35

Memoire Master SALLARD 2011

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Memoire Master SALLARD 2011

Mémoire de Master de Mathématiques,

option Probabilités et Modèles Aléatoires

Pierre-Alain SALLARD

14 avril 2011

Page 2: Memoire Master SALLARD 2011

Remerciements

Je remercie M. le Professeur Lorenzo ZAMBOTTI d'avoir accepté d'encadrer ce travail et de m'avoirincité à explorer les applications en nance de la Théorie des Grandes Déviations.

Page 3: Memoire Master SALLARD 2011

Résumé

Dans le présent mémoire, quelques applications à la nance de la théorie des probabilités sont explorées.

La première partie est basée sur l'ouvrage Financial Modelling with Jump Processes de R.Cont etP.Tankov ([CT04]). Je me concentre ici sur la question du pricing de produits dérivés quand l'actifsous-jacent est modélisé à partir d'un processus de Lévy, et plus spéciquement sur la caractérisationde la mesure risque-neutre d'entropie minimale (si elle existe).

La seconde partie est basée sur l'article Some applications and methods of large deviations in nanceand insurance de H. Pham ([Pha07]). Des nombreux exemples étudiés dans l'article, je n'en présenteici qu'un seul, où les méthodes de la théorie des grandes déviations permettent d'améliorer le calculdu prix d'une option barrière par simulation de Monte-Carlo.

Page 4: Memoire Master SALLARD 2011

Table des matières

I Détermination du prix d'une option quand l'actif sous-jacent est modélisépar un processus de Lévy 2

1 Introduction 31.1 Les actifs nanciers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Portefeuille et stratégies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.3 Produits dérivés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.4 Absence d'opportunité d'arbitrage et mesure risque-neutre . . . . . . . . . . . . . . . . 41.5 Pricing d'un produit dérivé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.6 Couverture des produits dérivés et marché complet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2 Les processus de Lévy : dénitions et résultats généraux 62.1 Dénitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.2 Décomposition de Lévy-Ito . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.3 Formule de Lévy-Khintchine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82.4 Conditions d'intégrabilité et moments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82.5 Processus de Lévy et martingales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92.6 Exponentielle d'un processus de Lévy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92.7 Exemples de processus de Lévy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

3 Changements de mesures pour les processus de Lévy 123.1 L'espace canonique et les changements de mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123.2 Opportunités d'arbitrage et complétude du marché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

3.2.1 Cas d'un processus de Lévy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.2.2 Cas d'un processus de Lévy-exponentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

4 L'ensemble des prix admissibles d'une option 17

5 Processus de Lévy et mesure martingale d'entropie minimale 195.1 La MMEM d'un processus de Lévy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205.2 La MMEM d'un processus de Lévy-exponentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215.3 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225.4 Le prix d'une option européenne sous la MMEM dans un modèle de Lévy-exponentiel 235.5 Pourquoi le choix de la mesure martingale d'entropie relative minimale ? . . . . . . . . 23

II Une application en nance de la théorie des grandes déviations 25

6 Présentation d'une méthode de Monte-Carlo corrigée pour le calcul d'options bar-rières 266.1 Description du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 266.2 Amélioration de la simulation de Monte-Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276.3 Application numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

7 Développement asymptotique de la probabilité de sortie du pont brownien 30

1

Page 5: Memoire Master SALLARD 2011

Première partie

Détermination du prix d'une option

quand l'actif sous-jacent est modélisé par

un processus de Lévy

2

Page 6: Memoire Master SALLARD 2011

Chapitre 1

Le formalisme des modèles de marchés

nanciers

Ce chapitre ne fait que rappeler le formalisme des modèles de marchés nanciers et quelques dé-nitions classiques, d'après les chapitres 2, 8 (section 8.1) et 9 (section 9.1) de [CT04].

1.1 Les actifs nanciers

Un modèle de marché nancier est déni à partir d'un espace de probabilité (Ω,F ,P) muni d'uneltration (Ft)t∈[0,T ] (où T est un horizon de temps ni) satisfaisant les conditions habituelles decontinuité à droite et de complétude. On suppose qu'il y a sur le marché d + 1 actifs nanciers dontl'évolution des prix est donnée par un processus stochastique (St)t∈[0,T ] = (S0

t , S1t , . . . , S

dt )t∈[0,T ] à

valeurs dans Rd+1 : cela signie dont que Sit(ω) représente la valeur de l'actif i au temps t dans lescénario de marché ω.

L'actif numéroté 0 représente un placement sans risque (donc non aléatoire). Le cas classique estcelui d'une obligation zéro-coupon délivrant un taux d'intérêt instantané r : S0

t = exp(r t).Cet actif sans risque permet notamment d'actualiser les prix des actifs (changement de numéraire) :

le prix actualisé du i-ème actif est par dénition :

Sit ,SitS0t

Par la suite, on prendra souvent r = 0, de sorte que le processus stochastique d-dimensionnelS = (S1, . . . , Sd) représente les prix actualisés des d actifs nanciers que l'on veut modéliser.

1.2 Portefeuille et stratégies

On considère donc un marché avec d actifs dont les prix (actualisés) sont modélisés par le processusstochastique S = (S1, . . . , Sd). Un portefeuille φt désigne les quantités φ1

t , . . . , φdt que l'on détient de

chacun des actifs au temps t.Une stratégie de gestion est dénie comme le processus (stochastique) φ = (φt)t∈[0,T ] qui décrit

l'évolution du portefeuille (les variations de φ correspondent aux achats et aux ventes des actifs).On impose (cf. [CT04] section 8.1) à toute stratégie de gestion d'être prédictible.

L'intégrale stochastique∫ t

0 φsdSs représente le capital accumulé (potentiellement négatif !) entre lestemps 0 et t si l'on suit la stratégie de gestion φ. Si l'on a démarré au temps 0 avec un capital initial c0

dont on s'est servi pour se constituer un portefeuille de départ φ0 (de sorte que c0 = φ0.S0), le capitaltotal constitué au temps t en suivant la stratégie φ vaut c0 +

∫ t0 φsdSs.

Comme la valeur du portefeuille au temps t vaut Vt(φ) , φt.St, l'écart entre ces deux quantitésreprésente le coût de la stratégie φ jusqu'au temps t. Une stratégie est dite auto-nancée si ce coût est

3

Page 7: Memoire Master SALLARD 2011

(presque sûrement) nul, i.e. si :

φt.St = c0 +

∫ t

0φsdSs (1.2.1)

L'équation (1.2.1) signie simplement que la seule source de variation de la valeur du portefeuille vientdes variations des actifs : toutes les opérations de gestion sont nancées par des gains en capital, legain tiré de la vente d'une quantité ∆φi d'actif i est réinvesti en achetant une quantité ∆φj d'actif jsans qu'il y ait d'entrée ou de sortie de cash (hormis au temps 0).

1.3 Produits dérivés

En toute généralité, un produit dérivé (ou option) d'un sous-jacent S est décrit par une variablealéatoire H : Ω→ R , FT -mesurable dépendant de S qui représente la valeur terminale de ce produitdérivé. On pourra donc écrire :

H = g(S)avec g une fonction dénie sur l'ensemble des scénarios et à valeurs réelles.

Une option européenne a pour forme H = g(ST ) (avec g : Rd → R). Les exemples les plus simplessont ceux d'un call (H = (SiT −K)+) et d'un put (H = (K − SiT )+) sur l'actif Si de strike K et dematurité T .

1.4 Absence d'opportunité d'arbitrage et mesure risque-neutre

L'absence d'opportunité d'arbitrage est un prérequis usuel pour la description d'un marché nancier(on dit alors que le marché est viable). Le théorème suivant permet de relier cette notion nancière àune propriété mathématique du modèle qui est censée représenter le marché nancier :

Théorème 1.1 (Fundamental theorem of asset pricing). Le modèle de marché déni par l'espacede probabilité ltré (Ω,F , (Ft),P) et où les prix des actifs sont représentés par (St)t∈[0,T ] présenteune absence d'opportunité d'arbitrage (AOA) si et seulement si il existe une mesure de probabilité Qéquivalente à P telle que les prix (actualisés) (St)t∈[0,T ] sont des Q-martingales.

Démonstration. Voir [CT04] section 9.1.

Une telle mesure est appelée mesure martingale équivalente ou encore mesure risque-neutre pourS. On notera

MRN (S) = Q : S est une Q-martingale et Q ∼ P (1.4.1)

l'ensemble de toutes les mesures risque-neutres pour S.

1.5 Pricing d'un produit dérivé

Tout produit dérivé H a une valeur sur le marché et devient donc lui-même un actif nancier (onpeut vendre ou acheter un call avant sa date de maturité). Notons Πt(H) son prix (actualisé) à l'instantt ; on a évidemment à la date de maturité : ΠT (H) = H.

Si l'on fait l'hypothèse d'AOA, la proposition 9.1 de [CT04] montre que nécessairement Πt(H) doits'écrire

Πt(H) = EQ[H|Ft] (1.5.1)

pour une mesure Q ∈MRN (S).Évaluer le prix d'une option revient donc à identier une mesure risque-neutre et à

calculer l'espérance de l'option sous cette mesure risque-neutre.

4

Page 8: Memoire Master SALLARD 2011

1.6 Couverture des produits dérivés et marché complet

La notion de couverture parfaite est un autre concept fondamental dans les mathématiques nan-cières. Étant donné des actifs (St), un produit dérivé H de sous-jacent S et un capital initial c0, lastratégie (φt) est appelée stratégie de couverture (ou couverture parfaite) pour H si elle permet derépliquer H, i.e. en termes mathématiques :

H = c0 +

∫ T

0φsdSs , P-p.s. (1.6.1)

Le marché modélisé par (Ω,F , (Ft),P) et (St)t∈[0,T ] est dit complet si tout produit dérivé H admetune stratégie de couverture. S'il n'est pas possible de trouver une stratégie de couverture, le marchéest dit incomplet.

Le théorème suivant établit une équivalence entre la notion nancière de marché complet et unepropriété mathématique du modèle :

Théorème 1.2 (Second fundamental theorem of asset pricing). Un marché déni par des actifsS = (S1

t , . . . , Sdt )t∈[0,T ], décrits comme un processus stochastique sur (Ω,F , (Ft),P), est complet si

et seulement si il existe une unique mesure risque-neutre.

Démonstration. Voir [CT04] section 9.1.

Quand le marché est complet, l'ensemble MRN (S) déni par (1.4.1) est alors réduit à un singletonQ∗. En prenant l'espérance dans (1.6.1), il vient que c0 = EQ∗ [H], ce qui fournit le capital initialque devra recevoir l'emetteur de l'option pour mettre en ÷uvre une stratégie de couverture. Et parailleurs, par (1.5.1), le prix de l'option sera ensuite donné par : Πt(H) = EQ∗ [H|Ft] avec bien sûrΠ0(H) = c0 = EQ∗ [H] et ΠT (H) = H.

