc qu'une question fondamentale

59

reste encore en suspens. Cette dernière, qui correspond alors à notre problématique de

recherche, peut se formuler en ces termes :

Problématique : L’adoption du Sarbanes-Oxley Act de 2002 et la mise en place de la

section 404 ont-elles été synonymes de perte d’attractivité et de compétitivité des

marchés financiers américains auprès des entreprises étrangères ?

Il s’agira ici d’apporter une réponse satisfaisante à la question et donc d’essayer trancher le

débat qui divise actuellement les auteurs. Il sera donc nécessaire de comprendre l’impact réel

de l’adoption d’une loi tentaculaire et d’envergure sur l’attractivité du berceau de la finance

internationale que sont les Etats-Unis.

Pour répondre correctement à cette question cruciale, nous avons alors posé et testé trois

hypothèses.

B) Hypothèses

La revue de la littérature effectuée précédemment nous a permis de déterminer les principaux

axes de réflexion susceptibles d’apporter une réponse à la problématique de ce dossier.

Dans un premier temps, nous avons décidé d’analyser l’évolution chiffrée des trois principales

places américaines après 2002. Nous avons alors posé l’hypothèse suivante :

H1: L’adoption de la SOX a entraîné une hausse significative des retraits des

entreprises étrangères sur les marchés financiers américains.

Si cette hypothèse se vérifiait, il serait alors difficile de contester le fait que l’adoption de la

SOX n’a pas été corrélée à une perte d’attractivité des marchés américains. Cela pousserait

effectivement à croire que la SOX n’a pas été accueillie favorablement par les entreprises

étrangères.

Néanmoins, pour confirmer cette conclusion, il nous a semblé opportun d’analyser les

rendements des entreprises soumises à la SOX comparativement à celles qui ne l’étaient pas,

au moment des principales annonces de la SEC sur l’applicabilité de la SOX. C’est pour cette

raison que, dans un deuxième temps, nous avons posé l’hypothèse suivante :

60

H2: Les entreprises étrangères cotées aux US et soumises à la SOX,

comparativement à celles qui n’y étaient pas soumises, ont réagi de manière

différente aux annonces de la SEC sur l’applicabilité de la loi, suggérant ainsi que

la SOX a bien eu un impact sur ces dernières.

Si une telle hypothèse venait à se vérifier, il ne serait alors plus possible de contredire le fait

que les entreprises étrangères ont accueillis défavorablement la loi.

Enfin, pour compléter notre analyse, nous avons cherché à comparer la taille des entreprises

étrangères s’étant retirées des marchés US avant et après 2002, c’est-à-dire avant et après

l’adoption de la loi. C’est dans cette optique que, dans un troisième et dernier temps, nous

avons posé l’hypothèse suivante :

H3: La capitalisation boursière des entreprises s’étant retirées des marchés US

étant plus faible après 2002 qu’avant, il semblerait que les entreprises les plus

petites ont été plus négativement touchées par l’adoption de la SOX.

Si cette hypothèse se vérifiait, cela supposerait donc que la SOX a eu des effets différents sur

les entreprises en fonction de leur capitalisation boursière. Les entreprises les plus petites

seraient alors celles qui ont été le plus négativement impactées par la loi.

Ainsi, si toutes ces hypothèses venaient à se vérifier, cela suggèrerait que le déclin US est

clairement attribuable à l’adoption de la SOX. Dans le cas contraire, la conclusion ne pourrait

pas être aussi catégorique et devrait donc être nuancée.

61

II. Méthodologie de recherche

Les hypothèses étant clairement identifiées, il semble désormais opportun de se pencher sur

la méthodologie de test employée pour les vérifier.

A) Hypothèse n°1

1) Justification de la méthode

L’objet de l’hypothèse n°1 est de vérifier si les conclusions des études réalisées par les

auteurs précédemment cités sur l’évolution chiffrée des marchés financiers américains au

regard des cotations étrangères sont exactes. En effet, la plupart des études effectuées sur le

sujet suggèrent que les principales places financières Outre-Atlantique ont connu, dans la

période post-SOX, un déclin significatif du nombre d’entreprises étrangères cotées en leur

sein.

L’hypothèse n°1 ayant trait à l’évolution chiffrée du nombre d’entreprises étrangères cotées

aux Etats-Unis, il nous a semblé évident que l’analyse quantitative devrait être privilégiée. En

effet, l’analyse qualitative, bien qu’offrant des atouts considérables pour certaines études ne

semble pas du tout propice à l’analyse quantifiée du nombre d’introductions ou de retraits des

émetteurs étrangers.

Pour vérifier notre hypothèse, nous avons décidé de mener deux tests distincts mais somme

toute assez complémentaires. Dans un premier temps, nous avons analysé l’évolution chiffrée

du nombre de cotations sur les marchés américains des entreprises étrangères soumises aux

exigences de la SEC et donc soumises aux contraintes de la SOX. Dans un second temps,

nous nous sommes penchés sur l’analyse de l’évolution de la part de marché mondiale des

Etats-Unis au regard des entreprises multicotées.

Une telle démarche nous autorise à croiser les analyses, à étudier la cohérence des résultats et

donc à tirer une conclusion au plus proche de la réalité. A titre d’exemple, nous pourrions

constater dans le test n°1 que les marchés financiers américains ont effectivement connu un

fort déclin en termes de cotations étrangères dans la période post-SOX et conforter ces

résultats avec le test n°2 qui indiquerait en outre que la part de marché des Etats-Unis au

62

regard des multicotations a significativement baissé. Ces deux résultats nous autoriseraient

alors à conclure que la période post-SOX a effectivement été corrélée à une perte

d’attractivité des marchés US. A l’inverse, si le test n°1 venait à indiquer une chute du

nombre de cotations étrangères mais que le test n°2 venait à mettre en évidence une hausse de

la part de marché des Etats-Unis, notre conclusion ne pourrait pas être aussi catégorique et

devrait donc être nuancée.

2) La méthode de collecte et de test

a) L’évolution du nombre de cotations sur les marchés US des entreprises étrangères

soumises aux exigences de la SEC

Comme nous l'avons évoqué précédemment, notre premier test pour vérifier l’hypothèse n°1

s’articule autour de l’analyse de l’évolution du nombre de multicotations aux Etats-Unis dans

la période pré et post-SOX.

A cet effet, nous avons dans un premier temps collecté les données fournies par la SEC sur les

entreprises étrangères cotées aux US.64

Le site de la SEC fournit, en l'espèce, des données

annuelles sur les entreprises étrangères multicotées aux Etats-Unis en fonction de leur zone

géographique et du marché sur lequel elles effectuent leurs transactions. Ainsi, les données

sont fournies par années de 1998 à 2008 (hors 1999 où elles ne sont pas communiquées) et par

marché financier. Les différents marchés reportés dans ces fichiers sont les suivants : NYSE,

NMS, AMEX, SM CAP et OTC65

.

Ces données étant publiées au format PDF, il a été nécessaire de les retraiter sous Excel pour

pouvoir les exploiter correctement. Notre étude portant sur les entreprises étrangères cotées

aux US et soumises à la fois aux exigences de la SEC et de la SOX, nous avons dû soustraire

l’ensemble des données correspondant aux sociétés cotées sur le marché OTC. En effet,

64

http://sec.gov/divisions/corpfin/internatl/companies.shtml

65 Le marché NYSE correspond au « New-York Stock Exchange », le marché NMS au « Nasdaq Stock Market-

National Market System », le marché SM CAP au « Nasdaq Stock Market-Small Cap Market » et le marché

OTC au « Over-The-Counter Market ».

63

comme nous l’avons évoqué précédemment66

, les ADR de niveau I sont échangés sur les Pink

Sheets (marché OTC) et sont largement exemptés des obligations de la SEC et donc de la

SOX. Ainsi, la présence des entreprises étrangères cotées sur le marché OTC aurait biaisée

notre analyse de l’évolution des entreprises étrangères multicotées aux US et soumises aux

exigences de la SOX. Nous avons alors obtenu, avec un onglet par année, un fichier Excel67

présentant les entreprises cotées aux US avec leur nom, leur pays d’origine ainsi que le

marché sur lequel elles effectuaient leurs transactions.

Nous avons ensuite compilé les données de chaque onglet dans un tableau synthétique68

indiquant, pour chaque entreprise, si elle était cotée ou non sur l’un des principaux marchés

financiers américains.

A partir de ce fichier et en réalisant des tris, nous avons pu réaliser une synthèse globale par

année du nombre d’entreprises étrangères cotées, du nombre de nouvelles multicotations et du

nombre de retraits. Nous avons également inséré deux colonnes supplémentaires dans notre

synthèse afin de calculer le pourcentage de retrait sur une année (nombre de retraits/nombre

total d’entreprises étrangères cotées) et pour voir si le nombre de retraits était supérieur au

nombre de nouvelles multicotations.

66

II. Les liens potentiels entre l’adoption de la SOX et la perte de compétitivité des marchés financiers

américains auprès des entreprises étrangères - A) Le contexte général de l’analyse - 2) Différents moyens de

cotations et différentes obligations

67 Cf 1) Annexe 9 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°1 »

68 Cf 2) Annexe 9 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°1 »

64

Nous avons alors obtenu la synthèse suivante :

C’est à partir de ce fichier que nous réaliserons notre analyse. Nous nous intéresserons alors à

l’évolution des marchés US dans la période pré et post-SOX pour comprendre si l’adoption de

la SOX a été corrélée à un déclin des places financières US. Nous nous focaliserons

notamment sur l’évolution des marchés sur l’année 2007 car c’est à partir de cette date que les

modalités de retraits ont été très fortement allégées grâce à l’adoption de la Rule 12h-6.

Ensuite, pour compléter notre analyse et pour comprendre si certaines entreprises ont été plus

touchées que d’autres par ces retraits apparents, nous avons décidé de réaliser une analyse en

fonction des pays d’origine des entreprises étrangères multicotées. Nous avons alors comparé

les évolutions chiffrées d’entreprises en provenance des pays développés à celles d’entreprises

originaires des pays émergents69

.

69

Cf 3) Annexe 9 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°1 »

65

b) L’évolution de la part de marché mondiale des US sur les multicotations

Notre deuxième test, pour vérifier l’hypothèse n°1 et pour confirmer ou infirmer les résultats

de notre premier test, s’articule autour de l’analyse de l’évolution de la part de marché

mondiale des principaux marchés financiers américains au regard des entreprises étrangères

multicotées.

Dans ce but, nous avons dans un premier temps collecté les données fournies par la « World

Federation of Exchanges70

» sur les entreprises cotées sur les différentes places financières

internationales. Le site internet fournit, en effet, des données annuelles sur le nombre

d’entreprises cotées en fonction de leur zone géographique (Asie, Amérique du Nord,

Amérique du Sud, Europe…) et en fonction du marché sur lequel elles effectuent leurs

transactions71

.

De plus, les données étaient communiquées avec une distinction entre les entreprises locales

et les entreprises étrangères. Notre dossier traitant particulièrement de l’impact de l’adoption

de la SOX sur les entreprises étrangères mutlicotées aux Etats-Unis, nous nous sommes

focalisés uniquement sur les entreprises non américaines. Nous avons donc naturellement

soustrait l’ensemble des données relatives aux firmes US.

Nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux données fournies pour les années

1998, 2003, 2007 et 2008. Le choix de ces années n’est pas le fruit du hasard et se justifie par

plusieurs raisons évidentes.

La première repose sur le fait que nous avons choisi une fenêtre d’analyse comparable avec

notre premier test. En effet, dans celui-ci, notre analyse a porté sur l’évolution des marchés

financiers US de 1997 à 2008. Ainsi, pour ce second test, nous avons analysé l’évolution des

parts de marchés sur une période similaire, soit de 1998 à 2008.

Nous avons ensuite choisi ces dates en fonction de leur pertinence par rapport à l’adoption de

la SOX. Ainsi, nous avons retenu une date immédiatement antérieure à l’adoption de la loi

(1998) et une date juste après son adoption (2003). De la sorte, nous avons pu comparer la

part de marché des places US avant et après que la SOX n’ait été adoptée et donc analyser

70

http://www.world-exchanges.org/statistics/annual

71 Cf 4) Annexe 9 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°1 »

66

l’impact de cette dernière. En outre, nous avons analysé l’évolution de la part de marché sur

l’année 2007, soit celle de l’adoption de la Rule 12h-6 qui facilitait les démarches de retrait et

de désinscription auprès de la SEC des entreprises cotées aux US. Une telle démarche nous a

ainsi permis de voir si les Etats-Unis avaient enregistré une baisse significative de leur part de

marché sur cette année particulière. Enfin, pour tenter de comprendre si les effets de la Rule

12h-6 n’étaient qu’éphémères ou s’ils se sont prolongés sur les années suivantes, nous avons

observé les parts de marché mondiales des principales places internationales sur l’année 2008.

