Mémoire en faveur de la libération de Raif Badawi

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Avocats sans frontière rend public un argumentaire visant à libérer le blogueur saoudien.

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    MMOIRE EN FAVEUR DE LA LIBRATION DE RAF BADAWI

    Le 30 octobre 2015

    INTRODUCTION

    1. Raif Badawi est un bloggeur saoudien qui a t accus, en vertu dune loi saoudienne contre la cybercriminalit, davoir cr et administr un site internet et davoir publi sur sa page Facebook des commentaires contrevenant aux valeurs religieuses .

    2. En juillet 2013, le Tribunal pnal de Jeddah, en Arabie saoudite, a reconnu monsieur Badawi coupable des charges qui pesaient contre lui et la condamn sept ans demprisonnement et 600 coups de fouet. la suite dun appel de ce jugement interjet par lavocat de Monsieur Badawi, la Cour dappel de Jeddah a renvoy le dossier devant le Tribunal pnal de Jeddah.

    3. En mai 2014, le Tribunal pnal de Jeddah a de nouveau prononc la culpabilit de monsieur Badawi et la condamn une peine plus svre, soit dix ans demprisonnement, 1 000 coups de fouet et une amende dun million de riyals (environ 289 000$Can1), assortie dune interdiction subsquente de voyager et dutiliser des appareils multimdia pendant une priode de dix ans, jugement qui a ensuite t confirm par la Cour dappel de Jeddah le 1er septembre 2014.

    4. La peine de 1 000 coups de fouet devant tre excute chaque vendredi raison de 50 coups de fouet, monsieur Badawi a subi une premire sance de flagellation le 9 janvier 2015. Les sances subsquentes ont t reportes, les autorits saoudiennes invoquant notamment des raisons mdicales.

    5. la suite dune demande du Roi dArabie saoudite, la Cour suprme dArabie saoudite a procd un rexamen de laffaire et a rendu un jugement le 7 juin 2015, confirmant la condamnation de monsieur Badawi prononce par la Cour dappel de Jeddah le 1er septembre 2014.

    6. Les arguments juridiques dvelopps dans le prsent mmoire se fondent sur :

    a. Les actes de procdure, les pices et autres lments de preuve du dossier judiciaire auxquels ASFC a pu avoir accs;

    b. Le jugement rendu par le juge Abdulrahim bin Ibrahim Almuhaytef du

    Tribunal pnal de Jeddah en mai 2014 et confirm par la Cour dappel de mme que par la Cour suprme dArabie saoudite; et

    c. Le droit saoudien et les normes de droit international contraignantes pour

    lArabie saoudite.

    1 Le taux de change utilis pour la conversion est celui qui tait en vigueur en mai 2014 (de 1 riyal pour

    0,2897 $Can).

  • 2

    7. Sur la base du droit saoudien et du droit international contraignant pour lArabie saoudite, ASFC soutient que :

    a. LArabie saoudite a drog ses obligations nationales et internationales

    relatives au droit de monsieur Badawi un procs quitable en raison des irrgularits qui ont entach les procdures judiciaires ayant men sa condamnation.

    b. En condamnant monsieur Badawi pour avoir tenu des propos

    contrevenant aux valeurs religieuses sur son site internet et sur sa page Facebook, lArabie saoudite a viol son droit lopinion et son droit la libre expression.

    c. En condamnant monsieur Badawi des sances de flagellation

    constitutives dactes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dgradants, lArabie saoudite na pas respect ses engagements internationaux en la matire.

    LE DROIT UN PROCS QUITABLE NA PAS T RESPECT

    8. Les procdures judiciaires menes lencontre de monsieur Badawi ont souffert de dfauts procduraux qui ont affect son droit un procs quitable. LArabie saoudite a fait fi de ses obligations internationales en ne garantissant pas monsieur Badawi le droit dtre jug par un tribunal comptent, le droit dtre assist du dfenseur de son choix, le droit de connatre lensemble des accusations retenues contre lui ainsi que le droit d'avoir le temps et les moyens ncessaires la prparation de sa dfense.

    9. Le droit saoudien prvoit des mesures garantissant le droit un procs quitable. Ainsi, la Loi fondamentale saoudienne protge le droit dtre jug par une autorit indpendante 2 . De mme, la Loi sur la procdure criminelle saoudienne garantit le droit dtre assist par un avocat ou un reprsentant lgal afin dassurer sa dfense lors de lenqute et du procs3. De plus, elle prvoit que laccus doit tre inform par le tribunal des accusations qui psent contre lui4.

    10. La Charte arabe des droits de lHomme 5 (ci-aprs la Charte arabe ) comprend des dispositions garantissant le droit un procs quitable, dont larticle 13 leffet que chacun a droit un procs quitable dans lequel sont assures des garanties suffisantes et conduit par un tribunal comptent indpendant . Larticle 16 de la Charte arabe dispose que

    Toute personne accuse d'une infraction est prsume innocente jusqu' ce que sa culpabilit ait t tablie par un jugement dfinitif conformment la loi et a droit au cours de l'instruction et durant le procs au moins aux garanties suivantes:

    a) Droit dtre informe immdiatement de faon dtaille et dans une langue quelle comprend de la nature des accusations portes contre elle;

    2 The Basic Law of Governance, 26 Shaban 1412, [ 1

    er mars 1992], art. 46.

    3 Law of Criminal Procedure, Royal Decree No. (M/39), 28 Rajab 1422, [16 octobre 2001], Umm al-Qura

    No. (3867), 17 shaban 1422, [3 novembre 2001], article 4, 70 et 140. 4 Idem., art. 161. [notre traduction].