Ce n'est que dans les modèles les plus simples (tel que le modèle de Black & Scholes) que le marchéest complet. Dans un marché incomplet (mais respectant l'AOA),

il n'existe donc pas de stratégie de couverture parfaite d'une option H, et il n'y a pas une seule mais plusieurs mesures risque-neutres : pour évaluer le prix d'uneoption selon (1.5.1), il va falloir faire un choix d'une mesure risque-neutre particulière au seinde MRN (S).

5

Page 9: Memoire Master SALLARD 2011

Chapitre 2

Les processus de Lévy : dénitions et

résultats généraux

Dans les premiers modèles de marché nancier (typiquement le modèle Black-Scholes ou plus géné-ralement les processus de diusion), les prix des actifs ont une propriété remarquable : les trajectoiressont continues. Or, comme le fait remarquer [CT04] dans son chapitre introductif, le prix des actionsconnait parfois des mouvements brusques, le plus souvent vers le bas (crash boursier) : des disconti-nuités peuvent donc apparaître dans les trajectoires.

L'intérêt des processus de Lévy est de fournir une classe de processus discontinus, tout en étantfacilement manipulables d'un point de vue mathématique.

Une seconde justication de l'intérêt des processus de Lévy apparaît a posteriori : quand ils sontutilisés dans des modèles de pricing d'options, ils conduisent à des courbes de volatilité implicitedont les propriétés (smile, skewness, etc.) correspondent bien à celles observées empiriquement sur lesmarchés.

Les processus de Lévy ont fait leur apparition dans les mathématiques nancières en 1963 quandMandelbrot les utilisa pour modéliser les prix du coton (cf. l'introduction du chapitre 7 de [CT04]).

Nous ne rappelons ci-dessous que les dénitions et les principales propriétés des processus de Lévynécessaires pour la suite ; une présentation complète est donnée dans [CT04] ou dans [Sat99].

2.1 Dénitions

Dénition 2.1. Soit X = (Xt)06t6T un processus stochastique adapté déni sur un espace de proba-bilité ltré (Ω,F , (Ft),P) et à valeur dans Rd. On l'appelle processus de Lévy s'il vérie les conditionssuivantes :

1. incréments indépendants : pour toute suite croissante de temps t0, t1, . . . , tn, les variables aléa-toires Xt0 , Xt1 −Xt0 , . . . , Xtn −Xtn−1 sont indépendants.

2. accroissements stationnaires (ou homogénéité temporelle) : la loi de la variable aléatoire Xt+s−Xs

ne dépend pas de s.

3. continuité stochastique : ∀ε > 0, limh→0

P (‖Xt+h −Xt‖ > ε) = 0.

4. X0 = 0 presque-sûrement.

5. (Xt) est un processus càdlàg (continu à droite avec limite à gauche), au sens où chacune de sestrajectoires (t −→ Xt(ω)) est une fonction càdlàg.

La propriété de continuité stochastique (point 3), qui est parfaitement compatible avec la pro-priété 5, vise uniquement à exclure de l'ensemble des processus de Lévy les processus qui auraient dessauts (des discontinuités) à des temps xes (non aléatoires).

6

Page 10: Memoire Master SALLARD 2011

Les processus de Lévy peuvent être vus comme une généralisation pour des temps continus desprocessus à temps discrets que sont les marches aléatoires, i.e. les sommes de variables aléatoiresindépendantes.

Dénition 2.2 (Mesure de Lévy). Soit (Xt)06t6T avec T > 1 un processus de Lévy à valeurs dansRd. La mesure ν sur Rd dénie par :

∀A ∈ B(Rd), ν(A) = E[#t ∈ [0, 1] tel que ∆Xt 6= 0 et ∆Xt ∈ A]

est appelée mesure de Lévy de X ; ν(A) est le nombre moyen par unité de temps de sauts de X dontl'amplitude est dans A.

La mesure ν d'un processus de Lévy vérie (cf. [Sat99], théorème 8.1) :

ν(0) = 0 et∫Rd

(|x|2 ∧ 1)ν(dx) <∞ (2.1.1)

Dénition 2.3 (Mesure de sauts d'un processus de Lévy). À tout processus càdlàg (Xt)t∈[0,T ] à valeursdans Rd on peut associer une mesure aléatoire JX sur [0, T ]×Rd, appelée mesure de sauts de X, déniepar :

JX(ω, .) =∑

t∈[0,T ],∆Xt(ω)6=0

δt,∆Xt(ω)

de sorte que, si A est un sous-ensemble mesurable de Rd, JX(ω, [0, t]×A) est égal au nombre de sautsde la trajectoire X(ω) intervenus entre les temps 0 et t et dont l'amplitude est dans A.

Si X est un processus de Lévy de mesure de Lévy ν, alors sa mesure de sauts JX est une mesurealéatoire de Poisson, de mesure d'intensité ν(dx)dt.

2.2 Décomposition de Lévy-Ito

Proposition 2.1 (Décomposition de Lévy-Ito). Soit X = (Xt)06t6T un processus de Lévy à valeursdans Rd, de mesure de Lévy ν et de mesure de sauts JX . Alors il existe un vecteur γ ∈ Rd et unmouvement brownien d-dimensionnel (Bt)t>0 de matrice de covariance Σ tels que

Xt = γt+Bt +X lt + lim

ε0Xεt , où (2.2.1)

X lt =

∫|x|>1,s∈[0,t]

xJX(ds× dx) et

Xεt =

∫ε6|x|61,s∈[0,t]

xJX(ds× dx)− ν(dx)ds

≡∫ε6|x|61,s∈[0,t]

xJX(ds× dx)

La décomposition de Lévy-Ito montre que pour chaque processus de Lévy, il existe un vecteur γ,une matrice dénie positive Σ et une mesure positive ν qui déterminent sa distribution. On appelletriplet caractéristique du processus de Lévy en question le triplet (Σ, ν, γ).

Quand on considère un processus de Lévy à valeurs réelles (cas où d = 1), la matrice de covarianceΣ se réduit au seul paramètre σ2 de la variance du mouvement brownien. On note alors le tripletcaractéristique sous la forme (σ2, ν, γ).

La décomposition de Lévy-Ito montre également que tout processus de Lévy peut être vu commela superposition d'un mouvement brownien avec dérive (cf. le terme γt + Bt) et d'une d'une sommepossiblement innie de processus de Poisson composés, indépendants entre eux.

7

Page 11: Memoire Master SALLARD 2011

Remarque : réciproquement, la donnée de : un vecteur γ ∈ Rd, une matrice dénie positive Σ une mesure ν sur Rd (ou sur Rd\0) vériant (2.1.1)

sut à dénir un processus de Lévy.

2.3 Formule de Lévy-Khintchine

Théorème 2.1 (Formule de Lévy-Khintchine). Soit (Xt)06t6T un processus de Lévy à valeurs dansRd de triplet caractéristique (Σ, ν, γ). Alors sa fonction caractéristique (i.e. la transformée de Fourierde sa loi de distribution) E[eiz.Xt ] s'écrit :

E[eiz.Xt ] = etψ(z), ∀z ∈ Rd

avec ψ(z) = iγz − 1

2z.Σz +

∫Rd

(eiz.x − 1− iz.x.1|x|61

)ν(dx) (2.3.1)

Remarque : la fonction ψ est appelée exposant caractéristique du processus X. Il sera parfoisutile de faire intervenir l'exposant de Laplace κ déni au moins pour z ∈ C avec <(z) = 0 parκ(z) = ψ(−iz) de sorte que :

κ(z) = ψ(−iz) = γz +1

2σ2z2 +

∫Rez.x − 1− z.x.1|x|≤1ν(dx) (2.3.2)

2.4 Conditions d'intégrabilité et moments

Proposition 2.2. Soit (Xt)t>0 un processus de Lévy à valeurs réelles, de triplet caractéristique (σ2, ν, γ).Xt est intégrable pour un t donné (ou de façon équivalente pour tout t > 0) si et seulement si∫|x|>1 |x|ν(dx) <∞.

Dans ce cas, E[Xt] = t

(γ +

∫|x|>1

xν(dx)

)Démonstration. Comme rappelé dans [CT04], la condition d'intégrabilité est démontrée par le Théo-rème 25.3 de [Sat99]. Si cette condition est vériée, l'expression de l'espérance de Xt est obtenue pardiérentiation de sa fonction caractéristique :

1

i

∂z

(E[eiz.Xt ]

)∣∣z=0

= E[Xt] (par diérentiation directe)

=1

it ψ′(0) etψ(0) (d'après la formule de Lévy-Khintchine)

= t (γ +

∫|x|>1

xν(dx)) (d'après l'expression de ψ )

Un autre résultat utile par la suite concerne le moment exponentiel de X :

Proposition 2.3. Soit (Xt)t>0 un processus de Lévy à valeurs réelles de triplet caractéristique (σ2, ν, γ)et d'exposant caractéristique ψ. Pour tout u ∈ R, le moment exponentiel E[eu.Xt ] est ni pour un tdonné (ou de façon équivalente pour tout t > 0) si et seulement si

∫|x|>1 e

u.xν(dx) <∞. Dans ce cas,

E[eu.Xt ] = et ψ(−i.u).

Preuve : voir [CT04], section 3.6.

8

Page 12: Memoire Master SALLARD 2011

2.5 Processus de Lévy et martingales

Comme évoqué au chapitre 1, la notion de martingale (et ses corrolaires : sous- et sur-martingale,semi-martingale) est cruciale pour la théorie des probabilités et ses applications en mathématiquesnancières.

Proposition 2.4 (cf. [CT04], section 8.1.1). Soit X = (Xt)t>0 un processus de Lévy. Alors (Xt)t>0

est une semi-martingale.

Démonstration. Avec les notations de la proposition 2.1, (Bt)t>0 est une martingale (trivial) de même que (Xε

t )t>0 (ceci apparaît incidemment dans ladémonstration de la décomposition de Lévy-Ito).

la dérive (γt)t>0 et le processus (X lt)t>0 sont des processus à variation nie.

On peut donc écrire Xt = Mt + At,∀t > 0 où (Mt) est une martingale (même de carré intégrable) et(At) est un processus à variation nie, ce qui montre bien que (Xt) est une semi-martingale.

Remarque : Puisqu'un processus de Lévy X est une semi-martingale, la théorie de l'intégrationstochastique s'applique à lui : il est donc légitime de considérer des processus aléatoires du type∫ T

0φsdXs où (φt)t>0 est un processus adapté.

En mathématiques nancières, si (Xt) représente l'évolution du cours d'un actif et si (φt) réprésentela quantité de cet actif détenue par un investisseur au cours du temps, alors l'intégrale (stochastique)(∫ t

0 φsdXs)t>0 représente l'évolution de la valeur du portefeuille de cet investisseur.

La proposition suivante indique à quelle condition un processus de Lévy est une martingale :

Proposition 2.5 (cf. [CT04], section 3.9). Soit (Xt) un processus de Lévy sur R de triplet caractéris-tique (σ2, ν, γ).

(Xt) est une martingale si et seulement si∫|x|≥1 |x|ν(dx) <∞

et γ +∫|x|≥1 xν(dx) = 0

Démonstration. Nous donnons ici une preuve plus directe que dans [CT04]. Par dénition d'une mar-tingale, (Xt) est une martingale si et seulement si ∀t,Xt est intégrable et ∀t,∀s,E[Xt+s −Xs|Fs] = 0

Or, d'après la proposition 2.2 : ∀t,Xt est intégrable si et seulement si∫|x|≥1 |x|ν(dx) <∞.