A la suite de ces choix sur le périmètre d’analyse nous avons, pour chacune des années

sélectionnées, effectué un calcul de la part de marché en pourcentage de chacune des

principales places financières à travers le monde. Ainsi, nous avons effectué le calcul suivant :

nombre d’entreprises étrangères cotées sur le marché considéré/nombre total d’entreprises

étrangères multicotées dans le monde. Nous avons alors obtenu les parts de marché de

chacune des places financières et avons réalisé un graphique de type « camembert ». Nous

avons alors obtenu des graphiques de ce type :

C’est à partir de ces graphs que nous réaliserons notre analyse. Nous nous intéresserons alors

à l’évolution des parts de marché US (NYSE + NASDAQ + AMEX) par rapport aux parts de

marché des autres grandes places boursières mondiales dans la période pré et post-SOX pour

comprendre si l’adoption de la SOX a effectivement été corrélée à un déclin des places

67

financières US. De manière identique à notre premier test, nous nous focaliserons notamment

sur l’évolution des marchés sur l’année 2007, date d’adoption de la Rule 12h-6.

Notons finalement que nous chercherons à croiser les résultats de ces trois tests pour voir s’ils

sont cohérents et s’ils convergent vers la même idée ou si, au contraire, ils présentent des

résultats contradictoires. C’est à partir de cette convergence potentielle que nous serons alors

en mesure de valider ou d’infirmer notre première hypothèse.

B) Hypothèse n°2

1) Justification de la méthode

L’objet de l’hypothèse n°2 est de vérifier si les conclusions des études réalisées par les

auteurs précédemment cités sur le rendement des titres des entreprises étrangères au moment

des principales annonces de la SOX sont exactes. En effet, la plupart des études effectuées sur

le sujet suggèrent que les sociétés cotées aux US et soumises à la SOX, comparativement à

celles qui sont cotées aux US mais qui n'y sont pas soumises, ont eu des rendements

significativement négatifs lors des annonces indiquant que la SOX s’appliquerait à toutes les

entreprises et des rendements significativement positifs lors des annonces de possibles

exemptions pour les sociétés étrangères.

Pour vérifier notre hypothèse, nous avons mené une analyse du rendement des titres des

entreprises étrangères cotées aux US lors de 8 annonces majeures de la SEC. La sélection de

ces 8 événements particuliers de 2002 n’est pas le fruit du hasard mais repose sur l’étude

réalisée par Kate Litvak en 2007 sur le même sujet. Celle-ci a initialement identifié 14

annonces majeures mais s’est principalement intéressée à 8 d’entre elles. En effet, certains

événements, bien qu’importants, étaient trop attendus ou sont arrivés trop tôt pour générer une

réponse significative. Nous nous sommes alors, comme Me Litvak, intéressés aux événements

3, 4, 7, 8, 9, 12, 13 et 1472

.

Nous nous sommes ensuite focalisés uniquement sur les entreprises étrangères effectuant leurs

transactions sur les marchés américains via les ADR. En effet, pour essayer d’isoler au

72

Cf Annexe 7 : « Les principaux événements de la SOX selon Litvak »

68

maximum les effets de la SOX, il était nécessaire de comparer les rendements des entreprises

soumises à la SOX à celles qui n’y étaient pas. Or, comme nous l’avons explicité

précédemment lors de notre revue de la littérature, les entreprises cotées via les ADR de

niveau 2 et 3 sont soumises à la SOX alors que celles cotées via les ADR de niveau 1 et 4 ne

le sont pas. Ainsi, la comparaison du rendement des titres de ces deux catégories distinctes

nous a permis d’isoler en partie les effets de la SOX. Ainsi, les entreprises cotées via les ADR

de niveau 1 et 4 n’y étant pas soumises, elles ne devraient pas réagir dans les mêmes

proportions aux différentes annonces de la SEC que les entreprises directement impactées par

la loi.

En outre, afin d’obtenir des conclusions au plus proche de la réalité, nous avons également

cherché à comparer les rendements de ces entreprises à des entreprises étrangères non

multicotées aux Etats-Unis. Nous avons construit, pour chacune des catégories, soumises et

non soumises, un « matched pair ». Ainsi, pour chacune des entreprises étrangères cotées aux

US, nous avons cherché une entreprise originaire du même marché domestique et avec des

caractéristiques similaires. Nous nous sommes alors efforcés, dans un premier temps, de

considérer les entreprises opérant dans le même secteur d’activité. Puis, entre les différentes

entreprises trouvées, nous avons sélectionné celle qui disposait de la capitalisation boursière

la plus proche de l’entreprise multicotée aux US. Ainsi, notre analyse a porté sur des sociétés

« comparables » en termes de secteur d’activité et de taille.

Enfin, nous avons restreint notre analyse aux entreprises françaises et allemandes. En effet,

compte tenu de la masse d’information à traiter, de la difficulté de collecte des données et des

deadlines assez « serrées », nous nous ne pouvions effectuer notre analyse sur l’ensemble des

sociétés cotées via les ADR.

Une telle restriction d’échantillon met naturellement en lumière certaines limites de notre

étude. Si la plupart des auteurs ont effectué leur analyse avec un échantillon formé de

centaines d’entreprises de pays différents, notre échantillon ne porte en effet que sur 35

entreprises françaises et allemandes. Ainsi, nos résultats ne seront pas aussi représentatifs que

ceux des auteurs étudiés. Néanmoins, s’agissant des deux plus grandes nations européennes,

nous pouvons considérer que nos résultats nous permettront malgré tout de dégager une

tendance.

69

2) La méthode de collecte et de test

Dans un premier temps, afin de constituer notre échantillon d’entreprises françaises et

allemandes cotées aux Etats-Unis via les ADR, nous avons utilisé la base de données

« Datastream ». Nous avons lancé une requête dite « statique » pour obtenir l’ensemble des

entreprises étrangères cotées via les ADR avec pour chacune d’elles la date de leur première

cotation (BDATE), leur marché d’origine (GEOGN) ainsi que le marché sur lequel elles

effectuaient leurs transactions (EXNAME)73

. En réalisant un tri sur les entreprises françaises

et allemandes ayant des titres cotées via les ADR sur l’année 200274

, nous avons obtenu un

premier échantillon de 21 sociétés françaises et de 15 entreprises allemandes, soit un

échantillon global de 36 sociétés75

.

Ensuite, grâce au nom du marché fourni par Datastream, nous avons pu séparer notre

échantillon entre les entreprises soumises à la SOX et celles qui ne l’étaient pas. En effet,

toutes les sociétés cotées sur les marchés traditionnels (NYSE et NASDAQ notamment)

étaient soumises à ses exigences alors que les entreprises cotées via les marchés OTC (de gré

à gré) n’y étaient pas76

. Nous avons alors scindé notre échantillon en 10 entreprises soumises

à la SOX et 26 entreprises non soumises.

Puis, en fonction des entreprises sélectionnées et de leur code Datastream, nous avons lancé

une requête « Time Series » pour obtenir le cours et le rendement journalier de leur titre entre

le 01/01/2002 et le 31/12/200377

.

Une fois ces données récoltées, il s’agissait de construire le « matched-pair » avec des

entreprises non cotées aux US, provenant du même pays d’origine et ayant des

caractéristiques (en termes de secteur et de taille) similaires. Dans cet optique, nous avons

73

Cf 1) Annexe 10 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°2 »

74 Année d’étude des différents événements de Litvak

75 Cf 2) Annexe 10 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°2 »

76 La cotation ADR sur les marchés traditionnels correspond aux ADR de niveau 2 et 3 alors que la cotation

ADR sur les marché OTC correspond aux ADR de niveau 1.

77 Cf 3) Annexe 10 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°2 »

70

utilisé la base de données « InFinancials78

». En effet, en rentrant le nom des entreprises de

notre échantillon dans cette base, nous avons pu rapidement obtenir des « domestic peers »,

c’est-à-dire une liste d’entreprises comparables du même pays79

. Cette étape nous a alors

forcés à supprimer certaines entreprises de notre échantillon. Certaines firmes étaient

assurément les seules sur leur marché domestique et ne disposaient donc pas d’entreprises

comparables. Ce fut par exemple le cas de la société allemande SAP qui était à l’époque la

seule firme cotée en Allemagne à offrir des logiciels ERP.

Á partir de la liste de « pair » obtenue pour chacune des entreprises de notre échantillon, nous

avons ensuite cherché via Datastream à savoir si les sociétés qui la constituaient étaient ou

non cotées aux US en 2002 afin de soustraire l’ensemble des « domestic peers » qui l’étaient.

Puis, pour les entreprises restantes, nous avons comparé leur capitalisation boursière à fin

2001 à celle des entreprises de notre échantillon. De la sorte, nous avons pu sélectionner les

entreprises qui disposaient de la capitalisation boursière la plus proche.

Au final, nous avons retenu un échantillon de 35 entreprises, 9 d’entre elles étant soumises à

la SOX et 26 d’entre elles ne l’étant pas. Pour chacune d’elles, nous disposions d’un « pair »

pour lequel nous avons obtenu, toujours via Datastream, son rendement journalier.

Nous avons ensuite, pour chacun des événements sélectionnés80

, calculer la différence de

rendement des titres entre les entreprises de l’échantillon et leur « pair ». Puis, en effectuant

la moyenne de ces différences de rendement pour chaque date étudiée et en prenant garde à

bien séparer les sociétés soumises à la SOX de celles qui ne l’étaient pas, nous avons été en

mesure de construire deux portefeuilles distincts : un portefeuille « SOX » et un portefeuille

« non-SOX »81

.

78

Cf 4) Annexe 10 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°2 »

79 InFinancials utilise un algorithme nommé « Peer Tracker » qui cherche automatiquement les entreprises

comparables. Les critères utilisés pour trouver ces « peer group » sont le secteur (en premier lieu), les entreprises

dont les données financières sont disponibles ou encore les entreprises citées comme concurrentes.

80 Analyse effectuée, pour chaque événement, sur 5 jours ouvrables suite à l’annonce de la SEC afin d’être sûr

que les entreprises ont bien intégré l’information. Notons alors que les dates des événements 7 et 8 étant proches,

nous les avons agrégé en un seul événement.

81 Cf 5) Annexe 10 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°2 »

71

C’est alors sur la signification statistique des écarts de rendements de ces deux portefeuilles

que nous avons porté notre travail. Ainsi, en utilisant le logiciel d’analyse statistique

« SPSS », nous avons été en mesure, via le test de Wilcoxon82

, de mettre en évidence les

résultats significatifs. Soulignons ici que nous aborderons ces différents résultats ainsi que

leurs conséquences dans notre troisième partie.

C) Hypothèse n°3

1) Justification de la méthode

L’objectif de l’hypothèse n°3 est de s’assurer que les conclusions tirées par les auteurs

précédemment étudiés sur la taille des titres des entreprises étrangères s’étant retirées des

marchés US sont correctes. En effet, plusieurs auteurs ont expliqué que les sociétés ayant

quitté les principales places financières américaines dans la période post-2002 étaient les

entreprises les plus petites en termes de capitalisation boursière, suggérant ainsi que les plus

grandes firmes ont été moins sévèrement impactées par l’adoption de la SOX que leurs

homologues de taille plus modeste. Une telle conclusion ne semble a priori pas saugrenue

puisqu’il est raisonnable de penser que les grandes sociétés ont eu moins de mal à supporter et

à absorber les coûts additionnels de conformité à la loi.

Nous avons donc décidé de mener une analyse comparative de la taille des entreprises ayant

quitté les marchés Outre-Atlantique avant et après 2002. Le critère pris en compte pour

mesurer la taille des entreprises s’est assez naturellement tourné vers la capitalisation

boursière au moment de leur retrait.

Nous nous sommes focalisés sur les départs liés à des cotations ordinaires et ayant eu lieu sur

les principaux marchés financiers américains, le NYSE et le NASQAD83

en l’occurrence. De

82

Méthode aussi employée par Kate Litvak et recommandé par Anton Granik, professeur à Reims Management

School. Ce test permet de tester la signification statistique des écarts de rendements de deux portefeuilles.

Pour effectuer le test sous SPSS, il s’agit de faire « Analyse » « Tests non paramétriques » « Boîte de

Dialogue ancienne version » « Deux échantillons lié ».

83 Notre échantillon n’intégrait pas de retrait sur l’AMEX.

72

cette manière, nous avons volontairement laissé de côté les sociétés cotées via les marchés

OTC afin de nous intéresser seulement aux entreprises qui étaient soumises aux exigences de

la loi.

Notons également que nous avons effectué notre analyse sur la période 1997 à 2006. De la

sorte, nous avons pu comparer la taille des entreprises ayant quitté les Etats-Unis 5 ans avant

et 5 ans après que la loi n’ait été officiellement adoptée.

Enfin, de manière assez inattendue, nous avons profité de l’information fournie par

Datastream sur les raisons ayant motivé les sociétés à se retirer pour effectuer un test

complémentaire. L’analyse de ces raisons nous a effectivement semblé pouvoir apporter une

plus-value à notre travail. En effet, pour pouvoir clamer haut et fort la culpabilité de la SOX

dans la perte d’attractivité des places américaines, il apparaissait plus que nécessaire de

s’assurer que la majorité des retraits étaient bien liés à des retraits volontaires, c’est- à dire à

une volonté farouche des entreprises de se soustraire aux exigences de la loi. Car si les retraits

étaient au contraire plus volontiers liés à des facteurs tels des faillites ou des opérations de

fusions-acquisitions, la responsabilité de la SOX ne pourrait plus être engagée aussi

fermement.

