Minervois extrait

Minervoisisabelle Gabrieli

« Au cœur du Languedoc historique, à quelques kilomètres de la Méditerranée et des villes de la plaine, il est un pays fascinant qui n’a pas de frontières bien définies.

Il n’existe que par sa culture, celle des hommes et de leur terre. »

Région aux mille paysages, le Minervois est le « polit país », le pays de toutes les beautés.

Isabelle Gabrieli, photoreporter, s’est arrêtée un jour en Minervois. Elle y a finalement passé près d’un an. Fascinée par l’esprit qui règne entre les hommes et les lieux dans ce pays préservé, elle a arpenté chaque terroir, les rues et les places de chaque village, à la rencontre des gens d’ici. De son expérience, elle nous livre un carnet de voyage photographique, révèlant une géographie sensible, un territoire qui ne peut vraiment se comprendre qu’en effeuillant patiemment les pages de son identité, de sa mémoire, de son histoire.

Isabelle Gabrieli est photoreporter. Mandatée par l’agence photographique de presse parisienne Cit’images, elle couvre l’actualité culturelle et économique du grand Sud-Ouest. Depuis vingt ans, elle poursuit en parallèle une œuvre personnelle qui nous a marqué par l’originalité de son regard. De la réconciliation nationale hongroise en passant par les premières gay prides, ses portraits sensibles de Barbara sur scène, son témoignage sur le graff de l’école de Paris, Isabelle réussit à capter l’esthétique de toute situation. Ses photos expriment le temps et le sens caché d’une époque faussement matérialiste.

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brieli MINERVOIS

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Prix : 25 euros ISBN 978-2-916399-09-6

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Aux portesdu Minervois,

1.


Une gare

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Janvier.

Lorsque je suis arrivée, la première fois, j’ai eu froid. Vraiment. Du vent. Un vent si fort que la surface des eaux remonte le courant. Un vent qui siffle et qui s’insinue partout. On s’attend à voir surgir une voiture, ou un train qui emprunterait ces voies d’un autre âge. Mais je reste seule dans le vent bruyant. Dans un pays où le silence n’existe pas. Ce pays, je le connaîtrai plus tard à son image de carte postale, plombé de soleil et plein comme un œuf, débordant de vin et de fêtes. Mais c’est comme ça que je l’ai connu, comme abandonné.

Et je l’ai aimé.

La gare de Bize.

Vestige de la grande époque de la viticulture languedocienne, la gare de Bize a le charme d’une ville fantôme de la Ruée vers l’or. Les lignes, restées en chantier depuis 150 ans, foncent dans la garrigue. Stoppées net. Du jour au lendemain, il n’y avait plus d’or.Situé au croisement des « Quatre chemins », là où se rencontrent la route de Narbonne, celles de Béziers, de Carcassonne et de Saint-Pons, Bize est une des portes du Minervois, autrefois célèbre pour ses foires, où s’échangeaient les produits de la montagne et sans doute les fils et filles à marier.



Bize-Minervois. Intérieur de la gare de marchandises.

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Chemin de traverses.

Il y a des pays où la beauté est partout. Y compris dans le froid et la ruine. En longeant ces voies « embartassées », comme on dit ici, j’ai eu un flash d’enfance. L’ennui, toute seule dans l’herbe, puis cette vie microcosmique qui apparaît. Je pouvais passer des heures à voir se transformer les petits cailloux et les bouts de bois en monstres amusants ou en chimères de conte de fée.

Depuis, je vois des détails décalés partout. C’est une manie de les photographier, de les collectionner. J’ai des milliers de photos de ces paysages invisibles, volés à la petite fille qui s’ennuyait dans son jardin.

Au milieu des broussailles, les traverses de chemin de fer abritent un petit monde de merveilles.

Bize-Minervois. Traverses de chemin de fer.

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Bize-Minervois. Wagon postal.

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En quittant la gare de Bize, j’ai posté une lettre. Qu’elle arrive ou pas, c’est comme ça que naissent les légendes.


En quittant la gare de Bize, j’ai posté une lettre. Qu’elle arrive ou pas, c’est comme ça que naissent les légendes.


2. Vai t’en cagar a la vinha !



Le travail de la vigne règne sur ce territoire et impose son tempo inlassable.On est loin des vignobles-jardins de Bourgogne ou de Bordeaux, propriétés de maîtres éleveurs de vins. Ici, la vigne est prolétarienne. Le « viti », c’est le même qui taille, qui traite, qui ramasse et qui fait le vin, le vin de sa vigne. Ici, on fait un vin d’ouvrier-paysan. Un vin noir de sueur.C’est dans ce pays qu’est née la grande aventure collectiviste à la française. Après une tournée de Jaurès dans les départements du Midi viticole. Il était venu voir les « vignerons libres », ceux qui avaient fondé la première coopérative, à Maraussan, à quelques kilomètres de là. Sur la façade, aujourd’hui encore, on peut lire :

« Tous pour chacun, chacun pour tous » 28


Directeur de collection : Benjamin Assié.

© Les Éditeurs libres, 2010Dépôt légal : 3ème trimestre 2010ISBN 978-2-916399-09-6 En couverture : Les toits de Minerve.

Page de droite : Caunes-Minervois. Carrières de marbre rose.


Ce sont les vignerons qui m’ont raconté l’histoire de ce pays, la vigne à perte de vue, le vin par trains entiers, les domaines de quarante ouvriers. Et les crises, constantes depuis plus d’un siècle, les colères, la révolte.

C’est de l’ombre de ces platanes, peut-être de ces bancs de la Promenade d’Argeliers, que sont partis Marcelin Albert et les « gueux » de 1907. En quelques mois, le cafetier du village réunit derrière lui 600 000 manifestants, pour revendiquer le droit de vivre de son travail.Ils se battaient contre le vin « trafiqué ».

Honneur à « Ceux d’Argeliers »

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