Par ailleurs, par la dénition 2.1 d'un processus de Lévy, Xt+s − Xs est indépendant de Fs et

suit la même loi que Xt donc(E[Xt+s −Xs|Fs] = 0

)⇔(E[Xt] = 0

)et cette dernière expression est

elle-même équivalente à γ +∫|x|≥1 xν(dx) = 0 d'après la proposition 2.2.

2.6 Exponentielle d'un processus de Lévy

Dénition 2.4. Soit X un processus de Lévy à valeurs réelles. On appelle : exponentielle ordinaire de Lévy le processus Y déni par : ∀t > 0, Yt = Y0.e

Xt (avec Y0 ∈ R). exponentielle stochastique de Lévy le processus Z solution de l'EDS : dZt = Zt− .dXt, avec lacondition initiale Z0 = 1.

Remarque : L'intérêt pour les mathématiques nancières de considérer l'exponentielle d'un proces-sus stochastique (ici processus de Lévy) est le suivant. Si on considère un actif nancier dont l'évolutiondu prix est modélisée par un processus (St)t>0, sa valeur absolue n'a pas d'intérêt particulier et c'estsa variation qui est importante (exemple : savoir que l'action Eurotunnel vaut aujourd'hui 1 euro ou100 euros n'apporte pas beaucoup d'information si on ne sait pas quelle était sa valeur hier). On est

donc bien plus intéressé par son rendement instantané dρt déni par : dρt =dStSt−

(?).

Si l'on se place dans un cadre d'analyse classique, alors l'équation (?) permet d'écrire ρ sous laforme : ρt = log(St) et donc notre actif S s'écrit comme l'exponentielle ordinaire du processus ρ :

9

Page 13: Memoire Master SALLARD 2011

St = S0.eρt . C'est à ce processus rendement ρ que l'on va pouvoir demander d'être un processus à

sauts (à calibrer de façon adéquate). Accessoirement, l'exponentielle garantit que la valeur de l'actifreste positive (une condition de réalisme pour un actif nancier telle qu'une action ou un taux dechange, d'intérêt, etc.) même si les sauts de ρ sont extrêmement négatifs.

Si l'on se place dans un cadre d'analyse stochastique, alors l'équation (?) indique (voir [JS02],chapitre 1, section 4f) que S est l'exponentielle stochastique (ou encore exponentielle de Doléans-Dade)de ρ, solution de l'EDS dSt = St− .dρt.

Reprenons les notations de la dénition 2.4 : X est en toute généralité une semi-martingale donc : Y également, en tant qu'image par une fonction C2 (ici l'exponentielle) de la semi-martingale X(cf. la formule d'Ito rappelée par [JS02], chapitre 1, théorème 4.57) ;

Z également, en tant qu'intégrale stochastique (Zt = 1 +∫ t

0 Zs− .dXs, que l'on note aussi E(Xt))de la semi-martingale X (cf. [JS02], chapitre 1, section 4f).

La proposition suivante (cf. [CT04] section 8.4) indique sous quelles conditions l'exponentielle simpled'un processus de Lévy est une martingale.

Proposition 2.6. Soit (Xt) un processus de Lévy sur R de triplet caractéristique (σ2, ν, γ). Alors sonexponentielle simple Y = eX est une martingale si et seulement si∫

|x|≥1exν(dx) <∞ (2.6.1)

etσ2

2+ γ +

∫Rex − 1− x.1|x|61ν(dx) = 0 (2.6.2)

Démonstration. Nous donnons ici une preuve plus directe que dans [CT04].D'une part, eXt est intégrable si et seulement si

∫|x|≥1 e

xν(dx) <∞ d'après la proposition 2.3.D'autre part,

E[eXt+s |Fs] = eXs ⇔ E[eXt+s−Xs |Fs] = 1 car Xs est Fs-mesurable

⇔ E[eXt+s−Xs ] = 1 par indépendance des incréments

⇔ E[eXt ] = 1 par stationnarité des incréments

⇔ ψ(−i) = 0 d'après la proposition 2.3

⇔ σ2

2+ γ +

∫Rex − 1− x.1|x|61ν(dx) = 0 d'après la formule de Lévy-Khintchine

Remarque : si κ est l'exposant de Laplace de X, alors la condition (2.6.1) (i.e. eXt est intégrable)équivaut à κ(1) <∞ tandis que (2.6.2) équivaut à : κ(1) = 0.

Pour l'exponentielle stochastique, on a la condition susante suivante :

Proposition 2.7. Soit X un processus de Lévy et Z = E(X) son exponentielle stochastique. Si X estune martingale (voir la proposition 2.5) alors Z est également une martingale.

Démonstration. Voir la preuve de la proposition (8.23) de [CT04].

10

Page 14: Memoire Master SALLARD 2011

2.7 Exemples de processus de Lévy

Les processus de Lévy utilisés en mathématiques nancières appartiennent à l'une des deux caté-gories suivantes :

1. les modèles de diusion avec sauts ;

2. les modèles à activité innie.

Dans la première catégorie, le prix de l'actif (ou son logarithme) évolue comme un processus dediusion ponctué de sauts à intervalles aléatoires qui représentent des événements rares (avec donc un

nombre de sauts ni pendant tout intervalle de temps) : Xt = γt+σBt+

Nt∑i=1

Yi, avec (Nt) un processus

de Poisson (d'intensité λ) et (Yi) des variables aléatoires i.i.d. Selon la loi des ces v.a. représentant lessauts, on obtient des modèles diérents dont les deux plus fréquemment rencontrés sont :

le modèle de Merton, où les sauts (Yi) suivent une loi gaussienne N (µ, δ2). La mesure de Lévydu processus vaut alors

ν(x) =λ

δ√

2πexp(−(x− µ)2

2δ2)

le modèle de Kou, où les sauts (Yi) suivent une loi exponentielle asymétrique, de sorte que lamesure de Lévy du processus est de la forme

ν(x) = λ(pc+e−(µ+x)1x>0 + (1− p)c−e−(µ−x)1x<0

)Dans la seconde catégorie, il n'y a plus besoin d'introduire une composante brownienne car il y a

susamment de petits sauts (une innité pendant tout intervalle de temps) pour générer des processusnon triviaux. Deux modèles sont là-aussi fréquemment rencontrés :

le modèle Variance-Gamma, où la mesure de Lévy du processus est de la forme

ν(x) =CeAx−B|x|

|x|

le modèle Normal Inverse Gaussien, où la mesure de Lévy du processus est de la forme

ν(x) =C

|x|eAxK1(B|x|) où K1 est la fonction de Bessel de second ordre d'indice 1

Le chapitre 4 de [CT04] détaille les caractéristiques et les atouts de ces diérents modèles.

Quand on se donne une série de prix d'un actif particulier (ex : la valeur du CAC 40 pendant 3 mois)et qu'on veut la modéliser par un processus de Lévy prédéni (ex : modèle de Kou), on mettra en ÷uvredes tests statistiques pour déterminer les paramètres de ce modèle (i.e. les constantes µ, λ,A,B,C, etc.apparaissant ci-dessus) : cf. le chapitre 7 de [CT04].

11

Page 15: Memoire Master SALLARD 2011

Chapitre 3

Changements de mesures pour les

processus de Lévy

Nous présentons ici quelques résultats du chapitre 9 de [CT04] utiles pour la suite.

3.1 L'espace canonique et les changements de mesures

La dénition 2.1 d'un processus de Lévy X fait intervenir un espace de probabilités (Ω,F ,P) surlequel X est déni. Jusqu'ici nous n'avions pas détaillé l'existence et la nature de cet espace mais il estusuel de prendre l'espace canonique (aussi dénommé espace de Skorokhod, voir section 2.4 de [CT04]) :

Ω = D , D([0,∞[,Rd) l'espace des fonctions càdlàg dénies sur [0,∞[ à valeurs dans Rd ; onle munit de la topologie de Skorokhod qui en fait un espace métrique complet séparable (voir[JS02] chapitre VI) ;

F est la tribu borélienne dénie sur D à partir de cette topologie.

Dans cet espace canonique, les variables aléatoires ω sont les fonctions càdlàg elles-mêmes et unprocessus stochastique X sur Ω peut être déni comme le processus coordonnées : Xt(ω) , ω(t).

(Ω,F ) étant un espace mesurable, on peut dénir des mesures de probabilités sur cet espace.Si, sous une mesure de probabilités P donnée, le processus coordonnées X satisfait les conditionsd'accroissements indépendants et stationnaires décrites dans la dénition 2.1, alors X est par dénitionun processus de Lévy. S'il y a besoin d'insister sur la mesure sous laquelle on travaille, on écrira que(X,P) est un processus de Lévy.

Revenons à la problématique d'un marché nancier : en vue de statuer sur l'existence d'opportunitésd'arbitrage (cf théorème 1.1 page 4) et sur la complétude du marché (cf théorème 1.2 page 5), ilest nécessaire de s'intéresser aux changements de mesures sur l'espace canonique (Ω,F ) muni d'uneprobabilité historique P. Plus précisément, on va s'intéresser :

à l'étude de l'existence de mesures équivalentes à P à l'étude de l'ensemble MRN (X) (déni par (1.4.1)) des mesures équivalentes à P sous lesquellesX est une martingale.

On rappelle le résultat classique :

Proposition 3.1. Soient P et Q deux mesures de probabilité sur l'espace (ici canonique) Ω telles queQ soit absolument continue par rapport à P. Alors il existe une P-martingale (unique à l'indistingabilitéprès) Z strictement positive telle que :

∀t ∈ R+, Zt =dQ|Ft

dP|Ft

Z est appelé processus de densité de Q par rapport à P, ou encore dérivée de Radon-Nikodym de Q parrapport à P.

12

Page 16: Memoire Master SALLARD 2011

Démonstration. Voir [JS02] chapitre III (p.166).

Réciproquement, si l'on se donne une martingale (Zt) strictement positive dénie sur (Ω,F ,P),alors on dénit une nouvelle mesure de probabilité Q sur Ω absolument continue par rapport à P enposant :

∀A ∈ Ft, Q(A) = EP[Zt.1A] (3.1.1)

Un changement particulier de mesure, appelé transformée d'Esscher, mérite l'attention. Soit (Xt)un processus de Lévy, de triplet caractéristique (σ2, ν, γ). Pour tout θ ∈ R tel que E[eθXt ] < ∞ (i.e.∫|x|>1 e

θxν(dx) < ∞ d'après la proposition 2.3), on peut dénir le changement de mesure, appelétransformée d'Esscher, par (cf. [CT04] section 9.5) :

dQθ|Ft

dP|Ft

,eθXt

E[eθXt ]= exp(θXt − κ(θ)t) (3.1.2)

κ(θ) = ψ(−iθ) = γθ +1

2σ2θ2 +

∫Reθx − 1− θx.1|x|≤1ν(dx) (3.1.3)

Remarque : si la transformée de Laplace E[eθXt ] est bien dénie, la formule de Lévy-Khintchineassure que E[eθXt ] = eκ(θ)t et il est alors aisé de montrer que (exp(θXt − κ(θ)t))t>0 est bien uneP-martingale (méthode similaire à celle employée dans la proposition 2.6) strictement positive.

