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1 Microfinance basée sur l’épargne: Introduction pour LACRO (Des membres d’un groupe communautaire d’épargne et de crédit interne en Haïti partagent leur expérience avec des visiteurs du CRS. Photo : Kim Wilson) March 2008

Microfinance basée sur l’épargne · régionaux à l’étranger travaillent actuellement à l’élaboration d’un curriculum complet sur l’épargne (qui doit être achevé

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Microfinance basée sur l’épargne: Introduction pour LACRO

(Des membres d’un groupe communautaire d’épargne et de crédit interne en Haïti partagent leur expérience avec des visiteurs du CRS. Photo : Kim Wilson)

March 2008

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TABLE DES MATIERES Liste des abréviations 1 Au sujet de ce document 2 Introduction à la microfinance basée sur l’épargne 3 Principes : de quoi il s’agit 6 Pratiques : Comment ça marche (quand ça marche bien) 11 Potentiel : Ce qu’elle peut réaliser 17 Ressources supplémentaires 23

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LISTE DES ABREVIATIONS ASCA Associations d’épargne cumulative et de crédit CGAP Groupe consultatif d’assistance aux pauvres CIAT Centre international pour l’agriculture tropicale CMLF Fonds de crédit gérés par les communautés DHI Développement humain intégral DRD Directeur régional adjoint EARO Bureau régional pour l’Afrique de l’Est LACRO Bureau régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes MFI Institution de microfinance NABARD Banque nationale pour l’agriculture et le développement rural NRM Gestion des ressources naturelles PQ Qualité des programmes ROSCA Associations d’épargne et de crédit par rotation RII Institut pour l’innovation rurale RTA Conseiller technique régional SHG Groupe d’autopromotion CECI Communautés d’épargne et de crédit interne VSLA Association villageoise d’épargne et de crédit WEP Programme d’habilitation des femmes

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AU SUJET DE CE DOCUMENT Ce document a été élaboré par le bureau régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (LACRO) pour répondre à des questions fréquemment posées par les employés sur le terrain de Catholic Relief Services (CRS) à propos des approches de la microfinance basées sur l’épargne : Qu’est-ce que la microfinance basée sur l’épargne? Comment fonctionne-t-elle? Quels avantages représente-t-elle pour notre bureau de pays? Comment pouvons-nous l’intégrer dans nos programmes? De quelles ressources pouvons-nous disposer pour cela? Ce document n’est pas conçu comme un guide opérationnel pour le terrain, ni même comme une revue complète de la littérature sur le sujet, mais plutôt comme une brève introduction aux concepts clés, aux possibilités et aux difficultés de la microfinance basée sur l’épargne. Il identifie les principes et les pratiques communs à la plupart des modèles de microfinance basée sur l’épargne et décrit le potentiel de cette approche pour le développement et ses implications programmatiques. Les guides pour le terrain inclus ici en ressources supplémentaires contiennent des directives spécifiques permettant de mettre en œuvre des services financiers communautaires pour les pauvres. Ce document est basé sur trois catégories de ressources : (1) documents internes élaborés par le personnel du CRS pour être utilisés sur le terrain, (2) documents qui ont été élaborés par d’anciens employés du CRS et/ou qui décrivent des programmes appuyés par le CRS et (3) la littérature primaire et secondaire sur le sujet tirée d’autres sources professionnelles et universitaires. Le document s’achève sur une liste de ressources auxquelles se référer, dont des guides élaborés par le CRS et d’autres organisations, qui sont inclus en annexes. Nous voudrions remercier pour leurs contributions Kim Wilson, ancienne Directrice régionale adjointe (DRD) du CRS pour la qualité des programmes (PQ) en Asie du Sud et travaillant actuellement à l’Université Tufts, Guy Vanmeenan, actuellement Conseiller technique principal pour la microfinance, basé au bureau régional pour l’Afrique de l’Est (EARO) et Matt MacGregor, ancien consultant au CRS/LACRO. Ce document se base en grande partie sur leur travail dans ce domaine. De plus, les cadres techniques de microfinance à Baltimore et dans d’autres bureaux régionaux à l’étranger travaillent actuellement à l’élaboration d’un curriculum complet sur l’épargne (qui doit être achevé mi-2008) qui sera hébergé, avec des ressources de plus en plus nombreuses sur la microfinance basée sur l’épargne, dans le Centre d’apprentissage sur les moyens d’existence de LACRO, un centre de ressources sur Internet devant être inauguré en 2008. De plus, le personnel de microfinance à Baltimore et EARO travaillent en proche collaboration avec le DRD/PQ de LACRO pour organiser un atelier régional sur la microfinance basée sur l’épargne pour LACRO en mars 2008 (les détails seront fournis le moment venu). En attendant, nous espérons que ce document et les ressources qu’il recommande répondront à un certain nombre de vos questions et aux préoccupations qui ont été exprimées dans la région par rapport à cette approche. N’hésitez pas à vous adresser à Michael Sheridan, RTA/Moyens d’existence durables, pour vos questions et vos réactions ([email protected]).

Bureau régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes Guatémala March 2008

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INTRODUCTION A LA MICROFINANCE BASEE SUR L’EPARGNE Comme son nom l’indique, la microfinance basée sur l’épargne est organisée autour d’activités d’épargne. C’est une approche des services financiers pour les gens qui sont trop isolés ou trop pauvres pour avoir accès aux services formels. Cette approche représente une rupture par rapport à la microfinance actuelle dont l’activité principale, et souvent exclusive, est basée sur le crédit ou les prêts. La plupart des approches de microfinance basées sur l’épargne sont communautaires, basées sur l’innovation et le leadership de personnes très pauvres qui sont mal servies par les institutions financières formelles. Dans d’innombrables villages de par le monde, des millions de personnes se rassemblent pour épargner, prêter, renforcer les liens qui les unissent et pour réagir aux problèmes de la communauté. Bien que les groupes ainsi formés portent des noms différents (osusus en Tanzanie, iqqubs en Ethiopie, mutuelles en Haïti, groupes d’autopromotion (SHG) en Inde, tandas au Mexique, tontines au Cameroun, xitiques au Mozambique), ils ont des pratiques communes et leurs membres pensent tous que le développement durable de leur communauté peut être catalysé par des ressources trouvées dans les communautés elles-mêmes. Certaines de ces activités gérés au niveau communautaire, qui ont évolué de manière spontanée d’une intuition locale et en réponse à des besoins communs de services financiers (non disponibles), opèrent depuis des siècles. La longévité de ces pratiques et le fait qu’elles aient tant en commun, bien qu’elles aient évolué de façon isolée et dans des conditions très différentes, montrent bien qu’il peut être intéressant de les reproduire. Alors, comment est-ce que ça marche ? Il y a des variations d’un modèle à l’autre, mais les éléments de base de cette approche sont les mêmes.

• Des personnes de la même communauté, qui se connaissent bien, s’organisent en petits groupes (dans l’idéal entre 10 et 30 membres) dont l’objectif est d’épargner et de prêter de l’argent. Parfois des animateurs qui ont reçu une formation font la coordination. Dans certains cas, les membres de la communauté s’organisent de leur propre initiative.

• Les membres du groupes fixent des règles de base : qui peut faire partie du groupe, quand il se réunit et où, combien les membres vont épargner, combien ils peuvent emprunter et pour quoi, comment et quand les membres vont rembourser leurs prêts et à quel taux d’intérêt, ce que le groupe va faire en cas de retard de paiement ou de non paiement, si les membres vont cotiser à un fond d’urgence et combien, etc.

