MEMOIRE GROUPE4 Communication Interculturelle

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MBA Management des Ressources Humaines 2004-2005

COMMUNICATION INTERCULTURELLE : GESTION NECESSAIRE OU PREOCCUPATION SUPERFLUE ?

Anthea Bull, Sverine Loinard & Maguy-Myriam Sulmona

Octobre 2005

REMERCIEMENTSNous tenons adresser nos premiers remerciements tous ceux qui ont gnreusement accept de partager leur exprience professionnelle et personnelle avec nous. Nous avons une adresse particulire lattention : des Directeurs des Ressources Humaines de grands groupes qui ont accept de nous accorder du temps pour exposer les pratiques de gestion sur le sujet ; dAnne-Laure Hincky qui nous a fait part de son vcu au Collge dEurope et lAgence Europenne pour la Reconstruction ; de Veronica, Yal, Monica, Elodie, Jacob, Cdric, Kristjan, Ann, Sarah, Mark, Mariann, Margaret, Herv, Colin, Jane, Paul, Olivier, Adela, Franois et dautres qui ont souhait garder lanonymat Pour leur intrt sur notre sujet, pour leur disponibilit (parfois travers les fuseaux horaires !) et pour la simplicit avec laquelle ils ont tous accept de se prter au jeu. Sans eux, nos nombreuses questions seraient restes sans rponse. Leurs tmoignages nous ont t prcieux. Nous remercions galement notre tuteur Monsieur Christophe Esclattier, Directeur des Ressources Humaines de Toshiba France, pour limpulsion quil nous a donne au moment o notre ide de dpart ntait pas encore claire. Cette exprience a t lopportunit dune trs belle et trs riche aventure. Elle nous a donn loccasion dlargir notre regard sur le sujet pour vous proposer une approche plus complexe, et en mme temps plus relle. Nos professeurs nont pas manqu de nous faire rflchir parfois au prix de quelques nuits difficiles (il faut bien lavouer), pour alimenter notre vcu professionnel par une approche plus conceptuelle et plus structure. Nous leurs adressons nos sincres remerciements pour lopportunit quils nous offrent aujourdhui de mettre profit leur clairage au travers de cette tude. Par ailleurs, un trs chaleureux et sincre merci Christiane Isserte qui a veill ce que ne nous manquions de rien tout au long de cette formation. Nous sommes particulirement reconnaissantes envers nos amis et nos proches qui ont suivi la formation de prs et de loin avec nous dont le soutien et lencouragement nous ont t trs importants. Nous tenons terminer par un grand remerciement mutuel pour le travail accompli. Merci tous.

SOMMAIREAvant Propos.. Introduction8 10

Partie I En quoi lvolution des organisations a-t-elle un impacte sur la communication interculturelle ?Chapitre 1 Lvolution des organisations de laprs guerre nos jours..... 1.1. Les vecteurs de la mondialisation des entreprises... 1.1.1 Lintensification des changes... 1.1.2 La rgionalisation des acteurs de lchange 1.1.3 La mise en rseau de lespace mondial... 1.1.4 Lexposition des flux migratoires et flux touristiques 1.1.5 La tertiarisation de lconomie. 1.2. Les autres facteurs prendre en compte dans cette volution. 1.2.1. Les facteurs de cots.. 1.2.2. Les facteurs de march... 1.2.3. Les facteurs concurrentiels. 1.3. Les modes dinternationalisation pour les entreprises 1.3.1. Acquisitions et fusions des entreprises dj existantes.... 1.3.2. Partenariats et joints ventures : alliances stratgiques. 1.3.3. Autres processus dimplantation : cration de nouvelles entits au nom de lentreprise et gestion dlgue.. 1.4. Les implications pour une organisation se dveloppant linternational 1.4.1. Une volution de sa structure... 1.4.2. Des relations siges/filiales rvises1.4.2.1. Lapproche ethnocentrique 1.4.2.2. Lapproche polycentrique.. 1.4.2.3. Lapproche rgiocentrique. 1.4.2.4. Lapproche gocentrique16 16 16 16 16 17 17 18 18 18 19 19 20 20 21 22 22 23 23 23 23 24 26 27 29 29 29 30 31 32 32 36 36 36 36 37 37 37 38 38

Chapitre 2 Pourquoi sintresser la communication interculturelle dans les organisations ? 2.1. La communication ? Tout le monde en parle ! ... 2.1.1. Une dfinition de la communication ... 2.1.2. Ce que proposent les sciences de la communication2.1.2.1. Le modle du tlgraphe.. 2.1.2.2. Le modle du tlgraphe et la linguistique.. 2.1.2.3. Le modle du tlgraphe et la psychologie sociale 2.1.2.4. Le modle du tlgraphe version moderne.. 2.1.2.5. Le modle de lorchestre.

2.2.

La communication organisationnelle... 2.2.1. Les principaux types de communication.. 2.2.1.1. La communication interpersonnelle. 2.2.1.2. La communication de masse.. 2.2.1.3. La communication de groupe 2.2.2. Les rites dinteraction... 2.2.3. Les enjeux de la communication.. 2.2.3.1. Dordre identitaire.. 2.2.3.2. Dordre relationnel.

2.3.

2.4.

2.2.3.3 Dordre territorial 2.2.4. De la communication linformation... Parler de langue, langage ou parole ?... 2.3.1. La langue.. 2.3.2. Le langage 2.3.3. La parole... 2.3.4. Hypothse de la Relativit Linguistique.. Linterculturel... 2.4.1. Approche universaliste et culturaliste de la culture.. 2.4.2. Les diffrentes approches de la culture2.4.2.1. La culture nationale. 2.4.2.2. La culture rgionale. 2.4.2.3. La culture dentreprise 2.4.2.4. La culture mtier.. 2.4.2.5. La culture lie la personnalit des individus

2.4.3. La notion dinterculturel... 2.4.4. La communication interculturelle

38 38 39 39 41 42 42 43 43 44 44 44 44 45 45 46 47

Partie II Observations TerrainChapitre 3 Les observations lies aux trois axes de la communication interculturelle.. 3.1. Les observations lies au textuel.. 3.1.1. Langue..50 50 50 3.1.1.1. Choix de la langue de travail. 50 3.1.1.2. Matrise de la langue de travail. 54 3.1.1.3. Malentendus et problmes de traduction. 54 3.1.1.4. Sous-estimer limportance des langues 55 56 3.1.1.5. Tutoiement/vouvoiement. 56 3.1.1.6. Phontique. 58 3.1.1.7. Simplification mais prcision des termes 3.1.1.8. Reformulation. 58 Les observations lies au co-textuel. 59 3.2.1. Laccent. 59 3.2.2. La gestuelle... 60 3.2.3. Le son, la tonalit.. 60 Les observations lies au contextuel. 60 3.3.1. Les cultures.... 60 3.3.1.1. Culture nationale... 61 3.3.1.2. Culture organisationnelle 63 3.3.1.3. Culture dentreprise.. 64 3.3.1.4. Culture de l implicite. 65 3.3.1.5. Cultures du matriel, spatial & temporel. 65 67 67 68 69 70 70 74 74 75 76

3.2.

3.3.

Chapitre 4 Les observations lies aux interactions. 4.1. Interactions entre les individus..... 4.2. Personnalits..... 4.3. Dynamique de groupe...4.3.1. La relation interpersonnelle.... 4.3.2. La personnalit du groupe..

4.4. 4.5.

Leader...4.4.1. Leadership et rle du leader dans la communication interculturelle.. 4.4.2. Les comptences du leader.

Lattitude des expatris face aux cultures rencontres.

4.6. 4.7.

Les valeurs La relation de confiance, la ngociation & le don.

77 78

PARTIE III Les PratiquesChapitre 5 Quelles pratiques pour amliorer la communication interculturelle ?. 5.1. Pratiques de gestion de Ressources Humaines. 5.1.1. Les formations linguistiques. 5.1.2. Les formations interculturelles.5.1.2.1. Quelles sont les formations interculturelles proposes sur le march ? 5.1.2.2. Exemple dune formation interculturelle donne la mobilit 5.1.2.3. Les pratiques des entreprises interroges 5.1.2.4. Les limites des formations...80 81 81 83 84 85 86 87 88 90 90 91 92 94 95 95 95 96 98 98 100

5.1.3. Les pratiques lies aux comptences5.1.3.1. Les valuations comme outils damlioration de la communication interculturelle.. 5.1.3.2. Les ppinires comme pratique de dveloppement de la comptence interculturelle... 5.1.4. Le recrutement. 5.1.4.1. Les outils pouvant aider les entreprises 5.1.4.2. Lapport des coles en matire de comptences interculturelles ... 5.1.5. La segmentation de traitement..

5.2.

5.3.

Pratiques dans les quipes de travail 5.2.1. Crer une sous-culture.. 5.2.2. Assurer son rle de relais.. Pratiques de lentreprise... 5.3.1. Normes de gestion : Standardisation des procdures... 5.3.2. Normes de valeurs

Conclusion 101 Bibliographie 103 Annexes... Annexe 1 : Liste des personnes interviewes... Annexe 2 : Modle dentretien n1.. Annexe 3 : Modle dentretien n2..106 107 110 113

Figures Figure 1 22 Phases de dveloppement des entreprises Figure 2 Les diffrents types de relations siges/filiales au sein des entreprises du CAC 40. 24 Figure 3 Le modle du tlgraphe.. Figure 4 Le modle cyberntique de N. Wiener..29

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Figure 5 Les fonctions du langage selon Jakobson.. 31 Figure 6 Modle exprimental du tlgraphe... 31 Figure 7 Le modle du tlgraphe version moderne 32 Figure 8 Comparatif des deux modles dominants.. 33 Figure 9 Modle de lorchestre selon A. Mucchielli 34 Figure 10 Les sept fonctions de la langue d'aprs Halliday, 1973 40 Figure 11 Langue de travail dans un chantillon de grands groupes 51 Figure 12 Lindice de distance hirarchique dans des filiales dIBM... 73 Figure 13 Dimension culturelle.. 85