Le théorème suivant montre l'intérêt de la transformée d'Esscher :

Théorème 3.1. Telle que dénie par (3.1.2), Qθ est une mesure équivalente à P. De plus, sous Qθ,(Xt) reste un processus de Lévy de triplet caractéristique ((σθ)2, νθ, γθ) avec

σθ = σ νθ = eθxν(dx) (la transformée d'Esscher revient à une déformation exponentielle de la mesurede Lévy)

γθ = γ + θσ2 +∫ 1−1 x(eθx − 1)ν(dx)

Démonstration. Voir [Shi99] section VII.3c.

Remarque A : l'exposant de Laplace κθ du processus de Lévy de triplet caractéristique ((σθ)2, νθ, γθ)s'écrit :

κθ(z) = κ(z + θ)− κ(θ) (3.1.4)

où κ(θ) est donné par (3.1.3)

Démonstration. En substituant (σθ)2, νθ et γθ par leurs expressions données au théorème 3.1, onobtient :

κθ(z) =

[γ + θσ2 +

∫Rx(eθx − 1)1|x|61ν(dx)

]z +

1

2σ2z2 +

∫Rezx − 1− zx1|x|61eθxν(dx)

= γz + σ2(θ +z2

2) +

∫R(ezx − 1)eθx − zx1|x|61ν(dx)

On trouve par ailleurs sans diculté que κ(z + θ) − κ(θ), calculé par l'expression de κ donnée par(3.1.3), est égal au terme de droite de la dernière équation.

Remarque B : si, pour un certain θ, (X,Qθ) est une martingale, on qualiera Qθ de transforméed'Esscher martingale.

13

Page 17: Memoire Master SALLARD 2011

3.2 Opportunités d'arbitrage et complétude du marché

3.2.1 Cas d'un processus de Lévy

La proposition (9.8) de [CT04], qui fait elle-même référence aux théorèmes 33.1 et 33.2 de [Sat99]stipule que :

Proposition 3.2. Soient (X,P) et (X,P′) deux processus de Lévy sur R de triplets caractéristiques(σ2, ν, γ) et (σ′2, ν ′, γ′). Alors P|Ft et P′|Ft sont équivalentes pour tout t si et seulement si

1. σ = σ′

2. les deux mesures de Lévy ν et ν ′ sont équivalentes sont équivalentes et que :∫R

(eφ(x)/2 − 1)2ν(dx) <∞ (3.2.1)

où φ(x) = ln(dν′

dν )

3. et si σ = 0 (pas de composante Brownienne), alors il vaut que la relation suivante soit vériée :

γ′ − γ =

∫|x|≤1

x(ν ′ − ν)(dx) (3.2.2)

On en tire alors la proposition suivante :

Proposition 3.3 (AOA avec composante brownienne). Considérons un marché nancier déni parun processus stochastique S sur (Ω,F , (Ft),P) tel que (S,P) soit un processus de Lévy de tripletcaractéristique (σ2, ν, γ) avec σ 6= 0. Alors il y a absence d'opportunité d'arbitrage sur le marché :MRN (S) 6= ∅.

Démonstration. Supposons tout d'abord que∫|x|≥1 |x|ν(dx) < ∞. On considère alors le processus de

Lévy X ′ de même composante brownienne et de même mesure de Lévy que S mais avec un driftpermettant de vérier la condition (2.5), i.e. X ′ est le processus de triplet caractéristique (σ2, ν, γ′)avec γ′+

∫|x|≥1 xν(dx) = 0 : c'est donc une martingale. D'après la proposition 3.2, PX′ est une mesure

équivalente à P : on a donc PX′ ∈MRN (S), ce qui montre l'AOA.Si on a

∫|x|≥1 |x|ν(dx) = ∞, on va faire d'abord un changement de mesure de Lévy en posant

ν ′(dx) = ex2ν(dx) (ce qui correspond à φ(x) = −x2 dans la proposition 3.2 ci-dessus). Le processus

de Lévy de triplet caractéristique (σ2, ν ′, γ) dénit alors une probabilité équivalente à P. Comme deplus ∀x, |x|.ex2

< 1 il vient que∫|x|≥1 |x|ν

′(dx) =∫|x|≥1 |x|.e

x2ν(dx) <

∫|x|≥1 ν(dx) < ∞ : on est donc

ramené au cas ci-dessus et il ne reste plus qu'à adapter le drift γ′ pour obtenir une mesure martingaleéquivalente.

Le cas où la composante brownienne est nulle est plus délicat. On a alors le résultat suivant :

Proposition 3.4 (AOA sans composante brownienne). Considérons un marché nancier déni parun processus stochastique S sur (Ω,F , (Ft),P) tel que (S,P) soit un processus de Lévy de tripletcaractéristique (0, ν, γ). Alors il y a absence d'opportunité d'arbitrage sur le marché (MRN (S) 6= ∅) siet seulement si S n'est pas p.s. croissant ni p.s. décroissant.

Démonstration. Nous n'avons pas trouvé de démonstration de ce résultat dans la littérature consultée,dans laquelle c'est uniquement le cas du modèle de Lévy-exponentiel qui est traité (cf. section suivante).Nous proposons ici une preuve calquée sur celle du modèle de Lévy-exponentiel donnée par [CT04]section 9.5.

Condition nécessaire : revenons à la notation canonique (S = X) et supposons que X est croissantpresque-sûrement. Alors la mesure PX qu'il dénit sur l'espace canonique a son support contenu dansl'ensemble C des fonctions croissantes. Toute mesure Q équivalente à PX aura nécessairement elle aussi

14

Page 18: Memoire Master SALLARD 2011

son support contenu dans C et on a alors : ∀t > s,EQ[Xt] =∫C ω(t)dQ(ω) >

∫C ω(s)dQ(ω) = EQ[Xs] ,

ce qui montre qu'il est impossible que X soit une Q-martingale.Condition susante : S est donc processus de Lévy de triplet caractéristique (0, ν, γ) et on peut

supposer sans perte de généralités que pour tout θ,∫|x|≥1 |x|.e

θxν(dx) < ∞. Si ce n'est pas le cas,on commencera comme dans la proposition précédente par faire un premier changement de mesureéquivalente avec ν ′(dx) = ex

2ν(dx). Pour un θ ∈ R quelconque à ce stade, on va appliquer la transformée

d'Esscher de paramètre θ : d'après le théorème 3.1, Qθ est une mesure équivalente à P et (S,Qθ) estun processus de Lévy de triplet caractéristique (0, νθ, γθ). Pour que (S,Qθ) soit une martingale, il fautque les conditions de la proposition (2.5) soit vériée, i.e. :

γθ +

∫|x|≥1

xνθ(dx) = 0

ce qui s'écrit, d'après l'expression de νθ et γθ du théorème 3.1 :

γ +

∫R

(x.eθx − x1|x|61)ν(dx) = 0

Pour prouver la proposition, il faut donc montrer que l'équation f(θ) = 0 admet une solution, où fest la fonction :

f(θ) = γ +

∫R

(x.eθx − x1|x|61)ν(dx)

Par convergence dominée, f est continue et dérivable. Sa dérivée est positive : f ′(θ) =∫R(x2.eθx)ν(dx) >

0 donc f est croissante.Pour θ > 0, on a f ′(θ) >

∫ +∞0 x2ν(dx) et pour θ 6 0, on a f ′(θ) >

∫ 0−∞ x

2ν(dx).Donc si ν(R+) > 0 et ν(R−) > 0 alors pour tout θ ∈ R on peut minorer f ′(θ) par un nombre

strictement positif (en l'occurence f ′(θ) > min(∫ +∞

0 x2ν(dx) ,∫ 0−∞ x

2ν(dx)) > 0 ) : on en déduit doncque lim

θ→+∞f(θ) = +∞ et lim

θ→−∞f(θ) = −∞ : il existe bien une solution (unique) à l'équation f(θ) = 0.

Il reste à traiter le cas où ν est concentré sur R+ ou sur R− et par symétrie, on ne va considérerque le premier cas (i.e. que des sauts positifs : ν(R−) = 0). L'expression de f : f(θ) = γ +

∫R+(x.eθx−

x1|x|61)ν(dx) montre qu'on a toujours limθ→+∞

f(θ) = +∞.

La limite en −∞ est plus délicate : on a

limθ→−∞

f(θ) = limθ→−∞

γ +

∫ 1

0(x.eθx − x)ν(dx) (3.2.3)

et deux cas se présentent : si

∫ 10 xν(dx) = +∞ (S est alors à variation innie), alors lim

θ→−∞f(θ) = −∞ et il existe encore

une solution à l'équation f(θ) = 0 si

∫ 10 xν(dx) < +∞ (S est alors à variation nie), alors lim

θ→−∞f(θ) = γ −

∫ 10 xν(dx). L'équation

f(θ) = 0 n'a une solution que si cette quantité γ −∫ 1

0 xν(dx) est négative. Puisque S est alors à

variation nie, la proposition 3.1 de [CT04] montre que cette quantité γ −∫ 1

0 xν(dx) est le driftde S (avec la fonction de troncature nulle). L'équation f(θ) = 0 n'a une solution que si S est àsauts positifs mais à drift négatif, donc si S n'est ni croissant ni décroissant p.s.

Dans tous les cas de gures, si S n'est ni croissant ni décroissant p.s., on peut donc trouver unesolution à f(θ) = 0, c'est-à-dire trouver une transformée d'Esscher qui soit une mesure risque-neutrepour S.

Remarque : puisqu'une composante brownienne non nulle (σ 6= 0) garantit au processus de Lévyde n'être ni croissant ni décroissant, les deux propositions ci-dessus peuvent être réunies et on a alors :

15

Page 19: Memoire Master SALLARD 2011

un marché nancier modélisé par un processus de Lévy S est viable si et seulement si S n'est pascroissant p.s. ni décroissant p.s.

Considérons la question de la complétude du marché. On a le résultat suivant :

Proposition 3.5. Soit un marché nancier modélisé par un processus de Lévy S qui a la propriétéd'AOA. Alors le marché est incomplet sauf si S est l'un des deux processus suivants :

St = γt+ σBt, où B est un mouvement brownien standard et σ 6= 0 ; St = γt+ σNλt, où N est un processus de Poisson d'intensité λ et σγ < 0.

Démonstration. [CT04], comme plusieurs autres ouvrages, indique simplement que les processus deLévy conduisent en général à un marché incomplet mais sans fournir de démonstration. La proposition3.2 laisse eectivement supposer un tel résultat : si S est un processus de Lévy de triplet caractéristique(σ2, ν, γ) avec σ 6= 0, alors on peut modier très librement la mesure de Lévy puis adapter le drift pourfaire du nouveau processus de Lévy une martingale (comme dans la preuve de la proposition 3.3 ci-dessus). On pressent alors qu'il est possible de construire beaucoup de mesures martingales équivalentesmais cela ne permet pas de montrer exactement le résultat de la proposition.