• Les membres du groupe élisent leurs responsables. L’animation du groupe, la trésorerie, les registres et la comptabilité sont des fonctions clés que le groupe assigne alors à des personnes particulières.

• Les membres épargnent de petites sommes d’argent de manière régulière et les déposent dans une cagnotte qui est gardée en lieu sûr par le trésorier du groupe. Souvent, un autre responsable aura un double de la clé de la cagnotte pour contrôler et réduire la tentation de vol.

• Une fois que le groupe a épargné suffisamment d’argent, il commence à faire des prêts à ses membres.

• Les prêts sont remboursés avec intérêts, ce qui augmente le capital financier du groupe.

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• Souvent, au bout d’un moment, les groupes ne se limitent plus au côté « privé » de l’épargne et des crédit interne pour les membres, mais complètent ces activités par des activités « publiques » pour répondre à certaines des difficultés qui limitent leur développement.

• Les groupes existants augmentent la participation au modèle en aidant d’autres groupes à démarrer.

Le résultat de ces expériences est assez impressionnant. Malgré le scepticisme qui prévaut par rapport à la capacité des très pauvres à épargner de l’argent et à gérer efficacement des fonds de crédit dans leur communauté, c’est pourtant ce qu’ils font, et sur une grande échelle. Au Népal, 130 000 femmes pauvres ont généré plus d’un million USD d’épargne et d’intérêts en moins de deux ans dans le cadre du Programme d’habilitation des femmes appuyé par le PACT. Au Niger, 200 000 femmes participant au Mata Masu Dubara (Femmes en mouvement) soutenu par CARE ont épargné environ 3 millions USD sur une période de dix ans. Et en Inde, plus de deux millions de SHG gérés par les communautés fournissent des services financiers essentiels à plus de 33 millions de personnes. Au-delà de la fourniture rentable de services financiers extrêmement nécessaires, les groupes d’épargne et de crédit interne autogérés du monde entier sont devenus des catalyseurs du développement économique et social. Si ces groupes ont mis leur prodigieuse énergie au service de personnes autres que leurs seuls membres, cela ne relève pas d’une soudaine pulsion de charité mais de l’évolution naturelle de leur travail et d’un effort stratégique pour s’attaquer aux problèmes qui limitent leur développement. Au niveau communautaire, ils ont apporté des infrastructures sociales et des services là où l’Etat ne l’avait pas fait. Au niveau national, ils ont monté des campagnes efficaces pour changer les politiques et les pratiques qui perpétuent la pauvreté ou l’exclusion d’un groupe particulier. Bien qu’une grande partie du caractère magique des groupes d’épargne et de crédit interne réside dans leur autonomie et leur caractère communautaire, des agences comme le CRS ont un rôle important à jouer en tant qu’animateurs des activités d’épargne et de crédit interne dans les communautés où elles travaillent. Le CRS a une grande expérience à l’extérieur de LACRO de la promotion de deux modèles particuliers de microfinance basée sur l’épargne : les SHG en Inde et les Communautés d’épargne et de crédit interne (CECI) dans divers pays d’Afrique. Les annexes de ce document comprennent de nombreuses ressources concernant ces modèles, élaborés chacun dans un contexte particulier. Le mouvement SHG est une expérience spécifiquement indienne, basée sur les coutumes locales, répondant aux besoins locaux et en synergie avec la politique nationale de développement. La méthodologie des CECI, par contre, est une variation du modèle de l’Association d’épargne et de crédit par rotation (ROSCA) qui a été utilisé efficacement dans de nombreux pays dans plusieurs régions du monde. Le modèle de CECI du CRS comporte certaines améliorations importantes à l’approche ROSCA qui lui donnent un potentiel unique pour pouvoir être adapté aux différentes régions, mais il n’a pas encore été adopté dans sa forme actuelle par des bureaux du CRS en dehors du contexte africain1.

1 Il est intéressant de noter que la « microfinance basée sur l’épargne » et les « communautés d’épargne et de prêts internes » sont des termes génériques qui décrivent les activités principales d’un certain nombre de modèles différents de services financiers gérés par la communauté qui sont actuellement utilisés dans le monde, dont les SHG, les Associations d’épargne et de crédit accumulatif (ASCA) et les Associations villageoises d’épargne et de crédit (VSLA), entre autres. L’utilisation du terme « Communautés d’épargne et de crédit interne (CECI) » dans ce document fait référence à la méthodologie spécifique élaborée et promue par le CRS

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On espère que les bureaux de pays d’Amérique Latine et des Caraïbes pourront tirer des leçons des pratiques de l’agence dans d’autres régions pour promouvoir plus systématiquement la microfinance basée sur l’épargne à LACRO. Il est possible que les modèles CECI ou SHG puissent être adoptés tels quels à LACRO. Ou peut-être qu’il faudra modifier légèrement l’un de ces modèles pour refléter les réalités de la région. Ou il est possible qu’il y ait des variations multiples sur le thème de la base épargne dans la région, qui s’appuieront sur des traditions locales et seront différentes d’un pays à l’autre. L’important, c’est que nous commencions dans la région à expérimenter avec les approches de microfinance basées sur l’épargne, que nous documentions bien nos expériences, que nous les partagions largement et que nous innovions, sur la base d’un apprentissage continu. Le Guide des CECI pour les employés sur le terrain (« SILC Field Agent Guide ») n’hésite pas à affirmer que la méthodologie CECI (et ses variantes) représente « le meilleur programme de services financiers pour lutter contre la pauvreté, qui est mis en œuvre par plusieurs agences dans le monde entier … Il a marché partout où il a été essayé, vous est vos partenaires ne risquez donc pas d’échouer. » Si c’est vrai, la seule chose que nous ayons à perdre, c’est du temps.

(La mutuelle « La Victoire » en action à Roche-à-Bâteau, Haïti. Photo: Kim Wilson)

en Afrique. Le Guide des CECI pour les employés sur le terrain (« SILC Field Agent Guide »), inclus dans les ressources supplémentaires, est la référence pour cette méthodologie.

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PRINCIPES : De quoi il s’agit La liste ci-dessous présente dix principes clés et caractéristiques déterminantes de la plupart des approches de microfinance basées sur l’épargne. L’épargne d’abord.

Une politique financière basée sur le seul crédit, sans épargne, n'est pas seulement douteuse au niveau éthique, mais elle est aussi peu pratique:

c’est comme marcher sur une seule jambe. - Parker Shipton

Comment les Gambiens économisent (How Gambians Save)

On a demandé dans une interview récente à deux spécialistes de la microfinance du Groupe consultatif d’assistance aux pauvres (Consultative Groupe to Assist the Poor, CGAP) pourquoi le CGAP donne la priorité à l’épargne sur les prêts pour les pauvres. Ils ont répondu avec emphase : « Parce que les pauvres donnent la priorité à l’épargne sur les prêts ! » Les groupes communautaires d’épargne aident les individus à protéger leurs capitaux financiers. En déposant de l’argent dans une cagnotte ou en le faisant circuler dans la communauté sous forme de prêts, on le met à l’abri des membres de la famille qui pourraient le dépenser inconsidérément. L’épargne est disponible quand on en a le plus besoin. Grâce à leur épargne, les pauvres peuvent mettre de l’argent de côté pour leurs besoins financiers futurs de façon aussi efficace que s’ils faisaient un emprunt auprès d’institutions extérieures, mais sans contracter une dette qu’ils ne peuvent souvent pas rembourser. La microfinance basée sur l’épargne n’ignore pas le crédit, l’assurance ni d’autres types de services financiers dont ont besoin les personnes très pauvres. En fait, les activités d’épargne rendent possibles le crédit et l’accumulation de capitaux financiers, puisque les prêts sont faits en interne à partir de l’ensemble de l’épargne des membres et que les intérêts des emprunts augmentent la richesse globale du groupe. Certains modèles basés sur l’épargne, en particulier le modèle SHG en Inde, lient systématiquement les groupes d’épargne et de crédit interne à des banques. Ceci permet aux membres dont les besoins de crédit dépassent l’ensemble de l’épargne de la communauté d’avoir accès à des capitaux plus importants. Mais, bien que le lien avec des institutions financières formelles puisse être approprié pour certains groupes d’épargne, il est important d’insister sur le fait que le crédit dans ce modèle ne dépend pas de liens avec des organisations externes mais qu’il peut continuer indéfiniment, sur la base de l’épargne propre des membres. Simplicité.

