Mettre la classe au travail, entre autorité et pédagogie

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  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    SALVAT EmmanuelleI.U.F.M. de lAcadmie de Montpellier

    Site de Perpignan

    Discipline concerne : FranaisClasse : 5meLieu du stage en responsabilit : Collge Paul Langevin, 66200 ELNE

    METTRE LA CLASSE AU TRAVAIL :

    ENTRE AUTORITE ET PEDAGOGIE

    Tutrice du mmoire : Mme Martine MUTOT-DUCHNEAssesseur : Mme Christine PIERRE

    Anne universitaire : 2005-2006

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    RESUME EN FRANCAIS

    Lessentiel de ce mmoire est de mettre en vidence lexigence de ladaptation delenseignant son public. Cette exigence passe ncessairement par une gestion rigoureuse

    de la classe. De plus, face des lves difficiles, il est indispensable de faire du lieu classe un espace d'changes, de confiance. Enfin, les diverses mthodes de travail delenseignant doivent prendre en compte les difficults des lves afin qu'ils puissent yremdier et devenir autonomes.

    RESUME EN ANGLAIS

    The essence of this memory is to highlight the requirement of the adaptation of the teacherto his public. This requirement necessarily passes by a rigorous management of the class.Moreover, with difficult pupils, it is essential to make place "classifies" a space ofexchanges, of confidence. Lastly, the various working methods of the teacher must takeinto account the difficulties of the pupils so that they can cure and become autonomous it.

    MOTS CLS

    1/Climat de classe2/ autorit3/ respect4/ motivation5/ autonomie

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION 4

    CHAPITRE 1UNE CLASSE QUI NE SE MET PAS AU TRAVAIL

    1.1. Une mauvaise ambiance de classe 61.1.1. Le bruit 61.1.2. Lagressivit 71.2. Les causes 91.2.1. Lextra scolaire : un environnement social difficile 91.2.2. Lintra scolaire : un vcu scolaire insatisfaisant 111.3. Les consquences 13

    CHAPITRE 2CREER DES CONDITIONS FAVORABLES A LAPPRENTISSAGE

    2.1. Le temps de lintrospection 142.1.1. Laxisme ou autocratie ? 142.1.2. Quest ce que lautorit ? 152.2. Premires applications: amliorer la gestion de classe. 162.2.1. Apaiser les tensions entre les lves. 172.2.2. Etablir un code de conduite. 182.3. Eduquer et transmettre un savoir : les enjeux de la communication orale. 202.3.1. Comment parler ? 202.3.2. Apprendre couter et couter pour apprendre. 22

    CHAPITRE 3REMOTIVER LES ELEVES

    3.1. La relation enseignant/apprenant : une relation de confiance 263.1.1. Quand les apprenants ont confiance en lenseignant 263.1.2. Quand lenseignant redonne confiance aux apprenants 283.2 Donner du sens ce que lon fait. 313.2.1. Des projets, des objectifs pour tre motiv 313.2.2. Des objectifs pour la lecture 31

    3.2.3. Souligner lenchanement logique des sances. 323.3 Eviter lennui. 333.3.1. Mettre de la diversit dans le projet pdagogique. 333.3.2. Varier les activits au cours de la sance. 343.3.3. Varier les supports. 35

    CONCLUSION 36

    BIBLIOGRAPHIE

    DOCUMENTS ANNEXES

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    INTRODUCTION

    Au cours des quelques semaines prcdant ma premire rentre scolaire en tant queprofesseur, je ne me suis pas pose de questions sur le rle de lenseignant. Je pensais que ma

    fonction ne se limiterait qu lunique transmission des savoirs et des savoir-faire une classe

    dun niveau donn.

    La confrontation la ralit a fait tomber cetteide prconue. Cette prise de conscience a t

    dautant plus rude que jai eu affaire une classe difficile. Difficile en ce sens o bon nombre

    dentre eux nont montr aucune apptence au travail, mais ont t particulirement enclins

    lagitation et aux bavardages.

    Cest donc par la mise en uvre de diverses actions pour renverser cette tendance que se

    justifie lobjet de ce mmoire professionnel : Comment mettre les lves au travail ?

    La polysmie du mot ducation claire la dmarche adopte. En effet, en tant que

    professeurs, nous appartenons au Ministre de lEducation Nationale. Or comme son nom

    lindique, le ple essentiel de notre fonction est lducation. Pour saisir les divers enjeux de

    notre mission, commenons par dfinir le terme :

    EDUCATION n.f.1 Mise en uvre des moyens propres assurer la formation et le dveloppement dun tre humaininstruction.2 Dveloppement mthodique (dune facult, dun organe)exercice.Lducation de la mmoire3 Connaissance et pratiques des usages de la socit.politesse, savoir-vivre.1

    Si lon sen tient cette dfinition, la mission de lenseignant est donc de dispenser un savoir

    ( instruire , sens 1), de dvelopper des savoirs et des savoir-faire de llve (sens 2) et enfin

    de linitier aux codes de la socit (sens 3), en le formant la citoyennet.

    Concrtement dans la classe, pour remplir ces trois missions que sous-tend le terme

    ducation , quelles sont les comptences attendues de lenseignant ? La matrise de sa

    discipline et lautorit. Ces deux ples ne sont, par ailleurs, que les deux aspects dun mme

    acte pdagogique que la contrainte dinstauration et de maintien dun ordre minimal dans la

    classe, condition de possibilit de toute activit de formation, et le souci de faire que chaque

    1

    Le petit Robert, dir. J. REY-DEBOVE et A. REY, Paris, dictionnaires le Robert, 2000.

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    squence soit loccasion de rels apprentissages pour un maximum dlves dans lordre de la

    discipline denseignement 2. Dans cette perspective, la dmarche que jai adopte, lie

    autorit et matire enseigne autour de la question : comment mobiliser les lves dans leurs

    apprentissages ?

    Dans ma pratique professionnelle, la rflexion sest amorce par un temps dobservation et

    par une recherche des diffrentes causes pouvant expliquer le rejet de certains lves du

    travail. Mon analyse sest articule en deux temps. Je me propose, tout dabord, de

    dvelopper les diverses tentatives mises en place en vue de ltablissement dun cadre

    propice lapprentissage, puis dexposer les diffrentes dmarches qui ont eu pour objectif de

    donner aux lves lenvie dapprendre.

    2 Davisse (A.) & Rochex (J.Y.), Pourvu quils mcoutent , discipline et autorit dans la classe, Paris,1997, p.176.

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    CHAPITRE 1

    UNE CLASSE QUI NE SE MET PAS AU TRAVAIL

    1.1. Une mauvaise ambiance de classe.

    La 5me 1 ma t prsente, ds le dbut de lanne, par le Principal de ltablissement, M.

    Monts, comme une classe difficile. Il ne ma fallu quune semaine pour vrifier cette mise

    en garde : le 9 septembre,jai compris que lanne qui mattendait allait tre rude. En effet,

    jt trs vite confronte des perturbations lies diffrents types dindiscipline qui,

    associs, ont fortement troubl mes premires sances.

    1.1.1. Le bruit

    Le premier est bien sr le bruit. Les bavardages, dans un premier temps, se faisaient entendre

    dans le fond de la salle et navaient aucun lien avec lobjet du cours. Cette premire

    drgulation 3 est progressivement devenue brouhaha. Au cours de ces sances, je navais

    pas conscience du bruit, comme me la, juste titre, fait remarquer ma tutrice. Je continuais

    donc tout naturellement le cours, madressant ceux qui consentaient mcouter. Les

    rflexions concernant la sance, se perdaient dans le bruit des bavardages, voire taient elles-mmes perturbatrices. En effet, la rgle selon laquelle on lve le doigt, ntait que trs peu

    respecte ; celle selon laquelle on coute celui qui parle tait encore moins suivie, inquitant

    dsintrt pour la parole de lautre. Jai donc men des sances dans un dsordre qu prsent

    je juge pouvantable.

    Cependant, de cette mauvaise gestion de la parole de ma part ont dcoul dautres problmes

    de discipline qui allaient installer dans mes cours des attitudes nfastes au bon fonctionnement

    de la classe. Ds le dbut de lanne, je navais pas su reprer les comportements

    perturbateurs et les lves y ont vu un excs de permissivit. Ils en ont par consquent abus.

    Par ailleurs, trop souvent jusque l, jai commis lerreur de sermonner toute la classe, sans

    grande efficacit dailleurs, ou de punir sans avoir rellement observ ma classe. En effet, les

    lves agits pouvaient rester une heure durant dans un tat dexcitation intense alors que les

    quelques lves calmes snervaient, dune part parce quils arrivaient difficilement suivre

    3 Terme emprunt J.F. Blin, Classes difficiles, des outils pour prvenir et grer les perturbations scolaires,Delagrave Ed., 2004.

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    le cours et, dautre part, parce quils avaient droit mes remontrances au mme titre que les

    autres. Cette excitation, parfois pousse lnervement, est rapidement devenue agressivit.

    1.1.2 Lagressivit- Violence physique et violence verbale.

    Cette premire raction sexplique par le sentiment dinjustice que jai fait natre chez mes

    lves, lorsque je les ai sermonns. Aprs avoir puni un lve, il mest arriv dentendre: Si

    toute la classe parle, pourquoi suis-je le seul tre puni? Pourquoi moi plus quun autre ?

    Au cours de la runion parents/professeurs qui sest tenue au mois de novembre, la maman de

    Yannick L. ma fait remarquer ce premier aspect. En effet la veille, son fils avait t puni pour

    bavardages intempestifs . Une fois rentr chez lui, le motif de la punition invoqu par

    llve en question fa t cest parce que la prof. ne maime pas . Ce sentiment a gnr

    des rancurs mon gard. Jai pu constater que leur raisonnement ne tient quen cette simple

    dichotomie elle me punit parce quelle ne maime pas, elle mautorise faire cela parce

    quelle maime bien . Ce type de raisonnement cre chez llve des frustrations. Il peut

    donner lieu des ractions violentes. Ainsi, aprs un rappel lordre, il est arriv quun lve

    manifeste sa colre en donnant des coups de poing dans la porte avant de sen aller. Ce

    comportement est lexemple le plus criant de lagressivit mon gard. Cependant, il arrive

    que cette agressivit se manifeste entre les lves. En effet, latmosphre entre les lves nest

    pas des plus sereines. De temps en temps, fusent les va te faire foutre , ta gueule , tes

    quun nul , sans compter les diverses prises parti : Madame, il ma dit! Punissez-le !