La preuve formelle est fournie par [YdSL78] auquel nous sommes remontés via [JYC09] puis[CS02] qui prouve le résultat suivant : supposons que (Xt)t>0 soit une martingale telle que, pour touts > 0, le processus (Xt)t>0 ait la même loi que (Xt+s−Xt)t>0. Alors toute FX

t -martingale locale nulleà l'origine peut être représentée comme une intégrale stochastique par rapport à X si et seulement siX est un mouvement brownien ou un processus de Poisson compensé. Or par dénition, la propriétéde représentation est synonyme de complétude du marché, ce qui montre bien le résultat.

3.2.2 Cas d'un processus de Lévy-exponentiel

Exponentielle stochastique

Proposition 3.6. Considérons un marché nancier déni par un processus stochastique S sur (Ω,F , (Ft),P)tel que S = E(X) soit l'exponentielle stochastique d'un processus de Lévy X. Alors il y a absence d'op-portunité d'arbitrage sur le marché (MRN (S) 6= ∅) si et seulement si X n'est pas p.s. croissant ni p.s.décroissant. Dans ce cas, le marché est incomplet sauf si X est soit un mouvement brownien soit unprocessus de Poison compensé.

Démonstration. C'est une conséquence directe de ce qui est montré dans la section précédente, enutilisant le fait que si (X,Q) est une martingale alors S = S0 +

∫SdX est aussi une Q-martingale.

Exponentielle ordinaire

Proposition 3.7. Considérons un marché nancier déni par un processus stochastique S sur (Ω,F , (Ft),P)tel que S = eX soit l'exponentielle ordinaire d'un processus de Lévy X. Alors il y a absence d'oppor-tunité d'arbitrage sur le marché (MRN (S) 6= ∅) si et seulement si X n'est pas p.s. croissant ni p.s.décroissant. Dans ce cas, le marché est incomplet sauf si X est soit un mouvement brownien soit unprocessus de Poison compensé.

Démonstration. Vu son importance pour les mathématiques nancières, ce cas est souvent traité dans lalittérature. La condition d'AOA est montrée par [CT04] proposition 9.9 : la démonstration de l'existenced'une mesure risque-neutre dans le cas où X n'a pas de composante brownienne est similaire en toutpoint à celle de la proposition 3.4 avec juste une fonction f(θ) diérente (pour être exact, c'est l'inverse :dans la preuve de la proposition 3.4, nous avons répliqué la preuve de [CT04] avec une fonction f(θ)diérente !).

L'incomplétude du marché sauf dans les deux cas triviaux (mouvement brownien et processus dePoisson compensé) est, comme ci-dessus, une conséquence du résultat de [YdSL78].

16

Page 20: Memoire Master SALLARD 2011

Chapitre 4

L'ensemble des prix admissibles d'une

option

On se place donc ici dans le cadre d'un marché nancier : où l'évolution du prix des actifs est décrit par un processus stochastique S déni sur un espacede probabilité ltré (Ω,F , (Ft),P),

et où ce marché respecte la condition d'AOA mais est incomplet (MRN (S) n'est pas réduit à unsingleton).

Soit H = g(S) une option de sous-jacent S. Comme le marché est incomplet, il n'y a pas un seulprix admissible pour H et l'ensemble des prix admissibles

IHe , EQ[H],Q ∈MRN (S) (4.0.1)

contient plus d'un élément.

On peut déjà remarquer que IHe est un intervalle : MRN (S) est un ensemble convexe (de mesuressur (Ω,F )) et à H xé, l'application

MRN (S)−→ R

Q 7−→EQ[H] =

∫ΩH.Q(dω)

est linéaire donc continue. IHe étant l'image de MRN (S) par cette application, c'est lui-même unensemble convexe de R donc un intervalle.

On a vu au chapitre 1 que si H est une option européenne, on peut écrire : H = g(ST ). Si l'onimpose à g les conditions suivantes :

g est convexe et ∀x > 0 , 0 6 g(x) 6 x

alors IHe est un intervalle inclus dans [g(S0), S0]

Démonstration. Borne basse : pour tout Q ∈MRN (S)p, le processus g(St) est une Q-sous-martingaledu fait de la convexité de g ; il vient alors que EQ[H] = EQ[g(ST )] > g(S0) ;

Borne haute : par la majoration de g par la fonction identité, g(ST ) 6 ST et en prenant l'espérancesous toute mesure martingale Q, H 6 S0.

Le cas d'un call avec un prix d'exercice K, i.e. g(x) = (x−K)+, est dans ce cas de gure.

Cet intervalle [g(S0), S0] est très grand et on peut se demander si on peut améliorer l'encadrementde IHe . Si ce n'est pas le cas, alors S0 est un prix admissible pour l'option mais on voit bien quece n'est pas économiquement réaliste : le prix demandé pour un call serait le prix du sous-jacent et

17

Page 21: Memoire Master SALLARD 2011

un investisseur, plutôt que d'acheter un call, gagnerait ou perdrait autant s'il achetait directement lesous-jacent.

Malheureusement, en toute généralité, on ne peut pas réduire plus l'intervalle des prix admissibles :l'article [EJ97] cité dans la proposition 10.2 de [CT04] montre que IHe est exactement [g(S0), S0]quand S est un processus de Lévy-exponentiel vériant certaines hypothèses (sauts négatifs de taillearbitraire, etc.)

Pour évaluer le prix (pricer) une option, i.e. sélectionner un prix parmi l'intervalle des prix admis-sibles, plusieurs approches sont proposées (cf [CT04] section 10.2 et suivantes) :

prix de super-réplication (superhedging cost), prix d'indiérence pour une fonction d'utilité prédénie, sélection d'une mesure risque-neutre qui est optimale au regard d'un critère prédéni.C'est cette dernière approche que nous développons dans le chapitre suivant, où le critère retenu

est la minimisation de l'entropie relative.

18

Page 22: Memoire Master SALLARD 2011

Chapitre 5

Processus de Lévy et mesure martingale

d'entropie minimale

Dans [CT04] section 10.5, l'existence et la caractérisation d'une mesure martingale d'entropie mi-nimale pour un processus de Lévy-exponentiel sont fournies brutalement, et le lecteur est renvoyéaux références citées pour la démonstration. Nous nous proposons d'expliciter ce résultat, en suivant[ES05] et [HS06] qui mettent en avant de façon très claire les liens entre mesure martingale d'entropieminimale et transformée d'Esscher martingale (telle que dénie dans la remarque B en page 13). Noustraitons aussi le cas des processus de Lévy (non exponentiels) qui sont `négligés' dans les documentsprécités. Ceci constitue la principale contribution de la première partie du présent mémoire.

On considère un actif dont le prix au cours du temps est donné par un processus stochastique(St)t>0 déni sur (Ω,F , (Ft),P) :

on traitera d'abord le cas où (St) est un processus de Lévy, on verra que la méthode convient aux processus de Lévy-exponentiels : soit l'exponentielle ordi-naire d'un processus de Lévy ((St) = exp(Xt), et (Xt) est un processus de Lévy), soit l'exponen-tielle stochastique d'un processus de Lévy (dSt = St−dXt).

et on souhaite identier une mesure risque-neutre particulière pour S an d'évaluer le prix de tousproduits dérivés de sous-jacent S (cf chapitre précédent).

On se propose ici de sélectionner la mesure martingale d'entropie minimale (MMEM), i.e. la mesureQent sur (Ω,F ) telle que

H (Qent|P) , EQent[ln(

dQent

dP)

]= inf

Q∈MRN (S)H (Q|P)

Pourquoi minimiser l'entropie plutôt que toute autre fonctionnelle dedQdP

? Une justication propo-

sée par [CT04] est la suivante : en théorie de l'information, l'entropie mesure la perturbation apportéeà un système ; ici, choisir la mesure martingale d'entropie minimale revient à arriver dans une situationrisque-neutre en ajoutant le moins d'information possible au modèle initial. On verra aussi à la n uneautre justication, où la recherche de la MMEM apparaît comme le problème dual d'une optimisa-tion d'une fonction d'utilité exponentielle (...mais si l'on reste au stade de la demande de justicationdes choix opérés, on est ramené à justier le choix de l'exponentielle plutôt que toute autre fonctiond'utilité...).

Rappelons tout d'abord la dénition et deux propriétés de l'entropie relative d'une mesure parrapport à une autre :

Proposition 5.1. Soient P et Q deux mesures de probabilités. L'entropie relative de Q par rapport àP est dénie par :

H(Q|P) ,

EQ[ln(

dQdP

)

]si Q P

+∞ sinon(5.0.1)

19

Page 23: Memoire Master SALLARD 2011

L'entropie relative vérie les deux propriétés suivantes : positivité : H(Q|P) > 0 règle de composition pour trois mesures P, Q1 et Q2 :

H(Q1|P) = H(Q1|Q2) + EQ1 [ln(dQ2

dP)] (5.0.2)

Démonstration. La positivité se montre grâce à l'inégalité : ln(x) > 1 − 1x (qui vient elle-même de :

ln(x) 6 x− 1 et en remplaçant x par 1x). On a alors :

EQ[ln(

dQdP

)

]> EQ

[1− 1

dQdP

]= EP

[dQdP

(1− 1dQdP

)

]

= EP[dQdP

]︸ ︷︷ ︸

=1 par la proposition 3.1

− 1

= 0

La seconde propriété se montre immédiatement en écrivant :

dQ1

dP=dQ1

dQ2.dQ2

dPpuis en prenant successivement le logarithme puis l'espérance sous Q1.

Enn, un argument de convexité montre que si la MMEM existe, elle est unique. L'ensembleMRN (S) est en eet convexe, de même que la fonction Q 7−→ H (Q|P).

5.1 La MMEM d'un processus de Lévy

Soit (St) est ici un processus de Lévy, de triplet caractéristique (σ2, ν, γ) sous P (et d'exposantde Laplace κ). Eectuons un changement de mesure par transformation d'Esscher de paramètre θquelconque pour l'instant mais vériant E[eθXt ] <∞ :

dQθ|Ft

dP|Ft

, exp(θSt − κ(θ)t) cf. (3.1.2)

On a vu que, sous Qθ, S reste un processus de Lévy de triplet caractéristique ((σθ)2, νθ, γθ) dontl'expression est donnée dans le théorème 3.1. Pour que S soit une Qθ-martingale, il faut et il sut (cf.la proposition 2.5) que θ = θ avec : ∫

|x|≥1|x|ν θ(dx) <∞ (5.1.1)

et γ θ +

∫|x|≥1

xν θ(dx) = 0 (5.1.2)

L'équation (5.1.1) est équivalente (cf. la proposition 2.3) à :

EP[|St|eθSt ] <∞ (5.1.3)

et en remplaçant γ θ et ν θ par leurs expressions données au théorème 3.1, il vient que (5.1.2) estéquivalente à :

κ′(θ) = 0 (5.1.4)

Remarque : κ′ désigne classiquement la fonction dérivée de κ ; on a ainsi montré que si l'on choisitla valeur θ qui annule la dérivée de κ, alors Qθ est une mesure martingale pour S.