L’ancienne microfinance n’est pas naturelle. Elle demande à des banquiers de devenir travailleurs sociaux

ou à des travailleurs sociaux de devenir banquiers… Voici comment fonctionne la nouvelle microfinance…

Des agents de promotion organisent les gens, motivent les gens et trouvent les plus pauvres pour les servir – toutes des choses qu’ils font bien.

Pour eux, ces actions sont naturelles. - Kim Wilson

La nouvelle microfinance (The New Microfinance)

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Les groupes d’épargne et de crédit interne ont proliféré spontanément dans le monde entier du fait de leur simplicité. (Cf. la section « Flexibilité » ci-dessous). La microfinance basée sur l’épargne demande seulement une association volontaire de personnes qui décident d’épargner de l’argent ensemble et de se faire des prêts les uns aux autres sur leur épargne. Pour réussir, ces groupes doivent être bien organisés et respecter des règles. Il ne faut pas de connaissances spécialisées comme pour les modèles orientés vers le crédit et liés à des institutions financières. Partout dans le monde, des groupes d’épargne et de crédit sont dirigés efficacement par des personnes n’ayant qu’un niveau assez bas d’éducation formelle et appuyés efficacement par des employés d’ONG qui n’avaient pas auparavant d’expérience en microfinance. Récemment, durant une évaluation de microfinance en Haïti, des employés du CRS ont rencontré trois animateurs de genre de Caritas-DCCH. Ces animateurs n’avaient pas d’expérience préalable de la microfinance. Et pourtant, au cours des dix dernières années, ils ont aidé à créer 700 groupes d’épargne et de crédit interne (mutuelles) avec plus de 10 000 membres. Le Directeur de Caritas Port-au-Prince a ajouté : « Nous trouvons très difficile de convertir des personnes travaillant dans le crédit en bons animateurs de mutuelles. Ils ont trop l’habitude d’être dans la relation fournisseur-client. Ça marche beaucoup mieux avec des personnes travaillant pour les droits des femmes. » Autogestion. Les groupes qui pratiquent la microfinance basée sur l’épargne sont entièrement autonomes et autogérés. Comme le modèle est simple, l’autogestion est possible. Comme les groupes d’épargne et de crédit interne travaillent exclusivement avec le capital de leurs membres et avec des règles et des règlements élaborés par les membres eux-mêmes, il est impératif d’avoir une autogestion. Le principe de l’autogestion est une rupture par rapport à la culture de la microfinance traditionnelle qui met en lien des personnes pauvres avec des fournisseurs de services financiers selon des termes fixés par les institutions. Ce sont elles qui déterminent qui bénéficie de prêts, des sommes prêtées, des taux d’intérêts, du calendrier des remboursements, etc. Dans les groupes basés sur l’épargne gérés par la communauté, ce sont les membres qui fixent les règles et fournissent le capital pour le fond de crédit. Sensibilité aux traditions locales. Les acteurs extérieurs qui appuient les initiatives communautaires de microfinance basée sur l’épargne réussissent mieux quand ils partent des traditions locales. Comme on l’a dit dans l’introduction, les ROSCA est les autres pratiques communautaires d’épargne et de crédit existent depuis des siècles. Elles ont duré et continué à être utilisées malgré d’extraordinaires changements politiques, économiques, sociaux, environnementaux et culturels. Il y a donc toutes les chances pour qu’elles soient encore dans le contexte contemporain un fondement solide pour la fourniture de services financiers et autres. Les acteurs externes, agences de développement comme le CRS ou institutions formelles de microfinance (MFI), peuvent apporter une valeur ajoutée aux fonds de crédit gérés par la communauté avec un impact et une complémentarité maximum en honorant le principe de l’autogestion et en respectant les traditions locales sur lesquelles sont basées les pratiques actuelles.

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Sélection. Les membres des groupes d’épargne et de crédit interne sont généralement plus pauvres et plus désavantagés que les clients des MFI traditionnelles. Malgré l’extraordinaire croissance de l’industrie de la microfinance, dans le monde entier, des millions de personnes très pauvres n’ont pas encore accès au crédit : dans aucun type d’institution financière ils ne se qualifient pour des prêts parce qu’ils sont considérés comme clients à risque et qu’ils n’ont que peu de garanties. Des millions d’autres sont limités par les risques – ils se qualifient peut-être pour des prêts mais leurs moyens d’existence sont tellement fragiles qu’eux-mêmes ont (avec raison) peur de prendre le risque d’emprunter. Bien qu’ils puissent être extrêmement pauvres, ces gens ont des besoins en services financiers auxquels répondent des millions de groupes d’épargne et de crédit gérés au niveau communautaire dans le monde entier. Ils ne doivent pas, comme les MFI, être rentables, ils peuvent donc se permettre, mieux que les MFI, d’impliquer les plus pauvres d’entre les pauvres. Capitaux sociaux.

Conversation avec une femme, membre d’une mutuelle en Haïti :

Q : Pourquoi êtes-vous membre d’une mutuelle ? R : Je suis membre pour emprunter, pour économiser et pour être solidaire

d’autres femmes.

Q : Que feriez-vous si votre groupe ne faisait plus de prêts ? R : Je continuerais à venir aux réunions pour économiser et être solidaire

d’autres femmes.

Q : Et que feriez-vous si votre groupe ne prenait plus l’épargne ? R : Je viendrais quand même aux réunions pour être solidaire d’autres femmes.