    Cette forme dagressivit, la plus visible, se fait lcho de tensions existantes dans la classe.

    Je me devais donc dy tre particulirement vigilante en recourant aux punitions pour y

    remdier afin dviter que lagression verbale ne devienne physique.

    - Le refus

    Cependant le danger a t de trop my attarder et de ne pas prendre garde une forme

    dagression plus tacite, le refus des lves. Il peut tre de plusieurs ordres comme le souligne

    Eveline Ducroquet4 , qui, dans son mmoire professionnel, a analys les comportements des

    lves en classe. Tout dabord, il y a le refus de faire le travail demand . Souvent, il mest

    arriv de constater que les exercices donns la fin de lheure, une fois le cours dispens,

    4 Les comportements de llve , in Pourvu quils mcoutent. Discipline et autorit dans la classe,ibid., p.93

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    ntaient pas faits. Malgr mes passages dans les rangs, rien ny faisait ; ils ne se mettaient pas

    au travail prfrant attendre que leurs camarades plus enclins tudier corrigent les exercices.

    Puis il y a le refus dentrer en classe ou dy rester . Dans la perspective de mon

    questionnement sur ma faon de grer la classe, je mattarderai tout dabord sur le refus dy

    rester puisque je suis confronte ces deux cas de figure. En effet, rares sont les sances

    durant lesquelles un lve ne demande pas partir linfirmerie. Jai pu noter en compltant

    le carnet de Mathias qui souffrait dune douleur au cou, que le tableau dautorisation denvoi

    linfirmerie ntait sign que par moi. Sest alors pos moi ce dilemme: ou bien je faisais

    preuve dun excs de permissivit concernant les sorties de mon cours (auquel cas comment

    reprer les lves rellement malades, des lves dsireux simplement de soffrir une occasion

    de sortir du cours ?), soit le bruit rendait malades les plus fragiles dentre eux. Quoiquil en

    soit, jai d ragir.

    Le refus de venir en classe il sagit donc bien au-del du cours de franais mais de lcole

    plus gnralement- se traduit quant lui par un absentisme rpt de cinq lves : Mathias,

    Pauline, Laurie, Alvin et Nina. Cet absentisme rvle le refus de lcole de manire plus

    gnrale, mais nous y reviendrons un peu plus loin.

    - Linsolence

    Certains lves (les meilleurs et les plus calmes) mont reproch de ntre pas capable de

    faire rgner lordre dans la classe. Cela remet donc en question, leurs yeux, ma place et mon

    rle dans la classe. En effet, si je ne suis pas capable de calmer la classe, comment serais-je

    capable de leur dispenser un quelconque savoir ? Cette question entrane un autre type de

    comportement qui est pour moi problmatique : linsolence. Il sagit non de la violence

    verbale mais de linsolence telle que la dcrit Anne-Claire Raimbault-Renaudin5 :

    linsolence qui se mnage aux portes de sorties, linsolence guillerette des propos lancs enlair et lair de rien, sur le sens desquels plane toujours un doute. Ou ce que nous ressentons

    comme une insolence (dnigrement systmatique des livres ou des textes proposs,

    contestations, rclamations, rcriminations continuelles, ou allusions trop frquentes aux

    dlicieux cours de franais de lanne prcdente) sans pouvoir vraiment svir . Cette

    forme dinsolence est, selon moi, la plus difficile matriser car, comme le souligne Anne-

    Claire Raimbault-Renaudin, il est difficile dy remdier par des punitions. En effet, est-il

    5 Raimbault-Renaudin (C.), Discipline et enseignement du franais in Pourvu quils mcoutent ,discipline et autorit dans la classe, ibid., p.57

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    lgitime de punir un lve pour avoir dit mais a sert rien de voir a ! ? Au-del de cette

    interrogation, cest la question bien plus importante de la pertinence de mes cours qui se pose.

    Mon enseignement est-il rellement adapt ma classe, leur niveau ? La mise en uvre

    pdagogique permet-elle mes lves dacqurir toutes les connaissances requises en

    cinquime ? Ne se veut-elle pas trop formaliste ? Il ma donc fallu travailler ces pistes.

    1.2. Les causes

    Telles sont les difficults que jai rencontres dans ma classe. Jai ressenti chaque

    perturbation comme une frustration difficilement supportable. Je ne me suis pas doute

    un seul instant que leur attitude venait en raction ma faon de grer la classe car jtais

    consciente de navoir pas tabli de cadre, comme me la signal ma tutrice. Cette certitude at branle lors dune runion avec lensemble de lquipe pdagogique. Les interventions de

    chaque professeur ont fait mention des problmes que javais pu rencontrer dans mes cours et

    que je pensais tre miens : trop de bavardages , prise de parole dsordonne , trop de

    dispersion , refuse de travailler , pas motiv , pas assez attentif en classe, trop

    agit , instable

    De plus, ma tutrice, qui a assist mes cours, ma fait remarquer que de tels comportements

    pouvaient bien souvent avoir des causes extra scolaires. Si lon sen tient Jean-Franois

    Blin6, ces causes ne sont pas ddaigner. En effet, il a tabli sous forme de schma7 les

    diverses causes aux situations de drgulations scolaires. On peut noter que lenvironnement

    social y occupe une place fondamentale auquel sajoute linstitution, ltablissement et enfin

    la classe. Le comportement des lves serait donc en quelque sorte une somme de ces diverses

    strates. Cependant dans le cadre de mon interrogation sur les problmes rencontrs en classe,

    mon tude sest limite analyser les relations entre dune part, lextra scolaire

    (lenvironnement social) et dautre part lintra scolaire avec les situations de drgulations

    scolaires que jai repres.

    1.2.1. Lextra scolaire : un environnement social difficile.

    - Le chmage

    En effet, au regard du Projet dEtablissement qui fait tat de cet environnement, le canton

    dElne compte prs de 20 % de chmeurs avec comme phnomnes associs, la prcarit.

    6 Blin (J.F.),ibid.7 Annexe 1 : schma, Les diffrents niveaux explicatifs des drgulations scolaires .

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    38 % des lves bnficient dune bourse. Mais quen est-il de ma classe ? Daprs les fiches

    remplies en dbut danne scolaire, il ressort que, sur 21 lves, 11 parents sont sans emploi

    soit un peu plus de 50 % de lensemble de la classe. Ce pourcentage trs lev laisse prjuger

    des difficults sociales vcues par la grande majorit des lves. Mais quelles sont les

    rpercussions immdiates sur la classe ? Selon Marie-Thrse Auger et Christiane

    Boucharlat8, cette conjoncture conomique alimente chez les jeunes et leurs familles un

    doute croissant sur lefficacit de lcole, sur lutilit des savoirs . En effet ce contexte

    gnral ne rend-il pas caduc le discours quon leur tient : Travaille lcole et tu

    russiras ! ? Cette question a justement t souleve par un lve en cours de soutien. Ainsi,

    lorsque jai demand mes lves sils navaient pas envie de russir lcole, Hamza ma

    rpondu : mais nous on veut bien mais quoi a sert ? On voit bien quil y a plein de gens

    qui ont fait des tudes et qui sont au chmage. Alors pourquoi nous on travaillerait ? Cette

    remarque et lchange qui a suivi mont rvl leurs angoisses, leur mal tre ou peut tre

    est-ce l le discours quon tient chez eux !- et a, en partie, expliqu leur comportement et

    leur raction vis--vis des cours. En effet cela pouvait expliquer leur manque de motivation,

    leur manque dattention.

    Mais bien au-del il me semble quecest la question de lutilit de lcole quils se posent. Il

    mest arriv de les entendre dire quils viennent lcole dabord parceque cest leur devoir

    denfant dtre l, puis vient : Pour apprendre . Il mincombe donc la tche de donner du

    sens ce que je leur enseigne. Cest justement de cela que fait tat le psychiatre Boris

    Cyrulnik dans un article du Nouvel Observateur : Nous sommes dans une socit o le sens

    est pulvris. Le temps, le travail, la famille sont repenser. Lacclration du temps ne

    laisse plus la possibilit dimprgner les tres, les gestes, les objets, dhistoire, de vie. Si

    nous ne sommes pas capables de redonner du sens au monde qui nous entoure, nous

    redeviendrons soumis aux choses et aux pulsions .

    - Linstabilit des liens familiaux.

    Toujours la recherche dlments qui pouvaient mclairer dans ma recherche des facteurs

    extra scolaires, ma rflexion sest poursuivie sur la question du contexte familial.

    Une petite minorit dlves vit ou a vcu des situations familiales difficiles : parents

    dchirs, violences au sein de la famille, comme me la confi une de mes lves, que javais

    vue pleurer durant toute une heure. Les lves, ce jour-l, ntaient pas attentifs et

    8 Auger (M.T.) & Boucharlat (C.),Elves difficiles profs en difficult, Lyon, Chronique sociale, 1996 ; 2medition, p.19.

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    sinquitaient bien plus des soucis de leur camarade que du cours que je leur dispensais. La

    difficult est donc de pouvoir faire cours face des lves qui vivent des situations difficiles

    chez eux.

    Par ailleurs, un autre aspect de la relation familiale a attir mon attention. En effet, Marie-

    Thrse Auger et Christiane Boucharlat9 rvlent, comme autre facteur aux types de

    comportements que jai dcrits, les dangers du privilge de la relation affective au dtriment

    du rle ducatif. Cela concerne les parents qui posent peu dinterdits et cherchent viter les

    conflits. Cette absence de contraintes entrane ce quelles appellent le sentiment de toute

    puissance et amne les jeunes transgresser voire refuser les exigences des enseignants.

    Cette analyse ma permis dtre plus vigilante avec un lve (lve cit prcdemment) qui

    montrait des signes dagressivit physique (donner des coups de poing dans la porte, la

    claquer) et verbale ( a me fait chier ). A la suite dun incident survenu en classe, jai

    rencontr la maman de ladolescent en question. Durant notre entretien, elle a reconnu quelle

    ntait pas capable dexercer une quelconque forme dautorit sur son enfant, voulant

    privilgier le ct affectif. Elle a aussi prcis quelle navait plus aucune ascendance sur lui

    depuis son divorce et quelle souponnait son fils de considrer la femme comme une

    personne faible laquelle il navait pas se soumettre. Elle ma fait comprendre que son

    enfant, dans la mesure o jtais une femme et qui plus est, jeune, accepterait difficilement de

    se soumettre mes rgles. Cet entretien, riche denseignements, ma dtermine instituer un

    cadre, des rgles auxquelles les lves allaient devoir se soumettre.