20

Page 24: Memoire Master SALLARD 2011

On a même bien plus :

Théorème 5.1. Soit (St) un processus de Lévy de triplet caractéristique (σ2, ν, γ). On note κ sonexposant de Laplace :

κ(θ) = γθ + 12σ

2θ2 +∫Re

θx − 1− θx.1|x|≤1ν(dx)

S'il existe θ qui vérie les conditions (5.1.3) et (5.1.4) alors il existe une mesure martingale équivalented'entropie minimale (MMEM) pour S qui est dénie comme la mesure Qθ transformée d'Esscher deparamètre θ (Qθ est la transformée d'Esscher martingale pour X).

L'entropie de cette mesure MMEM vaut H(Qθt |Pt) = −κ(θ)t

Démonstration. On suppose donc qu'il existe θ qui vérie les conditions (5.1.3) et (5.1.4). D'après cequi a été vu plus haut, la mesure de probabilités Qθ obtenue par transformée d'Esscher de paramètreθ est une mesure martingale pour S : Qθ ∈ MRN (S). Par ailleurs, grâce à l'expression de sa dérivéede Radon-Nikodym :

dQθ|Ft

dP|Ft

, exp(θSt − κ(θ)t)

son entropie relative par rapport à P s'écrit simplement :

H (Qθ|P) = EQθ [θSt − κ(θ)t]

= −κ(θ)t

puisque S est une Qθ-martingale nulle à l'origine.On peut alors montrer que Qθ minimise l'entropie relative sur MRN (S) :

∀Q ∈MRN (S),H (Q|P) = H (Q|Qθ) + EQ[θSt − κ(θ)t] par la règle de composition (5.0.2)

= H (Q|Qθ)− κ(θ)t par hypothèse sur Q (i.e. S est une martingale sous Q )

> −κ(θ)t (car l'entropie est toujours positive) = H (Qθ|P)

5.2 La MMEM d'un processus de Lévy-exponentiel

Considérons maintenant le cas où le prix de l'actif S est modélisé par l'exponentielle stochastiqued'un processus de Lévy. Le résultat suivant vient facilement :

Théorème 5.2 (cas de l'exponentielle stochastique). Soit (Xt) un processus de Lévy et κ son exposantde Laplace. Soit S = E(X) son exponentielle stochastique. S'il existe θ qui vérie les conditions (5.1.3)et (5.1.4) alors il existe une mesure martingale équivalente d'entropie minimale (MMEM) pour S quiest dénie comme la mesure Qθ transformée d'Esscher de paramètre θ (i.e. la transformée d'Esschermartingale pour X).

L'entropie de cette mesure MMEM vaut H(Qθt |Pt) = −κ(θ)t

Démonstration. S'il existe θ qui vérie les conditions (5.1.3) et (5.1.4) (i.e. si Qθ est la transforméed'Esscher martingale pour X) alors, d'après le théorème 5.1, Qθ est une mesure martingale pour Xqui minimise l'entropie relative sur MRN (X). Or, si X est une Qθ-martingale, il en va de même pourS (en tant qu'intégrale stochastique par rapport à X ; cf. la proposition 2.7 page 10). Avec le mêmeargument, MRN (X) = MRN (S) : Qθ est donc la mesure risque-neutre pour S qui minimise l'entropierelative sur l'ensemble des mesures risque-neutres.

Remarque : [HS06] montre même la réciproque de ce théorème, à savoir que si la MMEM pour Sexiste, alors elle est égale à la transformée d'Esscher martingale.

21

Page 25: Memoire Master SALLARD 2011

Considérons maintenant le cas où le prix de l'actif S est modélisé par l'exponentielle simple d'unprocessus de Lévy. On a alors le résultat suivant :

Théorème 5.3 (cas de l'exponentielle ordinaire). Soit (Xt) un processus de Lévy et κ son exposantde Laplace. Soit S = eX son exponentielle ordinaire.

S'il existe θ qui vérie les conditions suivantes :

EP[eθXt ] <∞ et EP[e(1+θ)Xt ] <∞ (5.2.1)

etκ(θ) = κ(1 + θ) (5.2.2)

alors il existe une mesure martingale équivalente d'entropie minimale (MMEM) pour S qui est dénie

comme la mesure Qθ transformée d'Esscher de paramètre θ.L'entropie de cette mesure MMEM vaut H(Qθ

t |Pt) =(θκ′(θ)− κ(θ)

)t.

Démonstration. La preuve fait appel au résultat suivant (cf. [CT04], Proposition 8.22) qui établit uneéquivalence entre exponentielle ordinaire et exponentielle stochastique : si X est un processus de Lévyde triplet caractéristique (σ2, ν, γ) (et d'exposant de Laplace κ) et si S est son exponentielle simple,alors ∃X un processus de Lévy tel que S = E (X). Le théorème 5.2 et la remarque qui le suit montrentque si la MMEM pour S = E (X) existe, alors il s'agit de la transformée d'Esscher qui fait de X etdonc de S une martingale.

Or on peut identier directement parmi toutes les transformées d'Esscher celle sous laquelle S = eX

est une martingale. Soit θ un réel quelconque à ce stade et Qθ la transformée d'Esscher de paramètreθ : d'après le théorème 3.1 et la remarque A qui le suit, sous Qθ, X est un processus de Lévy dontl'exposant de Laplace κθ est donné par : κθ(z) = κ(z + θ) − κ(θ). La proposition 2.6 et la remarquequi la suit indique que X est une Qθ-martingale si et seulement si :

κθ(1) <∞ : comme κθ(1) = κ(θ + 1)− κ(θ), ceci équivaut clairement à (5.2.1) ; κθ(1) = 0, ce qui équivaut à (5.2.2).

Si on note θ la valeur particulière de θ qui permet de satisfaire ces conditions, Qθ est donc la MMEMpour S.

Il ne reste plus qu'à calculer son entropie relative :

H (Qθt |Pt) = EQθ [θ.Xt − κ(θ)t]

= θ.EQθ [Xt]− κ(θ)t

Or sous Qθ, X est un processus de Lévy d'exposant de Laplace κθ donc son espérance sous Qθ s'écrit

(cf. proposition 2.2) : EQθ [Xt] = t(κθ)′(0). Par l'expression de κθ, le terme de droite est égal à t.κ′(θ),d'où on conclut :

H (Qθt |Pt) =

(θ.κ′(θ)− κ(θ)

)t

5.3 Applications

[CT04] prend deux exemples de processus de Lévy-exponentiel et évalue numériquement danschaque cas la valeur de θ : voir exemples (10.1) et (10.2) de [CT04].

[CT04] observe que dans de nombreux modèles étudiés, on trouve une valeur de θ négative. Sous

Qθ, la partie gauche de la mesure de Lévy (qui représentent les sauts négatifs de X) est ainsi ampliée

d'un facteur eθx tandis qu'à l'inverse, la partie droite (i.e. les sauts positifs) sont fortement atténués.

C'est une situation intéressante à constater sous un angle nancier : sous cette mesurerisque-neutre particulière qu'est la MMEM, les sauts positifs sont fortement atténués tandis que lessauts négatifs (les crashs boursiers) sont ampliés.

22

Page 26: Memoire Master SALLARD 2011

5.4 Le prix d'une option européenne sous la MMEM dans un modèle

de Lévy-exponentiel

Dans un modèle où St = exp(Xt), on a vu que, si elle existe, la MMEM Qθ est déterminée explici-tement et sous cette MMEM X reste un processus de Lévy. C'est encore une justication du choix dela MMEM parmi l'ensemble des mesures risque-neutres : des calculs simples peuvent être eectués.

Ainsi par exemple, pour une option européenne H = g(ST ), on peut calculer son prix Π(t, St) ,

EQθ [g(ST )|Ft]. C'est l'objet du chapitre 11 de [CT04] mais aussi de façon plus explicite de la proposition2 de [Tan09]. Celle-ci, que nous reproduisons ci-dessous, montre que le prix d'une option européenne

peut être calculé directement à partir de la fonction caractéristique sous Qθ de X, laquelle est donnéepar la formule de Lévy-Khintchine.

Proposition 5.2. Soit X un processus de Lévy (de MMEM Qθ) et soit Φt sa fonction caractéristique

(sous Qθ). Soit S = eX le prix de l'actif et soit H = g(ST ) une option européenne de sous-jacent S etde date de maturité T . Notons G la fonction G(x) , g(ex).

Supposons qu'il existe R 6= 0 tel que :

G(x)eRx est une fonction à variation nie et intégrable sur R

EQθ [eRXT−t ] <∞ et∫R

|ΦT−t(u− iR)|1 + |u|

du <∞

Alors le prix à l'instant t de l'option H est donné par :

Π(t, St) =1

∫RG(u+ iR)ΦT−t(−u− iR)SR−iu

t du

où G est la transformée de Fourier de G.

Démonstration. Voir la proposition 2 de [Tan09], avec comme seule diérence le fait que nous considé-rons un taux d'actualisation nul. En fait, [Tan09] ne travaille pas sous la MMEM mais fait l'hypothèseque le processus de Lévy X est déjà une martingale. Le choix de la MMEM permet donc d'appliquerle résultat de [Tan09] en toute généralité.

Cette formule est certes moins explicite que la formule de Black-Scholes mais elle peut faire l'objetd'un calcul numérique (Fast Fourier Transforms, etc.).

5.5 Pourquoi le choix de la mesure martingale d'entropie relative mi-

nimale ?

Une première justication (d'ordre informationnelle) a été mentionnée en introduction de ce cha-pitre : par analogie avec la théorie de l'information, choisir la mesure martingale d'entropie minimalerevient à arriver dans une situation risque-neutre en ajoutant le moins d'information possible au modèleinitial.

Une deuxième justication, plus terre à terre, est indiquée à la section précédente : quand le marchénancier est modélisé par un processus de Lévy ou un processus de Lévy-exponentiel, la MMEM s'avèreêtre une transformée d'Esscher. Les processus restent des processus de Lévy et les calculs (d'espérance,etc.) deviennent plus faciles (en tout cas, plus faciles que dans le cas de martingales quelconques).

La troisième justication est que la recherche de la mesure martingale d'entropie minimale apparaîtcomme le problème dual de la recherche d'une stratégie de couverture maximisant une fonction d'utilitéexponentielle. Nous nous contentons ici de citer le résultat dû à [CSW01] dans un cas général et à[DGR+02] dans le cas précis de l'entropie minimale qui nous intéresse.

23

Page 27: Memoire Master SALLARD 2011

Proposition 5.3. Soit (St)t∈[0,T ] une semimartingale sur (Ω,F , (Ft),P) décrivant le prix (actua-lisé) d'un actif nancier. Soit H = g(ST ) une option européeene de sous-jacent S et soit x le ca-pital initial. On se donne une fonction d'utilité U que l'on suppose strictement concave, strictementcroissante, continuement diérentiable et d'élasticité asymptotique strictement inférieure à 1. Dansun marché incomplet, une des méthodes de sélection d'une stratégie de couverture est de recher-cher le portefeuille admissible (φt) qui maximise l'utilité du vendeur de l'option, i.e. qui maximiseEP[U(x +

∫ T0 φtdSt − H

]. Pour travailler dans un espace adéquat, on note C le cône convexe des

variables aléatoires dominées par une intégrale stochastique admissible :

C = X : X 6∫ T

0 φtdSt pour un certain porteuille admissible φ

et on dénit la fonction u par : u(x) = maxX∈C

EP[U(x+X −H)]

.

