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MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE, DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE Direction générale des ressources humaines CERTIFICAT D’APTITUDE AU PROFESSORAT DE L’ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRE (AGREGATION) HISTOIRE Concours externe 2006 CENTRE NATIONAL DE DOCUMENTATION PEDAGOGIQUE

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MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE,

DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE

Direction générale des ressources humaines

CERTIFICAT D’APTITUDE AU PROFESSORAT DE L’ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRE

(AGREGATION)

HISTOIRE

Concours externe

2006

CENTRE NATIONAL DE DOCUMENTATION PEDAGOGIQUE

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Rapport de l’agrégation externe d’Histoire session de 2006

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AGREGATION EXTERNE D'HISTOIRE

SESSION DE 2006 RAPPORT DU CONCOURS

SOMMAIRE Présentation générale: p. 2 Epreuves écrites Première dissertation (Histoire ancienne) : p. 8 Seconde dissertation (Histoire moderne) : p. 21 Commentaire de texte (Histoire médiévale) : p. 40 Dissertation de Géographie: p. 63 Epreuves orales Leçon d'Histoire générale: p. 74 Commentaire de document: p. 83 Epreuve de Géographie: p. 102 Statistiques du concours: p. 112

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PRESENTATION GENERALE

Par Jacques VERGER Président du jury, professeur d’histoire médiévale, Université Paris IV - Sorbonne

L’essentiel du présent rapport consiste dans les analyses par épreuves qui suivent. Celles-ci permettront tout à la fois, je l’espère, aux candidats de 2006 de mieux comprendre leurs résultats et à ceux de 2007, ainsi qu’à leurs préparateurs, de mieux saisir ce que le jury attend d’eux. Comme c’est désormais l’usage, les corrigés détaillés des épreuves écrites et les explications fournies sur les insuffisances majeures observées à l’oral, ainsi que la liste complète des sujets et documents proposés pour les trois épreuves orales, donneront aux étudiants, à leurs enseignants et, plus largement, à tous les collègues du secondaire et du supérieur intéressés par l’agrégation, une idée assez précise de l’esprit général de ce concours, des attentes du jury et, par suite, des exigences qui s’imposent pour une préparation efficace. Le concours de 2006 a confirmé la validité de beaucoup des observations présentées l’an dernier par mon prédécesseur et ami Jean-Pierre Jessenne et sur bien des points il me suffirait de renvoyer à son rapport. Ma conviction, ainsi que celle de tous mes collègues du jury, demeure évidemment que le concours d’agrégation, par-delà les critiques qu’on peut lui adresser et les évolutions envisageables, est un élément clé de notre système éducatif. Il contribue grandement au succès et au dynamisme des établissements où sa préparation est organisée. Il contribue aussi à maintenir la cohérence de nos disciplines que pourraient menacer des cursus trop fragmentés et des spécialisations trop étroites, notamment dans les enseignements de master. Il garantit à coup sûr, chez ceux qui l’obtiennent, tout à la fois les qualités d’expression écrite et orale, la capacité de synthèse, l’esprit critique et la maîtrise d’une large culture, étendue à l’ensemble des périodes et des problématiques de l’histoire actuelle, ainsi que de la géographie, le maintien du lien traditionnel mais fécond entre ces deux disciplines n’étant pas le moindre des acquis des concours de recrutement ; autant d’atouts éminemment profitables aux enseignants de tous ordres et même éventuellement aux futurs chercheurs qui se seront donné la peine de passer ce concours. La nature des épreuves, écrites ( trois dissertations, une explication de document historique ) puis orales ( une leçon d’histoire générale, une explication de documents historiques et une de documents géographiques ), est suffisamment variée pour limiter la part du hasard et permettre aux candidats de tirer parti de l’ensemble de leur préparation tout en mettant en œuvre les diverses techniques et aptitudes que le concours entend précisément valoriser. Les épreuves sont assez nombreuses pour qu’une mauvaise note à l’une d’entre elles ne soit pas irrémédiable, il faut cependant reconnaître que le niveau du concours est tel qu’à partir de deux défaillances le résultat final est sérieusement compromis. On ne saurait cacher que l’agrégation est un concours difficile, non seulement en raison du nombre limité de places, mais aussi du fait des exigences du jury qui, s’il ne pose pas de sujets ou de questions pièges et s’il veille à maintenir une véritable équité entre tous les candidats, n’en attend pas moins qu’à chaque épreuve ceux-ci fassent preuve d’une réflexion approfondie et de connaissances solides, sans parler de réelles capacités de communication, tant écrite qu’orale. Même si les cas scandaleux ne sont pas si nombreux, trop de copies encore se condamnent par avance, indépendamment même de leur contenu, par la faiblesse de leur plan, la médiocrité de leur style, les défaillances de leur orthographe. Et à l’oral, trop d’exposés souffrent du manque d’aisance du candidat, de sa maladresse à gérer son temps, de son incapacité à utiliser à bon escient les illustrations ( textes, images, cartes ) pourtant mises à sa disposition dans la salle de préparation. Dans l’avenir, et si possible dès 2007, le jury s’efforcera d’améliorer la qualité

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de cette documentation en y introduisant, avec prudence et toujours, au moins dans un premier temps, sous forme optionnelle, des documents, cartes ( pour lesquelles cela existe d’ailleurs déjà ) et images sur support informatique qui pourront être présentés, en particulier pour les épreuves de géographie et d’histoire générale, grâce à un vidéo-projecteur. Il convient de rappeler une fois de plus, pour en finir avec ces remarques générales, que l’on ne peut guère espérer réussir au concours si on en ignore les règles du jeu et si on ne s’y est pas préparé avec soin. Cette préparation ne s’improvise pas à la dernière minute. En fait, elle commence dès le début des études supérieures d’histoire. Les étudiants qui, dès la première année de licence, auront eu à assimiler des programmes suffisamment larges, se seront initiés à la recherche bibliographique, à qui, enfin, auront été régulièrement proposés des exercices écrits et oraux, abordent incontestablement l’année de l’agrégation avec des bases solides qui leur permettront de mieux se concentrer sur la préparation directe des questions du programme et des épreuves spécifiques du concours. L’année même du celui-ci, les candidats ne doivent pas se contenter de suivre des cours et de lire quelques manuels, quelle que soit la qualité des uns et des autres. Ils doivent aussi, et ce tout au long de l’année et pas seulement dans les quelques semaines séparant l’écrit de l’oral, s’informer des problématiques actuelles sur les questions qu’ils ont à étudier, mesurer, grâce aux divers instruments bibliographiques dont ils disposent, l’ampleur des ressources ( ouvrages de synthèse ou de première main, articles, principales éditions de sources, etc. ) qu’ils pourront être amenés à utiliser, notamment lors des épreuves orales, s’exercer régulièrement enfin aux divers exercices ( dissertations, explications de documents de tous ordres, leçons ) qui leur seront demandés à l’écrit et à l’oral et qui ont chacun leurs règles et leurs exigences propres. La mobilisation des connaissances utiles, l’élaboration d’un plan clair et pertinent, l’équilibre des parties, l’usage judicieux des exemples et illustrations, l’adoption d’un style ou d’un ton convaincant, autant d’aspects des épreuves qu’on ne peut maîtriser que par un entraînement systématique. L’intérêt des candidats est d’accepter tout au long de l’année les exercices qui leur sont proposés, la responsabilité des préparateurs est de leur en offrir en quantité suffisante. Beaucoup d’échecs, notamment à l’oral, semblent venir de ce que des candidats insuffisamment préparés découvrent quasiment, le jour de l’épreuve, les contraintes et presque la nature même de celle-ci. J’engage à cet égard tous les candidats au concours de 2007 à lire attentivement les indications pratiques données sur chaque épreuve dans la suite de ce rapport. Le concours 2006 : l’admissibilité Venons-en au bilan statistique du concours 2006. Le nombre d’inscrits était en légère baisse : 2989, contre 3118 en 2005 ; sur ces 2989 candidats, 1575, soit 52,6%, ont composé aux quatre épreuves de l’écrit, ce qui est nettement moins que l’an dernier ( 57,3% ) ; ce recul significatif s’explique sans doute par le découragement qu’a pu provoquer chez certains la publication assez tardive d’un nombre de postes mis au concours ( 92 ) lui-même en baisse de 28,1% par rapport à celui de l’année précédente ( 128 ). La moyenne générale des épreuves écrites est comparable à celle de l’an dernier : 4,77 contre 4,85 ; si l’on considère isolément chacune des épreuves, on observe là aussi des résultats très voisins pour trois d’entre elles : 4,39 ( contre 4,53 ) pour la première dissertation d’histoire, 4,97 ( contre 4,49 ) pour l’explication de document, 4,85 ( contre 4,5 ) en géographie ; le seul écart vraiment significatif me paraît concerner la seconde dissertation d’histoire dont la moyenne s’est située en 2006 à 4,26, contre 5,35 l’année précédente ; il semble que le sujet proposé ( « Représenter le peuple » ) quoique tout à fait central par rapport à la question au programme, ait été perçu comme difficile, parce qu’il demandait la mise en œuvre équilibrée

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de connaissances appartenant à toute l’aire géographique et chronologique du programme et, ce qui est plus étonnant et regrettable, parce qu’il exigeait une réflexion approfondie sur des notions ( « peuple », « représentation », « démocratie », etc. ) qui sont pourtant au centre de l’histoire politique moderne et que ne pourront manquer de rencontrer dans leur enseignement de futurs professeurs d’histoire et géographie dont les disciplines ont un rôle essentiel à jouer dans la formation civique des élèves. Même si le jury a tenu à prendre, avec 208 admissibles, un pourcentage un peu plus élevé que d’habitude par rapport au nombre de postes mis au concours, afin de donner leur chance à un maximum de candidats ( car, compte tenu du coefficient plus fort de l’oral, noté sur 120 contre 80 pour l’écrit, et de l’éventail souvent plus ouvert des notes d’oral, des reclassements importants peuvent intervenir au cours de celui-ci ), il n’en était pas moins inévitable que la barre d’admissibilité soit sensiblement relevée : elle s’est située un point plus haut que l’an dernier, à 34,5, ce qui correspond, pour les admissibles, à l’excellente moyenne de 10,68 contre 10,17 en 2005. Le concours 2006 : l’admission Il est à remarquer que tous les candidats admissibles ont participé aux épreuves orales, malgré la fatigue que représentait pour beaucoup la nécessité d’aller, presque au même moment, passer les épreuves du CAPES à Châlons-en-Champagne. Concernant les épreuves orales, je renvoie aux paragraphes correspondants dans la suite de ce rapport. J’invite les futurs candidats à tenir compte des conseils précis qui y sont prodigués. La liste complète des sujets et documents proposés en 2006 est donnée à titre d’information ; ces sujets sont évidemment très divers, dans le fond et dans la forme, le jury veille cependant à ce que tous soient bien dans l’esprit du programme, en sorte qu’un candidat bien entraîné, sans lacune criante dans sa préparation, ne doit normalement être désavantagé par aucun. Comme on le verra dans le tableau statistique placé à la fin du rapport, les moyennes des diverses épreuves orales ( 6,96 pour la leçon d’histoire générale, 7,71 pour l’explication de documents historiques, 7,8 pour l’explication de documents géographiques, contre, respectivement, 6,35, 7,72 et 7,74 en 2005 ) se situent à un niveau légèrement supérieur à celui de l’an dernier. On notera aussi que la leçon d’histoire générale reste l’épreuve la plus difficile et partant, sans doute, une des plus discriminantes ; son intérêt me paraît cependant évident, car elle reste particulièrement révélatrice de la culture historique générale du candidat, de sa maîtrise des instruments de travail fondamentaux de l’historien et de son esprit de synthèse ; il est à noter que, curieusement, c’est l’histoire contemporaine qui, en histoire générale, obtient la moyenne la plus basse ; peut-être est-ce parce que c’est en histoire contemporaine qu’une fausse familiarité avec la période et le caractère plus insidieux du risque d’anachronisme font apparaître sans fard le manque de sens critique, pour ne pas dire de sens historique tout court, de certains candidats. L’épreuve d’explication de documents historiques s’avère en général, comme d’habitude, toutes périodes confondues, un peu moins redoutable ; c’est là en effet que les candidats bien préparés trouvent le plus aisément la récompense de leurs efforts. L’épreuve de géographie enfin est, comme toujours, très discriminante, avec un éventail de notes très ouvert ; raison de plus pour les candidats pour ne pas faire l’impasse sur cette discipline et préparer au contraire avec application une épreuve qui peut s’avérer extrêmement rentable, d’autant que les examinateurs géographes attendent moins des candidats une technicité poussée qu’une vraie capacité d’analyse et une aptitude à jeter sur la carte ou le document un regard investigateur et libre de préjugés et de connaissances a priori. Terminons par quelques remarques rapides sur l’origine des candidats et le profil des reçus. Ceux-ci ont peu changé depuis l’an dernier. Les Normaliens de Paris et de Lyon conservent

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un taux de réussite élevé ; pour le reste, les étudiants, inscrits ou non à l’IUFM, représentent la grosse majorité des reçus ; la réussite des autres catégories de candidats ( enseignants titulaires ou stagiaires, salariés ) est beaucoup plus aléatoire. Concernant l’origine géographique, la primauté des académies de la région parisienne et de Lyon ( notamment grâce à son ENS ) ne se dément pas ; les candidats issus des académies de province et même d’outre-mer ont cependant toutes leurs chances, comme l’ont montré cette année encore quelques brillantes individualités ; encore faut-il qu’ils veuillent bien, et leurs préparateurs avec eux, s’en convaincre et s’en donner les moyens en se préparant convenablement aux diverses épreuves du concours. Plus choquant et moins explicable est l’écart persistant, déjà observé par mon prédécesseur, entre hommes et femmes. Celles-ci, qui constituent 47,64% des inscrits, ne représentent plus que 32,68% des admissibles ; les choses s’améliorent un peu à l’oral ( 35 reçues sur 92, soit 38% ) et le fait qu’il y ait eu cinq jeunes filles dans les sept premiers du classement, dont la première et la seconde, toutes deux exceptionnellement brillantes, confirme bien, s’il en était besoin, qu’il n’y a là aucune fatalité. Je ne puis qu’espérer que les prochains concours verront se résorber, en particulier au niveau de l’écrit, ce déséquilibre. Remerciements Il me reste l’agréable devoir de rappeler que le bon fonctionnement du concours, offrant aux candidats la garantie d’un maximum d’équité, ne dépend pas seulement du président du jury, mais de la bonne volonté et de la conscience professionnelle de toutes celles et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, participent à son organisation et à son déroulement. Mes remerciements vont d’abord à mes collègues, vice-présidents et secrétaire général, qui constituent le « directoire » du jury et m’ont apporté, avec une parfaite disponibilité, une aide constante, au sein d’une pratique véritablement collégiale. Mes remerciements vont également à tous les correcteurs et examinateurs, tant d’écrit que d’oral, chez qui j’ai trouvé le même esprit de solidarité, d’écoute réciproque et de respect pour les candidats, qui sont à la fois la marque d’un authentique attachement à l’agrégation et la garantie d’une totale indépendance de tous et chacun dans le jugement et la notation. Ont également contribué au bon déroulement du concours et méritent la gratitude de tous, les étudiants vacataires qui ont assuré les deux secrétariats d’oral ou l’accompagnement des candidats à la fois pendant les heures de préparation et pour leur installation dans les salles d’épreuve ; leur rôle humain, en particulier, est irremplaçable. Le président du jury est en contact permanent tout au long de l’année avec les services de la Direction des personnels enseignants des lycées et collèges du Ministère de l’Éducation nationale, avec le Service interacadémique des examens et concours de la région parisienne, avec les rectorats de Paris et de province ; malgré les inévitables lourdeurs et lenteurs administratives et des contraintes financières aggravées, j’y ai toujours trouvé des oreilles attentives et une assistance précieuse. Je tiens également à souligner les bons rapports personnels noués tout au long de l’année avec les présidents et vice-présidents des jurys des concours « frères » ( agrégation de géographie et CAPES d’histoire-géographie ), qui ont permis une coopération opportune et de fréquents échanges d’informations. Chacun sait enfin que, depuis des années, la bonne marche de l’agrégation d’histoire, repose sur la parfaite collaboration avec les institutions qui hébergent nos épreuves. Cette année encore, celle-ci ne nous a pas manqué. Madame la Directrice, les responsables et le personnel de la Bibliothèque de la Sorbonne se font un devoir de mettre à la disposition des candidats toute la documentation possible et d’accueillir dans les meilleures conditions la préparation des épreuves orales d’histoire. On

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peut en dire autant du personnel de l’Institut de Géographie et de la responsable de sa Bibliothèque, tout aussi dévoués. A titre subsidiaire, il nous est arrivé de recourir aux ressources d’autres bibliothèques ( bibliothèques universitaires d‘instituts, Bibliothèques Sainte-Geneviève, Cujas, de l’Ecole Normale Supérieure ) ; toutes ont réservé le meilleur accueil à nos demandes. À toutes et tous, nos plus vifs remerciements. Last but not least, je rappelle enfin qu’en 2006 comme il le fait depuis des années, le Lycée Louis-le-Grand a accueilli nos délibérations et nos épreuves orales dans des conditions remarquables, avec une amabilité et un sens du service public que l’on doit saluer. J’adresse donc, au nom de tous, mes plus vifs et sincères remerciements à Monsieur le Proviseur, aux services de l’Intendance, à nos collègues du cabinet des professeurs d’histoire-géographie qui nous prêtent en particulier leurs vidéo-projecteurs, à tout le personnel enfin de l’établissement qui, tout au long du concours, réserve à tous, examinateurs et candidats, un accueil souriant, aimable et efficace.

Le jury, présidé par M. Jacques Verger, professeur d'histoire médiévale à l'Université de Paris IV - Sorbonne, était ainsi composé : Vice-Présidents :

Histoire : M. Joël Cornette (Paris VIII), Mme Catherine Virlouvet (Aix-Marseille I), M. Laurent Wirth (Inspecteur général de l'E.N.)

Géographie : M. Guy Baudelle (Rennes II), Mme Colette Vallat ( Paris X)

• Secrétaire général

M. Enrique Leon (Cl. Prépa., Henri IV, Paris)

Autres membres du jury d'oral Histoire ancienne : Mmes Catherine Grandjean (Tours), Christine Hamdoune (Montpellier III), MM. Bernard Legras (Reims), Yves Modéran (Caen) Histoire médiévale : Mmes Elisabeth Crouzet-Pavan (Paris IV), Michèle Gaillard (Metz), MM. Jean-Louis Gaulin (Lyon II), Michel Kaplan (Paris I) Histoire moderne: MM. Jean Duma (Paris X), Bernard Gainot (Paris I), Mme Christine Lamarre (Dijon), M. François-Joseph Ruggiu (Bordeaux III) Histoire contemporaine : MM. Philippe Buton (Reims), Jean-François Chanet (Lille III), Pierre-Alain Rogues (Cl. Prépa, Sceaux), Mme Nadine Vivier (Le Mans) Géographie : Mmes et MM. Valérie Batal (Cl Prépa., Versailles), Yves Boquet (Dijon), Elisabeth Bonnet-Pineau (Cl. Prépa., Reims), Alain Dubresson (Paris X), Frank Pigeon (Chambéry), Bénédicte Thibaud (Poitiers). La correction de l'écrit a aussi été assurée par : Histoire ancienne : Mmes et MM. Sabine Armani (Paris XIII), Annie Arnaud (Nice), Claudine Auliard (Poitiers), Philippe Blaudeau (Paris XII), Claude Briand-Ponsart (Caen) , Catherine Bustany-Leca (Caen), Bernadette Cabouret-Laurioux (Lyon III), Michèle Coltelloni-Trannoy (Marne-la-Vallée), Pierre Corbier (Aix-Marseille I), Sabine Crouzet

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(Tours), Sylvie Estienne (ENS Paris), Michel Fauquier (Nantes), Henri-L. Fernoux (Dijon), Christophe Goddard (Reims), Eric Guerber (Lorient), Christine Hoët-Van Cauwenberghe (Lille III), Hélène Ménard (Montpellier III), Elisabeth Smadja (Besançon), Manuel de Souza (Saint-Etienne), Bernard Rossignol (Paris I). Histoire médiévale : Mmes et MM. Germain Butaud (Nice), Aymat Catafau (Perpignan), Noëlle Deflou-Leca (Grenoble II), Bruno Dumézil (Paris X), Thomas Granier (Montpellier III), Benoit Joudiou (Toulouse II), Thierry Kouamé (Fontenay-sous-Bois), Elodie Lecuppre-Desjardins (Lille III), Gilles Lecuppre (Paris X), Samuel Leturcq (Tours), Anne Massoni-Hubert (Limoges), Charles Mériaux (Reims), Corinne Péneau (Paris XII-Créteil), Alain Provost (Arras), Pierre Savy (Marne-la-Vallée), Anne Reltgen-Tallon (Amiens), Lydwine Scordia (Rouen), Bénédicte Sère (Paris X), Ludovic Viallet (Clermont-Ferrand) Histoire moderne : Mmes et MM. Serge Bianchi (Rennes II), Nicole Berezin (Cl. Prépa., Paris), Michel Biard (Rouen), Didier Boisson (Le Mans), Gilbert Buti (Aix-Marseille I), Jean-Luc Chappey (Clermont-Ferrand), Clarisse Coulomb (Grenoble II), Marcel Dorigny (Paris VIII), Marie Drut-Hours (Metz), Jean-François Dunyach (Paris IV), Edmond Dziembowski (Besançon), Madeleine Ferrières (Avignon), Guillaume Garner (ENS Lyon), Marie-Laure Legay (Lille III), Rémi Mallet (Cl. Prépa., Caen), Anne de Mathan (Brest), Vincent Milliot (Caen), Valérie Piétri (Nice), Agnès Walch (Arras), Claudine Wolikow (Paris X), Nathalie Wolff-de Buzon (Cl. Prépa., Vanves). Géographie : Mmes et MM. Gérard Bacconnier (Cl. Prépa., Lyon), Pierre Bergel (Caen), Emmanuel Chiffre (Nancy II), Gilles Fumey (Paris IV), Bernard Gilbert (Cl. Prépa., Rennes), Guillaume Giroir (Orléans), Jean-Marc Holz (Perpignan), Emmanuel Lezy (Paris X), Jean-Paul Momont (Cl. Prépa., Lille), Jean-Michel Muyl (Montereau), Delphine Pages-Elkaroui (Poitiers), Pierre Pech (Paris I), Philippe Piercy (Cl. Prépa., Paris), Alice Rouyer (Toulouse), Florence Smits (Metz), Jean-Marie Théodat (Paris I), Sandrine Vaucelle (Mérignac), Serge Weber (Aix-Marseille I). Auraient participé à la correction de l’histoire contemporaine : Mmes et MM. David Bellamy (Amiens), Frédéric Chaubet (Tours), Guillaume Cuchet (Avignon), Michèle Dechenoix (Cl. Prépa., Paris), Simone Delattre (Cl. Prépa., Paris), Sylvie Denys-Blondeau (Cl. Prépa. Rouen), Pierre-Michel Durand (Cergy-Pontoise), Jean Folliet ( Cl Prépa., Lyon), Richard Galliano (Cl. Prépa., Poitiers), Bernadette Galloux (Cl. Prépa., Paris), Jean-Marc Guislin (Lille III), Serge Hénin (Cl. Prépa., Saint-Maur), François Lalliard (Chatenay-Malabry), Olivier Loubès (Cl Prépa., Toulouse), André Loez (Argenteuil), Edouard Lynch (Lyon II), Nicolas Marty (Perpignan), Cécile-Anne Sibout (Rouen), Jean Vigreux (Dijon), Marie-Bénédicte Vincent (Angers).

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PREMIERE DISSERTATION (HISTOIRE ANCIENNE)

_______________ Durée : 7 heures Sujet : Etat et communautés civiles (cités, tribus) en Afrique romaine, 69-429. Par Christine Hamdoune et Yves Modéran1

Remarques préliminaires 1) Le sens du sujet Pourvu d’une parenthèse, le sujet ne laissait place à aucune ambiguïté sur le sens de son second terme : l’expression « communautés civiles » excluait donc les collèges professionnels, les sodalités, et surtout toutes les associations religieuses, y compris et notamment les Eglises chrétiennes, ainsi que les communautés rurales non intégrées à des cités, comme les paysans des domaines impériaux (ainsi ceux du Saltus Burunitanus s’adressant à l’empereur sous Commode). En revanche, la notion de cité étant large, les castella intégrés à des territoires civiques n’échappaient pas à sa perspective ; de même, pouvaient être incluses les assemblées provinciales, formées de délégués de cités. Quant au mot « Etat », il désignait évidemment le pouvoir central (l’empereur et les services administratifs centraux) et tous ses agents en Afrique, c’est-à-dire tous ceux qui étaient nommés par lui : vicaires, gouverneurs, légats et officiers de l’armée, procurateurs et autres agents du fisc, curateurs de cités, auxquels on devait joindre les préfets de tribus. Les dates retenues étaient le début du programme d’une part, en excluant les événements de la crise de 68-69, et d’autre part le début de l’invasion vandale : cette seconde date, 429 et non 439, a été choisie pour empêcher toute hésitation sur le mot « Etat » (il s’agit de l’Etat romain), et sur le mot « tribus » (les Vandales étaient exclus). La mention « en Afrique romaine » n’était pas non plus gratuite : elle impliquait que, parmi les tribus, n’étaient à étudier que celles qui étaient établies à l’intérieur des provinces, ainsi que les groupes vivant à proximité de la frontière et qui pénétraient occasionnellement sur le territoire provincial (on songe ici notamment aux « Barbares » proches du pays des Arzuges au Bas-Empire, ou aux Baquates de Tingitane au Haut-Empire). Les autres tribus étaient exclues. Comme toujours lorsque la conjonction de coordination « et » est au centre de l’intitulé, l’accent était mis sur une relation : ici, il s’agissait donc en priorité d’analyser les relations entre, d’une part, l’Etat romain à travers ses agents et, d’autre part, les cités et les tribus. Cela supposait que cités et tribus soient précisément présentées, et leur évolution prise en compte : mais l’accent était bien mis en priorité sur les rapports entre l’Etat (nommé en premier dans l’intitulé) et ces communautés. Dans ces conditions, tout devoir qui privilégiait une approche exclusivement, ou très majoritairement, « interne » de l’histoire des cités et des tribus était, inévitablement, considéré comme hors sujet. 2) Qu’attendait surtout le jury de l’étude de ces relations ? Deux grandes questions, souvent envisagées par l’historiographie moderne, étaient ici en jeu et devaient figurer au cœur des copies, avec cependant une inégale importance.

1 Respectivement professeurs aux universités de Montpellier III et Caen

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La première est celle de l’emprise de l’Etat sur les communautés civiles africaines : ses moyens, ses formes, sa mesure, son évolution. Une place pouvait être brièvement faite d’abord à la notion d’impérialisme et à celle de colonisation, en soulignant, non sans considérations historiographiques, les spécificités de ces phénomènes à l’époque romaine. La question elle-même de l’emprise supposait ensuite que soient bien présentés le cadre administratif et son évolution (provincialisation, circonscriptions fiscales ou juridiques, etc…), les moyens d’intervention des agents de l’Etat, et surtout qu’apparaisse le ressort profond du système : la recherche d’appuis locaux, en l’occurrence auprès des élites, et l’instauration ensuite d’une dialectique relationnelle entre les deux entités. La pratique des ambassades et le rôle des patrons devaient donc apparaître. Le problème de la « liberté » des cités, de leur autonomie, devait tenir, de manière plus générale, une place prioritaire dans le développement. Or, pour ces questions, les changements du Bas-Empire à partir de la Tétrarchie (généralisation des curateurs, toujours nommés, contrôle des gouverneurs sur les finances municipales, législation lourde sur les munera municipaux) sont importants, ce qui ne pouvait être sans conséquence sur le plan. Pour les tribus, on attendait d’abord des développements sur les soumissions forcées, puisque la conquête n’est pas achevée en 69, et qu’à la limite, elle s’est poursuivie même jusqu’à la fin des années 410 (Lettre 199 de saint Augustin) : imposer la reconnaissance de la souveraineté romaine et soumettre une communauté tribale à l’impôt étaient donc deux phénomènes qui relèvaient du sujet. Mais ce sont les modalités et l’ampleur de ces soumissions qui devaient surtout retenir l’attention, et non évidemment l’histoire militaire ou la construction d’un limes. Ensuite, les formes d’administration des tribus étaient attendues : notamment les cantonnements (avec les réserves nécessitées par ce terme), la nomination des préfets de tribu, et les investitures de principes. La seconde grande question mise en jeu par le sujet était plus difficile, se prêtait à plus de controverses, et se combinait aussi parfois avec la précédente, compliquant les possibilités de plan : c’est celle de la romanisation, envisagée ici avant tout sous l’angle du rôle de l’Etat dans ce processus. Jusqu’à quel point le pouvoir romain chercha-t-il, dans ses relations avec les cités et les tribus d’Afrique, à diffuser un modèle et des valeurs ? Marcel Bénabou (La résistance africaine à la romanisation, Paris, 1976, p. 257), en citant le fameux texte de Tacite dans la Vie d’Agricola, estimait qu’il y avait eu une vraie politique volontariste de romanisation. D’autres (Y. Thébert, Annales ESC 1978), après lui, ont mis, de manière convaincante, l’accent sur les dynamiques internes à la société africaine, et fait de l’insertion dans l’Empire une opportunité saisie par des élites séduites par les possibilités nouvelles offertes par Rome. Les termes de ce débat devaient être rappelés, mais on ne pouvait accepter que la romanisation, en tant que telle et sous tous ses aspects, fasse ensuite l’objet d’une ou plusieurs parties spécifiques. On attendait seulement que soit analysé et mesuré le rôle de l’Etat dans le processus, et donc que soient surtout clairement évoqués d’un côté la politique de promotion des cités, à travers les municipes, le droit latin, et les colonies honoraires, et de l’autre la sédentarisation des tribus, leur rattachement à des cités par adtributio, et leur conversion éventuelle en cités. Restait, à partir du moment où on parlait de romanisation, le grand problème des résistances. Il est lié à ce qui est peut-être la difficulté principale de ce sujet : jusqu’à quel point pouvait-on le renverser et traiter « communautés civiles et Etat » ? Il était normal, et nécessaire, que, en évoquant différentes formes d’emprise et d’interventions de l’Etat dans la vie des cités et des tribus, le candidat s’interroge sur les réactions autant que sur les effets de ces phénomènes. Des soulèvements maures en réaction contre des interventions dans la vie d’une tribu avaient donc leur place dans le sujet : on attendait de la sorte que la révolte de Firmus soit mentionnée. Mais, pour se resituer par rapport à M. Bénabou, tout ce qui relevait des « résistances culturelles et religieuses » n’avait pas sa place ici, pas plus qu’un certain nombre

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de soulèvements aux causes totalement inconnues. Les inclure aurait supposé que l’on majore le degré d’intervention de l’Etat romain, ce que justement on devait avoir pris pris garde auparavant de ne pas faire. Inverser le sujet était donc une erreur non seulement formelle, mais aussi scientifique. 3) Considérations générales sur les copies Les remarques précédentes laissent deviner les qualités de réflexion et de synthèse que l’exercice exigeait, et elles soulignent à quel point il était important pour les candidats d’analyser longuement et précisément les termes et le libellé du sujet. Si la moyenne générale est supérieure aux deux dernières compositions d’histoire ancienne, et si un groupe relativement important de bonnes ou très bonnes copies a nettement émergé, il reste que les correcteurs ont constaté, dans un nombre beaucoup trop élevé de cas, les conséquences d’une mise en pratique manifestement insuffisante de cette règle élémentaire de méthode, pourtant rappelée d’année en année dans les rapports. Une lecture rapide du libellé a d’abord conduit ainsi trop de copies à négliger la notion de « communautés », alors même qu’elle était au centre de la problématique attendue. Au fond, le sujet exigeait avant tout une réflexion sur les rapports entre deux entités de droit public, l’Etat d’un côté, les communautés civiles de l’autre. Sans prendre conscience de cette réalité juridique, et souvent aussi sans percevoir l’échelle d’analyse précise qu’elle impliquait, beaucoup de candidats ont cru devoir évoquer tous les Africains, au sens large : au mieux, le sujet est devenu alors « L’Etat et les Africains », au pire, « Rome et l’Afrique ». Car beaucoup aussi n’ont pas hésité à le détourner vers une étude de la romanisation au sens le plus général, en ignorant donc également le premier terme du libellé. De ces deux erreurs initiales ont résulté toute une série de développements hors-sujet, les plus fréquents portant sur l’évergétisme dans tous ses détails, la vie politique interne des cités, la romanisation des individus, notamment à travers l’onomastique, et surtout, malgré l’adjectif « civiles » et la parenthèse, les communautés chrétiennes, leurs divisions, et l’activité des donatistes et des circoncellions. Indépendamment des conséquences de ces erreurs d’interprétation, le jury a relevé aussi, dans les connaissances de beaucoup de candidats, un certain nombre de faiblesses récurrentes. La plus surprenante a concerné les institutions : les titres des gouverneurs et leurs pouvoirs, les noms des agents du fisc et leurs compétences, le rôle des curateurs et des préfets de tribus ont donné lieu à toutes sortes d’approximations, et révélé souvent de graves lacunes, comme si, dans leur préparation, les candidats avaient jugé négligeables ces notions élémentaires, certes intellectuellement moins séduisantes que telle ou telle théorie récente sur la romanisation, mais pourtant toujours fondamentales, et pour ce sujet indispensables. Trop souvent également, les Maurétanies et les tribus ont été à peine évoquées ou même totalement oubliées dans les développements, comme si l’Afrique romaine se limitait aux seules cités de la province proconsulaire ; et quand les tribus ont été mentionnées, ce fut, hélas, à maintes et maintes reprises pour dire qu’elles étaient « nomades ou semi-nomades », en totale ignorance de la diversité bien plus grande de leurs genres de vie. Enfin, et c’est peut-être la faiblesse la plus fréquemment constatée, la méconnaissance du Bas-Empire est apparue évidente dans nombre de copies. Sur le plan formel, le jugement du jury a été plus favorable. Malgré une petite minorité de copies scandaleuses, l’orthographe et la syntaxe ont été plutôt correctes, les fautes les plus fréquentes consistant surtout en des oublis ou des erreurs dans les accords des noms et des verbes. Il reste à poursuivre les efforts, notamment pour ce qui concerne l’écriture et la présentation : les candidats doivent se convaincre qu’une copie bien lisible, avec un plan annoncé clairement, et des parties et des sous-parties bien distinctes, suscitera toujours une

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première impression favorable. Plus généralement, le jury tient à rappeler l’importance à accorder en histoire ancienne à la présentation des sources en introduction, et la nécessité de faire référence à ces sources sur les aspects essentiels du sujet dans les développements. Il souligne aussi la nécessité des exemples précis, qui doivent être présentés avec suffisamment de détails, et non être cités sommairement dans de brèves parenthèses concluant des paragraphes. Introduction Elle pouvait commencer par un bref rappel des étapes de la conquête en Afrique avant 69 (146 et 46 avant J.-C., 39-43 après J.-C.) et de ses modalités (Rome a imposé son autorité par la force, mais après -146 souvent après une phase de protectorat), en terminant par une présentation de l’étendue de l’Afrique romaine en 69. Cette Afrique conquise était un monde différent de l’Italie, avec de fortes spécificités encore présentes en 69 : peuplement libyque, civilisation punique, implantations italiennes, réunis en deux types de communautés, cités et tribus : deux notions qui étaient d’emblée à définir, en insistant sur le principe d’autonomie constitutif de la notion même de cité. On arrivait de là aux questions centrales : a) Comment l’Etat romain a-t-il défini, après 69, ses relations avec cités et tribus ? b) Sa politique a-t-elle eu un sens précis, celui de la romanisation ? c) Comment a-t-elle évolué, en fonction de deux facteurs, l’un africain (la romanisation qui, de facto, avec ou sans lui, progressait), et l’autre impérial (sa propre transformation à partir de Dioclétien et Constantin) ? Autant de questions complexes, éclairées par une documentation très inégale : textes littéraires rares et de valeur très variable (rares pour 69-238 ; plus riches ponctuellement ensuite : Hérodien, Ammien Marcellin, textes chrétiens) ; épigraphie très riche pour les cités, beaucoup moins pour les tribus (il fallait ici souligner le problème spécifique des sources pour ces communautés tribales). L’introduction se termine par l’annonce du plan. Plusieurs étaient ici possibles, et le jury a admis, lorsqu’elle était bien menée, l’option purement thématique, pourtant difficile à concilier avec un sujet couvrant une aussi longue durée. Un plan mixte, thématique et chronologique, a semblé néanmoins préférable, pour mieux mettre en valeur l’originalité du Bas-Empire. I. L’emprise du pouvoir d’Etat sur les communautés civiles au Haut-Empire 1) Diversité et nombre des communautés : Cette présentation devait commencer par l’évocation du célèbre texte de Pline l’Ancien, mort en 79, qui dénombrait 516 populos entre l’Ampsaga et les Autels des Philènes, donc dans la grande Proconsulaire. Le Naturaliste distingue parmi ces « peuples » une trentaine de cités (appelées « colonies » ou oppida, ces derniers « de citoyens romains », « latins », « stipendiaires », ou « libres »), du reste, regroupant des civitates et des nationes : le premier terme peut désigner des cités indigènes, mais dans la majorité des cas, comme nationes, il correspond probablement à des tribus (de même que César appelle les peuples gaulois civitates). Les informations sont plus pauvres sur les Maurétanies, mais des cités indigènes y sont également bien attestées, comme Siga, Tigava, Rusaddir, Volubilis. On devait néanmoins souligner ici d’emblée, et même avec les nuances apportées récemment, l’importance de la distinction entre les « deux Afriques ». a) Les cités avaient des passés et des statuts divers. On reviendra plus loin sur leur évolution.

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Il faut cependant établir déjà ici des distinctions en 69, appuyées sur des exemples, entre les cités pérégrines (exemples : Thugga, Théveste, Mactar), les municipes (exemples en 69 : Utique ou Volubilis), et les colonies, avec les cas particuliers des pagi rattachés à une cité (exemple de Carthage), et de la confédération cirtéenne. b) Les tribus (gentes) sont également très diverses : par le genre de vie (sédentaires, transhumants, semi-nomades, ou combinant ces formes) et par leur organisation et leur importance numérique : clans, tribus, confédérations. Parmi les exemples possibles, ceux des Musulames, vaincus définitivement en 45 ou 46, des Suburbures, ou de plus petites tribus comme les Musunii, étaient attendus. c) De nouvelles communautés ont été soumises à l’autorité romaine entre 69 et la fin du IIIe siècle (et cela nécessitait un bilan rapide dans cette partie du devoir). Toutes ou quasiment toutes étaient des tribus. Plusieurs beaux exemples de ces intégrations s’offraient ici : les Gétules de Numidie méridionale dans le dernier quart du Ier siècle, à la suite de l’arrivée de la légion à Théveste et de l’ouverture de l’axe Théveste-Lambèse ; ou les Bavares occidentaux après l’annexion de l’Ouarsenis sous Septime Sévère. D’autre part, on y reviendra, le nombre des cités s’est aussi élevé durant toute la période, par conversion de communautés rurales ou tribales en civitates : on pouvait donc citer ici, pour conclure, l’expression fameuse de Tertullien dans le De anima au début du IIIe siècle : Ubique respublica ! 2) Toutes ces communautés civiles sont insérées dans un cadre provincial et sous le contrôle d’agents de l’Etat Devaient être mentionnés brièvement ici d’abord les quelques voyages d’empereurs attestés en Afrique dans la période : Hadrien en 128, Septime Sévère (peut-être) vers 203, Maximien en 297-298. Puis devait venir la présentation de leurs hommes. a) Provinces et gouverneurs : Il fallait décrire brièvement les différentes situations : la Proconsulaire, province sénatoriale, avec son proconsul, les deux légats du proconsul (situation acquise en 69) avec leurs diocèses, et le questeur ; puis la Numidie, insérée dans la Proconsulaire, mais avec un légat autonome : véritable gouverneur du secteur militaire d’abord (Numidie méridionale et Tripolitaine intérieure), puis dès Hadrien, en fait, de toute la future Numidie, créée officiellement par Septime Sévère ; et enfin les deux Maurétanies, avec leurs procurateurs équestres. Les pouvoirs de ces gouverneurs devaient ensuite être évoqués : la durée de leurs missions (un an pour le proconsul, de deux à trois ans pour le légat de Numidie), et l’étendue de leur autorité : « Il ne peut rien arriver dans la province qui ne soit du ressort du proconsul », selon Ulpien. En fait, les gouverneurs sont d’abord les représentants de l’empereur, et ce dernier contrôle même le proconsul : on pouvait citer à ce sujet l’exemple de l’inscription de Vaga sous Septime Sévère et ses fils, cité promue colonie, avec déduction (rituelle) par le proconsul, « sous les auspices » des empereurs, c’est-à-dire après leur décision. D’autre part, si, à son arrivée, le gouverneur promulgue un édit annonçant son gouvernement, il reçoit des mandata impériaux (depuis Auguste ?). Pratiquement, il a d’abord un pouvoir de maintien de l’ordre et a donc autorité sur des forces armées (cohorte de Carthage pour le proconsul, armée de Numidie pour le légat, armées des Maurétanies pour les procurateurs-gouverneurs). Il en use notamment pour surveiller les tribus, ce qui peut prendre diverses formes : combats contre leurs incursions ou leurs révoltes ; assignation de bornes au nom de l’empereur (exemples : le procurateur de Césarienne délimitant en 128, à Igilgili, le territoire des Zimizes et celui du Castellum Victoriae ; les légats de la IIIe légion délimitant le territoire des Musulames sous Trajan) ; mais aussi conclusion d’accords avec celles qui sont aux marges de la province ou ont gardé une large autonomie (exemple ici des autels de la paix avec les Baquates). Il peut aussi, au

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nom de l’empereur, autoriser la création de marchés dans les campagnes (nundinae), auxquels participent les gens des tribus. Il contrôle en principe les cités, notamment leurs finances : tout nouvel impôt local devait obtenir son autorisation ; tout projet aux frais de la res publica devait, en principe, se faire avec son accord et, à partir du milieu du IIe siècle, tous les grands travaux dans une cité devaient même obtenir une autorisation impériale. Le gouverneur veillait à la bonne tenue des élections, et à l’exécution des promesses évergétiques. Surtout, il contrôlait, en général, le bon accomplissement de tout ce qu’on appelle les munera publica à partir du IIe siècle : toutes ces obligations traditionnelles et inhérentes à la vie civique, qui pesaient sur les notables comme sur les humbles (munera sordida). Certaines, qu’il ne faut pas confondre avec les « honneurs municipaux » comme l’exercice des magistratures, étaient nécessaires au fonctionnement interne de la cité (justice locale, organisation des jeux) ; d’autres étaient demandées par l’Etat (entretien du cursus publicus, levée des impôts). Surtout, le gouverneur rend la justice dans la province au nom de l’empereur : d’où ses déplacements sur les lieux de conventus, qui constituent en même temps une tournée annuelle d’inspection de la province. b) Les circonscriptions fiscales et leurs agents, les procurateurs équestres Il faut rappeler d’abord qu’il existait au moins deux grands types de procurateurs. Les uns étaient préposés au contrôle de la gestion des domaines impériaux (nombreux en Afrique), avec différents échelons administratifs (tractus, regio) : leurs administrés étaient des communautés rurales comme celle du Saltus Burunitanus, mais des tribus pouvaient y être intégrées. Les autres étaient chargés des impôts proprement dits, avec la distinction ici entre Proconsulaire avec son questeur, et les autres provinces où des procurateurs levaient les impôts directs. A cela s’ajoutaient les IIII publica Africae, service d’impôts indirects, avec leurs propres procurateurs. Tous ces procurateurs avaient un pouvoir de justice en matière fiscale (cf. le procurateur tué à Thysdrus en 238). En principe, n’échappent à l’impôt que de rares cités pourvues de ce privilège (cités fédérées, au moins au début, et cités pourvues du ius italicum), mais les tribus y sont soumises (les Zegrenses à Banasa). Les opérations de cadastration, pour une bonne part réalisées avant 69 en Proconsulaire, et les recensements ont établi un cadre dans lequel toutes les communautés ont été insérées. 3) Mais l’Etat envoie aussi des agents extraordinaires et des curateurs de cités au Haut-Empire a) Les agents extraordinaires sont envoyés pour procéder à des bornages, et à des limitations de territoires entre cités, ou entre cités et tribus, ou encore à des délimitations administratives : ainsi Rutilius Gallicus, légat sénatorial, en 74 pour un nouveau bornage de la Fossa Regia, ou Sextus Sentius Caecilianus envoyé dans les deux Maurétanies en 75 pour les « (ré)organiser » (ordinare) ; certaines missions sont destinées à des achats extraordinaires de blé pour l’annone romaine en période difficile : ainsi du cas fameux de Titus Flavius Macer, notable d’Ammaedara devenu chevalier, dans le nord-ouest de la Proconsulaire à la fin du règne de Trajan ; d’autres missions ont pour but de procéder à un recensement (exemple de Caius Octavius Pudens en Maurétanie Césarienne en 197-198). b) Les curateurs de cités étaient, au Haut-Empire, des agents exceptionnels de l’empereur, d’origine sénatoriale ou parfois sortis de la curie de Carthage : nommés pour une période courte, ils avaient pour mission essentielle de remettre de l’ordre dans les finances municipales. En Afrique, ils apparaissent très tard, sous Septime Sévère (à Sufetula en 196), interviennent presque tous en Proconsulaire, et restent peu nombreux jusqu’en 235 (entre 13 et 19 connus à l’époque sévérienne, sur un total de 41 pour la période allant de 196 à la fin du

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IIIe siècle, selon l’étude de François Jacques). c) On pourrait citer ici aussi les préfets de tribus (sur lesquels on reviendra), agents délégués de l’empereur, mais désignés de manière non systématique, pour administrer certaines communautés tribales, et qui étaient, au Haut-Empire, souvent des officiers de l’armée ou des notables de cités romaines (cas de Titus Flavius Macer, déjà cité, et qui fut « préfet des Musulames » sous Trajan). Une première conclusion peut, à ce stade, souligner le contraste entre d’une part l’ampleur théorique des pouvoirs de l’empereur et des agents de l’Etat, et d’autre part, comme le montre la situation réelle des curatelles, l’autonomie des communautés, très large, on va le voir, dans la pratique. Cette autonomie est une clef pour comprendre le succès des impulsions romanisatrices de l’Etat, et aussi les réactions parfois vigoureuses des communautés. II. Dialectique des rapports Etat/Communautés au Haut-Empire : 1) Il faut commencer par rappeler les buts de l’Etat romain dans son administration de l’Afrique, donc dans ses rapports avec les communautés, et leurs effets directs On peut en définir trois : maintien de l’ordre, efficacité de la levée de l’impôt, et, avec des limites à préciser, romanisation, le tout conjugué à un principe d’ordre autant idéologique que politique : respecter l’autonomie des cités, et à une réalité intangible : le faible nombre de fonctionnaires de cet Etat romain. a) Les deux premiers buts ne prêtent guère à discussion. Il s’agissait d’abord d’assurer le maintien de l’ordre. Dans sa forme la plus brutale, cet objectif impliquait le recours à l’armée. Au Haut-Empire, son usage contre des communautés intérieures apparaît, en fonction de nos sources (surtout épigraphiques), assez limité. Il a visé surtout les tribus de l’intérieur, conquises depuis longtemps ou récemment, pour des opérations de répression contre des soulèvements. Entre 69 et la fin du IIIe siècle, ces révoltes indigènes sont presque exclusivement maurétaniennes. Les conséquences de ces interventions brutales sur les communautés tribales nous échappent le plus souvent : captures d’esclaves (mosaïque de Cherchell), assujettissements par l’intermédiaire de préfets ; des restrictions de territoire sont probables, mais en fait assez rarement attestées. Avec les cités, cette conception du maintien de l’ordre est plus subtile. Passé l’orage de 68-69, la seule grande crise qui a vu un recours à l’armée contre des cités est celle de 238 (infra). Ordinairement, les gouverneurs n’intervenaient que dans des cas graves, et surtout pour les protéger des tribus ou des « brigands » : on songe ici à l’exemple célèbre de Sala en 144 : Sulpicius Felix, préfet d’aile mais chargé en fait d’une mission extraordinaire par le gouverneur de Maurétanie Tingitane, protégea la cité en lui rendant « l’accès aux forêts et aux champs », et la fit entourer de remparts. Pour le reste, le gouverneur n’use en fait de son pouvoir de contrôle sur les cités qu’à la demande de celles-ci. Il assiste parfois ainsi aux élections annoncées comme houleuses, pour y servir d’arbitre ; il peut aussi obliger, à la demande de la curie, un élu récalcitrant à accepter sa charge. Son intervention n’est vraiment forte que dans la ville où il réside : le cas extrême, mais très particulier, est celui du légat de la IIIe légion, puis légat de Numidie, à Lambèse, où il est omniprésent dans tous les actes de la vie municipale, même quand la cité devient colonie honoraire au milieu du IIIe siècle. De manière générale, la Numidie est aussi, de tout l’Occident, la province pour laquelle il existe le plus d’attestations d’interventions des gouverneurs dans la vie des cités (86 entre 117 et 260, mais surtout des dédicaces de monuments).