2) La méthode de collecte et de test

Dans un premier temps, afin de constituer notre échantillon, nous avons utilisé la base de

données « Datastream ». Nous avons alors lancé une requête dite « statique » pour obtenir

l’ensemble des entreprises ayant quitté les marchés US (via le critère « DEADUS ») avec

pour chacune d’elles le nom du marché américain sur lequel elles opéraient (EXNAME), leur

marché d’origine (GEOGN) ainsi que la dernière capitalisation boursière connue avant le

retrait (MARKET VALUE)84

.

Puis, en nous apercevant que le libellé de l’entreprise fourni par Datastream indiquait, dans

la quasi-totalité des cas, la date effective de retrait, nous avons réalisé un tri pour soustraire

l’ensemble des sociétés s’étant retirées avant 1997 et après 2006 ou celles dont la date de

retrait n’était pas fournie. Ensuite, en réalisant un tri sur le marché d’origine de ces sociétés,

84

Cf 1) Annexe 11 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°3 »

73

nous avons été en mesure de soustraire l’ensemble des entreprises américaines de notre

échantillon afin de nous intéresser uniquement aux émetteurs étrangers.

Au final, nous avons obtenu un échantillon de 106 entreprises étrangères réparties comme

suit : 64 firmes ayant quitté le NASDAQ (dont 37 avant 2002 et 27 après) et 42 firmes ayant

quitté le NYSE (dont 18 avant 2002 et 24 après).

Une fois cette étape réalisée, nous avons décidé de traiter nos données en utilisant le logiciel

de statistiques « SPSS ». Nous avons alors été à même de créer des graphiques présentant une

comparaison de la capitalisation boursière des entreprises entre la période pré et post-2002,

c’est-à-dire grossièrement la période pré et post-SOX. Nous avons alors obtenu des

graphiques de type « boîtes à moustaches » avec en abscisse les périodes (avant 2002 et après

2002) et en ordonnées le logarithme de la capitalisation boursière85

. L’avantage majeur de ces

boîtes à moustaches est qu’elles permettent d’identifier rapidement les valeurs médianes ainsi

que les premiers et troisièmes quartiles de l’échantillon. De cette manière, la simple analyse

visuelle des graphiques peut faire ressortir des résultats ou, a minima, certaines tendances.

Nous avons, dans un premier temps, réalisé cette analyse graphique pour l’échantillon pris

dans son ensemble, c’est-à-dire NYSE et NASDAQ confondus. Puis, pour plus de précision et

de justesse dans nos résultats, nous avons effectué cette même analyse par marché. Nous le

verrons dans la suite de document, les résultats ont alors en partie étaient différents.

Puis, pour compléter cette simple analyse visuelle et potentiellement confirmer les tendances

observées, nous avons décidé, toujours via « SPSS », de tester la signification statistique de

nos résultats. Ainsi, les distributions observées sur notre échantillon étant à peu près

symétriques, sans valeur éloignées et de dispersion proches, nous avons pu réaliser un test de

comparaison de moyennes, la fameux « Test t du Student86

». Nous avons alors pu, via la

présentation de la p-value87

, conclure quant à la significativité de nos résultats.

85

L’utilisation du logarithme de la capitalisation boursière avait pour simple objectif de présenter des graphiques

plus lisibles et moins « écrasés » que dans le cas de l’utilisation de la capitalisation boursière.

86 Test préconisé par Emmanuel Grenier, Professeur en Méthodes quantitatives à Reims Management School

87 Rappelons les différents niveaux de signification : <10% Présomption de signification, <5% Significatif, <1%

Très significatif et <1‰ Hautement significatif

74

Ensuite, tel qu’explicité ci-dessus, nous avons profité de la présentation des raisons ayant

motivé les entreprises à se retirer des marchés US, pour effectuer une analyse

complémentaire. Mais puisque pour certaines entreprises de notre échantillon Datastream, la

raison du retrait n’était pas indiquée, nous avons cherché à l’obtenir par un autre moyen. C’est

ainsi, qu’en lançant une requête « Bloomberg » sur les sociétés radiées de la cotation aux

US88

, nous avons obtenu une liste exhaustive des sociétés, étrangères comme américaines,

s’étant retirées des marchés américains entre 1997 et 200789

. Cette liste présentait alors le

nom de l’entreprise, la date effective de retrait, le marché concerné ainsi que la raison. Ces

raisons étaient alors très nombreuses et allaient par exemple de l’incapacité à se conformer

aux exigences de cotation à la demande expresse des entreprises de se retirer, en passant par

les faillites ou les opérations de fusions-acquisitions90

.

L’extraction Excel de cette requête « Bloomberg » nous a permis de compléter les raisons de

retrait sur notre échantillon Datastream. Nous avons alors remarqué qu’un facteur clé

ressortait prioritairement de cette liste, les opérations de fusions-acquisitions en l’espèce.

Nous avons alors scindé notre échantillon en deux avec, d’un côté, les entreprises s’étant

retirées pour cause de Merger and Acquisition (M&A)91

et, de l’autre, les entreprises s’étant

retirées pour d’autres raisons. Nous avons alors effectué, via SPSS, des tableaux croisés pour

présenter les résultats en fonction des périodes considérées. Et nous le verrons dans la suite de

ce document, les résultats ont été riches d’enseignement.

Enfin, puisque nous disposions grâce à l’extraction Excel de notre requête « Bloomberg »

d’une liste exhaustive des entreprises ayant quitté les marchés US, nous avons considéré qu’il

aurait été dommage de ne pas s’en servir également. Ainsi, en réalisant un tableau synthétique

sous Excel92

, nous avons présenté, de 1998 à 2007, les facteurs explicatifs majeurs ayant

poussé les entreprises hors des Etats-Unis. La réalisation d’un tel tableau nous a alors permis

88

Requête « CACT » avec comme critère « Radiation de la cotation »

89 Cf 2) Annexe 11 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°3 »

90 Cf Annexe pour présentation des différentes raisons

91 Merger and Acquisition = Traduction anglaise de Fusion-Acquisition

92 Cf 3) Annexe 11 : « Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°3 »

75

de mettre en évidence le facteur principal de retrait et donc de confirmer ou au contraire

d’infirmer les tendances observées précédemment.

Comme pour les deux premières hypothèses, l’ensemble des résultats obtenus seront présentés

dans la troisième et dernière partie de notre dossier.

76

PARTIE III – ANALYSE DES RESULTATS ET LIMITES

La méthodologie employée pour tester nos hypothèses étant clairement exposée, il s’agit

maintenant d’analyser les résultats de notre étude et d’exposer leurs limites afin de tirer

des conclusions et de répondre à notre problématique.

I. Résultats et limites de l’hypothèse n°1

Comme nous l’avons vu précédemment dans la revue de la littérature, la décennie 90 a été une

période particulièrement florissante pour les Etats-Unis. A titre d’exemple, le PIB américain

augmentait de 33% sur la période 1990 – 1999, alors qu’il n’augmentait « que » de 12% au

Japon et de 22% pour les pays européens93

.

Plus particulièrement, c’est le secteur des hautes technologies, avec le développement majeur

de la technologie internet, qui a permis aux américains d’enregistrer des taux de croissance à

deux chiffres. Ce contexte économique favorable a alors attiré de nombreuses entreprises

étrangères sur le territoire américain. De nombreuses firmes européennes et canadiennes

notamment, ont compris que leur présence aux Etats-Unis était devenue incontournable. C’est

ainsi que, comme l’a montré Bancel (2007)94

, le nombre de sociétés étrangères cotées aux US

est passé de 200 à 750 sur la décennie 90.

Toutefois, comme le dit si bien l’adage, « toutes les bonnes choses ont une fin ». Ainsi, le

début des années 2000 a été marqué par plusieurs événements majeurs qui ont joué

négativement sur l’image des Etats-Unis dans le monde. Nous pouvons citer en autres

l’éclatement de la bulle internet ou les faillites de mastodontes tels Enron ou Worldcom suite

à la révélation de fraudes financières sans précédents. C’est d’ailleurs dans le but clairement

affiché d’éviter que pareils sandales ne se reproduisent à nouveau que le gouvernement

américain a pris le taureau par les cornes et a adopté en 2002, peut-être un peu à la hâte, le

93

Source Insee

94 Bancel Franck (2007), “La cotation des titres des entreprises européennes aux Etats-Unis : une approche

critique », in Revue d’économie financière, Vol. 89, pp. 143-162.

77

Sarbanes-Oxley Act. Mais si cette nouvelle réglementation semble bel et bien avoir accru la

protection des investisseurs, elle semble également avoir entraîné de nombreux coûts

supplémentaires pour les entreprises cotées sur les principaux marchés financiers américains.

Ces nouvelles contraintes et exigences semblent effectivement avoir poussé de nombreuses

entreprises à se retirer des marchés américains ou simplement à ne pas y entrer initialement.

Du fait de l’adoption de la SOX, les marchés US semblent donc à première vue avoir perdu de

leur attractivité et de leur compétitivité. Toutefois, les conclusions des études menées sur cette

question étant controversées, nous avons réalisé plusieurs tests pour tirer nos propres

conclusions.

A) L’évolution global des marchés US au regard des cotations étrangères

Comme nous l'avons évoqué dans la partie relative à la méthodologie de test, nous avons

obtenu le tableau suivant pour les entreprises étrangères cotées aux Etats-Unis :

Ainsi que les auteurs étudiés dans notre état de l’art l’ont expliqué, nous constatons que la fin

des années 1990 a été marquée par une hausse du nombre d’entreprises étrangères cotées sur

les principaux marchés financiers américains. A titre d’exemple, ce nombre est passé de 792

en 1997 à 888 en 2001, soit une hausse de l’ordre de 12%. Cette augmentation semble donc

bien corrélée à la période faste qu’ont connu les Etats-Unis sur la décennie 1990 et à la

volonté des entreprises étrangères de profiter de ce contexte économique plus que favorable.

78

Cependant, à partir de 2001, date qui coïncide avec la révélation des premiers scandales

financiers d’envergure aux Etats-Unis et donc avec les premières réflexions autour de

l’adoption d’une nouvelle réglementation, le nombre d’entreprises étrangères cotées aux US a

connu une tendance baissière assez marquée. Ainsi, à part sur les années 2004 et 2005, le

nombre d’entreprises étrangères sur le sol américain a enregistré un déclin permanent. En

nous intéressant à l’évolution entre 2001 et 2008, il est intéressant de noter que ce nombre est

passé de 868 à 704, soit une baisse globale de l’ordre de 19 %. Il est donc assez frappant de

constater qu’environ 1/5 des entreprises étrangères ont décidé de quitter les marchés outre-

Atlantique après 2001.

Malgré de nouvelles cotations étrangères sur chacune des années (entre 51 et 112 par an), le

nombre d’entreprises non américaines cotées aux Etats-Unis n’a donc quasiment jamais cessé

de diminué du fait de retraits proportionnellement plus importants.

Si ce trend baissier ne peut pas directement être rattaché et attribué à la seule adoption de la

SOX, du fait notamment d’autres événements contemporains comme le ralentissement

économique mondial suite à l’éclatement de la bulle internet, il apparaît tout de même assez

clairement que la SOX en est au moins partiellement responsable.

D’ailleurs, l’évolution du nombre et de la part des retraits sur l’année 2007 semble confirmer

ces propos. C’est à partir de cette date que le gouvernement américain, en réponse aux

nombreuses critiques émises à l’encontre de la loi, a adopté la Rule 12h-6. Cette dernière avait

alors pour objectif de faciliter considérablement les démarches de désinscription des

entreprises auprès de la SEC. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette nouvelle règle a

été suivie d’effets très rapidement. Ainsi, d’après le tableau ci-dessus, le nombre de retraits

enregistré sur la seule année 2007 s’est élevé à 151 entreprises, soit un nombre de départs bien

plus conséquent que sur les autres années considérées. De même, la part d’entreprises s’étant

retirées des marchés financiers US par rapport au nombre total d’entreprises étrangères cotées

a atteint son apogée sur cette même année. Ainsi, cette part a atteint un niveau record de 20%.

Il semble donc possible d’interpréter un tel résultat comme la volonté farouche d’entreprises

étrangères de quitter le territoire US. Le nombre particulièrement élevé de retrait sur cette

année semble ainsi indiquer que de nombreuses entreprises avaient envisagé de quitter les

marchés américains avant 2007 mais s’étaient résignées à ne pas le faire du fait d’un

processus trop complexe. Dès que ces démarches ont été allégées, elles en ont alors profité

aussi vite que possible, c’est-à-dire dès 2007. D’ailleurs, cette période de hausse substantielle

79

et exceptionnelle des retraits n’a été qu’éphémère puisque dès 2008, le nombre de retraits

s’est rapproché du « standard » des autres années.

Ces différentes conclusions semblent donc bien indiquer une corrélation entre l’adoption de la

SOX et la baisse d’attractivité des marchés financiers US. La hausse importante des retraits

sur l’année 2007 semble surtout mettre en lumière une responsabilité de la SOX.