    5 Charte arabe des droits de lhomme, Ligue des tats arabes, 22 mai 2004 (entre en vigueur le 15

    mars 2008).

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    b) Droit de disposer dun temps et de facilits suffisants pour prparer sa dfense [] et;

    c) Droit dtre juge en sa prsence devant son juge naturel et de se dfendre elle-mme ou avec lassistance dun avocat de son choix avec lequel elle peut communiquer en toute libert et confidentialit;

    [] .

    11. Ayant ratifi la Charte arabe en 2009, lArabie saoudite sest engage garantir tout individu relevant de sa juridiction le droit de jouir des droits et liberts nonces dans la Charte et prendre les mesures requises pour garantir lgalit effective dans lexercice de tous les droits et de toutes les liberts consacrs par la Charte 6. En ne garantissant pas le droit un procs quitable monsieur Badawi, lArabie saoudite a viol les dispositions comprises dans la Charte arabe et a failli ses obligations internationales.

    Le droit dtre jug par un tribunal comptent

    12. Le droit un procs quitable comprend le droit dtre jug par un tribunal comptent. En loccurrence, le Tribunal pnal de Jeddah qui a ordonn la condamnation de monsieur Badawi navait pas comptence matrielle pour entendre laffaire et rendre un jugement.

    13. Monsieur Badawi a t reconnu coupable davoir cr et davoir administr le site internet Les libraux saoudiens 7, le Tribunal pnal de Jeddah jugeant quil contrevenait lordre public, dnigrait les valeurs religieuses musulmanes ainsi que la divinit dAllah, et quil insultait et se moquait de certains symboles religieux dont lHonorable Mufti du Royaume [] 8 , enfreignant ainsi le paragraphe 1 de larticle 6 et larticle 9 de la Loi contre la cybercriminalit9. Le paragraphe 1 de larticle 6 de cette loi se lit comme suit :

    Toute personne qui commet lun the cyber-crimes suivants est passible demprisonnement pour une priode nexcdant pas cinq ans et dune amende nexcdant pas trois millions de riyals ou de lune ou lautre de ces peines :

    1. La production, la prparation, la transmission ou lentreposage de matriel contraire lordre public, aux valeurs religieuses, la morale publique et la vie prive au moyen de rseaux dinformation ou dordinateurs [notre traduction].

    14. Les dispositions relatives la comptence des tribunaux se trouvent dans la Loi organique du pouvoir judicaire10, dans la Loi sur la procdure pnale11 ainsi que dans la Loi sur la procdure des tribunaux de Charia12.

    6 Charte Arabe des droits de lHomme, art. 3 a) et b).

    7 Traduction du nom du site internet Free Saudi Liberals . Cest lappellation qui a t utilise dans

    lacte daccusation. Il est noter que lappellation Librez les libraux saoudiens a galement t utilise, notamment par les mdias, pour dsigner le mme site internet. Une distinction doit cependant tre faite avec le site nomm Rseau libral saoudien ou Saudi Liberal Network , qui ntait quant lui pas mentionn dans lacte daccusation lencontre de monsieur Badawi. 8 Liste pour requte gnrale dans laffaire numro 29/2/57 inscrite pnalement sous le numro

    29/173/242. 9 Anti-Cyber Crime Law, Royal Decree No. (M/17), 8 Rabia al awal 1428, [26 mars 2007].

    10 Law of the Judiciary, Royal Decree No. (M/78), 19 Ramadan 1428, [1er octobre 2007].

    11 Law of Criminal Procedure, Royal Decree No. (M/39), 28 Rajab 1422, [16 octobre 2001], Umm al-

    Qura No. (3867), 17 shaban 1422, [3 novembre 2001].

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    15. Larticle 9 de la Loi organique du pouvoir judiciaire dispose que les rgles relatives la comptence des cours se retrouvent dans la Loi sur la procdure criminelle et la Loi sur la procdure de la Charia et que des tribunaux spcialiss peuvent tre crs par dcret royal sur recommandation du Conseil suprme de la Justice [] [notre traduction] . De mme, le recueil de dispositions Majallat al-Ahkam ash-Sharia 13 , codifiant les rgles de lcole Hanbaliste de la Charia en vigueur en Arabie saoudite14, prvoit larticle 2049 que le souverain peut limiter la juridiction dun juge [tribunal] dans le temps et dans lespace [notre traduction], ce qui signifie que le souverain a le pouvoir de soustraire certaines affaires de la juridiction du juge de droit commun et de lattribuer une autre instance spcialise.

    16. En loccurrence, la Loi sur les publications et les ditions15 et le Dcret royal A-93 16 prvoient que les plaintes lies aux questions de publications lectroniques doivent tre entendues par des comits spciaux du ministre de la Culture et de lInformation 17 . De surcrot, le Dcret royal A-93 nonce explicitement que lexamen des questions relatives aux publications lectroniques ne peut relever de la comptence des tribunaux de la Charia, dont le Tribunal pnal de Jeddah, et sont de comptence exclusive des comits spciaux du ministre de la Culture et de lInformation.

    17. Laffaire de monsieur Badawi aurait donc d tre entendue par un comit spcial du ministre de la Culture et de lInformation18, et non par le Tribunal pnal de Jeddah.

    18. La Circulaire judiciaire No 13/C/378419 transmise par le ministre de la Justice rappelle linterdiction pour les tribunaux dentendre des affaires et de rendre des jugements en dehors de leur comptence. En rendant une dcision hors de son champ de comptence, le Tribunal pnal de Jeddah enfreint donc galement les directives du ministre de la Justice.