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Il s’agissait ensuite de rendre efficace la levée de l’impôt (et notamment des prélèvements destinés à l’annone de Rome, souci essentiel qui explique un intérêt tout particulier du pouvoir central pour l’Afrique). Cela supposait une rationalisation de l’organisation des communautés, qui passait par la cadastration, mais aussi par la poliadisation de ces communautés. L’Etat avait besoin en effet de s’appuyer sur des partenaires locaux bien identifiés et fonctionnant selon les mêmes normes. Or la cité était la structure qui paraissait pour cela la mieux adaptée. La politique de poliadisation fut cependant inégale, car menée selon plusieurs critères : en fonction de la présence ou non de citoyens romains ; en fonction de l’existence d’une élite locale capable d’animer une cité ; en fonction du niveau d’investissement que cela pouvait représenter, entre coûts de défense et niveau de rentabilité fiscale et politique attendue. Concrètement, cette volonté de poliadisation toucha des communautés rurales importantes, situées sur de grands domaines, et que l’administration jugeait assez développées pour passer à ce stade : on pourrait mentionner ainsi Diana Veteranorum, simple vicus de vétérans sous les Flaviens, et érigé directement au rang de municipe par Trajan. Elle toucha aussi des communautés rurales dépendant de cités, et désormais rendues autonomes : ainsi du populus Thabarbusitanus, dépendance de Calama devenue cité, probablement au IIIe siècle. Elle toucha enfin les tribus, qui nous intéresseront surtout ici. Formes : elle aboutit d’abord à la sédentarisation de certaines d’entre elles, et dans un certain nombre de cas à leur conversion en cités : l’exemple classique ici est celui des Natabuttes en Numidie cirtéenne, natio pour Pline, mais civitas Nattabutum au temps des Sévères, et municipe plus tard, sous Valens. Dans d’autres cas, la méthode fut celle de l’adtributio, fortement mise en valeur récemment, mais sûre encore dans un petit nombre de cas seulement (les Cinithi à Gightis). Quand on n’allait pas jusqu’à la poliadisation, les gouverneurs intervenaient néanmoins pour promouvoir une élite ou un chef, qui serve ensuite d’interlocuteur, et assume probablement la répartition de l’impôt sur la tribu. On pouvait citer ici, sous Marc Aurèle, Lucius Verus et Commode, la Table de Banasa, avec, à travers l’octroi de la citoyenneté, la consolidation du pouvoir d’une famille dans une gens (le deuxième Julianus est désigné comme princeps gentis des Zegrenses, ce qui n’était pas le cas de son père, seulement un des primores). Et de là pouvait venir ensuite un développement sur les principes de tribu, probablement investis par Rome, et sur les préfets de tribus du Haut-Empire, avec le cas de la Césarienne et de son procurator ad curam gentium. b) Un troisième objectif est plus controversé : y eut-il une politique de romanisation des communautés menée par l’Etat romain ? Un rappel du débat Bénabou/Thébert (cf. remarques préliminaires) était d’abord nécessaire. Mais nous limitons ici notre réflexion aux communautés, et sur ce point d’abord aux cités. Or pour celles-ci, il existe surtout deux critères incontestables de « romanisation » : la diffusion de la citoyenneté romaine, de manière collective ou restreinte aux élites, dans leur corps civique, et l’adoption d’un modèle d’organisation institutionnel de type « romain ». Pour la première, il s’agit bien d’une prérogative émanant de l’Etat seul (en l’occurrence de l’empereur), et qu’il a employée effectivement, de manière sélective, et irrégulièrement progressive. De ce point de vue donc, et en tenant compte des variations d’attitude d’un règne à l’autre, parler de politique de romanisation n’est pas abusif. Les cités ont pu, par ailleurs, se doter d’elles-mêmes d’institutions romaines. Mais les deux ont souvent été de pair. Il était donc logique d’évoquer ensuite les diverses formes d’intervention de l’Etat en ce sens, avec leurs conséquences sur les noms des cités : les déductions coloniales véritables, peu nombreuses après 69, et arrêtées en 100 avec Timgad, pouvaient être évoquées à cette place (ou dans le paragraphe « maintien de l’ordre », puisqu’il s’agit d’implantations en des lieux

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stratégiques) ; puis on devait envisager successivement l’octroi du droit latin mineur ou majeur à une civitas (ex : Mactar sous Hadrien, ou Gightis sous Antonin), la promotion de civitas en municipe (ex : Bulla Regia ou Lepcis Magna sous Vespasien, le cas particulier de la transformation en municipes des couples Pagus-civitas de la pertica de Carthage sous Septime Sévère), la promotion de municipe en colonie honoraire (ex : Utique sous Hadrien), et l’octroi du jus italicum (aux conséquences fiscales, mais aussi à forte valeur symbolique : assimilation du territoire de la cité au sol italien), comme à Utique et Lepcis Magna sous Septime Sévère, et Carthage sous Caracalla. Il fallait mentionner aussi le rythme de ces promotions : réactivé sous les Flaviens, fort sous Hadrien, ralenti sous Antonin, accéléré sous Septime Sévère ; et ne pas oublier les inégalités régionales : le phénomène est attesté surtout en Proconsulaire, et paraît plus limité dans les Maurétanies, surtout après les Antonins. Dans le même ordre d’idées, une rapide évocation de la diffusion du culte impérial avait ici sa place : son organisation à l’échelle provinciale a lieu au début de notre période précisément, sous Vespasien (peut-être plus tôt dans les Maurétanies). 2) Dialectique des relations Etat/Communautés Mais dans la pratique, sauf pour les véritables déductions coloniales (jusqu’en 100), ces deux types d’interventions étatiques résultaient d’une dialectique des relations Etat/Communautés fort complexe, entretenue par la volonté de respecter le principe d’autonomie inhérent à la notion de cité, et rendue nécessaire par le petit nombre des fonctionnaires a) Les moyens d’un dialogue On pouvait repartir ici du culte impérial. Dans le cadre provincial, il permettait, lors du concilium provinciae, aux délégués des cités de s’exprimer, et de discuter avec le gouverneur de la situation intérieure. Mais, de manière générale, durant toute l’année, les cités pouvaient s’adresser de multiples manières au gouverneur ou à l’empereur. Les intermédiaires jouaient ici un rôle essentiel, qu’il fallait développer avec des exemples précis : notamment en insistant sur les ambassades des plus hauts notables locaux, et le rôle important des patrons choisis par les communautés, cités mais aussi tribus (cf. la gens des Maccues en Césarienne en 107 et son patron, le procurateur de la province). De manière générale, les légats et procurateurs ont été plus souvent patrons que les proconsuls. b) Ces demandes sont, en fait, derrière un grand nombre d’interventions de l’Etat dans la vie des communautés, évoquées plus haut. Ainsi des attributions du droit latin ou des promotions au statut de municipe ou de colonie (célèbre inscription de Gightis évoquant les deux ambassades, à ses frais, d’un notable local à Rome pour obtenir le droit latin majeur pour sa cité), qui se poursuivirent jusqu’en 268. Ainsi aussi des autres types de faveur de l’Etat, surtout à des cités : exemptions ou remises d’impôts (cas de Banasa en 216), et libertas, un privilège impliquant une pleine autonomie interne associée parfois à des immunités fiscales (problème du caractère peut-être plus honorifique que réel de ce privilège, à signaler). Nombre d’autres actes de la vie des communautés s’inscrivaient aussi dans un mécanisme d’aller et retour entre gestes et manifestations de loyauté politique (à l’Etat, à la dynastie régnante, ou simplement à un gouverneur) et récompenses de ces actes de loyalisme : ainsi pour l’établissement du culte impérial dans une cité ou une tribu (le cas existe : cf. les Musunii Regiani, gens pourvu d’un « flamine des Augustes » sous Septime Sévère) ; ainsi aussi pour l’érection de statues impériales ou d’inscriptions honorifiques. Même la présence fréquente du légat de Numidie sur des dédicaces de monuments municipaux sans rapport avec l’empereur se situerait, selon F. Jacques, dans cette logique : les cités sollicitaient sa présence, pour rehausser le prestige de l’inauguration, et lui y voyait un moyen légal de pérenniser son nom. c) Mais même les missions purement étatiques conduisant les gouverneurs à intervenir de

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manière autoritaire dans la vie des communautés supposaient un dialogue. La levée de l’impôt reposait en effet d’abord sur la collaboration des curies municipales et des élites tribales, les agents du fisc transmettant les demandes, et récupérant les espèces ou les produits. Il en allait de même pour un aspect non négligeable du maintien de l’ordre, l’exercice de la justice pénale : enquête, arrestations, instruction des dossiers avant le jugement des gouverneurs reposaient, dès le Haut-Empire, sur les municipalités. De manière générale, il y avait donc un mouvement constant entre communautés et Etat, et Etat et communautés. 3) Ce mouvement n’empêchait pas les crises, qui pouvaient prendre plusieurs formes. a) Protestations contre des abus d’agents de l’Etat : le rôle des assemblées provinciales, et des pétitions à l’empereur, ou des plaintes devant le sénat (exemple : le proconsul Marius Priscus jugé en 100 au Sénat, avec Pline le Jeune dans le rôle d’accusateur public) était à souligner. Et il fallait évoquer ici le cas extrême du soulèvement des cités en 238, contre les excès de la fiscalité de Maximin et notamment la saisie de leurs revenus. b) Révoltes tribales en réaction contre des exigences fiscales, des bornages ou des amputations de territoire : pour le premier cas, ce fut la cause probable de l’insurrection des Maures de Césarienne en 227 (inscription d’Auzia) ; pour le second, c’est une des explications possibles (avec l’effet stimulant de la dissolution de la IIIe légion) de la grande révolte de la même province entre 253 et 263, après l’extension territoriale de l’époque sévérienne. Ces révoltes représentent, sous une forme limitée (mais répétée encore dans les années 290, jusqu’à la campagne de Maximien en 297-298), un aspect d’un phénomène plus large qui toucha tout l’Empire au IIIe siècle, et aboutit à sa restructuration. L’Afrique n’y échappa pas, et les rapports Etat/Communautés y prirent donc une nouvelle forme à partir de la Tétrarchie. III. Un nouveau style de relations entre l’Etat et les communautés (285-429) 1) Un nouvel encadrement des communautés a) Les réformes de Dioclétien d’abord, puis de Constantin, provoquent une réorganisation du corps des agents de l’Etat, avec un net étoffement de ses effectifs. La première réforme importante concerne les provinces, probablement en 303 : on passe, par une série de divisions des unités existantes, de quatre à huit provinces, puis finalement après 312 à sept (les nouvelles sont la Maurétanie Sitifienne, la Byzacène, et la Tripolitaine). Les gouverneurs, dont les titres changent (sauf pour le Proconsul d’Afrique) sont eux-mêmes soumis à de nouvelles instances supérieures : le praeses de Maurétanie Tingitane est contrôlé par un vicaire du nouveau « diocèse d’Espagne » ; les autres gouverneurs (avec le titre de praeses ou consulaire), sauf le proconsul (ce qui suscite des conflits de compétences), sont sous les ordres d’un vicaire d’Afrique. Le vicaire d’Afrique lui-même dépend d’un préfet du prétoire, dont la circonscription géographique (Italie-Afrique-Illyricum) est définitivement définie après Constantin. De la même manière, le commandement militaire est réorganisé : à partir du milieu du IVe siècle, deux comtes, l’un pour la Tingitane, l’autre pour le reste de l’Afrique, commandent l’armée des comitatenses, et des duces sont placés à la tête de l’armée des frontières ; tous sont indépendants des gouverneurs ou vicaires (sauf en Césarienne où il y a un dux et praeses).

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Les services fiscaux sont également réorganisés : la Proconsulaire passe sous le même régime que les autres provinces, avec des rationales à la tête des grandes subdivisions. A tous les niveaux, il y a étoffement des officia : on sait ainsi que l’officium du vicaire d’Afrique en 365 réunissait 400 fonctionnaires. Se produit ainsi une augmentation incontestable du nombre des fonctionnaires, qui permet un contrôle plus serré de l’Etat sur les communautés. b) Un nouvel encadrement des cités se met parallèlement en place. Il se fonde sur un nivellement des statuts (extension du droit romain sur le plan institutionnel, même si les vieux titres de municipe ou colonie survivent comme un « snobisme municipal »), et se manifeste d’abord par une généralisation des curateurs de cités à partir de Dioclétien (C. Lepelley en a recensé plus de 150 entre 280 et 439), tous nommés par l’empereur, pour un an, comme le précise une loi de Constantin en 331, évoquant les lettres impériales leur confiant leurs fonctions. Ces fonctions ne se limitent plus au domaine financier, mais touchent tous les aspects de la vie municipale : le curateur devient un véritable maire de la cité, par-dessus ses duumvirs. Il est notamment responsable de l’ordre public, de la police, de l’instruction des procès : un très bel exemple était attendu ici, celui de la persécution des chrétiens en 303, où les curateurs, comme Munatius Felix à Cirta, ou Magnilianus à Thibiuca, sont au premier rang dans les perquisitions, les saisies des Livres, les arrestations et les premiers interrogatoires, avant le transfert des accusés au gouverneur. Le nouvel encadrement des cités se manifeste ensuite dans la législation très lourde sur les curies et les obligations des curiales : c’est le fameux problème des munera municipaux du Bas-Empire. A l’époque des Sévères, ils avaient déjà été codifiés. Mais à partir de la Tétrarchie, la législation n’est plus seulement codificatrice, mais clairement coercitive : les lois concernant les munera se multiplient, qui insistent, surtout à propos des curiales, sur l’obligation de les exercer (192 textes dans le Code Théodosien entre 312 et 429, dont 85 nommément adressés à un fonctionnaire, et 32 sur ces 85 adressés à un responsable appartenant au diocèse d’Afrique). Ces munera restent ceux du Haut-Empire, propres à la vie interne de la cité comme à ses relations avec l’Etat. Mais celui-ci, par l’intermédiaire des gouverneurs, répète sans cesse leur obligation, en multipliant les menaces, surtout dans le domaine fiscal : la curie est, par exemple, collectivement responsable, sur les biens de ses membres, des insuffisances dans la perception des impôts dus à l’Etat ; et elle doit désormais désigner chaque année un exactor pour contrôler ses propres percepteurs. Ce durcissement conduit nombre de curiales à chercher à fuir leurs responsabilités (cf. la loi CTh VI, 22, 2, de 338, reçue à Timgad, sur les honorati fuyant leurs obligations de décurions ; ou les 33 excusati mentionnés sur l’album municipal de la même Timgad en 363), d’où un deuxième volet, encore plus répété de la législation, pour empêcher ces fuites. La notion clef devient celle de l’obligation par la naissance (origo), donc de l’hérédité des charges : les curiales deviennent les obnoxii curiae. Le nouvel encadrement des cités se manifeste enfin par un contrôle très étroit des finances municipales : le principe existait depuis longtemps, mais il est plus strictement mis en application. Toutes les inscriptions qui évoquent des constructions ou des restaurations d’édifices publics aux frais des cités (hors actes d’évergétisme donc) mentionnent désormais le gouverneur, parfois en signalant son ordre (iussus) ou son initiative (instantia) : certains gouverneurs se révèlent d’ailleurs comme de grands « bâtisseurs », comme le consulaire Caeionus Caecina Albinus en Numidie entre 364 et 367 (quinze chantiers connus). Et on doit ajouter à ce contrôle plus strict la réduction des finances municipales, par l’effet des lois impériales qui, au long du IVe siècle, aboutissent à la confiscation d’une grosse partie des revenus des biens municipaux, des revenus des biens des temples, et du produit des taxes locales (vectigalia publica) : décidée sous Constantin ou ses fils, cette saisie fut ramenée aux

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2/3 à partir de Valentinien Ier en 374. Se met en place ainsi une nouvelle emprise de l’Etat sur les cités, qui résulterait, selon C. Lepelley, d’un « édit municipal » de Dioclétien. A la fin de la période, le phénomène fut aggravé par les lois de Théodose de 391-392 interdisant le paganisme, qui pour la première fois frappèrent directement les cités en tant que telles, en les empêchant de célébrer des cultes publics constitutifs de leur identité (en revanche, rappelons à nouveau qu’aucun texte ne donna à l’évêque un rôle officiel dans la cité : il resta, selon l’expression de J. Gaudemet, « une personne privée ». Toute la législation relative aux chrétiens n’entrait donc pas dans le sujet). 2) Des rapports Etat/Communautés à nouveau en réalité plus complexes, mais sous une autre forme a) En témoignent d’abord le maintien des assemblées provinciales, malgré la christianisation du pouvoir, et même peut-être la création, à la fin du IVe siècle, d’un conseil de diocèse, réunissant les anciens grands-prêtres provinciaux (hypothèse de A. Chastagnol, récemment contesté par R. Delmaire). De manière générale, ambassades et patronat continuent à jouer leur rôle (exemple des tables de patronat remises par six cités de Byzacène au gouverneur Quintus Aradius Valerius Proculus dans les années 320). A la fin de la période, et de manière encore très limitée, un nouveau type de patronat émerge, celui des évêques, amenés à servir d’intermédiaires entre leurs paroissiens/concitoyens et les autorités administratives : on attendait ici l’exemple célèbre de l’évêque de Caesarea, Clementius, envoyé par sa cité en 379 ou 380 solliciter à la cour de Gratien une rémission d’impôt, avec une recommandation de Symmaque ( !). b) Des fonctionnaires de plus en plus « africains » Les gouverneurs sont de plus en plus choisis parmi les clarissimes africains. Surtout, les curateurs sont très vite absorbés par les curies et recrutés en leur sein. Le phénomène est déjà très net sous Constantin ; après 337, plus aucun clarissime n’est curateur (sauf tout à la fin de la période, dans un contexte différent) ; ceux-ci sont désormais presque toujours des flamines perpétuels locaux. La même tendance se remarque dans ce qui concerne l’administration des tribus, où elle est peut-être même plus affirmée. Si les préfets de tribus existent en effet toujours, ils sont recrutés de plus en plus au sein même des tribus (ainsi Aurelius Nucfu, fils d’Aurelius Mazuca et préfet des Mazices sur une inscription de Zucchabar, en Maurétanie Césarienne, du IVe ou du début du Ve siècle), et leur fonction tend peu à peu à se confondre avec celle des principes : l’exemple des insignes de fonction (notamment la virga), qui deviennent identiques, le montre clairement. En fait, ce phénomène semble indissociable de l’intégration de facto de ces chefs dans l’aristocratie provinciale, comme on le constate en Maurétanie Césarienne dans le dernier quart du IVe siècle. La famille de Firmus, tout en conservant un pouvoir sur les tribus (son père Nubel est roi des Jubaleni), a un mode de vie qui la rapproche de l’élite romaine : il fallait citer ici l’inscription de Sammac, frère de Firmus, grand propriétaire (praedium Sammacis en acrostiche) mais qui « apaise les gentes » ; et évoquer Gildon, autre frère de Firmus, qui devint finalement comte d’Afrique vers 385 et jusqu’en 398. c) Les obligations nouvelles imposées par l’Etat ont finalement, et paradoxalement, parfois renforcé ainsi les pouvoirs des élites locales, dans un contexte social dégradé par rapport au Haut-Empire. Elles leur donnaient en effet des moyens de détourner sur d’autres, les plus humbles, le poids de la fiscalité. Une loi de 364 de Valentinien Ier transféra la levée des impôts aux fonctionnaires, et une loi de 368 créa un defensor plebis, à recruter parmi les

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fonctionnaires provinciaux, pour protéger les citoyens les plus pauvres contre les excès des riches, notamment pour ce qui concernait la répartition des impôts. Or la première fut annulée par Théodose en 386, et une autre loi en 387 décida que le defensor (au demeurant apparemment très rarement présent en Afrique) serait élu par la cité (donc par l’élite) : deux décisions prises probablement à la demande des curiales, attachés à ces munera qui étaient en fait autant un danger qu’un instrument de pouvoir. On pourra terminer en citant, sur ce point, Salvien : Tot curiales, tot tyranni. 3) Une évolution contrastée Elle l’est d’abord dans le temps et dans l’espace : la période 285-429, beaucoup plus que la précédente, est en effet marquée, dans les rapports entre l’Etat et les communautés africaines, par des à-coups, parfois totalement contradictoires. Il faut revenir ici sur les attaques portées aux revenus des cités, une question essentielle pour leur existence et leur fonctionnement : on passa successivement d’un contrôle sans confiscation sous Dioclétien à des confiscations partielles sous Constantin et ses fils, peut-être des 3/4 ; puis ces mesures furent annulées par Julien, avant, à la suite probablement de divers tâtonnements à partir de 363, d’être rétablies en 374 sous la forme d’une confiscation des 2/3 des revenus civiques, et d’une restitution annuelle aux cités du tiers restant. Ces variations dans l’attitude de l’Etat ont été aussi compliquées, dans le système plus bureaucratique du Bas-Empire, par les variations de comportement, au niveau local, des agents de l’Etat : on devait donc évoquer ici le problème de la corruption des fonctionnaires, le cas des relations du comte Romanus avec les cités de Tripolitaine en 363-367, le conflit du même comte avec Firmus en 371-372, ou encore la politique clientélaire de Gildon, autre comte d’Afrique, entre 385 et 398. Conclusion : Ce système de relations très complexe fut brisé en 429 par l’invasion vandale, avant qu’émerge en 439, de facto, un nouvel Etat comme partenaire des communautés civiles dans les parties essentielles de l’Afrique romaine. Peut-on expliquer le succès de la conquête vandale par une dégradation des relations Etat/ Communautés, et une désaffection des secondes pour le premier ? La thèse a été envisagée en d’autres régions de l’Occident, en invoquant la lourdeur des contraintes et de la fiscalité, réelle. Mais aucun signe de ralliement spontané aux Vandales n’est signalé en Afrique. Le système était devenu en partie inefficace, mais il n’était pas rejeté par ses acteurs.

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SECONDE DISSERTATION

(HISTOIRE MODERNE)

_______________ Durée : 7 heures Sujet : Représenter le peuple en Europe et en Amérique du Nord (1773-1802). Par Bernard Gainot et Christine Lamarre2

Conception du sujet. Les termes posés dans le sujet sont d’une importance égale. Représenter : représentant est un terme riche de résonances dans la pensée du XVIIIe siècle et ancien avec un double sens purement juridique et politique, qui a fait son entrée dans la pensée et l’action politique par les partisans d’une rénovation des institutions. Terme important puisqu’il a été choisi par les Etats-Unis d’Amérique, ce qui lui confère de l’autorité, repris au cours de divers épisodes révolutionnaires européens, dont Genève, et bien sûr la France en 1789. Sachant donc que l’approche est une approche socio-politique, l’évaluation est une question de mesure, d’équilibre. Ne pas transformer la dissertation d’histoire en un devoir de sciences politiques, ne pas se contenter non plus d’aligner des études de cas, pays par pays, qui feraient en particulier une part démesurée à la Révolution de France, ou qui se limiteraient à des récits nationaux. Le mot peuple doit être ici entendu au sens politique avant tout. Le « peuple » n’est pas une notion sociologique, ou culturelle (le « peuple » par opposition à la « bourgeoisie », le « peuple » par opposition aux « élites », le peuple comme « foule »). Il faut le comprendre comme pouvoir constituant d’un corps politique. Mais l’association des mots représenter et peuple induit que nous nous intéressions aussi à l’adéquation de la représentation à l’ensemble de la population d’un pays dans toutes ses composantes et notamment celles qui avaient jusque là été peu sollicitées. Il faut enfin réfléchir aux significations implicites du mot peuple en tant qu’acteur politique : le peuple est la part active et concernée par les problèmes d’organisation politique de la société, et rejoint en ce sens les composantes de l’opinion publique (circulation de l’écrit, sociétés de pensée). Les composantes sociales de la « communauté » des citoyens doivent être interrogées en tant que telles, de même que les pratiques qui réifient les principes politiques, et les contradictions qui parcourent les différents régimes. L’agencement du verbe représenter et du mot peuple doit amener à tout moment de l’exercice à poser deux questions : celle des modalités de la représentation (définition du corps électoral, modes de vote) et celle de l’exercice de la représentation (étendue : du simple porte-parole des commettants, au mandat sans limitation, co-existence de formes différentes et de conceptions de la souveraineté, intervention des foules). Le problème des limites est ainsi un problème qu’il faut constamment avoir présent à l’esprit. L’étendue chronologique conduit à poser la question de la représentation du peuple aussi bien dans les systèmes traditionnels de gouvernement que dans les évolutions et ruptures et dans

2 Respectivement maître de conférences et professeur aux universités de Paris I Panthéon-Sorbonne et Dijon

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toute l’aire géographique concernée. Les acteurs de la période présentent l’avènement du régime représentatif, aux Etats-Unis, comme en Europe, comme une épiphanie. Or, l’acculturation n’est pas à sens unique, et il s’impose de bien mettre en perspective l’avènement des nouveaux régimes politiques, fondés sur l’individuation du suffrage et la stricte limitation des mandats. En 1773, les futurs citoyens américains sont encore sujets britanniques, et ceux-ci ont l’habitude des consultations électorales. La France de l’Ancien Régime n’est pas du tout étrangère à la notion de représentation. Et on ne peut ignorer que les conceptions du républicanisme moderne rencontrent en Europe des formes politiques républicaines, héritées de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, dans les Provinces-Unies, en Suisse, à Venise. Enfin, l’internationalisation des idées et des processus est un fait avéré et marquant de la période. Les processus révolutionnaires sont confrontés, sur les deux rives de l’Atlantique, à des problématiques identiques, lorsqu’il s’agit de prendre en compte la propriété, l’esclavage ou les droits des femmes et des salariés. La profonde rupture des habitudes politiques a amené une floraison de figures de la république et du peuple, on a « représenté » au sens propre les nouveaux systèmes (les projets pour les salles d’assemblées) et leurs fondements, les candidats pouvaient l’évoquer dans les dissertations. Les problématiques s’appuient sur les grandes références historiographiques ; l’époque 1770-1800 est la période d’expérimentation d’un régime alternatif à celui des grandes monarchies, qui est appelé « régime représentatif ». Comment les contemporains comprennent-ils cette notion de « représentation » ? En quoi est-elle une innovation institutionnelle, et en quoi reprend-elle des éléments des régimes qu’elle prétend remplacer ? Le régime représentatif a été l’objet de nombreuses analyses, plus particulièrement dans les sciences politiques (Pierre Rosanvallon), et les héritages ont été diversement appréciés (l’ouvrage de Pocock sur le « moment machiavélien » pour la révolution américaine). Outre le régime représentatif, l’époque est aussi présentée comme celle d’une expérimentation de la démocratie, notion très précisément référée à celle de Peuple (l’âge des révolutions démocratiques de Robert Palmer). Comment s’articulent représentation et démocratie ? Il faut d’emblée s’écarter d’une interprétation qui mettrait l’accent sur l’antagonisme entre les deux notions, pour porter l’analyse sur les pratiques inaugurales de cette symbiose, souvent conflictuelle, entre expression populaire, et redéfinition des pouvoirs. Parmi ces pratiques, les dernières années ont été marquées par une attention croissante portée aux pratiques électorales (Patrice Guéniffey, le guide Voter/Elire), mais aussi à la sociabilité politique, à la violence qui imprègne les rapports sociaux, etc. Il faut donc avoir pour souci de bien définir au préalable les notions à travers lesquels les contemporains, du moins les acteurs les plus marquants des grandes transformations institutionnelles, ont appréhendé les rapports politiques; la souveraineté, la démocratie, la citoyenneté. Mais le problème fondamental sera de comprendre comment les populations des pays concernés par les changements ont compris, appréhendé, expérimenté, ou rejeté ces innovations. Ces notions doivent être historicisées, c’est-à-dire replacées dans une perspective chronologique, et alimentées par une solide analyse factuelle. Il ne s’agit pas, cependant, de faire un récit anecdotique, qui se contenterait de juxtaposer les épisodes révolutionnaires les uns aux autres. I. Les structures traditionnelles de représentation Etats, Diètes, Cortès… : Au XVIIIe siècle les formes de représentation des peuples n’étaient pas entièrement absentes.

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Comme le notait Alexis de Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution, presque toute l’Europe possédait des institutions de même nature et notamment des assemblées qui portaient des noms divers (Etats, Diètes, Diétines, Riksdag, Cortès, Parlement…) représentatives des ordres, corps ou communautés (et non des individus) au niveau des Etats, des provinces ou des villes. Le nombre des chambres (de deux à quatre) et la diversité de leurs compositions étaient souvent le fruit d’une histoire des rapports de force (Pologne, domination de la noblesse dans la chambre des Magnats, dans les Provinces-Unies des bourgeoisies). Leur rôle est différent selon les pays et selon, une fois encore, l’héritage historique : souvent réunies pour consentir à l’impôt, les assemblées peuvent, en outre, présenter des doléances, parfois contrôler l’emploi des fonds accordés, parfois participer à l’élaboration des lois, émettre des jugements (Diètes d’Empire), élire le souverain (Pologne). La puissance des assemblées représentatives ne s’est bien conservée que dans les états de faible dimension (provinces des Pays-Bas et des Provinces-Unies) et dans les villes libres (Genève, Gênes, Venise, Hambourg etc.). Dans les grandes monarchies, elle est mieux établie dans les provinces qu’au niveau du pays (exemple de la France qui conserve, dans plusieurs provinces, des Etats réguliers mais pas d’Etats généraux, exemple valable aussi pour les possessions des Habsbourgs ou pour l’Espagne). On ne doit pas oublier que les colonies ont eu des instances représentatives de ce type, notamment les colonies anglaises qui permettent aux colons éloignés de se régir sous l’autorité d’un gouverneur. Les assemblées (quelque nom qu’on leur donne) ont, de ce fait, une vocation plus administrative que politique. Dans nombre de pays, toute la puissance politique des Etats s’est effacée aux XVIIe et XVIIIe siècles, alors que se consolidaient les monarchies. La France (et les monarchies bourboniennes) en donnent un exemple alors que le Royaume Uni apparaît comme une exception sur laquelle on peut s’attarder à cause de son rôle de modèle reconnu. La réflexion sur la représentation et la pré-révolution en France En France, le système représentatif n’est pas une notion nouvelle. Il est déjà pratiqué dans les chapitres réguliers, les corps de métiers (qui contribuent à la formation des corps de villes), les académies. Dans les communautés rurales, les assemblées générales d’habitants, qui réunissaient les chefs de « foyers », étaient pratique courante et elles avaient fréquemment recours au vote et à la délégation. Mais la situation française est originale dans les modalités de l’évolution politique, à cause de la faiblesse originelle des structures de représentation à un niveau plus élevé, accentuée par la politique de la couronne durant les deux siècles précédents ; ne subsistent localement que des Etats provinciaux. Or la monarchie est à l’épreuve dans une conjoncture financière difficile exigeant une réforme profonde du système fiscal qui doit être, en principe, validée par les cours de justice souveraines. Dans les cercles physiocratiques, proches du pouvoir, le principe représentatif (une pyramide d’assemblées reposant sur le suffrage est la colonne vertébrale du corps politique, défini comme la « Nation ») est préconisé comme mode d’articulation de la réforme administrative et de la réforme fiscale. Le Mémoire sur les municipalités, rédigé en 1775 par Dupont de Nemours, sur directive ministérielle de Turgot, développe ce plan. L’universalité du paiement de l’impôt aurait pour contrepartie l’étroite association des propriétaires au contrôle de la politique fiscale. Les grands propriétaires fonciers disposent d’un nombre de voix proportionnel à leurs revenus ; les petits propriétaires n’ont que des fractions de voix, mais ils ont la possibilité de s’associer pour parvenir au revenu-étalon (qui vaut une voix) de 600 livres annuelles. Le contrôle se fait par une pyramide de trois degrés d’assemblées ; les assemblées communales urbaines ou rurales, les assemblées municipales, les assemblées provinciales, enfin la grande municipalité qui est la municipalité générale du royaume. La disgrâce de Turgot met un terme à ce projet, qui est pourtant repris par Dupont de Nemours en

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1787, au nom de Calonne. La mise en place des assemblées provinciales (avec représentation des trois ordres, doublement du tiers et séance et vote communs) est une tentative de renouer avec la présence d’organismes représentatifs, mais elle est tardive et apparaît vite incomplète à cause de la désignation des membres par le roi (pour la première fois, avant de recourir à un vote prévu), en partie sur présentation des princes. Louis XVI et ses principaux ministres (Calonne, Loménie de Brienne) sont incapables de faire accepter les mesures d’alourdissement de la fiscalité et, parallèlement, les réformes administratives destinées à effacer ou modérer les mécontentements par les voies ordinaires. En l’absence de validation possible par les Parlements et Cours souveraines de ses décisions, le roi décide de recourir à des formes anciennes de représentation du royaume, le choix s’arrête sur une Assemblée des Notables, nommée par le roi, en partie sur présentation des princes. Les Assemblées de Notables ont été très violemment critiquées pour leur manque de représentativité : vues comme des auxiliaires dociles du roi on leur a opposé, dans le débat public, les Etats réclamés par les Cours souveraines, l’opinion publique et finalement les Notables eux-mêmes. En France, la pré-révolution passe donc par la revendication d’une représentation traditionnelle de la société en ordres. Il est vrai que cette étape est rapidement franchie dans le débat sur la meilleure forme que peuvent prendre les Etats, débat ouvert en 1788. La revendication majeure devient celle d’un nombre des députés doublé pour le tiers état et d’un vote par tête dans l’assemblée. Le règlement électoral de janvier 1789, accorde le doublement, pose les principes d’une représentation pour le Tiers Etat (élue à deux degrés) par presque tous les chefs de feux majeurs et modulée en fonction de la population des circonscriptions électorales, les bailliages. La Grande-Bretagne : un système d’avant-garde bloqué Composé de deux Chambres (Lords et Communes), le Parlement doit sa valeur exemplaire à l’histoire mouvementée du XVIIe siècle et à la théorisation de John Locke qui apporte deux idées essentielles qui pèsent sur la pensée politique des Lumières : la notion d’une souveraineté du peuple, déléguée au prince (qui peut lui être reprise dans certaines conditions, en cas d’absence de confiance notamment) en vertu d’un contrat. Désormais les députés représentant le pays, ils incarnent ce peuple et doivent être associés à l’exercice de la souveraineté. La seconde idée est celle d’une représentation : si la Chambre des Lords est constituée de nobles choisis par le roi et exerçant héréditairement leurs mandats (les pairs), la Chambre des Communes se constitue par le choix de députés, élus par un corps électoral déterminé par l’histoire, la fortune, etc. Les circonscriptions des campagnes (52 comtés) et des villes (183 boroughs, 24 cities, 8 ports) sont les éléments les plus stables du système électoral, elles ne correspondent plus guère à la répartition de la population. Les circonscriptions vides d’habitants ou très peu peuplées, représentées comme les autres par deux députés sont appelées les « bourgs pourris » comme Old Sarum, circonscription de Pitt l’Ancien. Les élections sont régulières et les pratiques électorales (patronage ou candidature officielle, surtout dans les venal boroughs, proprietorial boroughs, campagnes onéreuses mais servant d’exutoire aux mécontentements, vote public en assemblée d’électeurs qui représentent environ 20% de la population masculine majeure remplacé dans 80% des cas vers 1780 par la proclamation ou uncontested) ont été à la fois un modèle (Montesquieu) et un objet de critiques même dans les rangs du gouvernement : Pitt l’Ancien parlait de « la branche pourrie de notre Constitution » (série des caricatures par Hogarth). En Grande-Bretagne, on prend la mesure des imperfections de la Glorieuse Révolution de 1689, apparaît alors un mouvement réformiste, le mouvement radical qui, à partir de 1780,

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demande une limitation des pouvoirs du roi et une réforme de la représentation à la Chambre des Communes. Non violent, il s’exprime par une campagne de pétitions (mouvement du Yorkshire 1779, demande des électeurs de Westminster en 1780 : égalité des circonscriptions, suffrage de tous les hommes majeurs, éligibilité pour tous, vote secret, indemnité parlementaire), il est présent dans la création de sociétés comme, en 1780, la « Société pour le développement de l’Information constitutionnelle » ou celle pour le Centenaire de la Révolution de 1688. Une réforme limitée, faisant écho à ces demandes, fut proposée par Pitt en 1785, elle ne fut pas votée par le Parlement. Mais le mouvement radical sera la pépinière du mouvement jacobin anglais actif, sans violences, jusqu’en 1793 qui est ensuite, dans le contexte de la guerre, détruit par des procès, une restriction des libertés, une législation d’exception. Les territoires coloniaux ne bénéficient pas d’une représentation à Londres et cette absence a causé, au moins dans l’argumentation employée, la guerre d’Indépendance des Etats-Unis sur laquelle nous reviendrons. La riche histoire irlandaise de la fin du XVIIIe siècle, liée de près à celle-ci, accole plusieurs types de refus de la représentation limitée traditionnelle. L’Irlande est gouvernée par des hommes de Londres, le Parlement de Dublin n’est réuni que tous les deux ans et il est rarement renouvelé par élection. Les catholiques (majoritaires sauf en Ulster) sont écartés des fonctions politiques ou administratives. Dès 1770 des protestations éclatent chez les « patriotes » protestants, ils demandent en 1778, entre autres, l’élection régulière du Parlement. La guerre d’Amérique sert de levier à l’opposition. En 1782, ils obtiennent l’autonomie législative, puis judiciaire. Mais les catholiques ne jouissent pas de l’égalité des droits et les revendications ne s’apaisent pas. Le mouvement est relayé par la Société des Irlandais Unis (Theobald Wolfe Tone) en 1790 : influencés par Thomas Paine, ils souhaitent un droit de suffrage très large, sans restriction de religion. Le Catholic Relief Act de 1792 donne quelques droits aux catholiques alors que les Irlandais Unis se radicalisent et militent pour une évolution semblable à celle des Insurgents américains. En 1795, ils souhaitent un gouvernement républicain démocratique, l’échec du soulèvement de 1798 met fin à toute possibilité de l’obtenir. II. La pensée des Lumières et les crises des années 1780 Les écrits politiques des philosophes Les doctrines de la souveraineté connaissent un certain infléchissement avec la pensée des Lumières. Mais le modèle anglais est très présent notamment par la séparation des pouvoirs, comme garantie de la liberté. John Locke (Deux traités du gouvernement civil) fonde le droit naturel moderne avec la théorie du contrat originel : toute autorité légitime découle du consentement de ceux sur qui elle est exercée, et insiste sur le caractère représentatif. C’est également le sens de l’article « autorité politique » de l’Encyclopédie. Toutefois, l’expression de ce consentement peut être entendu de manières fort diverses. S’il ne suffit plus d’affirmer que la décision est la manifestation d’un dessein divin, elle peut être conforme à la tradition (Burke, l’opposition parlementaire en France), ou bien conforme à la raison (d’où les divers malentendus autour des différentes variantes de « despotisme éclairé »). Montesquieu (L’Esprit des Lois, 1748) évoque le vote dans la double perspective de la description des républiques antiques et de l’Angleterre entre lesquelles il inscrit une continuité. Le mode de choix préféré des dirigeants est celui de l’élection au suffrage public, imposant l’autorité morale des élites. Ce principe est contrebalancé par celui de l’équilibre des pouvoirs (ce que les Anglais traduisent par « King in Parliament »), qui suppose un contrôle du budget par une assemblée, mais aussi la conservation d’une forte dose d’initiative royale. Dans son œuvre politique, Jean-Jacques Rousseau (Contrat social, Considérations sur le gouvernement de Pologne, Lettres écrites de la montagne) définit une communauté des