    Ces lments extra scolaires, que jai jugs peu signifiants en dbut danne, doivent tre

    pris en considration par lenseignant afin quil puisse mieux sadapter au public quil a en

    face de lui. En effet, sur ces facteurs de dsordre, que peuvent tre la situation sociale des

    parents, lambiance familiale ou encore ltat de la socit en gnral, lenseignant na certes

    pas beaucoup de moyens dagir, mais leur prise en compte permet danticiper les ractions des

    lves.Venons en donc prsent, lintra scolaire et notamment la question de lchec scolaire qui

    touche une large majorit de ma classe.

    1.2.2. Lintra scolaire : un vcu scolaire insatisfaisant.

    En effet dans une classe qui compte 21 lves, un est excellent en franais, cinq sont dun

    niveau moyen et quinze sont en grandes difficults. Cest donc une classe trs htrogne. Je

    9 Ibid., p.19.

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    me suis particulirement intresse aux lves les plus faibles. Sur ces quinze lves, treize

    ont un voire deux ans de retard. Pour la majorit dentre eux, ce retard est d un

    redoublement en sixime. Jai appris par des collgues que ces redoublants du collge avaient

    effectu une premire sixime de consolidation10. Ils ont donc connu des difficults scolaires

    ds le primaire. Je peux en outre supposer que leur premire anne de sixime na pas t

    satisfaisante puisqu lexception dun lve, ils ont d en faire une seconde. Leur parcours a

    t lest encore - particulirement chaotique. Mais dans quelle mesure cela peut-il affecter

    leur comportement face au travail ? Quelques lments de rponse mont t fournis par G.

    Wiel11, qui a analys ce parcours insatisfaisant et ses rpercussions sur le comportement de

    ladolescent dans son ouvrage intitul Vivre le lyce professionnel comme un nouveau

    dpart. Selon lui, le sentiment dchec est intrioris et est souvent accompagn de mpris,

    de honte et dangoisse. Ces sentiments entranent des squelles psychologiques profondes

    et durables qui se traduisent par un ensemble de comportements qui structure la personnalit

    de ladolescent. Cest ce quil appelle le syndrome dchec scolaire . Pour lui, un lve en

    chec est un lve qui se dit : Je ny arriverai jamais. Cela met en lumire le refus de

    certains lves travailler, dont jai fait mention prcdemment. En effet si les uns sont

    facilement reprables puisquils se plaignent de ntre pas capables de faire un exercice ; les

    autres, par leur silence, me font douter des raisons de leur dmotivation. Sans doute y a-t-il

    de leur part une sorte de soumission lchec, peru comme une fatalit. En consquence, ils

    ne sinvestissent plus dans lapprentissage et finalement attendent impatiemment la fin de

    chaque sance.

    G. Wiel rajoute que ce ne sont pas les moments de crise, les temps forts qui sont les plus

    pervers et les plus puissants dans la gense de ce syndrome dchec scolaire. [] Cest bien

    plutt dans cette situation quotidienne et banale o chacun est seul, comme abandonn, que le

    sentiment dchec vient ractiver une souffrance o se mlent lincomprhension,

    limpression dtre mpris, le sentiment darbitraire. Oui ! Il y a une dtresse solitaire,mconnue et elle se situe l trs prcisment au cur de la situation-apprentissage. Etre

    sollicit par dinnombrables exercices faire, ne pas pouvoir y faire face. On en arrive

    galement cette frustration de llve, dont jai fait mention plus haut, et qui, pour bon

    nombre dentre eux, comme je lai remarqu plus tard dans lanne, nat dun sentiment de

    dvalorisation. Ainsi, aprs avoir donn un exercice dans lequel les lves devaient accorder

    10 La sixime de consolidation est une classe projet que propose le collge dElne pour des lves en

    difficult scolaire, et bien souvent familiale, et dont le niveau CM2 na pu pas suffire intgrer une 6me

    ordinaire.11 G. Wiel, Vivre le lyce professionnel comme un nouveau dpart, Lyon, Chronique sociale, 1992.

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    les verbes au prsent de lindicatif, jai vu Anthony sagiter et snerver contre son voisin de

    table. Je lui ai demand les raisons dune telle agitation et il ma rpondu : Je comprends

    rien, je suis pas capable de faire lexercice . Je lui ai alors demand de prendre le temps de

    lire la consigne qui tait trs claire. Il la lue et ma dit : Ah ! jai compris, cest facile en

    fait . Concernant Anthony je me suis demand si son comportement, outre la peur de

    lautonomie, ne rsultait pas plus dune certaine paresse intellectuelle. Il est, en effet, plus

    tentant de se faire expliquer un exercice plutt que de sefforcer de le lire et de le comprendre

    seul. Cette exprience et dautres de mme type mont fait comprendre que llve en chec

    scolaire, part du postulat quil ne sait pas, quil nest pas capable de faire avant mme davoir

    pris le temps de comprendre ce qui lui est demand. Il a donc fallu que je travaille leur

    redonner confiance en eux si je voulais quils se mettent au travail.

    1.3. Les consquences

    En octobre, le climat de la classe pendant mes cours tait tel que les lves ne pouvaient pas

    se concentrer et par consquent apprendre. Or, en franais, lapprentissage repose pour

    beaucoup sur la concentration : si les lves ncoutent pas au moment o je leur donne la

    leon retenir, au moment o jexplique une notion difficile, que retiennent-ils de ce qui a t

    vu en classe lorsquils relisent leurs cours si tant est quils en aient pris note- en vue dune

    valuation ? Jen ai trs vite vu les consquences. En effet, jai constat dans les copies de

    mes lves que les questions relatives ce qui avait t fait en cours taient vites par les

    lves. En outre, malgr toute la bonne volont que jai mise revoir la hausse mes

    barmes et la baisse le niveau de mes valuations, la moyenne gnrale ne dpassait que

    trs exceptionnellement la barre des 9, le 10 ntant alors quun idal atteindre pour eux.

    Par ailleurs, dans un premier temps jai constat que, dune manire gnrale, le climat tait

    dsagrable pour les lves qui taient toujours attentifs et motivs travailler. Pourquoi les

    obliger supporter ce bruit et cette ambiance que javais laiss sinstaller dans mes cours ?

    Pourquoi contraindre ces lves motivs apprendre dans de telles conditions ? De mme,

    nest-il pas de mon devoir de professeur, denseigner un savoir tous les lves et non

    seulement ceux qui y sont prdisposs ?

    Ainsi, je me suis aperue au retour des vacances de Toussaint que javais encore tout

    construire et que je devais rapidement ragir tout en tenant compte de la diversit des

    individus que javais face moi.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

    14/57

    CHAPITRE 2

    CREER DES CONDITIONS FAVORABLES

    A LAPPRENTISSAGE

    2.1. Le temps de lintrospection

    2.1.1. Laxisme ou autocratie ?

    La principale difficult que jai rencontre cette anne a t de trouver le juste milieu dans

    ma conduite de classe. Javais dj connu, ds les premires semaines, les consquences du

    laxisme. Jai donc dcid dtre plus autoritaire. Mais quelle reprsentation me faisais-je de

    lautorit ? Je pensais quil sagissait, daprs limage que je me suis forge en tant qulve,

    dun pouvoir autocratique. Au sein de la classe, seul le professeur dtient ce pouvoir. Il est ds

    lors le seul dcider de ce qui doit se faire ou non, de ce qui doit tre dit ou non ; en rsum,

    il est celui qui a tous les droits, celui de prendre la parole, de se dplacer, etc. Les lves

    doivent se contenter de suivre, sans parler, sans contester, sans donner leur opinion, sans

    bouger. Si le professeur a tous les droits linverse les lves ne doivent connatre que des

    interdits puisquils se trouvent dans une position infrieure. Concrtement, en classe, quelle

    attitude ai-je adopteen consquence cette reprsentation ? Jai gard une distance avec mes

    lves. Cette distance a t tout dabord physique. En effet, je dambulais sans cesse entre les

    rangs en prenant bien soin de respecter une distance de scurit avec mes lves. Jtais

    consciente que cette distance me permettait de parer la peur que javais deux. Jai craint ds

    le dbut de lanne scolaire dentrer dans un rapport trop familier voulant tout prix tre

    reconnue en tant que professeur. En consquence mon regard tait froid et je ne souriais pas.

    Jai inconsciemment aussi mis de la distance dans ma faon de madresser eux, comme me

    la indiqu ma tutrice plusieurs reprises, en utilisant un niveau de langage qui ntait pas

    adapt ce public. Je limitais la discussion avec eux avant et aprs les cours. En outre, il a

    fallu que je me fasse obir. Pour cela, jusais abusais parfois des moyens dont je

    disposais : donner des ordres, imposer, menacer, punir. Cependant jai senti que ce rle que

    jessayais de jouer, ne me convenait pas du tout. En ralit, jusquau mois de janvier je ne me

    suis moi-mme pas considre comme un professeur, il a donc fallu que jendosse ce rle ce

    qui, je pense, a t ressenti par les lves. De fait, je ntais pas laise lorsque je faisais

    cours. Ce type de pouvoir que jai instaur et auquel jai t moi-mme soumise lorsque

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

    15/57

    jtais lve a t inefficace. Je lai mis en place alors que je savais inconsciemment que ce

    ntait pas un modle suivre mais il ma scurise. Je savais, pour lavoir connu, comment

    my prendre. Du ct des lves, jai eu certes moins de bruit mais ils ntaient pas

    plusattentifs pour autant. Ainsi, au mois de dcembre, jai eu une sance plutt calme au

    cours de laquelle jai propos aux lves de comparer un pisode du Roman de Renart

    ( Renart et Ysengrin dans le puits ) et une fable de La Fontaine ( Le loup et le renard ). Je

    leur ai demand de complter un tableau qui permettait de mettre en vidence les points

    communs et les diffrences de ces deux textes. Jai engag Kvin rpondre la question :

    Quand et o se droule lhistoire dans chacun de ces deux textes ? Il a rpondu avec

    beaucoup de pertinence. Jai alors demand Aurore de reformuler la rponse afin que tous

    puissent remplir la ligne du tableau correspondant la question. Elle ma rpliqu sur un ton

    provocateur et la limite insolent quelle nen savait rien parce quelle navait pas suivi. Jai

    alors pos la question lensemble de la classe et nai eu que trois doigts levs. Jai donc

    compris quil ne suffisait pas davoir le calme grce des comportements que javais

    conditionns, pour mettre mes lves au travail, il fallait encore que jemporte ladhsion de

    mon auditoire. Jai compris la raction de mes lves la lecture de lanalyse de C.M.