Notons maintenant M(S) l'ensemble des mesures absolument continues par rapport à P sous les-quelles S est une martingale. Soit V la transformée de Legendre de −U(x). Le problème dual est dénicomme la recherche de la mesure V -optimale surM(S) : plus précisément, posons

v(y) = minQ∈M(S)

EP[V (y dQdP )− y.H.dQdP ]

Le résultat notable est que les deux fonctions u et v sont liées par le fait qu'elles sont conjuguées

au sens où :

v(y) = supx

(u(x)− xy

)et u(x) = inf

y

(v(y) + xy

)La qualication de problème dual renvoit bien à la dualité classique de l'analyse fonctionelle.

Schématiquement,C ⊂ L∞(Ω,P) tandis que M(S) est isomorphe à un sous-espace de L1(Ω,P) (viala dérivée de Radon-Nikodym : Q ∈M(S)⇐⇒ dQ

dP ∈ L1...). Or on sait (cf [Bre83] ) que L1 ⊂ (L∞)∗.

Appliquons ce résultat pour une fonction d'utilité exponentielle de coecient α : U(x) = 1− eαx.Il vient alors que :

supφ admissible

EP[1− e−α(x+

∫φdS−H)]

= 1− exp

(− inf

Q∈M(S)H (Q|P) + αx− EQ[αH]

)... et on retrouve l'entropie minimale à un terme correctif près.

Ce résultat est montré directement par [DGR+02], indépendamment de [CSW01].

24

Page 28: Memoire Master SALLARD 2011

Deuxième partie

Une application en nance de la théorie

des grandes déviations

25

Page 29: Memoire Master SALLARD 2011

Chapitre 6

Présentation d'une méthode de

Monte-Carlo corrigée pour le calcul

d'options barrières

La théorie des Grandes Déviations, qui est au conuent de la théorie des Probabilités, de l'Analysefonctionnelle et du Calcul variationnel, se donne pour but de déterminer des résultats asymptotiquessur la probabilité d'événements rares.

L'article [Pha07] expose plusieurs exemples d'applications des outils et méthodes de cette théorieaux mondes de la nance et de l'assurance :

probabilités de ruine d'une compagnie d'assurance (section 3) ; améliorations des méthodes de Monte-Carlo dans le calcul du prix d'options (section 4) ; quantication des pertes extrêmes d'un portefeuille de crédits (section 5).

Dans un souci de continuité par rapport à la première partie de ce mémoire, j'ai retenu l'exposéd'une application à la nance et plus spéciquement au calcul du prix d'options exotiques quifait l'objet de la section 4.2 de [Pha07].

6.1 Description du modèle

Dans toute cette partie, on suppose que l'actif nancier (St)t∈[0,T ] est un processus de diusiondans Rd :

dSt = b(St)dt+ σ(St)dWt (6.1.1)

On se donne deux fonctions U et L dépendant du temps représentant les barrières haute (U) etbasse (L) et on note Γ(t) le domaine ainsi déni : Γ(t) , [L(t), U(t)]. On impose bien sûr que L < U .

On note τ le temps de sortie de S du domaine Γ :

τ = inft ∈ [0, T ] : St /∈ Γ(t)

(6.1.2)

On s'intéresse au calcul du prix d'une option exotique de sous-jacent S, et plus précisément au prixd'une option européenne de maturité T et à barrière désactivante, ce qui s'écrit en toute généralité :

Π0 = Π(0, S0) = E[g(ST ).1τ>T ] (6.1.3)

Ici, l'espérance est prise sous une mesure risque-neutre que l'on suppose préalablement dénie ; enn,on a encore considéré un taux d'actualisation nul.

La mise en ÷uvre classique d'un calcul de Π0 par méthode de Monte-Carlo repose sur la procéduresuivante.

On subdivise l'intervalle de temps [0, T ] en n intervalles [0, t1], . . . , [tn−1, tn] de pas ε :ε = T

n = ti − ti−1, ∀i = 1, . . . , n

26

Page 30: Memoire Master SALLARD 2011

Sous cette discrétisation du temps, le processus S déni par (6.1.1) est simulé par le processus àtemps discret (Sεti)i=1,...,n vériant :

Sεti+1= Sεti + b(Sεti).ε+ σ(Sεti)(Wti+1 −Wti) (6.1.4)

Le temps de sortie du domaine Γ du processus discrétisé Sε est alors déni par :

τ ε = infti : Sεti /∈ Γ(ti)

(6.1.5)

tandis que le prix de l'option déni par (6.1.3) est alors redéni par :

Πε0 = E[g(SεT ).1τε>T ] (6.1.6)

La simulation de Monte-Carlo consiste alors à générer un (grand) nombre N de n-uplets(Wt1 , . . . ,Wtn − Wtn−1) de variables aléatoires i.i.d. de loi N (0, ε) et déduire des équations (6.1.4)

et (6.1.5) les N valeurs (Sε,kT )k=1,...,N et (τ ε,k)k=1,...,N . L'équation (6.1.6) indique que l'estimateur duprix de l'option est donné par :

Πε0 ,

1

N

N∑k=1

g(Sε,kT )1τε,k>T (6.1.7)

Par cette méthode de discrétisation, on considère que le processus de diusion est tué(i.e. quela barrière désactivante est enclenchée) s'il existe un temps discret ti tel que Sti /∈ Γ(ti). Mais on necontrôle pas ce qui se passe entre deux temps successifs ti et ti+1 et il se pourrait que le processusà temps continu S sorte du domaine puis y revienne pendant cet intervalle de temps. La probabilitéP(τ > T) est donc surestimée, ce qui conduit à surestimer aussi le prix de l'option. Cette procédureest sous-optimale.

6.2 Amélioration de la simulation de Monte-Carlo

[Pha07] propose d'améliorer la procédure de la façon suivante. On conserve la subdivision 0, t1, . . . , tnde l'intervalle de temps [0, T ] et on linéarise le processus de diusion S déni par (6.1.1) entre deuxtemps successifs :

Sεt = Sεti + b(Sεti)(t− ti) + σ(Sεti)(Wt −Wti), ti 6 t 6 ti+1

Ce nouveau processus évolue donc comme un mouvement brownien avec une dérive entre ti etti+1 = ti + ε.

Étant donné une simulation de trajectoire discrète (Sεti)i=1,...,n telle que dans (6.1.4) et les valeursSti = xi et Sti+1 = xi+1, on va noter

pεi(xi, xi+1) = P[∃t ∈ [ti, ti+1] : Sεt /∈ Γ(ti)|(Sti , Sti+1) = (xi, xi+1)

](6.2.1)

la probabilité conditionnelle de sortie du processus linéarisé sachant les valeurs de Sti et de Sti+1 .

La méthode de Monte-Carlo corrigée fonctionne alors de la manière suivante. On refait commeprécédemment N tirages de processus discrets (Sε,k)k=1,...,N . Pour le k-ième tirage, avec une probabilitépεi = pεi(S

kti , S

kti+1

), on arrête la simulation en considérant que le processus a été tué et, pour ce tirage,

on pose τ ε,k = ti. Sinon, avec une probabilité 1 − pεi , on poursuit la simulation. L'estimateur du prixde l'option est alors encore donné par :

Πε0 =

1

N

N∑k=1

g(Sε,kT )1τε,k>T (6.2.2)

27

Page 31: Memoire Master SALLARD 2011

La mise en ÷uvre pratique de cette méthode de Monte-Carlo corrigée nécessite de pouvoir calculerpεi . On remarque que sur l'intervalle [ti, ti+1], et sous la condition donnée par Sti = xi et Sti+1 = xi+1,le processus Sε est un pont brownien : il a donc la même distribution que le processus Bi,ε déni par :

Bi,εt = xi +

t

ε(xi+1 − xi) + σ(xi)(Wt −

t

εWε), 0 6 t 6 ε

Faisons alors le changement de temps s = tε en posant Y i,ε

s , Bi,εt : notre pont brownien a donc la

même distribution que

Y i,εs = xi + s(xi+1 − xi) +

√εσ(xi)(Ws − sW1), 0 6 s 6 1 (6.2.3)

Démonstration. C'est presque immédiat : commeWt ∼ N (0, t) et√εWs ∼ N (0, εs), les deux processus

(Wt)06t6ε et (√εWs)06s61 ont bien la même distribution. Il en va évidemment de même pour les deux

v.a. Wε et√εW1, d'où le résultat.

La probabilité pεi dénie par (6.2.1) peut alors être exprimée sous la forme :

pεi = P[τ i,ε 6 1], où τ i,ε = infs > 0 : Y i,ε

s /∈ Γ(ti + sε)

(6.2.4)

En d'autres termes, on cherche à évaluer la probabilité pεi qu'un pont brownien sorte du domainedéni par Γ.

Dans le cas où les barrières sont (presque) quelconques, [Pha07] utilise l'approximation asympto-tique de pεi quand ε→ 0 démontrée par [BCI99] :

Proposition 6.1. Supposons que les fonctions U et L sont dérivables et de dérivées Lipschitziennes.Alors, pour tout xi, xi+1 ∈ (L(ti), U(ti)),

pεi(xi, xi+1) = exp(−QU,L(ti, xi, xi+1)

ε−RU,L(ti, xi, xi+1)

)(1 +O(ε)

)(6.2.5)

QU,L(ti, xi, xi+1) =

2

σ2(xi)(U(ti)− xi)(U(ti)− xi+1) si xi + xi+1 > U(ti) + L(ti)

2σ2(xi)

(xi − L(ti))(xi+1 − L(ti)) si xi + xi+1 < U(ti) + L(ti)

et

RU,L(ti, xi, xi+1) =

2

σ2(xi)(U(ti)− xi)U ′(ti) si xi + xi+1 > U(ti) + L(ti)

− 2σ2(xi)

(xi − L(ti))L′(ti) si xi + xi+1 < U(ti) + L(ti)

Ce résultat fait appel à des arguments de type "Grandes Déviations", ce qui est justementl'objet de l'article [Pha07] étudié. Puisque la limite asymptotique est donnée directement pour laprobabilité pεi et pas simplement pour son logarithme, on qualie ce résultat de "Sharp Large Deviationsestimate". Le processus décrit par (6.2.3) ne rentre pas exactement dans le cadre de la théorie deFreidlin-Wentzell (voir [DZ98], sections 5.6 et 5.7) car le pont brownien n'est pas une diusion jusqu'autemps nal. Ce résultat est donc montré par [BCI99] : la démonstration est à peine évoquée par [Pha07]mais nous nous proposons d'en dresser les grandes lignes au chapitre suivant.

Mais auparavant, revenons à l'objectif initial qui était de mettre en ÷uvre une simulation de Monte-Carlo corrigée pour le calcul de prix d'option barrière : une application numérique utilisant l'estimationasymptotique de pεi donnée par la proposition 6.1 illustre l'amélioration apportée.