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citoyens reposant sur un contrat originel, par lequel elle s’accorde pour reconnaître que la loi est l’expression de la volonté générale. Cette volonté générale n’est pas une somme arithmétique de volontés particulières, mais un accord qui se dégage au terme d’un débat qui a pour finalité la recherche du bien commun. Le philosophe est très réticent sur la représentation (« l’idée des représentants est moderne : elle nous vient du gouvernement féodal, cet inique et absurde gouvernement dans lequel l’espèce humaine est dégradée », livre 3), il prévoit cependant une représentation du peuple souverain confiée à des députés pour la Pologne. Autant les idées générales de Rousseau eurent un grand retentissement, autant les dispositions de représentation furent rapidement oubliées. Dans les travaux du philosophe, deux points importants peuvent être retenus : la brièveté du mandat et son caractère impératif, ils trahissent les réticences devant la délégation du pouvoir demandée au peuple. Dans la discussion ultérieure, en France, tout tourne alors autour du groupe chargé d’élaborer la loi : l’ensemble de la communauté détentrice, sans médiation, d’une souveraineté populaire (Rousseau) ; ou bien une assemblée restreinte de représentants en faveur de laquelle la communauté a délégué pour une période donnée sa souveraineté (Sieyès). La pensée des Lumières a été reprise par certains souverains pour appuyer une politique ou une annonce de politique de réformes. Ainsi peut-on évoquer l’exemple de Stanislas II Poniatowski et de ses tentatives de réforme par le haut, notamment durant la Diète de 1789-1792 qui aboutit à la Constitution du 3 mai 1791, compromis entre la représentation traditionnelle et les principes représentatifs de la future Constitution française de 1791. La Pologne apparaît comme une « république monarchique », dans laquelle le pouvoir législatif appartient à la Représentation de la Nation (définie comme les magnats et les bourgeoisies urbaines), strictement séparé du pouvoir exécutif, qui appartient au roi, désormais par transmission héréditaire (système du liberum veto dans lequel le monarque était élu par les magnats). On pourrait aussi évoquer le cas suédois et le règne de Gustave III (1772-1792) marqué par une succession de réformes brutales des formes de la représentation toutes présentées dans la lignée des Lumières (coup d’état de 1772, Acte d’union et de sûreté, d’union de 1789, préparation d’une nouvelle Diète en 1792) qui s’achève par l’assassinat du roi par les membres d’un complot nobiliaire. Toutes deux prévoyaient d’importantes modifications du corps électoral et de la composition des assemblées. Les révoltes et Révolutions des années 1780 et les formes traditionnelles de représentation Chronologiquement, elles précèdent ou accompagnent les innovations de la décennie révolutionnaire et elles ont pour caractéristique essentielle d’être encore marquées par une ambiguïté entre l’innovation (ou une réforme fondée sur la pensée des philosophes) et le regret de formes anciennes dont on juge qu’elles se sont dégradées et qu’il convient de les restaurer. Leur cours est infléchi par les révolutions américaines et françaises contemporaines. Ces divisions ont amené faiblesse et parfois radicalisation du processus de révolte. La réflexion approfondie sur les systèmes de représentation précède et accompagne « la révolution atlantique », les turbulences de la vie politique européenne de la fin du XVIIIe siècle. On observe deux types de situation : une contestation sourde et pérenne que l’exemple de Genève peut représenter, une réaction face au despotisme éclairé très visible dans les états de Joseph II, notamment aux Pays-Bas et en Hongrie. A Genève, le corps politique est fondé sur une fragmentation des populations en quatre groupes dotés de droits divers très inégaux (patriciens, bourgeois, natifs, descendants). Le pouvoir appartient presque entièrement aux premiers qui siègent au Grand Conseil et se qualifient eux-mêmes de « représentants ». L’ancienneté de la bourgeoisie établit les droits politiques, à partir de listes qui ne sont plus renouvelées, au grand dam, par exemple, de

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familles plus récemment installées ou enrichies, qui se voient confinées dans une citoyenneté de seconde zone. L’agitation est endémique contre cet état de fait, surtout à partir de la publication des œuvres de Rousseau, et elle mène à la Révolution de 1782 qui déborde le cadre des bourgeois, pour mobiliser les Natifs, maîtres-artisans et ouvriers qualifiés, privés de droits. Leur objectif est de donner plus de pouvoir au Conseil général, la plus large des institutions « représentatives », rappelant les assemblées générales d’habitants. La Révolution est réduite par les Suisses de Berne et Zurich, les rois de France et de Sardaigne : c’est le premier exemple d’une Révolution terminée par une intervention militaire. Une seconde Révolution éclate en 1792, proche de celle de France, lui empruntant vocabulaire et idéaux de représentation (E. Groslay, Lorsque le peuple devint roi). Le changement des équilibres politiques peut être à l’origine de ce type de révolution : dans les Provinces-Unies, où le stathouder tente de transformer sa charge en monarchie héréditaire, l’opposition est dirigée par les partisans de la forme traditionnelle de la République avec des Etats puissants, le mouvement des Régents qui désire une restauration des anciens Etats au nom d’un retour à l’âge d’or de la République du XVIIe siècle, lorsque les Etats provinciaux étaient les « médiateurs » du Peuple. Cette tradition est cependant remise en cause par une frange de patriotes, au nom d’un principe plus individualisé et plus universaliste de la représentation : le jeune conseiller Van der Capellen rédige en ce sens un Discours à l’adresse du Peuple des Pays-Bas qui dépasse les particularismes provinciaux. Le mouvement souhaite un pouvoir municipal plus démocratique et en 1784 à Utrecht un congrès prépare une Constitution républicaine prévoyant un suffrage élargi. Les élections municipales de 1786, gagnées par les Patriotes, permettent d’envisager une république unitaire batave. L’intervention prussienne et la répression armée de 1787 mettent fin au mouvement. Dans les Pays-Bas (et la principauté de Liège), les problèmes administratifs et fiscaux et les tentatives de réformes entraînent des troubles révolutionnaires. Cette opposition de privilégiés à l’origine, s’appuie sur la théorie traditionnelle des droits du peuple, elle est à la fois conservatrice et novatrice dans ses demandes (Van der Noot et Vonck). Les débuts de la Révolution française influent sur son cours en la radicalisant avant une reprise en main militaire en 1790, favorisée par les affrontements entre vonckistes et staatistes. En Hongrie (François Cadilhon, La Hongrie moderne), la crise ouverte en 1784 par la réaction face à la réforme des Comitats et le mécontentement paysan obligent Joseph II à réunir une Diète (« les Hongrois sans Diète sont comme les Anglais sans Parlement ») et à renoncer à toute politique de réformes. En juillet 1790, un projet de Constitution (appelé « Contrat social ») a été voté par cette Diète. Il reste sans lendemain. Comme on peut le voir, les différents mouvements révolutionnaires, antérieurs à la Révolution française, mais très liés à ses acteurs (Brissot, Clavière popularisent les thèmes et de la révolution genevoise, Camille Desmoulins souhaite lier le destin des révolutions française et brabançonne) font tous référence aux principes de la Révolution américaine, pour les tirer vers une conception plus universaliste du changement et posent clairement le problème d’un renouvellement des notions préexistantes de la représentation, donc de leur démocratisation. III. Les expériences fondatrices de la représentation politique Le développement insiste sur les moments particulièrement fondateurs du nouveau principe de représentation, avant de présenter les pratiques électorales, à la source du régime représentatif. L’indépendance des treize colonies et la Révolution juridique de 1789 en France

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La première faille du système et la plus lourde de conséquences est la révolte des colonies américaines qui naît du contentieux fiscal consécutif à la guerre de Sept Ans. Pour payer les dettes de guerre, le Parlement de Londres vote un ensemble de taxes sur les importations des colonies. Les révoltes s’accompagnent d’un refus juridique de se soumettre ; selon la tradition, on ne peut exiger d’impôts nouveaux sans acceptation de ceux sur qui ils vont porter : or les colons américains ne sont pas représentés à Londres. D’où le slogan No taxation without representation qui n’a sans doute pas toute la sincérité requise, le problème principal étant celui du refus de la taxation - les députés des colonies auraient été très minoritaires dans le Parlement de Londres - mais qui fera fureur. L’essentiel est de remarquer que les colons se posent au départ comme sujets britanniques insatisfaits, il n’y a pas de volonté de séparation. Puis, à la faveur d’une radicalisation marquée par des affrontements, l’idée de séparation fait son chemin, justifiée par des références diverses. Celle qui ressort le plus clairement dans la Déclaration d’Indépendance est celle de la rupture du contrat par George III. Du fait du refus du souverain d’autoriser les établissements pionniers, mais surtout en se présentant comme le protecteur des communautés indiennes, le lien spécial entre le souverain britannique et ses sujets américains s’est rompu, parce qu’il n’assure plus le rôle tutélaire, au sens hobbesien, qui lui était dévolu par la coutume des libertés britanniques. Un transfert de souveraineté s’opère donc, exprimé tant par la formule « We are the People », que par une réflexion sur le territoire (une nature vierge à mettre en valeur) fortement teintée de références bibliques (la grande traversée, la terre de la grande promesse, la destinée manifeste). Mais, au rebours de ces constructions idéologiques, les colons américains ne sont pas un peuple « vierge » ; ils ont l’habitude des consultations électorales, pour choisir les autorités locales, au sein des comtés. Les élections en Amérique ressemblent aux consultations de la métropole britannique, et en reproduisent les défauts ; découpages inégaux des circonscriptions, « patronages » des notables, qui font les candidats. Mais les Américains n’envoient pas de représentants à Londres, et ne se sentent donc pas complètement « représentés ». La Révolution américaine a montré la possibilité d’établir une République sur un grand territoire, dépassant ainsi l’aporie de la pensée politique classique (la démocratie n’est concevable que pour une Cité-Etat, les grandes puissances ou « empires » étant organisées selon le principe monarchique). Toutefois, les lendemains de l’Indépendance sont traversés par un grand débat sur la forme des nouvelles institutions ; les Républicains (Jefferson, Madison), davantage marqués par la tradition classique, prônent une large autonomie des Etats, afin que le pouvoir reste le plus proche possible des citoyens ; le pouvoir fédéral n’aurait que des compétences limitées en matière financière et de défense. Les fédéralistes (Hamilton, Adams) préconisent au contraire un pouvoir central plus conséquent ; par « pouvoir central », ils entendent le Président et le Congrès, selon une formule qui fait penser à un compromis entre l’incarnation monarchique et la collégialité républicaine, ce que ne manqueront pas de leur reprocher leurs adversaires, qui sont aussi les plus résolus dans la rupture avec la mère-patrie. La Constitution de 1787 se veut un compromis entre les deux courants, mais elle fait plutôt la part belle aux fédéralistes, laissant aux Etats une autonomie plus prononcée en matière de régimes juridiques. La décision par laquelle les Etats Généraux, institution d’Ancien Régime, (en fait surtout le Tiers-Etat augmenté de quelques curés patriotes et quelques nobles libéraux) se déclarent Assemblée nationale le 17 juin 1789, rompant définitivement avec la représentation par ordres qui était de règle dans la tradition de l’Ancien Régime, est un fait majeur, qui doit être mis en valeur. Ce transfert de souveraineté est inséré entre deux ruptures inséparables du système représentatif : l’individualisation du choix. On vote par tête, selon le principe « un

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homme = une voix », et non par ordres, par statuts, par états. Début juillet, c’est la proscription du mandat impératif, par laquelle le député était lié à ses commettants, entendus comme communauté des semblables. Désormais, la décision naît de la libre confrontation des opinions individuelles, du moins en théorie, et le représentant s’arrache à ses déterminations d’origines et d’intérêts. A l’issue de la crise, avec les mêmes députés, la représentation a changé de caractère, elle n’est plus celle d’ordres ou de corps, elle est celle du royaume même si la noblesse et le clergé gardent une surreprésentation énorme (dénoncée par l’abbé Sieyès). La loi électorale du 14 décembre 1789 sanctionne ce basculement, qui est une révolution, en instaurant le vote secret, en définissant un corps électoral unique. Toutefois, là encore, ces doctrines nouvelles s’insèrent dans un paysage politique et culturel qui n’est pas étranger à la notion de « représentation ». Le roi de France est le représentant du Peuple sous la monarchie d’Ancien Régime. Les doctrines organiques de la souveraineté font du roi la tête du corps politique. Cette incarnation du pouvoir est toujours bien présente dans les premières années de la Révolution, et même les théories républicaines originelles (voir Antonio De Francesco, Il governo senza testa) sont tributaires de cette représentation organique du corps politique, indivisible et fonctionnel. Les nombreuses représentations iconographiques qui incarnent le pouvoir (la République sous forme d’Hercule ou de figure féminine), prolongent ce type de mise en représentation. Et Bonaparte, dans ses nombreuses mises en scène, se coule dans cette tradition. Mais ces transferts peuvent s’exprimer par d’autres voies que la personnalisation du pouvoir ; les représentants deviennent l’incarnation collective de la souveraineté du peuple qui peut imposer, dans les départements et à l’armée, l’expression de cette autorité. Raison pour laquelle ils ont reçu le nom évocateur de représentants en mission, une « représentation ambulante » dont l’importance a été démontrée par les travaux récents de Michel Biard. La notion de démocratie représentative En préalable, et pour éviter toute confusion, il faut rappeler comment la question de la démocratie est appréhendée à cette époque, puis voir en quoi elle est reliée à la question de la représentation. La Démocratie est une des catégories fondamentales de la pensée politique, depuis l’Antiquité (Aristote) : le « gouvernement du Peuple, par le Peuple ». Cette catégorie renvoie surtout à la polis, la Cité antique ; c’est-à-dire le petit territoire, gouverné par une assemblée de citoyens (hommes libres résidents), sans médiation. Tous les hommes libres doivent pouvoir être physiquement présents à l’assemblée, et prendre part concrètement à la délibération, participer à la prise de décision. Cette forme de régime, appelée « démocratie pure » (le terme de « démocratie directe » ne se rencontre pas à l’époque, était considérée comme un idéal abstrait, un archétype appartenant au passé, à l’exception de petites communautés mythifiées comme les cantons suisses dits « primitifs » (Uri, Schwyz, Unterwald). Cet idéal ne correspondait pas à des sociétés complexes fondées sur la division du travail, ni à des unités politiques de grande taille. Toutes ces raisons justifient le fait que les Etats modernes doivent être organisés selon le système représentatif. Mais la grande innovation de la période fut précisément la recherche d’un dépassement des oppositions formelles démocratie « pure »/représentation « pure ». C’est le cheminement de la « démocratie représentative », formule mixte qui cherche à concilier les idéaux participatifs des démocraties primitives, avec les nécessités du régime représentatif adapté aux sociétés contemporaines. Cette greffe, dont parle Thomas Paine, fut d’abord esquissée aux Etats-Unis, puis fut au cœur des expériences révolutionnaires européennes. C’est à l’époque du Directoire que la démocratie représentative devient un programme alternatif clair des républicains démocrates, qui inscrit partiellement les acquis des premières années révolutionnaires dans le

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cadre des institutions de la Constitution de 1795. Une bonne partie des « jacobins » - ou présentés abusivement comme tels - européens reprend d’ailleurs ce programme (comme l’ont montré les travaux de Pierre Serna ou Bernard Gainot). Il va donc de soi que l’opposition démocratie représentative/démocratie directe n’a pas lieu, et qu’il ne saurait être question d’une improbable « démocratie participative », qui est une tautologie. Les élections C’est le cœur de tout système représentatif. La configuration idéale est celle d’une pyramide. Source de légitimité des régimes nouveaux, elles déplacent radicalement la source de la souveraineté, et offrent plus d’un million de postes au choix du Peuple (le Corps politique, ou la communauté des citoyens). On peut décrire plus longuement les élections en France dans la décennie révolutionnaire, sur lesquelles des recherches récentes se sont multipliées, avant de faire une brève comparaison avec les Etats-Unis. La pratique est celle du vote individuel en assemblée. Deux données en apparence contradictoires, fusionnent. La première est celle que l’assemblée est de fait un espace de souveraineté ; c’est là, et là seulement que l’on recueille les suffrages, ou pour prendre une formule plus abstraite, c’est en ce lieu souverain que l’on « fait peuple ». Ensuite, les votants physiquement présents s’expriment pour l’ensemble des ayants-droit, le corps électoral légalement défini, absents compris. Les majorités sont toujours établies à la majorité des présents. Les assemblées les plus significatives sont les assemblées primaires, au niveau du canton, pour lesquelles on s’était efforcé de reproduire les conditions de l’idéal démocratique. Tout citoyen doit pouvoir se rendre de son domicile au lieu de l’assemblée, en une journée. Les assemblées électorales, au niveau du département, posent fondamentalement la question du suffrage indirect. Il y a tout un rituel du suffrage, qu’on ne peut évoquer que brièvement. Les prescriptions légales imposent le scrutin secret, mais des pratiques anciennes persistent, au moins jusqu’en 1793 ; votes par acclamations, par assis/levés, etc. Une question essentielle de la démocratie et de la souveraineté est également celle de la permanence des assemblées primaires (ou des sections dans les très grandes villes), qui avait été prévue dans les textes constitutionnels de 1793, girondins comme montagnards, d’ailleurs. Quelques brèves considérations sur les élections aux Etats-Unis aboutiraient d’ailleurs à des considérations semblables ; des taux de participation fluctuants, la pratique du vote individuel en assemblées, les différents degrés du suffrage. Les réticences à l’égard des candidatures publiques, si elles existent, sont toutefois moins fortes, dans la mesure où les Américains étaient déjà accoutumés au bipartisme britannique (dont ils reprennent d’ailleurs les appellations whigs/tories, avant le grand débat constitutionnel des années 1780). La question de la permanence est celle de la souveraineté effective, de l’intervention des citoyens en dehors des séquences électorales, au cours desquelles ils délèguent leur pouvoir tout en l’exerçant. Pour la majorité des dirigeants révolutionnaires, il semblait aller de soi que le Peuple était composé d’individus suffisamment détachés des contingences matérielles pour prendre des décisions parfaitement libres, et fondées en raison. L’idéal était donc l’individu de sexe masculin, adulte, propriétaire d’un revenu, ou d’un bien suffisant pour le mettre à l’abri du besoin. Le nombre de ses représentants doit-il être estimé en fonction de la population, des richesses, des capacités fiscales des circonscriptions électorales ? Comment dessiner celles-ci ? Aux Etats-Unis, l’autonomie des Etats et le système bi-caméral généralement choisi, ont permis des choix complexes. Mais la population est le critère retenu au niveau des Etats pour les chambres basses et, au niveau de l’Union, pour la Chambre des représentants. Du coup la question de l’esclavage est revenue sur le devant de la scène à cette occasion : les Etats du

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Sud demandent que les esclaves (all the other persons…) soient inclus dans la population en ce qui concerne la représentation et exclus en ce qui concerne la taxation et les Etats du Nord demandaient l’inverse. La solution retenue pour la représentation est celle des trois cinquièmes : cinq esclaves donnent trois habitants pour l’Etat (qui bien sûr ne votent pas). Les conditions d’accès au vote sont généralement larges pour les deux chambres (mais les élus sont soumis à des conditions de fortune : ils viennent essentiellement du milieu des gros propriétaires terriens, des marchands et des hommes de loi) ; le cens (la franchise électorale) est relativement large : il faut être un homme, posséder de la terre ce qui exclut tous les dépendants (les domestiques, les ouvriers agricoles et urbains). Il y a souvent des restrictions en ce qui concerne la religion (les Juifs sont exclus dans sept colonies sur treize et les catholiques dans cinq, y compris le Maryland) ou la citoyenneté (ce qui exclut souvent les Allemands). On estime au total que peuvent voter entre 50 et 80% de la population adulte mâle blanche. L’ouvrage d’Elise Marienstras et Bernard Vincent met l’accent sur les « oubliés », Indiens et esclaves, qui furent écartés de la représentation. Les Noirs libres ne furent généralement pas intégrés dans la nation politique – le droit de vote qui leur avait été accordé par l’Etat de New York et le New Jersey fut rapidement révoqué. En France, la loi électorale de 1789 fait du droit de vote (de participer au choix de la représentation nationale) une fonction et non une marque de la citoyenneté. Elle est réservée aux hommes majeurs de plus de 25 ans, libres d’engagements économiques, domiciliés et payant l’équivalent de trois journées de travail. Le cas des minorités religieuses (juives) a été réglé ultérieurement, (janvier 1790, septembre 1791). Ce profil correspond à ce qu’on définit en France, en 1791, comme le citoyen actif. Dans la population masculine adulte (environ six millions d’individus) étaient donc exclus les salariés dépendants, les domestiques, et les indigents. La mobilisation patriotique a bouleversé les données du problème. Les nécessités de la défense nationale appelaient l’enrôlement massif dans la garde nationale ou les volontaires d’individus plus jeunes, ou qui ne payaient pas la contribution exigée pour participer aux assemblées primaires. L’armement étant une prérogative de l’homme libre, et la mobilisation politique ayant son prolongement militaire pour tous les mouvements révolutionnaires de la période (volontaires américains, milices patriotes des Provinces-Unies, « Marseillais » de la Révolution genevoise, Garde Nationale en France, Légion Lombarde, etc.), l’élargissement des bases de la citoyenneté passe bien souvent par la prise d’armes. A partir de 1792, se produit un processus d’élargissement du suffrage (on ne peut parler de suffrage universel) qui allait recouvrir pratiquement toute la population masculine adulte, depuis l’âge de 18 ans. S’il y eut rétrécissement en 1795, on ne revint pas au corps électoral de 1791 ; les militaires conservèrent leurs droits, et la définition de la qualité de citoyen fut laissée à l’appréciation des autorités locales. Le désarmement, davantage encore qu’une mesure d’ordre public, est le signal d’un coup d’arrêt donné par la représentation nationale au mouvement révolutionnaire ; désarmement des faubourgs de Paris en 1795. Mais il n’y a pas de généralisation en ce domaine, et on sait que le lien entre le port d’armes et la citoyenneté est resté très fort aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, ce sont les Etats qui restent maîtres des définitions du corps électoral. Si certains Etats comme le Rhode Island eurent une conception large, les restrictions censitaires étaient plus prononcées dans des Etats comme le Massachussetts. Plusieurs révoltes, qui surgissent dans le cours des Révolutions, sont nées des conflits de représentation. Ainsi, aux Etats-Unis, le 26 août 1786, c’est une réunion de délégués du comté de Worcester qui a rédigé une pétition dénonçant le coût de la justice, le système fiscal et le manque d’espèces. Ensuite, le 29 août, on passe à l’action de la foule, 1500 fermiers en colère, qui interrompt une réunion de la cour de justice du comté de Hampshire et progressivement les troubles s’étendent à l’ensemble de l’Etat jusqu’aux portes de Boston. Les foules sont commandées par un fermier

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en faillite appelé Daniel Shays qui avait été capitaine durant la guerre d’Indépendance. La rébellion de Shays de 1786 pose le problème social des anciens miliciens démobilisés, qui estimaient avoir une créance morale sur la jeune République, en vertu de leur engagement, qui compensait l’endettement consécutif à la grave crise financière qui suivit l’Indépendance. Dans l’Italie du Triennio, on observe les mêmes incertitudes sur la définition des contours du corps électoral : la constitution de la République cispadane (Bologne) admettait pratiquement tous les adultes masculins au suffrage, la république napolitaine imposait des barrières censitaires élevées. IV. Portée et limites des innovations politiques : Corps politique et citoyenneté Souveraineté populaire et représentation L’affrontement des deux notions permet de poser, de façon plus générale, la question de la tolérance que peut montrer le pouvoir politique mis « en représentation » (cela vaut pour le Président des Etats-Unis, élu au suffrage indirect) à l’égard de formes politiques extérieures qui prétendent détenir, elles aussi, une part de la souveraineté, voire contribuer à l’expression de celle-ci. La participation (rapport des votants effectivement présents sur l’ensemble des ayants-droit) est variable. Pour les premières élections, elle est élevée dans les cantons ruraux (90%), plus faible dans les zones urbaines (20% à 40%). Puis une chute se produit à partir de 1791, et les taux s’inversent ; les zones urbaines votent davantage (40% et plus) que les cantons ruraux, où la participation s’effondre bien souvent (5% à 10%). De 1792 à 1799, le paysage ne change guère, avec une participation moyenne de 15% à 20%. Les raisons de cet absentéisme massif ne manquent pas : mauvaise compréhension des nouvelles règles du jeu électoral, qui impliquent une individualisation plus marquée des choix ; difficultés de consacrer de longues journées en période de travaux agricoles ; prégnance du serment civique qui éloigne les plus tièdes, ou les plus réticents ; pressions extérieures de tous ordres. Les plébiscites et les votes populaires, les consultations sur la Constitution, où l’on ne recueille pas seulement le suffrage des citoyens, mais également leur avis sur le texte constitutionnel (1793, 1795, 1799) élargissent les conditions du suffrage, et font des assemblées des lieux où les citoyens délibèrent et votent. Les taux de participation sont généralement élevés (les résultats du plébiscite de 1799 ont cependant été falsifiés par le ministère de l’Intérieur), avec un record en 1793 (25% à 28%). Pourtant, il a été difficile de faire abandonner les formes d’exercice d’un pouvoir non délégué, qui existaient, avant 1789, en France dans les communautés par exemple (les assemblées générales d’habitants) ou qui ont existé pendant les périodes de chevauchement ou de recouvrement des différents systèmes de représentation (en Amérique, entre 1773 et 1775, des « comités » cohabitent avec les assemblées traditionnelles qu’ils vont remplacer ; en France, en 1789, au temps de la révolution municipale des « comités » (aussi) s’adjoignent ou remplacent les anciennes municipalités). En France, la Révolution s’est faite dans les Assemblées nationales certes, mais on ne peut cependant nier l’importance fondamentale d’autres lieux et formes de l’action politique : clubs, sections, sociétés populaires (d’où le texte de la Constitution de 1791 dans laquelle la souveraineté du peuple est à la fois « une et indivisible », c'est-à-dire obligatoirement déléguée, mais aussi « inaliénable et imprescriptible » fondant en droit la délégation de pouvoir, dont le fragile droit de pétition est pourtant la seule reconnaissance constitutionnelle). La participation des citoyens au débat public peut donc prendre d’autres formes que le suffrage.

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Les pétitions introduisent une forme de dialogue permanent entre représentants et représentés que les doléances ne supposaient pas, du moins pas à ce niveau. D’ailleurs, le destinataire n’est pas le même (l’Assemblée remplace le Roi). Toutes les assemblées révolutionnaires ont eu leur comité des pétitions. Les groupes de citoyens peuvent déléguer des représentants, pour présenter et soutenir « de vive voix » les textes des pétitions. Ce sont les porte-parole, acteurs indispensables de toutes les grandes journées révolutionnaires, qui s’effacent après 1795 en France. Quelques noms peuvent être mentionnés ici, mais ils sont innombrables ; Jacques Roux ou Isoard (étudié par Jacques Guilhaumou), pour la France, Thomas Paine ou Patrick Henry pour les Etats-Unis. Bien sûr, les porte-parole, tout comme la lecture publique des journaux et des brochures, tout comme la rédaction des pétitions, trouvent un auditoire privilégié avec les sociétés politiques. Pour ces dernières, il n’y a qu’à reprendre l’approche présentée par Jean Boutier et Philippe Boutry dans leur grande enquête, qui privilégie certes le territoire français, mais qui montre aussi que c’est un phénomène qui concerne toutes les sociétés occidentales. Héritières des formes de sociabilité antérieures, au moins dans leur rituel (les règlements) et dans leurs pratiques, ces sociétés ne peuvent plus être assimilées à une « machine » à manipuler l’opinion, comme les présentait l’analyse ancienne du très conservateur Augustin Cochin. Elles ne s’identifient pas au seul jacobinisme de l’an II, elles sont déjà bien présentes avant la Révolution française, avec les Sociétés de correspondance, qui structurent le mouvement des Patriotes dans les débuts de la Révolution américaine ; ou bien avec le même type de sociétés patriotiques qui s’imposent dans toutes les villes des Provinces-Unies en 1781-1783 ; ou bien encore avec la sociabilité exubérante existante à Genève, qui voyait l’existence d’un cercle au moins par quartier, voire par rue. Ces cercles festifs, ces sociétés de pensée, se politisent avec les évènements révolutionnaires, et on pourra compter plus de cinquante cercles dans une cité de vingt-cinq mille habitants en 1792 ! Les clubs jacobins une fois fermés en l’an III, ce n’est pas la fin du phénomène, loin de là. Episodiquement, les sociétés politiques renaissent, sous forme de cabinets de lecture, ou de cercles constitutionnels, à l’époque du Directoire, non seulement en France, mais aussi dans les républiques-sœurs. A titre d’exemple, mentionnons le « Cercle Constitutionnel » de Bologne en 1796, la « Société d’Instruction Publique de Milan » la même année, la « Société des Emules de Brutus » à Rome en 1798, la « Société Républicaine Patriotique de Naples » en 1799, etc. Les associations politiques sont globalement insérées dans un projet pédagogique d’« apprentissage de la citoyenneté » (Maurice Genty) qui, plus largement, porte sur l’éducation. Resterait à établir leur degré d’autonomie par rapport à l’administration, et la façon dont la représentation nationale peut tolérer, à ses côtés, des structures de débat indépendant, qui peuvent, à l’occasion, se transformer en structures d’opposition. En France, l’Assemblée chercha à plusieurs reprises à se considérer comme seule dépositaire de la souveraineté. La loi Le Chapelier visait tout aussi bien les corporations économiques, que les corporations « politiques » qu’elle chercha à supprimer. La Constitution de l’an III visait à réguler l’activité des cercles constitutionnels, leur interdisant toute correspondance et toute affiliation, leur interdisant de signer des pétitions collectives (et par conséquent de composer des délégations), et faisant procéder à plusieurs reprises à la fermeture des locaux. Au même moment, aux Etats-Unis, sous la présidence du fédéraliste Adams, un régime semblable est mis en place, et toute affiliation à un club d’inspiration démocratique est alors assimilée à une atteinte à la sécurité de l’Etat (Alien Act, Sedition Act, Naturalization Act). Le peuple vu par les représentants : la définition du corps électoral Deux conceptions se font jour, à travers lesquelles on retrouve bien des clivages sur la représentation du « Peuple ». Pour les partisans d’une certaine forme de « démocratie en

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actes », l’exercice « immédiat » des droits, sans médiation d’aucune sorte (pas de délai entre la décision et l’action), sinon celle du collectif qui fonctionne à la règle de l’unanimité, est le signe tangible de la souveraineté. C’est toute la représentation du « sans-culotte », telle qu’on peut l’appréhender en particulier dans ces croquis sur le vif que sont les gouaches de Lesueur. C’est là une certaine façon d’appréhender le « peuple réel », dont la vertu réside dans la pratique politique collective. Une autre conception insiste sur l’éducation, prenant acte du fait que le peuple réel est perfectible, la perfectibilité étant un autre maître mot de la période (voir Condorcet). La perfectibilité recouvre certes l’instruction publique, mais est plus largement partie prenante du projet de « régénération » ; un peuple qui a connu des siècles de servitude n’est pas immédiatement apte à la liberté. Cette conception intègre la durée dans le projet politique. Mais elle suppose un état de pacification (l’ordre constitutionnel), qui n’est pas précisément la conjoncture à laquelle furent affrontés les révolutionnaires de la fin du XVIIIe siècle. Il s’avère alors essentiel de montrer que la définition du « Peuple » correspond à la représentation que s’en faisaient les couches dirigeantes des formations sociales, et singulièrement les représentants. La question de la démocratie repose largement sur le fonctionnement des institutions du régime représentatif. Mais elle n’est pas que cela ; elle est aussi une interrogation permanente sur les contours du Peuple, du Corps Politique, du Souverain, au nom duquel les représentants légifèrent, les magistrats rendent la justice, les administrateurs exécutent. La question de la différence entre un « Peuple » défini comme « communauté des citoyens » ou « corps politique » et une « populace » qui renvoie au monde de la sauvagerie, de l’irrationnel, et de l’infantile, n’est pas la seule à prendre en compte. Il faut encore interroger la manière dont le social est appréhendé par le monde politique, et catégorisé, car c’est également une notion d’ordre public, que le partage entre les foules séditieuses, et le peuple laborieux, honnête, et frugal (la République des petits propriétaires chefs de famille). On peut esquisser une comparaison entre la conception du rapport différentiel du Peuple aux institutions, chez les dirigeants américains, et chez les révolutionnaires français. Le républicanisme américain n’est guère référé à un Peuple idéalement vertueux, au nom duquel les représentants exercent le pouvoir. Le peuple réel existe avec ses vices, ses défauts et ses qualités (dont le travail productif est une composante majeure). Il s’agit donc pour les républicains de faire fonctionner les institutions malgré les défauts du peuple réel (voir à ce sujet les analyses de Gordon Wood). Chez les républicains français, le projet des institutions républicaines est tout à la fois de fonctionner pour un Peuple idéalement vertueux, non corrompu, et de fonder ce peuple. La tension fut particulièrement évidente dans le projet robespierriste du printemps 1794. Mais elle ne se réduit pas à cet épisode, ni même au seul programme jacobin (voir Patrice Higonnet, Goodness beyond Virtue). La célèbre controverse de 1796 entre Benjamin Constant et Adrien Lezay-Marnezia porte également sur cette question. Constant plaide pour le fonctionnement d’institutions qui doivent être républicaines pour hisser le peuple au niveau de conscience du bien public que suppose un vrai régime représentatif. Lezay-Marnezia, au contraire, place le degré de représentation des institutions, qu’elles soient républicaines ou non, au niveau d’une opinion publique majoritaire, donc d’un « peuple réel ». C’est dans cette perspective qu’il faut poser la différence entre certains ajustements possibles (l’âge minimum, l’imposition, l’appartenance religieuse, la nationalité, la couleur de la peau : en France, la loi du 4 avril 1792 admet les libres de couleur à la même citoyenneté que celle des blancs) et d’autres qui ne le sont pas. C’est à travers de telles représentations qu’il faut appréhender de prétendues « exclusions » de la citoyenneté, qui sont le lieu commun de toute une littérature historiographique récente. C’est le cas des femmes et des populations de couleur.

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Sous l’Ancien Régime, des femmes comme chefs de famille, ou des communautés de femmes, pouvaient participer aux élections. La conception nouvelle de la souveraineté délimitait toutefois un partage des rôles sociaux, qui réservait aux hommes la représentation dans l’espace public, aux femmes la tâche d’éduquer et de moraliser les futurs citoyens. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’étaient pas considérées comme citoyennes, mais c’était une citoyenneté seconde, sans participation aux mécanismes de la décision politique. Cette conception est partagée par la très grande majorité des dirigeants révolutionnaires. La Constitution du New Jersey choquait beaucoup aux Etats-Unis parce qu’elle ouvrait à certaines veuves et célibataires le droit de voter aux élections locales (mais ces dispositions disparurent en 1807). En fait, comme l’ont montré les travaux d’Anne Verjus, les femmes sont comprises dans une unité de base qui est la famille, et elles délèguent leur droit à la représentation au chef de la famille. La Constitution de l’an III souligne cette conception en n’admettant au Conseil des Anciens que des citoyens mariés. Peu de femmes revendiquent le suffrage ce qui ne veut pas dire qu’elles n’aient pas participé à l’action politique autrement. Dans la révolution américaine, plusieurs femmes interviennent, par leurs écrits, pour exhorter les patriotes à la résistance et au combat. Certaines ont même pu endosser l’uniforme des miliciens. Mais c’est avant tout comme force de soutien moral qu’elles se manifestent ; il en est de même aux Provinces-Unies ou en France, lors de leurs participations aux émeutes ou aux manifestations. On sait que leur présence était plus marquée dans les troubles frumentaires, ou les troubles religieux, ce qui ne dérogeait pas à leur rôle social, et ne posait nullement la question de leur participation au système de représentation politique. Il en va de même pour leur présence dans les sociétés politiques. Elles se voient d’abord comme partie prenante de la mobilisation patriotique (confection d’ateliers de charpie, visites aux indigents et aux invalides). Le décret sur la levée en masse d’août 1793 reconnaissait d’ailleurs pleinement cette fonction d’assistance, conforme à la représentation traditionnelle des rôles sociaux. Les cortèges officiels du Directoire, avec ses défilés de jeunes vierges et d’épouses vertueuses, ne sont pas une rupture avec une phase plus militante qui aurait été celle de la République jacobine. Ces cortèges mettent simplement en représentation une fonctionnalité des genres qui était implicite dans la période précédente. Les individualités marquantes de la période ne sont pas des marginales, de ce point de vue : Olympe de Gouges revendique, dans le langage certes de l’égalité des droits, une pleine reconnaissance de la dignité morale de la femme au sein de la famille. Et elle n’est pas guillotinée pour cela, contrairement à ce qui est dit bien souvent, mais en raison de sa proximité avec les Girondins, ce qui était, paradoxalement, une reconnaissance de son individualité politique. Eleonora de Fonseca-Pimentel, la rédactrice du Monitore napoletano, martyre de 1799, jouait un rôle d’exhortation morale guère différent de celui de ses devancières pamphlétaires patriotes de la révolution américaine. La présence de masses serviles, noires ou métisses, posait un problème spécifique dans certains Etats du sud des Etats-Unis. Il n’était certes pas question d’admettre la citoyenneté des esclaves, d’autant plus qu’au cours de la Guerre d’Indépendance, un grand nombre d’entre eux avaient épousé la cause loyaliste, contraints ou forcés (ce qui était d’ailleurs un argument employé par bon nombre de patriotes pour ne pas remettre en cause le système esclavagiste). Le large mouvement abolitionniste présent dans plusieurs pays au programme, dont les Etats-Unis (les Quakers), la France et l’Angleterre, découple la question de l’abolition de celle de la citoyenneté ; la très grande majorité des abolitionnistes admet la nécessité d’une période probatoire avant l’admission à l’exercice des droits politiques. Bien que les Antilles soient exclues du champ du sujet, il faut noter que, la Constitution de l’an III reconnaissant l’abolition de l’esclavage en vertu du décret de la Convention du 16 pluviôse an II (4 février 1794), la question de la citoyenneté des anciens esclaves (appelés « nouveaux libres ») se posait de facto en vertu du principe de la continuité territoriale, qui n’admettait aucune

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exception pour les colonies. Un régime particulier fut cependant introduit par la Constitution de l’an VIII, et le rétablissement de l’esclavage devait suivre peu après, en mai 1802. Peuple, territoire et représentation La représentation du Peuple, enfin, est liée de façon étroite, à la représentation du territoire : la citoyenneté est liée à la résidence. En France, en même temps que les Constituants dessinaient les nouvelles circonscriptions électorales (les départements), ils ont choisi la population comme critère et, dans une moindre mesure, la richesse territoriale, selon les principes physiocratiques pour déterminer le nombre des députés de chaque département. En 1793, les projets constitutionnels, prenant en compte l’élargissement du suffrage, se sont orientés vers un découpage selon la population, réputé plus démocratique. La Constitution prévoyait un député pour 39 000 à 41 000 citoyens, mais elle ne fut jamais appliquée. Il faut, dans le rapport au territoire, soigneusement distinguer les « Fédérations », mouvements patriotes qui marquent la volonté de représenter une union nationale, du « fédéralisme », terme négatif par lequel les dirigeants révolutionnaires de toutes obédiences ont toujours rejeté le séparatisme. Ce n’est que par anti-phrase que les Montagnards ont pu qualifier de « fédéralistes » leurs adversaires girondins en 1793, alors que ces derniers prétendaient mener un combat contre la Commune de Paris, au nom de l’unité nationale. Quant au « fédéralisme jacobin » qui a donné lieu à des études récentes très novatrices, c’est une conception indivisible de la souveraineté populaire, et non une doctrine alternative de la souveraineté nationale. Unité et indivisibilité de la République, sur le modèle français, contre Républiques fédérales, la question est encore au centre des débats qui traversent les républiques-sœurs. Dans la République batave, les unitaires sont supposés être les partisans de la démocratie représentative, tandis que les fédéralistes sont réputés plus attachés au particularisme des anciennes provinces, donc de leurs oligarchies dirigeantes. Le débat est tout aussi vigoureux, quoique beaucoup moins clair politiquement, en Italie. Si les Patriotes s’accordent sur la nécessité d’une République unifiée et indépendante, ils s’orientent toutefois de plus en plus vers la reconnaissance de plusieurs « nations », donc d’entités confédérées, au moins provisoirement (voir la critique virulente que fait Vincenzo Cuoco de l’imitation servile du modèle administratif français par les Républicains napolitains de 1799 dans l’Essai historique sur la révolution de Naples). Même configuration dans la République helvétique, où la tentative d’imposition d’une république unitaire par les Français en 1798 souleva de vives oppositions même parmi les patriotes les plus résolus, comme le vaudois Frédéric-César de La Harpe. Après 1800, Bonaparte allait proposer une nouvelle Confédération plus conforme aux droits L’usage de la violence et les perturbations de la représentation Il faut d’abord évoquer les exclusions politiques des émigrés et des prêtres réfractaires. Les zones de guerre civile (départements de l’Ouest) ont été placées en dehors de l’exercice de la Constitution. Aux Etats-Unis on observe le même phénomène, mais les loyalistes, après une période d’ostracisme et de confiscations des biens, bénéficient d’une large loi d’amnistie, dès 1786. Les violences de tous ordres ont perturbé souvent le jeu normal des institutions, et singulièrement les compétitions électorales. Des groupes d’orientations politiques opposées peuvent dissuader les électeurs de se rendre aux assemblées. La réélection obligatoire de Conventionnels lors des premiers scrutins du Directoire (le décret des deux tiers) a été très difficilement acceptée par le plébiscite et a entraîné un mouvement de révolte vite anéanti à

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Paris. Les élections ultérieures ont été trois fois sur quatre invalidées (celles des députés par les directeurs en fructidor an V (septembre 1797), en floréal an VI (mai 1798) ; les directeurs étant contraints à démissionner par les députés en prairial an VII, juin 1799) ce qui tendait à discréditer le système. Pour autant les élections n’ont pas cessé d’être disputées, nombreuses sont les scissions des assemblées électorales aboutissant à l’élection de deux rivaux et, en floréal an VI, par exemple, à l’élimination de 106 députés (J.R. Suratteau, B. Gainot). En France, l’usage de la force peut être lu d’une autre façon encore, elle s’est exercée à l’encontre de la représentation nationale. Après avoir servi l’Assemblée Constituante et peut-être l’avoir sauvée (14 juillet, 5 octobre 1789), la violence a pu s’exercer à l’encontre de l’Assemblée lorsque celle-ci n’exprime plus, aux yeux des acteurs extérieurs de la Révolution, la volonté du peuple ; ainsi la proscription des Girondins sous la pression des clubs et des sections parisiennes en mai-juin 1793, peut servir d’exemple. Les interventions militaires sont une autre forme du même processus : avec la Convention thermidorienne apparaît, à l’inverse, l’utilisation de la force armée au service de l’Assemblée contre les révoltes populaires (12 germinal et 1er prairial an III, 1er avril, 20 mai 1795). La pratique se retournera contre le régime du Directoire avec, in fine, le coup d’état de Brumaire (9-10 novembre 1799). Les républiques-sœurs sont le terrain privilégié de ces rectifications des choix des électeurs ; la République batave et la République cisalpine ne connurent pas moins de trois coups d’Etat militaires chacune, entre 1798 et 1799, chacune de ces interventions répondant, avec un certain décalage temporel, aux revirements du cours politique en France. Brumaire ne met, cependant, pas un terme à la représentation. Il faut faire ressortir, dans ce domaine, la singularité du régime politique qui se met en place en France avec le Consulat : il prétend s’appuyer sur la démocratie représentative (le plébiscite), tout en vidant le système de sa substance (la source de la légitimité n’est plus dans un pouvoir législatif éclaté, entre trois assemblées totalement séparées les unes des autres). Il prétend respecter l’héritage révolutionnaire en ce domaine, tout en restaurant une conception traditionnelle de la représentation (l’incarnation). La fonction représentative, amoindrie, est encore fragilisée par le recours toujours possible au plébiscite. Conclusion Les consultations électorales avaient pour but de mettre à distance la violence inhérente à l’exercice du pouvoir politique. Force est de reconnaître que, en ce domaine, et en maintes occasions, le but ne fut guère atteint. Pour autant, on ne peut en rester là. La période 1770 –1800 fut d’abord un grand laboratoire politique d’expériences diversifiées, qui fondent la modernité contemporaine. Elle voit s’épanouir le questionnement des formes traditionnelles de représentation, et surtout la naissance de la « démocratie représentative » jugée jusque là utopique. Cette naissance repose sur l’affirmation de la souveraineté des peuples (qui impose son expression indirecte par l’élection de représentants) ce qui, au sortir, de l’expérience du despotisme (ou de l’absolutisme) éclairé est une renversement de perspective remarquable. Cette mutation, profonde, ne pouvait se faire sans heurts, ni sans tâtonnements, ni sans revers ; révoltes et guerres l’ont accompagnée et, selon les lieux, ont fait mûrir ou mourir le processus. L’installation du régime représentatif fut à la fois un point d’aboutissement et un point de départ. Point d’aboutissement pour des décennies de réflexion politique qui ont préparé le transfert de souveraineté du monarque au Peuple. Transfert de sacralité aussi d’un corps politique à un autre. Mais l’impossibilité de s’en tenir à une notion prédéterminée, et idéale, du Peuple, impliquait aussi son dépassement, et la reformulation des catégories classiques, comme celles de démocratie, de souveraineté, de représentation. Au-delà, l’ampleur des bouleversements a été créatrice d’un substrat collectif d’images et de

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symboles, la représentation du peuple s’est faite dans les théories, dans la pensée politique, dans des pratiques et des usages nouveaux, nous avons essayé de le montrer, mais elle s’est faite aussi au sens littéral du mot : celui de peindre, de figurer, nous léguant, en témoignage de cet ébranlement, un ensemble d’œuvres d’art et de monuments, de chants et de caricatures, incarnations et explications de cette naissance mouvementée. C’est enfin une acculturation. Si les années 1800 semblent marquer un tournant, et un retour vers des conceptions plus traditionnelles du pouvoir politique, c’est parce que l’illusion de la « table rase » n’est justement qu’une illusion. Le nouveau régime avait besoin de temps pour s’affirmer. Le « peuple régénéré » devait cohabiter avec un peuple réel, imprégné de représentations culturelles héritées, d’habitudes et de pratiques enracinées. Le peuple des Etats-Unis reste ancré dans l’aire culturelle anglo-saxonne, les peuples européens sont marqués par les traditions d’autorité, de hiérarchie, d’incarnation du pouvoir, des structures monarchiques. Ce n’est que dans la longue durée que l’individualisation croissante, et l’expérience acquise, pourront se faire sentir Remarques d’ensemble sur les copies Il faut rappeler quelques principes élémentaires de construction d’une dissertation. Il faut commencer par bien lire et réfléchir sur le sujet pour élaborer la problématique. Beaucoup de candidats se sont arrêtés au terme « peuple », et sont tout de suite partis dans une construction de nature sociologique, là où l’on attendait d’abord une mise en perspective historique du sujet, pour insister sur la façon dont le terme « peuple » pouvait être appréhendé à l’époque considérée (et sur la polysémie qu’il pouvait recouvrir). Si le sens iconographique a été parfois évoqué, ce qui était normal et attendu, pratiquement aucun candidat n’en a fait l’axe principal de la dissertation, ce qui aurait été une erreur. Ensuite, la « représentation » est un concept de la pensée politique dont il fallait saisir les définitions et l’évolution. Les correcteurs ont bien souvent été frappés par la pauvreté de la pensée politique, et du flou consternant dans les définitions. Ils déplorent la faiblesse des passages consacrés à la théorie politique : les auteurs des Lumières (Locke, Rousseau, Montesquieu) sont parfois cités mais leurs positions sont mal connues ; quant aux penseurs révolutionnaires (Sieyès, Paine), leurs idées sur la représentation populaire sont complètement passées sous silence. Il semble en fait difficile à la masse des candidats de se dégager d’une histoire événementielle ou institutionnelle. C’est une constatation assez alarmante, car on est en droit d’attendre de futurs enseignants qui de plus auront dans leur enseignement l’apprentissage des concepts de la pensée politique, un peu plus de rigueur en ce domaine. Bien souvent, le plan n’est pas annoncé ; ou bien il est annoncé de façon elliptique, pour être complètement abandonné dans le développement. Si la dissertation, un exercice à part entière, a pu être remise en question ces dernières années dans l’enseignement secondaire, de façon tout à fait regrettable, il faut tout de même rappeler qu’elle est à la base de l’enseignement supérieur en histoire, et l’on est surpris de constater de telles carences dans des copies de fin de cycle. On ne peut que renvoyer les futurs candidats aux manuels de méthodologie, souvent excellents, sur l’apprentissage de la dissertation. Il y a un nombre surprenant de copies courtes : un tel sujet, qui balayait des expériences historiques diversifiées devait être suffisamment nourri d’exemples. En règle générale, une copie d’agrégation doit tout de même faire plus de deux pages doubles. L’équilibre entre les différentes périodes n’est guère respecté. L’axe majeur de la problématique était pourtant classique pour un devoir d’histoire ; rupture et continuité. Bien des candidats s’en tiennent à la rupture révolutionnaire, aux Etats-Unis (dans la meilleure des hypothèses) et en France. Les années pré-révolutionnaires sont trop souvent négligées. Un

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bon quart des copies commencent en 1789 comme si la notion de représentation populaire n’existait pas avant la Révolution. Les problématiques posées étaient généralement faibles, ce qui a étonné le jury car la question de la représentation du peuple était centrale pour le programme étudié durant une voire deux années ; très peu de candidats ont articulé correctement la notion de représentation et celle de démocratie ainsi que la notion de représentation et celle de citoyenneté, justement parce qu’ils ont assimilé la représentation du peuple à la Révolution sans se souvenir de la Grande-Bretagne (l’idée d’un modèle politique britannique qui rayonne en Europe avant les années 1780 est complètement oubliée), des Provinces-Unies, des formes de diètes et d’assemblées dans les pays d’Europe centrale. Tous les pays qui avaient été abordés durant la préparation du programme devaient être évoqués et, en aucun cas, la place cumulée accordée à la France et aux Etats-Unis ne devait excéder les deux tiers de la copie ; or bon nombre de copies n’ont parlé que de la France et accessoirement des Etats-Unis ; la révolte de Pougatchev, que beaucoup de copies ont mentionnée et parfois longuement décrite, était à la marge du sujet. Les régimes des années 1790 (en particulier les républiques-sœurs) sont souvent apparus comme mal connus. La problématique s’appuie sur une réflexion historiographique. Mais celle-ci ne doit pas se confondre avec une litanie d’auteurs ou, pire, une énumération des manuels sortis pour la question. Un manuel est une aide à la préparation des concours, ce n’est pas une référence historiographique. Les aspects techniques des processus électoraux étaient mal connus : le déroulement des scrutins, l’abstention ont rarement été évoqués. Il y a pourtant eu des renouvellements importants au cours des dernières années sur ces questions. Là encore, on ne saurait trop insister sur le fait que les enseignants du secondaire ont en charge l’instruction civique. En revanche, les limites apportées au suffrage ont été assez correctement exposées : les processus qui ont conduit à l’exclusion des femmes, des populations de couleur, ainsi que des membres de certaines minorités religieuses (même si les Irlandais catholiques ont été le plus souvent oubliés…) ou de groupes sociaux entiers comme les domestiques ont été sinon exposés et expliqués, au moins mentionnés. Mais, en toute bonne logique, comment évoquer les carences sans commencer par le cadre ? Enfin, la médiocrité de l’expression écrite (orthographe approximative, style pratiquement télégraphique, tics de langage dont la répétition finit par exaspérer) est bien trop fréquente. Un effort dans le sens de la clarté est attendu. Pour autant, un groupe de copies creuse nettement l’écart, tant sur le fond que sur la forme. Les candidats, qui ont obtenu une note de 16 à 18, ont très bien compris et maîtrisé le sujet, et ont pris soin de le traiter en l’illustrant d’exemples historiques variés et significatifs. Les correcteurs ont été particulièrement sensibles à cette capacité de synthèse, et à une architecture claire et solide de l’argumentation. Ces bons devoirs prouvent qu’un traitement convenable du sujet n’était pas hors de portée, et qu’une préparation approfondie entraîne d’excellents résultats.