AVANT-PROPOSPourquoi crire un mmoire sur la communication interculturelle ? Tout dabord, parce que linterculturel est un domaine qui nous passionne toutes les trois, de par nos expriences personnelles et nos environnements professionnels. Linterculturel nous permet de nous enrichir chaque jour via la rencontre de personnes de cultures diffrentes auprs de qui confronter nos points de vue et nos approches des problmes. Professionnellement, nous avons galement d faire face beaucoup de changements et nous avons t confrontes des problmes tels que la matrise ou non-matrise dune langue, limpact sur le travail du reste de lquipe et les problmes de communication lis des changements organisationnels. Malgr nos diffrentes lectures sur le sujet de linterculturel, bon nombre de nos questionnements restaient sans rponses, ce qui nous a incites aller plus loin pour dcouvrir comment dautres personnes, travaillant dans un environnement interculturel, vivaient cette exprience. De manire plus gnrale, que ce soit dans les entreprises ou dans la littrature, la communication interculturelle suscite actuellement un engouement tout fait particulier, en ce sens que les organisations se trouvent confrontes une double contrainte qui est de fonctionner avec un paramtre alatoire, presque insaisissable parfois, et dans le mme temps, irrversible avec des rpercussions concrtes. Alatoire, parce quen effet, le facteur culturel relve du vivant et pour cette raison de nombreux paramtres chappent lentreprise, alors pourquoi devrait-elle les grer ? Irrversible, puisque la mondialisation et la confrontation interculturelle ne sont plus dmontrer. Les rpercussions concrtes se traduisent par des malentendus, voire des checs constats quant la ralisation dobjectifs communs un groupe dindividus, ou deux entreprises unies par un partenariat ou une fusion, certains projets sont abandonns, au prix de lourdes frustrations, en partie en raison du peu dattention porte, en amont, au fait culturel. Ces attributs de la communication interculturelle confrent un caractre ambivalent laction des organisations en la matire. Est-ce pour cela que certaines entreprises prennent en compte, de manire modre, la communication interculturelle ? Cette nouvelle ralit oblige, en effet, une certaine pluridisciplinarit et ajoute la complexit de gestion. Gestion ? On peut sinterroger sur lutilit de la gestion de la communication interculturelle. Quelle utilit ? Cest autour de cette problmatique que sest oriente notre rflexion. Quels sont les enjeux et consquences dune gestion unique sans intgration du facteur culturel et ceux affrents une gestion diversifie misant sur le particularisme ? Si ces configurations intermdiaires existent, comment sont-elles mises en uvre ? Une autre interrogation nous vient : la segmentation de gestion ne peut-elle pas sarticuler en fonction des situations professionnelles, le facteur culturel reprsentant un lment complmentaire mais non llment principal ? En effet, lvolution des comportements confronts au fait interculturel induit une modification des rles ; et cest par ailleurs dans laction que se rvle lchange culturel.

A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona

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Monsieur Fabien Blanchot a partag avec nous ses expriences de linterculturel en citant la langue de travail comme lun des facteurs dclatement dans le fonctionnement dune quipe multiculturelle. Lusage dune langue trangre pose problme - mais en quoi ? et si problme il y a, comment le rsoudre ? Bases sur les pratiques concrtes dentreprise, il nous importe de comprendre si elles ont opt pour le dploiement doutils, de moyens et de mthodes pour comprendre et pour matriser les difficults effectives ou potentielles, ou bien si elles ont prfr agir sur lorganisation du travail et des projets. Nous avons donc dcid de mettre toutes ces idologies en confrontation directe avec notre ralit quotidienne et den tirer les conclusions afin de nourrir cette rflexion sur la communication interculturelle.

A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona

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INTRODUCTIONMme si la mondialisation na rien dun phnomne rcent, lobservation de ses manifestations et les impacts qui en dcoulent, constituent aujourdhui des sujets danalyses trs nombreux - des plus conservateurs au plus libraux, des plus inquiets aux plus optimistes. Cette littrature prolifique laisse une emprunte profonde sur les reprsentations que lon se fait du concept. Il est dclin sous diffrentes formes : global, mondial, local, trans-, multi-, plurinational et/ou culturel, et tous ces termes, dont les dfinitions nombreuses laissent paratre des ambiguts, interpellent et dnotent dune certaine ralit : lchelle des relations tant conomiques que relationnelles sest largie (plantarise). La gense de cette mondialisation1 nous invite re-visionner le parcours ralis. En effet, au XVIIIe sicle, le changement dchelle sillustre de par lvolution des changes internationaux. La rvolution industrielle soutient cette mutation et cette priode est marque par lintensification des changes et par lamlioration des voies de communication (pont, routes, ). Il importe dj dassurer des moyens de communication universelle pour tendre vers lintensification des changes. La seconde guerre mondiale et plus particulirement le plan Marshall reprsentent un tournant radical pour la mondialisation. Lempreinte amricaine est de plus en visible sur le territoire mondial. A cette priode, on assiste dj une relle course technologique entre les grandes puissances mondiales, notamment pour la conqute de lespace (satellite espion, de communication, dobservation mtorologique, ), pour sassurer des moyens de communication de plus en plus performants. La prise en compte de limportance des rseaux internationaux est manifeste et chacun cherche tendre son influence. Nous assistons une organisation des changes mondiaux et la construction despaces conomiques rgionaux : comme la cration de la CEE. Lobjectif tant de faciliter les changes commerciaux, les entreprises se voient ainsi faciliter leur prsence ltranger. Pour dfinir cette mutation, il semble difficile de trouver le mot juste, chacun des termes choisis couvrant des ralits spcifiques2 : International : implant ltranger. Multinational : mosaque dconomies nationales = somme de plusieurs nationalits et chaque nationalit en particulier. Transnational : Non-concidence territoriale et mode de gestion centralise des firmes. Cette volution de lespace conomique ne sarrte pas l. Au cours des annes 60, la dlocalisation des entreprises a pris le pas sur la globalisation. Aussi, malgr leurs divergences, chacun des pays les plus puissants essaie de pntrer les marchs des pays conomiquement les moins avancs. Plus prs de nous, aprs la chute du mur de Berlin, les pays de lEst sont progressivement devenus lun des espaces privilgis de limplantation de site de production, en raison des faibles cots de main duvre. Il en va de mme pour la Chine et lInde aujourdhui. Ces nouvelles gestions supposent de nouvelles rglementations. Les organisations mondiales (GATT, OMC, ONU, ) instaurent progressivement des rgles pour faciliter et rguler les changes. Les organisations non12

MICHALET Charles-Albert, Quest-ce que la mondialisation ?, Editions La Dcouverte, 2004 MATTELART Armand, La mondialisation de la communication, Que sais-je ? Presses Universitaires de France, 1998 (2e dition) 10/115

A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona

gouvernementales sinvestissent galement et soutiennent la formule Think globally, act locally . Le mondial est global et cela transparat dans toutes les asprits des changes. Les nouvelles technologies de linformation et de la communication (NTIC) sont trs prsentes et de plus en plus pointues, accessibles, tant au niveau tatique que dans les entreprises. La globalisation de la communication est devenue le vecteur de la globalisation des changes. Ce terme des annes 80, sinscrit tout dabord dans la sphre des changes financiers ; la fluidit de ces changes tant rendue possible grce linterconnexion gnralise en temps rel des marchs. Il faut considrer la gofinance3 comme inscrite dans un espace abstrait dterritorialis4 . Mais la globalisation ne reste pas cantonne aux espaces boursiers, elle trouve galement sa dclinaison au sein des organisations pour devenir un modle de gestion dentreprise en rponse la complexit de lenvironnement concurrentiel. Elle procde la mise en valeur des comptences au niveau plantaire en vue de maximiser les profits et de consolider les parts de march. Le march est, en effet, devenu plus complexe (acquisitions, fusion,), les frontires sont moins nettes (alliance, partenariat, ), plus rgionales (UE, Mercosur, Alena5), tandis que les normes et audits sont plus prsents tant dans lentreprise, que chez ses partenaires et ses fournisseurs. Mais cette nouvelle configuration du monde ne se limite pas lorganisation gographie et conomique des changes. La mise en rseaux du monde se vrifie tant au niveau des tats quau niveau des entreprises. Lorganisation est permable : interne / externe, rseau dinformation et de production, interaction entre local, national et international. Et plus les rseaux se complexifient, se normalisent, plus les acteurs interagissent. Les stratgies conomiques ne peuvent plus constituer un clairage unique pour se positionner efficacement dans la sphre internationale. Les dplacements et missions ltranger, les checs de partenariats, dalliances (Renault-Volvo, ..), ont permis de rvler les dysfonctionnements causs par labsence de prise en compte des diffrences culturelles. A la lumire des checs du pass, linterculturel a dornavant une place part entire dans la stratgie des organisations. Aujourdhui, le management interculturel se manifeste par des actes concrets de gestion dployant quantit de pratiques qui sloignent de la gnralisation des modles (rfrences anglo-saxonnes par exemple) pour sadapter aux besoins spcifiques de chaque organisation. Paralllement ces pratiques stratgiques, merge galement le dsir dexploiter les qualits personnelles des membres de lorganisation, toujours pour sassurer un empowerment mutuel. Ceci passe par le savoir-tre , ce que lon appelle plus communment aujourdhui la comptence relationnelle. Selon le profil des organisations (structure fonctionnelle, oprationnelle, matricielle, en rseau), des modles de communication particuliers (hirarchiques, circulaires, formels, informels ) sont privilgis, mais de manire gnrale, la comptence relationnelle reste prise et valorise. Ainsi, la communication est vue comme un outil de gestion stratgique tant au niveau de lorganisation, qu lchelle du dpartement, du groupe et de lindividu. Il sagit dornavant de communiquer sur une scne pluridimensionnelle (espaces physiques ou virtuels trs diffrents), o il importe de jongler avec des identits multiples. Le rayonnement culturel devient un enjeu forte valeur ajoute.