28

Page 32: Memoire Master SALLARD 2011

6.3 Application numérique

[BCI99] eectue plusieurs applications numériques pour évaluer l'amélioration apportée par la mé-thode de Monte-Carlo corrigée (M.C. corrigée) décrite en section 6.2 par rapport à la méthode deMonte-Carlo standard (M.C. standard) décrite en section 6.1.

Les barrières utilisées vont être constantes ou de type exponentiel : pour réunir les deux cas, onécrira donc U(t) = B exp(δ1t) et L(t) = A exp(δ2t) avec δ1 = δ2 = 0 dans le cas constant. L'intérêtdes barrières constantes ou exponentielles est que, dans un modèle de Black-Scholes, l'on dispose alorsd'expressions exactes du prix de l'option barrière sous la forme :

d'une série entière dans le cas exponentiel : cf. Kunitomo et Ikeda (1992) d'une expression faisant intervenir des transformations de Laplace dans le cas constant : cf.Geman et Yor (1996).

Le modèle utilisé est donc celui de Black-Scholes : le logarithme du prix de l'actif est un mouvementbrownien avec dérive, donc sous la mesure risque-neutre, il est caractérisé par son prix de départ S0,par sa volatilité σ et le taux d'actualisation r. L'option considérée est un call de valeur d'exercice Ket le temps de maturité de l'option est pris égal à 1 an ; le pas de temps ε est xé à 1

365 . La simulationM.C. corrigée est eectuée en utilisant pour pεi la fonction dénie par la proposition 6.1.

Les simulations M.C. standard et M.C. corrigée sont eectuées en réalisant 100 évaluations numé-riques du prix de l'option (le nombre de tirage N vaut donc 100), lequel est donc donné respectivementpar les formules (6.1.7) et (6.2.2).

[BCI99] réalise plusieurs applications numériques en jouant sur les valeurs des diérents paramètres(σ, K, A, B, etc.). Nous ne reprenons ci-dessous que le premier cas présenté (tableau 4.1 dans [BCI99])obtenu en xant :

S0 = 2 ; σ = 0, 2 ; r = 0, 02 ; K = 2 ; A = 1, 5 ; B = 2, 5

Les valeurs du couple (δ1; δ2) sont xées soit à (0; 0) (cas constant) soit à (−0, 1; 0, 1) ou à (0, 1;−0, 1)(cas exponentiel) :

(δ1; δ2) (-0,1 ;0,1) (0 ;0) (0,1 ;-0,1)Geman-Yor - 0.04110 -

Kunitomo-Ikeda 0.00916 0.04109 0.08544M.C. corrigée 0.00910 0.04104 0.08568M.C. standard 0.01060 0.04413 0.08929

On vérie bien que la méthode standard surestime le prix de l'option (en ne détectant pas tous lesfranchissements de barrière) et que la méthode corrigée améliore considérablement les résultats, ce quiconrme son intérêt pour une utilisation dans un cas général (barrières pas forcément constantes niexponentielles).

29

Page 33: Memoire Master SALLARD 2011

Chapitre 7

Développement asymptotique de la

probabilité de sortie du pont brownien

Nous indiquons ici la trame de la proposition (6.1) donnée par [BCI99].

[BCI99] se focalise dans un premier temps sur la seule barrière haute U , ce qui revient à prendreL = −∞ et donc Γ(t) =]−∞, U(t)]. Par commodité, on se débarrasse des indices i en posant commedans [BCI99] : xi = ζ, xi+1 = y, σ(xi) = σ et ti = T0. Sans son indice i, le processus Y ε donné par(6.2.3) s'écrit maintenant :

Y εt = ζ + t(y − ζ) +

√εσ(Wt − tW1), 0 6 t 6 1

et vérie l'EDS :

dY εt = −Y

εt − y1− t

dt+√εσdWt , 0 6 t 6 1 (7.0.1)

Y ε0 = ζ

Faisons une dernière transformation en considérant le processusXεt , Y ε

t −U(T0+εt). La probabilitéque Y ε atteigne la barrière U est alors égale à la probabilité que Xε atteigne 0. On tire de (7.0.1) queXε est solution de l'EDS

dXεt = −

[εU ′(T0 + εt) +

Xεt − y + U(T0 + εt)

1− t

]dt+

√εσdWt (7.0.2)

avec comme condition initiale Xε0 = ζ − U(T0).

Pour plus de généralités, notons Pεx,s la loi de Xε avec la condition initiale Xεs = x. Soit τ0 le temps

d'atteinte de 0 pour Xε et posonsvε(x, s) = Pεx,s(τ0 < 1) (7.0.3)

Remarque : La probabilité pεi qui nous intéressait initialement (équations (6.2.1) / (6.2.4)) s'écritdonc maintenant vε(ζ − U(T0), 0).

Le but de la démonstration est d'obtenir un développement asymptotique pour la fonction vε quandε→ 0.

[BCI99] commence par établir un principe de grandes déviations (LDP) pour la famille de processusXεε>0 sur l'espace C([s, 1]) des fonctions continues sur l'intervalle [s, 1] :

Proposition 7.1 (cf. [BCI99] prop. 5.1). La famille Xεε>0 satisfait un principe de grandes déviationssur l'espace C([s, 1]) pour une vitesse de convergence 1/ε et pour fonction de taux

J(h) =

12σ2

[∫ 1

s|h′r|2dr −

(y − x− U(T0))2

1− s

]si h ∈ ∆x,s

+∞ sinon(7.0.4)

où ∆x,s est le sous-ensemble de C([s, 1]) constitué des fonctions absolument continues sur [s, 1] valantx au temps s et atteignant y − U(T0) au temps 1.

30

Page 34: Memoire Master SALLARD 2011

Démonstration. Voir [BCI99]. Comme évoqué plus haut, on ne peut pas appliquer les résultats dela théorie de Freidlin-Wentzell car le pont brownien Xε n'est pas un processus de diusion jusqu'autemps 1. Il est néanmoins intéressant de noter que l'on obtient le même résultat. Nous mentionnonsjuste l'existence d'une coquille dans la preuve, plus précisément dans l'expression de Φ(g)t donnée enligne 5 de la preuve : le dernier terme du membre de droite est t−s

1−s(g1 − gs) et non t−s1−s(gt − gs).

Notons Θx,s l'ensemble des fonctions h absolument continues sur [s, 1] telles que hs = x, h1 =y−U(T0) et telles qu'il existe un temps t ∈ [s, 1] pour lequel ht > 0. Cette dernière condition impliqueque P(Θx,s) = Pεx,s(τ0 < 1) : avec la dénition de vε donnée en (7.0.3), le principe des grandes déviationspermet d'écrire que

limε→0

ε ln(vε(x, s)) = infh∈Θx,s

J(h) , −u(x, s) (7.0.5)

[BCI99] exhibe ensuite, en appliquant des techniques de calcul variationnel, la fonction qui minimiseJ sur Θx,s, d'où il tire l'expression exacte de u :

Proposition 7.2 (cf. [BCI99] prop. 5.2). Pour tout x < 0, on a

u(x, s) =

2

σ2(1− s)x(y − U(T0)) si y < U(T0)

0 sinon

On n'a à ce stade qu'une estimation du logarithme de Pεx,s(τ0 < 1). Pour aller plus loin, [BCI99]utilise un théorème de [FJ92] pour identier une fonction w telle que

Pεx,s(τ0 < 1) = exp(−u(x, s)

ε− w(x, s)

)(1 +O(ε))

où il apparaît que w s'écrit dans le cas présent

w(x, s) = − 2

σ2(1− s)xU ′(T0)

Il ne reste alors plus qu'à recoller les morceaux : s'il n'y a qu'une barrière haute, alors on retrouve bien les expressions données dans (6.1) avecu = Q et v = R ;

s'il n'y a qu'une barrière basse, il sut d'inverser les signes et d'utiliser les résultats montrésdans le cas d'une barrière haute ;

s'il y a à la fois une barrière haute et une barrière basse, alors on encadre la probabilité de sortiedu domaine par les probabilités de franchissement des barrières haute et basse et [BCI99] montrequ'on obtient bien le résultat donné dans (6.1).

31

Page 35: Memoire Master SALLARD 2011

Bibliographie

[BCI99] P. Baldi, L. Caramellino, and M. Iovino. Pricing general barrier options : a numericalapproach using sharp large deviations. Mathematical Finance, 9 :293322, 1999.

[Bre83] Haim Brezis. Analyse fonctionnelle. Masson, 1983.

[CS02] A.S. Cherny and A.N. Shiryaev. Change of time and measures for lévy processes. Lec-tures for the Summer School : From Lévy Processes to Semimartingales. Recent TheoricalDevelopments ans Applications to Finance, 2002.

[CSW01] J. Cvitanic, W. Schachermayer, and H. Wang. Utility maximisation in incomplete marketswith random endowment. Finance and Stochastics 5, pages 259272, 2001.

[CT04] Rama Cont and Peter Tankov. Financial Modeling with Jump Processes. Chapman & Hall,2004.

[DGR+02] F. Delbaen, P. Grandits, T. Rheinlander, D. Samperi, Martin Schweizer, and C. Stricker.Exponential hedging and entropics penalties. Mathematical Finance, 12 :99123, 2002.

[DZ98] Amir Dembo and Ofer Zeitouni. Large Deviations Techniques and Applications. Springer,2d edition, 1998.

[EJ97] E. Eberlein and Jean Jacod. On the range of option prices. Finance Stochastics, 1997.

[ES05] Felix Esche and Martin Schweizer. Minimal entropy preserves the lévy property : how andwhy. Stochastic Processes and their Applications, 115 :299327, 2005.

[FJ92] W. Fleming and M. James. Asymptotic series and exit time probability. Annals of Proba-bility, 20 :13691384, 1992.

[HS06] Friedrich Hubalek and Carlo Sgarra. Esscher transforms and the minimal entropy martin-gale measure for exponential lévy models. Quantitative Finance, 6 :125145, 2006.

[JS02] Jean Jacod and Albert Shiryaev. Limit Theorems for Stochastic Processes. Springer, 2ndedition, 2002.

[JYC09] Monique Jeanblanc, Marc Yor, and Marc Chesney. Mathematical Methods for FinancialMarkets. Springer, 2009.

[Pha07] Huyen Pham. Some applications and methods of large deviations in nance and insurance.Lectures Notes in mathematical Finance, Springer Verlag, 2007.

[Sat99] Ken-Iti Sato. Lévy Processes and Innitely Divisible Distributions. Cambridge UniversityPress, 1999.

[Shi99] Albert Shiryaev. Essentials of Stochastic Finance. World Scientic Publishing Co., 1999.

[Tan09] Peter Tankov. Pricing and hedging in exponential-Lévy models : review of recent results.Lectures Notes, 2009.

[YdSL78] Marc Yor and J. de Sam Lorenzo. Sous-espaces denses dans l1 ou h1 et représentation desmartingales. In Seminaire de probabilités (Strasbourg), volume 12, pages 265309. Springer,1978.

32