    19. Le Dcret royal A-93 spcifie quaucun jugement rendu en violation de ce mme dcret ne sera pris en considration et sera en consquence frapp de nullit. La Circulaire judiciaire No 13/C/3784 est au mme effet : il impose lannulation de tout jugement rendu par un tribunal en dehors de sa comptence. La non-comptence matrielle du Tribunal pnal de Jeddah entrane ds lors le rejet du dossier ou lannulation du jugement, en vertu des

    12

    Law of Procedure before Sharia Courts, Royal Decree No. (M/1), 22 Mouharram 1435, [25 November

    2013]. 13

    Ahmed bin Abdullah Al Kari et Al, Majallat al-Ahkam ash-Sharia, Tohama Publication, Premire dition, Jeddah, Saudi Arabia, 1401, [1981]. 14

    William Ballantyne, Essays and adresses on Arab Laws, 2000, Curzon Press, Richmond, p. 99. 15

    Law of Printed Materials and Publication, Royal Decree No. (M/32), 3 Ramadan 1421, [29 novembre 2000]. 16

    Royal Decree No. (A/93), Feu Roi Abdullah bin Abdulaziz Al Saoud, 25 Joumada al oula 1432, [29 Avril 2011]. 17 Committee on Transportation, Communications and Information Technology, web site of the Shura Concil, Committees of Islamic and Judicial Affairs, disponible en ligne http://www.shura.gov.sa/wps/wcm/connect/shuraen/internet/committees; exemplaire de demande de procs sur les irrgularits relatives aux ditions lectroniques et audiovisuelles, Ministre de la Culture et de l'Information, disponible en ligne http://www.info.gov.sa/EServices.aspx .

    18 Pour autant que la procdure suivie respecte les garanties pour un procs quitable. Le prsent

    mmoire ne se prononce toutefois pas sur cette question. 19

    Circulaire judiciaire n 13/C/3784 en date du 8/11/1430, ministre de la Justice, Journal Riyad publi le 19 Joumada oula 1431 (3 mai 2010) n 15288.

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    articles 187 et 189 20 de la Loi sur la procdure criminelle nonant respectivement que toute procdure qui contrevient aux dispositions de la Charia islamique et la rglementation qui en dcoule est considre comme nulle [notre traduction] et que si l'invalidit est due un dfaut dans la procdure qui peut tre corrige, la Cour doit le corriger et si cest en raison d'une dfectuosit qui ne peut tre corrige, la Cour doit annuler le jugement [notre traduction] .

    Le droit davoir accs au dfenseur de son choix

    20. Monsieur Badawi a t priv de son droit au dfenseur de son choix et est rest sans reprsentation juridique lors daudiences devant le Tribunal pnal de Jeddah. Le reprsentant choisi par monsieur Badawi, le dfenseur des droits humains Walid Abu al-Khair, a t emprisonn en avril 2014 et condamn une peine de quinze ans de prison, assortie dune interdiction de voyager subsquente de quinze ans et dune amende de 200 000 riyals21 pour dsobissance et rupture de lallgeance au souverain , insulte envers les autorits judicaires , avoir rendu les organisations internationales hostiles au Royaume et avoir enfreint la Loi contre la cybercriminalit 22 . Depuis larrestation de Walid Abu al-Khair, monsieur Badawi est priv de son droit au dfenseur de son choix et qui serait en mesure de lui assurer une dfense pleine et entire. Cette situation cause un prjudice laccus et constitue une violation du droit un procs quitable.

    21. Comme il a t mentionn antrieurement, lArabie saoudite est tenue de respecter les droits garantis par la Charte arabe dont le droit de se dfendre avec lassistance dun avocat de son choix23.

    22. Ce droit un dfenseur de son choix fait partie des standards internationaux qui simposent aux tats. Ainsi, la rsolution adopte par lAssemble gnrale des Nations Unies en 1988 relativement aux Principes pour la protection de toutes les personnes soumises une forme quelconque de dtention ou demprisonnement prvoit que toute personne dtenue pourra bnficier de l'assistance d'un avocat 24 et que toute personne dtenue ou emprisonne doit disposer du temps et des facilits ncessaires pour s'entretenir avec son avocat 25.

    23. Les Principes et lignes directrices des Nations Unies sur laccs lassistance juridique dans le systme de justice pnale 26 formulent les standards atteindre par les tats en matire des bonnes pratiques relatives laccs lassistance juridique. Ce document fait tat des principes sur lesquels est bas le droit lavocat et souligne limportance pour les tats dassurer ce droit. Le premier principe garantit le droit lassistance juridique comme suit :

    20

    Les mmes articles portaient respectivement les numros 188 et 190 au moment du procs de monsieur Badawi. Outre la numrotation diffrente, le contenu de ces articles est rest identique. 21

    Environ 58 000 $Can 22

    Prix international des droits de lhomme Ludovic-Trarieux, Walid Abu al-Khair Arabie saoudite, [en ligne] http://www.ludovictrarieux.org/fr-page3.callplt2015.htm (Page consulte le 14 juillet 2015). 23

    Charte Arabe des droits de lHomme, art. 16 c). 24

    Ensemble de Principes pour la protection de toutes les personnes soumises une forme quelconque de dtention ou demprisonnement, Assemble gnrale de lONU rsolution 43/173, 9 dcembre 1988, principe 17. 25

    Idem., principe 18.2. 26

    Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l'accs l'assistance juridique dans le systme de justice pnale, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, New-York, 2013.