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EXPLICATION DE DOCUMENT (HISTOIRE MEDIEVALE)

_______________ Durée : 7 heures Sujet : Renforcement des Ordonnances de justice (avril 1293). Par Elisabeth Crouzet-Pavan et Jean-Louis Gaulin3

Au nom de Dieu, amen. Pour l’honneur, la gloire et le respect de notre seigneur Jésus-Christ, de la bienheureuse Vierge Marie sa mère, du bienheureux Jean-Baptiste et de la bienheureuse Reparata sous le patronage desquels la cité florentine est gouvernée, et de tous les autres saints et saintes de Dieu ; pour l’honneur et l’exaltation des régimes des seigneurs, le podestat, le capitaine et défenseur, les prieurs des Arts et le gonfalonier de justice ; pour la paix et la tranquillité de l’état du Peuple et de la Commune de Florence ; et pour le renforcement et l’accroissement des heureuses Ordonnances de justice publiées [ en janvier 1293 ] pour la tranquillité du Peuple et de la Commune de Florence. L’an 1293 de l’incarnation de notre seigneur Jésus-Christ, indiction 6, le dixième jour du mois d’avril. Le conseil des 100 de la Commune de Florence étant réuni selon la coutume dans l’église San Pietro Scheraggio après avoir été convoqué par les hérauts à la demande du noble seigneur Corrado da Soresina de Milan, défenseur des artisans et des Arts, capitaine et conservateur de la paix de la cité de Florence ; le conseil spécial et le conseil général du seigneur défenseur et capitaine et des chefs des douze Arts majeurs de la cité de Florence, étant ensuite réunis le jour susdit dans ladite église, à la demande du même seigneur défenseur et capitaine ; le conseil général des 300 et le conseil spécial des 90 et des chefs desdits Arts étant enfin réunis les mêmes année et indiction, le onzième jour du même mois d’avril, au palais de la Commune de Florence, au son de la cloche et par les hérauts, selon la coutume, à la demande du noble seigneur Tebaldo Brusati de Brescia, podestat de ladite cité et Commune ; des propositions et des réformes ayant été formulées et rendues publiques dans lesdits conseils, de façon convenable et ordonnée, après proposition et délibération solennellement faites sur les choses transcrites ci-dessous par les seigneurs prieurs et le seigneur gonfalonier de justice, il fut proposé, admis et établi que les propositions et ordonnances transcrites ci-dessous, publiées par l’office des seigneurs prieurs des Arts et du gonfalonier de justice pour l’accroissement et le renforcement des Ordonnances de justice et pour le bien et l’état pacifique du Peuple et de la Commune de Florence, reçoivent des susdits conseils pleine autorité et force, et qu’on agisse en la matière, aussi bien en général qu’en particulier, en les appliquant effectivement en toutes circonstances et en tous points, après avoir complété et corrigé les statuts et ordonnances là où ils étaient de quelque façon devenus contradictoires, en raison de ce qui a été exprimé plus longuement et précisément lors de la réforme décidée par lesdits conseils, des actes desdits conseils publiquement écrits par Bonsignore de feu Guezzi, scribe desdits conseils, et aussi des propositions et ordonnances transcrites ci-dessous, dont la teneur est la suivante.

(…) En premier lieu, parce que tous doivent croire et avoir à l’esprit sans aucun doute possible, que tous les procès intentés et toutes les sanctions infligées jusqu’à présent ou 3 Respectivement professeurs aux universités Paris IV-Sorbonne et Lyon II-Lumière

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qui le seront à l’avenir par les gonfaloniers de justice ou l’un d’entre eux, ou quelqu’un mandaté par eux, ou bien en présence dudit gonfalonier de justice, muni du gonfalon de justice, en un lieu quelconque, en vue d’appliquer les Ordonnances de justice ou une partie de ces Ordonnances, sont accomplis avec une intention juste et droite pour le bien, la paix et la tranquillité de l’état du Peuple et de la Commune de Florence, et qu’ils sont faits maintenant et à l’avenir de telle façon que la justice et la tranquillité des populaires de la cité de Florence soient conservées et renforcées et qu’elles ne soient en rien lésées ; attendu que l’on doit savoir que cela relève du bien commun de toute la cité, il est délibéré et établi que ni la Commune de Florence, ni aucun régime ou office de la cité de Florence, ni le gonfalonier de justice, qu’il soit en exercice ou sorti de charge, ni aucune personne en raison d’aucun droit, d’aucune façon et pour quelque cause que ce soit, ne réclame ni ne puisse ou ne doive réclamer réparation ou restitution au sujet d’un dommage infligé ou fait, à infliger ou à faire, sur des maisons, des édifices, des biens ou autres qui ont été détruits, ravagés ou détériorés, ou qui doivent l’être de la façon et dans les circonstances susdites. Et que les régimes et les offices de la Commune de Florence ne puissent ni ne doivent entendre aucune personne qui réclamera que lui soit accordée une réparation ou une restitution à l’occasion des faits susdits et des circonstances susdites et qu’ils ne reçoivent aucune pétition et ne délibèrent pas en la matière ; et s’ils contreviennent, que leur action soit nulle en droit.

De même, il est délibéré et établi que le gonfalonier de justice en exercice et ceux qui lui succéderont dans cet office, auront et devront avoir de la Commune et du Peuple et pour la Commune et le Peuple de Florence les mêmes privilège, bénéfice et immunité que les prieurs des Arts de la cité de Florence selon la forme des statuts et des ordonnances du seigneur capitaine et de la Commune de Florence, de telle sorte que les gonfaloniers et les prieurs soient honorés des mêmes privilège, immunité et bénéfice (…). De même, pour le renforcement, l’accroissement et la conservation des heureuses Ordonnances de justice publiées jusqu’à présent, il est délibéré et établi, qu’en plus des mille piétons dont l’élection est mentionnée dans lesdites Ordonnances de justice, l’on ait mille autres bons et honnêtes piétons, 150 maîtres maçons et charpentiers et 50 piqueurs forts et robustes, équipés de bons pics, et qu’ils soient choisis par ceux que les seigneurs prieurs des Arts et que le seigneur gonfalonier de justice voudront désigner. Tous devront se présenter au gonfalonier de justice, avec ou sans armes, selon ce qui sera prescrit ou crié, à chaque fois qu’ils seront convoqués par les messagers ou les hérauts, ou bien au son de la cloche ou de toute autre façon ; et ils seront tenus de faire et d’observer tout ce à quoi seront tenus les mille autres piétons dont il est parlé plus haut, sous peine de 25 florins de deniers petits, plus ou moins à l’arbitraire du seigneur capitaine, à prélever sur les contrevenants et à verser à la Commune de Florence (…). Et pour que les deux mille piétons susdits, les 150 maîtres et les 50 piqueurs, qu’il faut élire et choisir comme on l’a dit, se rassemblent plus facilement et se présentent avec plus d’ardeur au gonfalonier de justice, on donnera et assignera à chaque groupe de 100 piétons d’un même quartier une bannière de la commune de couleur blanche avec une croix rouge, remise à l’un des piétons au choix des seigneurs prieurs des Arts et du gonfalonier de justice en activité. En outre, on donnera et on assignera aux 150 maîtres et aux 50 piqueurs une bannière de la commune, sous laquelle ces maîtres et piqueurs devront se rassembler et se présenter, avec leurs haches, pics et tous les outils nécessaires (…). De même, pour la liberté et la tranquillité du bien et de l’état pacifique du Peuple, il est délibéré et établi que lorsque, de jour ou de nuit, il y aura une querelle, une rixe, une rumeur ou un tumulte dans la cité de Florence, ou bien lorsque le gonfalonier de justice se déplacera ou se rendra en un lieu quelconque pour l’exercice de son office, aucun populaire de la cité ou du contado de Florence, d’aucune façon et pour aucun motif, n’osera ou n’aura l’audace de se rendre, se trouver ou demeurer, en armes ou sans armes, au domicile d’un des nobles ou des magnats de la cité de Florence ou de son district. Celui qui contreviendra sera

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condamné par le seigneur capitaine à payer, à chaque fois qu’il contreviendra, 200 florins de deniers petits à la Commune de Florence. Que le seigneur capitaine soit tenu d’infliger la condamnation et de l’exiger effectivement, sans délai et sans invoquer de prétexte.

De même, comme la république et le Peuple sont gouvernés de façon droite et juste lorsqu’ils reçoivent les conseils de ceux qui aiment et chérissent l’état de tranquillité et de paix du Peuple et de la Commune, il est délibéré et établi qu’aucun des nobles ou des magnats de la cité ou du contado de Florence ne pourra être élu au conseil spécial ou au conseil général du seigneur Capitaine ou au conseil des 100, et qu’aucun d’eux ne pourra être consul, chef ou recteur de l’un des Arts de la cité de Florence… F. Bonaini, « Gli ordinamenti di giustizia del comune e popolo di Firenze », Archivio Storico Italiano, n. s., 1, 1855, p. 72-77, traduit du latin. Qu’on ne s’attende pas à ce que soit offert ici un rituel mais inutile catalogue des « perles ». Il sera bien plutôt proposé quelques remarques et conseils de portée générale. Le choix s’était arrêté sur un texte florentin qui, puisqu’il concernait la question des Ordonnances de justice et de leur renforcement, éclairait un moment politique intéressant pour l’histoire des communes populaires et l’évolution politique et sociale des dernières décennies du XIIIe siècle en Italie. Par là même, le document et sa problématique étaient doublement centraux : importance de Florence dans les faits comme dans l’élaboration historiographique, importance du moment historique marqué par les Ordonnances de justice. Cette centralité devait permettre que le document puisse être, quels qu’aient été les lieux et les modalités de la préparation au concours des candidats, commenté. On répétera quelques conseils simples. Un seul exemple: la mise en contexte doit être précise et efficace. Mieux valait donc ne pas résumer l’histoire politique des communes italiennes depuis la Paix de Constance dans l’introduction. On notera encore, comme tous les rapports d’agrégation, que si certaines copies, très faibles, ne maîtrisaient pas la technique du commentaire de texte, de nombreuses autres copies étaient en revanche très bonnes, voire excellentes. La première partie du commentaire (« Les institutions : le peuple maître de la commune ») a été en général la mieux traitée même si la démocratie communale en actes a été souvent plus sommairement abordée (mécanismes de la décision, lieux du conseil…). La troisième partie (« Pour le bien commun : justice et ordre public ») a reçu un traitement plutôt lacunaire : la justice du peuple, et donc les mesures d’exception prises à l’encontre des magnats, furent souvent négligées au profit de longs – trop longs - développements sur la milice communale (et parfois sur l’armée communale…) . Pour beaucoup, le deuxième temps du commentaire « Magnats et populaires » a représenté le point faible, faute de connaissances sur le peuple et les magnats, de sensibilité pour les aspects sociaux et économiques du problème et d’intérêt pour les interprétations riches et divergentes qui s’attachèrent et s’attachent à comprendre cette expérience politique. Renforcement des Ordonnances de justice (avril 1293) a) Le texte et sa nature Les Ordonnances de justice promulguées à Florence en janvier 1293 sont l’un des plus célèbres exemples de lois antimagnatices émanant d’un gouvernement populaire d’une Commune italienne dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. Elles visaient à exclure durablement de la vie politique les plus puissants des citadins et ont suscité, par leur radicalité même, des interprétations contrastées. Le texte à commenter n’est pas celui des Ordonnances

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elles-mêmes, mais leur « renforcement » discuté et entériné par les conseils de la Commune les 10 et 11 avril 1293. Ce texte s’inscrit dans la vaste documentation produite par les Communes italiennes dans l’exercice de leur souveraineté. Le paysage documentaire décrit par P. Cammarosano comprend principalement les cartulaires municipaux (libri iurium), les statuts, les actes judiciaires, la documentation financière et fiscale, et les délibérations des conseils, série à laquelle appartient notre document. Les conseils, qui se réunissaient plusieurs fois par semaine, étaient le cadre ordinaire de discussion des affaires publiques. Les débats avaient lieu en langue vulgaire, puis un notaire en rendait compte en latin. Les décisions, souvent prises dans l’urgence, avaient une portée extrêmement variables : minime et de circonstances, ou bien, comme c’est le cas ici, législative et solennisée. Ces délibérations sont connues sous des noms variés : reformationes est le plus fréquent, mais on connaît aussi les consilia du Grand Conseil de Venise. Le terme ordinamenta est plutôt associé à l’activité législative des régimes populaires, par exemple à Pérouse (ordinamenta populi), Bologne (ordinamenta sacra et ordinamenta sacratissima), et ici même à Florence. Techniquement, le mot reformatio s’applique tout à fait à notre document, qui vise à « réformer » une disposition précédente pour la « renforcer et accroître ». b) Le contexte Les Ordonnances de justice sont publiées dans une ville dominée par les Guelfes et dont le Peuple, qui dispose d’institutions propres depuis un demi-siècle, cherche à restreindre le pouvoir des plus puissants des citadins. On sait que la cristallisation des conflits lignagers en deux partis antagonistes advint pendant les années 1237-1250, celles de plus grande tension entre Frédéric II et les Communes. A Florence, le conflit entre les partisans et les adversaires de l’empereur aboutit à l’expulsion éphémère des seconds (Guelfes) par les premiers (Gibelins) en 1248 avec l’aide des troupes impériales. Dès 1250, les Guelfes reprenaient le pouvoir et expulsaient les Gibelins. Ce retournement coïncida avec la mise en place, la même année, d’institutions populaires qui imitaient celles de la Commune et élargissaient considérablement la participation des citoyens aux affaires politiques. Ce « premier Peuple » scella durablement l’alliance entre les Guelfes et les populaires florentins, sans qu’il y ait pour autant identification complète entre la pars ecclesiae et l’organisation politique du peuple. Les Gibelins reprirent la direction de la ville à la faveur de la grande défaite des Guelfes florentins face aux Gibelins siennois (Montaperti, 1260) et la conservèrent jusqu'à l’arrivée de Charles d’Anjou en Italie et à l’installation en Italie du Sud d’une dynastie alliée à la papauté. Après la bataille de Bénévent (1266), les Guelfes rentrèrent à Florence (mais aussi à Prato et Pistoia) d’où 3000 Gibelins, affaiblis par la fin de la dynastie des Staufen, furent bientôt expulsés. Florence était désormais l’alliée privilégiée de la dynastie angevine et le Parti guelfe contrôlait la Commune. En 1280, une paix solennelle fut célébrée entre Guelfes et Gibelins en présence du cardinal Latino Malabranca, dans le cadre d’une pacification générale de la Toscane et de la Romagne voulue par le pape Nicolas III. Celle-ci fut brève, du fait de l’affaiblissement de Charles Ier (Vêpres de 1282 et perte de la Sicile) et du regain de puissance des Gibelins en Romagne sous la direction de Guido da Montefeltro. La Toscane redevint un champ de bataille entre Guelfes et Gibelins. Florence ne put pas exploiter la défaite mémorable des Pisans face aux Génois (Meloria, 1284) de peur de dépendre trop exclusivement pour ses relations commerciales avec l’outre-mer de la grande ville ligure. En revanche, les « puissants Guelfes florentins » pour reprendre les termes de Dino Compagni « avaient grande envie d’entrer en guerre contre Arezzo » (gibeline) et eurent raison des réticences populaires. La bataille de Campaldino (1289) fut un succès pour Florence, et mit en évidence les capacités militaires de Corso Donati, miles descendant d’une vieille famille

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florentine. La guerre coûta cher et alimenta les dissensions entre les Grands guelfes et les populaires. c) Analyse Le commentaire porte sur un extrait qui donne connaissance du début de l’ordonnance et, partiellement, de 5 items. Le premier paragraphe correspond à l’invocation. A l’invocation divine, d’usage, s’ajoute, comme il est fréquent dans les textes législatifs communaux, le patronage solennel des saints protecteurs de la cité, des autorités publiques et des Ordonnances de Justice elles-mêmes. Suit la date : 10 avril 1293 selon le style florentin (Incarnation, i.e. Annonciation, 25 mars) et l’indiction. La suscription (§ 2) énumère les différents conseils de la Commune et du Peuple dont émane l’ordonnance. Le dispositif (« il fut proposé … ») est subdivisé en 5 articles qui précisent et renforcent les précédentes lois antimagnatices : impossibilité de porter plainte contre une procédure entamée sur la base des Ordonnances de justice (le texte est inattaquable) ; extension au gonfalonier de justice du statut des prieurs ; renforcement de la milice dirigé par le gonfalonier pour l’application des Ordonnances de justice ; interdiction faite aux populaires de fréquenter les demeures des nobles pendant les périodes de troubles ; exclusion politique des magnats. I. Les institutions de Florence en 1293 : le peuple maître de la Commune 1) Le popolo et ses institutions « Pour l’honneur et l’exaltation du régime des seigneurs, le podestat, le capitaine et défenseur, les prieurs des Arts et le gonfalonier de justice », est-il écrit au début de l’invocation. Et voici qu’apparaît en pleine lumière la situation institutionnelle caractéristique en cette fin du XIIIe siècle de Florence et d’un certain nombre de cités, principalement de l'Italie centrale. Les institutions de la Commune demeurent en place, ni supprimées, ni même refondues, et avec elles, le podestat, cette magistrature distinctive des régimes politiques institués au début du XIIIe siècle dans l’Italie communale. Simplement, des institutions nouvelles sont venues se surimposer aux institutions existantes et ces institutions, comme le capitaine du peuple émanent du peuple : « le Peuple et la Commune de Florence ». a) Une domination récente Le popolo, groupe de pression, force politique active à côté de la Commune, quand ce n'était pas contre elle, avait dès les années 1220-1230, remporté quelques succès spectaculaires; il avait au cours de la décennie suivante, dans certaines Communes, affirmé plus encore sa capacité à gouverner puisqu’il pouvait tendre à partager le pouvoir avec le podestat. Cette évolution est désormais arrivée à maturité. Le popolo s'impose comme un organisme public qui partage l'autorité et les charges avec l'ancien groupe dirigeant au pouvoir. Et d’une ville à l'autre, les modalités de ce partage, ou, si l’on préfère, la réalité du pouvoir du popolo, varient. La reformatio florentine de 1293 paraît placer en position première le podestat, comme si formellement, il demeurait le premier magistrat de la Commune. De fait, le premier rang lui revenait dans les cérémonies. Mais d’autres occurrences traduisent la réalité des forces et les véritables hiérarchies institutionnelles dans la Florence de l’année 1293. C’est à l’initiative du capitaine du peuple que sont en effet successivement réunis, le 10 avril, le conseil des 100, puis le conseil spécial et le conseil général. Les institutions du peuple sont, de manière récente, venues s’ajouter à la stratification précédente des institutions communales. L'avènement d’un régime dit populaire était advenue à Florence en 1250 ; et c’est bien une séquence qui prend alors forme puisque, à cette même date, le peuple domine à Lucques, à

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Orvieto et à Plaisance avant de s’imposer en 1253 à Volterra et à Sienne, en 1255 à Pérouse, un an plus tard à Faenza, un an plus tard encore à Gênes. Ce régime (parfois appelé du « premier peuple ») face aux contestations et dans un contexte de conflictualité aiguë, démontre assez rapidement sa fragilité intrinsèque. A Florence, une deuxième étape de l’histoire du peuple commence avec la paix de 1280. Significativement, Dino Compagni commence à cette date le récit de l’histoire « contemporaine » de sa ville. En 1282, est instituée la magistrature des Arts ou des prieurs, et c’est avec elle que le peuple assure son pouvoir. C’est donc à partir de 1282, et de la mise en place du priorat des Arts, que le peuple assure son pouvoir. Un tournant institutionnel majeur a été marqué. Un nouveau régime s’édifie, appelé à devenir dans l’historiographie comme dans l’imaginaire politique de générations d’historiens un véritable paradigme. b) Le gouvernement des arts Comment interpréter cette singulière et complexe construction politique ? Le peuple est à Florence, l’ordonnance de 1293 le met en pleine lumière, dominé par les Arts. Dans la sédimentation des institutions florentines, c’est donc sur la strate la plus récente que le regard doit d’abord se porter : « les prieurs des Arts et le gonfalonier de justice ». Contre un lieu commun historiographique longtemps répété qui voulut assimiler « peuple » et « corporations », régime du peuple et rôle politique des Arts, il faut souligner qu’une telle situation ne se retrouve pas dans toutes les cités. Les voies de la cristallisation du popolo furent en effet nombreuses et croisées. Les structures et les liens, au temps de la genèse du popolo, se juxtaposèrent et les éléments populaires tendirent d’abord à se regrouper dans les sociétés de voisinage ou d'armes. Toutefois, il apparaît qu'au cours du second XIIIe siècle, dans un certain nombre de cités, le poids des Arts se renforce dans l'organisation collective du popolo. Et Florence pousse ce modèle jusqu’à un point extrême. Le priorat des Arts, composé de six prieurs (un pour chaque sestiere de la ville), qui sont recrutés parmi les consuls des arts majeurs (« les chefs des douze Arts majeurs de la cité de Florence » ; « l’office des seigneurs prieurs des Arts ») devient l’organe suprême de la Commune florentine. Deux principes sont donc à la base de l’organisation du gouvernement communal : le critère territorial, puisque les six prieurs représentent les diverses circonscriptions administratives, et le critère corporatif car les prieurs appartiennent aux Arts majeurs. Ces Arts sont au nombre de douze en 1293. En 1285 en effet, le priorat, jusqu’alors réservé aux seuls maîtres des Arts majeurs, avait été ouvert à ceux des Arts moyens, les membres des corporations majeures cherchant à se concilier l’appui du « moyen peuple ». Ce gouvernement des Arts a encore été renforcé en 1293. Le gonfalonier de justice, le chef militaire des arts, choisi lui aussi parmi les Arts majeurs par roulement entre les sestieri, acquiert un rôle institutionnel stable et est élevé au même rang que celui des prieurs. Il est appelé à assurer le commandement de la milice populaire et à surveiller le mandat du capitaine du peuple. Il forme avec le collège des prieurs la Seigneurie, le sommet de l’exécutif. On peut évoquer ici la figure de Dino Compagni, chroniqueur, marchand de tradition guelfe, inscrit à l’Art de Por Santa Maria. Il ne fait pas qu’« écrire la vérité sur les choses certaines » qu’il a vues et entendues. Ce témoin privilégié est aussi un acteur de la vie politique florentine : consul de son Art à plusieurs reprises, il devient prieur en 1289 et il sera élu gonfalonier de justice durant l’été 1293. Selon le principe d’une rotation rapide au sein des institutions centrales, les prieurs comme le gonfalonier, sont en effet renouvelés tous les deux mois. Cette rotation rapide des charges principales – 36 Florentins sont élus chaque année pour les occuper – avait pour fonction de dépersonnaliser le pouvoir politique et d’en assurer la collégialité. c) Le capitaine du Peuple

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Un deuxième système de magistrature et de conseils apparaît ensuite dans cette sédimentation institutionnelle : les magistratures du Peuple qui ont été mises en place après les victoires successives du Peuple en 1250, 1266-1267 et 1280 : « le capitaine et défenseur », « le conseil des 100 » le « conseil spécial et le conseil général du seigneur défenseur et capitaine ». Ainsi, depuis la réforme statutaire de 1280 qui suit la décisive médiation du cardinal Latino et la paix de février 1280, deux conseils flanquent le capitaine du Peuple : un conseil général de 150 membres (25 par sestiere) et un conseil spécial de 36 membres (6 par sestiere) Quant au conseil des 100, il a été institué en 1289 et il constitue le plus important conseil restreint du régime populaire : il est, on le constate, réuni le premier. Le capitaine du Peuple, placé à la tête du Peuple, dans l’ordonnance de 1293 est nommé sous un triple titre : « le capitaine et défenseur », le « défenseur des artisans et des Arts, capitaine et conservateur de la paix de la cité de Florence », le « seigneur capitaine » et dans les variations mêmes de son titre, il apparaît bien comme le garant de l’alliance d’intérêts désormais réalisée entre le Peuple et les corporations. La magistrature du capitaine du Peuple avait été introduite dans le complexe organigramme politique florentin en 1250. Or, le magistrat capitaine que l’on retrouve à partir des années 1280 ne peut être considéré comme la reprise exacte de cette première expérience. L’initiative ne vient plus, comme au milieu du XIIIe siècle des sociétés armées, mais des organisations corporatives. Durant la décennie 1280, une véritable floraison institutionnelle peut donc être observée : aux côtés du capitaine et conservateur de la paix et gouverneur du Peuple - c’est le titre que prend le capitaine du Peuple pour rendre compte du projet de pacification pontificale - apparaît en 1282, signe de la refondation corporative du régime, le capitaine et défenseur des artisans et des arts de la cité de Florence. En 1293, les deux fonctions sont désormais assumées par un même recteur. Ainsi s’explique que le capitaine soit dit « conservateur de la paix » mais aussi « défenseur des artisans et des arts ». La charge de capitaine, ainsi reconfigurée, articule donc les diverses composantes du Peuple. Mais la nouvelle institution du gonfalonier de justice tend, à partir de cette même date, à en réduire progressivement l’importance. Le capitaine était recruté à l’extérieur de la cité selon les mêmes principes que le podestat et dans le même groupe professionnel des « magistrats itinérants ». Corrado da Sorresina appartient ainsi à une famille de la vieille noblesse capitanéale de Milan qui a fourni de nombreux podestats, plutôt d’ailleurs avant 1250. Dans ce moment d’intense tension politique, de conflictualité aiguë qui est celui de la période des Ordonnances de justice, le choix se porte donc vers des magistrats aux compétences éprouvées et parmi eux les Lombards et les Emiliens sont toujours nombreux. Il y avait en effet un double intérêt à recruter de tels recteurs : véritables « professionnels » de la politique, ils étaient de surcroît étrangers au jeu politique régional toscan. L’expérience politique compte : elle compte tant que Corrado est prolongé ; en charge depuis novembre 1292, et pour une durée statutaire de six mois (depuis 1292, le mandat du capitaine avait été ramené d’un an à six mois), Corrado entame un deuxième mandat en mai 1293. 2) Le podestat et ses conseils La Commune, socle institutionnel du système, se présente comme l’émanation de la communauté citadine. a) La Commune et ses saints patrons Le drapeau du Peuple, que portait à l’origine le capitaine du Peuple, s’est imposé en 1293 comme celui de la Commune ( « une bannière de couleur blanche avec une croix rouge » et sans doute retrouve-t-on ces mêmes insignes et couleurs dans le costume, ou sur le béret des hérauts. La rue, la place, l’espace public sont en effet, dans ces Communes italiennes, investis par des emblèmes, des symboles, des couleurs qui diffusent des messages, qui sont une des façons d’occuper l’espace, de se montrer et de faire résonner, à côté d’autres langages, un

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langage qui est un instrument de la lutte et de l’affirmation politique. Ainsi est-il dévoilé un peu du paysage de la cité, paysage de signes et de couleurs, paysage qui peut être également sonore quand les hérauts font entendre leur voix, quand la cloche sonne pour convoquer les conseils dans le palais de la Commune (« au son de la cloche et par les hérauts »). Mais si le Peuple vainqueur a imposé sa bannière, la Commune a pour fonction d’unir la communauté en la plaçant sous la protection des saints patrons, de la rassembler dans une vénération commune. Au moyen de cette religion civique, le but est de cristalliser une identité urbaine. En ces temps de discordes et malgré le déchirement des factions, l’invocation en appelle à une seigneurie céleste, à tous ceux « sous le patronage desquels la cité florentine est gouvernée ». On notera donc après l’invocation à « notre seigneur Jésus-Christ », celle à « la bienheureuse Vierge Marie sa mère ». Selon certaines interprétations, la dévotion mariale, fortement stimulée par les Ordres mendiants, aurait été dans la Florence des années 1244-1245 un des facteurs déterminants pour la formation de l’identité guelfe. En cette fin du XIIIe siècle, on observera plutôt, sans que soit donc fait systématiquement un lien avec le guelfisme, que nombreuses étaient les cités placées sous la protection de la Vierge, à commencer par Sienne, la gibeline. La dévotion mariale était forte à Florence qui usait d’ailleurs dans les documents administratifs du style de l’Annonciation. La cathédrale, d’abord dédiée à Reparata, est ainsi appelée à passer sous la dédicace mariale lorsque sa reconstruction est décidée dans la dernière décennie du XIIIe siècle. La nouvelle église, fondée en 1296 ou 1298, selon les lectures qui sont faites de l’inscription lapidaire conservée est bien associée par G. Villani « au succès du Peuple ». Le projet, confié à Arnolfo di Cambio, était pour les Florentins de faire de Santa Maria del Fiore le plus beau Dôme de la Toscane. Saint Jean-Baptiste qui était représenté sur la monnaie d’or frappée depuis 1252 (florin) était le patron du baptistère dont l’ornementation se poursuit dans ces mêmes années. Ces deux chantiers témoignent de la vague de travaux que connaît Florence dans ces années où le Peuple domine. Ils complètent, par l’évocation implicite à la silhouette du Bel San Giovanni, la description, qu’esquisse l’ordonnance, du paysage de Florence. A l’instar des représentations iconographiques contemporaines de l’Italie centrale, les saints patrons veillent sur la ville que dominent ses campaniles. La Commune soude donc la communauté. Elle constitue encore un conservatoire institutionnel. b) Les conseils de la Commune Deux conseils flanquent le podestat : « le conseil général des 300 et le conseil spécial des 90 ». On rappellera que la mise en place du régime podestatal avait partout coïncidé avec une montée en puissance du rôle des conseils. Nous ne savons certes pas grand chose du mode de fonctionnement de ces conseils avant le milieu du XIIIe siècle, date à partir de laquelle on a conservé pour certaines villes des registres où sont reportées les décisions adoptées, voire un résumé succinct des débats. Il est cependant évident que, lorsque le régime du podestat remplace au début du siècle celui des consuls indigènes, les conseils acquièrent une importance bien supérieure à celle qui pouvait être la leur auparavant. Ces conseils peuvent se réunir plusieurs fois par semaine, selon un calendrier fixé par le podestat, et ils rassemblent pour certains d’entre eux, un nombre important de membres du fait d’un élargissement de la base du régime. Ces instances, où étaient décidées les grandes orientations de la politique communale, se situaient au cœur du dispositif politique et institutionnel progressivement instauré pour répondre à la dynamique de luttes politiques et sociales acharnées. Phases de conflits et formes de compromis coexistaient donc au sein de ces assemblées. On sait toutefois qu’à Florence, le passage du régime consulaire au régime podestatal ne fut pas marqué par la succession d’épisodes dramatiques que l’on retrouve dans bien d’autres villes. C’est qu’ici les milites furent tôt associés aux décisions importantes de la Commune, les consules militum participant, aux côtés des consules mercatorum, puis des représentants des

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autres métiers, au cercle étroit des conseillers avec lesquels le podestat dressait la liste des questions à soumettre aux conseils. A la fin du XIIIe siècle, si les conseils du podestat sont toujours convoqués par ce magistrat - et ils se réunissent dans son palais -, ils ont perdu l’essentiel de leurs pouvoirs. Ils sont donc réunis avec un jour de décalage. c) Le seigneur podestat Le podestat est donc l’héritage institutionnel de cette phase dite «podestatale», caractéristique de la première moitié du XIIIe siècle. Difficile de faire plus belle carrière que celle de Tebaldo Brusati « podestat de la dite cité et Commune » de Florence en 1293. Né dans un lignage capitanéal de Brescia, il est le premier de son nom, et le fait est surprenant pour une famille de cette importance, à se lancer dans une vie de magistrat itinérant. Mais son exemple est suivi puisque cinq Brusati exercent à leur tour des fonctions politiques, tous appelés dans des cités de tradition guelfe. Le choix des Florentins ne doit rien au hasard. Le parcours de Tebaldo a commencé à Bologne en 1281, il se poursuit à Bologne, à Faenza, à Florence, à Trévise. Notre homme est appelé une fois comme capitaine du Peuple, huit fois comme podestat. Et il conclut sa carrière comme comte et recteur pontifical en Romagne en 1304-1306, au service de l’état pontifical qui utilise une expérience acquise dans les grandes Communes italiennes. En outre, le nom de Tebaldo, capitaine du Peuple à Bologne en 1284, avant d’y être podestat en 1286, est associé dans cette ville au renforcement des lois antimagnatices, les Ordinamenta sacratissima. Ajoutons que la cité de Brescia se distingue par le grand nombre de capitaines du Peuple qu’elle fournit – en dépit de sa taille relativement modeste – aux villes d’Italie septentrionale, comme si les nobles brescians s’était fait une spécialité de cette magistrature. Pour le moins, le Brescian Tebaldo Brusati devait inspirer confiance aux populaires florentins. Il en va donc du podestat comme du capitaine. Durant les trois années qui sont celles de lutte contre les magnats, le régime de prieurs fait appel à des recteurs expérimentés. Or Tebaldo est rompu à la pratique politique, comme il est lombard, à l’instar d’un grand nombre des podestats choisis par Florence entre 1282 et 1300, et de tradition guelfe. Depuis 1290, la charge a été semestrialisée et le podestat entre à l’ordinaire en fonctions le 1er janvier Mais il n’y a pas que la durée de son mandat à avoir été réduite. Ses fonctions politiques, judiciaires, militaires ont été érodées et l’ordonnance en témoigne qui, pour tout ce qui concerne la justice ou l’ordre public, met en pleine lumière le rôle des Prieurs et du gonfalonier de justice, laissant au podestat la fonction de réunir ses conseils. 3) La démocratie communale en actes a) Les mécanismes de la décision L’ordre protocolaire est l’inverse de celui que l’on vient de suivre pour présenter les institutions florentines en 1293 : l’invocation des Ordonnances de justice fait successivement entrer en scène le podestat, le capitaine du Peuple, les prieurs et, dernier venu, le gonfalonier de justice. Cette énumération, à la fois hiérarchique et historique, ne rend pas compte des rapports de force entre les différents organes de l’appareil communal, ni du dynamisme institutionnel. L’initiative provient très clairement des « seigneurs prieurs des Arts et du gonfalonier de justice » dont les propositions reçoivent, dans un second temps, « pleine autorité et force » des différents conseils. L’ordre dans lequel ces conseils délibèrent n’est pas indifférent : d’abord les conseils du Peuple, ensuite seulement ceux de la Commune. Mais, la première étape à franchir est celle du conseil des 100. Bien que de création récente (1289), ce conseil a acquis une autorité qu’il faut expliquer par ses attributions principalement financières : il a la haute main sur toutes les dépenses de la Commune qui sortent de la routine administrative. Sa création et sa rapide promotion dans la constellation des conseils florentins

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exprime l’attention que les gouvernements populaires portent au contrôle des finances publiques, attention qui s’est manifestée au cours du XIIIe siècle par le développement d’une administration fiscale (l’estimo est une victoire du Peuple), les tentatives de contrôles des dépenses publiques (en particulier lorsque les bénéficiaires en sont les milites, cf. le restaur), et la volonté d’une gestion non privatisée du patrimoine communal (adjudication des biens communaux). La décision politique est donc prise par les chefs des Arts majeurs d’où proviennent les prieurs qui eux-mêmes ont la haute main sur l’important conseil des 100. Les membres de ce conseil agissent en effet en étroite concertation avec les prieurs par qui ils sont nommés. Les mêmes représentants des Arts majeurs associés aux chefs des Arts moyens peuplent les conseils du Peuple et le conseil spécial de la Commune. Seul le grand conseil de la Commune – où des nobles sont présents - pourrait en théorie contrarier les choix d’un Peuple dont les porte-parole sont clairement en position de force institutionnelle. b) Les lieux du conseil Il n’est pas surprenant qu’un seul édifice public soit mentionné dans le texte, « le palais de la Commune de Florence ». Les Communes lombardes ont très tôt investi dans la construction d’édifices publics. Dans les années qui suivent la paix de Constance, ces Communes désormais officiellement reconnues, emploient le terme de palatium, qui se substitue à domus, pour désigner leur siège institutionnel. Les premiers palais communaux attestés sont ceux de Brescia (1187) et Milan (le Broletto, 1196). En Toscane, de telles constructions sont plus tardives, spectaculaires aussi (fin XIIIe-première moitié du XIVe s.). Le palais florentin auquel se réfère notre texte remonte à 1255. G. Villani, qui écrivait entre 1330 environ et 1348, rapporte dans la Nuova cronica les circonstances de son édification : « pour mieux renforcer le Peuple ils (les populaires) décidèrent et entreprirent la construction du palais, lequel est derrière la Badia, sur la place de Saint-Apollinaire, celui en pierres taillées avec la tour. Auparavant la Commune à Florence n'avait pas de palais ; la Seigneurie se tenait tantôt dans une partie de la ville, tantôt dans l'autre ». Bien que ce palais ait porté différents noms (du capitaine du Peuple, du podestat, aujourd’hui Bargello), il est clairement dévolu, en 1293, aux conseils de la Commune. Les autres conseils, conseils du Peuple et conseil des 100, n’avaient en revanche pas de lieu fixe pour se réunir, pas davantage que le collège des prieurs. Des églises abritaient parfois les conseils : Santa Reparata, le Baptistère, et San Pietro Scheraggio. Cette dernière, une vénérable église romane proche du palais de la Commune, à mi-distance entre celui-ci et le Ponte Vecchio, semble avoir eu la préférence des conseillers. Quant aux prieurs, tous les deux mois, ils choisissaient une maison privée, louée par la Commune, où ils s’établissaient collégialement. Les offices mineurs de la Commune étaient eux aussi souvent installés hors du palais communal. Durant l’année 1293, par exemple, la boutique d’un cordonnier – louée trois livres par la Commune – servit à entreposer « des registres et des actes de la Commune ». Cette situation touchait à sa fin : en 1299 commenceraient les travaux de construction du palais des prieurs, l’actuel Palazzo Vecchio, ou palais de la Seigneurie. c) L’iter des ordonnances Comment passe-t-on de la proposition de loi à la loi ? Le texte donne des informations sur le travail législatif des conseils. Mais avant de préciser les étapes de la procédure, il faut rendre le texte aux techniciens du droit, aux juristes qui en ont très probablement dicté la teneur. Des études récentes ont mis en évidence le rôle actif joué par les juristes dans les assemblées communales. L’ascendant que leur confère une origine sociale souvent noble, la connaissance

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des arcanes du droit municipal (iura propria), la maîtrise de l’éloquence publique, tout les désignaient pour être les principaux interlocuteurs des magistrats qui présidaient les conseils. On pourrait objecter que leur activité au sein des conseils – déterminante au premier âge communal – s’amenuisa lorsque les gouvernements populaires cherchèrent à restreindre l’influence politique des nobles. Mais le formalisme revendiqué par le peuple – formalisme dont notre texte donne une illustration – contraignait les conseils à étayer leurs décisions d’un solide argumentaire. Les experts en droit continuèrent donc d’intervenir dans la vie publique, parce que les Communes les sollicitaient sur toutes les questions importantes. Le lien - moins organique que par le passé - entre les juristes et les Communes de la seconde moitié du XIIIe siècle prit deux formes principales : les avis (consiglia) qui répondaient à des questions ponctuelles et que les experts monnayaient à bon prix, et la participation aux commissions (balie) formées pour préparer les décisions des conseils. Grâce au témoignage de Dino Compagni, on connaît le nom des trois rédacteurs des Ordonnances de justice, « ces lois qu’avaient rédigées messire Donato de messire Alberto Ristori, messire Ubertino dello Strozza et messire Baldo Aguglioni », tous trois juristes. La séquence qui transforme en loi le texte préparé en petit comité comporte trois étapes. Le projet est tout d’abord lu aux différentes instances : ce sont les « propositions … formulées et rendues publiques » par les magistrats qui président les différents conseils. Ensuite a lieu la délibération proprement dite, la discussion. Enfin, l’approbation suppose un vote favorable qui donne au texte « autorité et force » de loi. Un scribe, Bonsignore Guezzi, a rédigé le procès verbal - en latin - de ces différentes étapes. Il s’agit bien évidemment d’un notaire agissant pour le compte de la cité et investi de la fides qui rend authentiques les « actes » qu’il a « publiquement écrits ». Le même notaire a très probablement aussi rédigé la minute des ordonnances elles-mêmes. Le cheminement du texte ne s’arrête pas là. Les rédacteurs ont en effet prévu qu’un travail d’harmonisation des « statuts et ordonnances » antérieurs sera nécessaire là où ils seront « devenus contradictoires » avec les Ordonnances renforcées. Ce travail – il faudra « compléter et corriger » - sera probablement confié à des officiers spécifiques, des « réviseurs » des statuts. Son évocation permet de rappeler l’importance que revêtait la rédaction et la mise à jour des statuts communaux. Le recueil des lois de la cité se présente à la fois comme un texte solennel censé établir durablement les règles du gouvernement et de la vie sociale, et comme un texte vivant où les corrections, additions et suppressions rendent compte de la vitalité législative et contraignent à la rédaction périodique de nouveaux manuscrits statutaires. A Florence, une refonte importante des statuts du podestat et du capitaine aura lieu dans les années 1322-1325.