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MATTELART Armand, La mondialisation de la communication, Que sais-je ? Presses Universitaires de France, 1998 (2e dition)

Idem

ALENA : Accord libre change nord amricain : Communaut conomique cre en 1994 qui regroupe le Canada, les Etats unis, et le Mexique pour assurer la suppression totale des barrires douanires pour les marchandises de ces 3 pays ; APEC : Asia-PacificEconomic Cooperation, 1989, forum pour faciliter la croissance conomique de cette rgion, MERCOSUR : Cre en 1991, march commun du cne sud (3me zone de libre change aprs Union Europenne et Alena) A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 11/115

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Le tout communiquant mute vers le tout communiquant pluriel . La communication interculturelle, concept hybride, bien que peu abord dans la littrature, et qui associe deux dimensions dj complexes, est omniprsente dans toute lorganisation. Les entreprises en ont pris conscience et cherchent loptimiser pour en faire un levier stratgique et un atout concurrentiel. Il y a en effet beaucoup dengouement pour la communication et pour linterculturel, mais aujourdhui il semble que sa dfinition relve de linteraction de plusieurs disciplines et ne soit pas si vidente quil ny parat. Il est par ailleurs sans conteste que la matrise pleine et entire de la communication interculturelle est utopique. Alors comment lapprhender ? Lobjet de notre tude sattache cerner les dimensions de cette forme de communication rcemment rvle. Beaucoup dinterrogations sur ce thme nous ont proccupes : Comment dfinir ce terme, et sous quelles formes intervient-il dans la gestion des organisations ? Comment les quipes sapproprient-elles cette communication interculturelle ? En quoi la communication sinscrit-elle dans le management interculturel ? Est-elle vcue comme une difficult supplmentaire ? La gestion de cette communication interculturelle est-elle finalement ncessaire ou superflue ? Pour apporter quelques lments de rponse ces questions, nous nous proposons de revenir sur les termes porteurs de notre tude ; en effet, que faut-il comprendre par communication interculturelle ? Cette revue a pour objet de pntrer au cur des organisations pour mieux y saisir les enjeux et partager les observations et proccupations des acteurs. Enfin, il nous importe dexposer les pratiques des gestionnaires visant orchestrer une interaction efficace dans lespace interculturel et de tenter, ensuite, dy apporter un regard critique.

Notre mthodologie Notre rflexion de dpart sest appuye sur des interrogations autour du thme de linterculturel, de la communication, du management relationnel voir motionnel et du potentiel perdu en raison dune ngligence ou dune gestion maladroite, inexprimente. Ces interrogations nous ont port vers une dmarche de travail la fois thorique et de terrain. Lecture pour alimenter notre rflexion La littrature nous a demble permis de constater que les analyses sur le sujet ntaient pas trs tendues. En effet, il nous est apparu que les rflexions sattachaient plus dfinir linterculturel dans son ensemble ou insistaient plus sur le management interculturel que sur lapproche communicationnelle dans un contexte pluriculturel. Le langage nous a tout dabord paru constituer une proccupation dterminante. Puis, en affinant nos recherches et en tayant notre rflexion, il nous est apparu que ce paramtre ne constituait que la partie immerge de liceberg. Nous nous sommes ainsi appliques comprendre ce que la langue pouvait reprsenter, et quel tait son rle dans lidentit culturelle. Au fil de nos lectures et la confrontation des diffrentes analyses, nous avons aussi envisag la partie plus alatoire de la communication comme vecteur des interactions entre les acteurs de lorganisation. Dans cette perspective, en quoi le facteur culturel modifie le schma dinteraction, ou en quoi il le complique ou le simplifie.A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 12/115

Nous nous sommes largement attardes sur les thmes de la communication et les styles de communication au travail, la dynamique dquipe, le langage et les langues, linterculturel et le management. Tous ces apports thoriques, nous ont permis de mettre en place une stratgie dtude de terrain. Un regard concret pour confirmer ou bousculer nos dmonstrations Ltablissement du questionnaire Nous avons souhait effectuer une tude trs pratique parce quil nous importait dinscrire notre travail dans une ralit proche de nous. Il tait pour cela ncessaire dobtenir une quantit non ngligeable de donnes qualitatives manant des acteurs. Nous navons pas souhait envoyer des questionnaires anonymes qui restent souvent sans rponse, mais avons choisi deffectuer des entretiens semi-directifs. Pour la ralisation du questionnaire nous avons d passer par plusieurs tapes : La premire version de notre questionnaire tait le rsultat dun brainstorming initial et nous avons souhait effectuer une phase test afin de vrifier la pertinence des questions servant de base nos entretiens. Effectivement, le premier essai ft une catastrophe. Les questions taient beaucoup trop vagues, sans fil conducteur, et laissaient lintervieweur et linterview un peu perdus. Pour la seconde version, nous avons peaufin les questions avant de procder une deuxime phase test auprs de nos collgues proches. Evoluant toutes les trois dans des environnements multiculturels, nous avons pu slectionner un chantillon de collaborateurs qui a accept de rpondre nos questions. Chaque entretien nous fournissait loccasion de remettre le sujet de notre tude en question et nous obligeait tre de plus en plus attentives aux questions poses. Choix des interviews Nous avons abord le sujet en envisageant la prise en compte dentreprises avec un fort rayonnement international. Nous avons donc privilgi les organisations dimension internationale en supposant que, dans ces organisations, la concentration dchanges interculturels serait la plus prsente. Cette position a t motive par le souci defficacit et de reprsentativit. Le secteur nous importait peu car il ne nous a pas sembl que linterculturel pouvait tre attach un secteur dactivit en particulier. Par la suite, nous avons slectionn les acteurs parmi les membres de notre entourage (collgues, relations professionnelles, amis, anonymes), le critre principal tant leur exposition aux changes interculturels. Cela na pas t difficile en ralit car, dans les organisations choisies, il nous est apparu que linterculturel tait devenu un lment de la culture dentreprise et que par consquent tous les postes responsabilit baignaient , de prs ou de loin, dans linternational sur une base quotidienne. Ceci nous a amen interviewer des personnes ayant des profils assez diversifis, avec une exprience linterculturel variable et occupant des postes assez diffrents dans les fonctions RH, Communication, Juridique, ou Commerciale, ... Par cette mixit du panel choisi, nous voulions la fois : Comprendre ce que les acteurs ressentent et comment ils vivent la communication dans un environnement de travail pluriculturel ; Voir les pratiques des professionnels RH et communication dans le domaine.A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 13/115

Les acteurs, tant gestionnaires que salaris, se sont prts au jeu des questions avec un grand intrt et un dsir sincre de partager une exprience. Les difficults rencontres concernent plus le temps quil fallait librer pour assurer les entretiens, tant pour nous que pour les interviews, mais ces derniers ont toujours rpondu et beaucoup ont mme oubli lheure pour se laisser aller partager les anecdotes vcues.

Recueil des donnes et leur consolidation Notre travail a constitu, dans une grande mesure, retranscrire nos observations et nos questionnaires pour ensuite les mettre en confrontation directe avec nos diffrentes lectures sur toutes les facettes du sujet : sociolinguistique, psycholinguistique, sociologie, anthropologie, dynamique de groupe, acquisition de langage, communication interculturelle Nous avons choisi de laisser les citations recueillies en anglais en version originale dans le texte (sans traduction), pour ne pas modifier le contenu de ce qui avait t transmis au cours des entretiens.

Ce que notre tude ne traite pas Nous avons privilgi les positions cadres dans notre panel. La raison sexplique par le fait que cette population est souvent plus expose que les non-cadres linterculturel. Leur exposition soriente plus vers leurs collgues trangers. Linterculturel tant, dans cette optique, plus proche de limmigration. Les gestionnaires nous ont confirm cet tat de fait. Cet aspect nous a emmen dans une toute autre direction. Dans un souci de cohrence, nous navons pas privilgi cet angle de vue. Par ailleurs il nous a sembl intressant dtudier ce sujet sans limitation gographique concrte. Cependant, les interviews sont principalement europens. Notre tude dcrit donc une tendance plutt europenne avec quelques clairages sur les autres rgions du monde, notamment les Etats-Unis.

A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona

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PARTIE I En quoi lvolution des organisations a-t-elle un impact sur la communication interculturelle ?Il nous parat important de revenir tant sur le contexte que sur la clarification des termes. La communication interculturelle senvisage, pour le dveloppement de notre tude, dans le contexte professionnel. Celui-ci a normment volu et linterculturel reprsente un levier majeur de mutation. Il constituera la pierre angulaire de notre tude. Nous nous proposons ainsi, dans ce chapitre, de vous prsenter le cadre dans lequel va sinscrire cette communication et de rappeler les principes de base de la communication, du langage et de lapproche interculturelle.

A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona

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CHAPITRE 1Lvolution des organisations de laprs guerre nos jours

1.1.

Les vecteurs de la mondialisation des entreprises

Linternationalisation des entreprises nest pas un phnomne rcent, mais lampleur de ce phnomne est assez nouvelle. Mme sil semble que seul les flux dargent soient concrtement denvergure globale, la mondialisation est devenue une composante prdominante dans le monde des organisations qui marque le prolongement de linternationalisation amorce depuis la seconde moiti du 19me sicle : les espaces sont plus ouverts, la production est massive (en raison dune offre et dune demande plus sans frontire), et dlocalise. En effet, limpacte des systmes capitalistes sur la division du travail, ont en quelques sorte motiv la dlocalisation des entreprises. Ces nouvelles composantes du tissu conomique sont soutenues par des diffrents vecteurs : 1.1.1. Lintensification des changes Aprs la 2nde guerre mondiale, il importe de restaurer le niveau des changes qui ont t modifi par le conflit. Lobjectif est datteindre le niveau atteint avant la premire guerre. Les Etats-Unis sont en position plus favorable dans la position de crancier du monde, et organise le cadre et les rgles afin dassurer la reprise des changes. Le systme montaire international est alors bas sur le dollar. Les Etats-Unis fournissent galement au monde les produits, les capitaux, les technologies dont il a besoin pour commencer la reconstruction. Les annes 50 marquent le dbut de la croissance pour les pays de lOCDE. A cette priode la moiti des richesses produites au niveau mondial est dtenue par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, lAllemagne et le Japon. Le commerce international est fortement domin par les changes quils font entre eux. Durant les annes 70, 74,5% des exportations mondiales sont issues de lAmrique du Nord, de lEurope occidentale, du Japon et de 6 pays dAsie (Hong Kong, Malaisie, Core du Sud, Singapour, Tawan, Thalande).