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    Reconnaissant que lassistance juridique constitue la fois un lment essentiel dun systme de justice pnale efficace qui repose sur la primaut du droit, un fondement pour la jouissance dautres droits, notamment le droit un procs quitable, et une protection importante qui garantit lquit fondamentale et la confiance du public dans le processus de justice pnale, les tats doivent garantir le droit lassistance juridique dans leur systme juridique national au

    plus haut niveau possible, y compris, le cas chant, dans la constitution.27.

    24. Le Comit des droits de lHomme, organe en charge de lapplication du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-aprs le Pacte ) a publi une observation gnrale outil dinterprtation des dispositions du Pacte sur le droit lgalit devant les tribunaux et les cours de justice et le droit un procs quitable28. Le Comit des droits de lHomme indique que le Pacte garantit notamment

    [] lgalit des armes [qui] signifie que toutes les parties une procdure judiciaire ont les mmes droits procduraux, les seules distinctions possibles tant celles qui sont prvues par la loi et fondes sur des motifs objectifs et raisonnables nentranant pas pour le dfendeur un dsavantage ou une autre ingalit. [] Le principe de lgalit entre les parties [] veut, entre autres, que chaque partie ait la possibilit de contester tous les arguments et preuves produits par lautre partie.

    29

    Bien que lArabie saoudite nait pas ratifi le Pacte, celui-ci peut servir interprter les obligations de lArabie saoudite en vertu de la Charte arabe, dautant que la Charte arabe raffirme dans son prambule les dispositions du Pacte30.

    25. En ne permettant pas monsieur Badawi davoir accs au reprsentant de son choix et en mesure de lui assurer une dfense pleine et entire durant lensemble des procdures judiciaires, lArabie saoudite a donc contrevenu son droit interne ainsi qu ses engagements internationaux. Ce dfaut na pas t rectifi par les instances judiciaires suprieures. La plus haute instance du pays, la Cour suprme dArabie saoudite na pas inform monsieur Badawi du droulement du processus de rexamen du dossier ordonn par le Roi et na pas permis son reprsentant de faire des reprsentations. La loi saoudienne est silencieuse en ce qui concerne la procdure et les garanties judiciaires offertes laccus lors dun tel rexamen. Toutefois, dans la mesure o la Cour suprme devait statuer sur la lgalit des dcisions des instances infrieures et sanctionner les irrgularits procdurales, le cas chant31, lArabie saoudite a enfreint les normes saoudiennes ainsi que ses obligations internationales en tenant monsieur Badawi et son reprsentant lcart de ce processus de rexamen.

    27

    Ibid., principe 1, para. 14. 28

    Observation gnrale no. 32 : Article 14: Droit lgalit devant les tribunaux et les cours de justice et un procs quitable, Doc. Off CDH NU, 90

    ime sess., Doc. CCPR/C/GC/32.

    29 Idem, para. 13.

    30 De mme que les principes de la Dclaration universelle des droits de lhomme. 31

    Law of the Judiciary, Royal Decree No. (M/78), 19 ramadan 1427 [12 octobre 2006], article 11. Voir galement : Cour suprme, Les motifs dun pourvoi en cassation [notre traduction], site du ministre de la Justice, version en arabe disponible en ligne http://www.moj.gov.sa/ar-sa/Courts/Pages/HighCourt.aspx.

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    Le droit de connatre lensemble des accusations et davoir le temps et les moyens ncessaires sa dfense

    26. Monsieur Badawi a t reconnu coupable dtre lauteur de commentaires contrevenant aux valeurs religieuses publis sur sa page Facebook. Nanmoins, aucune charge relative la publication de commentaires sur la page Facebook de monsieur Badawi na t inscrite sur la liste des accusations du procureur. Cette situation constitue une violation du droit un procs quitable, car monsieur Badawi a t priv du droit de connatre lensemble des accusations portes contre lui et, en consquence, na pas eu le temps et les moyens ncessaires pour prparer sa dfense.

    27. Au surplus, le compte Facebook de monsieur Badawi a t pirat diverses reprises et des tiers y ont publi leurs propres commentaires, notamment lorsque monsieur Badawi tait incarcr. Ce dernier a fait mention lors de son procs du fait quil navait plus le contrle ni sur le contenu ni sur les commentaires publis sur sa page Facebook. Or, certains de ces commentaires de tiers ont t utiliss aux fins de laccusation contre monsieur Badawi et de sa condamnation.

    28. En vertu des rgles nonces par le Coran auxquelles est tenu lappareil judiciaire saoudien, aucun porteur de charge ne doit porter le fardeau dautrui 32 et quiconque prend le droit chemin ne le prend que pour lui-mme; et quiconque s'gare, ne s'gare qu' son propre dtriment. Et nul ne portera le fardeau d'autrui 33 . Ainsi, il faut retirer de lenseignement des critures coraniques que personne ne doit tre puni pour un crime dont il nest pas lauteur.

    29. La responsabilit de monsieur Badawi ayant t reconnue en raison notamment de la publication de certains commentaires dont il nest pas lauteur, le jugement rendu par le Tribunal pnal de Jeddah est vici de ce fait.

    30. Dans la mme veine, le Tribunal pnal de Jeddah a utilis des extraits de textes provenant du site internet Rseau libral saoudien dans lapprciation des moyens de preuve qui ont men la condamnation de monsieur Badawi. Comme la plaid le reprsentant de monsieur Badawi avant dtre emprisonn, le Tribunal pnal de Jeddah a err en considrant ces moyens de preuve car en aucun moment ce site internet na t vis dans la liste daccusation du procureur. En acceptant dvaluer ces moyens de preuve et en les incluant dans le jugement, le Tribunal pnal de Jeddah na pas respect la rgle dicte larticle 101 de la Loi sur la procdure de la Charia qui nonce que les faits pour tre prouvs doivent tre lis la cause et recevable [notre traduction] . Ainsi, le Tribunal pnal de Jeddah aurait d rejeter lensemble des moyens de preuve relatifs la page Facebook de monsieur Badawi et au site internet Rseau libral saoudien .