II. Magnats et populaires : le conflit politique à Florence à la fin du XIIIe siècle Quels sont les buts de la reformatio de 1293 ? « Pour le renforcement et l’accroissement des heureuses Ordonnances de justice », il s’agit de concentrer plus encore le pouvoir dans les mains de ceux qui le tiennent et cette dynamique hégémonique est renforcée par le biais d’une véritable surenchère dans les mécanismes d’exclusion qui frappent les ennemis. Mais il s’agit dans le même temps de protéger ceux qui soutiennent le régime et cette protection est rendue nécessaire par le climat de violence qui découle de l’acuité des conflits politiques. La représentation du pouvoir a donc changé en cette fin du XIIIe siècle. Des décennies durant, les institutions s'étaient adaptées jusqu'à ce que, avec les succès, puis la suprématie politique du Peuple, soient mis en place dans certaines Communes un pouvoir partagé, une dyarchie que

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bousculaient souvent l'antagonisme et la concurrence. Dans les dernières décennies du XIIIe siècle, ce processus de recherche d’une compatibilité prend fin du fait d’un raidissement institutionnel. Des luttes, pour violentes qu'elles aient été, avait résulté l'invention d'un système politique complexe, toujours en recherche d’un équilibre. Les régimes communaux avaient réussi à intégrer la culture dominante de l'affrontement jusque dans l'appareil de gouvernement. Une nouvelle logique s'impose désormais, qui refuse la coexistence de pôles antagonistes et qui vise à la monopolisation de l'autorité par la Commune. Ce durcissement du régime populaire opère donc par la promulgation des Ordonnances de justice, lois d’exception à l’encontre des magnats. 1) Les magnats Ces magnats, objet des Ordonnances de justice et de leur renforcement d’avril 1293, qui sont-ils ? Le texte les nomme simplement (l. 90-91) « noble ou magnat de la cité ou du « contado » de Florence ». On ne retrouve donc pas ici le vocabulaire employé dans d’autres ordonnances antimagnatices, comme celles de Bologne où les Ordinamenti sacratissimi de 1284, pour assurer la protection des « doux agneaux », instituaient à l’encontre des « loups rapaces » un statut d'exception. « Noble » ou « magnat » (c’est-à-dire « grand » - magnus) comment définir ces termes ? a) Définir les magnats Les familles concernées sont, le texte le montre, en avril 1293, déjà connues et répertoriées. Les Ordonnances de justice ont défini comme magnats un certain nombre de lignages et ce classement a été établi par une liste incluse dans le livre du Podestat. Où l’on retrouve des pratiques qui ont pu être qualifiées, à propos de l’exemple comparable de Bologne, de « gouvernement des listes » (Milani). La « révolution documentaire » en œuvre dans l’Italie communale connaît en effet une phase décisive d’accélération sous les régimes populaires. La rupture induite par le bouleversement des pratiques, et en particulier l’introduction du registre, n'est pas seulement quantitative. Tous les registres alors massivement produits et conservés sont bien sûr les outils techniques et culturels d'une révolution administrative. Ils aident à la formation d'un nouvel appareil de gouvernement, ils facilitent l'application des multiples réformes et comme tels, ils prouvent la montée en puissance d'un pouvoir politique et témoignent d'une gestion plus raffinée et performante, d'une rationalisation politique et administrative croissante. Mais leur finalité va bien au-delà. Instruments au service d'une nouvelle classe de gouvernement, ils se situent en fait au cœur de son dispositif logistique, ils expriment et mettent en œuvre son idéologie politique. Avec eux, explose cette volonté de la Commune populaire de savoir, de connaître et de classer pour mieux pouvoir contrôler et exclure. Comment ces familles ont-elles été identifiées et rangées parmi les magnats? La dignité chevaleresque et l’opinion publique sont les deux critères qui ont servi à distinguer cette catégorie. Sont ainsi qualifiés de « Grands » tous ceux qui comptent dans leur famille un membre adoubé. Mais cette distinction de classe, où la militia urbaine se confond avec la noblesse, ne peut, à la fin du XIIIe siècle, être appliquée à tous ceux qui, grâce à la mobilité, économique, politique et sociale des décennies précédentes, sont désormais assimilés aux nobles. D’autres éléments interviennent donc pour élargir la définition et c’est la fama publica, la renommée d'être un « grand », qui devient le deuxième critère de distinction. b) Les familles : origines et facteurs de la puissance Ces critères servent donc à l’élaboration de listes qui ne sont pas closes car aux prieurs est accordé le droit de les modifier. 147 familles sont répertoriées en 1293 parmi lesquelles on trouve des familles seigneuriales et des lignages de l'aristocratie urbaine ( « nobles ou magnats de la cité de Florence ou de son district », « nobles ou magnats de la cité et du

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contado »), et en nombre quasiment égal des Gibelins et des Guelfes (Uberti, Amidei, Tornaquinci, Visdomini, Cavalcanti, Buondelmonti). Mais, et c'est là la nouveauté, sont également exclues de la sphère politique quelques familles de grands marchands à l'origine clairement populaire mais à la trop menaçante puissance et au style de vie qui reproduit les modèles des lignées plus anciennes (Bardi, Pulci, ou Cerchi, « gens de basse condition, mais bons marchands et fort riches, s’habillant bien, disposant d’une suite nombreuse et de quantité de chevaux » , à lire la description de Compagni). Ce groupe juridiquement défini est, on le constate, d’origine composite et se recrute dans les lignages féodaux, dans l’ancienne aristocratie consulaire mais aussi dans les milieux d’affaires enrichis au XIIIe siècle. Tous les « Grands » ne sont donc pas d’origine noble. La richesse intervient dans la définition des magnats florentins mais elle ne joue bien sûr pas dans le cas des opulentes familles du Peuple gras qui sont au pouvoir ! La définition du magnat exclut ainsi tout critère universel. c) Valeurs et culture Par là même, c’est surtout la conduite sociale qui se situe à l’origine de la condamnation des magnats et à la source de leur identification : une vaste gamme de comportements où l’on retrouve des mœurs violentes, un orgueil individuel, l’arrogance et la puissance ostentatoire, autant de manières d’être et de pratiques qui nuisent à l’ordre public. Les magnats se définissent par exemple par la prétention à exercer un droit de guerre et de justice privée, la possession de châteaux ruraux (« contado ») et de tours en ville, des solidarités lignagères qui s’articulent autour de ces forteresses et permettent de mettre en œuvre les faides, l’entretien enfin de clientèles armées. Les lignes 81à 84 visent, pour les combattre, précisément ces clientèles de populaires qui se cristallisent autour des magnats et qui forment l’un des instruments de leur puissance, un des moyens par lesquels ils multiplient les atteintes, dans la ville et son contado, à la paix et à l’ordre public. Ces codes comportementaux sont en conséquence, pour l’opinion publique, les indices irrécusables d’un statut de magnat. On comprend alors pourquoi la définition de ce statut est relative et pourquoi les listes purent être modifiées : le magnat n’est magnat que dans la perception et le jugement des populaires, victimes de ses excès. Giano della Bella, « à la tête du Peuple », selon les mots de Dino Compagni, durant la phase des Ordonnances de justice, était issu d’une famille aristocratique à laquelle, selon la tradition, la dignité chevaleresque aurait été conférée dès la fin du XIe siècle. Il n’empêche. Les della Bella sont, dans la première moitié du XIIIe siècle, des marchands inscrits à l’art de Calimala. Surtout, tous les chroniqueurs, Compagni ou Villani, concordent pour le souligner : Giano est « sage », c’est un « noble populaire » qui condamne les outrages des magnats . C’est dire qu’il condamne ces mécanismes de compétition entre les familles qui passaient par des alternances de heurts violents et de longues phases de négociation, cette conflictualité, à l’exemple de l’inimitié entre les Cerchi et les Donati, qui se traduisait dans la vie citadine par l’organisation de réseaux de haine et d’amitié, par des insultes, des provocations et des blessures, des rixes et des batailles rangées (« une querelle, une rixe, une rumeur ou un tumulte dans la cité ») 2) Le parti populaire a) Les faux semblants de l’unité « Pour la paix et la tranquillité de l’état du Peuple », « pour le bien et l’état pacifique du Peuple », « pour la tranquillité des populaires de la cité de Florence », dit et répète la reformatio. Les Ordonnances de justice ont été prises « avec une intention juste et droite pour le bien, la paix et la tranquillité de l’état du peuple ». Leur «accroissement et renforcement » se fait encore pour le « bien et l’état pacifique » du Peuple. Quant aux piétons, aux maîtres et piqueurs, ils se rassemblent sous les bannières du Peuple vainqueur. Dans cette situation de

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crise, à l’heure où les Ordonnances courraient le risque d’être « lésées », où les contestations paraissent se multiplier à l’égard des décisions de justice, où la menace semble omniprésente, le Peuple est donné à voir dans son unité. Il est décidé d’accorder au gonfalonier de justice « les mêmes privilège, bénéfice et immunité que les prieurs », signe que cet officier pourrait, du fait même de l’exercice de sa charge au sommet de l’exécutif florentin, encourir les insultes et les blessures, la haine et la vengeance. Le conflit, dans la ville, dans son district, semble à tout moment « de jour, de nuit » prêt à s’enflammer et à troubler l’« état pacifique ». Il est « donc délibéré et établi » de renforcer la milice communale. Pourtant, le Peuple, solidaire et homogène, moins les quelques séides des clientèles magnatices, s’organiserait et ferait front, soudé. Il s’organiserait selon les deux principes qui régissent l’organisation du gouvernement communal : d’une part, le critère corporatif qui explique qu’à côté des magistratures émanant des arts (les prieurs et le gonfalonier de justice), les chefs des Douze Arts majeurs soient réunis avec les conseils, d’autre part le critère territorial qui justifie que les groupes de piétons soient regroupés selon leur circonscription administrative de provenance (« chaque groupe de 100 piétons d’un même quartier »). Il ne faut toutefois pas se laisser prendre à cette rhétorique de l’unité, à ce leurre de l’homogénéité du Peuple. b) Le Peuple : composition et hiérarchies L’organisation corporative ne structure pas l’ensemble du monde du travail. Sont donc exclus tous ceux qui n’appartiennent à aucun Art. Ainsi, les petits métiers de l’alimentation et de l’artisanat ne sont pas organisés en Arts pas plus que ne le sont les ouvriers non qualifiés, à l’exemple de ceux de l’Art de la laine. La production des tissus de laine, principale activité industrielle dans la Florence de la fin du XIIIe siècle, reposait sur un système que l’on nomme la manufacture disséminée parce qu’il implique que les différentes étapes du cycle de fabrication ne se déroulent pas dans un lieu unique mais dans toute une série de pôles productifs. La première phase de la transformation était par exemple assurée par des travailleurs salariés par l’atelier central, les Ciompi. Ces derniers, privés d’instruments de travail propres, rétribués à la journée, exécutaient une série d’opérations lourdes et faiblement spécialisées, destinées à préparer la laine brute. Leur dépendance à l’égard des marchands-entrepreneurs était en conséquence totale. Les règlements urbains leur interdisaient de donner vie à des associations professionnelles indépendantes mais les soumettaient aux règles édictées par l’Art de la laine dont seuls les propriétaires des entreprises lainières étaient membres de plein droit. Mais il existait d’autres lignes de clivage. Les Arts sont, à Florence, divisés en une hiérarchie complexe. En 1293, les Arts majeurs sont douze et il y a là le fruit, on l’a remarqué, d’une évolution récente. Les Arts majeurs, définis en 1266, étaient sept. L’Art le plus ancien et illustre, l’Art de Calimala (qui tirait son nom de la via di Calimala) continuateur de l’Art des marchands, était celui des grands marchands, de ces Florentins qui animaient les grandes compagnies commerciales et bancaires. Venaient ensuite, par ordre d’ancienneté, l’Art du change, l’Art de Por Santa Maria (du nom là encore de la rue), spécialisé dans la vente des draps et la soierie, avant l’Art de la laine, l’Art des merciers, épiciers et médecins, l’Art des pelletiers et fourreurs de vair, l’Art des juges et des notaires. Les Arts moyens, définis en 1282, étaient au nombre de cinq : les bouchers, les cordonniers, les artisans du fer, les maçons et charpentiers, les fabricants et vendeurs de tissus de lin, les fripiers. Il s’ensuit que les neufs Arts mineurs, définis en 1287, n’étaient pas représentés dans l’organigramme des institutions florentines. Ces tanneurs, corroyeurs, armuriers, marchands de vin, boulangers, hôteliers, marchands de sel et d’huile, serruriers et menuisiers contribuaient puissamment à l’activité économique de la cité. Ils sont dirigés, comme les autres associations de métier, par un recteur, ils possèdent un gonfalon qui est le signe de leur identité. Ils sont dotés depuis 1289 d’une organisation politico-militaire comparable à celle

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des autres Arts, mais ils ne participent pas aux mécanismes de la décision politique. c) Le peuple gras Toutes les études qui s’intéressent à la composition de la classe dirigeante florentine après l’institution du priorat le prouvent en effet. Les hommes qui se trouvent à la tête des Arts Majeurs et qui sont choisis pour exercer la charge de prieurs assurent le pouvoir d’une élite restreinte. Si la classe dirigeante avait été, au commencement du « deuxième peuple », quelque peu renouvelée, cette tendance a été vite freinée, puis arrêtée. En 1293, les familles des puissants populaires, bien proches des vieilles familles aristocratiques guelfes qui demeurent d’ailleurs présentes au sein du priorat, tiennent la Commune. L’Art de Calimala est celui qui fournit la plus grande quantité de cadres dirigeants mais on retrouve aussi dans ce groupe des familles influentes de l’Art de la laine ou de celui de Por Santa Maria. 3) La radicalisation du conflit L’offensive législative du peuple florentin contre les magnats est sans doute l’épisode le plus célèbre d’un conflit qui traverse l’histoire des cités de l’Italie centro-septentrionale depuis la période de la crise du régime consulaire et l’avènement du podestat. a) Commune, « nobles ou magnats » et populaires La dénomination des deux groupes antagonistes a évolué au cours du XIIIe siècle. Au tournant des XIIe-XIIIe siècles, les sources distinguaient parmi les citoyens les pedites des milites, selon qu’ils servaient la Commune comme fantassins ou cavaliers. Dans la première moitié du XIIIe siècle, les termes de populaires et de nobles (populares/nobiles) sont couramment employés. Enfin, durant dans la deuxième moitié du siècle, le mot « magnats » fait son apparition pour désigner ces hommes puissants que leur réputation, leur richesse, et leur comportement violent transformaient en ennemis des populaires. A Florence, ce mot apparaît pour la première fois dans une disposition législative de 1281. Bien que la filiation milites-nobiles-magnates soit très simplificatrice - le groupe des milites avait des contours infiniment moins nets que celui des magnats et une réelle porosité sociale permit à des citadins sans ancêtres d’intégrer les rangs de la militia - et que les populaires eux-mêmes - on l’a rappelé - ne formassent pas un ensemble homogène, il ne fait pas de doute que chacune des composantes de ce binôme ne donnait pas la même signification à son adhésion à la Commune. Du point de vue des nobles, la construction des institutions communales ouvrit des opportunités nouvelles d’exercer le pouvoir en ville - ils accaparent les charges consulaires, puis les offices de podestats et de capitaines du peuple - sans remettre réellement en cause la domination – ancienne ou récemment acquise – qu’ils exerçaient dans le contado grâce à leurs terres et châteaux. L’espace rural est dominé par cette noblesse urbaine, qui sait pouvoir y trouver refuge lorsqu’elle doit momentanément abandonner la ville au plus fort des troubles. Pour les populaires en revanche, la Commune revêtait une tout autre importance : lieu de résidence et de travail ordinaire des artisans, espace privilégié des affaires à peine agrandi au proche contado par les micro-investissements fonciers, institution, enfin, garante de la liberté de tous (les serfs qui fuient leur maître se réfugient en ville). Cette divergence, proprement idéologique, explique la prétention croissante des populaires à représenter seuls toute la Commune, et légitime leur combat contre ceux qui perturbent « l’état de tranquillité et de paix du peuple et de la Commune ». b) La législation antimagnatice à Florence A Florence, le combat des populaires contre les magnats prit une dimension législative à partir des années 1280. Dans un contexte de tensions croissantes, une série de dispositions vise à punir sévèrement la violence des magnats afin de réduire leur rôle politique.

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Dans le sillage de la paix de 1280, un premier statut - de 1281 - impose aux magnats de déposer une caution de 2000 florins en prévision des dommages qu’ils sont susceptibles de causer, somme qu’ils perdront définitivement s’ils commettent un délit. Pour la première fois, une liste de ces magnats, des hommes âgés de 15 à 70 ans, est établie. En 1286, la caution personnelle devient une garantie familiale qui couvre les agissements de tous les membres de la parentèle. Les campagnes militaires contre Pise et Arezzo réveillèrent un motif classique de litiges entre nobles et populaires : la guerre coûte cher à la Commune, alors qu’elle est traditionnellement une source de profits pour les nobles. Dino Compagni juge la guerre entre Florence et Arezzo « sans grand profit, car la dépense fut lourde ». Et c’est l’année même de la victoire des Florentins à Campaldino que fut institué le conseil des 100 destiné à mieux contrôler les dépenses imprévues. L’année 1289 est aussi celle du premier des deux priorats de Giano della Bella, le second coincidant précisément avec le renforcement des Ordonnances de justice (15 février-15 avril 1293). L’influence du « chef et guide » des populaires selon D. Compagni, de « l’initiateur du second peuple » selon G. Villani, sur la radicalisation de la lutte contre les magnats est reconnue. Inscrit lui-même, comme il se devait, à l’un des arts majeurs (Calimala), il put compter, au moins jusqu’à la promulgation des Ordonnances de justice, sur le soutien de grandes familles de marchands tels les Altoviti, les Malagotti ou les Peruzzi. C’est de ce milieu que sortent donc les textes législatifs du début de l’année 1293. Les Ordonnances de justice débutent par un tableau des institutions communales qui souligne le primat désormais acquis par les représentants des arts majeurs. Les premiers articles mettent en exergue le rôle des arts, pilier des institutions, l’obligation d’exercer réellement un art pour être admis au priorat, les modalités de l’élection des prieurs et du gonfalonier de justice. Suivent les dispositions relatives aux magnats qui introduisent dans le droit pénal florentin une série de nouveautés destinées à punir plus sévèrement les délits et les crimes lorsqu’ils sont commis par des magnats au détriment des populaires. Une procédure judiciaire d’exception est prévue en cas de plainte d’un populaire contre un magnat. Deux témoins suffisent pour attester la réalité (au moins judiciaire) du délit, la fama qui contraint le podestat à recevoir l’accusation et donne au capitaine du peuple sept jours pour enquêter. Les peines encourues par les magnats sont alourdies : 300 livres pour un coup, 500 pour une blessure « sans effusion de sang », 1000 « avec effusion de sang », et la peine capitale s’il y a eu mort d’homme. En cas de fuite, les maisons étaient détruites, sanction dont on sait par D. Compagni qu’elle fut effectivement appliquée : le chroniqueur raconte comment, alors que lui-même était prieur, il fit raser la maison des Galligai dont un membre avait tué le fils d’un marchand connu. Le premier article du renforcement des Ordonnances de justice rappelle cette dernière peine et interdit toute plainte à ce sujet : la destruction des maisons et des biens des magnats visés par une sentence est sans appel. c) Interprétations La radicalisation de la législation antimagnatice florentine a depuis longtemps suscité des analyses dont la portée rejaillit sur la compréhension du régime communal dans son entier. La construction du paradigme florentin, aujourd’hui contesté, repose en grande partie sur l’interprétation des luttes politiques qui affectèrent la grande ville toscane dans les dernières décennies du XIIIe siècle et trouvèrent leur aboutissement dans les Ordonnances de justice. Rappelons les principales lectures possibles de ce texte, publié au temps du Risorgimento par l’archiviste F. Bonaini pour lequel ces événements constituèrent le « plus grand bouleversement jamais connu par la cité de Florence ». Le débat a porté sur la possibilité de raccorder ces luttes politiques à l’évolution sociale et économique. La phase la plus vive des luttes entre populaires et magnats a été interprétée en termes marxistes par G. Salvemini dans un livre fondateur : Magnati e popolani in Firenze

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dal 1280 al 1295 publié en 1899. On peut trouver un lointain écho de cette thèse dans l’usage répété qu’Y. Renouard fait de la catégorie de la « bourgeoisie d’affaires » pour expliquer le dynamisme économique de Florence et l’avènement du Deuxième Peuple. Un autre versant de l’historiographie plaide, souvent en réaction ouverte aux écrits de Salvemini, pour une substantielle stabilité de la base sociale du pouvoir florentin. Dans cette optique (N. Ottokar, S. Bertelli, J. Heers), la Commune est dirigée par une oligarchie de la richesse et du pouvoir, déchirée par des luttes intestines, mais relativement close sur elle-même. L’origine sociale d’un Giano della Bella, assez emblématique de ce point de vue des chefs des partis populaires des grandes Communes italiennes, plaide pour une interprétation plutôt statique du groupe dirigeant communal. En poussant plus loin, on doit rappeler que l’action de Giano della Bella suscita aussi, après coup, des commentaires hostiles. Des témoignages de vingt ans postérieurs à son action le remémorent pro quasi domino civitatis Florentie. L’ascendant qu’il prit sur les populaires pourrait inciter à réinterpréter les événements de l’année 1293 comme une tentative avortée de seigneuralisation de la république de Florence. Mais les études plus récentes replacent plus volontiers ces Ordonnances de justice dans le contexte de l’affirmation des régimes populaires, c’est-à-dire à en relativiser la nouveauté sans en diminuer la radicalité. L’un des plus anciens exemples de législation antimagnatice date de 1260. Il s’agit des Ordonnances du peuple de Pérouse qui furent promulguées alors que débutait le mouvement des Flagellants : politique de pacification et pratiques de dévotion allèrent de pair (Vallerani). Les dispositions législatives hostiles aux magnats se multiplièrent jusqu’à celles de Florence, et, un an avant, celles de Prato. Les plus connues sont les « Ordonnances sacrées et très sacrées » promulguées à Bologne en 1282 et 1284. Elles fournissent un modèle d’autant plus crédible aux Ordonnances de justice qu’elles furent instituées sous le capitanat de ce magistrat brescian que les Florentins choisirent pour être leur podestat durant l’année 1293. La société communale, on en a ici confirmation, fut un espace d’intense circulation des expériences politiques. Ces rapprochements permettent aussi d’insister sur la relative homogénéité du programme de gouvernement des populaires dans les dernières décennies du XIIIe siècle. Les grandes orientations de ces lois antimagnatices sont en effet très comparables. Elles répartissent solennellement les rôles : la paix et la tranquillité sont du côté du peuple, la violence, l’apanage des grands. Elles désignent l’ennemi par l’établissement de listes nominatives : la lutte contre les magnats passe par la récupération de toutes les innovations scripturaires de la Commune. Elles anticipent sur la capacité de nuisance des magnats en leur imposant des contraintes préalables : cautions, procédure judiciaire spécifique, exclusion des conseils. La radicalité dont témoigne notre texte s’inscrit clairement dans un vaste projet politique. III. Pour le bien commun : justice et ordre public Au nom des valeurs qui sont les siennes, le Peuple de Florence renforce sa lutte contre les magnats en utilisant les ressources de la justice et de l’ordre public. L’office de Gonfalonier de justice, véritable instrument du gouvernement populaire, sort grandi des différentes innovations institutionnelles instaurées par le texte d’avril 1293.

1) Les valeurs du popolo a) Une rupture idéologique L’arrivée au pouvoir du Peuple marque une rupture particulièrement importante au plan idéologique. Le Peuple pense et présente en effet son système de gouvernement comme une

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« république » (« comme la république et le peuple sont gouvernés de façon droite et juste »), une république qui poursuit la défense de l’intérêt collectif (« le bien commun de toute la cité »). Par là même, la phase des régimes populaires, et plus particulièrement les années de leur durcissement au temps des Ordonnances de justice, aboutissent à la mise en place de structures de pouvoir plus solides, bien sûr structurées autour du parti populaire, mais qui trouvent leur légitimation dans l’idéologie que ces régimes déclarent défendre. Cette idéologie se caractérise par une nouvelle culture du politique qui est une culture des institutions et il y a là une rupture éclatante par rapport à la culture des aristocraties de tradition militaire pour lesquelles le pouvoir était conçu comme une capacité à contraindre et à dominer. Le pouvoir tend donc à être désormais défini comme une capacité de gouvernement. Cette évolution est déterminante pour comprendre les événements de la fin du XIIIe siècle et les mécanismes d’exclusion qui opèrent. L’opposition populus-milites qui avait dominé la société communale italienne pendant la première moitié du siècle se transforme en une opposition entre popolo et magnats, une opposition de nature idéologique puisque la façon même de comprendre la vie commune est en cause. Face aux magnats qui, par leur style de vie militaire et leur violence ostentatoire, marquaient leur refus d’accepter les règles du jeu politique, le peuple défend des valeurs de paix et de justice. Il est porteur d’une culture des institutions comme lieu de l’exercice politique en opposition à une culture de la puissance sociale, liée aux traditions aristocratiques. Par là même, on comprend pourquoi il est possible de retrouver, dans le peuple et parfois à sa tête, des hommes, nés dans des familles d’origine militaire: ils ont alors abandonné l’éthos caractéristique de leur classe. b) « La tranquillité du bien et de l’état pacifique du Peuple » Si l’on fait le compte des occurrences, sans doute est-ce le binôme « la paix et la tranquillité » qui revient dans la reformatio avec la plus grande fréquence. La Commune avait, dès ses origines, cherché bien sûr à promouvoir un idéal de justice et de paix. Les différents instances de l’Eglise - les Ordres Mendiants, tant par la prédication itinérante que l’intervention directe dans les conflits, les papes, à l’exemple de la mission pacificatrice du cardinal Latino Malabranca, neveu de Nicolas III - étaient intervenues au cours du XIIIe siècle pour lancer de véritables campagnes de pacification dans des villes déchirées par les violences. Mais le régime du peuple marque un tournant décisif dans la politique adoptée pour assurer le pacificum et quietum statum. Il ne fait pas que développer les idéaux de paix et de justice inhérents à la primitive institution communale. Ces concepts sont désormais empreints des valeurs du popolo grasso, de cette élite de marchands, entrepreneurs, notaires, changeurs qui dominent désormais. Un veritable programme de gouvernement articule les trois valeurs de la justice, de la paix et de la sécurité. Le capitaine est « conservateur de la paix », le gonfalonier est le gonfalonier de « justice » car le but est de gouverner « la république et le peuple » « de façon droite et juste ». La justice est source de paix et la paix assure la prospérité de la communauté. L’ordre public devient en conséquence un enjeu politique. Un nouveau système judiciaire est organisé qui, parce qu’il s’ouvre aux catégories sociales qui n’y avaient pas jusqu’alors accès, satisfaisfait une des revendications politiques principales des populaires. Mais il sert aussi le souci de l’ordre public, la paix, et joue un rôle fort dans la légitimation du nouveau pouvoir. Ce programme, on le sait, trouva sa mise en images la plus spectaculaire dans la fresque dit du Bon Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti, peinte en 1338-1339, pour décorer les murs de la Salle de la Paix du Palais public de Sienne, où la Justice trône et où la Paix est représentée en position de triomphe sur les forces de la discorde, une fresque dont le thème d’ensemble est bien la justice. Mais des précédents sont plus tôt attestés à Florence à l’exemple de la fresque peinte par Giotto pour le palais du podestat qui représentait la Commune sous les traits d’un juge.

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c) Florence, le Peuple et le bien commun L’idéologie de la paix et de la justice, au service du « bien commun de toute la cite » devient donc un marqueur des nouveaux régimes. Il est certain que tout un milieu d’intellectuels joua un rôle determinant dans l’élaboration de ce système de valeurs et de cette culture politique. Puisque l’art de gouverner exigeait la maîtrise de certaines techniques – et en particulier de la prise de parole publique -, les traités d’ars dictaminis ou d’ars concionandi se multiplièrent. Mais les lettrés de la deuxième moitié du XIIIe siècle, à la différence des premières générations de maîtres de rhétorique, sont de plus en plus engagés dans la vie communale dont ils connaissent les rouages et le fonctionnement. Ils développent donc une approche fonctionnelle de l’éloquence, de la persuasion, du consilium qui permet la prise de décision politique. Ils mettent leur art au service du gouvernement citadin. Il faut évoquer ici la figure de Brunetto Latini, le maître de Dante, notaire, dictator, rédacteur du Conseil des Anciens et chancelier de Florence, poète et vulgarisateur, pour qui la science de bien parler et de gouverner était le plus noble art du monde. Celui qui, comme l’écrit G. Villani, parvint à « dégrossir les Florentins » unit dans sa personne l’engagement culturel et politique et met les nouvelles formes de savoir au service du bien commun. On peut encore citer Remigio dei Girolami, populaire, guelfe, lecteur en théologie au couvent Santa Maria Novella qui écrit deux petits traités politiques : le De bono comuni (1301), puis le De bono pacis (1304) en réponse aux luttes pour le pouvoir. Le régime populaire se présente donc comme investi d’une mission pacificatrice au service de la communauté. Que cette idéologie du bien commun justifie une dynamique d’exclusion n’est en rien paradoxal. La morale civique, le bon gouvernement de la république, la volonté de fonder durablement la conviventia des hommes expliquent la juridicisation de l’exclusion. 2) La justice du peuple Valeur éminement politique, la justice est aussi un mode de résolutions des conflits dont s’emparent les populaires pour lutter plus efficacement contre les magnats. a) « Procès et sanctions » du peuple Fidèle à la tradition médiévale qui identifie exercice du pouvoir et exercice de la justice, le régime du peuple ne se conçoit pas sans sa cour de justice. La justice avait déjà été dans le passé l’un des instruments – le plus efficace peut-être – de l’affirmation du pouvoir communal. A l’âge consulaire, la Commune était sortie victorieuse de la confrontation avec les pouvoirs concurents – ceux de l’évêque et des seigneurs urbains – en imposant son tribunal comme la principale sinon l’unique instance judiciaire urbaine. Cette activité exercée par les dirigeants de la Commune eux-mêmes – le collège des consuls, ou du moins, parmi eux, les consuls de justice – fut considérablement amplifiée à l’époque podestatale. Le podestat a autorité sur un appareil judiciaire en plein développement parce qu’il propose aux citadins des modalités de règlement des conflits distinctes – et non exclusives – de la vendetta et de la paix privée. Le succès de cette justice est tel qu’à la fin du XIIIe siècle, une dizaine de juges de profession assistent le podestat florentin dans l’exercice de ses attributions judiciaires. Dans la deuxième moitié du siècle, pourtant, la relative unification du système judiciaire communal fut remise en question par l’essor de juridictions nouvelles : la diversification des « régimes et des offices de la Commune » entraîna une multiplication des autorités judiciaires. On sait que l’essor des Arts poussa dans ce sens puisque chacun était compétent pour entendre les causes qui opposaient les membres d’un même métier. Mais c’est aux justices du peuple que le texte fait précisément référence. La défense des intérêts du peuple dont est en charge le capitaine depuis 1250 a engendré l’ouverture d’une curia autonome où officient les

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trois juges qui font partie de la familia de ce magistrat. La justice rendue au nom du peuple présente, dans notre texte, un caractère à la fois traditionnel et exorbitant. Sont classiques : la procédure accusatoire, très largement dominante en cette fin de XIIIe siècle – c’est le plaignant qui déclenche l’ouverture du procès –, l’usage de faire appel ou de répondre à une accusation par une autre plainte, l’amende comme peine ordinaire. Mais les Ordonnances de justice ont aussi introduit l’exceptionnalité, au nom du combat politique, dans la justice communale. Le troisième paragraphe cherche à empêcher les magnats de contester en justice l’application des ordonnances du Peuple. Contrairement aux habitudes procédurières du temps, aucune plainte ne pourra être déposée en rapport avec le texte des Ordonnances de justice. L’interdiction concerne tout autant les éventuels plaignants que les juges de la Commune (« que les régimes et les offices … ne puissent ni ne doivent entendre aucune personne qui réclamera… »), ce qui dit assez le caractère inhabituel de cette décision. Le peuple, défendu par son capitaine, a progressivement appris à utiliser la justice comme une arme victorieuse dans la compétition politique qui l’oppose aux Grands. b) « Maisons, édifices et biens détruits » La nouveauté est aussi dans la sanction infligée aux magnats, dont les « maisons, édifices et biens » peuvent être « détruits ». Déjà présente dans les Ordonnances de justice de janvier, cette délibération vient en tête de la reformatio d’avril, ce qui souligne la difficulté à l’appliquer et les biais procéduraux que les magnats ont probablement tenté d’utiliser pour la contourner pour protéger leur patrimoine. Les biens en question sont divers, à l’image des patrimoines des magnats : en ville, les maisons – le terme est au pluriel – mais aussi les tours, dans le contado les résidences seigneuriales. La destruction des demeures urbaines des magnats frappa l’imagination : il s’agissait rien moins que de « raser les maisons en application des lois » comme l’écrit D. Compagni. La pratique n’était pourtant pas nouvelle. On peut rappeler que, dès le XIIe siècle, les gouvernements communaux se sont déclarés compétents pour imposer aux nobles des limites à l’édification des tours urbaines et en réduire autoritairement la hauteur (par ex. Pistoia, 1191). Une deuxième étape fut franchie à l’occasion des conflits opposant les lignages et les partes. G. Villani propose une chronologie des destructions de maisons, en même temps qu’il en désigne les premiers auteurs : le chroniqueur raconte en effet comment « les Gibelins en arrivèrent à détruire la tour des guelfes, une des plus hautes et des plus belles — elle se trouvait sur la place San Giovanni à l’entrée du cours des Adimari … C’est à cause des Gibelins que commença cette maudite habitude de détruire les maisons ». L’épisode se situe en 1248, lors de l’expulsion des Guelfes par les Gibelins. Dans un autre passage, Villani rapporte comment les Uberti, famille noble qui avait pris la tête des Gibelins, furent déclarés rebelles après la victoire du parti guelfe en 1266. Leurs palais et maisons furent détruits « et, de tous leurs immeubles, l’on fit la place publique afin qu’ils ne puissent jamais les reconstruire ». Les ruines urbaines, les « guasti », font donc déjà partie du paysage urbain florentin lorsque les Ordonnances de justice font de la destruction des maisons une sanction applicable aux magnats, sanction dont notre texte impose une application rigoureuse. c) « Protection et promotion du gonfalonier » Le deuxième item du texte étend au gonfalonier de justice les « privilège, immunité et bénéfice » dont jouissent déjà les prieurs. Le renforcement des Ordonnances de justice - dans le contexte de l’épreuve de force qui oppose les populaires aux magnats – profite au gonfalonier de justice dont le statut est aligné sur celui des prieurs. De création récente, cette charge n’était pas parée de la même considération que la fonction priorale et c’est au motif de « l’honneur » que le gonfalonier voit ses prérogatives renforcées.

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Ces « privilège, immunité et bénéfice » visent à protéger les représentants du peuple dans l’exercice de leur fonction. Pendant toute la durée de leur mandat, prieurs et gonfalonier de justice sont mis à l’abri de leurs ennemis politiques. Ils ont, par exemple, le droit de porter des armes de toutes catégories, défensives et offensives. Ils sont surtout protégés par tout un arsenal judiciaire. Personne ne peut les attaquer en justice, pour aucun délit ou crime dont ils pourraient être accusés, à l’exception des crimes de sang qu’ils auraient personnellement commis. Inversement, le privilège qui s’étend aux prieurs et au gonfalonier doit dissuader leurs ennemis de porter la main sur eux. Leurs parents sont également concernés par ces dispositions. La procédure employée est très favorable aux représentants du peuple en ce qu’elle repose principalement sur l’acceptation du témoignage des officiers et de populaires pour prouver la véracité des offenses faites aux représentants du Peuple, insultes, coups et blessures. Les peines pécuniaires encourues par les agresseurs sont deux ou trois fois plus lourdes que de coutume. Elles peuvent aller jusqu’à la destruction des biens, la peine de mort ou le bannissement perpétuel pour les contumaces. 3) Les nécessités de l’ordre public a) Le renforcement de la milice communale On observe en matière militaire une réinterprétation institutionnelle dans un sens favorable aux populaires qui est du même ordre que celui que l’on vient de mettre en évidence pour la justice. Le renforcement de la milice instituée par les Ordonnances de justice est l’occasion de rappeler les principes d’organisation de l’armée communale. Il s’agit d’une armée de citoyens au sens politique le plus fort : la participation (militaire et financière) à la défense de la Commune est un témoignage de citoyenneté. Les statuts de l’ost florentin saisi par l’ennemi siennois à l’issue de la bataille de Montaperti en 1260 exprimaient très clairement la nature politique de l’engagement militaire : « tous, tant milites que piétons de la cité, du contado et du district de Florence, de quelque lieu qu’ils soient, âgés de 15 à 70 ans, devront venir à la présente armée florentine (…) Quiconque, tant miles que piéton et autres, ne sera pas trouvé dans ladite armée – la présence étant certifiée par instrument public écrit de la main du notaire ordonné à cet effet – sera condamné (suivent les amendes) … De plus, … on ne rendra pas justice [ à celui qui ne se sera pas présenté à l’ost ]; il ne pourra être admis dans un office quelconque de la Commune, à perpétuité, ni recevoir ou poursuivre un quelconque bénéfice de la Commune de Florence. En outre, il sera puni selon la volonté du podestat… ». Le troisième item de notre texte ne dit pas autre chose des piétons du peuple qui « devront se présenter… à chaque fois qu’ils seront convoqués … sous peine de 25 florins de deniers petits ». Le second principe est territorial. Le rassemblement de l’armée communale s’effectue traditionnellement sur une base topographique. C’est toujours le cas en 1293, puisque les mille piétons dont on institue la levée pour doubler l’effectif de la milice du peuple seront répartis en 10 groupes de 100 selon leur quartier (c’est-à-dire en fait leur sestier) d’origine. Une bannière identifiera chaque groupe et manifestera aux yeux de tous l’engagement des populaires de chaque quartier, leur « ardeur » à défendre le peuple florentin tout entier. Cette milice n’est pourtant plus à proprement parler communale. Elle ne repose plus sur l’association de tous les citoyens distingués selon leur fortune en milites ou pedites. Pas de mercenaires non plus, alors que la Commune recrutait depuis longtemps des spécialistes de la guerre sur contrat. La milice du peuple est tout entière composée de populaires : des piétons et des techniciens. Ces derniers sont des maîtres artisans qui appartiennent à l’un des arts moyens, celui des maçons et charpentiers. Leur association à des ouvriers « forts et robustes » armés de pics ne laissent pas de doute quant à leur fonction au sein de la milice : ils devront

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détruire « les maisons et édifices » des magnats. On remarque aussi que ce corps de techniciens forme un groupe à part, dont le rattachement aux circonscriptions administrative n’est pas mentionné, comme si la nécessité de renforcer la milice du peuple avait fait disparaître, à leur sujet, la vieille organisation territoriale. Piétons et démolisseurs ont un chef unique : le gonfalonier de justice. Les prieurs choisissent en concertation avec lui les membres de la milice et distinguent, parmi eux, ceux qui porteront les enseignes. Mais lui seul en assure le commandement : c’est lui qui convoque et qui donne les ordres. b) « Rixes et rumeurs » Le renforcement de l’armée du peuple doit être resitué dans un contexte de très fortes violences publiques. Le vocabulaire employé semble vouloir rendre compte d’une échelle de la conflictualité communale, depuis la simple « querelle » jusqu’à la « rumeur ou tumulte » en passant par la « rixe ». La rixe est caractéristique de cette violence groupusculaire qui anime les villes de l’Italie médiévale ; rumeur est le terme employé, par exemple, par les chroniqueurs bolonais pour qualifier la guerre civile entre Geremei et Lambertazzi qui se solda, en 1274, par l’expulsion de 4000 Gibelins ; tumulte est à prendre au sens fort d’émeute – comme en 1378 lorsque se révolteront les Ciompi. Le spectre des violences envisagées est donc très ouvert – visiblement le gonfalonier et ses hommes s’attendent à intervenir dans toutes sortes de situations - et il importe de remarquer que notre texte, pas plus que celui des Ordonnances de justice, n’utilise le mot « vendetta ». Des recherches récentes ont profondément renouvelé la compréhension de ces « faide » traditionnellement imputées aux seuls nobles et magnats. Premièrement, on a établi que la vendetta était une pratique socialement diffuse : sur 66 cas bien documentés, 28 impliquent des populaires et 11 opposent des populaires entre eux (A. Zorzi). Au moment même où les Ordonnances de justice sont promulguées, c’est justement une famille non noble, celle des Velluti, qui défraye la chronique. Deuxièmement, la Commune ne tente pas de mettre un terme à ces pratiques anciennes et tolérées par la culture politique du temps. Elles ne figurent pas parmi les préoccupations majeures des populaires : à l’évidence, elles ne menacent pas « la liberté, et la tranquillité du bien et de l’état pacifique du Peuple ». Au mieux, la Commune tentera de les réglementer : les statuts de 1325 fourniront un ensemble de normes fixant des limites, et légitimeront par là-même la vengeance, admise comme réponse légitime de la victime ou de ses descendants aux violences les plus graves (homicides et mutilations). L’objectif des Ordonnances de justice renforcées n’est donc pas la diminution de la violence privée par le durcissement de la justice communale. Leur but est de nature plus strictement politique : non pas discipliner les magnats, mais les exclure. c) L’exclusion des magnats L’histoire de l’exclusion politique en milieu communal est déjà longue lorsque la reformatio d’avril 1293 établit « qu’aucun des nobles ou des magnats de la cité ou du contado de Florence ne pourra être élu au conseil spécial ou au conseil général du seigneur capitaine ou au conseil des 100, et qu’aucun d’eux ne pourra être consul, chef ou recteur de l’un des Arts de la cité de Florence… ». Trois éléments se sont combinés pour engendrer cette forme originale de persécution politique : l’émergence du délit politique et spécialement du crime de trahison dans le contexte du conflit entre Frédéric I et la Ligue ; la définition d’un espace communal aussi bien géographique que politique d’où sont expulsés les semeurs de trouble ; la formation de partes et le clivage populaires/magnats qui placent la Commune au centre de toutes les luttes pour le pouvoir (G. Milani). La reformatio d’avril 1293 est un exemple de la systématisation de l’exclusion politique qui

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caractérise les Communes de la fin du Duecento. Les magnats sont rejetés hors du champ politique parce que la violence de leur comportement met en péril l’ordre communal. Le pas franchi par les populaires réside dans l’exclusion a priori d’un groupe de familles dont la composition est connue de tous. Les charges politiques leur sont fermées, sauf celles désormais peu influentes qui relèvent du conseil de la Commune. En revanche, et fort logiquement, les magnats sont également exclus des fonctions de direction au seins des Arts (« consul, chef ou recteur ») parce qu’elles ouvrent la voie aux fonctions politiques. Le peuple maître de la Commune en interdit l’accès à ses ennemis. A la lecture du texte, des doutes peuvent cependant surgir quant à la signification même de cette exclusion. Certes les magnats sont identifiés comme tels, exclus du gouvernement des Arts et de la Commune et leur capacité à se défendre en justice est amoindrie. Mais, dans la mesure même où les Ordinamenta instrumentalisent la justice de la Commune pour lutter contre les magnats, elles laissent ouverte la possibilité d’une réintégration des exclus au moyen de la même institution judiciaire. L’exemple bolonais montre que l’exclusion politique demeure une notion relative au XIIIe siècle et certains magnats florentins retrouvent au cas par cas les honneurs de la vie publique dans la première moitié du XIVe siècle. Le texte du renforcement des Ordonnances de justice d’avril 1293 doit être situé au point culminant de la lutte entre populaires et magnats. Contrôlant les institutions de la Commune, le Peuple de Florence utilise l’arsenal judiciaire, la mobilisation militaire et l’exclusion politique pour porter atteinte à ceux dont la grandigia est perçue comme une atteinte insupportable à la paix civile. L’efficacité des ordonnances n’est pas avérée : promulguées en janvier, elles doivent être renforcées en avril. Un peu plus tard, il faudra créer un office d’Exécuteur des Ordonnances de justice pour en surveiller l’application. On peut aussi penser que la nouvelle fracture qui traverse Florence dans les premières années du XIVe siècle - elle oppose les Guelfes Noirs aux Blancs – minore l’actualité de la lutte contre les magnats. Le document n’en est pas moins emblématique du travail législatif accompli dans une grande Commune populaire de la fin du XIIIe siècle. L’écrit pragmatique fait partie de la culture de gouvernement du Peuple, il est devenu une arme dont les populaires délèguent la mise en forme aux spécialistes du droit et de l’écrit que sont les juges et les notaires. L’importance que les populaires accordent à ce genre de textes – l’exemple florentin n’est ni isolé ni particulièrement précoce - est assurée par son titre même. Le préambule du renforcement des Ordonnances de justice insiste sur la sacralisation d‘un écrit qui prend rang parmi les illustres défenseurs de la cité de Florence, à la suite de ses saints patrons et des régimes politiques. Un troisième thème qui se dégage du texte est le point de rupture que connaît la dynamique ancienne de la représentation politique des populaires. On a insisté sur la situation hégémonique des Arts majeurs alliés aux Arts moyens : l’édifice institutionnel est contrôlé par les chefs d’ateliers et les hommes d’affaires, excluant les Arts mineurs et les travailleurs des métiers non reconnus. La lutte contre les magnats a pourtant fourni l’occasion au Peuple de Florence de rétablir une forme d’unité sous la conduite de Giano della Bella. On sait que sa tentative tourna court et qu’il dut quitter précipitamment Florence en février 1295 pour échapper à un procès. On peut voir dans son échec le signe – prévisible à la lecture du renforcement des Ordonnances de justice – d’une fracture désormais irréductible entre les popolani grassi e possenti et le popolo minuto. L’échec de l’intégration politique des humbles artisans et salariés – et le diagnostic florentin peut être étendu au monde communal – exprime, dans les dernières années du Duecento, les limites atteintes par l’inventivité institutionnelle et la capacité de renouvellement des élites urbaines.