1.1.2. La rgionalisation des acteurs de lchange Jusque dans les annes 70, les changes multilatraux sont organiss dans le cadre du GATT ce qui contribue assurer des changes transfrontaliers. En 2000, les ples dchanges sont principalement entre trois ples : LAmrique du Nord (zone de libres changes Alena), lEurope occidentale (avec une union douanire) et lAsie. Ils concentrent 83,2% des changes du monde. Face ces puissances les conomies socialistes et pays conomiquement les moins avancs restent en retrait. 1.1.3. La mise en rseau de lespace mondial Lessor des transports : Le dveloppement des transports a rvolutionn les changes. Aujourdhui les enjeux sont encore plus importants, et les transports doivent tre toujours plus nombreux, plus rapides,A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 16/115

plus varis, plus srs et moins chers. Les transports se dmocratisent et rduisent les contraintes gographiques. NTIC : Cette volution de l'conomie mondiale et des entreprises repose en partie sur lextension des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC). Internet en est la reprsentation la plus explicite. Depuis on assiste une explosion des flux sans prcdents. La possibilit de transmettre des donnes numrises existant sous forme sonore, crite ou graphique, abolit le temps, unifie l'espace. On peut envoyer, traiter, partager, recevoir, des donnes en temps rel, indpendamment des fuseaux horaires ou des distances physiques. De telles opportunits agissent sur les relations entre clients et produits (e-business), les modes de travail ou de pense. Tout un chacun peut puiser dans des bases de donnes partages. Dans le monde de lentreprise il est prsent rare de ne pas trouver de site Internet permettant ainsi aux diverses socits daccrotre leur visibilit vis vis du monde entier. De plus, lintrieur mme de lentreprise, lIntranet et les boites aux lettres lectroniques se sont largement dvelopps en vue de faciliter et dacclrer la communication entre les diffrents acteurs de lentreprise. Ces nouvelles technologies ont permis galement certains acteurs de voir leurs tches simplifies. Ces nouveaux outils de communication en raison de leur trs grande rapidit permettent laccs l'information de faon plantaire et font dsormais partie intgrante des entreprises internationales. Par ailleurs, on ne peut nier les gains en termes de cot. En effet, le recours aux voyages nest plus systmatique. Tlphone et vido confrences reprsentent une alternative intressante. 1.1.4. Lexplosion des flux migratoires et flux touristiques Longtemps entachs dune image ngative les flux migratoires ont une importance majeure dans lconomie. Les migrants vivants depuis plus dun an dans un pays daccueil correspondent 75 millions en 1965 et passe 175 millions en 2003. Contrairement aux ides reues, la grande majorit des migrants est le plus souvent compos dadultes plutt jeunes ayant une formation et dun minimum de moyens pcuniaires. Nous verrons par la suite que bon nombre de nos interviews sont proches de ce profil. La fuite des cerveaux est aussi une proccupation car en consquence directe de limportance quont pris ces flux. Par ailleurs, trs difficile comptabiliser et sans doute sous-estimer, ils tmoignent dune concurrence mondiale accrue. Les flux touristiques ont progress aussi notablement pour passer de 25,3 millions de personnes en 1950 703 millions en 2002. Ces constats permettent de dire que lAutre est plus accessible. Il faut toutefois souligner que ces flux sont plus caractristiques des mtropoles que des campagnes. Nous verrons cependant, que cette possibilit plus grande de contact ne signifie pas forcment que nous nous comprenions. 1.1.5. La tertiarisation de l'conomie On note durant ces annes, le passage une conomie tertiaire qui stimule les changes internationaux de services (un cinquime des changes mondiaux) assurs pour plus de la moiti par les pays les plus riches. Aujourd'hui, 80 % du commerce mondial repose sur le trafic de marchandises. Les produits primaires reprsentaient environ 20 % des changes la fin des annes 1990, contre 36 % en 1970. Les biens sont aussi de plus en plus transforms. Ce point est important car les entreprises du secteur tertiaire sont des socits de services et dans ce domaine le travail humain est un facteur clef, l'inverse de l'industrie o les machines et les robots jouent un rle majeur. Ainsi, les besoins de mobilit du secteur tertiaire sont consquents.A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 17/115

En outre, on trouve comme autre vecteur de la mondialisation, les investissements directs trangers (IDE) qui constituent sans doute l'indice le plus rvlateur de celle-ci et la plus sre mesure de son impact sur les conomies nationales ; ainsi, de 1986 1990, priode de forte croissance, les flux d'IDE ont augment de 29 %, contre 15 % pour les changes marchands et 10 % pour les PNB. C'est dire le poids des changes dans la croissance globale et l'importance toute particulire des changes intrabranches, mesurs par les IDE. Cette multinationalisation des firmes se traduit concrtement par la dlocalisation des units de production dans des pays o la main-duvre bon march abonde, ce qui n'est pas sans consquence sur l'emploi dans les pays industrialiss. 1.2. Les autres facteurs prendre en compte dans cette volution

Le changement de contexte socio-conomique ne peut expliquer lui seul laccroissement du processus dinternationalisation des entreprises, dautres facteurs sont prendre en considration. 1.2.1. Les facteurs de cots Implanter des units de production dans les pays est dautant plus intressant lorsquelles voient les avantages suivants clairement se dessiner : les bas niveaux de salaires dans certains pays leur permettent davoir une main duvre bon march ; les contraintes sociales en matire de licenciements sont plus souples dans certains pays ; les horaires de travail sont plus ou moins contrls, plus ou moins longs, le taux de chmage (les taux de chmage levs induisent souvent une main duvre interchangeable .) ; produire sur le lieu de vente permet notamment de raliser des conomies sur les cots de transport, dapprovisionnement ou encore de production. Optimisation des cots de production et de distribution lorsque ces deux facteurs sont runis. Prenons pour exemple, le groupe Un grand groupe des mtiers de llectricit. Celui-ci a choisi une stratgie dimplantation locale, la fois industrielle et commerciale, sur les marchs fort potentiel. La dlocalisation de sa production tant au plus prs des consommateurs, elle lui permet de fournir des produits comptitifs en matire de cots et de disponibilits. Par ailleurs, en misant sur linternational pour accrotre leur taille et leur poids financier, nombre dentreprises cherchent galement le meilleur ratio leur permettant de raliser des conomies dchelles globales. 1.2.2. Les facteurs de march Les entreprises cherchent simplanter dans des marchs dits porteurs dans lesquels elles cherchent de nouveaux dbouchs ; en effet, un produit en phase de maturit sur le march national peut tre en phase de croissance ailleurs, lentreprise prolonge ainsi le cycle de vie de son produit. Stendre linternational leur permet galement de mieux rpartir les risques en cas de crise dans une rgion. Lors de la crise asiatique en 1997, de nombreuses entreprises ont t touches comme Casino ; les fortes pertes enregistres cette poque ont pu tre compenses par la poursuite de leurs activits sur dautres marchs. Dautre part, la rglementation de certains pays limite le dveloppement de lentreprise or celle-ci cherchera simplanter l o les cots sont moindres. Cest ainsi quun grand nombre dentreprisesA. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 18/115

franaises vont simplanter en Suisse ou au Luxembourg o les cots des infrastructures et des charges sont trs intressants. Pour finir, signalons que lentreprise peut tre oblige de simplanter dans un pays pour avoir le droit dy couler sa production : rglementations tarifaires, administratives ou protectionnistes. En effet, certaines nations imposent des dmarches administratives trs lourdes pour protger leurs entreprises nationales en restreignant laccs au march. 1.2.3. Les facteurs concurrentiels La stratgie dinternationalisation des entreprises est influence directement par un troisime facteur : la concurrence. Il est entendu que dans un systme interconnect les entreprises sont en concurrence non plus sur le plan national, mais europen et mme mondial. Elles doivent uvrer pour conserver une productivit comptitive dans un contexte o, le plus souvent, les pratiques et stratgies acclratrices de croissance labores dans un pays sont trs vite, voire instantanment exploites ailleurs tant les innovations technologiques se dploient en dfiant les contraintes despace et de temps. Il leur faut galement liminer les surcots et les gaspillages qui les handicapent. Les entreprises sont souvent coinces lintrieur de leur march et cherchent dsormais simplanter dans de nouveaux pays mergents o la concurrence est moins prsente. Signalons que certains groupes choisissent de sinternationaliser afin de bnficier partout dans le monde de matires premires et de comptences/savoir-faire spcifiques. Lexotisme import est aussi un atout concurrentiel (meubles asiatiques, arts africains, ). Pour clore cette sous-partie, prcisons qu'afin de rester concurrentielles, les socits visent un repositionnement sur leur cur de mtier pour garder et dvelopper lexpertise et se dbarrassent des organisations tentaculaires qui ne peuvent que gnrer la dperdition dnergie, de fonds et de personnel. La performance du business model motive aussi ce dsir de recentrage organisationnel : quelles comptences, quels savoir-faire Comme nous avons pu le voir, louverture conomique des frontires et les volutions technologiques ont accru l'internationalisation des entreprises. Dans cet environnement international de plus en plus concurrentiel, un des moyens les plus rapides pour rester comptitif consiste rechercher des partenariats stratgiques. 1.3. Les modes dinternationalisation pour les entreprises

Les entreprises ne peuvent plus dvelopper seules l'ensemble des technologies ncessaires ni assurer par elles-mmes la diffusion de leurs produits l'chelle mondiale. Ceci se vrifie particulirement dans les entreprises pharmaceutiques pour lesquelles linvestissement pour la distribution dun mdicament s'value en dcennies. Mme des firmes leaders comme Alcatel, Toyota, AT&T ou IBM ont choisi de nouer des alliances stratgiques au cours de ces dernires annes. La coopration permet tantt d'accrotre les ressources des partenaires par la mise en commun de comptences complmentaires (un savoir-faire intellectuel, technique, technologique ou managrial, l'accs un march, etc.), tantt de rduire les contraintes de taille et d'incertitude. Il existe diffrentes formes de coopration.