    Charles12 sur lautocratie quexercent certains enseignants. Selon lui, lenseignant autocrate

    est celui qui rgente, parle sur un ton tranchant, donne des ordres et punit. Il tablit une

    discipline aversive, cest--dire une discipline qui au lieu dentraner lobissance, est

    dangereuse et suscite lopposition des lves . Mes lves se sont opposs par une passivit

    totale.

    Lorsque jai t laxiste ou trop autoritaire, jai plac mes lves en raction par rapport moi

    alors que le rle de lenseignant est, comme le souligne Marie-Thrse Auger et Christiane

    Boucharlat13, de positionner ses lves par rapport la tche, son apprentissage.

    2.1.2. Quest-ce que lautorit ?Il a donc fallu que je me recentre sur la question de lautorit. Il tait clair que javais

    confondu autorit et autoritarisme.

    Le mot autorit vient du nom latin auctoritas, driv de auctor, dsignant le fait dtre

    auctor, cest--dire fondateur, instigateur, conseiller, garant, vendeur, possesseur et aussi

    12

    C.M. Charles, La discipline en classe, Modles doctrines et conduites, Montral, Editions du renouveaupdagogique, 1997, p.107.13 Ibid., p. 76

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

    16/57

    auteur, responsable dune uvre14 . Si lon sen tient la dfinition dauctor, on peut dores

    et dj penser que celui qui a de lautorit est celui qui :

    - tout dabord se fait confiance ( fondateur ),

    - qui exerce une relation dinfluence ( la fois garant et conseiller ) supposant de

    lestime et du respect, visant obtenir ladhsion sans faire appel la force lexemple de

    Jules Csar qui, lors de ses conqutes, tait vu par les romains comme la figure emblmatique

    de l auctoritas . Cest aussi celui quiest capable de reprer les enjeux du pouvoir et de

    les arbitrer,

    - qui est auteur de lui-mme, cest--dire qui dveloppe sa propre personnalit, qui acquiert

    des comptences. Mais sans doute aussi celui qui permet aux autres dtre auteurs deux-

    mmes (au sens de augere, faire crotre), cest--dire dacqurir la responsabilit de leurs

    actes.

    Appliqu notre mtier, aurait donc de lautorit le professeur qui parviendrait augmenter

    les comptences de ses lves, les rendre autonomes dans une relation de confiance. Mais

    comment mettre en uvre ces prcieuses dcouvertes ?

    2.2. Premires applications: amliorer la gestion de classe.

    Je suis partie de la dfinition de la gestion de la classe de Pierre-Marie Lemasson: Cest

    lensemble des pratiques de lenseignant visant ltablissement dun climat favorable aux

    apprentissages des lves 15.

    A partir des recherches faites sur la question de lautorit, je me suis fait ma propre dfinition

    dun bon climat de classe. Il sagirait donc dune ambiance de relations humaines (qui vise

    ladhsion) qui serait favorable lapprentissage. Cela tant dit, cette ambiance doit reposer

    sur la notion fondamentale de respect mutuel. Ce respect nest certes pas propre la classe

    mais la vie au collge de faon plus gnrale comme le stipule le rglement de

    ltablissement :

    - la gratuit de lenseignement,- la neutralit et la lacit- le travail, lassiduit, la ponctualit- le devoir de tolrance et de respect dautrui dans sa personne et ses convictions,

    14

    Dictionnaire historique de la langue franaise (D.H.L.F.)Le Robert, dir. Alain Rey, Paris, Dictionnaire leRobert, 1995, vol.1 (A-L), p. 14715 Lemasson (P.M.), Caf pdagogique n31, annexe 2.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

    17/57

    - lgalit des chances et de traitement entre les filles et les garons et la garantie de protectioncontre toute forme de violence psychologique, physique ou morale .

    Chacune de ces rgles sous-tend cette notion : en effet le travail nest-il pas une manifestation

    de respect envers soi-mme ? La ponctualit, envers le professeur ? La tolrance, envers ses

    camarades ?

    Jai voulu que mes lves prennent conscience de leur manque de respect envers leurs

    camarades, envers le professeur lorsquils sinsultaient et faisaient du bruit. Mon premier axe

    dapplication a donc t dapaiser les tensions existantes entre les lves ; puis, aprs avoir

    abandonn le rgime autocratique , de mieux les impliquer dans le respect quils devaient

    avoir du rglement.

    2.2.1. Apaiser les tensions entre les lves.

    Pour amliorer lambiance de la classe et notamment faire cesser les remarques dplaces que

    javais pu entendre durant les premires semaines, ma priorit a t de tenter dapaiser les

    tensions entre mes lves. Jai choisi, sur les conseils de ma tutrice, ds le mois de septembre

    de placer moi-mme les lves dans la salle, ou plutt dans les salles selon lordre

    alphabtique. En effet, je fais cours dans trois salles trs diffrentes quant leur disposition

    (une salle de langue, une dhistoire gographie et une enfin, de physique chimie). Cependant,

    les lves mcontents de leur place, en ont chang de faon particulirement efficace. Cela a

    commenc par deux lves au nom de famille commenant par la mme lettre qui ont

    interverti leur place, puis sont passs au rang de derrire, prtextant la confusion due aux

    changements de salle. Un mois plus tard, les groupes dagitation se sont reconstitus. Jai

    donc d me montrer trs rigoureuse et vigilante. Aprs mre rflexion, jai pris le parti de

    casser les groupes dagitation en prenant garde dviter la naissance de nouvelles tensions.

    Jai remarqu trois groupes dagitation dans la classe, un constitu essentiellement de filles,

    un autre de garons et un troisime mixte mais particulirement soud. Ma mthode a donc

    globalement consist loigner chacun des membres de ces groupes en les mlant aux autres.

    Jai pris soin de regrouper les leaders de chacun des groupes et ainsi de suite. Les places

    proximit de mon bureau ont t rserves aux lves que jai trouvs particulirement agits.

    Afin de parer tout dplacement mme discret, jai fait des plans de classe trs prcis pour

    chacune des salles- par la suite jai eu loccasion den vrifier les bienfonds. Les tensions se

    sont effectivement apaises jusquen fvrier ; cependant nous sommes au mois de mars, et je

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    pense que des rajustements simposent encore, car les affinits dominantes ont volu dans

    la classe.

    2.2.2. Etablir un code de conduite. Apprendre vive en classe, cest apprendre vivre en socit 16. Lcole est donc un lieu

    o les lves doivent acqurir la matrise dun certain nombre de rgles. Il tait donc temps

    pour moi de rflchir ltablissement dun code de conduite. Nous avons vu prcdemment

    que, chez certains lves de ma classe, le cadre de la famille ne fonctionne pas. Cependant il

    me semble que cest la mission de lcole de rtablir ces lois, ces rgles, et en consquence

    que je dois y prendre part. En outre, Jean-Franois Blin souligne que les rgles et leur

    respect permettent de dvelopper le sens des responsabilits et la construction dune

    thique. Lcole est donc un lieu dapprentissage de la dmocratie et cela suppose que les

    lves participent llaboration des rgles. Cela tant, cette construction collective ne peut

    tre la dmocratie puisque les enseignants dtiennent un pouvoir institutionnel- qui leur

    permet dassurer la responsabilit des apprentissages. Jai donc pris la dcision dtablir un

    code de conduite. Je me suis accorde une heure durant laquelle jai propos aux lves de

    rflchir leur attitude en classe17. Les remarques les plus rcurrentes ont t : Il y a trop de

    bruit . Je leur ai ensuite demand de rflchir lamlioration des conditions de travail. Jai

    relev au tableau toutes les remarques qui me semblaient pertinentes, lexemple de :

    - on doit moins parler,- on doit moins bouger,- on doit avoir toutes nos affaires.

    Ces quelques pistes, donnes par mes lves, mont fourni le support ltablissement dun

    code de conduite en classe. Je suis partie de leurs propres observations, de leurs propres

    suggestions pour tablir ce code. Il a ensuite fallu rflchir aux sanctions18 car je me doutais

    bien quelles ne seraient pas respectes par certains irrductibles. Suivant la mthode de leur

    professeur dhistoire/gographie et leurs propositions, je leur ai attribu une note de

    comportement en classe. En dbut de trimestre, chaque lve a eu vingt sur vingt et perdait

    un quatre points selon la gravit de la transgression la rgle suivant le modle ci-dessous :

    16 Jean Franois Blin, ibid.17 Annexe 3 : exemples de fiche remplie par les lves.18 Il sagit prsent de sanctions et non plus de punitions dans la mesure o un cadre a t tabli. La sanction se

    fonde sur la transgression dune rgle (sancire en latin : tablir une loi) et a pour finalit de la rhabiliter. Alinverse, la punition (driv du latinpoena ( chtiment) et du grecpoin ( prix du sang)) cherche faire subirle coupable pour quil expie sa faute.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    Je perds des points chaque fois que je transgresse une des rgles du cours de franais. Voici le barme :

    1 point - chaque fois que le professeur me demande de me taire lorsque je bavarde,

    - si je prends la parole sans en avoir eu lautorisation

    2 points - si je me lve sans en avoir reu lautorisation du professeur3 points - si je lance des projectiles (gomme, stylo ou autres) en classe

    4 points +exclusion

    - si je manque de respect (insulte) envers lun de mes camarades ou le professeur.

    Un exemplaire a t distribu chaque lve et figurait bien en vidence aprs la page de

    garde de leur classeur, pensant ainsi que mes lves le verraient au dbut chaque sance. Jai

    connu mes premires dsillusions car ce systme a atteint trs -trop !- rapidement ses limites.