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DISSERTATION DE GEOGRAPHIE

_______________ Durée : 7 heures Sujet : Les espaces de faible peuplement en Amérique latine. Par l’ensemble des examinateurs de géographie Le sujet proposé, qui portait sur un thème classique de la réflexion géographique (cf. les travaux de Pierre Gourou sur les pays tropicaux), a été un bon révélateur des capacités de réflexion et de synthèse des candidats. Les très bonnes copies sont celles de candidats ayant généralement brillé en histoire tandis que le lot habituel de copies indigentes – ou blanches – de candidats visiblement mal préparés en géographie n’est venu que confirmer leurs notes obtenues dans les trois autres épreuves. Sur le plan de la forme, on rappellera une fois de plus que le jury attend des dissertations rédigées et construites, écrites lisiblement, avec une introduction problématisée et une conclusion reprenant les idées essentielles développées dans la copie. L’expression écrite est parfois très déficiente, alors que c’est un élément tout à fait essentiel d’évaluation de candidats à l’enseignement. Par contre, le nombre de copies à l’orthographe catastrophique semble en recul, ce dont on ne peut que se réjouir.

Comprendre le sujet Point n’était besoin de s’appesantir sur la question des limites de l’Amérique latine, dont une définition simple suffisait, sans développements superflus sur la genèse du vocable Amérique “latine”. Encore fallait-il se garder de toute exclusion arbitraire et ne pas confondre Amérique latine et Amérique du Sud. Comment accepter par exemple une copie où est affirmé d’emblée que “la priorité sera donnée ici à l’Amérique centrale avec une incartade (sic) dans l’espace caraïbe et une autre à son extrémité sud, l’ensemble des pays au nord du canal de Panama étant volontairement écartés” ?

Le terme espace pouvait être associé à – et distingué de – celui de territoire dans une approche dynamique du sujet. L’utilisation du pluriel impliquait une analyse de la diversité des espaces. Peuplement était un mot-clé, renvoyant certes à la densité de population (nombre d’habitants au km2), mais pas uniquement : au-delà du simple constat de densité, c’est à une réflexion sur la manière dont les sociétés façonnent leur espace, sur leurs techniques de production, sur leurs encadrements et leur efficacité dans la maîtrise des distances et la valorisation des ressources que les candidats étaient conviés. Peuplement pouvait être ainsi utilisé dans une acception dynamique – au sens d’action d’occupation d’un espace donné, comme le terme anglais de settlement – ou plus synchronique.

L’autre mot-clé du sujet, « faible », devait être discuté. Il est évidemment corrélé aux basses densités humaines, mais son utilisation impliquait une réflexion sur les conditions et les modalités d’usage de l’espace : par exemple, la Pampa argentine du blé et du soja est-elle un espace de faible peuplement ? Il était donc nécessaire de s’interroger sur la notion de densité optimale du point de vue de la mise en valeur des ressources, de la capacité de charge ou de la lutte contre les agents pathogènes limitant le peuplement humain. Le jury n’a pas sanctionné

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les copies se contentant de prendre le terme au simple sens de « bas », mais il a valorisé les candidats qui auront évoqué ces nuances. Si la qualification de « faible peuplement » s’entend comme une présence humaine réduite dans un milieu donné, cette notion toute relative n’a de sens qu’au regard d’espaces plus peuplés. L’appréciation change ainsi de valeur en fonction de l’espace considéré et donc selon l’échelle d’observation. A la différence de l’Europe, l’Amérique latine est en effet caractérisée par une claire opposition entre zones de forte et de basse densité et un système de peuplement moins marqué par le contraste ville/campagne que par une organisation en archipel, avec des noyaux urbains et métropolitains séparés par de vastes étendues faiblement occupées, le cas de l’Amazonie brésilienne étant éloquent. Cette dimension comparative est importante dès lors que les candidats changent d’échelle. Par exemple, le massif forestier de la Serra do Mar (entre São Paulo et son port Santos) apparaîtra comme faiblement occupé alors qu’il ne l’est pas à l’échelle du sous-continent ; inversement, l’axe de l’Amazone pourra faire figure d’espace relativement dense en comparaison du reste du bassin amazonien. Le caractère relatif de la faiblesse d’un peuplement ne dispensait toutefois pas de déterminer un seuil. La densité moyenne de l’Amérique latine étant de 27 habitants/km2, il convenait en tout état de cause de considérer que les espaces de faible peuplement ne pouvaient excéder les 10 hab./km2. Utiliser un seuil plus élevé conduisait à traiter de quasiment toute l’Amérique latine. Un seuil de 5 hab./km2 paraissait raisonnable. Descendre à moins de 1 h./km2 semblait exagéré : on était là dans les zones de peuplement très ténu. En tout état de cause, les candidats devaient justifier leur choix et rester dans des valeurs de densité admissibles. Placer le seuil à 50, 70 ou même 100 hab./km2 était tout à excessif dans le contexte de l’Amérique latine.

A l’échelle de l’Amérique latine, les principaux espaces de peuplement extrêmement faible (<1 hab./km2) sont les suivants : le cœur du bassin amazonien ; les Guyane intérieures et le Massif guyanais (qui déborde sur le Venezuela) ; les bas plateaux intérieurs brésiliens (Mato Grosso…) ; les côtes basses insalubres (Bas Orénoque et Guyana littorale, côte au vent caraïbe tropicale, très humide : Belize, Nicaragua) ; le Yucatán ; le Gran Chaco et le Pantanal (savanes marécageuses insalubres) ; la “diagonale du vide” s’étendant de la Bolivie aride à la Patagonie argentine et à la Terre de Feu froide) ; les régions semi-arides et arides du Nord mexicain (renforcé par l’effet d’abri de deux chaînes bordières) ; les sommets des Andes australes. Les autres espaces de moins de 5 hab./km2 comprennent des milieux chauds et humides (périphérie et marges du bassin amazonien, couloir de l’Amazone, côte pacifique équatoriale), mais aussi le long désert littoral de la frontière Equateur-Pérou jusqu’au nord du Chili (Antofagasta) et le Sertão brésilien semi-aride; en altitude, l’essentiel de l’Altiplano (notamment côté est), le piémont argentin des Andes et les sommets des Andes méridionales ; des milieux tropicaux secs : Plateau brésilien et caatinga (planalto des “Chapadas” et crados du “Cerradão”, les Llanos du Venezuela), ainsi que les deltas de l’Amazone (île de Marajo) et de l’Orénoque (on pouvait à cet égard évoquer les réflexions de P. Gourou sur les modes de mise en valeur des deltas du monde tropical).

Pour éviter de réduire “peuplement” à “densité”, d’autres critères de faible peuplement pouvaient être utilisés : discontinuité de l’occupation (peuplement sporadique), agriculture inexistante ou localisée (oasis, bassins isolés…), absence de semis villageois de base (directement trame de bourgs séparés par des vides, comme dans le cas des oasis de piémont du nord-ouest de l’Argentine), mise en valeur extensive (latifundios, fazendas et autres haciendas) et très restreinte, isolats miniers... Plus généralement, on attendait des candidats qu’ils analysent les arrangements spatiaux du peuplement (degré de concentration et formes

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de cette disposition spatiale) : peuplement continu ou discontinu, formes de dispersion (cf. indices classiques), axes de peuplement/colonisation au milieu d’espaces vides (rôle des rivières et des routes en Amazonie), taux d’urbanisation, organisation incomplète du réseau de lieux centraux, etc. Les formes de mise en valeur passées et présentes devaient être présentées (nomadisme, agriculture d’isolat, plantations, mines…).

Ces analyses ne devaient pas être conduites sous la forme d’un catalogue du nord au sud ou d’une description régionale standard des espaces concernés perdant de vue leur spécificité commune, c'est-à-dire la modestie de leur peuplement, la division régionale devant si possible être fondée sur des critères de peuplement. On n’attendait pas une simple typologie des espaces illustrée de quelques exemples mais bien un traitement de l’ensemble des espaces de faible densité. Il fallait être attentif en particulier aux différences de densité entre les espaces de faible occupation (les déserts quasi absolus opposés aux espaces de peuplement simplement limité) et aux gradients internes à ces espaces : la vallée opposée à la forêt et d’une façon générale les occupations linéaires au sein d’étendues vides. Une problématique d’ensemble devait être proposée, par exemple autour du modèle centre-périphérie adapté au sujet : ces espaces de faible peuplement sont-ils des espaces délaissés, dominés, exploités par les pôles d’impulsion nationaux et internationaux ? Ou alors autour de la question : “la faible densité est-elle un atout ou un handicap ?”. La copie devait également aborder les caractères démographiques du peuplement : évolution des effectifs et des soldes naturels et migratoires, enracinement ou instabilité et turbulence, composante ethnique d’autant plus importante qu’indigènes, métis et même Noirs (sur littoraux atlantiques) sont proportionnellement plus nombreux dans les régions peu peuplées (anciens fugitifs, marrons et esclaves sur côtes insalubres).

L’ensemble des facteurs explicatifs de la faiblesse du peuplement – pourquoi y a-t-il si peu d’habitants dans ces espaces ? – devait être soigneusement présenté et hiérarchisé selon les échelles et les lieux : héritage précolombien, conquête coloniale tardive ou incomplète, choc sanitaire post-colombien, relief et optimum pluviométrique, contrastes entre versants, limitation altitudinale et hygrométrique de l’agriculture, insalubrité, conflits frontaliers... Attention cependant au déterminisme dans la présentation des facteurs physiques ou “naturels”, même accompagnée de vertueuses précautions (“sans verser dans le déterminisme absolu” ou "certes il n’y a pas de déterminisme en géographie mais...”). Attention aux clichés de l’impénétrable forêt vierge... Les explications physiques avancées ont souvent été bien maladroites voire carrément fausses (aridité du désert chiléno-péruvien liée à la barrière andine contre les alizés, alors que les copies n’évoquent pas l’effet inhibant du courant froid de Humboldt sur les ascendances orographiques génératrices de précipitations). Certains candidats, sans doute influencés par la question au programme du CAPES, ont longuement évoqué les risques comme facteurs de faible peuplement, que ce soient les cyclones, les séismes ou les éruptions volcaniques, oubliant du même coup les fortes densités des îles volcaniques antillaises exposées aux cyclones. Quant à considérer le volcanisme comme un risque technologique et El Niño comme un obstacle au peuplement... Les noyaux de peuplement précolombien ne pouvaient être négligés, d’autant que les découvertes archéologiques récentes conduisent à constamment réévaluer à la hausse les effectifs précoloniaux : le jury a sanctionné les copies faisant débuter le peuplement à la conquête européenne. Mais il fallait aussi faire attention à ne pas développer un plan de type historique décrivant les différentes phases du peuplement : l’analyse devait partir de la carte actuelle.

Il était essentiel d’évoquer les grands mouvements de peuplement contemporains : fronts pionniers, colonisations agraires, réajustements montagnes/zones basses au Pérou, dans

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l’Oriente bolivien et en Equateur (Guayaquil dépasse désormais Quito). On attendait des indications substantielles sur les liens entre structures agraires et fronts pionniers, en différenciant entre programmes de peuplement étatiques et migrations spontanées vers des zones vides (faim de terre des paysans sans terre). Il convenait également de mentionner les stratégies nationales de mise en valeur du territoire et les transferts de capitale, plus ou moins réussis (Brasilia, Viedma en Patagonie argentine). Dans le cas de Brasilia, on pouvait rappeler que l’idée de déplacement de la capitale vers l’intérieur du pays remonte à l’indépendance (cf. les travaux de Laurent Vidal). On pouvait également mentionner le rôle de Brasilia (et des projets antérieurs) dans la représentation d’un Brésil moderne débarrassé des scories de l’époque coloniale, par la possibilité offerte de faire du neuf grâce à l’absence quasi complète de peuplement antérieur : le vide permet la modernité. Il ne fallait pas négliger les facilités offertes par ces espaces de faible occupation pour les activités illicites : laboratoires de cocaïne (pas seulement en Colombie), réseaux terroristes suspectés aux confins Brésil-Paraguay-Argentine, émigration clandestine vers les Etats-Unis par les déserts mexicains...

Les principales erreurs commises Le relevé des erreurs les plus manifestes observées dans les copies vise à éviter aux candidats de 2007 de commettre des fautes similaires. Passons sur les étudiants mal préparés ayant mal localisé un certain nombre de lieux, tant sur les cartes que dans le texte : désert de Sonora dans les Andes, Chaco en Colombie, El Paso banlieue de La Paz alors qu’il s’agit d’El Alto, Montevideo en montagne, Brasilia en pleine Amazonie, Asunción et Mexico sur la côte et Lima dans l’intérieur... Ces bourdes commises tant dans le texte que sur les croquis cartographiques ne seraient pas bien graves si elles n’indisposaient souvent les correcteurs. Inquiétons-nous aussi de ceux qui affirment de façon péremptoire que “le climat de la pampa ne permet pas l’installation humaine” ou que “La Paz s’étage sur des milliers de mètres”. Alain Musset est devenu l’auteur de Tristes Tropiques en lieu et place de Claude Lévi-Strauss, tandis que nous avons appris que “Mexico, capitale des Incas, avait été fondée sur une montagne à l’écart des marécages”, que “le trou de la couche d’ozone explique le faible peuplement de la Patagonie”, que “le Nordeste se trouve à la confluence entre 4 types de perturbations lesquelles ne recouvrent jamais complètement la zone" et que “Cortes avait cherché à établir au Mexique des synapses, c’est-à-dire des plates-formes logistiques”! Mais nous sommes rassurés par le fait que “les fleuves ont des écoulements plus importants en période de crue”, quoique l’Amazone en profite pour “construire des pains de sucre”... Il est vrai que “l’Amazonie est un bouclier”, tout comme “le Mexique quaternaire est un socle”. Tristes illustrations de concepts mal maîtrisés, de lectures trop superficielles, de cours mal assimilés, d’anachronismes indignes de candidats à l’agrégation d’histoire et d’une irruption de l’actualité “people” et “showbiz” (Florent Pagny, Eddy Mitchell, Sting, Bono....) dans les copies, quand ce n’est pas José Bové qui s’invite –sans raison apparente– pour détruire des plants d’OGM comme à Davos, siège du forum altermondialiste. Plus fondamentalement, le jury a sanctionné les copies trop déséquilibrées se concentrant sur un seul aspect ou une seule région (il n’y a pas que l’Amazonie !), surtout si cela les amenait à oublier ou négliger un versant majeur du sujet (Pampa, Chaco et Nord mexicain ont été souvent occultés). Attention aussi au hors sujet : l’introduction ne devait pas s’élargir à un contraste entre Tokyo et le Sahara, et les formations mexicaines en management du tourisme (à propos de Cancun) semblent bien loin du sujet, tout comme les coopératives fromagères

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chiliennes ou le cabotage en Haïti. Ile de Pâques, archipel des Malouines et Galapagos ont été rarement mentionnés, sans il est vrai que cela nuise vraiment aux copies. Avertis par certaines dissertations lues l’an passé, les membres du jury sont restés vigilants par rapport à d’éventuels propos développant des thèses néo-colonialistes satisfaites, glissant vers un européocentrisme voire un racisme latent (ici par rapport aux populations amérindiennes ou d’origine africaine), tout en admettant cette fois le terme de “race” car en Amérique latine, c’est une catégorie construite socialement (inégalité + discrimination), politiquement (inégalité des droits), voire culturellement (défense et promotion des cultures indiennes ou afro-américaines). De même pour “ethnie”, avec dans certains pays une reconnaissance officielle des catégories “Noir” ou “Indien” renvoyant non seulement à un phénotype (couleur de peau) mais aussi au contexte social, familial, géographique, résidentiel, etc. Pour désigner les (Amér)indiens, on pouvait à la rigueur employer les expressions “indigène” (non péjorative en Amérique latine), “aborigène”, “autochtone” voire “natif” (sous l’influence des Etats-Unis), mais sans oublier pour autant le métissage et les multiples catégories enregistrées dans le vocabulaire brésilien par exemple !

Parmi les erreurs, gare aussi à la “légende noire” d’un dépeuplement amérindien postcolonial par perpétuation de massacres ; en réalité, on sait que le recul démographique associé à la conquête ibérique est bien davantage dû aux maladies (choc viral touchant des populations sans défenses immunitaires contre des maladies bénignes pour les Européens), à l’exploitation abusive d’une main-d’œuvre locale pour travaux forcés dans les mines (Potosi) et aux déplacements forcés bien plus meurtriers ; l’historien Nathan Wachtel évoque (dans La vision des vaincus) le désespoir des Indiens du monde inca aboutissant à une sorte de refus collectif de survivre après la fin du monde qu’ils connaissaient (suicides + absence de procréation). Le dépeuplement indien n’a été massif qu’aux Antilles (populations Arawak et Carib) et dans le Nordeste brésilien. Rappelons qu’on estime que la population de l’Amérique “latine” était encore à 96 % amérindienne vers 1570, avec 2 % d’Européens et 2 % de métis. La date de la fin du dépeuplement indien absolu avant reprise démographique reste sujette à controverse. Elle varie selon les zones : précoce et irréversible dans les Caraïbes et le Nordeste (XVIIe siècle), beaucoup plus récente dans des régions plus périphériques – après 1860 dans le Yucatán (“guerre des Castes”) et en Pampa sèche argentine (“guerre du désert”). Ces espaces de faible peuplement sont en fait les moins “latins” de l’Amérique. Soit ils sont quasiment vides et constituent le refuge ultime de populations précolombiennes repoussées ou ayant fui l’arrivée des colons ibériques, soit ils sont des espaces d’agriculture capitaliste extensive souvent pilotés par des cadres agronomiques européens ou nord-américains. Il s’agit souvent de régions de contestations du modèle ibérique de colonisation agraire (structures sociales de la plantation, fazenda, estancia, hacienda) reposant sur l’assujettissement des Amérindiens et des esclaves africains.

Attention aussi au misérabilisme sur les campagnes “en train de se vider” : la fécondité encore élevée favorise le dynamisme démographique de nombre de campagnes ; d’autre part, les migrations peuvent être de type circulaire (retours au village, envois d’argent permettant une prospérité relative des foyers d’émigration) ; les politiques d’irrigation permettent l’existence d’enclaves de peuplement élevé en domaine subdésertique pour des cultures commerciales très rémunératrices (fin des années 1930 au Nord du Mexique, fin des années 1960 au Pérou). Autre danger majeur à éviter : ne parler des espaces de faible peuplement qu’en contraste avec les très grandes métropoles considérées comme dynamiques alors que les espaces moins peuplés seraient en retard.

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Les attentes du jury Les correcteurs attendaient une approche des évolutions contemporaines : les fronts pionniers ne restent dynamiques que dans la partie amazonienne de l’Amérique latine (au Brésil et sur les piémonts andins de la Colombie à la Bolivie) et au Mato Grosso (front du soja, débordant vers le Paraguay : les Brésiguayens) ; on note au contraire un dépeuplement des anciennes régions pionnières (front du café) des plateaux brésiliens à cause du passage à une culture extensive exportatrice faible consommatrice de bras et de l’exode de populations ayant fui la misère ou chassées par les grands propriétaires.

Les enjeux de société actuels devaient être évoqués, en particulier les questions foncières : rôle des grandes entreprises dans les défrichements amazoniens (ranchs Volkswagen, projet Jari du milliardaire Ludwig et “pillage” amazonien des années 1970-1980 selon Hervé Théry), politiques volontaristes de mise en valeur pour éviter le choix politique de la réforme agraire (programme brésilien de “donner la terre sans hommes aux hommes sans terre”) mais sans le soutien nécessaire à la pérennité des petits défrichements familiaux, lutte pour la terre des petits paysans, déni des droits des Indiens dont le mode de vie chasse-cueillette repose sur le maintien de très faibles densités.

Il fallait aussi évoquer les problèmes d’aménagement, de services aux populations et les enjeux d’équité dans l’accès aux services publics, ainsi que les difficultés de transport (passage soudain de la rivière à la route ou à l’avion), de gestion administrative et de contrôle territorial : sans remonter aux multiples guerres ayant émaillé depuis les années 1820 l’histoire des pays latino-américaines et de leurs frontières, on pouvait mentionner les revendications du Venezuela sur l’Ouest de la Guyana, la récente dispute Pérou-Equateur pour la Cordillère du Condor ou la querelle Chili-Argentine sur le canal Beagle en Terre de Feu, arbitrée par le pape Jean-Paul II.

Tout n’est pas difficultés cependant dans ces espaces de faible peuplement. Le jury a apprécié les copies n’oubliant pas les atouts de ces terres “vierges” : disponibilités foncières (réserves de terres), soupape au surpeuplement, ressources naturelles abondantes (eau, minerais, hydrocarbures, bois), ressources touristiques (écotourisme vers les réserves naturelles dont celles du Costa Rica fréquemment mentionnées, tourisme “d’aventure” vers les destinations “tendance” que sont la Patagonie et la Terre de Feu autour des mythes d’Ushuaia, du détroit de Magellan et du Cap Horn)... Il ne suffisait cependant pas d’évoquer ces points majeurs. Il fallait les ordonner de façon logique, d’abord en envisageant ces espaces par rapport à leur voisinage (interaction spatiale, importance des zones frontalières, plus ou moins grande intégration à l’Etat-nation et/ou à l’économie-monde). Pour ce faire, on a apprécié les trop rares présentations de modèles généraux d’organisation de l’espace : modèle en auréoles décroissantes de Jean-Paul Deler autour de la cité-territoire (du centre-ville à la marge peu peuplée et mal contrôlée), opposition ville/campagne, contraste ager/saltus, peuplement colonial fondamentalement de type urbain (fondations, villes nouvelles : un millier de villes créées en trois siècles), ainsi que des schémas d’interprétation systémique des faibles densités (systèmes de mise en valeur extensifs adaptés aux milieux ou à la faiblesse de l’occupation humaine maintenant en retour le faible peuplement), ou au contraire dynamiques de fronts pionniers bouleversant les équilibres antérieurs et générant de nouveaux systèmes de relations homme-espace, d’interrelations entre les lieux et de relations sociales.

Le jury a valorisé la diversité, la représentativité et l’originalité des exemples, la variété des croquis à différentes échelles. On pouvait ainsi attendre des schémas montrant les divers types de colonisation contemporaine de la forêt amazonienne (cf. travaux d’H. Théry : grandes

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parcelles carrées des entreprises d’élevage, système en arêtes de poisson à partir des routes…). Les exemples cités devaient être développés, pas seulement mentionnés. Ces espaces de faible peuplement ne pouvaient être traités sans faire référence à une géographie vécue : isolats des tribus amérindiennes d’Amazonie et isolement des éleveurs de vastes estancias patagoniennes ou mexicaines, atomisation sociale, difficultés de la vie quotidienne (milieux pénibles), nomadisme, caractère temporaire du peuplement (agriculture itinérante sur brûlis, semi-nomadisme, exploitations minières le temps d’épuiser le gisement, rotation du personnel minier en milieu hostile), violence (taux de criminalité élevé, entre autres dans les zones de recherche d’or ou d’étain, mais aussi assassinats de militants syndicaux et de prêtres, faciles à dissimuler dans des espaces isolés, à plus forte raison dans les réserves indiennes), espace perçu, dimension culturelle (langues indigènes face à l’espagnol ou au portugais dominants) et anthropologique (masculinité importante des fronts pionniers, les rares femmes étant souvent des prostituées). On a apprécié l’évocation des figures emblématiques du caboclo nordestin et du gaucho argentin, du labeur solitaire des seringueiros dans la forêt amazonienne et de la liberté des grands espaces, parfois avec l’apport bienvenu de citations de romanciers latino-américains (Neruda, Garcia Marquez) ou français (Mermoz, Saint-Exupéry).

L’illustration de la copie Ce n’est pas le point le moins important. Les correcteurs de 2007 resteront particulièrement attentifs à cet aspect : que ce soit en géographie régionale sur l’espace français ou, en géographie générale, sur la géographie de la mondialisation, schémas et représentations (carto)graphiques seront particulièrement précieux pour appuyer l’argumentaire. Si le jury n’accorde pas de points spécifiques, il a convenu cette année qu’une copie non illustrée pouvait difficilement dépasser 10 sur 20, même avec une excellente dissertation. Une bonne carte peut augmenter de plusieurs points la note d’une copie, par contre l’absence de carte pèse dans l’autre direction. L’exercice de l’illustration est délicat, à plusieurs titres. Tous les candidats n’ont pas nécessairement un bon coup de crayon, mais surtout beaucoup pêchent par l’incompréhension de ce qu’on attend d’eux.

Au sein de la copie elle-même, on a apprécié les croquis clarifiant ou développant tel ou tel point de l’exposé. Encore faut-il qu’ils soient lisibles : trop de micro-dessins de la taille d’un timbre-poste ne permettent guère d’éclairer la pensée de l’auteur. Les candidats ne devraient pas hésiter à utiliser toute la largeur de feuille pour leur illustration, et entre un quart de page et une demi-page. Ce peut être pour faire un zoom sur une situation régionale précise (ex. : “Espaces de faible peuplement et couloirs de contrebande en Haïti”, “Géopolitique des espaces de faible peuplement au Nicaragua”, “Schéma des modes de progression du front pionnier en Rondônia”, “Le fonctionnement spatial du Nordeste brésilien”, “La culture de la coca en Bolivie, facteur de peuplement d’un espace vide”) en utilisant le cas échéant les apports de la chorématique, ou bien pour fournir un éclairage plus conceptuel (ex : “Intégration dans le système-monde”, “Exclusion du système-monde”, “Développement durable”). Une utilisation intéressante de l’expression graphique est parfois celle qui permet de montrer des situations successives d’un même espace en deux ou trois croquis juxtaposés (“Mexicali : exemple de transformation d’un espace faiblement peuplé devenu pôle attractif”). Mais attention à bien rester dans le sujet : un “Schéma de l’organisation spatiale de la Guadeloupe” n’est pas vraiment au cœur de la question à traiter... Un croquis mettant surtout en valeur la macrocéphalie de Santiago du Chili non plus, le réaménagement du centre-ville de Buenos Aires encore moins. De même que la longueur de la copie ne fait pas nécessairement sa qualité, le nombre de croquis n’est pas en soi un critère d’évaluation. Une copie avec deux ou trois croquis ou schémas bien conçus vaut mieux qu’une copie avec une

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dizaine de gribouillages sans pertinence particulière.

Il peut arriver que sur certains sujets se prêtant mal à une illustration d’ensemble des petits schémas intégrés au développement puissent compenser partiellement l’absence de carte générale, mais le cas est rare. En l’occurrence, une carte de synthèse était indispensable et devait être réalisée obligatoirement à partir du fond de carte fourni avec le sujet. Cette illustration demande, plus que des qualités artistiques (appréciés malgré tout quand elles sont là), une réflexion de départ. Il ne s’agit ni de colorier chaque pays d’une couleur différente ni de placer sur la carte les noms de tous les pays et de toutes les villes connues, en en restant là. Noircir la carte avec les noms des grandes villes n’est pas traiter cartographiquement le sujet proposé. Inversement, une carte ne doit jamais demeurer muette : on attend donc des noms de lieux (villes), de régions (Chaco, Yucatán, Patagonie..) ou de pays, de fleuves.

Les éléments ponctuels (villes, mines, stations touristiques) ne doivent pas être mélangés avec les lignes (routes, fleuves) ni avec les aires (régions « naturelles », agricoles, provinces...). La carte ne doit pas être une accumulation rapidement illisible de figurés jetés pêle-mêle. Il y a une logique des couleurs (à réaliser avec un jeu de crayons de couleur, le stylo bille couleur donnant des résultats souvent hideux) : cours d’eau en bleu, forêts en vert, mines en noir ou rouge. Le jaune – peu visible sur fond blanc – sera réservé à des aires. Attention aux flèches trop épaisses et aux couleurs criardes qui détournent l’intérêt de la personne qui regarde l’illustration. Et la carte, comme les croquis intermédiaires, doit avoir une échelle, au moins approximative, et être orientée. La carte de synthèse, qu’on souhaite sans erreurs de localisation, doit venir en appui de la copie. Les bonnes cartes ont une légende construite en fonction du plan général de la dissertation. L’idéal, certes difficile à atteindre malgré les sept heures de préparation, est de construire la carte en même temps que la dissertation, plutôt que de réserver la fin du temps d’épreuve à un croquis de synthèse qui a de bonnes chances d’être bâclé. Mieux vaut de toute façon la dresser au brouillon avant de se lancer dans la rédaction. Surtout, la carte doit mettre en valeur les éléments clés du sujet. Il ne faut pas oublier que le correcteur regarde souvent la carte avant de commencer la lecture du texte : on imagine l’importance de ce premier contact avec le travail réalisé.

Dans le cas présent, la difficulté d’élaboration d’une carte synthétique venait du fait que ce sont les espaces de faible peuplement et souvent d’activité moins intense qui étaient à représenter. Comment procéder ? On pouvait représenter en grisé léger (pour ne pas les laisser dans le blanc du vide) les espaces hors sujet, les grandes villes y étant mentionnées discrètement, comme repères généraux. Rio de Janeiro, Santiago du Chili et Caracas étaient ici moins signifiantes que Brasilia, Manaus ou Iquitos. Par contre, Buenos Aires était plus importante, par son rôle d’impulsion sur l’espace agricole de la Pampa.

Les contraintes physiques devaient apparaître, par exemple avec l’utilisation d’un vert clair (permettant des figurés superposés) sur l’espace forestier amazonien, la forêt du Darien à la racine de l’isthme panaméen et le Chiapas mexicain, ou d’une délimitation approximative des Andes (hachures horizontales par exemple). Les zones de sécheresse (Sonora, Sertão, Atacama...) pouvaient apparaître dans des teintes orangées ou jaunes. Pour illustrer les avancées du peuplement, il fallait à la fois dessiner les grands axes routiers transamazoniens (par ex. les routes Brasilia-Belém et Manaus-Porto Velho) et utiliser des symboles sagittaux de même couleur (rouge ?) pour montrer la descente du peuplement bolivien vers l’Oriente, par exemple. Des symboles ponctuels permettaient d’évoquer les grands centres miniers (Carajas) ou les gisements d’hydrocarbures alors que l’espace des grandes cultures de soja du Mato Grosso et de la Pampa pouvait être représenté par un figuré surfacique avec de petites

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flèches montrant sa progression vers le Paraguay ou vers le nord de l’Argentine. Le système transnational des maquiladoras pouvait s’exprimer par des symboles traversant la frontière Mexique-USA (de préférence vers San Diego-Tijuana ou El Paso-Ciudad Juarez). Un petit travail supplémentaire localiserait en les numérotant les espaces évoqués dans les croquis intermédiaires.

Quel plan adopter ? Le jury a choisi d’accorder une assez grande liberté aux candidats, mais on pouvait s’attendre à l’organisation suivante : délimiter et décrire les caractéristiques communes à ces espaces (ce qui revient à les définir tout en les localisant) ; expliquer leur faible peuplement ; montrer leur dynamique contemporaine; finir par une division régionale.

En majorité, les candidats ont opté pour des plans en trois parties, la première étant consacrée à un tour d’horizon des espaces de faible peuplement et la seconde aux facteurs explicatifs. Les troisièmes parties ont été assez variées, entre des typologies basées sur divers critères (recompositions territoriales à des niveaux scalaires divers, territoires “gagnants” et “perdants”), des problématiques de développement, des exposés sur l’inframonde de la guérilla et de la drogue (avec un poids excessif dans ces copies), la biodiversité (peu convaincant), le « retournement » spatial ou encore le passage de l’espace au territoire. Certains candidats ont tenté des plans scalaires pour l’ensemble de la dissertation (échelle continentale mettant en exergue les conditions naturelles, échelle régionale mettant en valeur l’histoire du peuplement, échelle locale valorisant les facteurs économiques), idée intéressante mais qui conduisait généralement à des redites et accordait trop d’importance aux contraintes physiques. Quelques copies ont tenté un plan thèse-antithèse-synthèse lui aussi trop corrélé aux seuls facteurs physiques. Le plan proposé ci-dessous n’est qu’une suggestion parmi d’autres.

L’introduction de la dissertation, relativement dense et ramassée (1,5 page maximum) doit délimiter le sujet tout en en définissant les termes (cf. supra). Il était important de se concentrer sur les espaces de faible peuplement pour eux-mêmes et non par rapport aux espaces de fort peuplement dont l’évocation de la conquête coloniale et des villes-ports amènerait inévitablement à parler. La territorialisation de ces espaces, du simple cadre de vie des hommes à l’intégration dans des dynamiques nationales et internationales de réseaux, pouvait servir de fil directeur à l’exposé.

1. L’importance des zones faiblement peuplées, trait propre aux “pays neufs” a - La première étape était l’appréhension du faible peuplement latino-américain à plusieurs échelles, en identifiant clairement les grands “vides” de la carte de l’Amérique latine (cf. supra), les contrastes intérieurs aux pays (Mexique par exemple), mais aussi les vides intra-métropolitains comme la Forêt de Tijuca au cœur de Rio ou la Serra do Mar entre São Paulo et Santos, en montrant la grande diversité de ces espaces : peut-on dégager des spécificités latino-américaines d’espaces peu peuplés, aussi différents que « les étendues caillouteuses de l’Atacama, la steppe glaciale de la Terre de Feu, la profonde forêt humide amazonienne » ou encore la Pampa argentine ? b - L’analyse des éventuels facteurs physiques du faible peuplement impliquait un examen critique de la difficulté des milieux (montagnes, secteurs inondables, domaines arides et/ou froids) compatible avec la contre-épreuve historique des foyers précolombiens (fortes densités autour du lac Titicaca malgré l’altitude, anciennes zones de fort peuplement de la Varzéa, des Mojos, du littoral des Guyane, du Péten, du Nord du Yucatán). On pouvait aussi opposer les grands espaces nus (cône sud, cerrados, Sertão, Atacama) et les espaces forestiers

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(Amazonie, Mata Atlantica brésilienne, forêts de Colombie et du Venezuela) et rappeler que dans les Andes l’altitude signifie aussi étagement, la complémentarité entre les étages permettant aux paysans de disposer de ressources plus variées que dans la cuvette amazonienne chaude et humide. c - Il convenait ensuite de mettre en valeur la complexité de la genèse historique de ces espaces faiblement peuplés, associant des régions depuis toujours négligées comme l’extrême sud du continent, des régions inexplicablement abandonnés au XIIe siècle (pays maya), des ensembles vidés par le contact européen et des régions en cours de dépeuplement aujourd’hui comme certaines parties des Andes.

2. La diversité des usages et de l’appropriation des zones faiblement peuplées : des colonies intérieures a - On pouvait rappeler l’appropriation conflictuelle des zones peu peuplées mais pas vides de droits. Retard de la cartographie et de l’intégration par insuffisance des réseaux de transport n’ont pas empêché l’arrivée des colons au cœur des espaces les plus difficiles et leur implantation au détriment de populations amérindiennes qui ont parfois tenté de résister (Patagonie) avant de se soumettre ou de fuir. Les conflits entre droit coutumier et droit écrit subsistent dans des rapports de force et de violence parfois extrêmes. b - Les facteurs et acteurs de mutation de ces espaces de faible peuplement méritaient un développement important. On pouvait ainsi évoquer la pression démographique et le renouvellement des populations, tant quantitatif que qualitatif, classique dans les zones d’avancée de fronts pionniers. La question agraire (latifundia et paysans sans terre) était une approche essentielle, renforcée par les politiques étatiques de mise en valeur de l’ensemble du territoire national et de contrôle renforcé des frontières face aux pays voisins soupçonnés de vouloir modifier les frontières (“integrar para no entregar : intégrer pour ne pas perdre”). Militaires, propriétaires fonciers, paysans sans terre, grandes compagnies énergétiques ou minières, chercheurs d’or, sociétés d’exploitation forestière, Indigènes, planteurs, narcotrafiquants, firmes touristiques, militants écologistes et altermondialistes tentant de protéger des pans de nature sauvage et d’humanité non productiviste… : les divergences d’intérêt et les conflits d’usage paraissent sans commune mesure avec l’espace apparemment disponible.

c - Les activités économiques sont en effet de plus en plus importantes dans ces espaces faiblement peuplés mais pas vides. La logique coloniale d’exploitation des ressources du continent perdure aujourd’hui avec l’extraction de ressources en eau (aquifère guarani, Amazonie, grands barrages bouleversant l’environnement régional), des réserves minérales du sous-sol (pétrole et gaz du piémont amazonien des Andes ou de Patagonie, mines d’or, de diamants, de fer, de bauxite, de cuivre créant autant de pôles locaux d’intense activité au sein d’aires peu peuplées). Les mêmes logiques sont à l’œuvre dans l’exploitation forestière (bois, palmiers, caoutchouc, viande, pharmacopée) et l’agriculture extensive (farming et grands élevages des latifundia) ou intensive (canne à sucre, coton, cacao, puis café et aujourd’hui soja, sorgho, maïs). Face à ces activités de production, les espaces de faible peuplement sont aussi devenus ces dernières années des espaces récréatifs (tourisme d’aventure : andinisme, trekking, tourisme ethnographique et écotourisme, où interviennent aussi de grands groupes internationaux souvent extérieurs aux pays concernés).

3. Division régionale : les espaces de faible peuplement en fonction de leur plus ou moins grande intégration ou domination

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a - Une première catégorie est celle des périphéries abandonnées, espaces délaissés ou en angle mort, parfois sanctuarisés en réserves amérindiennes ou en sanctuaires de biosphère (massif des Guyane, Chaco, littoraux caraïbes d’Amérique centrale, Est colombien...). Les problématiques dominantes y sont celle de l’enclavement, du manque de développement économique et du contrôle trop ténu de l’espace par les Etats, rendant difficile l’application de ces mesures de sauvegarde mais favorisant trafics et activités illicites (guérillas, contrebande, drogue).

b - Périphéries passives, certains espaces intermédiaires sont simplement parcourus par des flux externes (Nord de l’Argentine le long du couloir routier et ferroviaire bi-océanique reliant Antofagasta à São Paulo, province bolivienne de Tarija, certains secteurs du Mexique septentrional entre les pôles frontaliers et la mégapole centrale de Mexico-Puebla, ports sans arrière-pays immédiat mais servant seulement à l’expédition des produits de mines de l’intérieur).

c - Les changements sont en cours dans les périphéries dominées, espaces de marge et de réserve actuellement soumis aux pressions de type front pionnier. A une échelle différente, les marges périurbaines soumises à l’étalement urbain sous des modalités diverses (condominios cerrados, infrastructures de transport, urbanizaciones “spontanées”...) ressortent de la même catégorie. d - Enfin, certains espaces de faible peuplement sont fortement intégrés à l’économie mondiale ou essentiels à l’organisation des territoires nationaux, sous forme de développement de vastes étendues (Mato Grosso, Pampa) ou d’implantations ponctuelles : on peut citer Brasilia, les mines (Carajas au Brésil, Chuquicamata au Chili, Ciudad Guyana au Venezuela), les pôles touristiques isolés mais bien reliés par avion (Cancun ou Puerto Vallarta au Mexique, Ushuaia en Argentine, San Pedro de Atacama au Chili), les villes ponctuant les frontières (villes du désert nord-mexicain avec leurs maquiladoras, triple frontière Brésil-Paraguay-Argentine). La conclusion de la copie, en reprenant les thèmes essentiels abordés, pouvait insister sur les dynamiques différenciées de territorialisation de ces espaces de faible peuplement.

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EPREUVES ORALES LECON D’HISTOIRE GENERALE

Par Pierre-Alain Rogues4 avec la contribution de Michèle Gaillard5 Rappel des conditions : 6 h. de préparation, 35 mn. d’exposé, 15 mn. d’interrogation La leçon d’histoire générale nécessite d’allier capacité de synthèse, qualités pédagogiques (équilibre et logique du plan, clarté de l’exposition, appel aux documents) et culture générale historique : à ce titre, elle est particulièrement adaptée au recrutement de futurs enseignants quel que soit leur lieu d’exercice par la suite. Elle est aussi un moyen d’évaluer les capacités des candidats à se mobiliser sur un sujet, même s’il leur était totalement inconnu auparavant. Les conseils qui suivent visent à permettre aux candidats de réussir au mieux l’épreuve. Durant l’année de préparation qui précède l’oral, il est nécessaire de se préparer et pas seulement lors de colles organisées par les universités. Il est indispensable que les candidats suivent l’actualité historique, ne serait-ce que par les revues d’histoire de bonne vulgarisation ou grand public ou la recension des nouveaux ouvrages dans les suppléments littéraires des grands quotidiens nationaux. Les grandes collections historiques méritent d’être consultées et sont parfois bien peu connues (« Nouvelle Clio » notamment). Certaines collections de poche comportent aussi des documents (textuels ou figuratifs) de bonne qualité, très utilisables avec des commentaires bien au point. Il est regrettable que les candidats les utilisent peu. La liste des sujets, donnée en annexe, est indicative de la diversité des thèmes posés (biographies, tableaux, sociaux ou à connotation artistique) mais elle peut aussi servir de base à un entraînement. L’étape bibliographique Il faut s’habituer à constituer rapidement une bibliographie en prenant pour point de départ les encyclopédies ou les manuels des grandes collections (d’où l’impérieuse nécessité de les connaître auparavant en les consultant régulièrement). Les livres placés par le jury sur les tables ne doivent pas être négligés mais ils sont rarement suffisants. Ils comprennent toutefois des bibliographies en annexes souvent riches en informations et parfois commentées. L’utilisation des Dictionnaires historiques reste rarissime alors qu’ils apportent souvent des précisions bibliographiques fondamentales. Pour gagner du temps, il faut aussi se familiariser avec l’utilisation du SUDOC (pas toujours évidente !). La bibliographie remise au jury doit être classée selon les canons classiques de présentation distinguant ouvrages généraux sur la période, ouvrages généraux sur le sujet puis ouvrages spécialisés, articles ainsi que les outils de travail (sources et dictionnaires spécialisés). L’indication de l’année de parution est indispensable et ne doit pas être confondue avec l’année d’impression. L’inclusion d’un ouvrage dans la bibliographie implique qu’il a été utilisé. Il convient de conseiller aux candidats de ne pas se noyer dans la bibliographie : ainsi, certaines leçons ont parfois directement puisé dans des ouvrages difficiles sans passer par des manuels où la question pouvait être traitée dans ses grandes lignes en quatre-vingt pages, pour l’iconoclasme byzantin par exemple.