B) Analyse des retraits par type de pays

Pour compléter notre analyse, nous avons décidé de nous intéresser aux pays d’origine des

entreprises les plus particulièrement touchées par ces retraits. Nous avons dans un premier

temps réalisé une synthèse globale par pays et par année du nombre d’entreprises cotées aux

Etats-Unis. Puis en réalisant une étude comparative rapide, nous nous sommes aperçus que la

majorité des entreprises s’étant retirées à partir de 2001 provenaient des pays développés. Á

l’inverse, le nombre d’entreprises en provenance des pays émergents a continué de croître de

manière assez significative. Afin de formaliser et d’expliciter ces propos, nous avons réalisé

deux tableaux synthétiques en prenant en compte les pays disposant des entreprises les plus

présentes aux Etats-Unis :

Pays développés 1997 1998 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Belgium 4 4 2 3 2 2 2 2 2 1 1

Canada 267 248 234 213 198 196 211 225 226 216 194

France 20 22 28 30 30 28 28 27 24 14 11

Germany 8 12 21 24 22 20 17 18 18 11 12

Italy 13 13 12 12 12 10 10 11 10 5 5

Japan 19 20 23 26 29 26 26 26 26 23 22

Luxembourg 8 9 9 9 10 8 8 8 7 6 5

Netherlands 35 37 38 39 36 33 30 28 26 19 17

Sweden 12 14 14 12 12 7 4 3 3 2 2

United Kingdom 85 87 101 97 87 84 75 62 54 37 34

Total 471 466 482 465 438 414 411 410 396 334 303

Variation N/A 5 - 16 17 - 27 - 24 - 3 - 1 - 14 - 62 - 31 -

Variation totale NC 22 NC -20 -48 -42 12 10 -17 -46 -33

Pays émergents 1997 1998 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Argentina 13 13 13 13 12 12 12 12 13 14 14

Bermuda 25 24 24 23 21 20 21 22 20 24 22

Brazil 9 21 28 32 34 34 35 35 33 32 32

Cayman Islands 7 7 14 14 10 9 18 27 36 62 68

Chile 23 23 23 22 19 18 18 16 16 15 14

China 8 9 10 11 12 13 13 12 11 11 11

India 0 0 8 12 11 10 11 12 12 13 13

Israel 80 82 92 82 78 69 71 76 72 74 69

Korea 3 3 8 8 8 10 11 14 14 13 12

Marshall Islands 0 0 0 1 1 1 3 10 14 22 26

Mexico 28 32 30 28 26 24 22 17 18 19 20

Total 196 214 250 246 232 220 235 253 259 299 301

Variation N/A 18 36 4 - 14 - 12 - 15 18 6 40 2

Variation totale NC 22 NC -20 -48 -42 12 10 -17 -46 -33

80

Ces tableaux mettent en évidence le fait que ce sont les entreprises en provenance des pays

développés qui se sont majoritairement retirées des marchés américains à partir de 2001.

Ainsi, entre 2001 et 2008, la variation du nombre d’entreprises étrangères en provenance de

ces pays a constamment été négative. Cela suggère donc que pour chacune des années ici

étudiées, le nombre de retraits était plus conséquent que le nombre de nouvelles

multicotations. De plus, si l’on s’attarde un peu plus sur les données de ce tableau, on

remarque que la variation négative du nombre d’entreprises cotées de ces pays développés

correspond à la majeure partie de la variation globale du nombre d’entreprises étrangères

cotées aux Etats-Unis. Par exemple, sur 2006, le nombre d’entreprises non américaines en

provenance de ces pays dits du « Nord » s’étant désinscrit de la cote officielle s’est élevé à 14,

soit plus de 82% de la variation négative totale du nombre d’entreprises étrangères cotées sur

les marchés US. De même, la variation négative du nombre de ces entreprises en provenance

des pays développés sur l’année 2007 est bien supérieure à la variation négative totale du

nombre de sociétés étrangères cotées. Ainsi, si la variation globale s’est élevée à – 46 sur

2007, la variation de ces entreprises du « Nord » s’est quant à elle élevée à – 62.

Cela suggère donc que ce sont principalement les entreprises en provenance de ces pays qui

ont décidé de se retirer et de profiter de l’allègement des démarches de désinscription. Cela

suggère également que les entreprises en provenance des autres pays, et des pays émergents

notamment, ont en partie compensé ces retraits par de nouvelles cotations.

Ces résultats se vérifient d’ailleurs assez aisément en analysant la partie inférieure du tableau.

En effet, de 2004 à 2007, les entreprises en provenance des pays émergents ont

continuellement enregistré plus de nouvelles cotations que de retraits. Même sur l’année

2007, date à partir de laquelle les conditions de retraits ont été assouplies, le nombre d’entrées

était supérieur au nombre de sorties.

Ainsi, si l'impact de la SOX a constitué une réalité, il n’a pas été le même pour toutes les

entreprises. En effet, celles en provenance des pays développés et notamment d’Europe n’ont

pas les mêmes enjeux que les sociétés originaires des pays émergents.

Ces propos trouvent d’ailleurs écho dans la littérature financière. Bancel (2007) a bien montré

que les entreprises européennes n’avaient plus le même intérêt à être cotées sur la fin des

années 2000 que lors de la décennie 1990. En effet, dans les années 1990, les entreprises

européennes, notamment celles du secteur des hautes technologies, ont pu bénéficier de la

cotation aux Etats-Unis du fait d’investisseurs US plus friands de ces placements plus risqués

81

et de la présence d’analystes susceptibles d’évaluer et d’accompagner correctement les

entreprises de ce secteur en développement. Mais si la supériorité des marchés financiers US

était incontestable sur cette décennie, la donne semble avoir en partie changé au tournant des

années 2000. En effet, comme l’explique l’auteur, les places financières européennes

semblent désormais être à même d’offrir aux entreprises du secteur des hautes technologies

des conditions de cotation somme toute assez similaires à celles proposées sur les marchés

américains. De même, les fonds d’investissement se sont fortement développés en Europe et

sont aujourd’hui susceptibles d’offrir des financements en dette ou en capitaux propres aussi

intéressants que les places américaines. Ainsi, la présence aux Etats-Unis de ces entreprises de

haute technologie ne semble plus constituer une nécessité stratégique.

De plus, si de nombreuses entreprises européennes se sont initialement tournées vers les

Etats-Unis pour augmenter leur base actionnariale US, elles n’ont plus désormais l’obligation

de se faire coter aux Etats-Unis pour le faire. En effet, si par le passé certains investisseurs

institutionnels ne pouvaient détenir des titres que lorsque ces derniers étaient cotés aux Etats-

Unis, la situation est maintenant différente puisqu’il est désormais tout à fait possible d’attirer

des investisseurs américains directement depuis l’Europe. Les grandes banques européennes

disposent en effet aujourd’hui d’un arsenal de techniques de placement qui autorise les

entreprises à augmenter le nombre d’investisseurs américains sans avoir à entrer en bourse

aux US.

Ainsi, il semblerait effectivement que la cotation Outre-Atlantique ne soit plus une nécessité

vitale pour les entreprises européennes, d’autant que ces dernières disposent de marchés

liquides sur lesquelles elles sont susceptibles de lever des fonds. En généralisant ces propos à

l’ensemble des pays développés, nous comprenons désormais mieux pourquoi ce sont les

entreprises en provenance de ces pays qui se sont majoritairement retirées des marchés US.

La problématique est en revanche assez différente pour les pays émergents qui ne disposent

pas de marchés locaux assez liquides à même d’assurer les nombreuses levées de fonds

requises par les entreprises. Ainsi, afin de s’assurer une capacité à lever les fonds nécessaires

à leur croissance, les entreprises des pays émergents n’avaient et n’ont toujours que peu

d’alternatives à leurs marchés locaux. Précisément, l’une d’entre elles repose sur les marchés

financiers américains. Nous comprenons alors également mieux pourquoi nous avons constaté

que le nombre d’entreprises du « Sud » qui venaient se faire coter aux Etats-Unis n’a cessé de

croître, même après l’adoption de la SOX.

82

Ainsi, nous pouvons donc considérer que la SOX n’a pas eu le même impact auprès des

entreprises en provenance des pays développés qu’auprès des pays en provenance des pays

émergents. C’est en effet principalement auprès des pays du « Nord » que les places

financières US ont perdu de leur attractivité et de leur compétitivité.

C) Analyse des parts de marché au regard des cotations étrangères

Nos deux premiers tests semblent donc indiquer un déclin de l’attractivité des places

américaines. Cependant, l'étiolement d’un marché ne peut s’analyser qu’au regard de

l’évolution des autres marchés internationaux. C’est donc dans cette optique, qu’à partir des

données fournies par « World Exchange » sur les entreprises étrangères cotées dans le monde,

que nous avons réalisé les graphiques suivants :

83

De plus, pour plus de clarté et pour étayer nos propos, nous avons également décidé de

recenser les principales données de ces graphiques dans un tableau synthétique :

Le premier aspect frappant de ce tableau repose sur la baisse de la part de marché des trois

principales places financières américaines entre 1998 et 2008. En effet, en 1998, 894 des

2 910 entreprises étrangères cotées sur une place différente de leur marché d’origine étaient

cotées aux Etats-Unis. En 2008, 846 entreprises étrangères étaient cotées aux US sur un total

de sociétés cotées à l’étranger de 3 046. Ainsi, si nous cumulons les parts de marchés du

NYSE, du NASDAQ et de l’AMEX sur dix ans, la part de marché américaine au regard des

cotations étrangères est passé de 30,72% à 27,77%. En outre, sur l’année 2007, année qui,

rappelons-le de nouveau, a été marquée par l’adoption de la Rule 12h-6, la part de marché des

places US a atteint son niveau le plus faible avec 25,47%. Même si la SOX ne peut

directement être incriminée, il semble assez évident qu’elle a joué un rôle, ne serait-ce que

partiel, dans le déclin américain.

Toutefois, malgré ce recul, il est important de noter que le marché américain est resté le leader

mondial des cotations étrangères sur toute la période considérée. Malgré une part de marché

qui s’est dégradée sur les années 2000, période qui coïncide avec l’adoption de la SOX,

l’hégémonie américaine est tout de même restée incontestée. Ainsi, si les marchés US

semblent bel et bien avoir perdu de leur attractivité, ce déclin reste malgré tout relatif au

regard de leur position de leader.

Marchés 1998 Rang 2003 Rang 2007 Rang 2008 RangNYSE 13,47% - 17,41% - 12,89% - 13,62% -

AMEX 2,10% - 2,06% - 3,18% - 3,12% -

NASDAQ 15,15% - 12,82% - 9,40% - 11,03% -

Marchés US 30,72% 1 32,29% 1 25,47% 1 27,77% 1

Londres 16,01% 2 14,24% 2 22,01% 2 22,36% 2

Luxembourg 7,66% 3 7,40% 4 6,95% 5 7,49% 5

Allemagne 7,22% 4 6,80% 5 3,21% 7 2,95% 6Paris 6,29% 6 - - - - - -

Amsterdam 5,02% 7 - - - - - -

Bruxelles 4,19% 8 - - - - - -

Euronext 15,50% - 12,93% 3 6,89% 6 0,00% Hors classement

Singapoure 1,27% 16 2,84% 8 8,88% 3 10,24% 3

Mexique 0,14% 27 2,95% 7 7,41% 4 8,14% 4

84

La baisse assez significative de la part de marché d’Euronext95

est également remarquable.

En effet, elle est passée de 15,5% en 1998 (pourcentages cumulés de places de Paris, de

Bruxelles et d’Amsterdam) à « seulement » 6,89% en 2007. Il s’agit d’ailleurs ici de la baisse

la plus marquée de l’ensemble des places étudiées.

La baisse des parts de marché des places américaines et d’Euronext a donc profité à d’autres

places financières dans le monde. En premier lieu, c’est la place londonienne qui semble avoir

tiré son épingle du jeu. Malgré un léger recul entre 1998 et 2003 (de 16.01% à 14.24%), sa

part au regard des cotations d’entreprises étrangères a globalement évolué positivement sur

l’ensemble de la période étudiée. Cette dernière a ainsi sensiblement augmenté pour atteindre

22,01% en 2007 et même 22,36% en 2008. Pour autant, ces évolutions successives ne lui ont

pas permis de changer de position dans le classement des marchés les plus attractifs puisque

Londres est resté en seconde position tout au long de ces dix années.

C’est ensuite et surtout les places de Singapour et de Mexico qui semblent avoir tiré profit du

recul de places américaines et d’Euronext. En effet, leur part de marché a évolué positivement

sur les dix années considérées. Ainsi, Singapour est passée d’une part de marché faible en

1998 (1,27%) à une part relativement plus intéressante en 2008 (10,24%). Il en a été de même

pour Mexico qui a vu sa part de marché passer de 0,14% en 1998 à 8,14% en 2008. Ces

hausses substantielles et continues leur ont alors permis de gravir de nombreux échelons dans

le classement international des places les plus attractives pour les entreprises étrangères.

Ainsi, partant respectivement de la 16ème

et de la 27ème

place en 1998, Singapour et Mexico se

sont hissées à la 3ème

et 4ème

place en 2008. Il semble donc que les cartes ont en partie été

redistribuées sur la décennie 2000.

Afin de mieux comprendre les raisons et les conséquences du déclin US au profit des places

de Londres, Singapour et Mexico, il semble intéressant de reprendre quelques éléments de

notre état de l’art. En effet, plusieurs auteurs se sont intéressés à la question et leurs analyses

semblent apporter une plus-value aux résultats obtenus ci-dessus.