    En effet il a fallu que je fasse preuve dune trs grande rigueur et dune absolue vigilance.Non seulement je me devais davoir un regard trs aiguis sur la classe mais encore cocher

    des dizaines de cases chaque sance. De plus, si le fait de garder une bonne note a pu avoir

    de linfluence sur une bonne partie de la classe, quelques coriaces se sont au bout dun

    mois retrouvs avec des notes infrieures 0 atteignant au bout de deux mois des abysses,

    lexemple dAnthony qui, la fin du mois de novembre, avait 35. Ce dernier ne semblait

    pas perturb par cette note qui gonflait ngativement et irrmdiablement de sance en

    sance. Au contraire, il sest fait une fiert de cette note record et sest appliqu

    conserver sa premire place. II a donc fallu que je trouve une autre mthode. Aprs les

    vacances de Nol, jai modifi mon systme de sanctions. Jai pris le parti dassocier sanction

    et franais. Afin que llve en comprenne bien le motif, plutt que de lui donner des

    exercices supplmentaires qui auraient t laborieux mettre en place, jai prpar des fiches

    dcouper sur le modle suivant:

    Je nai pas respect une rgle du cours de franais. Pour cela, je dois conjuguer la phrase :

    .. toutes les personnes aux temps suivants : prsent, pass compos, imparfait et pass simple. Je ferai signerma sanction par mes parents.

    Je demande aux lves de faire cette sanction en saidant du Bescherelle quils ont

    disposition au CDI ou de leur manuel de grammaire. Pendant la sance, lorsquun lve

    transgresse une des rgles, je rcupre son carnet pour lui signaler son cart de conduite ;

    puis, en fin dheure afin de ne pas arrter mon cours et dviter de perdre lattention des

    autres lves je remplis cette petite fiche avec la punition la plus approprie au

    comportement. En outre tant donn qu la runion parents/professeurs je nai rencontr que

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    cinq parents dlves et dans une volont de les impliquer bon gr mal gr cette ducation,

    je leur demande dapposer leur signature. Cest ainsi et cela a t pour moi une petite

    victoire - que jai reu un mot de la part des parents de Mathias. Ils me promettaient de

    veiller ce qu lavenir leur enfant ait un comportement acceptable en classe19.

    Effectivement durant les sances suivantes, Mathias ne ma plus pos de problmes, lui qui

    dordinaire est particulirement agit. Il sait pertinemment non seulement quelles sont les

    rgles ne pas transgresser mais encore quil sera doublement puni : la fois par ses parents

    et par moi.

    Ce code a paru convenir tous les lves parce quon lavait fait ensemble et parce quil avait

    marqu dune certaine manire le passage dun rgime autocratique une vie plus

    dmocratique avec des rgles institues et acceptes par tous. Ce systme mis en place au

    dbut du mois de janvier a bien fonctionn jusquaux vacances de fvrier, cependant lheure

    quil est, ils commencent sen lasser. Il me faut donc, dans les semaines venir, rflchir

    un autre dispositif.

    2.3. Eduquer et transmettre un savoir : les enjeux de la communication

    orale.Partant de la rflexion mene par Jean-Franois Blin20, selon laquelle la classe est non

    seulement un lieu dapprentissage des savoirs scolaires, mais aussi un espace o sinstaurent

    des relations et o les lves apprennent sinscrire dans une collectivit, cest--dire se

    socialiser, jai pris le parti de les socialiser en leur apprenant comprendre les enjeux de la

    communication orale. Cet axe de travail allait me fournir un autre support pour remdier aux

    problmes de respect.

    2.3.1. Comment parler ?

    A. Bentolita, dans un article21 intitul Les faux-semblants du franais branch exprime le

    souhait que lon aide les individus, les jeunes notamment, sortir de leurs usages minimaux

    du langage oral. Il situe les enjeux un niveau social, faisant le lien entre usages insuffisants

    du langage et comportements agressifs.

    19

    Annexe 420 Ibid., p.78.21 Le Monde, 26 mai 1998, p.17

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

    21/57

    Devient alors trs difficile toute tentative de relation pacifique, tolrante et matrise avec un monde devenuhors de porte des mots, indiffrents au verbe. Cette langue, en effet, na pas le pouvoir de crer un temps desereine ngociation linguistique propre viter le passage lacte et laffrontement physique. Elle est uninstrument dinterpellation et dinvective qui banalise et annonce le conflit plus quil ne le diffre.

    Il serait donc souhaitable denseigner loral, si lon veut un moyen de combattre lesphnomnes de violence. Concrtement dans la classe, jai pu remarquer que les lves

    loral employaient un niveau de langue familier, aux nombreux ta gueule , sensuivaient

    les tu me fais chier , entranant trop souvent un rapport conflictuel entre eux. Certains ne

    mesurent pas les consquences des mots dans la mesure o ils les emploient quotidiennement

    avec leurs parents et leurs camarades. Steven, par exemple, un jour ma dit a me casse les

    couilles me signifiant par l quil ne voulait pas me remettre son carnet de liaison et quil

    ne voulait pas tre puni. Agace par ces propos pour le moins dplacs, je lai mis la porte.

    Lorsque je lai retrouv la vie scolaire, je lui ai demand de rflchir son exclusion. Il ma

    rpondu quil navait pas compris quelles en avaient t les raisons. Surprise et mfiante, je

    lui ai laiss quelques minutes mais rien ne lui est revenu. Je lui ai donc rpt sa phrase : a

    me casse les couilles . Il ma regard dun air hbt. Je lui ai alors demand sil ne voyait

    pas dinconvnient parler en ces termes son professeur. Il ma dit que non. Jai tout

    dabord pens quil se moquait ouvertement de moi, mais aprsavoir lu sa lettre dexcuses-

    que javais exige avant de le reprendre en cours- jai compris que parler en ces termes lui

    tait tout fait naturel. Cela ltait aussi pour bien dautres lves de ma classe.

    Mon objectif a donc t de les amener un meilleur usage de la langue. Dans un premier

    temps, loral, lorsque je reprais des phrases de ce type, je le soulignais par cette simple

    remarque on ne doit pas dire, mais on doit dire ! en leur donnant une formulation

    dans un autre niveau de langue. Mais cela na eu que trs peu deffets. En effet, je pense que,

    comme le souligne Bruno Maurer22, ce discours tait stigmatisant et moralisateur . Jai

    compris par la suite, que cette mthode ne devait qutre voue lchec.

    Dans un deuxime temps, jai choisi de reprendre avec ma classe la situation dnonciation.

    En guise dexercice dapplication la leon, en cours de soutien, je leur ai propos de

    reformuler plusieurs phrases : demander ce que lon te prte un stylo, demander ce que

    lon te rendre un stylo, remercier la personne qui ta prte le stylo, etc. Je leur ai nonc un

    certain nombre de destinataires (camarades, parents, le Principal) et leur ai donn des

    indications sur le lieu o lnonc devait tre produit (cour de rcration, salle de classe, etc.).

    22 Maurer (B.), Une didactique de loral du primaire au lyce, Parcours didactique, B. Lacoste, Paris, 2001, p.48.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    Leur formulation allait de file-moi ton stylo pourrais-je vous emprunter un stylo, sil

    vous plat .

    Mon troisime axe dapplication a t de reprer les rflexions qui pouvaient enclencher des

    ractions agressives, puis den faire prendre conscience llve pour enfin lamener

    reformuler. Ainsi, durant une sance, jai pu entendre Joy dire : Ta gueule, Anthony ! . Jai

    alors arrt le cours et demand Anthony de dire : Ta gueule, Joy . Je lai alors

    interroge sur sa raction cet ordre. Elle ma rpondu : Il magresse . Jai ensuite

    propos lensemble de la classe de trouver une autre formulation moins porteuse de conflit

    et Yannick a propos : Sil te plat, Joy, pourrais-tu te taire ? . A prsent, jentends certes

    encore des ta gueule , mais un simple regard suffit pour que llve se reprenne

    immdiatement : Ah oui ! jai oubli ! Pourrais-tu te taire, sil te plat ? . Au lieu

    dentraner des tensions, cela les amuse de prendre un air rvrencieux et un ton prcieux en

    formulant leur demande ; linterlocuteur, quant lui, samuse de ce jeu. Cette technique

    permet de dvelopper une complicit entre les lves par le biais du jeu et de fait dapaiser

    les tensions existantes et de fonder le groupe-classe.

    2.3.2. Apprendre couter et couter pour apprendre.

    Corollaire de loral, lcoute occupe une place tout aussi essentielle dans les programmes du

    franais au collge. En effet, de la sixime la troisime, les programmes officiels soulignent

    que llve doit savoir couter . Cependant, cest un acte que lenfant effectue au

    quotidien, lorsquil coute la tl, la radio, ses camarades, etc. Lenseignant doit donc lui

    apprendre mieux couter. Partant aussi du principe qu couter ce que dit lautre, cest lui

    reconnatre une place, une existence donc un premier pas vers le respect , jai pris le parti de

    mettre en place des activits cadres au cours desquelles les lves allaient devoir couter.

    Pour mener bien cette exprience, il a fallu dans un premier temps que je rponde cette

    question fondamentale que les lves se posaient : pour quoi couter ? .

    - Ecouter pour valuer ses camarades.

    Pour remdier aux problmes de communication entre les lves, pour que chacun puisse

    sexprimer sans tre interrompu et afin de susciter le respect entre les lves, jai dcid au

    mois doctobre dimpliquer les lves dans lvaluation orale de leurs camarades. En effet, je

    leur avais demand de prparer, par groupe de trois ou quatre, la lecture des fabliaux que nous

    navions pas tudis en classe. Le jour de lvaluation orale venu, jai demand aux lves de

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    rflchir sur ce quils attendaient de chacun des groupes qui devait passer devant eux. Nous

    avons donc tabli ensemble une grille de notation :

    Lecture /2 Ton /2 Srieux /2 Gestes /2 TOTAL

    Je leur ai expliqu que jattendais une implication de chaque lve puisque je leur demandais

    dvaluer chaque groupe sur 8. Pour ma part, jai not limplication de chacun dans cette

    activit sur 12. De cette faon, je me suis assure que les lves se sentant investis dune

    mission- seraient attentifs et ninterrompraient pas leurs camarades. Le rsultat a t

    satisfaisant. En effet, lors du passage du troisime groupe, Julien P. ma fait remarquer que

    ses camarades navaient pas t srieux dans leur travail et par consquent quils ne mritaient

    pas une trs bonne note. En ralit les lves y ont vu dans le silence et dans lcoute quils

    accordaient leurs camarades une marque de respect et ont t trs sensibles ce que les

    lves qui passaient loral fassent preuve de srieux, marque de respect quils attendaient en

    retour. Cet exercice oral et lvaluation ont eu lavantage de permettre une prise de

    conscience de limportance de lcoute et de la prise de parole face un public. Gnralement

    les lves ont trs bien valu leurs camarades. Il est bien vident que ce type dexercice a eu

    un bienfait immdiat. Puisquil a bien fonctionn durant ma deuxime squence, jai dcid

    de le renouveler mais avec des modalits diffrentes. Ainsi lors de ma squence n 4 surLes

    Fourberies de Scapin, je leur ai propos, en cours de soutien un travail dcriture qui aurait

    pour aboutissement une valuation orale. En effet, je leur ai donn un canevas de la

    commedia dellarte23 et leur ai demand dcrire quatre sayntes en groupes de quatre et de

    les jouer aprs correction devant la classe. Je nai pas mis en place de dispositif dvaluation

    des groupes mais comme ce travail avait t effectu par la classe entire, chacun a pu

    apprcier les travaux de ses camarades. Ainsi, un des groupes avait modifi le canevas initial.