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1.3.1. Acquisitions et fusions dentreprises dj existantes Cest lun des moyens le plus rapide et avantageux pour stendre linternational que possdent les entreprises aujourdhui. En effet, elles sappuient ainsi sur des marchs dj existants et possdant dj toutes les ressources ncessaires (rseau tabli entre fournisseurs et clients, personnel dj oprationnel), cest un gain de temps et dargent. Les acquisitions sont le mode le plus utilis et la plupart des grandes entreprises franaises ont multipli ces dernires annes les rachats de socits trangres. Cest ainsi qu la suite de nombreuses acquisitions la Compagnie Gnrale des Eaux est devenue en quelques annes lun des leaders mondiaux des services lenvironnement (Vivendi Environnement) mais galement un groupe international dans le domaine de la communication. En sappuyant sur des entreprises dj implantes localement, les entreprises ont aussi des facilits sadapter aux normes et aux usages locaux dj actifs dans la firme. Les acquisitions peuvent permettre galement de sapproprier une marque et donc la renomme ou la rputation qui lui est associe. Notons pour finir que dans une conomie mondialise, o la concurrence est internationale et vive, la russite d'une opration de fusion ou d'acquisition dpend, pour une grande part de la bonne gestion du facteur humain dans l'entreprise. En effet, chaque fusion ou acquisition est un enjeu majeur sur le plan humain. Il s'agit de grer parfois des licenciements massifs mais aussi l'intgration de nouvelles quipes dans l'organisation. La bonne gestion des quipes plurinationales est la condition sine qua none du succs de l'opration. En raison de la mondialisation de l'conomie, la dimension humaine se trouve place au centre de la stratgie de l'entreprise. Quelques exemples de fusions : ND Cube Ltd est ne le 1er mars 2000 de la fusion de Nintendo et dune entreprise de publicit japonaise. Cette socit a pour mission de dvelopper des jeux, en particulier sur consoles portables. Le rachat dAventis par Sanofi-Synthlabo est un exemple rcent de fusion permettant ainsi la socit de devenir le troisime groupe pharmaceutique mondial avec 100 000 employs, derrire l'amricain Pfizer et le britannique GlaxoSmithKline. Nous avons rencontr deux cas de fusions-acquisitions pendant notre tude pratique dont nous dtaillerons les constats dans le deuxime chapitre. 1.3.2. Partenariats et joints ventures : alliances stratgiques Selon Garrette et Dussauge (1995)4 : Les alliances stratgiques sont des associations entre plusieurs entreprises indpendantes qui choisissent de mener bien un projet ou une activit spcifique en coordonnant les comptences, les moyens et les ressources ncessaires plutt que : de mettre en uvre ce projet ou cette activit de manire autonome, en en supportant seules les risques, et en affrontant seules la concurrence de fusionner entre elles ou de procder des cessions ou acquisitions dactivits Les accords de partenariats se sont dvelopps avec le phnomne de multinationalisation des grandes entreprises qui sest gnralis aprs la deuxime Guerre Mondiale. Pour exporter ltranger, ces4

ETTIGHOFFER, D., Lalternative : les stratgies dalliance , article paru dans Les Echos, le 5 mars 2001 20/115

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entreprises ont cr des filiales communes avec des partenaires locaux. Elles se sont ainsi implantes directement sur le march local, en contournant les lois protectionnistes des pays qui limitaient leurs importations. Limplantation directe sur le march permettait de se rapprocher des clients, de bnficier des mmes avantages que les concurrents nationaux et davoir plus facilement accs aux sources de matires premires et aux circuits de distribution. Lactivit des filiales communes se limitait donc la commercialisation et ventuellement, la fabrication des produits de la multinationale dans le pays daccueil. Depuis le milieu des annes 80, cette tendance a volu. Les entreprises nouent dsormais des partenariats afin de bnficier davantages comptitifs et de se renforcer face la concurrence, notamment en partageant et en combinant leurs savoir-faire. Entre 1990 et 1999, prs de 48 % des alliances stratgiques observes taient des joints ventures. Ce type de partenariat continue tre plus internationalis que les autres types dalliances. Prs de 78 % des joints ventures cres entre 1990 et 1999 regroupent des partenaires de nationalits diffrentes alors que seulement 58 % des autres formes dalliances constituent des partenariats internationaux. Ces groupements concernent un large ventail dentreprises trs diffrentes et ils peuvent prendre des formes extrmement varies. On trouve en effet aussi bien des grands groupes, souvent multinationaux, que des entreprises de petite taille. Tous les secteurs dactivit ou presque sont concerns : du transport la pharmacie, des tlcommunications llectronique. En outre, ce phnomne semble se produire lchelle mondiale : il stend dans tous les pays et sur tous les continents, impliquant des entreprises nord-amricaines, europennes, japonaises ainsi que des entreprises originaires de pays en voie de dveloppement. Il ressortait en 2002 que 57 % des dirigeants estimaient que, pour faire face la globalisation des marchs, un des facteurs-cls de la russite de leur entreprise sera de mettre en place des joints ventures. Comme exemple de partenariat rcent, nous pouvons citer celui de Renault avec Nissan. 1.3.3. Autres processus dimplantation : cration de nouvelles entits au nom de lentreprise et gestion dlgue Ces deux derniers modes dinternationalisation ne reprsentent quune valeur trs faible du processus dimplantation ltranger mais il est important tout de mme de les souligner. Le premier qui est la cration de nouvelles entits au nom de lentreprise est le mode dinternationalisation le plus risqu aux yeux des professionnels. Les grands groupes automobiles franais ont ainsi construit ltranger des usines telles que celle de Renault Curitiba au Brsil mais la renomme ntant pas prsente, la russite nen est que diminue. La dernire tendance des modes dimplantation ltranger est en fait peu connue. Cette gestion dite dlgue a pour but, pour les instances publiques (tats, collectivits territoriales), de confier lexploitation et la gestion dun service public un oprateur priv qui sengage respecter le cahier des charges public de cette exploitation : par exemple la distribution deau potable, dlectricit, de gaz de ville et de chauffage collectif. A noter que de grands groupes franais sont engags ainsi dans des pays trangers comme Suez, Bouygues et ADP.

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Le succs dun processus dinternationalisation de lentreprise passe certes par un mode de coopration mais galement par la refonte de son organisation en tenant compte de ses nouvelles composantes. 1.4. Les implications pour une organisation se dveloppant linternational

1.4.1. Une volution de sa structure Une entreprise en voie dinternationalisation avance passe gnralement par diffrentes tapes, voluant dune organisation lgre vers une structure plus sophistique. Le tableau5 de la page suivante rsume lui seul les quatre grandes tapes par lesquelles passent les entreprises. Par ailleurs, ce changement de structure peut sajouter une tendance des entreprises chercher l'internationalisation de leurs quipes dirigeantes. En effet, sentourer de personnes dhorizons diffrents permet de mieux connatre les marchs et les pays o lentreprise simplante et ainsi de mieux apprhender son dveloppement et aborder de faon plus simple les difficults culturelles, conomiques et sociales quelle rencontre. En 2000, 17 entreprises du CAC 40 ont au moins deux dirigeants trangers sigeant au sein de lune des instances dirigeantes. Toutefois ceci nest pas une vrit intangible puisque de nombreuses entreprises franaises possdent des dirigeants exclusivement franais et connaissent un dveloppement international sans prcdent. Michelin en est un bon exemple : 87 % de son chiffre daffaires est ralis ltranger.Phases de dveloppement international Phase initiale Structure Structure centralise : la direction conserve le contrle des oprations ltranger. Cration dune division internationale Caractristiques de lentreprise Entreprise ayant un mode de prsence lger hors frontire.

Phase dexportation

Phase dimplantation locale

Entreprises peu diversifies, dont les activits ltranger sont infrieures aux activits domestiques. Cration de divisions gographiques Entreprises dont les produits prsentent des ou de divisions pays degrs levs de diffrenciation rgionale. Structure globale par fonctions Entreprises pratiquant fondamentalement un seul mtier et dont le volume dactivit est trs fort ltranger (ex : PSA Peugeot Citron) Entreprises diversifies et dont le volume dactivit est moyen ou fort ltranger (ex : Lagardre, Suez) Entreprises peu diversifies et dont le volume dactivit est trs fort ltranger (ex : Sodexho) Entreprises dont la diversification est importante et dont le volume dactivit est trs fort ltranger (ex : Danone, Michelin)

Structure globale par produits

Phase de globalisation

Structure globale par zones gographiques

Structure globale matricielle6

Figure 1 : Phases de dveloppement des entreprises

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Extrait de louvrage : RH les meilleures pratiques des entreprises du CAC 40 22/115

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1.4.2. Des relations siges/filiales rvises Les multinationales disposent dune organisation spcifique du fait de la dispersion gographique voire culturelle des filiales qui les composent. Se pose alors la question de la gestion de ces filiales internationales avec un enjeu majeur pour les groupes internationaux : lintgration de ces dernires dans le fonctionnement global de la multinationale. Cette intgration passe par la constitution de liens entre les filiales mais aussi entre le sige et les filiales et est ncessaire pour rester comptitif. Perlmutter, chercheur lorigine dune classification des multinationales selon les relations entretenues entre le sige et les filiales, en a distingu quatre qui sont devenues des schmas classiques dans le monde du management. 1.4.2.1. Lapproche ethnocentrique Caractristiques : Le sige est le centre de lautorit et la source principale de toutes les informations Fort contrle du sige sur les filiales Standards de conduite, valeurs du pays dorigine Le personnel de la maison mre occupe les postes cls Dveloppement dune culture commune, celle de la maison-mre Expatriation (du sige vers les filiales) Socit type : Carrefour Les lignes directrices et la politique gnrale manent du sige, les directions et les chelons infrieurs appliquant les directives aprs adaptation aux particularismes locaux. 1.4.2.2. Lapproche polycentrique Caractristiques Le sige nest ni le centre de lautorit ni la source principale de toutes les informations. Les filiales sont trs autonomes et sont considres comme des entits nationales distinctes Les cultures organisationnelles et nationales sont respectes Objectif : Adaptation totale aux contextes locaux Socit type : Dexia7 Les entits fondatrices conservent une trs grande indpendance. Le contrle du sige est faible. 1.4.2.3. Lapproche rgiocentrique Caractristiques Division du monde en rgions dans lesquelles la mobilit gographique seffectue entre filiales dune mme rgion. Grande interdpendance rgionale. Siges rgionaux. Recherche de synergies entre pays voisins.