-Lionel Fleuristin

KNFP, Haïti

Dans la microfinance basée sur l’épargne, il s’agit surtout pour les pauvres de construire des capitaux financiers. Mais les capitaux sociaux sont aussi importants. Des amis et des voisins créent leur propre groupe, basé sur la confiance et des relations anciennes. Comme l’explique un membre de mutuelle en Haïti : « Nous avons tous grandi ensemble. Nous sommes amis depuis toujours. » La plupart des groupes de microfinance basée sur l’épargne sont bâtis sur cette fondation et utilisent ces relations pour s’assurer du remboursement des emprunts. Comme les emprunts sont faits avec l’épargne des voisins (de l’argent « personnel »), les membres ont plus de chances de se sentir personnellement responsables envers le groupe et de rembourser leurs emprunts. Par contre, les taux de non remboursement sont nettement plus élevés dans les groupes financés de l’extérieur qui empruntent de l’argent « anonyme ». Mais le capital social n’est pas juste un moyen d’accumuler un capital financier. Il a une valeur en lui-même. Les communautés d’épargne et de crédit interne augmentent ce capital social en rassemblant les gens pour sacrifier, travailler, apprendre, espérer et progresser ensemble. Ou, comme le disait un membre de mutuelle en Haïti : « Nous trouvons des solutions

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communes en mettant en commun nos bras et notre argent. » dans les périodes de besoin, ces réserves de capital social sont aussi utiles qu’un compte en banque. Infrastructure sociale. Quand les groupes d’épargne et de crédit accumulent le capital social, ils créent des infrastructures qui peuvent appuyer des activités communautaires variées, comme une commercialisation collective des produits agricoles, la gestion des ressources en eau ou un lobbying pour une augmentation des dépenses publiques pour des projets sociaux. Kim Wilson identifie quatre étapes différentes dans la vie d’un SHG. Les membres mettent en avant différentes activités à chaque étape du développement du groupe, généralement dans l’ordre suivant : (1) épargne, (2) prêts internes, (3) création de liens avec des institutions financières et (4) consolidation du groupe. Bien que la création de liens soit courante en Inde et rare parmi les CECI d’Afrique, dans les deux cas, la priorité change dans les groupes avec le temps. Les « jeunes » groupes s’intéressent généralement aux activités « centrales » de l’épargne et de crédit interne et souvent, ils ne s’impliquent pas dans des questions communautaires. Les groupes plus mûrs ont généralement la capacité et la volonté de résoudre les problèmes communautaires et de collaborer pour améliorer les moyens d’existence, dans le cadre de leur évolution. Certains observateurs des capitaux sociaux ont défini cette transition comme un passage de l’utilisation « privée » à l’utilisation « publique » des capitaux sociaux. Assurance sociale. De nombreux modèles basés sur l’épargne, comme la méthodologie CECI que le CRS a élaborée en Afrique, comprennent des fonds d’urgence auxquels les membres font régulièrement de petites contributions. En cas de besoin aigu, les membres peuvent prendre sur ces fonds sans devoir rembourser. Ces fonds doivent être gérés de façon tout à fait séparée de l’épargne communautaire, car ils ne circulent pas dans la communauté sous forme de prêts mais sont donnés sous forme de subventions. A Haïti, les mutuelles gèrent cette séparation en utilisant des cagnottes de couleurs différentes : vert pour les fonds d’épargne communautaire et de prêts, rouge pour les fonds d’urgence et bleu pour les capitaux à prêter qui viendraient d’une source externe à la communauté.

(Les mutuelles d’Haïti utilisent un système de cagnottes de couleurs différentes : vert pour les fonds d’épargne communautaire et de prêts, rouge pour les fonds d’urgence et bleu pour les capitaux à prêter qui viendraient d’une source externe à la communauté. Photo : Kim Wilson)

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Le fond d’urgence est une utilisation créative de l’épargne et fournit une assurance sociale aux pauvres qui sont mal servis par les institutions financières. La possibilité de puiser dans des capitaux financiers en temps de crise aide les personnes pauvres à protéger leurs autres capitaux menacés par les chocs externes, maladie ou urgence familiale, par exemple. Pérennité.

Coût de service par client, par les MFI traditionnelles : 350 USD ; par le modèle SHG : 6-12 USD.

- Kim Wilson La nouvelle microfinance (The New Microfinance)

La microfinance basée sur l’épargne est généralement plus durable que les approches traditionnelles basées sur le crédit : plus durable pour les individus, qui ne subissent pas le risque d’une dette ingérable et plus durable pour les groupes eux-mêmes, qui n’ont pas besoin de générer de revenus destinés à couvrir les frais d’opération, au contraire des MFI qui ont des frais conséquents. La création des groupes, leur formation, leur animation et leur accompagnement vers l’indépendance peut ne coûter que 4 USD par membre. Si par durable, nous voulons dire que les opérations continuent sans subventions, les groupes d’épargne et de crédit interne sont « par nature durables » comme l’exprime le Guide des CECI pour les employés sur le terrain (« SILC Field Agent Guide »)2. Flexibilité. Seulement 11% des familles les plus pauvres du monde sont servies par des MFI formelles. Il y a des groupes gérés par la communauté qui fournissent des services d’épargne et de crédit dans presque tous les villages du monde.

- Jeffey Ashe

Symposium sur la microfinance basée sur l’épargne pour les pauvres A Symposium on Savings-Led Microfinance for the Poor

La microfinance communautaire basée sur l’épargne est simple, ne demande que peu d’appui extérieur et est étonnamment peu chère à mettre en oeuvre. Rien qu’en Inde, plus de 30 millions de personnes, surtout des femmes, participent à des SHG. L’échelle de cette approche est tout simplement inimaginable pour la microfinance institutionnelle, basée sur le crédit.

2 Ancienne DRD/PQ du CRS pour l’Asie du Sud, Kim Wilson explique dans son article « La nouvelle microfinance » que le CRS et ses partenaires en Inde ont élaboré une formule de « double condition » qui ne se focalise pas seulement sur le groupe mais prend en considération les avantages pour chaque membre du groupe individuellement. Pérennité : Autogestion sans subventions + avantages pour chaque membre. Cette formulation sera peut-être plus appropriée pour nos objectifs à LACRO, comme le groupe lui-même ne joue qu’un rôle de facilitation et comme nous nous intéressons principalement aux résultats pour les moyens d’existence individuels des participants.

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PRATIQUES : comment cette approche marche (quand elle marche bien) Dans l’animation de microfinance basée sur l’épargne, il y a quatre catégories d’activités : la préparation, la création de groupes, l’accompagnement et la reproduction. Les meilleurs animateurs ont des résultats positifs dans des contextes très différents en utilisant les pratiques décrites ci-dessous. Vous trouverez plus de détails sur chacun de ces processus en vous référant aux guides de SHG et de CECI cités dans la section des « Ressources supplémentaires ». Préparation.

• Préparez-vous. Un animateur doit passer du temps dans chaque communauté et poser les bonnes questions pour bien la connaître. Quels sont les avantages principaux de la communauté ? Quelles sont ses principales difficultés ? Quelles sont les principales stratégies de subsistance ? Comment est la fourniture de services financiers ? Y a-t-il des organisations financières extérieures qui travaillent dans la communauté ? Si c’est le cas, comment fonctionnent-elles ? Y a-t-il des activités d’épargne et de crédit ? Avec quels résultats ? Qu’est-ce que les gens considèrent comme leurs besoins principaux ? Quelle est leur vision pour le futur ? Etc.

• Construisez sur des traditions existantes Vous ne devez pas réinventer la roue. Introduire de nouvelles pratiques dans des communautés où il existe déjà des pratiques indigènes d’épargne et de crédit n’est pas une façon de faire efficace : les animateurs perdent du temps, gaspillent de l’énergie et des ressources pour créer des services qui sont redondants et impopulaires.

• Investissez dans les relations communautaires Rencontrez les leaders formels et informels de la communauté pour comprendre leurs points de vue sur les problèmes importants auxquels est confrontée la communauté. Expliquez-leur comment des groupes d’épargne et de crédit peuvent répondre à des problèmes importants pour la communauté afin d’obtenir leur appui et leur approbation pour former les groupes. Rencontrez les membres de la communauté pour expliquer l’approche basée sur l’épargne. Plus tard, rencontrez à nouveau les membres potentiels des groupes d’épargne et de crédit pour continuer à discuter du processus et du potentiel. Cet investissement en temps et en énergie est essentiel pour gagner respect, confiance et appui pour le modèle.