4 Professeur de chaire supérieure en CPGE (Lycée Lakanal, Sceaux) 5 Professeur d’histoire médiévale, Université de Nancy-Metz

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La réflexion sur le sujet et la construction du plan Il faut apporter une grande attention aux termes du sujet ; les limites chronologiques doivent être respectées : ainsi une leçon sur les « Anglo-Saxons et le Continent, du milieu du VIIe à la fin du VIIIe siècle » ne doit pas comprendre une partie entière sur la christianisation de l’Angleterre (fin VIe- début VIIe s.) ; en procédant ainsi, le candidat risque de sous-estimer des aspects très importants (ici l’œuvre évangélisatrice des Anglo-Saxons en Germanie).Traiter de « Sparte à l’époque hellénistique de 323 à 31 avant J.-C. » et s’arrêter en 146 révèle une réflexion insuffisante. Le sujet de la leçon ne doit pas être déformé : une leçon sur la papauté et l’Empire germanique aux Xe-XIe siècle ne doit pas être transformée en une leçon sur l’idée d’Empire en Occident, où l’on oublie de mentionner Gerbert d’Aurillac/Sylvestre II. La préparation de la leçon suppose, par-delà de l’assimilation des ouvrages choisis, un effort de réflexion sur la problématique du sujet associé au choix d’un plan permettant de l’illustrer au mieux. Une leçon sur « l’Empire et la Guerre de Trente ans » nécessite une perception de l’espace géopolitique du Saint-Empire, du nombre d’Etats qui le composent et de leurs caractères. Reprendre servilement le plan d’un ouvrage, même récent, est dangereux car certains ouvrages n’ont pas une vocation strictement pédagogique et ne s’inscrivent pas forcément dans le cadre chronologique proposé d’où, dans certains cas, des distorsions de traitement. Trop de leçons ont le même plan quel que soit le sujet posé, ce qui montre l’absence d’une réflexion suffisante. Certaines troisièmes parties à caractère historiographique, comme la postérité des Gracques, qui pourraient faire l’objet d’une conclusion, ne servent qu’à tenir les trente-cinq minutes et sont le plus souvent artificielles. Certains plans thématiques se révèlent inappropriés ou mal conçus, occultant les césures chronologiques fondamentales. Les leçons d’histoire contemporaine sur des sujets postérieurs à 1945 supposent entre écrit et oral une relecture de manuels de première et de terminale qui permettraient de mieux cerner certains enjeux. Certains articles anciens méritent d’être encore utilisés à condition de les replacer dans les axes actuels de l’historiographie : ainsi, un article de Claude Cahen sur « la révolution abbasside » n’empêche pas d’envisager Bagdad et de réfléchir aux raisons de sa création par les Abbassides. Les ressources de la Documentation photographique sont le plus souvent négligées, voire délaissées. Faire figurer le Germinal de Zola dans sa bibliographie, l’apporter devant le jury et ne pas en lire un extrait est pour le moins regrettable. La dimension pédagogique de l’épreuve Sur le plan pédagogique, les candidats gagneraient à maîtriser mieux certains outils. Il apparaît indispensable que l’illustration de la leçon ne soit pas que formelle : trop de candidats se contentent de montrer des documents, de loin, sans véritablement prendre le temps de les commenter et d’en montrer l’intérêt particulier. De plus, il conviendrait d’être plus vigilant quant aux documents utilisés : présenter un livre de 1569 pour illustrer une leçon sur « la lecture en France aux XVIIe-XVIIIe siècles » est inadéquat. Les documents ne doivent pas être simplement présentés, ils doivent être commentés rapidement, en corrélation avec le sujet proposé. Il faut faire des choix ; il vaut mieux présenter deux ou trois documents bien choisis et bien commentés, qu’une ribambelle d’images inutiles . L’utilisation des cartes laisse assez souvent à désirer : si certaines d’entre elles sont de véritables documents historiques par leur ancienneté, elles méritent d’avoir été examinées avant l’épreuve elle-même, pendant la phase de préparation, afin d’en remarquer les

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particularités par rapport au thème à traiter, de les faire constater par le jury plutôt que de découvrir, sous la pression des questions, l’inadéquation de certaines frontières au regard du sujet proposé, le nom ou l’emplacement des fleuves ou des rivières, etc. La carte possède un revers parfois utile, car y figure le relief qui peut aider à comprendre certaines migrations, certaines situations géographiques propices ou non au développement urbain. Le repérage des lieux cités avant la leçon est indispensable, ce qui éviterait de placer Eleusis en Grèce d’Asie. La localisation, pour être précise, suppose que le candidat ne s’interpose pas entre la carte et le jury ; un simple stylo posé sur le rétroprojecteur permet une localisation précise, sans tremblement. Lorsqu’on utilise le décalque d’une carte, il faut dans certains cas prendre garde à ne pas reproduire des zones ou des tracés sans signification pour le sujet proposé. Les cartes de l’atlas Perrin disponibles par vidéoprojecteur, atlas lui-même mis à la disposition des candidats dans sa version papier en salle de préparation, peuvent être agrandies mais doivent avoir été soigneusement consultées avant projection dans la version papier. De la même manière, il est envisagé, si possible dès le concours 2007, de mettre à la disposition des candidats, à titre simplement optionnel et sans disparition, pour le moment, des supports papiers, certains documents iconographiques sous forme numérisée qui pourraient donc être présentés grâce au vidéoprojecteur. De toute façon, les illustrations doivent toujours bien correspondre au sujet : montrer la croisée de la nef et du transept de Saint-Denis pour illustrer un propos sur la reconstruction du chœur par Suger laisse planer bien des doutes sur la maîtrise du vocabulaire élémentaire en histoire de l’art. La présentation des personnages faisant l’objet d’un sujet biographique nécessite généralement une gravure, un tableau, une sculpture ou une photographie. L’usage du tableau est perfectible : il est souhaitable d’inscrire les noms en colonnes verticales dans l’ordre de la leçon. L’inscription des dates n’apparaît pas indispensable. Par contre, trop peu de leçons recourent au schéma ou à une courbe (réalisable par avance au rétroprojecteur sur transparent). Certains transparents réalisés se révèlent microscopiques (tel un plan de Bagdad au Moyen Age). Trop de leçons sont abstraites, soit par l’usage trop servile d’ouvrages théoriques, soit par goût du candidat : une leçon d’histoire contemporaine sur les explorations, les grèves ou les mines suppose des illustrations, des détails pratiques qu’apportent tant les Découvertes Gallimard de la salle de préparation que certains ouvrages. Constater que la « Frontière » aux Etats-Unis est un espace de violence est bienvenu, mais la décrire et en faire une typologie est nettement plus vivant. Les actions des hommes, leurs idées s’enracinent dans des objets, des lieux. Trop souvent, les candidats ont tendance à « déshumaniser » leurs sujets ou à ne pas en tirer tout le parti pédagogique possible : une leçon sur Abélard passe quasiment sous silence la place d’Héloïse, une leçon sur la tapisserie de Bayeux ne fait qu’évoquer des scènes essentielles (guerre, banquet, etc.) . La qualité des leçons a cependant été globalement convenable, même si elles pouvaient présenter des lacunes en terme d’illustration, de gestion du temps et de couverture thématique des axes du sujet. Le temps imparti est le plus souvent respecté, mais il convient de regretter les quelques leçons s’évertuant à tenir pendant dix minutes ou plus pour terminer juste : le délayage, la répétition d’éléments déjà énoncés créent une impression défavorable. Le manque de concret signalé plus haut explique largement des leçons trop courtes ou délayées. Certains candidats livrent une course de rapidité, voire recherchent une entrée dans le livre des records pour les décibels émis : un juste milieu entre un murmure de confidence et un ton tonitruant s’impose. L’entretien avec le jury Les candidats doivent être conscients que les questions posées sur la leçon elle-même ne sont

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pas là pour les piéger mais pour obtenir des précisions sur des termes précis reflétant la maîtrise d’un certain vocabulaire historique ou la rectification d’erreurs. Les questions permettent de faire trouver des aspects négligés dans l’exposé, de tester la culture générale. ou de valoriser davantage encore une leçon déjà satisfaisante. Il paraît judicieux de prévoir un temps en fin de préparation pour essayer d’imaginer les questions potentielles des autres interrogateurs. Les élèves d’une classe ont une curiosité parfois bien plus variée et surtout bien plus imprévisible. Vouloir répondre coûte que coûte résulte d’une interprétation abusive du rapport 2005 ; le jury souhaite surtout obtenir une réponse qui ait pris le temps de la réflexion. Il est en tout cas indispensable que la réponse ait un rapport avec la question posée et ne soit pas simplement l’occasion d’occuper le terrain à tout prix. Un effort d’écoute et de souplesse à l’égard des questions est indispensable : leur objectif est de clarifier, d’approfondir des points survolés faute de temps. Il convient d’éviter de poser des questions au jury sur le sens de ses questions ! De même, il est inutile de battre sa coulpe en s’excusant systématiquement lorsqu’on ne peut répondre. Les candidats doivent se préparer à donner, par exemple, quelques repères biographiques sur les noms cités par eux-mêmes au cours de leur exposé. Les questions posées par les autres membres du jury ne doivent pas effrayer ; l’appréciation des réponses des candidats est fonction de leur difficulté ; par exemple on comprendra volontiers qu’un étudiant ignore le nom de l’évêque Jonas d’Orléans, mais on s’étonnera qu’il ne soit pas capable de donner le nom du palais construit par Charlemagne et dont on lui indique que la chapelle est encore visible ! Enfin, on pardonnera volontiers à un candidat de ne pas savoir quelque chose, mais, sauf à imputer cela à un trouble manifeste, on supporte difficilement celui qui répond n’importe quoi (ainsi Cassino fondateur du Mont-Cassin !) ou, pire encore, énonce des contre-vérités avec aplomb. Le vocabulaire économique ou artistique laisse parfois franchement à désirer. Ainsi, la différence entre productivité et rendement. Certains tics de langage sont à déplorer, empruntés aux medias, comme l‘inévitable « au final ». L’épreuve d’histoire générale a permis à de bons candidats de réussir en remontant dans le classement. Le jury a écouté des leçons remarquables ou excellentes sur « les Espagnols en Amérique au XVIe siècle », « Vienne au XIXe siècle » ou « Polybe, témoin de son temps ». Le jury a aussi apprécié la combativité d’autres candidats sur des sujets apparemment difficiles ou surprenants tels que « la céramique attique dans le monde grec » ou « l’iconoclasme à Byzance ».

Annexe : liste des sujets par période

---------------------- Histoire ancienne La monnaie dans le monde grec classique Le sacrifice dans la religion grecque Cyrus le Grand Le sanctuaire d’Epidaure Hammourabi de Babylone Polybe, témoin de son temps Sparte à l’époque hellénistique Boire et manger en Grèce ancienne Palmyre aux IIe et IIIe siècles avant J.-C.

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Les étrangers dans le monde grec à l’époque archaïque et classique Marathon (490) Les Scythes (VIIe-IIIe siècles avant J.-C.) Xénophon Les Gracques La Macédoine antigonide Massada La céramique attique des VIe-Ve siècles avant J.-C. (production, usages, commerce) La seconde guerre punique Le mariage en Grèce ancienne Athènes aux IIe-Ier siècles avant notre ère La guerre d’Archidamos (431-421 avant J.-C.) La conquête romaine de la Gaule (125-50 avant J.-C.) L’éphébie dans le monde grec La seconde guerre médique Banques et banquiers en Grèce ancienne Amenhotep IV-Akhénaton Salomon roi d’Israël La Chine de Confucius Le premier âge d’or de la Grèce : le monde mycénien Homère, « éducateur des Grecs » L’âge des législateurs dans la Grèce archaïque Les institutions politiques spartiates à l’époque classique L’éducation à Athènes (Ve-IVe siècles avant J.-C.) La famille à Athènes (Ve-IVe siècles avant J.-C.) L’esclavage dans le monde grec (Ve-IVe siècles avant J.-C.) La renaissance de l’écriture dans le monde grec à l’époque archaïque La religion des femmes à Athènes (Ve-IVe siècles avant J.-C.) Impérialisme et démocratie à Athènes (Ve-IVe siècles avant J.-C.) Les relations entre les Perses et les Grecs, de Cambyse à Darius III Clisthène l’Athénien Philippe II de Macédoine Livres et bibliothèques dans le monde grec (VIe siècle avant J.-C..- IIe siècle apr. J.-C..) L’Égypte d’Hérodote La fondation de Rome La révolte de Spartacus Sylla Catilina Alexandrie d’Égypte à l’époque romaine Lutèce romaine Paul de Tarse (saint Paul) Le christianisme dans l’Egypte romaine Histoire médiévale Le califat omeyyade de Damas Paris sous Philippe Auguste Saint-Jacques de Compostelle L’Italie au VIe siècle La vigne en France du XIIe au XVe siècle

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Les royaumes de France et d’Angleterre, de la fin du XIIe au milieu du XIVe siècle Les foires de Champagne La papauté et l’empire germanique aux Xe et XIe siècles Constantinople au Xe siècle La naissance de l’ordre de Cluny (jusqu’au milieu du XIe siècle) La christianisation de la Hongrie (Xe-XIe siècles) La Bretagne de 1341 à 1488 L’empire anglo-normand (1066-1154) Bagdad du milieu du VIIIe siècle au milieu du Xe siècle Les réformes monastiques aux Xe et XIe siècles en Occident La cathédrale de Chartres L’Espagne wisigothique Les Cathares en Languedoc au XIIIe siècle Les débuts de l’Ordre des Frères Prêcheurs (jusqu’en 1234) La vie rurale à Byzance aux VIIIe-XIIe siècles Le commerce dans le monde carolingien Isidore de Séville Les Carolingiens et l’Italie (milieu VIIIe- fin IXe siècles) Saint Bernard et l’expansion cistercienne Les campagnes dans la France du nord à la fin du Moyen Age (XIVe-XVe siècles) Administration et personnel politique en France et en Angleterre de Philippe Auguste à Philippe le Bel Noblesse et chevalerie dans le royaume de France aux XIIe-XIIIe siècles Paris à l’époque de Charles V Le schisme de 1054 Les villes de Flandre (Xe-XIIe siècles) Pierre Abélard La reconquête musulmane face aux Croisés Otton III Dagobert Ier : histoire et mémoire au Moyen Âge Les moines irlandais et le continent (fin VIe -milieu VIIe siècle) Basile II (958-1025) Les Anglo-saxons et le continent (fin VIIe -milieu VIIIe siècle) La christianisation des peuples scandinaves (IXe-XIe siècles) Charles VII La christianisation de l’Angleterre (fin VIe -fin VIIe siècle) Les moines dans l’empire byzantin (VIIe- Xe siècles) L’aristocratie franque à l’époque mérovingienne Charles Martel (688-741) La tapisserie de Bayeux Henri II Plantagenêt Le domaine royal jusqu’au XIIIe siècle Grégoire le Grand (590-604) La révolution abbasside Le Parlement anglais (du milieu du XIIIe au milieu du XVe siècle) L’iconoclasme byzantin La naissance de l’art roman Suger et Saint-Denis Les Anglo-Saxons et le continent (milieu VIIe-fin VIIIe siècle)

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Histoire moderne La Cour sous les derniers Valois Le duc de Choiseul au pouvoir Les Européens dans l’océan Indien aux XVIe-XVIIe siècles Robert Walpole et le système politique britannique (1716-1742) Zwingli et le zwinglianisme L’armée de Louis XIV Le sucre dans l’économie de la France aux XVIIe-XVIIIe siècles Les Eglises luthériennes en Allemagne au XVIe siècle Les Iles britanniques dans les années 1560 L’Empire et la guerre de Trente ans (1618-1648) Le mariage dans la France d’Ancien Régime Les Juifs en Europe au XVIIIe siècle L’Inde des Grands Moghols Richelieu, acteur de la Contre-Réforme Les Espagnols en Amérique au XVIe siècle L’évolution de la médecine occidentale, XVIIe-XVIIIe siècles Les protestants en Europe dans les années 1680 L’homme et la mort dans la France du XVIIe siècle Une favorite : Madame de Pompadour Guillaume Briçonnet et le cercle de Meaux La Hongrie au XVIIe siècle La lecture dans la France des XVIIe-XVIIIe siècles Les échanges commerciaux français au XVIIIe siècle L’Italie espagnole au XVIIe siècle Sainte Thérèse d’Avila Marignan Louis XIV et la religion L’économie des Provinces-Unies au XVIIe siècle Henri IV La France en 1559 Les campagnes espagnoles au XVIIe siècle L’enfant en France (XVIe-XVIIIe siècles) Révoltes et conspirations nobiliaires en France (XVIe-XVIIe siècles) Vélasquez La Moscovie au XVIe siècle Londres au XVIIe siècle Gustave II Adolphe, roi de Suède (1594-1632) Vivre et travailler au village dans la France du XVIIe siècle Versailles au temps de Louis XIV La noblesse espagnole au XVIIe siècle La renaissance artistique en France au XVIe siècle Amsterdam au XVIIe siècle Lépante Lyon au XVIe siècle Les villes dans la France du XVIIe siècle La monarchie absolue en France au XVIIe siècle Charles Quint Rembrandt

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La Saint-Barthélémy La Guerre des paysans dans le Saint-Empire germanique (1525) Manger en France à l’époque moderne Histoire contemporaine Picasso Les banques en France du Second Empire à 1940 Le syndicalisme en France (1884-1914) Intellectuels et politique en France 1870-1970 La France et l’Allemagne depuis 1945 Nation et nationalités en URSS (1922-1991) Rome, des années 1850 aux années 1950 Les Etats-Unis et le Proche-Orient de Franklin Roosevelt à Bill Clinton La IIe Internationale La SFIO du Congrès de Tours au Congrès d’Epinay Marc Bloch Les explorations en Afrique 1815-1914 La Commune de Paris : histoire et mémoire Les grèves en France du Second Empire à 1940 Le Goulag Le patronat américain de la fin de la guerre de Sécession à 1941 La décolonisation de l’Afrique au XXe siècle Le nationalisme chinois 1850-1949 De Gaulle et l’Algérie (1946-1969) Mines et mineurs en France (1815-1914) L’affiche politique dans le monde depuis 1945 L’Afrique australe 1830-1914 Paris au XIXe siècle André Malraux La social-démocratie allemande de 1869 à 1933 Churchill La peinture russe et soviétique (1900-1941) La papauté dans la seconde moitié du XXe siècle Libéralisme et démocratie en Grande-Bretagne des années 1830 aux années 1920 Le Royaume-Uni et l’Europe depuis 1945 Les démocrates-chrétiens en Europe occidentale depuis 1945 Le PCF depuis 1945 La Pologne dans la première moitié du XXe siècle Les ouvriers en France 1830-1900 La mémoire française du génocide des Juifs Les rapports franco-allemands 1871-1914 La IIIe Internationale Les Etats-Unis et la Frontière des années 1850 à 1914 L’extrême-droite en France depuis 1945 L’Indochine française sous la Troisième République (1870-1940) L’art italien pendant l’entre-deux-guerres Vienne au XIXe siècle Le Royaume-Uni et l’Europe depuis 1945 La IVe Internationale

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Les catholiques français et le monde moderne 1815-1914 Femmes et féminisme en France au XXe siècle La conquête de l’Algérie (1830-1847) Le nationalisme italien des années 1830 jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale L’Espagne franquiste (1945-1975) Mao L’URSS de Gorbatchev L’antiaméricanisme en France au XXe siècle Jérusalem 1917-1967

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EXPLICATION DE DOCUMENTS HISTORIQUES

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Par Joël Cornette et Catherine Virlouvet6 Rappel des conditions : 6 h. de préparation, 25 mn. d’exposé, 20 mn. d’interrogation

Cette épreuve exige un travail soutenu et méthodique, et nous ne saurions trop recommander aux candidats de s’y exercer tout au long de l’année universitaire. Comme les autres épreuves du concours, elle nécessite une préparation intensive et rigoureuse, complémentaire et parallèle à celle de l’écrit, donc engagée dès la rentrée, et non improvisée précipitamment à l’annonce de l’admissibilité. L’expérience prouve que la plupart des échecs proviennent de l’insuffisance de la préparation technique : il vaut mieux essuyer les plâtres pendant l’année universitaire que devant le jury ! Nous conseillons donc aux candidats de multiplier les exercices d’oraux dès la rentrée universitaire. Quelques conseils, simples, pourraient aisément remédier aux défauts souvent constatés. 1. Le jour précédant l’épreuve Il est essentiel de se rendre à la bibliothèque de la Sorbonne pour examiner avec soin livres, revues et documents qui sont proposés, parmi lesquels figurent de nombreux documents cartographiques et iconographiques, notamment des recueils de transparents (nombreuses cartes) et l’ensemble de la collection de la Documentation photographique (trop négligée par les candidats). Il convient évidemment que le candidat ne découvre pas l’ensemble de ces livres et de cette documentation pour la première fois ce jour-là. Il faut se familiariser tout au long de l’année, et en particulier entre l’écrit et l’oral, avec les livres et documents les plus importants de la bibliographie de programme et avoir une idée globale des informations que l’on peut en tirer. Pour chaque période, les membres du jury ont établi la liste après mûre réflexion, et ils ont sélectionné leurs sujets (textes, documents iconographiques, plans…) en relation avec les ouvrages disponibles. Or il est fréquent que les candidats se privent des ressources et des outils les plus utiles. Les lacunes de leur formation peuvent ici se cumuler avec la méconnaissance de la disposition des lieux. Même un rapide passage à la bibliothèque suffit pour repérer les rayons où sont rangés les volumes des dictionnaires Larousse du XIXe siècle et du XXe siècle ; mais l’ignorance de la source d’informations qu’ils constituent ou le manque d’habitude de s’en servir font qu’ils restent trop peu utilisés.

2. Que faire face au sujet proposé ? Il convient de prendre bien soin de le lire avec attention sans oublier le titre qui l’accompagne. C’est souvent une clé d’explication ou d’orientation du commentaire : par exemple tel candidat, confronté à un ensemble d’inscriptions groupées autour du thème de « La titulature des cités et la politique impériale » dans l’Afrique romaine, aurait évité, en étant attentif au titre, de longs commentaires sur la titulature impériale au détriment de l’analyse des composantes de la titulature d’une cité. Il faut donc lire et relire le document et non de se précipiter aveuglément sur les ouvrages mis à disposition. De même, il ne faut nullement 6 Vice-présidents du jury et professeurs respectivement aux universités de Paris-VIII et Aix-Marseille I

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s’inquiéter si la source ou l’ouvrage d’où a été tiré le document sont indisponibles : dans la plupart des cas, le document peut être expliqué sans le support du livre d’où il est issu. Le jury a été sensible aux difficultés rencontrées par les candidats face aux documents iconographiques, mais il a déploré leur manque de préparation à cet exercice : trop souvent, l’importance de l’analyse préliminaire de l’image, de sa description précise, n’a pas été perçue, ce qui conduit à des commentaires incomplets ou trop rapides. Il s’étonne aussi de l’absence d’utilisation des catalogues d’exposition, presque toujours très riches et particulièrement utiles pour mener à bien l’explication. Plus globalement, le jury constate une grande ignorance en matière d’histoire de l’art. Il en va de même, en ce qui concerne plus spécifiquement les commentaires en histoire ancienne, pour les documents archéologiques, pourtant essentiels à notre connaissance de la question au programme. Un certain nombre de candidats a semblé n’avoir jamais vu de plan archéologique et ignorer comment en faire un commentaire historique et non une description souvent réduite à l’énumération des composantes. Si elle requiert une culture spécifique, l’explication d’un ou plusieurs documents iconographiques réclame – faut-il le rappeler ? – des précautions de méthode identiques à celles de la critique traditionnelle de tout document écrit. Ainsi, telle illustration tirée du supplément dominical du Petit Journal a pu être abordée comme l’aurait été n’importe quelle image, sans la moindre attention au type de presse auquel ce journal appartient, à son orientation et à sa diffusion. De même, les candidats confrontés à des textes littéraires peinent aussi à dominer des problèmes de méthode que la montée en puissance de l’histoire des représentations a eu tendance à augmenter et à compliquer. Il est entendu qu’un texte littéraire est autre chose et plus qu’un réservoir d’exemples ou un miroir, toujours déformant, des « faits ». Ce n’est pas une raison pour s’égarer dans une analyse de son écriture, de sa composition, de ses « champs lexicaux », analyse souvent maladroite, naïve, faiblement historicisée, où se dépense un temps qui fait ensuite défaut pour expliquer ce qui a justifié le choix du texte : sa relation avec la question au programme. La première condition pour qu’elle soit convenablement restituée est de porter attention aux éventuels décalages entre la date d’écriture, la date de publication (parfois sensiblement différente de la première) et l’époque des faits qui y sont évoqués ou décrits. On y sera d’autant plus aisément sensible si l’on a pu acquérir une culture préalable : par exemple, un texte tiré du récit par Flaubert de son voyage en Bretagne, publié tardivement, doit pouvoir être, même de façon allusive, mais précise et sûre, mis en relation avec ce que le romancier a écrit par ailleurs sur les campagnes normandes. Mais l’essentiel de l’information sur les auteurs et les œuvres peut être dans tous les cas rassemblé durant la préparation de l’épreuve, au moyen des instruments de travail disponibles à la bibliothèque de la Sorbonne. 3. Qualités pédagogiques et gestion du temps de l’épreuve. Quelques candidats ont dépassé le temps imparti, d’autres se sont arrêtés bien avant les 25 minutes accordées. Il convient de bien gérer le temps de l’épreuve. Les 25 minutes doivent être méthodiquement utilisées : le jury apprécie l’équilibre et le "classicisme" de l’exposé. La très grande majorité des candidats a opté pour un plan en trois parties, mais le jury a également entendu d’excellentes explications en deux parties, voire en quatre parties. Ces 25 minutes doivent être rationnellement utilisées, notamment dans le découpage de l’exposé : une introduction pas trop longue, sans digressions ou généralités inutiles, présentant et identifiant clairement le document proposé et la problématique qui sous-tend l’explication. Des candidats se sont d’emblée placés dans des situations difficiles en présentant une introduction trop générale, qui n’en venait au document qu’après quatre ou cinq minutes de considérations hors sujet. Les parties doivent être bien équilibrées : de

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nombreux candidats accordent beaucoup trop de temps à la première partie, ce qui réduit la durée accordée aux parties suivantes, obligeant parfois à abandonner la troisième partie. Il convient de ne pas parler trop bas, ni trop vite : le jury est sensible à la qualité orale pour une épreuve qui doit démontrer les vertus pédagogiques du candidat. 4. Le déroulement de l’explication. Il est inutile dans l’introduction de lire le plan avec les titres des parties et des sous-parties dans la mesure où ils sont indiqués au tableau. En revanche il est pédagogiquement important de se référer régulièrement au plan au cours du commentaire. Il importe de l’avoir relu avec soin avant l’affichage par les appariteurs et d’en avoir éliminé les fautes d’orthographe éventuelles. À plusieurs reprises, le jury a dû demander au candidat d’identifier et de corriger ses fautes. Le jury a été très sensible aux qualités pédagogiques. Dans la plupart des cas, l’utilisation d’une carte ou d’un plan de ville est bienvenue. Il faut utiliser des transparents (fournis) ou en élaborer soi-même plutôt que de montrer très vaguement au jury les pages d’un livre et, sur la carte réalisée, ne pas oublier l’échelle et l’indication du nord. Quand il s’agit d’une généalogie, il convient de la simplifier : que le document réalisé n’obscurcisse pas le texte, mais l’éclaire tout au contraire. Le recours à la carte n’est au demeurant pas le seul témoignage attendu d’une sensibilité à la géographie et d’une compétence dans cette discipline qui fait l’objet de deux épreuves au concours. Les sujets d’histoire ancienne et d’histoire contemporaine, qui se prêtaient particulièrement à la démonstration de la capacité à décrire avec exactitude un paysage, ont, hélas !, plutôt permis de constater des lacunes particulières à cet égard. L’on peut en dire autant des problèmes démographiques : tel sujet sur l’exode rural dans les provinces orientales de l’Allemagne de Weimar a pu être traité sans qu’il soit vraiment tenu compte des effets du déplacement des frontières à la suite du traité de Versailles ni de la situation géographique de Berlin ou des principales villes de Saxe. Trop souvent, en somme, la carte n’est là que pour planter sommairement un décor dont le candidat n’a d’ailleurs pas une idée très nette, et il arrive qu’il n’ait pas même pris la peine de situer sur la carte les lieux nommés dans le texte. Les sujets portant sur les campagnes – et pas seulement en histoire contemporaine, où ils allaient de soi – peuvent ici faire l’objet de quelques remarques spécifiques. Le jury n’attend certes pas des candidats qu’ils possèdent les compétences exigées au concours d’entrée à une école d’agriculture ou d’agronomie. Même en histoire contemporaine, les sujets proposés ne devaient pas porter, et ils ne porteront pas davantage l’an prochain, sur des problèmes ou des thèmes exclusivement agricoles. Toutefois, l’ignorance des réalités agricoles et plus largement rurales atteint parfois un degré tel que, quel que soit le document, l’explication ne peut qu’être insuffisante ou erronée. Chacun l’admettra, les candidats, sauf exception, n’ont plus aujourd’hui de l’agriculture qu’une connaissance indirecte ou livresque. Du moins celle-ci doit-elle être aussi précise que possible : il est tout de même permis d’espérer qu’ils sachent, par exemple, que la vendange n’est pas le seul travail à accomplir dans une vigne au cours de l’année. Au-delà même des réalités du travail, ce sont, trop souvent, les réalités économiques et juridiques qui sont ignorées ou mal connues. Les modes de faire-valoir, de transmission des biens, les buts de la coopération, les conditions d’accès au crédit : sans multiplier les exemples, il y a là autant de points cruciaux sur lesquels les connaissances ont généralement paru insuffisantes. Des lacunes d’une gravité comparable ont aussi été relevées en matière d’organisation administrative et politique. Dans ce domaine comme dans les autres, on est en droit d’attendre des candidats une connaissance plus précise tant de la législation française que de celle des autres pays. Même les grandes lignes de l’évolution du mode de désignation

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des maires et des conseils municipaux, pour s’en tenir à un enjeu dont nul ne contestera la relation avec la question au programme en histoire contemporaine, ne semblent pas suffisamment familières à beaucoup d’entre eux. Enfin, le jury déplore qu’au cours de leur année de préparation, la plupart des candidats n’aient à l’évidence jamais songé à mettre en relation les différentes questions au programme, car il est des problèmes fondamentaux qui se posent à toutes les époques. Il y avait beaucoup à tirer d’une réflexion sur l’organisation et la vitalité de la mezzadria toscane du XIIIe au XIXe siècle ; de même, et plus naturellement encore peut-être, pouvait-on réfléchir sur la propriété, sa définition légale, sa reconnaissance et sa défense, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux propositions de réforme ou de révolution agraire du XXe siècle. L’ampleur des programmes a du moins cet avantage, pour peu que l’on sache en tirer parti. Dans le déroulement de l’explication, il faut éviter l’abstraction sèche, la théorisation, et se garder de vouloir relier à tout prix les documents proposés à une problématique jugée essentielle pour le programme quand celle-ci n’apporte rien au commentaire : ainsi, trop d’explications en histoire romaine ont introduit la notion de « romanisation » là où elle ne s’imposait pas. Par ailleurs, les candidats doivent être capables de montrer un recul critique face aux documents. Le vocabulaire cuistre ou à la mode est, d’autre part, à proscrire. Évitez absolument « au niveau de », « basé sur », « au sein de », « suite à », « au final » et autres tics de ce genre. De même, on dit « XIIIe siècle » et non « XIIIe », « Septime Sévère » et non « Septime ». Le langage le plus simple, en évitant le futur, un vocabulaire précis et bien maîtrisé, sont toujours appréciés. Il est nécessaire aussi de s’entraîner à prononcer et à écrire correctement les noms propres : certains candidats ont malmené tant de noms célèbres au cours de leur explication que le jury en est venu à s’interroger sur leurs connaissances. Il convient aussi d’éviter une explication morne, monocorde et sans chaleur : manifester une certaine passion pour traiter un sujet n’est nullement considéré comme un défaut ! Il est aussi recommandé de parler en regardant le jury, d’éviter toute attitude désinvolte ou crispée, d’éviter aussi de parler 25 minutes les yeux rivés sur ses notes… Le jury dans son ensemble doit être convaincu par la prestation du candidat : il s’agit donc de savoir se faire écouter. Le jury a constaté de nets progrès dans la présentation de la bibliographie. Rappelons qu’il convient de présenter une bibliographie claire et organisée : en général de l’étude la plus globale (dictionnaires, ouvrages généraux) à la plus spécialisée par rapport au document proposé (thèse ou article). 5. La maîtrise face aux questions Le jury a constaté que trop de candidats s’effondrent au moment des questions, comme si l’essentiel de l’énergie était épuisé au terme de l’exposé. Cela peut se comprendre, dans la mesure où ce sont bien les qualités et les défauts de l’exposé qui déterminent avant tout la note. Mais les candidats ne doivent pas négliger le temps de l’interrogation. Celle du rapporteur spécialiste de la question, d’une durée de 15 minutes environ, a toute son importance parce qu’elle permet de préciser les aspects du document qui n’ont pas été assez commentés, ou de redresser certaines erreurs du commentaire. Le jury apprécie les candidats qui sont capables de corriger eux-mêmes leurs erreurs dans les réponses aux questions, qui montrent qu’ils sont capables de réfléchir et qu’ils ont acquis une véritable intelligence du programme. Quant aux questions des spécialistes des autres périodes (pas plus de quelques minutes), elles ne peuvent qu’être favorables aux candidats et rehausser une leçon par la démonstration d’une large culture historique. Il faut, dans la mesure du possible, anticiper sur les questions, en constituant durant les six

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heures de préparation, des fiches complémentaires sur les personnages, les événements, le contexte, les définitions, notamment institutionnelles… L’incapacité de certains candidats à définir correctement des concepts et des réalités politiques et institutionnelles pourtant simples manifeste aussi un défaut dans la préparation générale. Il ne faut pas négliger dans l’année l’acquisition des connaissances de bases sur la période et les pays au programme des différentes questions. Ainsi, en histoire contemporaine, il était difficile de traiter de la vie des campagnes des pays au programme en ignorant tout de l’évolution politique de ces derniers. On ne saurait trop conseiller également aux candidats de revoir des notions fondamentales qui devraient faire partie du « bagage » de tout citoyen. Ainsi, nombre de candidats ne pensent pas que la citoyenneté, si elle implique des droits, comporte aussi des devoirs, et ce quelle que soit la période envisagée.

Les réflexions qui précèdent sont destinées à éclairer les candidats dans leur préparation. Le jury tient à souligner le courage et la ténacité de l’ensemble des candidats. Il a entendu de remarquables exposés, intelligents et sensibles.

Liste des documents proposés

--------------------- Histoire ancienne

1. La garnison de Bu Njem : inscriptions (AE, 1976, 700 ; IRT 913, 918-919) ; ostraca (R. Marichal, Libya antique suppl. 7, 1992, n° 2-5-8-71-72-78-79) et plan de la forteresse (R. Rebuffat, L’Africa romana VII, p. 122). 2. La répression contre les donatistes : Code Théodosien, XVI, 5, 52 (nouvelle traduction). 3. Le culte de Caelestis à Carthage : textes (HA, u. Macrini, 3, 1-3, trad. A. Chastagnol ; Quodvultdeus, Livre des promesses et des prédictions de Dieu, III, 44, 3, trad. R. Braun, SC) ; inscription (AE, 1998, 1538) ; aurei de Septime Sévère (BMC, V, pl. 35, 11 et 12). 4. Tertullien et les persécuteurs (212) : Tertullien, A Scapula, II, 1-8, 10 ; III ; IV, 2-4 (éd. E. Dekkers, Corpus Christianorum, series Latina, t. II, 2, Turnhout, 1954 ; nouvelle traduction). 5. Le culte des martyrs à Theveste : texte (Actes du martyre de Crispina, J.-L. Maier, Le dossier du donatisme I, p ; 429-437) ; plans (d’après Christern et Müller in Y. Duval, Loca sanctorum) ; inscriptions (AE, 1946, 56 et 57 et BCTH 1945, p. 429 et 437). 6. Les aspects financiers du procès d’Apulée : Apulée, Apologie, 18-19, 23, 66, 85, 87-88, 93, 101-102 (éd./trad. P. Valette, 2e éd., Paris, 1960). 7. Lepcis Magna : plan général, plan du vieux forum et plan du forum sévérien (source : J.-M. Blas de Robles, Libye grecque, romaine et byzantine). 8. Restaurations en Maurétanie sous la Tétrarchie : cinq inscriptions : CIL VIII, 9041, 21665 et 20836 ; AE 1992, 1908 ; CIL VIII 8924 (lecture corrigée par J.-P. Laporte, in L’Africa romana, XII, 1996, p. 111-1121) 9. La vigne et le vin en Afrique : texte (Les miracles de saint Etienne, II, 3, trad. GRAA de Montpellier) + mosaïque des vendanges de Cherchel. 10. Le culte du génie de la cité en Afrique romaine : quatre inscriptions et un texte : Bulletin archéologique du CTHS, 1893, p. 162 n°43 ; CIL VIII, 7960 ; CIL VIII, 25512 ; CIL VIII 20251 ; saint Augustin, Sermon 62, § 9-10 (éd. Migne, Patrologie latine, t. 38 ; nouvelle traduction). 11. La titulature des cités et la politique municipale des empereurs : inscriptions (CIL, VIII, 1181, 22522, 27769, 24093, 23085, AE, 1975, 872, CIL VIII, 1406, AE, 2001, 2086 et

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CIL, VIII, 15450). 12. Castella et domaines impériaux dans les plaines de Sétif : quatre inscriptions (CIL VIII 8426 ; AE 1966, 593 ; CIL VIII, 8701 ; CIL VIII, 20487). 13. Deux lettres de Cyprien (LVI et LXXXI, trad. chanoine Bayard, modifiée) 14. Symmaque et les malheurs de l’Afrique : Lettres, X, 1, éd/trad. J.-P. Callu, Paris, 2002, p. 90-91 ; Lettres, VII, 66, éd/trad. J.-P. Callu, Paris, 1995, p. 80 ; Lettres, I, 64, éd/trad. J.-P. Callu, Paris, 1972, p. 121-122. 15. Le marché de Cuicul : plan de situation ; inscriptions (ILAlg II, 7936, 7931, 7929+7930, 7838, 7684) ; photos personnelles. 16. Constantin et l'Eglise d'Afrique (312-314) : Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, X, 5, 15-17 et X, 7, 1 ; Appendice de l'œuvre d'Optat de Milev, 3, éd. H. von Soden et H. Von Campenhausen, Urkunden zur Entstehungsgeschichte des Donatismus, 2e ed., Berlin, 1950, p. 16-18 (trad. J.-L. Maier, Le dossier du donatisme, t. 1, Berlin, 1987, p. 153-158, revue et corrigée). 17. Le voyage de Maximien en Afrique : textes (Panégyrique de Constantin et Maximien, 8, 6-7, trad. E. Galletier, CUF ; Passion de Tipasius, trad. C. Hamdoune) ; inscription (AE 1992, 1908) ; nummus de l’atelier de Carthage (RIC 25b). 18. Une cité et son centre civique : Thugga : plan du centre civique et plan de la ville, extraits de Cl. Poinssot, les ruines de Dougga, Tunis, 1958 ; reconstitution de la ville, planche extraite de J.-C. Golvin et A. Laronde, L’Afrique antique, Paris, 2001. 19. Les chefs tribaux de Kabylie : stèles figurées de Castellum Tulei et inscriptions :(AE, 1985, 901, 1992, 1909 ; 1985, 902 ; CIL, VIII, 9008, 9010 et BCTH, 1920, p. LXIV). 20. Un patron de cités africaines sous Constantin : trois inscriptions, CIL VI, 1696, 1687, 1688. 21. Deux maisons du quartier nord-est de Volubilis : plan de situation du quartier nord-est ; plan de la maison aux Travaux d’Hercule ; plan de la maison de Flavius Germanus ; entrée de la maison aux Travaux d’Hercule d’après R. Etienne, Le quartier nord-est de Volubilis, pl. IV, V, XLIV. 22. L’annone d’Afrique au Bas-Empire : CIL VIII, 19852 ; CIL VIII 969 ; Code Théodosien, XIII, 5, 36 ; Claudien, La guerre contre Gildon, v. 17-40 et 44-67 (éd. E.-M. Olechowska, Leyde, 1978 ; nouvelle traduction). 23. Les métiers du spectacle : trois inscriptions métriques (AE, 1956, 122, trad. J. Bayet ; CIL, VIII, 16566 et 696, trad. GRAA de Montpellier). 24. Les derniers mois de saint Augustin : Possidius de Calama, Vie de saint Augustin, 28-29 (édition C. Mohrmann et A. A. R. Bastiaesen, Milan, 1980 ; traduction nouvelle). 25. Un évergète de Theveste : inscriptions (ILAlg I, 3040 – 3041 – 3037) + reconstitution de la face est de l’arc par Bacchieli, (L’Africa Romana, IV, p. 310). 26. L’église d’Alexandre à Tipasa : CIL VIII, 20903 ; plan de l’église ((N. Duval, Les églises africaines à deux absides, t. 2, Rome, 1973, p. 14) ; plan de l’église et de son area (N. Duval, ibid., p. 13). 27. Un gouverneur de Césarienne dans ses fonctions : inscriptions (CIL, VIII, 20982 ; AE, 1954, 143b ; 1992, 1925 ; CIL, VIII, 9360). 28. Stèles à Saturne : M. Le Glay, Saturne africain. Monuments, t. 1, Paris, 1961, planche IX, 5 ; t. 2, Paris, 1966, planche XXV, 2 et planche XXVIII, 6 ; De Carthage à Kairouan, catalogue de l’exposition, Paris, 1982, n° 160, p. 113. 29. Le sanctuaire de la source à Thamugadi : plan (M. Le Glay, L’Africa romana VIII, p. 72) ; schéma de reconstitution et inscriptions (AE, 1948, 111 et 113 ; 1987, 1078 et 1069). 30. Elites et spectacles de l’amphithéâtre en Tripolitaine : inscription IRT 117 ; et cinq photos de la mosaïque « des gladiateurs » de Zliten, extraites de S. Aurigemma, L’Italia in Africa, vol. 1, Rome, 1960.

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31. Un martyr donatiste : La passion de Marculus, (trad. J.-L. Maier, Le dossier du donatisme I, p. 275-291). 32. Le centenarium d’Aqua Viva : inscriptions AE 1942-1943, 84, et CIL VIII, 9324 ; carte extraite du livre de D. Van Berchem, L’armée de Dioclétien et la réforme constantinienne, Paris, 1952, et plan du centenarium. 33. Les nundinae de Numidie :inscriptions (ILAlg II, 6225 ; CIL, VIII, 6357 ; ILAlg II, 3604 ; AE, 1903, 243) + carte de situation. 34. La persécution de 303-304 selon la Passion des martyrs d'Abitina (Passion des martyrs d'Abitina, 2-5 et 8 : éd. P. Franchi De Cavalieri, Studi e Testi, 65, Cité du Vatican, 1935 ; trad. J.-L. Maier, Le dossier du donatisme, t. 1, Berlin, 1987, p. 57-71, revue). 35. Deux princes maures au service des Romains : Lusius Quietus (Dion Cassius, LXVIII, 32, 4, HA u. Hadriani, V, 8 + scène 64 de la Colonne Trajane) et Nubel (Ammien Marcellin, XXIX, 5, 2 et 44) et CIL, VIII, 9255. 36. Les élites municipales de l’Afrique romaine au Haut-Empire : quatre inscriptions : ILAlg., 1, 2207 ; 2131 ; CIL VIII, 858 et 15576. 37. Le culte impérial à Volubilis : inscriptions (IAM2, 429, 430, 505, 377, 345, 352, 367, 379 ; AE, 1987, 1096 et 1097). 38. L’Afrique à la fin de la Tétrarchie (309-312) : CIL VIII, 7004 ; CIL VIII, 22183 ; Zosime, Histoire nouvelle, II, 12 et 14 (trad. F. Paschoud, t. 1, Paris, 2000) ; Aurelius Victor, Livre des Césars, XL, 17-19, 24, 28-29 (trad. P. Dufraigne, Paris, 1975) ; ILALg II, 1, 582. 39. La magie en Afrique : inscriptions (AE, 1967, 551 ; AE, 1996, 1716 ; CIL, VIII, 2553) + texte : Apulée, Apologie (trad. P. Valette, CUF). 40. Saint Augustin et le schisme donatiste (401-403) : Lettre aux catholiques au sujet de la secte des donatistes (Epistula ad Catholicos de secta donatistarum), XVIII, 46-47 (éd/trad. G. Finaert, Bibliothèque augustinienne, Œuvres de saint Augustin, t. 28, Paris, 1963, p. 635-641). 41. Les origines du schisme donatiste d’après Optat de Milev, Traité contre les Donatistes, I, 13-19, (trad. M. Labrousse, SC). 42. La carrière tumultueuse d’un Maure à la fin du IVe siècle : Mascezel : Ammien Marcellin, Histoires, XXIX, 5, 11-14 (trad. G. Sabbah, CUF, Paris, 1999) ; Orose, Contre les païens, VII, 36, 4-5 et 13 (trad. M.-P. Arnaud-Lindet, CUF, Paris, 1991) ; Paulin de Milan, Vie de saint Ambroise, 51 (éd. A.A.R. Bastiaesen, Milan, 1981). 43. Le rôle des décurions dans la cité au milieu du IIe s. : inscriptions (IAM2, 307 et IRT, 601). 44. Le culte de Cérès et des Cereres en Afrique romaine : sept inscriptions et deux photos : AE 1951, 55 ; CIL VIII, 9020 ; CIL VIII, 23022 ; CIL VIII, 26615 ; CIL VIII, 26465 ; IRT 270 ; ILALg, I, 2033 ; deux photos extraites de M. Le Glay, « Junon et les Cereres », Libyca, 4, 1956, p. 39-40. 45. La garnison de Thamusida : diplôme militaire (ZPE 142, 2003) et plan du site d’après les IAM2, p. 160 + carte des camps de Tingitane (R. Rebuffat, L’Africa romana, IV, p. 60). 46. L’empereur Julien et les Africains : AE 1988, 1110 ; CIL VIII, 25521 ; CIL VIII 18529 ; ILAlg I, 1276 ; ILAlg II, 4674 ; Lettre 54 de Julien (éd. J. Bidez, L’empereur Julien. Œuvres complètes, tome 1, 2e partie, CUF, Paris, 1924) ; Saint Augustin, Contra litteras Petiliani, II, XCII, 203 et XCVII, 224 (trad. G. Finaert, Bibliothèque augustinienne, Œuvres de saint Augustin, t. 30, Paris, 1967, p. 479-481). 47. Le patronat de cité : inscription (IAM2, 125) + texte : Fronton, Ad amicos, II, 11 (trad. P. Fleury, CUF, modifiée). 48. Mélanie et Pinien en Afrique (411) : générosités et déboires : Gérontius ( ?), Vie de sainte Mélanie, 20-21 (traduction D. Gorce, Paris, 1962, p. 169-173) ; saint Augustin, Lettre 126, 6-8 (nouvelle traduction).