    31. Dautres violations des rgles saoudiennes de procdure et de preuve ont par ailleurs entach le procs de monsieur Badawi. Ces irrgularits ont t plaides par lavocat de monsieur Badawi avant son emprisonnement mais ont t ignores par le tribunal. Ainsi, la rgle du parrainage (Tazkiya), selon

    32

    Le Noble Coran et la traduction en langue franaise de ses sens, Sourate Al-Najm (l'Etoile), Verset n 38, Dr.Muhammad Hamidallah, dition Manar, Damas, 2007. 33

    Idem, Verset n 39.

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    laquelle la crdibilit dun tmoin doit tre atteste par deux hommes34, na pas t respecte. Dans le cas de monsieur Badawi, une seule personne a attest de la crdibilit de deux autres tmoins. Cette contravention l'une des principales conditions de validit du tmoignage en vertu du droit saoudien, celle de la crdibilit du tmoin, vicie la preuve de linfraction larticle 6(1) de la Loi contre la cybercriminalit sur laquelle est fonde la condamnation de monsieur Badawi.

    32. Le Tribunal pnal de Jeddah a donc rendu un jugement contraire au droit islamique, aux rgles de procdures saoudiennes et aux normes nationales et internationales concernant le droit un procs quitable. En consquence et en vertu des 187 et 189 de la Loi sur la procdure criminelle, le jugement devrait tre frapp de nullit.

    LE DROIT LA LIBERT DOPINION ET LE DROIT LA LIBERT DEXPRESSION

    33. En crant le site internet Les libraux saoudiens en 2008, monsieur Badawi a offert une plate-forme virtuelle permettant aux internautes de sexprimer librement sur divers sujets, dont les droits humains et la dmocratie. Monsieur Badawi a dcrit son site internet comme tant un forum libral visant adopter un discours bas sur lintellect et la raison, libre de linfluence des autorits religieuses [notre traduction] .

    34. Monsieur Badawi a utilis lespace quoffre internet afin dexprimer ses opinions et de manifester ses proccupations en ce qui concerne divers sujets dactualit y compris les liberts dexpression et de religion et la place faite aux femmes dans la socit.

    35. LArabie saoudite, en ratifiant la Charte arabe, sest engage respecter les droits que cette dernire protge. Larticle 32 paragraphe a) de la Charte arabe garantit le droit linformation et la libert dopinion et dexpression et le droit de rechercher, de recevoir et de rpandre des informations par tout moyen, sans considration de frontire gographique .

    36. La Charte arabe rejoint en ce sens la Dclaration universelle des droits de lhomme qui nonce que tout individu a droit la libert dopinion et dexpression, ce qui implique le droit de ne pas tre inquit pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir, de rpandre sans considration de frontires, les informations et les ides par quelque moyen dexpression que ce soit 35.

    37. Le droit la libert dopinion et dexpression est un droit fondamental en soi et est essentiel lexercice dautres droits civils et politiques tels que le droit dassociation et de runion ainsi que des droits conomiques, sociaux, culturels tels que le droit lducation, le droit de participer la vie culturelle et le droit de jouir des bienfaits du progrs scientifique et de ses applications36.

    34

    Une hermneutique de la tradition islamique : Rawdat Al-Talibayn, Al Imam Muhyiddin Abu Zakariyya Yahya ibn Sharaf An-Nawawi, 631-676 A.H. (1233-1277), Volet n8, dition Alam Al-Kotob, Arabie Saoudite, 1423 A.H (2003), page 102. 35

    Dclaration universelle des droits de lHomme, 10 dcembre 1948, A/RES/217 A (III), Doc. NU A/810, p. 71), art. 19. 36

    Rapport du Rapporteur spcial sur la promotion et la protection du droit la libert dopinion et dexpression, Doc. Off. Assemble gnrale NU, 17

    ime sess., Doc. A/HRC/17/27 (2011) para. 22.

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    38. Le Comit des droits de lHomme a publi une observation gnrale relative aux droits la libert dopinion et au droit la libert dexpression, qui prcise que le harclement, lintimidation ou la stigmatisation, y compris larrestation, la dtention, le jugement ou lemprisonnement, en raison des opinions que la personne peut professer constitue une violation [du droit de ne pas tre inquit pour ses opinions] 37 et que le droit la libre expression comprend le droit de rechercher, de recevoir, et de rpandre des informations et des ides de toutes espce sans considration de frontire 38.

    39. Au regard des obligations internationales de lArabie saoudite et des outils dinterprtation des traits internationaux, la condamnation de monsieur Badawi constitue une violation des droits la libert dopinion et la libert expression.