    La consigne de dpart tait quil fallait quun valet ou une servante aide le jeune couple, or

    dans ce groupe ladjuvant aux jeunes amants tait la mre de la jeune fille. Dans un souci de

    comparaison avec leur propre travail, les autres groupes ont immdiatement repr la mprise

    de ce groupe. Un autre a eu lide dapporter des accessoires, ce qui a t trs apprci des

    lves.

    23 Annexe 5 : canevas de pice.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    Ces activits orales, qui ont pris diverses formes et dont le rsultat a t tout fait

    satisfaisant, ont eu pour intrtdapprendre aux lves couter leurs camarades. Cependant

    de telles activits ne sauraient tre applicables chaque sance.

    - Ecouter pour restituer lcrit.

    En dbut danne, ma principale difficult tait de mener bien une lecture analytique. En

    effet, mon cours tait parasit par un manque dattention vident, chacun vaquant dautres

    occupations. Sur les conseils de ma tutrice, jai opt pour le travail sur fiches. Pendant le

    premier trimestre et une bonne partie du second, chaque texte a correspondu une fiche24 sur

    laquelle taient notes les questions essentielles dans la dmarche de ma lecture analytique.

    Les lves formulaient les rponses oralement et compltent leur fiche au fil de la lecture

    analytique. A chaque verso figurait la synthse qui prend lallure de texte trous que les

    lves remplissent seuls la fin de la sance. Cette mthode a prsent bien des avantages.

    Tout dabord, elle a offert la possibilit aux lves de mieux suivre le cheminement de

    lanalyse du texte. Elle les a aussi impliqus puisquils devaient eux-mmes formuler les

    rponses, ce qui demandait de leur part de la concentration. Pour ma part, elle ma vite en

    dbut danne davoir me tourner vers le tableau et donc de garder un il sur la classe.

    Enfin elle ma permis, dune certaine manire, de pallier aux carts entre les lves qui

    crivaient vite et ceux qui taient plus lents.

    Cependant ds le mois de janvier les lves se sont lasss de ce support et certains se

    contentaient de recopier les rponses crites par leurs camarades. Jai donc d mettre en place

    un autre dispositif.

    Lors de la premire sance sur les Fourberies de Scapin, jai distribu la liste des personnages

    de la pice. Je leur ai demand dmettre des hypothses de lecture. Au tableau, jai not les

    lments cls de ces hypothses (Naples, Zerbinette, une gyptienne ? familles aises, etc.).

    Je leur ai indiqu, ds le dbut de la sance, quils allaient devoir crire un petit paragraphe laide de ces lments cls et, par consquent, tre trs attentifs. La sance fut une vritable

    satisfaction pour moi car non seulement les lves ont t calmes mais ils ont t, pour 15

    dentre eux, capables de me constituer un court paragraphe.

    Jai donc essentiellement travaill sur la question du respect pour rtablir le calme dans ma

    classe. Je tire aujourdhui des bnfices de ce travail de longue haleine en obtenant plus

    facilement le silence. Les lves sont un peu plus respectueux envers leurs camarades, envers

    24 Annexe 6 : exemple de texte ( Renart et Ysengrin dans le puits ) accompagn de sa fiche.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    moi, envers celui qui parle de manire gnrale. Cependant si le climat de la classe sest

    nettement amlior, les lves ne se mettaient toujours pas au travail.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    CHAPITRE 3

    REMOTIVER LES ELEVES

    Comme je lai soulign prcdemment, il ne suffit pas davoir le calme pour emporter

    ladhsion de son public. Il me fallait encore travailler le ct relationnel et les aider se

    mettre au travail.

    3.1. La relation enseignant/apprenant : une relation de confiance.

    3.1.1. Quand les apprenants ont confiance en lenseignant

    Je devais comprendre au mieux cette classe si je voulais emporter ladhsion de mon public.Jai tout dabord voulu faire voluer mes relations avec eux. Mais de quelle faon? Comment

    my prendre ? Cette remarque de Gilles Verbunt ma guide: Dans notre socit moderne, le

    dialogue est essentiel. Informer, expliquer, faire comprendre, raisonner, changer sont des

    oprations indispensables ds lors que lapprenant est cens intrioriser, donc sapproprier le

    respect des contraintes 25. Cependant, comment tablir un contact avec mes lves sans

    tomber dans un rapport trop familier que je redoutais tant? Comment garder une certaine

    autorit face la classe tout en parlant parfois de faon tout fait dcontracte ? Il fallait doncque ces changes soient, comme le souligne Martine Wirthner dans son article sur Loral,

    comme expression de soi et rapport lautre , limits, codifis afin dviter trop de

    distraction [] ou des risques dindiscipline. Ces changes informels, spontans, inattendus,

    font partie des relations humaines telles quelles existent galement lcole . Jai donc pris

    des moments pour discuter avec la classe, pour rpondre leurs questions, aux problmes

    quils pouvaient rencontrer. Jai choisi de le faire durant les heures de soutien, pensant ainsi

    que le nombre restreint dlves favoriserait la discussion. Un jeudi du mois de novembre, le

    Principal Adjoint est venu les sermonner sur le comportement quils avaient eu lheure

    prcdente en cours de mathmatiques. Aprs cette intervention, jai fait cours normalement

    et jai attendu lheure suivante de soutien pour avoir leur propre version des faits. Je leur ai dit

    que je leur accordais dix minutes en dbut dheure. Je leur ai indiqu que jacceptais de

    discuter la seule condition quils respectent les rgles de prise de parole (lever le doigt pour

    donner son opinion, ne pas interrompre ses camarades, etc.) Ils ont pu parler librement de

    leur attitude, rflchir au manque de respect dont ils avaient fait preuve envers leur

    25 Verbunt (G.),Les jeunes et lautorit, aspects culturels, C.N.D.P., 1998

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    professeur. Jai eu, ce moment, loccasion de leur demander pourquoi ils venaient lcole.

    Je leur ai fait remarquer que tous les enfants navaient pas la chance davoir un enseignement

    et quils devaient prendre conscience de cette chance. Je leur ai ensuite signal que les

    minutes imparties staient coules. A ma grande surprise, leur agacement li lheure

    prcdente est alors retomb, lambiance a t au travail. Cette premire exprience de

    discussion ma permis de raliser que considrer les lves comme des individus et non

    comme des lves qui ne connaissent quun vcu scolaire prts avaler notre

    enseignement, peut avoir des bnfices sur lambiance de travail. Prendre du temps pour les

    couter, pour discuter, pour tout simplement tablir des relations humaines allaient bientt

    fournir des rsultats sur le travail attendu. Le succs de cette premire exprience ma

    encourage la renouveler de temps autre durant les heures de soutien. Les sujets varient,

    cela peut aller dun questionnement sur leur avenir ( A quoi a sert telle ou telle matire

    puisquun jour je serai esthticienne ? ), une sance qui leur a pos problme ou encore

    lexplication de mon statut de stagiaire.

    Ds le dbut de lanne scolaire les lves ont su que jtais une stagiaire puisque leur

    Professeur Principal le leur avait dvoil. A une heure de soutien, lors dune de ces fameuses

    discussions, Audrey ma pos cette question: Mais Madame est-ce que vous tes un vrai

    prof ? Jai alors compris que les doutes mis par mes lves lors de certaines sances qui

    prenaient la forme de a ne sert rien ce quon est en train de faire ou encore cest nul

    a , pouvaient prendre leur source du fait que je navais pas vritablement le statut de

    professeur- leurs yeux ni aux miens-, que mon enseignement de facto pouvait tre remis en

    question. En outre, le statut des stagiaires non rmunrs tait alors dactualit. Ainsi, jai eu

    droit la remarque dHamza : Mais les stagiaires ne sont pas pays, je lai vu la tl . Les

    lves mavaient donc pris pour une tudiante, soumise je ne sais quelle autorit. Ils

    pensaient que le collge manquait de professeurs et que dans la mesure o leur classe tait

    difficile, on leur avait attribu un professeur au rabais pour combler leurs heures de franais.Jai donc attendu de me retrouver face la classe entire pour leur expliquer quon ne

    mettait pas nimporte qui, parmi la population, face des lves quils soient attentifs ou non,

    bon ou mauvais et quil fallait passer un concours. Le doute a persist et la premire question

    a t: Mais vous lavez eu ? . Lorsque je leur ai rpondu, jai vu un grand sourire

    safficher sur leur visage. Non je ntais pas une animatrice que lon avait affecte l pour

    combler leurs heures de franais, ils pouvaient ds lors avoir confiance dans le savoir que je

    leur prodiguais !

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    3.1.2. Quand lenseignant redonne confiance aux apprenants

    Face un public qui a t trop souvent confront lchec scolaire, et qui, par voie de

    consquence, manque de confiance en lui, jai pris le parti de mettre en place des activits

    visant (re)donner mes lves confiance en eux, moteur fondamental de la motivationcomme le montre la rponse dun lycen interview par G. Wiel 26 : Ce que jai appris de

    plus clair lcole cest que jtais un dbile . Lcole aurait donc mis mal la relation de

    soi soi, la foi que llve a en lui. Mais comment laider (re)trouver cette confiance ?

    - Porter un regard positif sur llve en difficult.

    La rflexion de Philippe Meirieu 27 ma fourni une premire piste de rflexion : Chacun

    connat des enfants qui ne demeurent cancres que par respect pour limage que leurs

    professeurs ont deux et quils ne peuvent faire mentir () moins quils ne rencontrent un

    regard positif et confiant, un adulte dcid tout faire pour les en sortir, et qui se sentent

    personnellement responsables de leur progression. Le regard du professeur jouerait donc un

    rle essentiel dans la confiance que llve a en lui. De mme si lon sen rfre A.H.