Si nous nous intéressons d’abord à l’évolution des places comme Singapour, de nombreux

auteurs ont cherché à expliquer l’évolution positive des places asiatiques. Ainsi, comme nous

l'avons évoqué précédemment dans notre revue de la littérature, des auteurs comme Robert A.

95 Marché né en 2000 du rapprochement des places de Paris, Amsterdam et Bruxelles. Ce dernier a ensuite

fusionné avec le NYSE en 2007 pour devenir NYSE-EURONEXT.

85

Prentice ou Guerrera et Postelnicu ont expliqué que si les Etats-Unis ont pendant longtemps

été le seul lieu de la planète où il était possible de trouver d’importantes liquidités, la donne

semble avoir changé. En effet, la liquidité des places asiatiques semble s’être

considérablement améliorée notamment grâce au rôle crucial joué par les petits investisseurs

individuels (retail investors) capables d’absorber une grande partie de la valeur offerte sur le

marché. Dans le contexte de croissance importante des pays asiatiques et de leur besoin de

lever des fonds pour la financer, les entreprises de cette partie du globe ont pu se tourner vers

des marchés plus proches que ceux des Etats-Unis.

En outre, toujours d’après Robert A. Prentice, la baisse des entrées en bourse aux Etats-Unis

serait également liée à un transfert de connaissances à l’étranger. En investissant hors de son

territoire, les entreprises américaines ont partagé leur méthode de travail et ont alors permis

un développement des autres places financières à travers le monde et notamment des places

asiatiques.

Enfin, l’évolution favorable de ces marchés serait liée à la différence substantielle des frais

engagés lors d’une entrée en bourse. Ces derniers sont en effet bien supérieurs aux Etats-Unis

qu’ailleurs. En Asie, par exemple, ces frais sont divisés par deux. A titre d’exemple, en 2006,

si l’entrée en bourse de la banque ICBC sur les marchés de Hong-Kong et de Singapour a

généré 500 millions de dollars de frais, elle aurait coûté plus d’un milliard de dollars à New-

York. Nous comprenons donc mieux les raisons de cette montée en puissance des places

asiatiques comme Singapour. Toutefois, il semblerait ici que la SOX ne soit pas la seule

responsable. D’autres critères explicatifs sont en effet à prendre en considération.

Si nous nous focalisons ensuite sur l’évolution favorable de la place londonienne et en nous

cantonnant à la simple analyse chiffrée du tableau ci-dessus, il semblerait que Londres ait

attiré des entreprises étrangères qui quelques années auparavant seulement auraient

certainement privilégié les Etats-Unis. Toutefois, cette analyse semble en partie biaisée par la

nature même des marchés sur lesquels les entreprises étrangères se sont faites coter. En effet,

si la place londonienne a eu le vent en poupe, c’est globalement grâce au succès rencontré par

« l’Alternative Investment Market ». Or il est clair que les exigences de ce marché,

comparativement à celles des marchés US, sont réduites au strict minimum. En effet, tout ce

qui est exigé sur ce marché est le soutien d’un Nomad (nominated advisor). Ensuite,

l’entreprise doit juste satisfaire quelques faibles obligations de communication du marché.

Ainsi, l’AIM impose seulement « un devoir général de communication des informations qu’il

86

est raisonnable de considérer comme nécessaire à la compréhension totale de la position

financière du candidat ».

Or, bien que le succès de l’AIM soit impressionnant, il est primordial de comprendre que

l’entreprise typique qui rentre sur ce marché est une petite entreprise qui, en raison de ses

caractéristiques, n’aurait pas pu effectuer sa cotation à New-York que ce soit aujourd’hui ou

dans les années 90. Ainsi, l’évolution des marchés financiers américains ne doit pas être

comparée à celle de l’ensemble des marchés londoniens mais seulement au Main Market.

Les résultats de l’étude menée par les auteurs sont alors riches d’enseignement puisqu’ils

montrent qu’en réalité, en neutralisant l’impact de l’AIM, les trois principales places

financières américaines ont augmenté leur part de marché par rapport au Main Market. En

excluant l’AIM, il apparaît que le Main Market, comparativement aux marchés new-yorkais, a

en réalité enregistré un déclin. C’est donc la hausse de l’AIM qui est venue compenser

largement la baisse de ce dernier et qui a biaisé l’analyse effectuée dans un premier temps.

Ainsi, il serait faux d’interpréter le succès de l’AIM et la croissance du marché londonien qui

s’en est suivi comme une preuve du déclin de l’attractivité des marchés US. La cotation sur le

marché londonien peut très bien être devenue plus attractive alors même que la combinaison

d’attributs d’une cotation à New-York n’a pas changé. Après tout, les changements de

caractéristiques des entreprises peuvent avoir rendu la cotation à Londres plus intéressante

pour les sociétés qui n’avaient pas encore de cotation.

Ainsi, en croisant nos analyses avec celles des auteurs étudiés préalablement, il apparaît que

les marchés US ont effectivement enregistré un déclin sur la décennie 2000 mais que ce déclin

est relatif et à nuancer. En effet, malgré un recul de leur part de marché, les places US ont

conservé leur hégémonie au regard des cotations étrangères. De plus, la croissance du marché

londonien au détriment notamment des places US est principalement liée au succès rencontré

par l’AIM, marché beaucoup moins contraignant et sur lequel les entreprises qui s’y font coter

n’auraient de toute façon pas eu les moyens de rentrer sur les marchés américains.

87

D) Limite des résultats obtenus

Si les résultats des tests précédents sont intéressants et riches d’enseignement, ils comportent

toutefois une limite non négligeable. Bien qu’ayant mis en évidence une corrélation entre

l’adoption de la SOX et la baisse d’attractivité des marchés financiers américains, nos tests ne

nous permettent pas d’isoler les effets de la loi sur les retraits des entreprises étrangères. En

effet, sur notre période d’analyse bien d’autres événements économiques et politiques ont eu

lieu et ont pu avoir un impact sur l’évolution des places US.

Parmi eux, nous pouvons prendre l’exemple de deux événements majeurs qui ont marqué la

décennie 2000 : l’éclatement de la bulle internet en 2002 et la crise des subprimes à partir de

2007. Si ces événements d’envergure ont eu des impacts sur les marchés à l’échelle

internationale, ce sont les marchés américains qui ont été particulièrement touchés. En effet,

pour l’un comme pour l’autre de ces événements, la crise a, pour l'essentiel, pris racine aux

Etats-Unis. Les marchés US peuvent ainsi être considérés comme l’épicentre des séismes qui

ont eu lieu à la suite de ces événements.

Intéressons-nous alors brièvement dans un premier temps aux origines de la « dot-com

bubble ». On sait assez que les grandes phases d’innovations techniques sont généralement

suivies de bulles spéculatives. Cela a notamment été le cas avec les innovations majeures

qu’ont représenté la machine à vapeur ou l’électricité. L’avènement d’internet n’a alors pas

dérogé à la règle. En effet, le développement rapide de cette technologie au cours des années

90 a entraîné la formation d’une bulle financière de grande ampleur.

Cette bulle semble avoir commencé à gonfler suite à l’introduction en bourse de la société

Netscape en 1995. En effet, face aux perspectives de croissance et aux promesses de gains

potentiels énormes, des milliers d’investisseurs se sont rués sur les actions de cette entreprise

et ont fait monter les cours dans des proportions remarquables. Ainsi, dès sa première année

de cotation, la firme était valorisée à 3 milliard de dollars alors qu’elle enregistrait sur cette

même année un résultat négatif de plus de 4 millions de dollars et que son chiffre d’affaires

n’atteignait « que » 16,6 millions de dollars96

.

Et Netscape n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. En effet, de nombreuses entreprises ont

profité de cet engouement pour la technologie internet pour se lancer dans l’aventure. C’est

96

http://pro.01net.com/editorial/258900/que-reste-t-il-de-la-bulle-internet/

88

ainsi que sont nées des entreprises qui représentent encore à l’heure actuelle des mastodontes

de l’économie mondiale comme Yahoo ou Ebay.

Les perspectives de croissance et de bénéfices étaient telles que s’est mis en place le

phénomène d’ « exubérance irrationnelle » des marchés cher à Greenspan. L’appât du gain a

alors pris le dessus sur toute logique rationnelle des investisseurs. Le NASDAQ, marché par

excellence des entreprises des nouvelles technologies n’a alors cessé de grimper pour

atteindre le 10 mars 2000, un sommet jamais égalé depuis à 5 048 points. En outre, en 1999,

la firme Ebay jouissait d’un ratio « Price to sales97

» de l’ordre de 8 600. Or lorsque l’on sait

que la moyenne de ce ratio pour les sociétés industrielles tournait autour de 10 et 20, nous

remarquons rapidement et sans grande difficulté la déconnexion totale des valeurs boursières

et comptables des entreprises.

Mais comme dans toute période d’euphorie boursière, la bulle internet n’a pas pu gonfler

indéfiniment et a donc éclaté à la fin de l’année 2001. Elle a entraîné dans son sillage la

faillite de nombreuses sociétés et une chute brutale des cours boursiers. Le NASDAQ a ainsi

perdu le 9 octobre 2001 plus de 78% de sa valeur au regard de son niveau historique de 2000.

Même si les marchés financiers américains, NASDAQ en tête, ont loin d’avoir été les seules

places financières mondiales négativement impactées par l’éclatement de la bulle internet, il

est certain que les marchés Outre-Atlantique ont plus soufferts que les autres.

Mais si la bulle internet a éclaté, elle a laissé place à une nouvelle bulle spéculative : la bulle

immobilière. C’est d’ailleurs cette dernière qui sera à l’origine de la crise des subprimes en

2007. Nous ne nous attarderons pas particulièrement sur les causes de cette crise car elles sont

nombreuses et complexes et ne sont pas liées à l’objet principal de notre étude.

Nous pouvons néanmoins rappeler que cette crise a pris sa source dans l’octroi massif par les

banques US de prêts immobiliers (hypothécaires) à des ménages américains aux revenus

modestes et donc risqués. C’est d’ailleurs l’incapacité de milliers de ces résidents à

rembourser leurs crédits immobiliers qui va alors plongé les Etats-Unis dans une crise

financière majeure. Cette crise s’est ensuite répandue à toutes les régions du monde du fait de

la titrisation de nombreuses de ces créances et de leur revente à des fonds de pensions ou à de

grandes banques mondiales. Ainsi, de nombreuses banques internationales ont dû supporter

97

Ratio PSR : Capitalisation boursière/chiffre d’affaires

89

Eclatement

bulle

internet

Début crise

des

subprimes

Nombre 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

NYSE 417 445 451 442 439 429 424 392 379

NASDAQ 423 378 323 287 291 292 275 261 247

AMEX 48 45 46 49 60 79 84 84 78

Variation 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

NYSE - 28 6 -9 -3 -10 -5 -32 -13

NASDAQ - -45 -55 -36 4 1 -17 -14 -14

AMEX - -3 1 3 11 19 5 0 -6

des pertes colossales et la méfiance s’est emparé des marchés. Nous avons alors assisté à une

crise de liquidité importante sur le marché interbancaire liée à la méfiance des banques les

unes envers les autres.

Cette crise financière s’est alors peu à peu muée en crise économique et a eu des

répercussions majeures sur les économies mondiales. Elle a notamment poussé de nombreux

états à « sortir leur carnet de chèque » pour sauver les principales institutions financières,

socles des économies mondiales. Elle a également entraîné une chute brutale des principaux

indices boursiers mondiaux. A titre d’exemple, entre le 1er

janvier et le 24 octobre 2008, le

Dow Jones a reculé de près de 37%98

.

Nous nous sommes alors penchés plus en détail sur l’évolution du nombre d’entreprises

étrangères cotées aux Etats-Unis sur les années 2002 et 2003, soit les années qui ont suivi

l’éclatement de la bulle internet, et sur l’année 2007, soit encore le point de départ de la crise

des subprimes. Ainsi, en analysant l’évolution par marché (NYSE, NASDAQ et AMEX),

nous avons obtenu des résultats intéressants :

Premièrement, il ressort de ce tableau que la baisse du nombre d’entreprises étrangères cotées

aux US en 2002 a quasiment intégralement eu lieu sur le NASDAQ. Une telle tendance est

alors intéressante à analyser au regard de l’éclatement de la bulle internet. En effet,

l’éclatement de cette bulle spéculative sur 2002 a principalement touché les entreprises

opérant sur le secteur des nouvelles et hautes technologies. Or, lorsque l’on sait que le

98

Le Monde du 27/10/2008

90

NASDAQ est un marché destiné principalement aux entreprises de ce secteur, il n’est pas

anormal de constater sa dégradation. Ainsi, de nombreuses entreprises étrangères cotées sur le

NASDAQ avant 2002, dans l’optique de tirer profit de cette période d’euphorie boursière ont,

soit fait faillite, soit décidé de se retirer à la suite de l’éclatement de la bulle. La corrélation

entre l’éclatement de la bulle et les retraits constatés sur le NASDAQ sur 2002 et 2003 semble

donc clairement indiquer que l’adoption de la SOX n’est pas l’unique responsable de

l’évolution des marchés US sur cette période, loin s’en faut.