    40. Sil existe des limites reconnues la libert dexpression, comme la propagande haineuse ou la diffamation lgard dautrui, il nest pas possible de sanctionner une personne pour avoir tenu des propos critiques, pos des questions ou fait part de doutes personnels sans que cette sanction ne viole les principes qui sont au cur mme des instruments visant protger les droits humains fondamentaux.39

    41. linstar des dispositions visant interdire la propagande haineuse lgard de groupes identifiables par une caractristique personnelle, le dlit de blasphme ne peut viser quune catgorie extrme de propos tenus lencontre dune religion pour quon puisse le juger compatible avec la libert dexpression. Seuls les propos visant inciter la haine et la dtestation envers les institutions ou adeptes dune religion en particulier (ou visant les ridiculiser dune telle manire quil soit possible dallguer une violation de la dignit des personnes ou institutions vises) peuvent tre sanctionns.40

    42. Ces principes ont par ailleurs t clairement affirms dans lobservation gnrale du Comit des droits de lhomme en ces termes :

    Les interdictions des manifestations de manque de respect lgard dune religion ou dun autre systme de croyance, y compris les lois sur le blasphme, sont incompatibles avec le Pacte, sauf dans les circonstances spcifiques envisages au paragraphe 2 de larticle 20

    41 du Pacte [et qui doivent respecter

    des conditions dapplication strictes]. Ainsi, par exemple, il ne serait pas acceptable que ces lois tablissent une discrimination en faveur ou lencontre dune ou de certaines religions ou dun ou de certains systmes de croyance ou de leurs adeptes, ou des croyants par rapport aux non-croyants. Il ne serait pas non plus acceptable que ces interdictions servent empcher ou rprimer la critique des dirigeants religieux ou le commentaire de la doctrine religieuse et des dogmes dune foi

    42.

    43. Les propos quon reproche monsieur Badawi sont bien loin de respecter le seuil minimal de lincitation la haine ou la dtestation . Sa condamnation a t prononce pour sanctionner un discours ouvert ainsi que sa dcision

    37

    Observation gnrale no. 34 : Article 19: Libert dopinion et libert dexpression, Doc. Off CDH NU, 102

    ime sess., Doc. CCPR/C/GC/34 para. 9.

    38 Idem., para. 11.

    39 Voir notamment: Stephanie FARRIOR, Molding the Matrix : The Historical and Theoretical

    Foundations of International Law concerning Hate Speech , (1996) 14 Berkeley Journal of International Law 1, pp. 3-11. 40

    Idem. 41

    Article 20 para. 2 : Tout appel la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation la discrimination, l'hostilit ou la violence est interdit par la loi . 42

    Observation gnrale no. 34, para. 48.

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    doffrir un forum de discussion afin dchanger sur des thmes tels que la dmocratie, la libert dexpression et les droits humains dont particulirement les droits des femmes. Ces activits ne devraient pas constituer des dlits et ne devraient en aucun cas tre criminalises.

    44. Compte tenu de ce qui prcde, en condamnant et en maintenant monsieur Raif Badawi en dtention en raison de ses opinions, lArabie saoudite ne respecte pas ses obligations nationales et internationales en matire de libert dopinion et dexpression.

    LE DROIT DE NE PAS TRE SOUMIS LA TORTURE

    45. Monsieur Badawi a t condamn recevoir 1 000 coups de fouet rpartis en cinquante sances, soit tous les vendredis devant la Mosque Al-Jafali dans le dpartement de Jeddah. La premire sance de coups de fouet a eu lieu le 9 janvier 2015. Ltat de sant de monsieur Badawi a t invoqu par lArabie saoudite pour le report des cinquante coups de fouet prvus la semaine suivante. Les sances de flagellation subsquentes ont par la suite toutes t reportes.

    46. Ladministration de coups de fouet est contraire linterdiction absolue de la torture. En imposant de tels chtiments corporels, lArabie saoudite viole ses engagements internationaux.

    47. La torture ainsi que les autres peines ou traitements cruels ont t dfinis dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants (ci-aprs la Convention contre la torture ). Larticle premier de la Convention contre la torture dicte que

    [] le terme torture dsigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aigues, physiques et mentales sont intentionnellement infliges une personne aux fins notamment dobtenir delle ou dune tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir dun acte quelle ou une tierce personne a commis [] .

    Les chtiments corporels tels que lamputation, la lapidation et la flagellation sont reconnus, au sens de cette dfinition, comme des actes constitutifs de torture.43

    48. Cette dfinition de la torture lie lArabie saoudite qui a ratifi la Convention contre la torture le 23 septembre 1997 44 . En adhrant cet instrument juridique, lArabie saoudite sest engage prendre des mesures pour empcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction 45.

    49. Le Rapporteur spcial sur la torture et autres peines et ou traitements cruels, inhumains ou dgradants a nonc dans son rapport prsent lAssembl

    43

    Rapport du Rapporteur spcial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, Doc. Off. AG NU, 60

    ime sess., Doc. A/60/316 (2005), para. 18.

    44 Lors de la ratification, lArabie saoudite a mis deux rserves relatives la reconnaissance des

    comptences du Comit contre la torture et la clause darbitrage de larticle 30 para. 1 de la Convention. 45

    Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, 10 dcembre 1984m 1465 R.T.N.U. 85, art. 2 para. 1.

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    gnrale des Nations Unies 46 que les chtiments corporels sont incompatibles avec linterdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, consacre, notamment, par la Dclaration universelle des droits de lhomme, [] la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants 47.

    50. LArabie saoudite sest dj exprime relativement au fait que les peines lgalement prononces par un tribunal appliquant la Charia ne sont pas constitutives de torture, et quainsi la peine de flagellation ne devrait pas tre assimile la dfinition contenue dans la Convention contre la torture 48 . LArabie saoudite a aussi affirm quen vertu de larticle premier in fine de la Convention contre la torture, la dfinition de torture ne stend pas la douleur ou aux autres souffrances rsultant uniquement de sanctions lgitimes, inhrentes ces sanctions ou occasionnes par elles .