Elle consiste donner chaque responsable oprationnel deux suprieurs hirarchiques Groupe Franco-Belge ayant pour activits le financement dquipements collectifs, la gestion dactifs et proposant diffrents services financiers7

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Socit type : Pinault-Printemps-Redoute Son dveloppement est ax entre son sige et ses filiales lintrieur de zones gographiques bien dlimites. 1.4.2.4. Lapproche gocentrique Caractristiques Intgration de plusieurs rgions du monde dans un systme global de prise de dcision. Interdpendance mondiale. Toute personne comptente et ayant de lexprience peut occuper lemploi qui lui convient Culture organisationnelle globale Mobilit gographique internationale Socit type : Danone Interdpendance globale Cette dernire approche inspire de faon majoritaire la plupart des entreprises internationales. En effet, celle-ci sait marier parfaitement lharmonisation des pratiques des socits aux particularits locales de chacune des filiales. Et cest en cela que les entreprises arrivent au principe suivant think globally, act locally . Le schma ci-aprs montre de faon reprsentative la rpartition des diffrents types de relations sige/filiales au sein des entreprises du CAC 40 en juin 2002. Figure 2 : Les diffrents types de relations siges/filiales au sein des entreprises du CAC 40

Pas indiqu e 20%

Approche G oce ntrique 29%

Approche Polyce ntrique 18% Approche Ethoce ntrique 13%

Approche R giocentrique 20%

Il est plus que courant de nos jours de voir des entreprises passer par plusieurs de ces phases. Dans notre questionnaire, une des entreprises internationales interroges, est passe de lethnocentrisme au rgiocentrisme et se dirige dsormais vers le polycentrisme selon lanalyse du service Ressources Humaines. Sil est essentiel pour certaines entreprises de sinternationaliser pour rester comptitives, linfluence sur la structure et sur les relations qui se nouent entre siges et filiales est vidente et immdiate. Mais parler de structure et de relations revient parler dorganisation au sens plus large. Lentreprise est en effet, amene repenser son fonctionnement interne et se doit de donner de la lisibilit tant pour ses acteurs internes que pour lextrieur.A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 24/115

Les effets de la mondialisation, nous pouvons le constater se caractrisent par une concentration des entreprises. Il apparat des modles dorganisation6 : Les entreprises nationales dveloppant diverses activits hors frontires Les entreprises installes en France de plus en plus pluriethniques. Les entreprises internationales structures en division ou Business Unit avec des tablissements rpartis dans le monde (General Electric, Procter & Gamble) Les entreprises multinationales dont les structures dcentralises recherchent leur adaptation permanente aux situations locales, en particulier grce lembauche de managers locaux. (Philips, Unilever) Les entreprises transnationales polycentres sans relle nationalit dominante. (perspective de globalisation car avec des activits mondiales, et de localisation car avec des adaptations locales (Hewlett Packard, IBM,). Le pouvoir nest pas toujours vident localiser. Les salaris viennent de diffrents pays. Ce qui caractrise les entreprises contemporaines est sans doute la plus grande complexit, le besoin de mieux grer lincertitude grandissante. Par ailleurs, il apparat que lvolution des organisations a modifi le style de communication au sein des organisations. En effet les liens organisationnels ont volu : du principe horizontal, nous sommes aujourdhui parvenus un style toil o toutes les lignes communicationnelles sont exploites. De nouvelles formes de coopration ont modifi le travail au quotidien ( management par projet, mes processus transversaux, .). Le plus souvent les lignes hirarchiques sont allges, et les acteurs ont plus de responsabilits. En outre, les primtres de travail sont plus larges, les contours sont moins net et les missions plus varies. Il importe de travailler en mode projet, en quipe. Par ailleurs lintrieur et lextrieur cooprent plus aisment, plus souvent. Les liens sont aussi plus forts et plus norms : soustraitants, fournisseurs, inter-services,

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EQUILBEY Nol, Le management interculturel, Management & Socit, Paris, 2004 25/115

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CHAPITRE 2Pourquoi sintresser la communication interculturelle dans les organisations ?De part sa place centrale dans la vie quotidienne, le monde de lentreprise est un lieu dinteraction, de conflits, de dbats sociaux entre individus. Le temps que nous y passons, la place quil occupe dans nos activits et nos esprits font du lieu de travail un terrain danalyse privilgi. De plus, le fait situationnel propos par lemployeur permet une concentration dinteractions assez importante. Pour ces raisons, son tude est indispensable pour une meilleure comprhension des relations sociales. Lindividu et lorganisation, le management, la dynamique de groupe, la motivation, le leadership, la communication interpersonnelle et organisationnelle sont autant de matires qui alimentent les tudes de comportements organisationnels. Les recherches visent dcrire et expliquer les comportements individuels et de groupes dans les organisations. Si lon sintresse lhistoire de cette discipline ou plutt cette approche multidisciplinaire, il apparat que ces domaines de recherches sont, de loin, plus tudis dans les pays anglo-saxons quen France, et surtout depuis plus longtemps. Cest en effet dans les annes 1920-30, que des prcurseurs, tels que F. Roethlisberger (1939) et E. Mayo (1933), nous suggrent que lorganisation doit tre considre comme un systme social et que lenvironnement peut influer sur les comportements des membres de cette organisation plus que les rgles ou rglement de la direction . Selon le regard port par P. Gilbert, F. Gurin et F. Pigeyre7, il apparat que les tudes se sont longtemps polarises sur des secteurs partiels de lorganisation et sur le secteur dactivit industrielle dans son ensemble. La sociologie des organisations dans leur intgralit en constitue un positionnement intermdiaire plus rcent. Cependant, les recherches de F. Roethlisberger et E. Mayo ont constitu une base de rfrence pour permettre dans les annes 60 un dveloppement plus large et plus prcis de cette matire, particulirement aux Etats-Unis. En France, cette mme poque, le travail de Crozier bien que trs influenc par les approches anglosaxonnes, sintresse lexercice du pouvoir, la stratgie des acteurs et aux relations sociales dans les organisations publiques. Mais ce nest concrtement que dans les annes 80, que ltude des organisations prendra une vraie place en France. Ce renouveau passe notamment par limpulsion de D. Segrestin et R. Sainsaulieu (1987). La sociologie dentreprise apparat alors comme une relle approche interdisciplinaire autour de laquelle se runissent des sociologues, anthropologues, conomistes et des gestionnaires. Nous apprenons aussi que ces approches sociologiques se sont galement dveloppes pour donner une dimension plus large et plus solide aux managers et gestionnaires en orientant les recherches dans cette perspective8. Les tudes des annes 90 sont plus marques par lintrt port au terrain. Notre tude sinscrit dans ce cadre et se base principalement sur les crits de ces 15 dernires annes.

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GILBERT Patrick, GUERIN Francis & PIGEYRE Frdrique, Organisations et Comportements : Nouvelles Approches, Nouveaux Enjeux, Editions Dunod, Paris, 2005 8 Idem A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 26/115

Il nous apparat la lumire de cette brve revue historique, que la complexit de la matire dnote avec celle provenant dun nouvel environnement organisationnel. En effet, comme nous lavons vu plus haut, les dimensions de lentreprise, le positionnement territorial et ses enjeux ont connu une volution trs marque par lextension du systme capitaliste, mais aussi par lvolution spectaculaire des nouveaux moyens dinformation et de communication qui a grandement favoris la mise en rseau du monde, et de fait, du monde de lentreprise. Lorganisation est aujourdhui soumise un espace dont les limites territoriales perdent de leur matrialit pour se muer en espaces dinfluences, de pouvoirs. Ainsi, le cadre de lentreprise dpasse souvent les frontires gographiques, en raison de lintensification de ses changes avec lextrieur. La circulation des biens et services passe galement par la circulation de linformation et des hommes. En choisissant de nous consacrer ltude des impacts de cette mutation sur la communication, il nous appartient de la dfinir. En effet, quest-ce que la communication et en quoi diffre-t-elle de la communication interculturelle ? 2.1. La communication ? Tout le monde en parle !

Il convient tout dabord de dfinir ce quest la communication. Sur la base dun sondage rapide, il semble que chacun puisse donner une dfinition, et sans quelle ne constitue la dfinition, mais il sagit, a priori, de propositions partielles, non loignes de la reprsentation collective, qui se rsument comme suit : .La communication cest lchange.communiquer avec les autres.cest passer un message .se faire comprendre des autres cest le fait de communiquer cest partager des informations cest aussi le regard cest tout ce qui nous lie cest ce que lon dgage cest la vie, je communique donc je suis Ces quelques dfinitions nous rappellent la proposition de Watzmawick (1972) tout comportement est communication , la communication cest tout. Mais cest la proposition rduite qui marque les esprits tout est communication devenu aujourdhui le tout communicant . Mais ce nest pas seulement cela la communication, cest aussi le problme des organisations. Elles se sont toutes interroges sur le comment communiquer, qui, pour transmettre quel message, quand Les entreprises ont, de toute vidence, pris conscience quil est important dassurer une communication auprs des salaris, mais aussi auprs des parties prenantes, qui nont jamais autant t impliques quaujourdhui. Cependant, ainsi que nous lavons soulign, la communication est le problme des entreprises, au sens littral du terme, soit parce quelles souhaitent communiquer et ne savent pas comment procder, soit parce que parfois le mode de communication est mal choisi et que le message ne donne pas les rsultats attendus.

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A titre dexemple, nous avons tous en mmoire la publicit suicide du constructeur automobile Renault, pour le modle de R14 (1976), qui laissait comprendre au consommateur quil pouvait tre assimil la poire au volant de cette voiture.

Il apparat que la communication est aussi la solution des organisations. Son dfaut peut constituer la source des difficults rencontres dans une organisation. Mon ancien patron me disait souvent : il ny a rien de mieux que de communiquer Trsorier dorigine colombienne Mais on sait aujourdhui que la communication est parfois larbre qui cache la fort. En voulant lui donner une place prdominante, les proccupations relles et les rflexions constructives sont voiles ou caches. Mme si la communication va aider formuler un problme elle na pas forcment vocation constituer la solution. Cependant, malgr la difficult de lui accorder une vraie place, il est clair que la communication est omniprsente dans le monde de lentreprise. Elle pntre toutes les dimensions et en raison des interconnexions multiples, les opportunits de communication sont beaucoup plus nombreuses et lexposition au monde est bien plus large. Il nest plus question de rester cloisonn son bureau le nez dans ces documents 360 jours de lanne. Il faut partager un message, une information mais aussi entrer en interaction. Ainsi que le soulignait H. Simon9 (1947), A lvidence, il ne saurait y avoir dorganisation sans communication, car le groupe ne disposerait alors daucune possibilit dinflchir le comportement des individus. Non seulement la communication est absolument essentielle lorganisation mais lexistence de techniques particulires de communication dterminera en grande partie la manire dont la fonction de dcision peut et doit tre rpartie travers lorganisation . La communication correspond bien une dimension fondamentale de notre environnement et elle suscite un fort engouement. Mais lusage du terme est tendu des ralits tellement diffrentes quil devient difficile de sortir de lvidence collective pour donner une dfinition claire et concrte. Afin de mieux la saisir, nous proposons de revenir au fondement de la communication et den faire ressortir les diffrentes dfinitions.