De même, alors que la corrélation constatée précédemment entre les retraits plus conséquents

des entreprises étrangères et l’adoption de la Rule 12h-6 sur 2007 semblait faire de la SOX le

bouc émissaire parfait, le début de la crise dite des « subprimes » sur cette même année

semble indiquer qu’il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives. En effet, à partir de 2007,

cette crise financière majeure a fortement agité les marchés financiers mondiaux. Les Etats-

Unis, centre névralgique de cette crise, n’ont naturellement pas été épargnés.

Il n’est donc ni anormal ni surprenant de constater des retraits beaucoup plus importants avec

par exemple un maximum de 32 départs pour le NYSE sur l’année 2007. De nombreuses

entreprises étrangères ont alors pu rencontrer des difficultés financières et/ou avoir décidé de

se retirer de ces marchés dont le contexte ne poussait pas à l’optimisme.

Ainsi, de la même manière que pour l’éclatement de la bulle internet évoqué ci-dessus, il

semble que la corrélation entre la crise des subprimes et le nombre de retraits conséquent sur

2007 indique que la SOX ne peut pas être accusée de tous les maux rencontrés par les

marchés financiers américains.

Au global, l’ensemble des tests réalisés nous a permis d’éclaircir la situation et de mettre

en évidence plusieurs points clés. D'une part, il apparaît de manière assez claire que

l’adoption de la SOX a été corrélée à une baisse d’attractivité des marchés US puisqu’à

partir de 2001 les Etats-Unis ont enregistré un déclin au regard du nombre d’entreprises

étrangères cotées sur leurs marchés. Le nombre de retraits a presque systématiquement

été plus conséquent que le nombre de nouvelles multicotations. De plus, la chute plus

« brutale » du nombre d’entreprises étrangères cotées sur l’année 2007, date d’adoption

de la Rule 12h-6, suggère que la SOX est au moins en partie responsable de ce déclin.

91

D'autre part, il apparaît que si la SOX a effectivement eu les effets qu’on lui attribue, ils

n’ont pas impacté toutes les entreprises de la même manière. Ainsi, ce sont surtout les

entreprises en provenance des pays développés qui semblent avoir été touchées le plus

négativement. En effet, si les entreprises de ces pays ont enregistré des retraits plus

importants que les nouvelles entrées, la donne est sensiblement différente pour les pays

émergents qui ont continué à augmenter leur présence aux Etats-Unis sur la période

étudiée. En raison du développement de leurs marchés locaux et des techniques de

placements, il semblerait que la cotation aux US ne soit plus une nécessité vitale pour les

entreprises des pays du « Nord ».

Enfin, même si la baisse de la part de marché mondiale des Etats-Unis, au profit des

places asiatiques notamment, confirme la tendance baissière de l’attractivité de leurs

marchés, il n’en reste pas moins que ce déclin est somme toute assez relatif. En effet, les

Etats-Unis conservent malgré tout leur position de leader. De même, la hausse constatée

sur le marché londonien ne peut pas être interprétée comme une conséquence du déclin

américain puisque les entreprises qui se font coter sur l’AIM n’ont pas du tout les

mêmes caractéristiques que les entreprises qui entrent en bourse aux Etats-Unis.

Nous pouvons donc en partie valider l’hypothèse n°1. En effet, la perte apparente

d’attractivité des principaux marchés financiers US à partir de 2002 semble attribuer

une responsabilité à l’adoption de la SOX. Mais si elle paraît bel et bien en partie

responsable de ce déclin, qui reste malgré tout relatif, elle n’est pas la seule à mettre sur

le banc des accusés. Notre analyse ne nous a pas permis d’isoler les effets de la loi des

autres événements contemporains. Somme toute, de nombreux autres événements, à

l’image de l’éclatement de la bulle internet ou de la crise des subprimes, peuvent avoir eu

un impact sur les décotes des sociétés étrangères aux Etats-Unis.

92

II. Résultats et limites de l’hypothèse n°2

Notre revue de la littérature nous a ensuite permis de mettre en évidence le fait que de

nombreux auteurs se sont intéressés aux rendements des entreprises étrangères lors des

principales annonces de la SEC sur l’applicabilité de la SOX.

Ainsi des auteurs comme Litvak99

(2006) ont-ils mis en lumière des réactions bien différentes

des entreprises soumises à la SOX par rapport à celles qui n’y étaient pas lors des annonces

majeures de la SEC. A titre d’exemple, l’auteur a affirmé que les sociétés soumises à la loi

avaient réagi de manière significativement plus négative aux annonces indiquant que la SOX

s’appliquerait à toutes les sociétés, domestiques comme étrangères. Dans le même ordre

d’idée, ces firmes semblent avoir réagi de manière significativement plus positive que leurs

homologues exempts de conformité lors des annonces ouvrant la possibilité à de potentiels

exemptions pour les émetteurs étrangers. Les conclusions de cet auteur suggèrent donc sans

ambiguïté que la SOX a bien eu des effets significatifs sur les entreprises étrangères.

Nous avons alors cherché, en utilisant une approche similaire à celle de Litvak, à confirmer

ses résultats.

A) Etude comparative des rendements entre un portefeuille « SOX » et un

portefeuille « non-SOX » lors de 7 annonces majeures de la SEC sur 2002

Comme nous l'avons précisé dans notre deuxième partie sur la méthodologie de test

employée, nous avons construit deux portefeuilles distincts : un portefeuille « SOX » et un

portefeuille « non-SOX ». Chacun d’eux était alors constitué de la moyenne des différences

de rendements entre les entreprises de notre échantillon et leur « pair ».

99

Litvak Kate (2006), “Effect of the Sarbanes-Oxley Act on Non-US Companies Cross-Listed in the US”, in

Law and Economics Research Paper No. 55, Electronic copy available at http://ssrn.com/abstract=876624

93

C’est alors sur la signification statistique des écarts de rendements de ces deux portefeuilles

qu’a porté notre analyse. Mais avant de nous lancer dans la description des résultats, il semble

opportun de préciser plus en détail la nature de chacun des événements étudiés ici. En effet,

l’analyse des résultats sans une contextualisation préalable ne semble pas idéale. Nous avons

alors les événements suivants :

Evénement n°3 : Le "House Financial Services Committee" a approuvé une

législation visant à renforcer la surveillance des pratiques comptables et des reporting

financiers des sociétés cotées suite au scandale Enron.

Evénement n°4 : Le Senate Banking Committee a publié un communiqué de presse

annonçant la mise en place prochaine du "Public Company Accounting Reform and

Investor Protection Act of 2002", plus connu par la suite sous le nom de "Sarbanes-

Oxley Act".

Evénement n°7 et 8 : Les Sénateurs Sarbanes et Dorgan ont précisé la définition des

"issuers100

" et ont confirmé que les entreprises étrangères en feraient bien partie.

100

Il s’agit des émetteurs de titres sur les marchés US soumis à la SOX.

N° événementsFenêtre d'analyse (5 jours

ouvrés)Description événement

3 Full House

4 Senate 1st Committee Announcement

7 et 8 Sarbanes Amendment & Dorgan Amendment

9 Bills Pass House and Senate

12 SEC Rule 302: No Exemption

13 Pitt Suggests Exemption

14 SEC Rule 404, 406, 407: No Exemption

13/06 - 19/06/2002

23/04 - 27/04/2002

23/10 - 29/10/2002

09/10 - 15/10/2002

05/08 - 09/08/2002

16/07 - 22/07/2002

09/07 - 15/07/2002

94

Evénement n°9 : Introduction du "Corporate Fraud Responsability Act" au Parlement

(House). De plus, le Président Bush a expliqué qu'il voulait que la loi soit

définitivement adoptée avant les vacances estivales d'Août.

Evénement n°12 : La SEC a proposé la règle "Certification of Disclosure in

Companies' Quaterly and Annual Reports". Ce texte, contrairement à sa première

version proposée avant l'adoption de la SOX, a insisté sur le fait que les entreprises

étrangères ne seraient pas exemptées de ces exigences de certification. Cette nouvelle

règle imposait alors au PDG et au DAF des sociétés cotées de certifier les informations

financières et autres fournies dans les rapports trimestriels et annuels de leur

entreprise. De plus, des sanctions pénales ont été introduites en cas de non-conformité

à ces exigences.

Evénement n°13 : Pitt, le Président de la SEC, a annoncé lors d'une conférence que la

SEC était ouverte à quelques accommodations pour les sociétés étrangères. Bien

qu'annonçant que la SOX s'appliquerait à l'ensemble des sociétés, domestiques comme

étrangères, Pitt a tout de même expliqué que la SEC était prête à réfléchir à certaines

exemptions pour les émetteurs étrangers afin qu'il n'y ait pas trop de divergences et

d'incohérences avec les réglementations du marché d'origine de ces entreprises.

Evénement n°14 : La SEC a proposé de nouvelles exigences (liées au Section 404,

406 et 407 de la SOX). Parmi elles figuraient l'introduction d'informations

supplémentaires dans les rapports des sociétés cotées et surtout la mise en place de

procédure de contrôle interne. Cette proposition de texte ne comprenait pas de

dispositions différentes pour les sociétés étrangères.

La lecture de ces différents événements met alors en avant un point fondamental : toutes les

annonces de la SEC, sauf pour la n°13, sont liées à une hausse de la probabilité de

l’applicabilité de la loi à l’ensemble des entreprises, y compris les firmes étrangères. En effet,

seul l’événement n°13 évoque la possibilité d’aménagements pour les firmes non américaines.

D’après les conclusions tirées par Litvak, nous pouvons donc nous attendre à ce que les

sociétés du portefeuille « SOX » réagissent de manière significativement plus négative que les

celles du portefeuille « non-SOX » pour l’ensemble des événements (sauf le n°13 pour lequel

95

la réaction devrait logiquement être inversée). Toutefois, comme nous allons le voir dans la

suite de ce document, les résultats ne sont pas aussi tranchés.

Les événements étudiés étant contextualisés, nous pouvons maintenant passer à l’analyse de la

significativité des résultats de notre test. Ainsi, via le test de « Wilcoxon » effectué sous

SPSS, nous avons obtenu les données suivantes :

Ce qui est particulièrement frappant dans ce tableau, c’est que la plupart des résultats que

nous avons obtenus ici ne sont pas significatifs101

.

Il apparaît donc clair que pour la plupart des événements étudiés, 5 sur 7 en l’occurrence, la

différence de rendements des portefeuilles n’est pas significative. Pour ces annonces (n°3, n°7

et 8, n°9, n°12 et n°14), nous ne pouvons donc pas conclure que la SOX a eu des effets

pervers sur les rendements des entreprises qui y étaient soumises. En effet, les entreprises

cotées aux USA mais non soumises à la SOX ne semblent pas avoir réagi de manière

significativement différente.

A l’inverse, ce tableau montre que la différence de rendements des portefeuilles est

significative pour deux des événements étudiés.

L’annonce n°4, suggérant l’adoption future de la SOX, est effectivement liée à une différence

de rendement significative puisque la p-value est égale à 0,043. Ainsi, les résultats obtenus

pour cet événement sont significatifs au niveau 5%, soit un niveau plus que convenable en

101

Au regard de la dernière colonne du tableau

N° événementsFenêtre d'analyse (5 jours

ouvrés)Description événement

Wilcoxon Test pour

Portefeuille SOX VS Non-SOXSignificatif

3 Full House -0,674

(0,500)

4 Senate 1st Committee Announcement -2,023**

(0,043)

7 et 8 Sarbanes Amendment & Dorgan Amendment -0,405

(0,686)

9 Bills Pass House and Senate -0,405

(0,686)

12 SEC Rule 302: No Exemption -0,135

0,893

13 Pitt Suggests Exemption 1,753*

(0,080)

14 SEC Rule 404, 406, 407: No Exemption -0,944

(0,345)

* Significatif de niveau 10%

** Significatif de niveau 5%

OUI

NON

NON

OUI

NON

NON

NON

13/06 - 19/06/2002

23/04 - 27/04/2002

23/10 - 29/10/2002

09/10 - 15/10/2002

05/08 - 09/08/2002

16/07 - 22/07/2002

09/07 - 15/07/2002

96

statistiques. Il apparaît alors que les entreprises soumises aux exigences de la loi ont réagi

plus négativement que leurs homologues non concernées par cette dernière lorsqu’ils ont

appris qu’une loi d’envergure allait effectivement être adoptée. Dans ce cas de figure, il

semble donc bien que la SOX ait eu un impact néfaste sur les sociétés soumises à ses

exigences.

Les résultats de l’annonce n°13 sont aussi intéressants à analyser. En effet, il existe, là encore,

une différence de rendement significative entre les deux portefeuilles. Ainsi, les entreprises

étrangères soumises à la SOX semblent bel et bien avoir réagi de manière significativement

plus positive que les entreprises non impactées par la loi lors de cette annonce. Or lorsque l’on

sait que cet événement est liée à l’annonce du Président de la SEC de possibles exemptions

pour les sociétés étrangères, ce résultat prend tout son sens. En effet, un tel résultat indique

clairement que les entreprises étrangères soumises à la SOX ont favorablement accueilli ces

accommodations éventuelles.

Néanmoins, la p-value étant ici égale à 0,080, la différence est significative « seulement » de

niveau 10%. Or, en statistiques, une signification de niveau 10% ne permet pas de conclure

sans ambigüité de la significativité d’un résultat. Cela suggère simplement qu’il existe une

présomption de signification. Les résultats pour cet événement, bien que potentiellement

significatifs, sont donc à relativiser.