    51. Cependant, le Rapporteur spcial, qui a recens la jurisprudence des organes de protection des droits humains dont le Comit contre la torture, a signal que le terme sanctions lgitimes, au paragraphe 1 de larticle premier de la Convention contre la torture, doit tre interprt comme ayant trait la fois au droit interne et au droit international 49. En outre, un courant jurisprudentiel50 confirmant la valeur lgale des documents manant des organes tel le Comit contre la torture et le Comit des droits de lhomme, a confirm que ceux-ci doivent tre utiliss afin dinterprter les conventions internationales et simposent aux tats51.

    52. En rsum, la flagellation, mme si elle rsulte dune sanction prononce par un tribunal comptent, constitue un acte de torture tel que dfini par le droit international. Ainsi, larticle premier in fine de la Convention contre la torture ne peut servir lgitimer les chtiments corporels en Arabie saoudite.

    53. La Charte arabe comporte aussi une disposition qui nonce expressment que nul ne peut tre soumis des tortures physiques ou mentales ou a un traitement cruel, inhumain ou dgradant 52.

    54. En consquence, la peine de 1 000 coups de fouet inflige monsieur Badawi est constitutive de torture et de traitements cruels inhumains et dgradants au regard du droit international et contrevient linterdiction absolue de la torture en vertu notamment de la Convention contre la torture et de la Charte arabe, deux traits internationaux que lArabie saoudite a ratifis.

    46

    Rapport du Rapporteur spcial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, Doc. Off. AG NU, 60

    ime sess., Doc. A/60/316 (2005).

    47 Ibid., para. 26.

    48Rapport soumis par le Rapporteur spcial, M. Nigel S. Rodlev, en application de la rsolution 1995/37

    de la Commission des droits de l'homme, Doc. Off. CDH NU, 53ime

    sess., Doc. E/CN.4/1997/7Add.1 (1997), para. 435. 49

    Rapport du Rapporteur spcial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, Doc. Off. AG NU, 60

    ime sess., Doc. A/60/316 (2005), para. 27.

    50 Consquences juridiques de ldification dun mur dans le territoire palestinien occup, Avis

    consultatif, C.I.J., Recueil 2004, p. 136, para. 109-111 ; Activits armes sur le territoire du Congo (Rpublique dmocratique du Congo c. Ouganda), arrt, C.I.J. Recueil 2005, p. 168, para. 215-216 ; Ahmadou Sadio Diallo (Rpublique de Guine c. Rpublique dmocratique du Congo), fond, arrt, C.I.J.

    Recueil 2010, p. 639, para. 66. 51

    International Law Association, Berlin Conference (2004), 71 Intl L. Assn Rep. Conf. 621 2004 ; Internationa Law Association, Washington Conference (2014), 75 Intl L. Assn Rep. Conf. 470 2014. 52

    Charte arabe des droits de lHomme, Ligue des tats Arabes, 22 mai 2004, art. 8.

  • 12

    55. LArabie saoudite doit se conformer ses obligations internationales et cesser dadministrer des coups de fouet monsieur Badawi.

    CONCLUSION

    56. En jugeant monsieur Badawi coupable davoir cr et administr le site internet Les libraux saoudiens et davoir publi des commentaires sur sa page Facebook contrevenant aux valeurs religieuses et en le condamnant tre fouett, lArabie saoudite na pas respect ses obligations internationales et a viol les droits humains fondamentaux de monsieur Badawi, dont son droit un procs quitable, ses droits la libert dopinion et la libert dexpression et son droit de ne pas tre soumis la torture.

    57. La procdure judiciaire ayant men la condamnation de monsieur Badawi a t entache dirrgularits affectant la validit et la lgalit du jugement :

    a. En vertu des lois saoudiennes, dont la Loi sur la cybercriminalit et La loi sur la publication et les ditions, ce nest pas le Tribunal pnal de Jeddah mais les comits spciaux du ministre de la Culture et de lInformation qui devait juger laffaire.

    b. Le droit de monsieur Badawi dtre assist par le dfenseur de son choix, apte lui assurer une dfense pleine et entire, durant le processus judiciaire na pas t respect.

    c. Les accusations contre monsieur Badawi nont pas toutes t divulgues, des commentaires dont il nest pas lauteur ont t utiliss pour le condamner et lobligation de parrainage pour attester la crdibilit des tmoins na pas t respecte.

    Ces infractions aux rgles saoudiennes de procdure et de preuve ont eu pour effet de violer le droit de monsieur Badawi un procs quitable, droit reconnu par les normes saoudiennes et internationales.

    58. La condamnation de monsieur Badawi pour avoir cr et administr le site internet Les libraux saoudiens et pour avoir tenu des propos contrevenant aux valeurs religieuses sur son site internet et sa page Facebook, constitue une violation des droits la libert dopinion et la libert dexpression protgs par des instruments internationaux auxquels lArabie saoudite est tenue de se conformer.

    59. En soumettant monsieur Badawi des sances de flagellation, lArabie saoudite viole ses obligations internationales puisque la flagellation constitue un acte de torture tel que dfini par le droit international applicable en Arabie saoudite.

    60. Compte tenu de ce qui prcde, lArabie saoudite doit librer monsieur Raf Badawi sans dlai afin de rectifier les violations des droits de ce dernier et se conformer ses obligations tant en vertu du droit saoudien que des normes de droit international contraignantes pour lArabie saoudite.

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    Avocats sans frontires Canada (ASFC) : ASFC est une organisation non gouvernementale de coopration internationale dont la mission est de soutenir la dfense des droits humains des personnes les plus vulnrables par le renforcement de laccs la justice et la reprsentation juridique. ASFC est ou a t active dans plus de 15 pays.