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Administration et processus de dcision, Economica, p146 28/115

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2.1.1. Une dfinition de la communication Le Petit Larousse propose plusieurs dfinition parmi lesquelles nous retiendrons les lments suivants : tablir une relation, transmettre quelque chose, ensemble de moyens et techniques permettant la diffusion . Ainsi le processus de communication peut se dcomposer de la faon suivante : - Fait dtablir une relation que lon peut aussi concevoir comme changer ; - Pour transmettre quelques chose, un message, une information ; - Via un ensemble de moyens et techniques en permettant la diffusion. Quen est-il de la dfinition propose par les sciences de linformation et de la communication ? Pour clarifier encore le concept, nous proposons dexpliciter le cheminement des modles de la communication et leur application. 2.1.2. Ce que proposent les sciences de la communication Les sciences de linformation et de la communication sont nes de plusieurs disciplines dont la tlgraphie, la linguistique, la sociologie, les thories de linformation, la psychologie. Elles visent tudier les acteurs et les moyens de communication, ainsi que le message transmis. Deux modles de communication servent de rfrence aujourdhui : Le modle tlgraphique ; Le modle orchestre. 2.1.2.1. Le modle du tlgraphe Il correspond historiquement la premire reprsentation de la communication. C. Shannon, ingnieur la Bell Telephone en 1941, propose un modle bas sur la transmission dun message verbal par un metteur et un rcepteur via un canal : 1. la source dinformation produit un message ; 2. lmetteur transforme ou traduit le message en un signal qui sera ensuite transport par le canal ; 3. le canal constitue le support physique du message, la voie de circulation de linformation et ses caractristiques vont dterminer les contraintes et limites de la transmission du message ; 4. le bruit comprend lensemble des perturbations qui peuvent dnaturer le message et rendre sa rception problmatique ; 5. le rcepteur effectue lopration inverse de lmetteur : il retraduit le signal reu en message (dcodage) ; 6. le message ainsi restitu est enfin transmis au destinataire. Figure n3 : Le modle du tlgrapheSOURCESOURCE

EMETTEUR Message Signal mis

CANAL Signal reu

RECEPTEUR Message

DESTINATION

Codage

Bruit

Dcodage

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Sur ce modle la nature de la source et de la destination peuvent tre indiffremment de machines ou des tre humains. Lobjectif est avant tout technique et sinscrit dans une dmarche mathmatique. Le message nest pas ambigu. La thorie de Shannon est fondamentale pour le dveloppement de linformatique, pour la psychologie cognitive (capacit pour un individu recevoir une information) et pour la thorie de la lisibilit (nombre de mot par phrase pour quelle soit assimilable). Par la suite ce modle t repris par W.Weaver. Il tait le Conseiller du Prsident de la Rockefeller Foundation, et sur sa demande il diffuse la thorie de C. Shannon mais il dpasse le cadre strictement technique initialement propos. Il avance une conception tendue la communication alors que Shannon considrait uniquement linformation. Son article revu par W.Weaver a t le point de dpart de linterchangeabilit de la Communication et de linformation. Bien que le modle de Shannon est fondamental, certaines des applications se sont faites sans prcautions (les sciences exactes ne sont pas mettre sur le mme plan que les sciences humaines). Entre 1942-45, N.Wiener, alors en charge au sein du Massachusetts Institute of Technology des problmes thoriques poss par la dfense arienne, introduit au modle la notion de feed back et de input / output . Il publie un article qui favorise lextension considrable du modle du tlgraphe. Figure n 4 : Le modle cyberntique de N. Wiener Bruits Canal EMETTEUR Codage RECEPTEUR Feed-Back rtroaction 2.1.2.2. Le modle du tlgraphe et la linguistique A la suite de cela, R. Jakobson sest inspir de la cyberntique, la science de linformation et du modle de N. Wiener pour proposer une approche sur le langage. Il propose le schma suivant : MESSAGE Dcodage

Rfrent

Destinateur

Contexte Message Contact Code

Destinataire

Le message renvoie au contexte, au code commun au destinateur/destinataire (il encode et dcode) et au canal physique. Ce schma peut sadapter dautre forme de communication le langage. Il dcline ce schma afin didentifier les fonctions quil attribut au langage. Le tableau suivant permet de mieux comprendre ces diffrentes fonctions.A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 30/115

Figure n5 : Les fonctions du langage selon Jakobson Fonction Emotive ou expressive Visant Extrioriser, faire partager ides, motions, dsirs, enfouis dans son esprit Rfrent Renvoyer un objet, rel ou Rfrentielle non, en dcrire les caractristiques Message Donner au message des Potique qualits intrinsques de beaut, de cohrences (dimension littraire ou esthtique) Canal Vrifier quil fonctionne, Phatique attirer ou maintenir lattention de son interlocuteur ( allo , vous mentendez ?) Langage lui-mme code Donner des explications, Mtalinguistique prcisions, sur le langage luimme afin de parler le mme langage que le destinataire. Destinataire Agir sur lui, en suscitant une Conative rponse ( une question), en linfluenant dans ses convictions ou dsirs (persuasion), en provoquant un certain comportement (injonction). Propos par : Patrick Gilbert, Francis Gurin & Frdrique Pigeyre10 2.1.2.3. Le modle du tlgraphe et la psychologie sociale La vise de cette discipline est de baser ltude de la communication sur un axe scientifique. Lappropriation du modle abouti au schma suivant : Centre sur Destinateur

Dcodage Codage par lexprimentateur Signaux entrants Input Rception

Recodage Signaux sortants Emission Comparaison linput output Mesure de loutput par lexprimentateur

Figure n6 : Modle exprimental du tlgraphe11GILBERT Patrick, GUERIN Francis & PIGEYRE Frdrique, Organisations et Comportements : Nouvelles Approches, Nouveaux Enjeux, Editions Dunod, Paris, 2005 A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 31/11510

Ce schma propose un axe diffrent car il sattache en effet via les feedback valuer lcart entre message transmis et message reu. Lapplication de la psychologie sociale la plus connue est la recherche de rseau de communication pertinent et efficace. Cet lment sera dvelopp dans le paragraphe traitant de la dynamique de groupe. 2.1.2.4. Le modle du tlgraphe version moderne Lapport de H.D. psychiatre a construit dans les annes 40, un programme de recherche sur les mdias sur la base de quelques questions fondamentales (qui ?, dit quoi ?, par quel moyen ? qui ? avec quel effet ?), est complt par le modle propos par A. Mucchielli :Quelle information ? Quel codage ? Quel parasitage ? Quelle distorsion ? Quel rsultat ?

R E Quels effets du canal ?

Quelle correction retour ?

Figure n7 : Le modle du tlgraphe version moderne Ce modle est intressant car il permet de concevoir la communication comme tant un processus dinfluence. Lintention va plus loin que la simple transmission dun message. Il ne sagit plus seulement de face face mais dmetteur/rcepteur de masse. En cela il peut tre aussi critiqu car il induit la tentative de persuasion des metteurs sur les rcepteurs et nglige ce que lon peu appeler la rtroaction, cest dire la raction retour des rcepteurs. Ici il est considr comme passif. 2.1.2.5. Le modle de lorchestre centr sur les dimensions sociales de la communication Ce modle se construit a priori en opposition avec le premier ; il est prsent comme un remde aux dfauts du premier. Le tableau ci dessous, nous prsente une vision comparative :

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Figure n8 : Comparatif des deux modles dominants Tlgraphe Orchestre Individuelle, bien dlimite Conjointe, sociale, inscrite dans le temps et dans lespace dans un cadre plus vaste

Nature de lactivit

Relationnelle et volontaire, matrisable Acteurs Nature Emetteur : initiateur (rcepteur passif) Verbale (langage explicite, dnotatif et informatif : expression fidle des tats mentaux) Instrumentale : transmettre un message Suite de squences linaire, oprations et squences manipulables, reproductibles en contexte exprimental Unique : sens du message intentionnel, clair

Partiellement intentionnelle et consciente, construction collective mergeante Participant linteraction Multiple : verbal, non verbale (gestes, posture, situation)

Finalit Structure

Relationnelle : construire une relation Systme complexe ouvert

Multiples : mtacommunication, contenu et relation, ambiguts, paradoxes. Comparatif propos par : Patrick Gilbert, Francis Gurin, Frdrique Pigeyre, 2005 Niveaux Modle qui trouve son origine dans les travaux de lanthropologue G. Bateson (1977), et qui se veut plus complexe que le prcdent. Les membres de lcole Palo Alto sinspirent de ses travaux. Les grands principes de ces modles sappuient sur les travaux de P. Watzlawick, lve de Bateson, dont les rsultats ont pu tre vulgariss. Dans le modle de lorchestre, il est impossible de ne pas communiquer. Il faut considrer que le refus de communiquer constitue une forme de communication. Par exemple, le refus de rpondre une question, laisse un champ dinterprtation assez large. De la mme manire, le silence dun individu absorb par une pense, aura une signification pour celui qui le regarde, mme si en apparence, il ny a pas dintention dinteraction. Dans nos questionnaires, plusieurs interviews nous ont fait part de lobservation de lautre comme moyen de mieux comprendre les us et coutumes et pour mieux sadapter lautre au moment de lchange. Dans ce cas, linteraction passe par la transmission dun message ducatif linsu de celui qui le transmet. En apparence, ceux qui ont t observs nont pas souhait communiquer, ils ont agit tout simplement ; mais leurs actions ont eu une signification pour ceux qui les observaient.

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Par ailleurs ce modle passe par de nombreux canaux : postures, expressions du visage, gestuelle, utilisation de lespace, intonation de la voix, le regard, comme nous lavons indiqu plus haut. Pour Watzlawick (1972) tout comportement est communication . Cette communication sinscrit dans un contexte qui va influer concrtement sur la relation, la nature de lchange, En effet, si lon considre une phrase comme je meurs de soif ! , elle naura clairement pas la mme intention, ni la mme porte, si elle est dite alors que lon sassied devant un verre sur une terrasse de caf en t ou si lon nous faut marcher plusieurs kilomtres avant de pouvoir boire une goutte deau. Par ailleurs, le ton de la voix trahira ltat motionnel de celui qui parle et aura une influence sur celui qui reoit le message. Le modle orchestre a ainsi plusieurs niveaux de communication.Quelles conduites ?

Quelles prestations ? Quel rle dans lensemble ? Quel code rgulateur ? Quelles places rciproques ?

Quel systme dinteractions ?

Quelle satisfaction ? Quel niveau dobservation ?

Quelle performance collective ? Quelles mergences ?