• Communiquez clairement et gérez les attentes Dès le début, dites clairement que les prêts viendront seulement de l’épargne des membres et pas d’agences extérieures. Etablissez ce principe dès le commencement et répétez-le souvent, surtout durant les étapes de préparation et de démarrage du projet.

A LACRO, les approches institutionnelles, basées sur le crédit, représentent le paradigme dominant en microfinance. Le personnel et les participants du projet s’attendent à un financement extérieur du crédit. Même s’il est possible, plus tard, de se mettre en lien avec une institution de crédit, n’introduisez pas cette idée au stade

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initial. Les gens doivent décider de participer au projet sur la base des bénéfices qu’il promet, même si ce lien ne voit jamais le jour.

• Choisissez et formez bien les animateurs Les formateurs et les animateurs peuvent jouer un rôle crucial pour créer d’excellents groupes qui deviendront totalement indépendants. La sélection et la formation des animateurs sont très importantes. Choisissez des animateurs qui soient patients, enthousiastes et qui bénéficient de la confiance des communautés dans lesquelles ils travaillent. Ils favorisent l’autonomie et l’autogestion, permettent une participation active de tous les membres du groupe et les aident à gérer les affaires du groupe sans appui extérieur. Les « conversations d’apprentissage », crées à l’origine par les CRS/Asie du Sud et Freedom From Hunger, sont une méthode simple pour partager de petites améliorations et innovations dans les groupes et entre les groupes. Les animateurs peuvent utiliser les conversations d’apprentissage pour élargir l’apprentissage et les activités du groupe au-delà de l’épargne et du crédit.

Création de groupes.

• Faites de petits groupes. La taille « idéale » des groupes varie légèrement selon les méthodes basées sur l’épargne. Le Guide des CECI pour les employés sur le terrain (« SILC Field Agent Guide ») recommande de 10 à 25 personnes (mais considère comme acceptable tout nombre entre 5 et 30) tandis que la Banque nationale pour l’agriculture et le développement rural (NABARD), en Inde, suggère 10-20 dans son Guide pour la création de SHG (et considère qu’un groupe de moins de 10 personnes est trop petit). Cependant, toutes les sources sont d’accord sur un point fondamental : les groupes doivent être petits.

• Les groupes doivent se former par autosélection. Les membres des groupes d’épargne et de crédit travaillent plus efficacement ensemble s’ils ne sont pas seulement liés par la mise en commun de leur épargne et par des activités de crédit mais aussi parce qu’ils jouent et travaillent ensemble depuis longtemps. Dans l’idéal, les membres du groupe devraient être des amis et des voisins qui s’identifient les uns aux autres, comptent les uns sur les autres et se sentent plus ou moins responsables les uns des autres. On ne bénéficiera du capital social nécessaire pour que les groupes fonctionnent bien que si ceux-ci sont formés de personnes proches et qui se connaissent bien.

Accompagnement.

• Animez, ne prescrivez pas. N’oubliez pas que, dans la microfinance gérée par la communauté, le rôle d’acteurs extérieurs est d’animer. Les animateurs doivent développer les capacités, permettre aux membres d’avoir les informations dont ils ont besoin, s’assurer que tout le monde participe et peut être entendu. Ainsi, le processus fonctionne bien et les membres sont capables et bien informés. Si le groupe réussit, ce sera sa propre réussite. S’il ne réussit pas, ce sera aussi son propre échec, ce ne sera pas de la faute d’une organisation de développement.

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• Bonnes règles et registres L’un des rôles importants de l’agence qui anime est d’aider à établir des règles d’opération claires et équitables et un système efficace et approprié pour tenir les registres. Les groupes doivent suivre des règles pour pouvoir gérer efficacement l’épargne et les emprunts des membres et ils doivent représenter les principes de la participation, de l’autogestion et de l’autopromotion. Les groupes doivent élaborer un système de tenue de registres qui soit précis, transparent et approprié au niveau d’éducation de leurs membres. Au Mali, où il n’est pas rare que tous les membres d’un groupe soient analphabètes, les groupes d’épargne et de crédit tiennent la comptabilité en utilisant des systèmes basés sur la mémoire et une méthode d’histoire orale collective avec répétition par le groupe.

• On se réunit et on épargne régulièrement Les animateurs des groupes doivent insister, dès le début et souvent, sur le fait qu’il est crucial de prendre l’habitude d’épargner de l’argent régulièrement et de participer activement aux réunions formelles des fonds de crédit gérés par la communauté. Sans rentrées régulières d’épargne, il n’y aura pas de fond communautaire pour faire des prêts ; sans une participation fréquente et active des membres d’un groupe, celui-ci n’opèrera plus efficacement et perdra sa capacité à servir de catalyseur pour un changement positif dans la communauté.

• On fait payer des intérêts et des frais L’épargne est un bon moyen de protéger les capitaux financiers de la perte ou du vol, mais elle ne peut pas, à elle seule, multiplier les capitaux. Les membres du groupe ne peuvent exploiter leur épargne pour augmenter leur base de capital financier qu’en faisant payer des intérêts sur les prêts internes. Dans la plupart des cas, les groupes ont moins de mal à administrer un taux d’intérêt uniforme.

• Compter principalement sur l’épargne des membres pour faire des prêts Dans la communauté du développement, certains sont sceptiques sur la capacité des ménages très pauvres à avoir accès à des prêts significatifs en utilisant des fonds gérés par la communauté et qui puisent uniquement dans l’épargne regroupée des membres. Comme les ménages très pauvres ne peuvent généralement pas épargner de grosses sommes d’argent, le capital disponible aux membres des groupes d’épargne et de crédit communautaires est relativement peu important – moins important généralement que ce qui pourrait être disponible dans une MFI formelle. Mais il y a des arguments en faveur d’une utilisation exclusive de prêts financés sur l’épargne propre des membres. L’objectif de la microfinance communautaire basée sur l’épargne est justement de faire de plus petits prêts ! Souvent, la somme d’argent dont ont besoin les pauvres – et qu’ils peuvent raisonnablement gérer – est très petite et peut en fait venir de l’épargne de la communauté. Ceci est certainement vrai pour les pauvres qui s’adressent pour la première fois à des services financiers. Trop souvent, les approches basées sur le crédit - et les prêts plus importants que les approches traditionnelles tendent à préférer – peuvent dépasser les capacités des personnes très pauvres à gérer et à rembourser leurs emprunts. Petit à petit, une fois que les membres des groupes d’épargne et de crédit auront prouvé qu’ils réussissent à gérer et à rembourser des emprunts de plus en plus importants, et une fois qu’ils auront

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montré que leurs besoins croissants de capitaux de crédit dépassent les capacités de l’épargne locale, alors seulement, on pourra envisager l’option d’un accès à des fonds extérieurs. Surtout, la microfinance basée sur l’épargne a le potentiel de faire, pour les communautés concernées, des choses très différentes de ce que fait l’approche traditionnelle des MFI. Bien que la quantité d’argent disponible soit moins importante, les groupes d’épargne et de crédit interne ont infiniment plus de potentiel pour promouvoir un développement holistique de la communauté que la plupart des programmes de MFI. Si l’on passe immédiatement, ou trop vite, à des relations avec des prêteurs externes pour avoir accès à un capital financier, on risque de manquer tous les importants processus de formation du capital (cf. la section ci-dessous sur le « potentiel ») que permettent naturellement les groupes d’épargne et de crédit. Ainsi, même si le taux de formation de capital financier est plus lent que dans des groupes ayant un accès à des sources extérieures pour financer les prêts, le processus est moins risqué et a plus de chance de promouvoir le développement au niveau des ménages et des communautés.