    Le prsent mmoire a t ralis avec lappui des organisations suivantes :

    Le Barreau du Qubec : Le Barreau du Qubec est lOrdre professionnel de quelque 25 500 avocats et avocates du Qubec. Afin dassurer la protection du public, le Barreau du Qubec surveille lexercice de la profession, fait la promotion de la primaut du droit, valorise la profession et soutient les membres dans lexercice du droit.

    Lavery : Un cabinet indpendant mettant tous les secteurs du droit au service du monde des affaires. Plus de 200 avocats Montral, Qubec, Sherbrooke, Trois-Rivires et Ottawa.

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    SOURCES DE DROIT UTILISES

    Lois et dcrets dArabie saoudite

    Ahmed bin Abdullah Al Kari et Al, Majallat al-Ahkam ash-Sharia, Tohama Publication, Premire dition, Jeddah, Saudi Arabia, 1401, [1981].

    Loi fondamentale du Royaume dArabie saoudite, 1er mars 1992.

    Anti-Cyber Crime Law, Royal Decree No. (M/17), 8 Rabia al awal 1428, [26 mars 2007].

    Dcret royal No. (A/93), Feu Roi Abdullah bin Abdulaziz Al Saoud, 25 Joumada al oula 1432, [29 Avril 2011].

    Law of Criminal Procedure, Royal Decree No. (M/39), 28 Rajab 1422, [16 octobre 2001], Umm al-Qura No. (3867), 17 shaban 1422, [3 novembre 2001].

    Law of the Judiciary, Royal Decree No. (M/78), 19 Ramadan 1428, [1er octobre 2007].

    Law of Procedure before Sharia Courts, Royal Decree No. (M/1), 22 Mouharram 1435, [25 November 2013].

    Law of Printed Materials and Publication, Royal Decree No. (M/32), 3 Ramadan 1421, [29 novembre 2000].

    Traits internationaux

    Charte arabe des droits de lHomme, Ligue des tats Arabes, 22 mai 2004, entre en vigueur le 15 mars 2008.

    Dclaration universelle des droits de lHomme, 10 dcembre 1948, A/RES/217 A (III), Doc. NU A/810, p. 71).

    Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, 10 dcembre 1984m 1465 R.T.N.U. 85.

    Documents du systme des Nations Unies

    Observation gnrale no. 34 : Article 19: Libert dopinion et libert dexpression, Doc. Off CDH NU, 102ime sess., Doc. CCPR/C/GC/34.

    Rapport du Rapporteur spcial sur la promotion et la protection du droit la libert dopinion et dexpression, Doc. Off. Assemble gnrale NU, 17ime sess., Doc. A/HRC/17/27 (2011).

    Rapport du Rapporteur spcial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, Doc. Off. AG NU, 60ime sess., Doc. A/60/316 (2005).

  • 15

    Rapport soumis par le Rapporteur spcial, M. Nigel S. Rodlev, en application de la rsolution 1995/37 de la Commission des droits de l'homme, Doc. Off. CDH NU, 53ime sess., Doc. E/CN.4/1997/7Add.1 (1997).

    Jurisprudence

    Consquences juridiques de ldification dun mur dans le territoire palestinien occup, Avis consultatif, C.I.J., Recueil 2004, p. 136, para. 109-111.

    Activits armes sur le territoire du Congo (Rpublique dmocratique du Congo c. Ouganda), arrt, C.I.J. Recueil 2005.

    Ahmadou Sadio Diallo (Rpublique de Guine c. Rpublique dmocratique du Congo), fond, arrt, C.I.J. Recueil 2010.

    Autres instruments juridiques

    Dclaration du Caire sur les droits de lhomme en Islam, 5 aot 1990, Organisation de la Confrence Islamique

    Body of Principles for the Protection of All Persons under any Form of Detention or Imprisonment, UN General Assembly resolution 43/173, December 9, 1988

    Standard Minimum Rules for the Treatment of Prisoners, UN ESC resolution 663 C, July 31 1957.

    Basic Principles on the Role of Lawyers, Havana, Cuba, August 27-September 7, 1990

    Basic Principles on the Independence of the Judiciary, UN General Assembly resolution 40/32, November 29, 1985 and resolution 40/146, December 13, 1985

    Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l'accs l'assistance juridique dans le systme de justice pnale, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, New-York, 2013.

    Doctrine

    International Law Association, Berlin Conference (2004), 71 Intl L. Assn Rep. Conf. 621 2004

    International Law Association, Washington Conference (2014), 75 Intl L. Assn Rep. Conf. 470 2014.

    Jeffrey K. Walker, The Rights of the Accused in Saudi Criminal Procedure (1993) 15 Loyola of Los Angeles International and Comparative Law Review.

    Joseph L. Brand, Aspects of Saudi Arabian Laws and Practices (1986) 19 Boston College International and Compared Law Review.

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    Mervat Rishmawi, The Arab Charter on Human Rights and the League of Arab States: An Update (2010) 10 Human Rights Law Review.

    Michel Mathieu, Le nouveau systme judiciaire de lArabie saoudite, un exemple dadaptation de la Charia au monde moderne , R.I.D.C. 2-2008.

    Mohamed Y. Matter, Article 43 of the Arab Charter on Human Rights: Reconciling National, Regional, and International Standards (2013) 26 Harvard Human rights Journal.

    Susan M. Akram, Arab Charter on Human Rights 2004 (2006) 24 Boston University International Law Journal, p.147.

    William Ballantyne, Essays and adresses on Arab Laws, (2000), Curzon Press, Richmond.

    Internet

    Prix international des droits de lhomme Ludovic-Trarieux, Walid Abu al-Khair Arabie saoudite, [en ligne] http://www.ludovictrarieux.org/fr-page3.callplt2015.htm (Page consulte le 14 juillet 2015).