Quoiqu’il en soit, il apparaît globalement que les rendements des entreprises soumises à la

SOX n’ont pas été si divergents des rendements des sociétés qui n’y étaient pas. D’après notre

test, les investisseurs ne s’attendaient effectivement pas à ce que la SOX ait un effet

particulièrement négatif sur les entreprises auxquelles elle s’appliquait.

Ainsi, contrairement à ce qu’a affirmé Litvak, nous ne pouvons pas conclure fermement que

la SOX ait eu un impact négatif sur les entreprises étrangères cotées aux USA et soumises à

ses exigences. Néanmoins, du fait de la présence de deux résultats significatifs et liés à des

annonces majeures (adoption de la SOX d’une part et potentielles exemptions de l’autre),

nous ne pouvons pas plus conclure de l’absence totale d’impact de la SOX. Considérons alors

que cette loi a eu un impact partiel et limité sur ces entreprises étrangères.

97

Enfin, notons simplement que nous avons, avec l’aide de Mr Granik102

, professeur à Reims

Management School, réalisé un test supplémentaire sur les rendements des titres de ces deux

portefeuilles en calculant, comme l’avait fait Litvak, le « score Z ». Toutefois, n’ayant pas

réalisé nous-mêmes les calculs et, en tout état de cause, du fait de résultats qui ne sont pas

plus probants, nous avons décidé de ne pas les intégrer dans ce dossier pour ne pas l’alourdir

inutilement. Nous les avons néanmoins mis en Annexes pour information103

. Quoiqu’il en

soit, ce test a de nouveau montré que la quasi-totalité des résultats obtenus n’étaient pas

significatifs. Les conclusions obtenues à l'aide de notre premier test ne sont donc ici pas remis

en cause. En effet, nous n’avons trouvé aucune preuve formelle qui permette d’affirmer que la

SOX a eu un impact négatif sur les entreprises étrangères soumises à ses exigences.

B) Limite des résultats obtenus

Les résultats que nous avons obtenus sont somme toute assez intéressants mais comportent,

comme dans toute analyse, certaines limites. Nous en avons identifié les principales :

La première limite repose naturellement sur la taille de notre échantillon. En effet, notre

échantillon s’élevait à 35 entreprises seulement, soit un chiffre bien éloigné de l’échantillon

employé par Litvak et qui s’élevait à 1 017 entreprises.

De plus, dans un souci de simplicité et de rapidité de traitement des données, nous avons

restreint notre analyse aux entreprises de deux pays, à savoir la France et l’Allemagne. Litvak,

pour sa part, a effectué son analyse sur des entreprises en provenance de 46 nations

différentes. Ainsi, bien que potentiellement représentatif des pays développés européens, la

restriction de notre échantillon à ces deux grandes nations ne permet pas de prétendre à une

représentativité généralisée au niveau mondial. Les résultats de notre étude auraient donc

probablement été bien différents si nous avions employé un échantillon plus vaste.

L’autre limite fondamentale repose sur la méthodologie de test que nous avons employée. En

effet, nos résultats ont été obtenus en utilisant des « portefeuilles équipondérés », c’est-à-dire

des portefeuilles dans lesquels chaque titre représente une fraction identique de la valeur

102

Calculs réalisés par Anton Granik et résultats analysés par nos soins.

103 Cf 7) Annexe 10: “Les fichiers obtenus pour tester l’hypothèse n°2”

98

totale du portefeuille. Or, comme l’ont montré Doidge, Karolyi et Stulz104

(2009), il semble

primordial, pour obtenir des résultats réellement valables, d’utiliser des portefeuilles

« pondérés par les capitalisations boursières », c'est-à-dire des portefeuilles dans lesquels

chaque titre est pondéré en fonction de la valeur de marché totale de chaque entreprise. En

effet, il est couramment admis que les portefeuilles pondérés par les capitalisations boursières

sont le meilleur moyen de mesurer l’impact économique global puisqu’ils reflètent le

changement global de la valeur des entreprises.

Ainsi, nous pouvons considérer que nos résultats sont en partie biaisés par le recours à des

portefeuilles équipondérés et qu’ils auraient été potentiellement différents si nous avions

employé la méthode préconisée par Doidge, Karolyi et Stulz.

Au final, notre test ne nous permet pas de valider totalement notre deuxième hypothèse.

En effet, la plupart de nos résultats ne sont pas significatifs et ne nous autorisent donc

pas à tirer de conclusions définitives et incontestables.

Ainsi, malgré deux résultats significatifs, nous ne pouvons pas conclure de manière

ferme et non ambiguë que la SOX ait effectivement eu des effets négatifs sur les

entreprises étrangères auxquelles elle s’appliquait. De plus, si nos résultats ne sont pas

significatifs avec des portefeuilles équipondérés, il est fort probable que nous aurions

obtenus des résultats encore moins significatifs avec des portefeuilles pondérés par les

capitalisations boursières. Nous n’avons donc clairement pas trouvé de preuve

irréfutable qui supporte l’idée d’un impact négatif de la SOX sur le titre des sociétés

étrangères.

Il semblerait donc à nouveau que la SOX ne peut pas être accusée de tous les maux que

de nombreux auteurs ont cherché à lui attribuer.

104

Doidge Craig, Karolyi George Andrew, Stulz René M. (2009),”Why do foreign firms leave US equity

markets?”, in ECGI Working Paper Series in Finance

99

III. Résultats et limites de l’hypothèse n°3

Certains auteurs ont enfin mis en évidence le fait que les entreprises s’étant retirées des

marchés US dans la période post-SOX étaient les entreprises les plus petites en termes de

capitalisation boursière. Ainsi, nombre d’études ont conclu que les entreprises les plus petites

avaient été plus négativement touchées par l’adoption de la loi et notamment l’adoption de la

section 404. Celle-ci, notamment en raison de la hausse significative des honoraires d’audit,

imposait effectivement des coûts de conformité colossaux que seules les grandes sociétés

pouvaient a priori se permettre de supporter.

De telles conclusions n’ont à première vue rien d’aberrant puisqu’il est tout à fait

envisageable voire logique de penser que les grandes sociétés ont eu moins de mal à absorber

les coûts additionnels de conformité à la loi. En effet, les entreprises aux situations financières

les plus solides étaient naturellement plus à même de supporter des charges additionnelles

importantes.

Nous avons alors tenté de confirmer ces conclusions en nous intéressant de plus près à la

capitalisation boursière des sociétés ayant quitté les marchés US.

A) L’effet de la SOX sur la capitalisation boursière des sociétés quittant les marchés

américains

100

Ce premier graphique105

compare la capitalisation boursière des entreprises s’étant retirées des

principaux marchés US (NYSE et NASDAQ cumulés en l’occurrence) entre la période pré et

post-SOX. Les résultats tendent ici à prouver qu’il n’y a pas de différence significative au

niveau de la capitalisation boursière des sociétés ayant quitté les marchés US avant et après

2002, c’est-à-dire avant et après l’adoption de la SOX. La médiane106

est sensiblement la

même sur les deux périodes étudiées. Au global, nous ne pouvons donc pas conclure que les

entreprises s’étant retirées dans la période post-SOX étaient plus petites que celles s’étant

retirées dans la période pré-SOX. Ainsi, si la SOX a bien eu un impact, il ne semble pas que

les entreprises les plus petites aient été plus négativement touchées par l’adoption de la loi.

Si au global (NYSE + NASDAQ réunis) aucune différence significative n’est mise en

lumière, les résultats semblent être différents lorsque l’on compare l’évolution de la

capitalisation boursière des « delisting firms » par marché. Ainsi, nous avons obtenus les

résultats suivants :

De ces deux graphiques ressortent deux points clés : une différence de capitalisation boursière

sur le NYSE et une absence de divergence notable sur le NASDAQ. En effet, si la tendance

sur le NASDAQ est sensiblement la même que celle constatée au niveau global, celle-ci

105

Graphique de type « Boîte à moustaches » qui offre une vision sur la médiane ainsi que les quartiles Q1 et

Q3.

106 Trait verticale noir et gras sur le graphique

101

semble sensiblement différente sur le NYSE. Ainsi, les entreprises étrangères s’étant retirées

du NYSE dans la période post-SOX semblent effectivement plus petites en termes de

capitalisation boursière que leurs homologues ayant quitté ce marché avant 2002 et donc

avant l’adoption de la loi.

Cette tendance sur le NYSE se trouve par ailleurs confirmée lorsque l’on s’intéresse aux

médianes et quartiles :

Il apparaît en effet ici nettement que les entreprises de notre échantillon ayant quitté le NYSE

après 2002 étaient plus petites que celles l’ayant fait avant. Pour ne citer qu’un exemple, le

plus riche d’enseignement en l'espèce, si 50% des entreprises étrangères s’étant retirées du

NYSE avant 2002 disposaient d’une capitalisation boursière inférieure à 900,8 millions de

dollars, 50% de celles ayant stoppé leur cotation sur ce même marché après 2002 ne

disposaient « que » d’une capitalisation boursière inférieure à 171,54 millions de dollars. La

différence semble donc ici notable.

Dès lors, si impact de la SOX il y a bien eu, il semblerait effectivement que les plus petites

entreprises cotées sur le NYSE ont été plus sévèrement touchées que les autres. Ces résultats

tendraient donc à donner raison aux auteurs ayant affirmé que les grandes entreprises,

comparativement aux plus « petites », ont eu moins de mal à supporter les exigences et les

coûts de conformité à la loi et notamment ceux liés à la section 404.

Néanmoins, ces résultats sont à relativiser. En effet, en nous penchant sur la signification

statistique de ces résultats via le « Test t de Student107

», nous nous sommes aperçus qu’ils

n’étaient pas significatifs. Ainsi, la p-value pour le NYSE est égale à 0,268. Les résultats

107

Le test t est généralement utilisé pour tester statistiquement l’hypothèse d’égalité de deux moyennes.

102

obtenus précédemment ne sont donc pas franchement significatifs108

. La période, que ce soit

avant ou après 2002, ne semble donc pas avoir eu d’effet sur la capitalisation boursière des

entreprises étrangères ayant quitté le NYSE.

Compte tenu du fait que les résultats n’étaient pas eux-mêmes significatifs pour le NASDAQ,

il apparaît que les conclusions tirées par les auteurs semblent à nuancer. En effet, notre test ne

nous permet pas de confirmer que la SOX a eu des effets différents sur les plus petites

entreprises, si tant est naturellement qu’elle ait bien eu un impact.

Cette conclusion nous amène donc une nouvelle fois à affirmer que les effets de la SOX n’ont

pas été aussi importants que l’on aurait pu initialement le penser.

B) Analyse des principales raisons ayant motivé les retraits

En outre, en complément de ce premier test, nous avons cherché à comprendre quelles étaient

les principaux facteurs ayant motivé les entreprises à quitter les marchés Outre-Atlantique. En

effet, l’extraction Datastream de notre échantillon nous a permis de mettre en évidence le fait

que la plupart des retraits n’étaient pas liées à des départs volontaires mais plutôt à des

opérations de fusions-acquisitions. En réalisant des tableaux croisés, nous avons alors obtenu

les données suivantes :

108

Rappelons les différents niveaux de signification : <10% Présomption de signification, <5% Significatif, <1%

Très significatif et <1‰ Hautement significatif

103

Ces deux tableaux montrent effectivement l’importance des opérations de fusions-acquisitions

dans les retraits des entreprises étrangères de notre échantillon. Ainsi, plus de 63% des retraits

constatés avant 2002 étaient liés à ce type d’opération. De même, près de 55% des départs

dans la période post-SOX étaient corrélés à ces opérations de croissance externe. Au global,

sur l’ensemble de la période étudiée, soit de 1997 à 2006, plus de 59% des sociétés étrangères

se sont retirées des marchés US du fait de fusions ou d’acquisitions.

Ces résultats sont donc riches d’enseignement car ils permettent de montrer que plus de la

moitié des retraits constatés sur les marchés US dans la période post-SOX n’étaient pas liés à

une volonté des entreprises de se soustraire aux exigences de la loi. D’ailleurs, si l’on pose

l’hypothèse que notre échantillon est représentatif de l’ensemble des entreprises étrangères

ayant quitté les marchés US et que nous calculons le delta de l’intervalle de confiance109

, nous

pouvons considérer que les M&A représentent entre 50% et 69% des retraits sur l’ensemble

de la période étudiée. Si la SOX a effectivement eu des effets sur le retrait des sociétés

étrangères, elle n’est donc, à l'évidence, pas le premier facteur de motivation.

Ces résultats semblent d’ailleurs confirmés par un test complémentaire que nous avons réalisé

au moyen d’une extraction Bloomberg. A partir de cette base de données, nous avons été en

mesure de récolter des informations sur l’ensemble des entreprises ayant quitté les marchés

US110

sur la période 1998-2007. Notons que cette analyse ne se limite pas ici aux entreprises

étrangères mais intègre également les sociétés américaines. Nous n’avons en effet pas pu

identifier le marché d’origine de chacune d’elles et donc soustraire les sociétés américaines.