Tous les fonds de crédit ne sont PAS égaux

Les Fonds de crédit gérés par la communauté (CMLF) ont de plus en plus de succès dans le monde de la microfinance parce qu’ils sont des alternatives moins chères, plus légères, plus souples, plus flexibles au changement d’échelle et plus durables aux institutions formelles de microfinance (MFI). Le Groupe consultatif d’assistance aux pauvres (Consultative Group to Assist the Poor, CGAP) a étudié les performances de douzaines de CMLF sur les quinze dernières années pour déterminer si la réussite d’un groupe est liée à la source du financement des prêts. L’étude du CGAP (mai 2006) est arrivée à la conclusion que les groupes dont les prêts étaient financés par une injection précoce de capitaux extérieurs échouaient systématiquement : « Les CMLF financés de l’extérieur ne fonctionnent quasiment jamais. »

Les groupes qui réussissent le mieux – groupes basés sur l’épargne et groupes d’autopromotion (SHG) – financent tous les prêts avec l’épargne des membres, au moins au début de leur développement. les SHG ont aussi commencé leurs activités de crédit sur la base de l’épargne interne et ont réussi à absorber de petites sommes de capital extérieur plus tard dans leur développement, après avoir montré qu’ils réussissaient à faire des prêts internes et à faire rembourser les emprunts. Par contre, les résultats étaient ensuite plus irréguliers pour ce qui était des relations avec les MFI formelles ou les banques.

Quels sont les secrets de la réussite des approches basées sur l’épargne ? Selon le CGAP, c’est le fait que dès le début, elles comptent sur le capital social et le développement de capital communautaire. Comme les emprunts sont faits avec l’épargne des voisins (de l’argent « personnel »), les membres ont plus de chances de se sentir personnellement responsables envers le groupe et de rembourser leurs emprunts. Par contre, les taux de non remboursement sont nettement plus élevés dans les groupes financés de l’extérieur qui empruntent de l’argent « anonyme ». De plus, la méthodologie basée sur l’épargne permet une accumulation progressive de capital qui n’est pas trop lourde pour les capacités de remboursement des membres et qui leur donne le temps de développer des compétences essentielles en gestion financière.

La recommandation du CGAP pour les praticiens de la microfinance ? Consacrez votre temps et votre argent à fournir des services d’appui, pas un capital de crédit.

Source : Murray Jessica et Richard Rosenberg (2006). « Community-Managed Loan Funds: Which Ones Work ? » (Fonds de crédits gérés par la communauté : lesquels fonctionnent ?),

Washington, DC : Note focale, CGAP.

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• Etre prudent dans la création de liens « Lier ou ne pas lier ? » Là est la question que se posent de nombreuses agences sur la possibilité de mettre en lien des groupes d’épargne avec des institutions formelles de services financiers. La réponse n’est pas facile. Au-delà de l’argument pragmatique présenté ci-dessus (ça ne marche tout simplement pas), il y a des objections qui sont plus basées sur des principes. Parmi les praticiens du CRS qui mettent en œuvre le modèle CECI en Afrique, on s’inquiète réellement de compromettre le principe de l’autogestion autonome et on craint une « capture par les élites » si les groupes gérés par les communautés sont mis en lien avec des sources extérieures de capital de crédit. D’autres s’inquiètent de la possibilité très réelle qu’un accès à des prêts plus élevés (et donc à des dettes plus importantes) ne soit absolument pas ce dont ont besoin les personnes très pauvres. Par contre, de nombreux praticiens ayant une expérience en Inde, ont des arguments en faveur de ces liens, selon le modèle SHG, tout en reconnaissant que l’impact de ces liens sur la pérennité des groupes et/ou sur le bien-être des ménages est irrégulier. Les organisations qui accompagnent les groupes d’épargne et de crédit communautaires doivent faire attention à la fois aux risques potentiels (dette ingérable et capture par les élites, entre autres) et aux bénéfices (accès à des prêts plus importants et à d’autres services financiers) des liens avec des banques et encourager les groupes qui envisagent ces liens à évaluer attentivement et sérieusement leur capacité à gérer et à rembourser des dettes supplémentaires.

• Envisager la formation de « clusters » Le CRS/Inde organise les SHG qu’il appuie dans une zone donnée en groupements/clusters afin qu’ils travaillent ensemble pour répondre aux problèmes qui les affectent tous. Le CRS trouve que cette approche augmente l’influence des groupes et leur donne plus d’efficacité dans le lobbying pour changer des structures et systèmes injustes.

• Etre patient Il faut du temps pour organiser des groupes d’épargne et de crédit et pour les aider à arriver à une vraie indépendance. Le Guide des CECI pour les employés sur le terrain (« SILC Field Agent Guide ») prévoit une année complète d’accompagnement intensif pour amener les groupes à l’indépendance alors que Kim Wilson suggère dans La nouvelle microfinance (« The New Microfinance ») que cela peut prendre quatre ans ou plus pour que les groupes soient vraiment indépendants. Ces évaluation partagent l’idée qu’il faut du temps et de la patience pour réussir à animer et à aider des nouveaux groupes à atteindre la pérennité et l’indépendance.

Reproduction.

• Encourager la reproduction Enfin, les animateurs doivent encourager et faciliter activement la reproduction des bons groupes d’épargne et de crédit dans les communautés où ils peuvent répondre aux besoins locaux. Une manière efficace d’encourager l’apprentissage par les pairs et la reproduction est de faciliter des échanges entre des membres de groupes existants

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et des personnes qui voudraient en créer de nouveaux. Mais il semble que dans de nombreux cas, la reproduction puisse se faire toute seule : on a décrit dans divers contextes une « reproduction spontanée » où des membres des groupes étaient sans cesse interrogés par d’autres membres de leur communauté ou des résidents de communautés voisines qui voulaient démarrer leurs propres groupes. Il est important de connaître cette dynamique et d’encourager ce processus.

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POTENTIEL : Ce que peut réaliser la microfinance basée sur l’épargne Les approches de microfinance basées sur l’épargne sont très prometteuses pour nous aider à faire progresser notre vision dans le domaine de la microfinance et pour nous aider à réaliser l’aspiration de notre agence à promouvoir le développement humain intégral. La promotion d’activités d’épargne et de crédit interne nous offre un excellent moyen de progresser dans notre travail de microfinance à une période où changent à la fois notre rôle sur le terrain et notre vision de la meilleure façon de fournir des services financiers aux pauvres. Les modèles de microfinance basés sur l’épargne peuvent nous aider à faire avancer les principaux objectifs stratégiques de MF 2010 en nous permettrant de pouvoir plus efficacement :

• atteindre les plus pauvres, ce qui est notre mission,

• faciliter des activités de microfinance dirigées par les partenaires et gérées par les communautés, pour mieux exprimer la subsidiarité,

• décentraliser la gestion des fonds de crédit vers nos partenaires et plus loin,

• étendre notre clientèle grâce à des approches à faibles coûts facilement reproductibles et

• appuyer des liens avec d’autres secteurs de programmation apparentés. Ce dernier point est crucial, car les groupes d’épargne et de crédit interne peuvent être liés du point de vue programmatique à des interventions techniques dans tous les secteurs dans lesquels travaille le CRS. Les modèles de microfinance basés sur l’épargne ont déjà prouvé qu’ils étaient capables d’encourager la formation des six types de capital que nous avons identifiés dans le cadre du DHI, ainsi que le montre la figure ci-dessous.