Figure n9 : Modle de lorchestre Ce modle graphique est propos par A. Mucchielli. On retiendra que, malgr la mise en opposition de ces modles, leurs principes ne sont pas trs loigns. Il apparat que le modle orchestral retranscrit le modle tlgraphique. Patrick Gilbert, Francis Gurin et Frdrique Pigeyre12, insistent sur le fait que, quel que soit le modle adopt, la communication reste analysable en termes dacteurs, dactivits, de finalit, de structure et de niveaux. Nous garderons, dune part, en mmoire que le modle tlgraphique permettra danalyser les changes distance (tlphone, ordinateur, visioconfrence,). Le modle orchestre assure une comprhension des schmas de communication interpersonnelle. Mais tous ces modles permettent de considrer la

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GILBERT Patrick, GUERIN Francis & PIGEYRE Frdrique, Organisations et Comportements : Nouvelles Approches, Nouveaux Enjeux, Editions Dunod, Paris, 2005 34/115

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communication sous diffrents clairages. Chacun choisit sa grille danalyse et de lecture au regard de sa discipline, de la finalit de la dmonstration. Rappelons encore que la communication : Sinscrit dans un espace / temps. Une communication intervient un moment donn. Elle peut tre fugace ou sinscrire dans le temps. La communication est localise si lmetteur et le rcepteur sont situs un endroit donn. Elle est dlocalise, si le lieu dmission est loign du lieu de rception. Elle sappuie sur un code : Pour que la communication soit comprhensible, il importe que lmetteur et le rcepteur saccordent sur un code commun. Cest--dire que le symbole ou le signe correspond au sens commun. Comme nous le verrons en traitant de la langue, sil ny a pas correspondance, la communication risque dtre un chec. Elle passe parfois par un canal : Il sagira de tout ce qui est li la transmission du message (nouvelles technologies de linformation et de la communication, ..). Et mets en interaction au minimum deux acteurs. Jean-Franois Chanlat13 nous rappelle, dautre part, que la communication sarticule autour de trois axes : Il y a dabord les lments dits textuels : parmi eux, nous trouvons la langue qui tient une place trs importante. Cet lment essentiel sera dvelopp dans la partie suivante traitant de la langue, du langage et de la parole. Nous pouvons cependant rappeler quelle se compose de mots, de sons et sarticule autour dune grammaire. Puis les lments co-textuels : vont intervenir ici tous les lments habituellement appels langage non verbal. les intonations (timbre,..) ou la musicalit (de la langue, de la voix), le rythme ou le dbit de mot, lintensit du son, laccent. Nous prterons galement une grande attention lintention (quelles motions seront suggres ?), au regard, aux expressions du visage (sourire), la posture du corps (verticalit, dhanchement, ), la gestuelle adopte, la distance entre les interlocuteurs. Monica F., une des personnes interroge nous indique jobserve beaucoup mon interlocuteur, et si je sens le doute, je recommence .. . Sa remarque illustre bien la transfrabilit des motions, des penses, par cette forme de langage. Notre permabilit cette forme de langage est dans ce cas conscientise, mais elle ne lest pas forcment. Par exemple, si notre interlocuteur est monocorde, parlant sur un rythme constant et lent, il est probable que notre attention nous chappera et que nous perdrons le fil du discours. Une dimension complexe du co-textuel est, par exemple, qualors mme au moment ou je mexprime (locuteur), je reois des informations de mon interlocuteur. Enfin, les lments contextuels : comme nous lavons mentionn plus haut, le contexte fait partie intgrante de la communication. Il sagira de lenvironnement dans lequel va sinscrire linteraction (culturel, organisationnel, matriel, spatial, temporel) et des codes rvlant lappartenance (vtement, tatouage, bijoux, ..). Anne-Laure nous a fait par de son exprience au Kosovo : lambiance de travail tait assez bonne aussi en raison du contexte tout particulier de laprsguerre sur place, de lloignement de nos proches . A la lecture de ces premiers lments, nous constatons que la communication, mme aprs quelques lments de dfinition, reste un concept complexe pour lequel, il est difficile dimposer une dfinition unique. La communication est un processus interactif qui sinscrira dans un cadre pour13

Article de CHANLAT Jean-Franois intitul Le manager europen lcoute de la culture paru dans KALIKA Michel (Collectif), Management europen et mondialisation, Editions Dunod, Paris, 2005 35/115

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construire une relation. Tentons maintenant de linscrire dans le cadre organisationnel afin daffiner notre analyse pour proposer notre dfinition de cette communication interculturelle. 2.2. La communication organisationnelle Il convient ici de nous interroger sur les processus de communication au sein des organisations. Ltude de la communication dans ce cadre permet, selon Mucchielli14, de faire ressortir 6 processus de communication : 1. La construction de sens : se faire comprendre par son interlocuteur est essentiel et passe par lchange de signes et de symboles auxquels on accorde la mme signification. Cette communication seffectue dans diffrents contextes (social, culturel, ..). 2. Lappel aux rfrents collectifs : toutes interactions prsupposent une srie de donnes partages (connaissances linguistiques, reprsentations sociales, normes relationnelles). 3. La structuration des relations : il sagit de sa position dans la relation (intime ou distante, galitaire ou hirarchique, consensuelle ou conflictuelle,). 4. Lexpression de lidentit des acteurs : notre communication rvle qui nous sommes (valeurs, attitudes, ). 5. Lmergence de linformation : Linformation prend son sens dans le systme des intentions prioritaires de lacteur auquel elle est destine. 6. Linfluence. Au sein dune organisation, ces processus trouvent leurs places autour de diffrents questionnements : Quel est le contexte ? Quattend-on de la communication dans ce cadre-l ? Quels sont les enjeux de la communication ? Quelles relations les acteurs entretiennent-ils ? Quels sont leur logique daction et leurs enjeux propres ? Quelles techniques de communication utiliser ? 2.2.1. Les principaux types de communication Au sein de lorganisation, nous pouvons distinguer 3 grands types de communication. 2.2.1.1. La communication interpersonnelle Elle considre 2 acteurs (metteurs, rcepteur). Cest le plus souvent l o la comprhension est la meilleure car le feed back est quasiment systmatique. Selon lcole PaloAlto, interviennent aussi la relation et le contenu. Au sein de lorganisation, nous rencontrons de trs nombreuses manifestations de ce type de communication (entre collgues, entre hirarchique/subordonn, ). 2.2.1.2. La communication de masse Sont en prsence un metteur qui sadresse au plus grand nombre de rcepteurs possible. Le niveau de comprhension est le plus souvent moins bon. Il ny a, par ailleurs, que de trs rares possibilits de feed back immdiat. Celui-ci, lorsquil se manifeste, est trs lent. Ce type de communication est moins naturel, et porte une forte charge symbolique. Cette forme de communication est ainsi matrialise par la culture dentreprise, lintervention du dirigeant lencontre de ses employs, . Il faut faire passer un message, une vision, un socle commun. Cette forme de communication utilise des supports (canaux) varis (parole, crit, image, ..)

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MUCCHIELLI A., Les sciences de linformation et de la communication , Hachette, Paris, 2001 (3 d.) 36/115

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2.2.1.3. La communication de groupe La communication de groupe est assez complexe et multiple car elle est lie la taille du groupe, sa fonction et la personnalit des membres qui le composent. Il peut sagir tant dun metteur qui sadresse plusieurs rcepteurs, que dune communication de rseau au sein du groupe. Le rseau correspond alors un ensemble dacteurs faisant circuler des messages. Nous aborderons cette forme dinteraction dans la sous-partie qui traite de la dynamique dquipe. Ces trois types de communication interviennent dans lorganisation de manire simultane ou concomitante. 2.2.2. Les rites dinteraction Les rites sont ncessaires car ils permettent aux acteurs de vivre ensemble et de coordonner leurs changes. Comme nous le rappelle Jean-Franois Chanlat15, la mise en relation ne va pas de soi. Mme si lon besoin de lautre pour construire son identit, il importe dassurer le lien social par des actions codes. Erving Goffman16 insiste sur la ncessit de ne pas faire perdre la face lautre afin de lui donner lopportunit de faire bonne figure. Les rites dinteraction au sein des organisations, vont permettre dassurer un lien de communication entre les acteurs. Il sagit de linstauration dun certain protocole qui na pas de relation directe avec le contenu du message, comme, par exemple, tenir la porte celui que lon prcde aprs notre passage. Entraver ces rites peut sous-tendre un dsir de domination, ou tout simplement une maladresse due un manque de connaissance, une distraction . Ceci peut se traduire, linstar de lexprience vcue par une formatrice en coaching, par un comportement de mismatcher au sein dune runion que jai vcu, il y a quelques annes maintenant : Lors dune runion de team building au cours de laquelle il tait ncessaire de se dvoiler pour tudier les craintes de chacun des membres du groupe suscites par lannonce dun rachat du site et dun plan social, un membre a refus de se prter au jeu en cherchant monopoliser la parole et sortir du protocole du cadre de formation par une contraction systmatique des dire de lintervenant. Il a pris la position de mismatcher . Le formateur ne voulait pas agir de manire trs violente en lui faisant perdre la face devant le groupe. Il sest positionn sur le mode interrogatif pour montrer un intrt ce que pouvait dire son interlocuteur et la habilement eu lusure . Dans le cadre culturel national, les protocoles dusage sont en gnral connus, mais il importe de les apprendre lorsque quun acteur se retrouve dans un contexte inhabituel. Pour reprendre les dires de notre panel de professionnels, A Rome, il faut tre romain . Dans lorganisation, ces rites peuvent se traduire par des normes. Plus il y aura de normalisation moins il y aura de libert donne dans certaines dmarches. Cette normalisation interviendra sous plusieurs vecteurs : le positionnement, qui sous-entendra un type de comportement (hirarchie, place dans lorganisation, ..), procdure 2.2.3. Les enjeux de la communication La communication dans les organisations sorganise principalement autour de lide de faire passer un message. Celui-ci peut prendre diffrentes formes (information, motion, influencer, ).15

Article de CHANLAT Jean-Franois intitul Le manager europen lcoute de la culture paru dans KALIKA Michel (Collectif), Management europen et mondialisation, Editions Dunod, Paris, 2005 16 GOFFMAN Erving, Les rites dinteraction, Editions de Minuit, Paris, 1993 A. Bull, S. Loinard & M.-M. Sulmona 37/115

Nous pouvons identifier des enjeux : 2.2.3.1. Dordre identitaire Lidentit individuelle se construit avec le regard de lautre. Cest la raison pour laquelle il y a une attente tacite entre les acteurs : limage doit tre confirme par lautre, de la mme manire que Monica cherche dans le regard et lattitude de lautre des signes dacquiescement signifiant que le message est clair. Plus le rle, le positionnement social, hirarchique, seront clairement identifis, meilleure sera la communication. Mais encore faut-il parler le mme langage. Le fait culturel comme nous le verrons plus tard nest pas neutre. Boris Cyrulnik17, insiste sur ce point La communication concerne tous les tres vivants, mais ce qui est propre aux