    Maslow28, le besoin destime quprouve ladolescent est fondamental dans la situation

    dapprentissage29. Ainsi, selon lui, llve peut tre amen modifier son comportement et

    ses rsultats si lenseignant porte sur lui un regard positif. Cette dynamique permet de

    restaurer la manire dont il se peroit, ce qui peut enclencher un processus de changement, il

    peut tre encourag en valorisant ses efforts. 30 Ainsi en dbut danne jtais

    particulirement inquite du cas de Yannick L. Cest un lve qui a trois ans de retard et de

    grandes difficults dans le maniement de la langue franaise. Au mois de septembre, il sest

    montr peu intress par le cours mais navait pas le mme comportement que les autres

    lves qui sagitaient sans cesse. Toujours rveur, il passait son temps scruter le ciel.

    Lorsque je linterrogeais, ses rponses vagues mindiquaient quil avait compltement

    dcroch du cours. Lors du premier conseil de classe, un des professeurs de la classe a fait

    cette rflexion: Il ny a rien faire avec lui, cest une catastrophe, il ne fait rien ! .

    Si ces propos mont interpelle, javais le mme sentiment. La semaine suivante, javais

    prvu de revoir les principaux signes de ponctuation en soutien. Jai dcid mettre en place

    26 Wiel (V.), ibid.27 Meirieu (P.),Le choix dduquer, Paris, ESF, 199128

    Maslow (A.H.),Motivation and personality, New York, Harper and Row, 197029 Annexe 7 : pyramide de Maslow sur les besoins du groupe classe.30 Auger (M.T.) & Boucharlat (C.), ibid.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    une pdagogie diffrencie en mettant en place des exercices31 adapts au niveau de chacun.

    Jai accord une attention toute particulire ceux que jallais lui proposer. Je savais quil

    avait des problmes faire des phrases courtes. Jai pris le contre-pied de son erreur et lui ai

    propos un exercice dans lequel les phrases taient trop courtes. En dbut dheure, je lui ai

    expliqu les raisons qui mavaient pousse lui donner cet exercice et lui ai donn les

    consignes en faisant la premire phrase avec lui. A la fin de la sance, il est venu me voir et

    ma dit: Madame, jai bien travaill, est-ce que vous voulez bien me mettre une note ?

    Etant donn que ctait la premire fois que je le voyais mettre autant dardeur dans un

    exercice, jai accept. Le rsultat objectivement na pas t trs rjouissant : aux nombreuses

    erreurs dorthographe se sont succdes des erreurs syntaxiques dues de mauvais

    dplacements de points. Cependant il fallait lui attribuer une note. Aprs maints et maints

    calculs, jai russi lui mettre 14, ce qui la rjoui puisquil ma confi que ctait la premire

    fois quil avait une aussi bonne note en franais. Voyant que ce type dexercice lui permettait

    davoir de meilleures notes et de fait quil reprenait confiance en lui, il a continu men

    rendre. Jai pu, de cette manire, le fliciter de ses efforts. Aujourdhui cet lve a encore de

    gros problmes. Je pense quil lui faudra encore beaucoup de temps et de motivation pour y

    remdier, mais il sintresse au cours et participe. Jai pu ds lors constater, malgr une

    mauvaise locution, quil avait souvent des analyses trs fines et pertinentes des textes.

    Cette exprience positive ma conforte dans lide que je devais ltendre la classe entire

    en qute de lidal de la classe motive.

    - Encourager les lves.

    Jai eu loccasion de le faire lors des corrections des copies et plus particulirement avec

    lapprciation. Dans mon parcours dlve, lapprciation sest toujours rduite TB ,

    B , AB , Moyen voire mdiocre . Il est bien vident que les apprciations

    positives taient encourageantes mais les deux dernires taient vcues comme deshumiliations, voire mme comme du ddain de la part du professeur qui me notait. Ne suffit-il

    pas davoir un 4 /20 pour savoir que ce que lon a fait est nul, mdiocre ? Pourquoi

    linscrire en rouge en tte de la copie ? Cest de ce sentiment que met en garde Jean-Yves

    Prochazka32 lorsquil affirme que porter une apprciation peut gnrer un conflit, certes

    entre celui qui le fait et celui qui la subit, mais aussi entre les acteurs de la classe . Me

    souvenant de ce que je pouvais ressentir un peu tard dans lanne- lorsque jtais lve, jai

    31 Annexe 8 : exercices proposs au groupe de soutien.32 Prochazka (J.Y.),Agir face la violence, Hachette Education, Paris, 1996, p.59.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    opt pour une apprciation plus constructive. Mon but tait de faire en sorte que llve

    puisse inscrire chaque devoir pour progresser je dois 33 ou encore pour avoir une

    meilleure note, je dois. . Jai adopt cette mthode pour la premire fois lors de la

    correction dun contrle de lecture surLe faucon dnich34 de J.C. Nogus. Prenons le cas

    dAudrey. Elle avait manifestement lu le livre puisquelle avait rpondu juste la majorit des

    questions. Cependant elle ne les avait pas formules par des phrases compltes, comme

    lindiquait la consigne. Elle a donc obtenu 8/20. Jai donc attir son attention sur ce point,

    afin quelle comprenne ce qui tait attendu delle pour cette valuation et lengager tre plus

    attentive lavenir.

    Par ailleurs afin dviter dattirer les conflits entre les acteurs de la classe 35, jai pris la

    rsolution de ne pas faire de commentaire oral sur les copies lorsque je les restitue aux lves.

    Je leur communique simplement la moyenne gnrale de la classe, afin quils sachent sils ont

    russi lvaluation ou non. En effet, au vu des carts de niveau qui existent entre les lves, je

    cherche viter que lensemble de la classe catgorise tel ou tel lve comme toujours

    meilleur et toujours plus nul . Ainsi, un devoir, Yannick L., que jai cit en exemple

    prcdemment, a obtenu la note tout fait honorable de 12 au lieu de ses 6 /7 habituels.

    Cette exprience na certes pas permis aux lves dans leur ensemble davoir de meilleuresnotes, mais de prendre conscience que ce nest pas parce que lon a rat un devoir que le

    professeur va nous cantonner dans la catgorie des nuls et de garder en tte que lon peut

    rater une valuation tout autant que la russir.

    - Crer des situations dinteractivit.

    Au quotidien, cela na pas suffi rsoudre les rflexions auxquelles javais droit lorsque je

    leur donnais un exercice faire. Trop souvent encore jentendais : Madame, je ne sais pasfaire voire encore Madame, je nai pas compris . Je me souviens quau mois de janvier,

    alors que je travaillais sur les propositions, Anthony, lve difficile et qui a du mal la

    comprhension des noncs, ma demand sil pouvait travailler avec son voisin. Jai accept

    et engag la classe en faire de mme. Le travail en binme a permis aux lves de

    sexprimer et a donn loccasion de confronter leur point de vue, corriger leurs erreurs et par

    l mme leur a donn plus de confiance en ce quils faisaient. Se sentant donc plus forts,

    33

    Cette mthode ma t fournie par mon tuteur lors de mon stage en lyce.34Annexe 9 : valuation propose aux lves.35 Prochazka (J.Y.), ibid.

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    ceux que je nentendais jamais ont os, au moment de la correction, prendre la parole. Ainsi

    plutt que de les mettre en situation dchec en leur demandant de faire ces exercices seuls,

    je les ai mis en situation de russite. Avec le temps je comprends que, pour certains lves,

    lexprience de russite entrane le dsir de russir, que tout est une question de confiance en

    soi.

    3.2. Donner du sens ce que lon fait.

    Jai eu affaire la question -oh combien gnante !- : Ca sert quoi ce quon fait ? . Les

    lves viennent en cours parce que cest le devoir de tout enfant de moins de seize ans de le

    faire mais pourquoi ? Cest donc la question : Enseigner le franais, pour quoi faire ? qui

    sest pose moi. Pour savoir parler, pour savoir crire, pour se forger un esprit critique etc.comme le soulignent les programmes officiels du cycle central. Lurgence a alors t de

    donner llve le sentiment quil ne venait pas en classe pour faire passer le temps mais

    pour apprendre. Mais apprendre quoi ? Comment mettre en relief ce quils apprennent ?

    3.2.1. Des projets, des objectifs pour tre motiv 36

    Comme le souligne Didier Pleux, pour motiver un enfant, il faut lui donner les objectifs

    quon se propose de lui faire atteindre. En classe, jai donc travaill mieux les impliquerdans ces objectifs, cest--dire les rendre actifs, en leur annonant en dbut de squence les

    objectifs, et en dbut dheure, lobjectif de la sance afin quils sachent exactement o je

    voulais les mener. Cependant je nai pas eu entire satisfaction de la part de mes lves. Jai

    donc, sur les conseils dune de nos formatrices, partir de la troisime squence, distribu au

    moment de la prsentation de la squence, son plan ainsi que tous les objectifs programms.

    Je voulais qu chaque sance ils puissent savoir o nous en tions. Comme jai pu le

    constater, ils apprcient de savoir ce que lon va faire et cela leur donne lillusion dtre

    impliqus dans le cours, mme sils nont pas le choix.

    3.2.2. Des objectifs pour la lecture

    En dbut danne, je distribuais le texte lire et laissais ma classe quelques minutes pour la

    lecture. Les lves savaient alors quil leur fallait lire le texte mais, pourquoi lire le texte ?

    Aprs relecture haute voix, je posais les questions sur le texte et les lves ne comprenaient

    pas trs bien o je voulais les mener. Ils avaient lu certes, mais que fallait-il retenir de cette

    36 Pleux (D.), Peut mieux faire , Remotiver son enfant lcole, Odile Jacob, 2001, p.97.

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    lecture ? Par consquent, je les mettais en difficult ds que je leur posais des questions de

    comprhension. Sur les conseils de ma tutrice, jai tent lexprience de leur poser une

    question sur le texte afin de prparer ma lecture analytique. Au cours de ma squence sur le

    Roman de Renart, aprs leur avoir donn le texte intitul Renart et les anguilles 37, jai

    crit la question suivante au tableau : Renart : animal ou humain ? Je voulais travailler

    avec eux sur la personnification. Je leur ai laiss quelques minutes de lecture. Je leur ai

    ensuite rpt la question. Chacun, ayant t orient par elle, a voulu y rpondre. Cela a donn

    ainsi lieu un dbat assez houleux sur la vritable nature de Renart : dun ct Hamza et une

    minorit rptaient sans cesse mais nimporte quoi, regardez, il habite dans une maison,

    cest un humain et de lautre Mathias et le reste de la classe affirmaient que ctait un

    animal puisquil avait des pattes, quil tait poilu etc. Certes les lves se sont emports dans

    un dbat improvis, mais jai t particulirement satisfaite parce que ctait la premire fois

    quils simpliquaient autant dans un texte. Lexprience est donc devenue une habitude.