109

Calcul proposé par Mr Grenier, professeur de « Méthodologies quantitatives » à Reims Management School

et qui se détermine comme suit : Delta = 2*Racine carrée de [f (1-t)/n], soit ici :

2*Racine carrée de [(0.594*0.406)/106] = 0,0953, donc l’intervalle est égale 0.594-0.0953 < p < 0.594+0.0953,

soit : 49,86% < p < 68,93%.

110 NYSE, NASDAQ et AMEX

104

Malgré tout, les résultats obtenus sont somme toute assez intéressants111

:

Nous avons ici la confirmation que la majorité des retraits est liée à des opérations de fusions-

acquisitions. Peu importe l’année considérée, exception faite de l’année 2003, les M&A

arrivent en tête des raisons ayant entraîné la sortie de cotation. Plus intéressant encore, la part

des « fusacqs » sur la période post-SOX n’a cessé d’augmenter, passant de 29,90% en 2002 à

71,82% en 2007. Ainsi, il apparaît clairement que ce n’est pas l’adoption de la loi qui a

majoritairement poussé les sociétés à quitter le navire amiral.

L’analyse de l’année 2007 est particulièrement intéressante. En effet, lors du test de notre

première hypothèse, nous avions supposé que le nombre plus important de retrait sur cette

année particulière pourrait, au moins partiellement, s’expliquer par l’adoption de la Rule

12h-6 qui facilitait la désinscription des sociétés auprès de la SEC. Or, nous constatons ici que

près de ¾ des entreprises s’étant retirées des principaux marchés US en 2007 l’ont fait car

elles étaient impliquées dans des opérations de croissance externe. Ainsi, même sur 2007, ce

n’est pas la SOX qui explique la majeure partie des retraits constatés.

Enfin, il semble également assez évident que les entreprises s’étant retirées du fait d’opération

de M&A n’ont pas quitté définitivement les marchés américains. Nous pouvons

raisonnablement penser que nombre des nouvelles entités fusionnées ont continué à être

cotées aux Etats-Unis. Toutefois, pour l’affirmer sans ambiguïté, des tests supplémentaires sur

la continuité de cotation devraient être effectués. Cela pourrait ainsi faire l’objet de recherches

futures.

111

Cf Annexe pour tableau plus détaillé et pour explication de la ligne « Autres »

Delisting Reason 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Not avai lable 84 59 95 112 118 124 178 169 133 15

Acquired/Merged 490 638 613 464 264 257 271 265 309 395

Fai lure to meet l i s ting requirements 260 272 153 108 163 265 3 1 0 1

Bid Price Below Minimum 85 89 56 167 50 2 0 0 0 0

The company's request 36 15 34 40 59 55 14 3 1 1

Autres 207 115 146 243 229 40 20 31 46 138

Part M&A 42,17% 53,70% 55,88% 40,92% 29,90% 34,59% 55,76% 56,50% 63,19% 71,82%

105

C) Limite des résultats obtenus

Si les résultats des tests ci-dessus sont intéressants et offrent une vision plus claire de notre

sujet, ils comportent toutefois certaines limites qu’il convient d’identifier.

D'une part, il est évident que la taille de notre échantillon biaise en partie nos résultats. Les

auteurs ayant étudié la question de la taille des sociétés, ont contrairement à nous, effectué

leurs analyses sur un échantillon beaucoup plus vaste. Ainsi, nos résultats pourraient ne pas

être représentatifs de l’ensemble des sociétés étrangères s’étant retirées des places américaines

et donc de la réalité.

En outre, il aurait été préférable d’analyser la taille des entreprises s’étant retirées

comparativement à celle des entreprises qui sont restées cotées aux Etats-Unis. Toutefois,

l’accès aux données permettant d’effectuer un tel test était particulièrement compliqué et la

réalisation de cette étude aurait nécessité un travail lourd et fastidieux que nous n’aurions

malheureusement pas eu le temps de réaliser dans les temps impartis. C’est la raison pour

laquelle nous avons restreint notre analyse aux sociétés s’étant retirées.

De même, comme ce fut le cas pour notre première hypothèse, notre test ne nous a pas permis

d’isoler les effets de la SOX des autres effets potentiels. Après tout, bien d’autres évènements

que l’adoption de la loi peuvent avoir joué sur la taille des entreprises s’étant retirées des

Etats-Unis. Néanmoins, en cherchant à tester la pertinence de notre proposition, nous avons

tout de même été en mesure de montrer que la SOX ne pouvait en aucun cas être accusée de

tous les maux des marchés américains.

Enfin, la dernière limite majeure que nous avons identifiée repose sur le fait que notre tableau

synthétique réalisé à partir des données « Bloomberg » intègre des données sur des entreprises

américaines. Notre dossier, en effet, porte prioritairement sur l’attractivité des marchés

américains auprès des entreprises étrangères. Ainsi, en intégrant des données sur les firmes

américaines, nos résultats ont été en partie biaisés. C’est d’autant plus vrai que nous avons

comparé les résultats de ce tableau aux résultats obtenus par notre extraction Datastream et

qui, eux, portaient uniquement sur les entreprises étrangères. Toutefois, l’utilisation de ce

tableau nous a tout de même semblé judicieuse car elle permettait de confirmer la tendance

observée précédemment, la primauté des retraits liés aux M&A en l’occurrence. Ainsi, malgré

la limite mise en lumière, nos tests nous ont permis de montrer que la SOX était loin d’être la

seule responsable de la perte apparente d’attractivité et de compétitivité des marchés US.

106

Ainsi, même si nos tests ne nous ont pas permis d’isoler les effets de la SOX, ils nous ont

au moins autorisé à affirmer que la SOX n’est pas le facteur explicatif majeur des

retraits constatés sur les marchés US.

D’une part, nous n’avons pas pu confirmer le fait que les entreprises les plus petites ont

été plus sévèrement touchées que les autres par l’adoption de la SOX et d’autre part,

nous avons montré que les retraits étaient majoritairement liés à des opérations de

fusions-acquisitions. Pris globalement, ces résultats remettent en partie en cause les

conclusions faisant de la SOX le parfait bouc-émissaire du déclin américain. En effet,

bien d’autres événements et raisons semblent avoir impacté les décisions de retraits des

sociétés étrangères.

107

CONCLUSION

« L’adoption du Sarbanes-Oxley Act de 2002 et la mise en place de la section 404 ont-elles

été synonymes de perte d’attractivité et de compétitivité des trois principaux marchés

financiers américains auprès des entreprises étrangères ? », telle était la problématique de

notre dossier.

Par la comparaison des conclusions tirées par les auteurs académiques ayant traité le sujet et

de celles tirées de nos différents tests empiriques, nous avons tenté d’apporter une réponse

satisfaisante à cette question.

Ainsi, suite à la lecture de nombreux articles universitaires et à la rédaction de notre état de

l’art, nous avions mis en évidence des conclusions somme toute assez contradictoires. En

effet, si certains auteurs ont conclu que la SOX était partiellement, si ce n’est totalement,

responsable du déclin apparent des marchés financiers Outre-Atlantique, d’autres ont, au

contraire, remis en cause la théorie de perte de compétitivité des marchés US et ont donc

formellement pris parti pour la SOX.

Les contempteurs de la SOX ont alors par exemple montré que celle-ci, et notamment la

Section la plus controversée de la loi, à savoir la Section 404, était trop contraignante et trop

onéreuse. D’autres ont mis en exergue des réactions particulièrement négatives du prix des

titres des sociétés étrangères aux annonces informant que la SOX s’appliquerait à toutes les

entreprises sans exception. Pour eux, il apparaissait donc sans équivoque qu'elle n’avait pas

été accueillie favorablement par les émetteurs étrangers.

Les fervents défenseurs de la loi, à l’inverse, ont affirmé que de nombreux investisseurs,

malgré les coûts de conformité importants, allaient même jusqu’à valoriser la SOX. De même,

certains d’entre eux ont montré que le déclin apparent de la « Big Apple » était plus volontiers

lié au développement d’autres grandes places financières à travers le monde qu’à son

adoption. Selon eux, il apparaissait donc à l'évidence qu'elle ne pouvait être accusée de tous

les maux rencontrés par les marchés US.

Afin de tenter de trancher le débat entre partisans et opposants à la SOX, nous avons alors

décidé de tester les trois hypothèses suivantes :

108

H1: L’adoption de la SOX a entraîné une hausse significative des retraits des

entreprises étrangères sur les marchés financiers américains.

H2: Les entreprises étrangères cotées aux US et soumises à la SOX, comparativement

à celles qui n’y étaient pas soumises, ont réagi de manière différente aux annonces de

la SEC sur l’applicabilité de la loi, suggérant ainsi que la SOX a bien eu un impact sur

ces dernières.

H3: La capitalisation boursière des entreprises s’étant retirées des marchés US étant

plus faible après 2002 qu’avant, il semblerait que les entreprises les plus petites ont été

plus négativement touchées par l’adoption de la SOX.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que les conclusions de nos tests ont été riches

d’enseignement.

Ainsi, nous avons dans un premier temps montré qu’il existait bien une corrélation entre

l’adoption de la loi et la perte d’attractivité des marchés financiers américains auprès des

sociétés étrangères. En effet, à partir de 2002, le nombre de retraits a presque

systématiquement été plus conséquent que le nombre de nouvelles multicotations. De plus, la

chute plus « brutale » du nombre d’entreprises étrangères cotées sur l’année 2007, date

d’adoption de la Rule 12h-6, suggère une responsabilité certaine de la SOX.

Néanmoins, ces propos sont à relativiser pour plusieurs raisons. D’une part, le déclin des

marchés américains reste relatif. En effet, malgré une légère baisse, la part de marché mondial

des places financières US au regard des multicotations a toujours été la plus conséquente. En

outre, la hausse constatée sur le marché londonien ne peut pas être interprétée comme une

conséquence du déclin américain puisque les entreprises qui se font coter sur l’AIM n’ont pas

du tout les mêmes caractéristiques que les entreprises qui entrent en bourse aux Etats-Unis.

D’autre part, notre test ne nous a pas permis d’isoler les effets de la SOX des autres

événements contemporains. Après tout, de nombreux autres événements, à l’image de

l’éclatement de la bulle internet ou de la crise des subprimes, peuvent avoir eu un impact sur

les décotes des sociétés étrangères aux Etats-Unis. La corrélation entre les retraits sur les

marchés US et ces différents événements en est d’ailleurs la preuve formelle.

109

Ainsi, notre premier test semble apporter une réponse plutôt négative à notre problématique.

En effet, la perte d’attractivité des marchés US est resté relative et la SOX, bien que

potentiellement en partie responsable de ce déclin, est loin d’être la seule coupable.

Le test de notre deuxième hypothèse n’a également pas tenu toutes ses promesses. En effet,

nous nous sommes intéressés, à l’image de ce qu’avait fait Litvak, au rendement des

entreprises au moment des principales annonces de la SEC mais nos résultats n’ont pas été

aussi concluants qu’initialement attendus. Malgré deux résultats significatifs, nous n’avons

pas pu conclure de manière ferme et non ambiguë que la SOX avait effectivement eu des

effets négatifs sur les entreprises étrangères auxquelles elle s’appliquait.

Cette conclusion est à prendre avec d’autant plus d’attention que nous avons, lors de ce test,

réussi à isoler les effets de la SOX. Il semblerait donc bien à nouveau que la SOX ne puisse

pas être accusée de tous les maux que bien des auteurs ont cherché à lui attribuer.

Enfin, notre troisième et dernier test a confirmé les conclusions obtenues précédemment

puisqu’il nous a notamment permis de mettre en évidence le fait que la SOX n’était pas le

facteur explicatif majeur des retraits constatés sur les marchés US. En effet, bien que n’étant

de nouveau pas en mesure d’isoler les effets de la loi, nous avons mis en lumière le fait que la

quasi-totalité des départs enregistrés sur les places américaines n’étaient pas liés à une volonté

farouche des entreprises de se soustraire aux exigences de celle-ci mais plutôt à des opérations

de fusions-acquisitions.

Pris globalement, ces résultats semblent donc remettre en cause les conclusions faisant

de la SOX le parfait bouc-émissaire du déclin américain. En effet, malgré nos difficultés

à isoler ses effets et les nombreuses limites de nos tests, bien d’autres événements et

raisons semblent avoir impacté les décisions de retraits des sociétés étrangères. Nos

conclusions se rapprochent donc plus volontiers de celles des auteurs ayant défendu les

intérêts de la loi que de celles des auteurs ayant fait de la SOX le coupable idéal.

La réponse à notre problématique semble ainsi plutôt tendre vers la négative. D’une

part, bien qu’ayant enregistré un déclin, les marchés américains restent de loin les

leaders incontestés en termes de multicotations. D’autre part, bien que la SOX semble

avoir été synonyme de perte d’attractivité des marchés américains, sa responsabilité est

partagée et plus que limitée. En effet, au cours de cette décennie, bien d’autres

événements, notamment les crises successives des années 2000, mais aussi bien d’autres

110

raisons, au rang desquelles on peut compter les opérations de croissance externe, ont

sans nul doute joué sur l’attractivité des marchés US et sur la volonté des entreprises

étrangères de s’en retirer. Il s'en faut donc de beaucoup que la SOX puisse être accusée

de toutes les infortunes des marchés Outre-Atlantique.