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Cette section explore comment les approches de la microfinance basées sur l’épargne peuvent contribuer au développement humain intégral des pauvres en permettant la formation de capitaux divers, en appuyant des activités conçues pour altérer le contexte de vulnérabilité et en effectuant des changements dans des structures et des systèmes injustes. Capital financier. Comme cela a été noté ci-dessus, l’objectif premier de la microfinance basée sur l’épargne est d’augmenter les capitaux financiers chez les pauvres et de faire progresser l’objectif de réduction de la pauvreté. Les groupes d’épargne et de crédit interne protègent les capitaux financiers en les gardant contre le vol ou les amis ou membres de la famille qui pourraient les utiliser de façon inconsidérée. Ils aident aussi leurs membres à augmenter leurs capitaux financiers grâce aux revenus apportés par les intérêts. Enfin, les groupes d’épargne créent des possibilités de développement des capitaux financiers grâce à une amélioration des stratégies de subsistance et en procurant de l’argent pour des activités génératrices de revenus. Dans les zones rurales où travaille le CRS, cela signifie souvent la mise en relation délibérée des groupes d’épargne et de crédit interne et des programmes du CRS pour le développement de l’agroentreprise.

Microfinance basée sur l’épargne et développement de l’agroentreprise rurale Les approches de microfinance basées sur l’épargne sont conçues pour permettre l’accumulation de capitaux sociaux et humains et ont le potentiel de préparer les ménages ruraux à un plus fort engagement dans les marchés financiers. Une visite d’études conjointe organisée par l’Institut d’innovation rurale (RII) du Centre international pour l’agriculture tropicale (CIAT) et le CRS en 2005 s’est achevée sur des recommandations similaires sur l’accumulation de capital et la préparation au marché. Etant donné les objectifs communs, la création explicite de liens avec les groupes d’épargne et de crédit interne et la promotion des cinq ensembles de compétences de base identifiées par le voyage d’étude représentent un domaine à fort potentiel pour l’exploration programmatique. Microfinance basée sur l’épargne et préparation au marché. La microfinance basée sur l’épargne développe des capitaux humains, en permettant l’acquisition de connaissances financières basiques, en fournissant des capacités de base en finance et en gestion des groupes et en cultivant les compétences en leadership, tout en aidant à accumuler un capital financier. De nombreux groupes d’épargne et de crédit interne gérés par la communauté fonctionnent exclusivement et indéfiniment avec la seule épargne des membres comme capital de crédit, mais d’autres, notamment les groupes d’autopromotion, SHG, en Inde, choisissent de se procurer des capitaux ou des services supplémentaires auprès de MFI formelles ou de banques commerciales, une fois qu’ils ont développé leurs propres compétences financières en participant aux services financiers communautaires. Dans ce sens, on peut dire que les approches de microfinance basées sur l’épargne permettent la « préparation au marché » dans les ménages qui ne sont pas actuellement servis par les marchés des services financiers formels.

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Capitaux physiques. Durant une visite d’évaluation initiale en microfinance en Haïti, des employés du CRS/LACRO ont rencontré un groupe de femmes remarquables qui investissait dans des vaches laitières le capital financier qu’elles accumulaient en réunissant leur épargne. C’est une forme de capital physique qui peut aussi améliorer le capital humain (lait pour la consommation des ménages) et le capital financier (vente du lait). Ces femmes ne pouvaient pas obtenir de

crédit pour ces achats onéreux (une vache coûte 7 000 gourdes/200 USD), elles ont donc formé un groupe de 15 membre pour l’objectif spécifique d’acheter des vaches. Bien qu’êtant toutes membres de la même mutuelle depuis sept ans, elles ont décidé de former un groupe d’épargne distinct pour ce projet particulier. Elles ont déterminé la contribution dont elles auraient besoin pour accumuler les 105 000 gourdes/3 000 USD nécessaires pour acheter une vache pour chaque femme. Les femmes se sont mises d’accord sur les huit membres les plus nécessiteux du groupe, qui recevraient les vaches en premier. Elles ont acheté les deux premières vaches en trois mois. Mais, pendant ce temps, le prix d’une vache était passé à 10 000 gourdes/286 USD. Pour acheter les cinq autres vaches, les membres se sont mis d’accord pour prolonger le cycle d’épargne de 2 mois pour tenir compte de l’augmentation du prix. Toutes les femmes auront

Microfinance basée sur l’épargne et développement de l’agroentreprise rurale (continu)

« Ensembles de compétences du voyage d’étude » et préparation au marché. En 2005, des chercheurs et des experts de la qualité des programmes du CRS et de l’Institut d’innovation rurale du CIAT ont fait un voyage d’étude autour du monde pour examiner différentes stratégies pour former des groupes de paysans. Le voyage s’est achevé sur une recommandation : cultiver cinq ensembles de compétences de base chez les groupes de paysans ruraux pour les aider à se préparer à un engagement dans les marchés – une préparation aux marchés qui correspond au concept de préparation aux marchés financiers décrit ci-dessus. Le voyage d’études lui-même a montré, d’après ce qui a été observé sur le terrain, que la microfinance basée sur l’épargne et les ensembles de compétences du voyage d’étude étaient tout à fait compatibles : presque la moitié des groupes visités durant le voyage d’études étaient des SHG qui avaient dépassé leur objectif d’origine, épargne et crédit interne, pour travailler collectivement dans le domaine de l’agroentreprise. Et surtout, l’un des cinq ensembles de compétences de base qui, selon le voyage d’études, étaient cruciaux pour la réussite des groupes de paysans, était le développement des capacités à l’épargne et au crédit interne. Donc, que le point d’entrée du travail avec les producteur ruraux soit le développement de l’agroentreprise ou la microfinance basée sur l’épargne, le personnel du CRS dans la région doit s’intéresser au potentiel pour une énorme augmentation des bénéfices en concevant des programmes concernant à la fois les communautés d’épargne et le crédit interne et de développement de l’agroentreprise rurale.

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une vache à la fin d’un cycle de deux ans. Pour fixer le prix de la vache, l’acheteur actuel paie le propriétaire en plusieurs fois. Les capitaux financiers qui viennent d’être formés peuvent être convertis en capitaux physiques permettant d’améliorer les moyens d’existence : bétail d’élevage, meilleurs matériaux de construction pour les logements et corrals pour les animaux pour réduire la vulnérabilité et les pertes durant les catastrophes naturelles, lieux de stockage pour les grains pour permettre de régulariser les revenus en vendant les produits agricoles progressivement, infrastructure de base pour transformer la production agricole et lui ajouter de la valeur, etc. Capitaux humains. Les groupes d’épargne et de crédit interne contribuent directement et indirectement à l’augmentation du capital humain chez les membres et leurs familles. Les participants acquièrent des compétences de base en calcul, comptabilité, gestion de groupes, et prennent confiance en eux pour se lancer dans des initiatives plus ambitieuses. Les groupes permettent généralement d’autres améliorations des capitaux humains. Une mutuelle en Haïti, par exemple, crée des cellules d’alphabétisations parmi ses membres, en associant de petits nombres de membres illettrés avec des membres alphabétisés qui font une alphabétisation basique pendant et entre les réunions du groupe. Dans certains cas, les groupes s’intéressent à l’alphabétisation de façon plus formelle. Le curriculum pour le programme d’habilitation des femmes (WEP) du PACT, au Népal, comprend des composantes d’épargne, de développement de l’esprit d’entreprise, d’habilitation des femmes et d’alphabétisation et il a appris à lire à des milliers de femmes népalaises. Par delà l’alphabétisation, les communautés d’épargne et de crédit interne peuvent faire d’innombrables connexions avec des agences qui fournissent une assistance technique pour renforcer les capitaux humains.