    3.2.3. Souligner lenchanement logique des sances.

    Cela permet tous les lves de se remmorer ce qui a t fait et ainsi de mettre en valeur la

    cohrence de lenseignement. De plus, cette mthode favorise la concentration de la classe en

    dbut de sance. En dbut danne, je reformulais moi-mme les leons abordes lors des

    sances prcdentes mais je me suis aperue quen demandant aux lves de le faire, je

    pouvais valuer leurs acquis sur la squence et corriger ce qui avait t mal ou pas compris.

    La question que je pose en dbut de cours nest pas destine un seul lve, clou au pilori

    chaque entre en classe, mais lensemble de la classe. Un lve donne donc ce quil a

    retenu, un autre complte etc. Ainsi, lors de ma squence sur la description intitule

    Lapptit vient en lisant , je leur ai demand au cours de la deuxime sance de se

    remmorer la leon aborde la veille. Nous avions tudi la description objective. Pauline ma

    dit : Hier, on a vu que la description tait objective , Kvin a surenchri : Le narrateur a

    dcrit avec la vue , Yannick a rajout : Il a dcrit le giroflier tel que nous on peut le voir .

    Lobjectif de ma sance tait dtudier le texte subjectif. Javais comme support un texte

    dAndre Chdid que javais intitul Souvenirs de viandes... 38. Le travail de comparaison

    avec les textes abords lors de la sance prcdente leur a permis de reprer la subjectivit du

    texte trs rapidement.

    37 Annexe 10 : texte Renart et les anguilles .38 Annexe 11 : texte Souvenirs de viandes .

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    Jai constat, aprs avoir mis en place tous ces dispositifs, que les lves taient globalement

    plus attentifs et participaient plus. En effet, jai appris les mettre au centre de leurs

    apprentissages et leur faire construire par eux-mmes le savoir grce des dmarches qui

    les impliquent davantage dans le cours de franais. Antoine de la Garanderie39 considre cette

    implication comme facteur fondamental de la motivation : Le secret de la motivation nest-

    il pas de saviser ou daccepter de reconnatre quon peut apporter lavenir cette note

    personnelle ? Jai donc aid mes lves devenir auteurs deux-mmes .

    3.3. Eviter lennui.

    Arrive un certain quilibre avec ma classe, il a fallu que je travaille maintenir cette

    ambiance. Jai appris avec le temps que lorsque mes lves se lassent parfois troprapidement- ils redeviennent rapidement insupportables. Il a donc fallu tout au long de

    lanne que jvite de ritualiser mes cours. Jai eu loccasion de constater que lorsque je les

    surprenais en leur proposant des activits nouvelles, leur motivation au travail tait plus

    grande. Je me suis donc applique introduire de la varit tant dans les sances quentre les

    squences, tant dans les supports que dans les dispositifs que jai mis en place.

    3.3.1. Mettre de la diversit dans le projet pdagogique.

    Le programme de cinquime en franais est principalement ax sur le Moyen ge. En dbut

    danne, je me faisais une ide de mon projet pdagogique. Jai envisag lenchanement de

    mes premires squences de cette manire :

    Squence 1 : Revoir les lments constitutifs du rcit travers la thmatique du loup (G.T.) ;Squence 2 : Dcouvrir le Moyen ge travers ltude de fabliaux (G.T.);Squence 3 : Rire pour se moquer, la satire travers ltude de quelques pisodes duRomande Renart(G.T.) ;Squence 4 : Le rire dans la farce,La farce de Matre Pathelin (O.I.) ;

    Squence 5 : Aborder la description : la description de chteaux mdivaux (G.T.);Squence 6 : Etudier un roman de chevalerie : Yvain, Le Chevalier au Lion (O.I.).

    A la fin de la troisime squence, lorsque je leur ai annonc le titre de la squence que

    jenvisageais alors, Jrmy et Kvin mont dit : Oh non ! encore du Moyen ge ! , jai

    alors demand lensemble de la classe sils taient daccord avec les deux contestataires. Ils

    mont tous rpondu oui . Dsireuse dtre attentive aux besoins des lves, jai modifi

    mon projet, de faon viter denchaner plus de deux squences sur la mme

    priode historique:39 Antoine de la Garanderie, La motivation, Son veil son dveloppement, Bayard Edition, 1996

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    Squence 4 : Rire au thtre travers ltude des Fourberies de Scapin (O.I) ;Squence 5 : Un groupement de textes pour aborder la description (G.T.);Squence 6 : Dcrire dans le rcit (G.T.) ;Squence 7 : Etudier un roman de chevalerie : Yvain, Le Chevalier au Lion (O.I.).

    La squence 6, qui a eu pour objectif dtudier la description dans le rcit ma permis donc de

    revenir lors de la septime squence sur ltude dun roman de chevalerie qui est

    recommande par les programmes de la classe de cinquime. Dune certaine manire, je leur

    ai vit davoir limpression que nous tudions toujours la mme chose puisque chaque

    squence leur permet daborder des notions diffrentes, des poques diffrentes (notamment

    avec les squences sur la description).

    3.3.2. Varier les activits au cours de la sance.

    En dbut danne, une lecture analytique durait une heure entire et je me suis rendue compte

    que, durant le dernier quart dheure, les lves montraient des signes de lassitude. La

    difficult que jai alors rencontre tait de raccourcir mes lectures analytiques. Il a fallu que

    je repense mes cours de faon intgrer au sein dune mme sance lecture, oral, criture de

    faon varier les activits. Les fiches mont aide rsoudre en partie ce problme. Etant

    donn que je ny faisais figurer que les questions essentielles de la dmarche, je pouvais,selon le temps dont on disposait, soit approfondir, soit laisser de ct certains aspects du texte.

    Jai pris lhabitude de leur donner chaque fin de sance soit des exercices dapplication aux

    leons qui venaient dtre tudies, soit de leur demander de produire leur tour un court

    texte. Par exemple, lors de la squence intitule Lapptit vient en lisant , la fin de la

    premire sance au cours de laquelle nous avions tudi la description objective, je leur ai

    propos cet exercice dcriture :

    Sur le modle du texte 2, dcris une orange en trois ou quatre phrases. Voici une liste de mots, toi de voirlesquels tu peux utiliser : oranger, savoureux sphrique, jaune, disgracieux, corce vsiculaire, belle, pulpe,odeur, pigment de rouge, tranches.

    Dune manire gnrale, les lves, au moment des exercices, ont t plus attentifs, donc plus

    calmes.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    3.3.3. Varier les supports.

    La discipline du franais offre la chance aux enseignants de pouvoir utiliser un certain nombre

    de supports. Outre le texte, qui occupe videmment une place de choix dans mes cours, jai

    eu loccasion de recourir dautres supports comme limage ou le film. Jai pu constaterquen gnral les lves taient bien plus attentifs lorsque je leur prsentais ces supports.

    - Limage

    Elle a pu servir pour aborder la fonction illustrative de limage. En effet aprs avoir tudi

    Le loup devenu berger de Jean de La Fontaine, nous avons tudi lillustration de

    Gustave Dor. Jy ai eu recours aussi avant daborder une notion, comme la personnification

    au cours de ma squence sur leRoman de Renart40. Je me suis alors servie de lillustration de

    Benjamin Rabier. Je leur ai demand dobserver notamment lhabitat du goupil et de le

    comparer son physique et ses postures dans chacune des vignettes. Lutilisation de limage

    a aussi pu servir entrer dans un texte difficile, lexemple de la fable intitule Le renard

    et le loup 41 . La lecture de limage a permis une comprhension pralable du texte.

    - Ladaptation filmique

    La langue de Molire tant difficile daccs pour une classe de cinquime dun faible niveau,

    jai d avoir recours ladaptation filmique de faon massurer que les lves avaient bien

    suivi lintrigue. Beaucoup staient plaints de navoir pas compris la pice. Le CDI ma

    fourni la cassette de ladaptation filmique de Coggio. Je leur ai fait visionner la cassette au fil

    de notre progression. Cela ma permis dalterner, sances de travail sur le texte et de travail

    sur les images, et de les garder en haleine car cette squence na pas eu un franc succs. En

    effet, lintrigue tait particulirement complexe pour eux.

    Au fil du temps, jai pu vrifier que de la varit nat lintrt des lves, de lintrt nat le

    calme et lenvie de travailler.

    40 Annexe 12 : planches de Benjamin Rabier.41 Annexe 13 : Fable et illustration, Benjamin Rabier.

  • 7/27/2019 Mettre la classe au travail, entre autorit et pdagogie

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    CONCLUSION

    En dfinitive, pour mettre mes lves au travail, jai d acqurir deux qualits qui mont

    sembl complmentaires. En effet, je me suis construite une autorit ferme et juste, et, dans le

    mme temps, jai appris mettre de la diversit dans mes dmarches pdagogiques. Pour

    cela, jai expriment diffrentes manires dtre et propos des activits et des supports plus

    adapts mon public. Les rsultats de ce travail de longue haleine ont t satisfaisants car les

    lves ont amlior leur comportement et leur attitude au travail. Leur intrt, leur

    participation et leur travail sont plus consquents.

    Jai aussi appris quenseigner dans une classe difficile ntait pas une exprience ngative,

    mais une aventure humaine. Jai compris que bien souvent lindiscipline, lagressivit et lerefus de travailler taient des symptmes de souffrance des lves. Ils ont donc besoin dtre

    reconnus, couts, aids. Ce besoin combl, une relation de confiance stablit et le travail se

    fait plus efficace.

    Cependant je sais quavec cette classe, lquilibre nest jamais garanti. En effet, aucune

    situation ne peut tre durablement stabilise, aucune norme ne peut tre dfinitivement

    reconnue, aucune classe ni aucun lve ne peuventtre considrs comme tant gagns de

    manire durable, les preuves sont sans cesse reconstruire 42

    . De nouvelles expriencesdevront ainsi me permettre de consolider les acquis, de maintenir des conditions favorables

    leur apprentissage.

    42 Davisse (A.) et Rochex (J.Y.), Pourvu quils mcoutent , Discipline et autorit dans la classe, Paris,1995, p.181.

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