Capitaux sociaux. Comme cela a été noté dans la section sur les « principes », ci-dessus, les capitaux sociaux sont un moyen pour arriver à une fin, la réussite des activités des groupes d’épargne et de crédit. Les groupes sont créés par autosélection sur la base de capitaux sociaux existants. Les activités de crédit réussissent, là où des fonds de crédit utilisant des capitaux extérieurs échouent, à cause des capitaux sociaux qui opèrent dans les fonds communautaires de crédit utilisant le capital propre des membres. Et les efforts

collectifs pour trouver « des solutions communes en mettant en commun nos bras et notre argent. » augmentent toujours le capital social dans les communautés qui participent et

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créent une infrastructure sociale qui tourne souvent son attention vers la résolution des besoins affectant la communauté, au-delà des membres du groupe. Capitaux politiques L’impact du mouvement de SHG en Inde sur le paysage politique du pays est extraordinaire. Dans la sphère politique formelle, les SHG sont un incubateur pour le développement de leadership chez les femmes, dont des milliers arrivent à occuper des sièges dans les panchayats, les organismes villageois de gouvernement. Au niveau informel, les SHG font du lobbying auprès du gouvernement à de nombreux niveaux et sur différents problèmes qui affectent la vie des personnes pauvres et marginalisées. De plus, les SHG soutenus par les CRS en Inde sont impliqués dans la fourniture directe d’un grand nombre de services publics que l’état ne fournit pas, comme, entre autres, creuser et entretenir des puits pour l’eau, installer des latrines, construire des routes, former et gérer des écoles, et fournir une assistance légale à des personnes pauvres. Les Mutuelles d’Haïti sont aussi impliquées dans de nombreuses actions collectives pour répondre à des problèmes publics. Dans un cas notable, une mutuelle a fourni une assistance légale à une enfant qui avait été violée par un officier de police. Elle a pris la défense de l’enfant et s’est occupé du dossier avec une organisation juridique locale. Ses efforts ont permis de faire condamner et incarcérer l’officier coupable.

Capitaux naturels Des groupes d’épargne considèrent la dégradation de l’environnement comme un des principaux obstacles à des moyens d’existence durables. Parmi les règles de la Mutuelle Solidarité, en Haïti, il y a la règle suivante : « Luttez contre la coupe des arbres, utilisez des réchauds à gaz. » Grâce à une assistance technique externe en gestion des ressources naturelles (NRM), les communautés d’épargne et de crédit interne peuvent travailler à augmenter le capital naturel en essayant d’améliorer la qualité du

sol, de prévenir l’érosion du sol, de remplir les aquifères, de reboiser des zones qui ont été déboisées, etc. Chocs : prévention des catastrophes et atténuation des risques En Inde, où des conditions climatiques récurrentes et saisonnières causent chaque année des pertes humaines, la destruction de bétail, de maisons et de cultures et la perte de la couche arable du sol, le CRS travaille avec des SHG pour changer le contexte de vulnérabilité. Avec des stratégies de NRM pour prévenir l’érosion des sols, des systèmes communautaires d’alerte précoce, la fabrication de gilets de sauvetage utilisant du plastique recyclé et d’autres activités simples et peu coûteuses, le CRS aide les SHG à mettre en œuvre des programmes

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efficaces de réduction des risques et d’atténuation des catastrophes qui sauvent des vies et réduisent la rupture économique causée par les catastrophes naturelles. Structures et systèmes : plaidoyer pour le changement. L’action collective des membres des SHG n’est pas limitée aux problèmes définis dans la section ci-dessus sur le capital politique. Comme plus des trois quarts des membres des SHG sont des femmes et qu’une proportion très importante vient aussi des castes les plus basses de l’Inde, l’action politique des SHG se concentre sur une série d’institutions profondément ancrées dans la société indienne qui contribuent à l’exclusion sociale des femmes et des « intouchables » de la société indienne et qui limitent les possibilités qui leur sont ouvertes. On peut citer par exemple la violence et le viol domestiques, la captation de dot et la discrimination basée sur la caste. Conclusion. On peut dire en conclusion que les communautés d’épargne et de crédit interne ont un extraordinaire potentiel pour servir de plateforme pour le développement communautaire est extraordinaire. Ces processus doivent être dirigés par la communauté mais le CRS a un rôle crucial à jouer pour l’animation et l’assistance technique et d’autres services du même genre. Nous, et les communautés que nous servons, n’avons d’autre limite que notre imagination.

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RESSOURCES SUPPLEMENTAIRES SHG microCredit Innovations Department. « A Handbook on Forming Self-Help Groups (SHGs), » Inde : National Bank for Agriculture and Rural Development. Catholic Relief Services, « Self-Help Development : Practices, Principles, Golden Rules, » CRS/Inde. CECI Allen, Hugh (2006). « Savings and Internal Lending Communities (SILC) : A Field Agent Guide, » Baltimore : Catholic Relief Services. Vanmeenan, Guy (2006). « Savings and Internal Lending Communities (SILC) : A Basis for Integral Human Development (IHD), » Nairobi : Catholic Relief Services, Bureau Régional pour l’Afrique de l’Est. SILC FAQs. Catholic Relief Services, Bureau régional pour l’Afrique de l’Est. Autres ressources du CRS Aldana, M., G. Burpee, G. Heinrich, T. Remington, K. Wilson, J. Ashby, S. Ferris, C. Quiros (2007). « The Organization and Development of Farmer Groups for Agroenterprise : Conclusions from a CRS & RII-CIAT Study Tour in Asia, Africa and Latin America, » Baltimore : Catholic Relief Services. Catholic Relief Services (2007). « Preparing Farmer Groups to Engage Successfully with Markets, A field guide for five key skill sets, » Baltimore. Burpee, Gaye et Kim Wilson (2007). « Haiti Microfinance Assessment, » Catholic Relief Services, Bureau régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes, non publié. MacGregor, Matt (2007). « Rationale for Savings Led Microfinance and Self Help Groups, » Catholic Relief Services, Bureau régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes, non publié. -- (2007a). « Catholic Relief Services and the Savings and Internal Lending Communities (SILC) Model ; Principles and Practices, » Catholic Relief Services, Bureau régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes, non publié. -- (2007b). « How to Form Savings Led Microfinance Groups : Golden Rules, Guidelines, and Steps, » Catholic Relief Services, Bureau régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes, non publié. -- (2007c). « How to Form Savings Led Microfinance Groups: Golden Rules, Guidelines, and Steps—Annexes, » Catholic Relief Services, Bureau régional pour l’Amérique Latine et les Caraïbes, non publié.

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Ressources en lien avec le CRS Wilson, Kim (2002). « The New Microfinance ; An Essay on the Self-Help Group Movement in India, » Journal of Microfinance : Volume 4, Numéro 2 (217-245). Wilson, Kim et Gaye Burpee (2008). « Filling the Blue Box : Mutuelles, Self-financing and Financial Services in southern Haiti. » Document de travail : Tufts University.