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49. Conflits juridiques sur la situation des colons au début du Ve s. : deux lettres. Lettre à Salvius (trad. Cl. Lepelley, AntAfr, 25, 1989, p. 240-242) et Lettre 24* de saint Augustin, (trad. Cl. Lepelley dans l’édition J. Divjak). 50. Le martyre de Cyprien, évêque de Carthage : Pontius, Vie de saint Cyprien, XIV-XV, 6 ; XVI-XVIII, 2 ; XVIII, 4 ; XIX, 1-2. (éd. latine W. Hartel, CSEL, t. III, 3, Vienne, 1871, p. XC-CX ; traduction revue). 51. Le culte des divinités libyques : le bas-relief de Béja et Aulisua (autel + AE, 1986 , 734 et 735). 52. L’avènement de Gordien Ier (238) : Histoire Auguste, Vie des trois Gordiens, 7-9 (trad. A. Chastagnol, Paris, 1994). Histoire médiévale 1. Les communes et l’activité économique urbaine (Gênes, Plaisance) : Codice diplomatico della Repubblica di Genova, C. Imperiale di Sant’Angelo éd., doc. 232, p. 282-283 ; Corpus statutorum mercatorum Placentiae, P. Castiglione-P. Racine éd., Milan, 1967, 2. Un lignage noble dans la cité : les da Enzola à Parme : Texte traduit cité d'après O. Guyotjeannin, Salimbene de Adam : un chroniqueur franciscain, Brepols, 1995, p. 259-264 ; tableau des charges occupées à l’extérieur par les lignages de l’ancienne aristocratie consulaire parmesane, Id., “ Podestats d'Emilie centrale : Parme, Reggio et Modène (fin XIIe-milieu XIVe siècle) ”, dans I podestà dell'Italia comunale, Parte I. Reclutamento e circolazione degli ufficiali forestieri (fine XII-metà XIV sec.), sous la dir. de J.-Cl. Maire Vigueur, vol. 1, Rome, 2000 (Collection de l'EFR, 268), p. 348-403 (p. 378). 3. Les Flagellants : Annali Genovesi di Caffaro e de’suoi continu trad. E.C.P.atori, C. Imperiale di Sant’Angelo, Rome, 1926, vol. 4, trad. E.C.P., p. 39-40 ; Chronicon Marchiae Tarvisanae et Lombardiae, L. A. Botteghi éd., Rerum italicorum scriptores, VIII, Città di Castello, 1916, p. 44, trad. E.C.P. ; Cronaca Fratris Salimbene de Adam ordinis minorum, G. Scalia éd., Bari, 1966, p. 465, trad. E.C.P. ; Annales placentini gibellini a. 1260.1261, MGH, Scriptores, vol. XVIII, p. 512, trad. E.C.P. ; Il Villani illustrato, Firenze e l’Italia medievale nelle 253 immagini del ms. Chigiano L. VIII 296 della Biblioteca Vaticana, C. Frugoni éd., Florence, 2005, p. 221 ; B.C. Udine, ms.fp. 1128 (III). 4. La Chronique de Gênes de Jacques de Voragine (années 1253-1274) : Iacopo da Varagine e la sua Cronaca di Genova dalle origini al MCCXCVII, éd. par G. Monleone, II, Rome, 1941, p. 385-394. Trad. du latin par JLG. 5. Frédéric II et les villes d’Italie : Rolandini Patavini, Cronica in factis et circa facta Marchie trivixane, éd. A. Bonardi, R. I. S., VIII/1, Città di Castello, 1905, IV, 8-9, trad. E.C.P.; Il Villani illustrato, Firenze e l’Italia medievale nelle 253 immagini del ms. Chigiano L. VIII 296 della Biblioteca Vaticana, C. Frugoni éd., Florence, 2005, p. 120, p. 123, p. 130, p. 136. 6. La commune de Bergame et les communes de son contado au XIIIe siècle : Antiquae collationes Statuti veteris civitatis Pergami, éd. par G. Finazzi, dans Historiae Patriae Monumenta, XVI/2, Turin, 1876, col. 1987-1990. Trad. it. partielle dans P. Cammarosano, Le campagne nell’età comunale (metà sec. XI-metà sec. XIV), Turin, 1974, p. 145-146. Trad. fr. JLG. 7. Testament florentin, 1295 : Ser Matteo di Biliotto notaio, Imbreviature, I registro (anni 1294-196), M. Soffici-F. Sznura éd. , Florence, 2002, p. 690-692, trad. E.C.P. 8. Statut des maçons et charpentiers de Bologne (1248) : G. Tamba, “ Da socio ad ‘obbediente’. La società dei Muratori dall’età comunale al 1796 ”, dans Muratori in Bologna. Arte e società dalle origini al secolo XVIII, Bologne, 1981, p. 123 et suiv. Trad. du latin par JLG.

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9. L’année 1155 à Gênes et en Italie d’après Caffaro : Annali Genovesi di Caffaro e de’suoi continuatori, Luigi Tommaso Belgrano éd., Fonti per la storia d’Italia, Rome, 1890, t. 1, p. 41-44, trad. E.C.P. 10. L’éloge des édifices de la ville de Milan par Bonvesin della Riva : Bonvesin della Riva, De magnalibus urbis Mediolani, livre II, éd. par F. Novati, Bullettino dell’Istituto Storico Italiano, 20, 1898, p. 67-76. Trad. du latin par JLG. 11. Entre histoire italienne et histoire locale: le diaire de Giovanni di Lemmo da Camugnori (1312-1313): Giovanni di Lemmo da Camugnori, Diario, L. Passerini, in Cronache dei secoli XIII e XIV, Florence, 1876, p. 155-205, p. 177-182, trad. E.C.P. 12. L’inondation de 1333 à Florence : Giovanni Villani, Nuova Cronica, éd. par G. Porta, vol. 3, Parme, 1991, Livre XII, chap. 1, p. 3 et suiv. Trad. de l’italien (toscan) par O. Redon dans L. Moulinier, O. Redon, “ L’inondation de 1333 à Florence. Récit et hypothèses de Giovanni Villani ”, Médiévales, 39, 1999, p. 94-97. 13. Les origines de la guerre civile à Bologne d’après la chronique de Marino Sanudo Torsello : Marino Sanudo Torsello, Istoria del regno di Romania, dans Chroniques gréco-romanes inédites ou peu connues, éd. par Charles Hopf, Berlin, 1873, p. 153-157, passim. Trad. de l’italien par JLG. 14. L’ordre public à Bologne à la fin du XIIIe siècle d’après les statuts (1288): Statuts de Bologne, 1288, liber IV, rub. XXI, XXX, XXXIIII, trad. E.C.P. et Atlante storico delle città italiane, Emilia-Romagna, Bologna, III, Da una crisi all’altra ( secoli XIV-XVII), F. Bocchi éd., Bologne, 1997, p. 22. 15. Pise et la Sardaigne (1164-65) : Gli Annales Pisani di Bernardo Maragone, éd. par M. Lupo Gentile, Bologne, 1936 (Rerum Italicarum Scriptores, VI/II), p. 32-35. Trad. du latin par JLG. 16. Les mauvaises moeurs des Napolitains en matière de mariage. Robert d’Anjou, 26 octobre 1332 : Documenti per la storia dell’Italia meridionale, I, Naples, 1921, Società Napoletana di storia patria, p. 251-254, trad. E.C.P. 17. Les ordonnances du peuple de Pérouse, 1260 : Archivio di Stato di Perugia, Riformanze, n. 4, fol. 51-52v. Transcription de J. P. Grundman, The Popolo at Perugia 1139-1309, Pérouse, 1992, p. 386-390. Trad. du latin par JLG. 18. Frédéric II et les cités lombardes (Borgo San Donnino, 1226) : Historia diplomatica…, éd. J. Huillard-Bréholles, Paris, 1852, t. 2, part. 2, p. 641-647, trad. du latin. 19. Autour de l’hôpital Santa Maria della Scala de Sienne : a) Testament de Jacobo Dietisalvi (Sienne, 7 novembre 1263), Archivio di Stato di Siena, Spedale di Siena, 7 novembre 1263. Trad. O. Redon ; b) Contrat de mezzadria (9 juillet 1306), I. Imberciadori, Mezzadria classica toscana con documentazione inedita dal IX al XIV sec., Florence, 1951, p. 116-117. Trad. du latin par JLG ; c) Délibération du conseil général de la commune de Sienne (29 août 1336), Santa Maria della Scala. Archeologia e edilizia sulla piazza delo Spedale, Florence, 1991 (Biblioteca di Archeologia medievale, 7), p. 113-114. Trad. du latin par JLG. 20. La lutte contre les da Romano et leurs alliés : Rolandini Patavini, Cronica in factis et circa facta Marchie trivixane, éd. A. Bonardi, R. I. S., VIII/1, Città di Castello, 1905, p. 71-72, trad. E.C.P.; Salimbene de Adam, Cronica, trad. J. Théry in P. Gilli, Villes et sociétés urbaines en Italie ( milieu XIIe- milieu XIVe siècle), Paris, Sedes, 2005, p. 243 ; ;Il Villani illustrato, Firenze e l’Italia medievale nelle 253 immagini del ms. Chigiano L. VIII 296 della Biblioteca Vaticana, C. Frugoni éd., Florence, 2005, p. 142. 21. Frédéric II et les cités italiennes : Itinéraire de l’empereur, d’après deux cartes extraites de C. Brühl, “ L’itinerario italiano dell’imperatore : 1220-1250 ”, dans Federico II e le città italiane, dir. P. Toubert et A. Paravicini Bagliani, Palermo, Sellerio, 1994, p. 34-47. 22. Testament d’Albertino Morosini, noble vénitien : 15 novembre 1305 : Archivio di Stato di Venezia, Procuratori di San Marco, commissaria de citra, Busta 217, parchemin, trad.

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E.C.P. 23. Matteo da Correggio, podestat : Annales Placentini Gibellini, éd. H. Pertz, M.G.H., Scriptores, XVIII, Hanovre, 1863, p. 499-501 ; G. Villani, Nuova Cronica, éd. G. Porta, VII, 63 ; Rolandini Patavini cronica marchie trivixiane, éd. A. Bonardi, RIS2, VIII/1, Città di Castello, 1905, livre XI, chap. VI, p. 148. Trad. du latin JLG. Inscription de la Fontana Maggiore de Pérouse, d’après la transcription de A. Bartoli Langeli et L. Zurli, L’iscrizione in versi della Fontana Maggiore di Perugia, Rome, 1996. Traduit du latin.par V. Rouchon Mouilleron dans Villes d’Italie. Textes et documents des XIIe, XIIIe, XIVe siècles, sous la dir. de Jean-Louis Gaulin, Armand Jamme, Véronique Rouchon Mouilleron, Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 2005 (Collection d’histoire et d’archéologie médiévales, 15), p. 174-175. Photographie de la statue de M. da C. à Pérouse. 24. Les conseils dans les communes italiennes : Brunetto Latini, Livre du Trésor, cité dans M. Sbarbaro, Le delibere dei Consigli dei Comuni italiani ( sec. XII-XIV), Rome, 2005, p. 197-198 (modernisation du français) ; Statuts d’Arezzo de 1327, lib. 1, rub. VIII , Statuto del Comune di Arezzo, A. Droandi éd., Arezzo, 1992, trad. E.C.P. ; Statut de Modène de 1327, Lib I, rub. LV, Gli statuti di Modena del 1327, C. Campori éd., Parme, 1864, Monumenti di storia patria delle provincie modenesi, trad. E.C.P. 25 . Eloge de Pavie : Opicinus de Canistris (Anonymus Ticinensis), Liber de laudibus civitatis Ticinensis, dans RIS2, XI/1, Città di Castello, 1906, passim. Trad. partielle V. Rouchon, dans dans Villes d’Italie, cit., p. 196-197, complétée par JLG. 26. Contrats de mezzadria florentins : Ser Matteo di Biliotto notaio, Imbreviature, I registro (anni 1294-196), M. Soffici-F. Sznura éd., Florence, 2002, p.755-757, trad. E.C.P. et détails du Bon Gouvernement ( Lorenzetti). 27. Diplôme de Guillaume Ier pour la cathédrale de Troia (1156) : Les Chartes de Troia. Ed. et étude critique des plus anciens documents conservés à l'Archivio capitolare. 1, 1024-1266, par Jean-Marie Martin, Bari, 1976 (Codice diplomatico pugliese, 21), n. 75, p. 239-241. Trad. J.-M. Martin. 28. La destruction de Milan (1162) : Giovanni Cognadello, Libellus tristitiae et doloris, éd. O. Holder-Egger, Gesta Federici I imperatoris in Lombardia, Hanovre, 1982, p. 50-54, trad. du latin. 29. Ambassade des Pisans à Constantinople : Diplôme de Manuel Comnène aux Pisans (1170), trad. C. Giros dans Villes d’Italie, cit. p. 230-231. Récit des Annales de Pise, Gli Annales Pisani di Bernardo Maragone, éd. par M. Lupo Gentile, Bologne, 1936 (Rerum Italicarum Scriptores, VI/II), passim. Trad. du latin par JLG. 30. La rédaction des coutumes de Naples : lettre du roi Charles II (1306) : C. Vetere éd., Le consuetudini di Napoli, Il testo e la tradizione, Salerne, 1999, trad. E.C.P. 31. Les Vêpres siciliennes (1282) : Lettre de la communauté de Corleone à la cité de Palerme et récit de la révolte selon la Crònica de Bernat Desclot, trad. du latin et du catalan par H. Bresc dans Villes d’Italie, cit., p. 79-81. Récit de Marino Sanudo Torsello, Istoria del regno di Romania, cit., p.147-149, passim. Trad. de l’italien par JLG. 32. Florence après le bannissement de Giano della Bella : Dino Compagni, Chronique des événements survenant à son époque, texte présenté et traduit par P. Mula, Grenoble, 2002, p. 76-81. 33. Les pactes de Gênes : Extraits du Liber Iurium de 1229, éd. dans I Libri Iurium della repubblica di Genova, sous la dir. de D. Puncuh et A. Rovere, I/2, Rome, 1996, p. 3, 201-203, et 289. Trad. du latin par JLG. 34. Coutumes et statuts de la cité de Salerne : R. Trifone, « I Frammenti delle consuetudini di Salerno », in Archivio storico per la provincia di Salerno, 1915, p. 114-116, trad. E.C.P. 35. L’activité d’Ugolino di Giunta, notaire siennois (1251-1257) : Minutes et divers documents extratis de Extrait de O. Redon, “ Quatre notaires et leurs clientèles à Sienne et

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dans la campagne siennoise au milieu du XIIIe siècle (1221-1271) ”, MEFRM, LXXXV, 1973, p. 79-141. Trad. du latin par l’A. 36. Un sermon de Giordano de Pise (1305) : C. Delcorno éd., La predicazione nell’età communale, 1974, p. 97-104. 37. Henri VII et la Toscane (1311) : Dino Compagni, Chronique des événements survenant à son époque, III, 33-34, traduit par P. Mula, Grenoble, 2002, p. 269- 274. 38. Le commerce vénitien dans la première moitié du XIIIe siècle : traité entre le sultan d’Alep et Venise (1207-1208), in Pays d’islam et Occident latin. Textes et documents, Lyon, 2000, p. 194-195 ; testament d’un marchand à Négrepont, in A. Lombardo-R. Morozzo della Rocca, Nuovi documenti del commercio veneziano dei secoli XI-XIII, Venise, 1953, p. 104-108, tr. du latin. 39. La défection de Parme : Salimbene de Adam, Cronica, G. Scallia éd., vol. 1, Bari, 1966 , p. 271-274, trad. du latin. 40. Production et commerce du livre à Bologne : Douze enregistrements de minutes extraits des Memoriali de la commune de Bologne, année 1300. Trad. du latin par JLG d’après G. Orlandelli, Il libro a Bologna dal 1300 al 1330, Bologne, 1959, p. 41-43. 41. Statuts de Vérone (1276) : Gli Statuti Veronesi del 1276 colle correzioni e le aggiunte fino al 1323, G. Sandri éd, 2 vol., Venise, Deputazione di Storia Patria per le Venezie,1940-1959, vol; 1, 1940, p. 432, 433, 434, 435, trad. E.C.P. 42. La Porta romana de Milan: Inscriptions de 1171 trad. du latin par JLG d’après V. Forcella, Iscrizioni delle chiese e degli altri edifici di Milano, dal secolo VIII ai giorni nostri, X, Milan, 1893, n. 3 à 10 ; vue d’ensemble et détails extraits de Il millenio ambrosiano. La nuova città dal comune alla signoria, Electa, 1989. 43. Venise . Le marché du Rialto au début du XIVe siècle : Archivio di Stato di Venezia, Maggior Consiglio, Fronesis, fos102 r-v, trad. E.C.P.; plan de Venise (1330) in Chronologia magna de Frà Paolini, in Venezia, G. Bellavitis-G. Romanelli éd., Le città nella storia d’italia, venise, 1985, p. 54. 44. Les villes d’Italie et Frédéric II : l’année 1249 : Lettre de Frédéric II aux Bolonais trad. du latin par N. Bériou et JLG dans Villes d’Italie, p. 67-68 et délibération du conseil de la commune de Sienne, trad. du latin par O. Redon, ibid., p. 106-108. 45. Comment les guelfes furent chassés de Florence : G Villani, Nuova Cronica, l. VII, XXXIII, G. Porta éd., Parme, 1990-1991, 3 vol., p. 315-319 ; G. Fanelli, Firenze, Le città nella storia d’italia, Bari, 1980, p. 44 et 17 ; ;Il Villani illustrato, Firenze e l’Italia medievale nelle 253 immagini del ms. Chigiano L. VIII 296 della Biblioteca Vaticana, C. Frugoni éd., Florence, 2005, p.122. 46. Edilité publique à Pérouse (dernier quart du XIIIe siècle) : Documents et plan extraits de M. R. Silvestrelli, "L'edilizia pubblica del comune di Perugia : dal "Palatium comunis" al "Palatium novum populi", dans Società e istituzioni dell'Italia comunale : l'esempio di Perugia (secoli XII-XIV), Congresso storico internazionale, Perugia, 6-9 novembre 1985, I, Pérouse, 1988, p. 479-606, n. 23, 28, 40, 63, 67, 79, 123, 184. Trad. du latin par JLG. 47. Pierre de Vérone : J. de Voragine, La Légende dorée, trad. A. Boureau et alli, Paris, 2004, p. 336-351. 48. L’activité judiciaire des consuls (Gênes 1193-1194) : Quatre décisions judiciaires. Trad. du latin par JLG d’après Il secondo registro della curia arcivescovile di Genova, éd. L. T. Belgrano, Gênes, 1887 (Atti della soc. ligure di storia patria, XVIII), n. 149, 144, 240 et 242. 49. Le consulat à Gênes : Annali Genovesi di Caffaro e de’suoi continuatori, Luigi Tommaso Belgrano éd., Fonti per la storia d’Italia, Rome, 1890, t. 1, p. 45-47, p. 48, p. 59-60, p. 60-64, p. 73-75, trad. E. Crouzet-Pavan. 50. Les communes et les liens de dépendance (XIIIe-XVe siècles) : Extraits des Statuts de Vercelli publiés par G.B. Adriani, Historiae patriae monumenta, XVI/2, Turin, 1876, col.

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1093-1094, 1164, 1182, 1185, 1315-1320, et d’une délibération du conseil du Peuple de Bologne publiée par A. Palmieri, "Sul riscatto dei servi della gleba nel contado bolognese", Archivio Giuridico, LXXVII, 1906, p. 416-430. Textes traduits en italien par P. Cammarosano, Le campagne nell'età comunale (metà sec. XI-metà sec. XIV), Turin, 1974, p. 80-83 et 90-91. Trad. fr. par JLG et O. Redon. 51. La guerre entre Florence et Arezzo : Campaldino : Dino Compagni, Chronique des événement survenant à son époque, texte présenté et traduit par P. Mula, Grenoble, 2002, p. 54-59. 52. Grands travaux à Florence : Extraits de délibérations de la commune de Florence publiées par G. Pampaloni, Firenze al tempo di Dante. Documenti sull'urbanistica fiorentina, Rome, 1973, n. 6, 7, 8, 10, 41 et du Statuto del podestà dell'anno 1325, éd. par R. Caggese, Florence, 1921, II, p. 348-49. Trad. du latin par JLG.

Histoire moderne 1. Proclamation de Sonthonax, 29 août 1793 (préambule). Léger-Félix Sonthonax. La Domingue. Sous la direction de Marcel Dorigny, Paris, Société française d’histoire d’Outre-mer, 2005, p. 196-199. 2. Thomas Paine réplique à Edmund Burke. Thomas Paine Les droits de l’Homme (édition présentée par C. Mouchard), Belin, 1987. 3. Calme et rébellion, une comparaison entre Paris et Londres. Louis-Sébastien Mercier, Le tableau de Paris, Paris, éd. de la Découverte, 1979, p. 319-321. 4. A quoi nous sert-il de faire une révolution en Italie ? Extraits de l’article de Charles Lacretelle le jeune, paru dans Les nouvelles politiques, le 16 brumaire an V (6 novembre 1796). 5. Contre-révolution et Terreur blanche. Discours de Marie-Joseph Chénier à la Convention, 24 juin 1795. Les grands discours parlementaires de la Révolution, de Mirabeau à Robespierre. Textes préparés par Guy Chaussinand-Nogaret, Paris, Armand Colin, 2005, p. 259-261. 6. Les assemblées primaires de l’été 1793. Archives Parlementaires, t. 72, séance du 15 août première abolition de l’esclavage. La Révolution française et la Révolution de Saint-1793, p. 177. 7. L’émeute genevoise de janvier 1789. Lettre d’Antoine Mouchon au pasteur Jacob Vernes, datée du 28 janvier 1789. Cité par André Gür, “ L’émeute genevoise de janvier 1789 avait-elle un caractère révolutionnaire ? ”, dans Mémoires et documents publiés par la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, t. 55, 1992, p. 37-68. 8. Notes manuscrites de Lenoir sur la police de Paris, dans Vladimir Sergueevich Ljublinski, La guerre des farines, Presses Universitaires de Grenoble, 1979, p. 355 et al. 9. Disette et pain cher. Jean-Paul Marat, Journal de la République française, n° 56, 25 novembre 1792. 10. Brissot, Miranda et l’indépendance des colonies d’Amérique (1792). Lettre citée par Aristide Rojas, Miranda dans la Révolution Française, recueil de documents authentiques relatifs à l’histoire du général Francisco de Miranda, pendant son séjour en France, de 1792 à 1798. Caracas, Imprimerie et lithographie du gouvernement national, édition française, 1889, pp. 1-4 11. La révolte de Bohême de 1775. Lettres du baron de Breteuil au comte de Vergennes. Archives des Affaires étrangères, Correspondance politique, Autriche, vol. 327. 12. La subversion républicaine vue par le gouvernement anglais en 1799. Rubrique « Angleterre » du Moniteur Universel, n° du 23 – 24 germinal an VII (12 – 13 avril 1799).

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13. L’atmosphère politique à la fin de la Constituante. Lettre d’Aigoin à la Convention (17 juin 1792), Albert Mathiez, “ Aigoin et Robespierre ”, Annales historiques de la Révolution française, 1920, p. 36-39. 14. Représentations de l’inconstance en révolution : La Fayette, Barnave en janus bi-frons. Trois gravures anonymes : 1. Barnave, l’homme de la Cour, l’homme du Peuple. 2. Caricature contre Bailly et La Fayette. 3. Caricature sur Marie-Antoinette et La Fayette. Source : Michel Vovelle, La révolution Française, Images et récit, tome2. 15. L’Angleterre et la guerre en 1793. Extrait du procès-verbal de la séance des jacobins du 4 février 1793. 4e pièce du recueil, Pièces remises au comité de correspondance par le citoyen Ducange, patriote batave à la Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité 16. Question nationale et question sociale dans la Pologne de la fin du XVIIIe siècle. Extraits du n° 66 du journal Le Conservateur, journal politique, littéraire, philosophique, par les citoyens Daunou, Garat, Chénier ; 15 brumaire an VI (5 novembre 1797) – non signé. 17. Après la mort de Lazare Hoche : cérémonie funèbre et caricature. 1. En France, procès verbal de la cérémonie funèbre qui a eu lieu le 30 vendémiaire an VI dans la commune de Valence, en mémoire de Charles-Lazare Hoche. 2.En Angleterre, caricature de James Gillray : l’apothéose de Lazare Hoche. 18. L’Histoire philosophique des deux Indes et la prédiction de l’indépendance des colonies d’esclaves. Guillaume-Thomas Raynal, Histoire philosophique et politique des Deux Indes, Livre XI, chapitre XXIV, édition de 1781 ; nouvelle édition et choix de textes par Yves Bénot, Paris, Éditions François Maspéro, 1981, pp. 184 – 203. 19. Girodet, un peintre au temps de la Révolution. Six documents : Horace tuant Camille (1788), Le sommeil d’Endymion (1791), Autoportrait au bonnet phrygien, Portrait de Mademoiselle Lange en Danaë (1799), Portrait du Conventionnel Belley (1797), L’apothéose des Héros français morts pour la patrie (1801). 20. Les insurrections en Italie en 1799. Trois gravures : 1. « Les républiques sœurs succombent à la lumière divine », Rovereto, 1799. 2. « Le démocrate étourdi et désespéré », Milan, 1799. 3. « Le miracle de Saint-Antoine. Victoire des san-fedistes sur les jacobins », Naples, anonyme, sans date. Source : Christian-Marc Bosseno, Christophe Doyen, et Michel Vovelle, Immagini della libertà. L’Italia in rivoluzione ; 1789 – 1799, Bologne, Riuniti, 1989. 21. Entre colons sur la question des gens de couleur libres. Juin-juillet 1791. Lettres reçues et recopiées par Moreau de Saint-Méry, député de la Martinique à la Constituante, publié par G. Debien, Annales historiques de la Révolution française, 1967, p. 369-394. 22. Lettre de Thomas Jefferson à William Short (janvier 1793). Vue d’Amérique. La Révolution française jugée par les américains, textes présentés et traduits par Simon P. Newman et Jean-Pierre Dormois, France-Empire, Paris, 1989, pp. 133- 135. 23.Voyage en France d’une émigrée (1797). Lettre du 5 octobre 1797, écrite par Madame de Louvois, reproduite par le marquis Marc de Bombelles dans es Mémoires, Paris-Genève, Droz, 2002, p. 215-219. 24. Chateaubriand et les jacobins. François-René de Chateaubriand, Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, Londres, 1797 ; nouvelle édition présentée par M. Regard, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1978, Ière partie, chap. XIII-XV, pp. 79 – 84. 25. Goethe, Hermann et Dorothée, chant VI, Clio, sous le titre “ Le siècle ”. Goethe, Hermann et Dorothée, tradution Hippolyte Loiseau, Paris, Aubier, 1991, p. 125-129. 1ére édition, 1798 ; traduction en français, 1800 26. La rébellion de la Guadeloupe (1802). Proclamation de Louis Delgrès. Dans Félix Longin, Voyage à la Guadeloupe, 1848, pp. 191 – 194). 27. Stanislas-Auguste et la Pologne en 1793. Mémoires et Michel Oginski sur la Pologne et les Polonais depuis 1788 juqu’à la fin de 1815, Paris, Ponthieu, Genève, Barbezat, 1826, t. 1,

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p. 325-333. 28. Villes manufacturières anglaises et contestation sociale. Lettre de J.Wedgwood à Th. Bentley (3 octobre 1779) citée par Paul Mantoux La Révolution industrielle en Angleterre au XVIIIe siècle, Paris éd. 1952, p.422-423 ; Adresse à Mr Poll, épicier à Norwich (octobre 1766) Source : London Gazette, n°10671 ; Adresse à Charles Taylor, maître en impression de calicot de Manchester (30 janvier 1786) Source : London Gazette (janvier 1786). 29. La révolte batave de 1787. Aux Bataves sur le Stathoudérat, par le comte de Mirabeau, 1788, sl, p. 109-117. 30. Les représentations de la révolte de Saint-Domingue d’août 1791. Trois gravures : 1. Révolte d’esclaves à Saint-Domingue, le 23 août 1791. Musée Carnavalet (Contemporaine des événements). 2. Massacre des blancs ; gravure sur bois anonyme aquarellée a-posteriori, début du XIXe siècle. Source : Elie Lescot, Haïti, images d’une colonisation, 1492 – 1804, Editions Orphie, Port-au-Prince, 2004. Non disponible. 3. Révolte des noirs à Saint-Domingue, en 1791, gravure allemande fin du XVIIIe siècle. Source : Jean Metellus et Marcel Dorigny, De l’esclavage aux abolitions, XVIIIe – XXe siècles, Cercle d’Art, 1998, p. 117. 31. Camille Desmoulins, témoin du 14 juillet 1789. G. Lanson, Choix de lettres du XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1897. 32. Le duc de Clermont-Tonnerre fait un récit de la journée des Tuiles (juin 1788). Cité par Eugène CHAPER, Documents dauphinois, tome VI ; « la journée des Tuiles à Grenoble, 7 juin 1788, Grenoble, Allier, 1888, pp. 65-68. 33. Martys de la Révolution. Lepeletier de Saint-Fargeau, Marat. Six documents : L’assassinat de Lepelletier de Saint-Fargeau, Profil de Lepeletier, Dessin pour graver le tableau de David La mort de Lepeletier, Marat mort d’après David, L’apothéose de Marat (vers 1794), La mort de Marat (Morel d’après David). 34. La révolte des communeros de Santa Fe de Bogota (Nouvelle-Grenade), 1781. ( P.E. Cardenas Acosta, El movimiento comunal de 1781 en el Nuevo reino de Granada (Reivindicaciones históricas), con copiosa documentación inédita, Bogota, Editorial Kelly, 1960, pp. 175 – 180. (traduit de l’espagnol) 35. Claude-Nicolas Ledoux, architecte. Six documents : La saline d’Arc-et-Senans (vue aérienne), Le théâtre de Besançon, Le bureau de la Chopinette et la rotonde de La Villette, L’arche et l’hôtel de Thélusson, Signalement de Ledoux décrété d’arrestation sous la Terreur, dans Ledoux et Paris, Cahiers de la Rotonde, n° 3, Paris, Ville de Paris, Commission du Vieux Paris, 1979, p. 153. 36. Mary Woolstonecraft répond à Edmund Burke. Extrait de « Lettre à l’honorable Edmund Burke », 1790, dans Une anglaise défend la Révolution française, traduction par Marie-Odile Bernez, Paris, CTHS, 2003, pp. 46- 48. 37. Le royalisme : le réseau d’Antraigues. Mémoire de d’Antraigues, daté de Londres le 1er mars 1809. Archives des Affaires étrangères, France, Bourbons, n° 641. Publié par A. Mathiez dans les Annales historiques de la Révolution française, t. 14, 1922, p. 509-511. 38. Brissot ; Défense de la révolution américaine. Étienne Clavière et Jacques-Pierre Brissot, De la France et des Etats-Unis, ou de l’importance de la Révolution de l’Amérique pour le bonheur de la France, 1787, réédition CTHS, 1996, avec une préface de Marcel Dorigny, pp. 320 – 326. 39. Adresse de Cesare Paribelli pour l’unité italienne. Gênes, juillet 1799. E. Roya, Il problema italiano del 1700 al 1815, cité par Jacques Godechot, La pensée révolutionnaire, 1780-1799. 40. Représentations de l’expansion française en Europe , 1795 – 1799. Trois gravures et une vignette : 1. Fête de la Liberté à Amsterdam ; gravure hollandaise de 1795 2. Gravures coloriées allemandes de 1796 : « Un français voulant avaler le monde » ; « Le français ayant renoncé à avaler le monde » ; 3. Vignette de la république napolitaine « Guerra al delito,

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Morte a’tiranni », 1799. Source : Michel Vovelle, La révolution Française, Images et récit, tome 5, pp. 40, 51, 308, 309. 41. Deux récits de l’émeute dijonnaise de 1775 et de ses suites. Notes du curé de Spoy, Louis Peincedé, dans le registre de catholicité, publiées par H. Derost, « Un récit de l’émeute dijonnaise de 1775 », Annales de Bourgogne, t. XXXII, 1960, p. 191-192 ; « Mémoire historique sur le tumulte arrivé à Dijon le 17 avril 1775 », texte anonyme publié dans Une émeute à Dijon en 1775, suivie d’une ode à Mgr d’Apchon. 42. Un révolutionnaire allemand décrit la révolution de Mayence en novembre 1792. Georg Forster, Description de la révolution de Mayence, traduit de l’allemand par Marita Gilli, « un révolutionnaire allemand, Georg Forster (1754-1794), Paris, Editions du CTHS, 2005, pp. 180 – 185. 43. Dépêche n° 74 de l’ambassadeur Almoro Pisano (Paris, le 12 décembre 1791). Alessandro Fontana, Francesco Furlan, Georges Saro ed. Venise et la Révolution française. Les 470. Paris, R. Laffont, 1997, p. 657-659. 44. Barnave et la théorie des constitutions . Antoine Barnave, De la Révolution et de la Constitution, texte rédigé fin 1792- début 1793, édition établie par François Furet et Patrice Guéniffey, Presses Universitaires de Grenoble, 1988, pp. 121 – 123. 45. Francisco Jose de Goya (1746-1828), témoin du temps des révoltes et révolutions (1773-1802). Cinq documents : Carton pour une tapisserie de la fabrique de Santa Barbara, Portrait de José Moñino, comte de Floridablanca (1783), Portrait de Gaspar Melchor de Jovellanos (1798), Ensemble de quatre gravures des Caprices (1799) La famille de Charles IV (1800). 46. L’Italie du « Triennio » jacobin, 1796 – 1799. Quatre gravures : 1. « Fête en l’honneur de Virgile, Mantoue, 24 vendémiaire an VI (15 octobre 1797). 2 et 3. Deux représentations d’un cercle constitutionnel. 4. Erection d’un arbre de la Liberté à Bergame, 1796. Source : Christian-Marc Bosseno, Christophe Doyen, et Michel Vovelle, Immagini della libertà. L’Italia in rivoluzione ; 1789 – 1799, Bologne, Riuniti, 1989. 47. Les premiers jours d’octobre 1789 vus par Gouverneur Morris. Extrait du Journal de Gouverneur Morris, ministre plénipotentiaire des Etats-Unis en France. Edition établie par Anne Cary Morris, Paris, Mercure de France, 2002, p. 111-116. 48. L’affaire Ogé : « Jugement de Vincent Ogé » dans Jacques Thibau, Le temps de Saint-Domingue, Jean-Claude Lattès, 1989, pp. 245-246. Et une gravure : « Le jeune Ogé déploie l’étendard de la liberté », de Ferdinand Grenier, 1822, dans Elie Lescot, Haïti, images d’une colonisation, 1492 – 1804, Editions Orphie, Port-au-Prince, 2004. 49.Thomas Paine, Les Droits de l’homme. Préface pour l’édition française. Edition présentée par Claude Marchand, Paris, Belin, 1987, p. 69-71. 50. Positions de l’abbé Grégoire sur le fanatisme et la superstition. 1795. Discours de Henri Grégoire devant la Convention nationale, Archives Parlementaires, cité dans L’abbé Grégoire, évêque des Lumières, textes réunis et présentés par Frank Paul Bowman, Editions France-Empire, 1988, pp. 118 – 119. 51. Contre Marie-Antoinette. Cinq documents : L’aspic de France ; gravure satyrique contre Marie-Antoinette la poule d’Autriche, Jacques-Louis David : Marie-Antoinette conduite à l’échafaud ; un pamphlet contre Marie Antoinette : Dialogue aux Enfers entre Frédégonde, Catherine de Médicis et Marie- Antoinette (F. Cadilhon, La France d’Ancien Régime, textes et documents, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2002) ; La Carmagnole des Royalistes. 52. Frédéric-César La Harpe à l’Assemblée provisoire du Léman (1798). Correspondance de Frédéric-César de La Harpe sous la République Helvétique, publiée par Jean-Claude Biaudet et Marie-Claude Jéquier, Neuchatel, 1985, tome II, pp. 55 – 56.

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Histoire contemporaine 1. La vie politique dans les campagnes galiciennes en 1868. Emilia Pardo Bazan, le château d’Ulloa, trad. française, Viviane Hamy, 1990. 2. Jour de marché à Rosporden. Extrait de Gustave Flaubert, Par les champs et par les grèves. Voyage en Bretagne [écrit en 1847], Œuvres complètes, t. 2, Paris, Le Seuil, coll. « L’Intégrale », 1964, p. 510-511. 3. Les Paysans. La vision d’Honoré de Balzac. Extraits de la dédicace du roman Les Paysans et du ch. V [1844]. 4. Élection à Wutz-Rheinsberg. Extrait de Theodor Fontane, Le Stechlin [Der Stechlin, 1898], traduction de Jacques Legrand, éd. établie par Walter Keitel et Helmuth Nürnberger, chapitres XVII et XX, Paris, Le Livre de Poche, 1998, p. 174-182, 204-205 et 216-217. 5. « La crise agraire italienne. L’enquête ». Article signé François Bernard, p. 183-203 et

344-364, Journal des économistes, novembre et décembre 1885, tome 32. 6. Une réunion syndicale de métayers en Bourbonnais. Extrait d’Émile Guillaumin, Le syndicat de Baugignoux [1912], Paris, La Fenêtre ouverte, 1959, p. 190-198. 7. Le maître d’école allemand. Theodor Fontane, Le Stechlin, 1898, trad. française, Le livre de poche, 1998. 8. La parcelle 32. Extrait d’Ernest Pérochon, La parcelle 32, Paris, Librairie Plon, 1922, p. 60-68. 9. L’inauguration du monument à Léon Lhermitte à Mont Saint Père, Aisne, en 1928 (photos du monument in Léon Lhermitte et la Paye des moissonneurs, dossier du Musée d’Orsay, 1991 ; et discours du préfet dans L’Avenir de l’Aisne, 1er août 1928). 10. L’Estrémadure au début des années 1830. Extrait de Mariano José de Larra, « Impresiones de un viaje. Última ojeada sobre Extremadura. Despedida a la patria », 1835, Fígaro. Colección de artículos dramáticos, literarios, políticos y de costumbres, publicados en El Pobrecito hablador, La Revista española y El Observador, ed. de Alejandro Pérez Vidal, Barcelona, Crítica, « Clásicos y modernos », 2000, Obras completas, I, p. 766-768. [Traduction J.-F. Chanet] 11. Les désamortissements en Espagne : la réforme de Mendizabal (Mendizabal de Perez Galdos), carte des biens communaux extraite de Historia de España, de Menendez Pidal, la loi Madoz, (extrait de J. Costa, Colectivismo agrario en Espana, traduction J.-F. Chanet). 12. Des conditions générales de l’agriculture toscane. Discours lu à l’Académie Labronica de Libourne, dans la séance du…, par l’avocat Giuliano Ricci, membre effectif. Extrait du Giornale agrario toscano compilato da una deputazione dell’I. E. R. [Illustrissime Excellentissime Royale] Accademia economico-agraria dei Georgofili, vol. XII, Firenze, Al Gabinetto scientifico-letterario di G. P. Vieusseux, 1838, p. 365-371. [Traduction J.-F. Chanet] 13. Un grand domaine du Léon. Extrait de René Bazin, Terre d’Espagne, 1895. 14. La commune rurale vue par Hippolyte Taine. Extrait de Hippolyte TAINE, Les origines de la France contemporaine, X, Le régime moderne [1891], t. 2, Paris, Hachette et Cie, 1912, p. 276-281. 15. La seconde République et les travailleurs agricoles (Lettre adressée le 30 mai 1848 aux « citoyens représentants » par G. Dailly père, maître de poste et cultivateur-propriétaire, archives privées). 16. Le projet de loi sur l’abrogation des charges féodales [Neue Rheinische Zeitung, 30 juillet 1848.] Extrait de Karl Marx, Œuvres, IV, Politique, I, éd. établie, présentée et annotée par Maximilien Rubel, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1994, p. 27-33. 17. Une vision du paysan allemand en 1850. W.H . Riehl, Die bürgerliche Gesellschaft, 2e

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édition, Stuttgart, 1861, traduction N. Vivier. 18. Camille de Cavour agriculteur, ou la formation d’un homme d’État. Extrait de W. de La Rive, Le comte de Cavour. Récits et souvenirs, Paris, J. Hetzel éd., 1862, p. 77-97. 19. Les notables de Sicile et leur gestion des terres. Giovanni Verga, Mastro-Don Gesualdo (édition Gallimard, 1991, traduction Darmon). 20. Un voyage au cœur de l’Espagne. Extrait de Benito Pérez Galdos, Doña Perfecta, 1876. [Traduction J.-F. Chanet, qui tient compte des deux traductions publiées : celle de Julien Lugol, préface d’Albert Savine, Paris, Nouvelle librairie parisienne, E. Giraud et Cie, 1885, p. 7-18, et celle de Robert Marrast, introduction de María Pérez Galdos, préface de Max Aub, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1963, p. 21-30] 21. Les nourrices du Nivernais. Rapport du Dr Monot, mai 1861 (repris dans Dr Monot, De l’industrie des nourrices et de la mortalité des petits enfants, Paris, 1867). 22. Chapitre XIX de François le Champi. Extrait de George Sand, François le Champi [1847-1848], préface et commentaires de Maurice Toesca, notes de Marie-France Azéma, Paris, Librairie Générale Française, coll. « Le Livre de Poche classique », 1999, p. 150-155. 23. Les progrès de l’agriculture saxonne. Journal d’agriculture pratique, VIIIe volume de la IVe série, 1857. 24. La propagande électorale bonapartiste auprès des paysans. Dossier de documents réunissant quatre lithographies d’Honoré Daumier, parues dans Le Charivari (19 juin 1851, 20 juin 1851, extraites du catalogue d’exposition Daumier, 1808-1879, Paris, Réunion des musées nationaux, 1999, p. 276-277 ; 25 juin 1869, 27 septembre 1869, extraites de DAUMIER, Mœurs politiques, préface de Philippe Erlanger, catalogue et notices de Jacqueline Armingeat, s. l Éditions André Sauret, 1992, planches 20 et 27) et une circulaire du sous-préfet de Vienne (Isère) aux maires de l’arrondissement, du 8 mai 1869, relative à l’organisation des élections législatives (Archives départementales de l’Isère, 8 M 15). 25. Représentations des campagnes françaises au début du 20e s. : Tradition et modernité. (3 affiches : publicité des brabants Dollé, des cycles Gladiator, de la moissonneuse Deering ; collection privée). 26. Ligues et grèves de paysans en Italie et dans le Midi de la France au tournant du siècle. Extrait de Comte de Rocquigny, Le prolétariat rural en Italie. Ligues et grèves de paysans, avant-propos, Paris, Arthur Rousseau, 1904, p. V-XIII. 27. Les forêts communales (délibérations du conseil municipal de Molines, Hautes-Alpes, 8 mai 1848, Archives communales de Molines-en-Queyras). 28. Une séance du conseil municipal d’un bourg lorrain sous la monarchie de Juillet. Extrait d’Erckmann-Chatrian, Maître Daniel Rock [1861], Contes et romans populaires et nationaux, t. 7, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1962, p. 222-230. 29. Description d’une ferme (extrait de George Sand, Le Meunier d’Angibault, ch. VII, 1845). 30. Une enquête sur l’exode rural en Allemagne après la guerre de 1914-1918. Extrait de Bureau international du Travail et Institut international d’Agriculture, Étude sur les mouvements des populations rurales : I, L’exode rural en Allemagne. Résultats d’un voyage d’étude fait par le Dr H. Böker et F. W. von Bülow au mois de mai 1931 dans les provinces de Poméranie et de Saxe et dans l’État libre de Saxe, Genève, B. I. T., Études et Documents, Série K (Agriculture), n°12, 1933, p. 40-47. 31. Compère-Morel, « Quand les paysans sauront ». La voix paysanne, 4 septembre 1920. 32. L’insurrection varoise de décembre 1851. Extrait d’Émile Zola, La fortune des Rougon [1870-1871], Les Rougon-Macquart. Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire, t. I, éd. sous la dir. d’Armand Lanoux, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1960, p. 28-35. 33. Les campagnes italiennes en 1866, rapport du chancelier de la légation française à

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Florence pour l’enquête agricole (Enquête agricole, renseignements recueillis à l’étranger, tome 2, Imprimerie Nationale, 1868). 34. La crise agricole en Espagne. Villageois andalous désertant les campagnes. Dossier réunissant la reproduction au format original de l’illustration publiée dans le Supplément illustré du Petit Journal, 16e année, n°771, dimanche 27 août 1905, et l’article qui la commente, « Explication de nos gravures », ibid., p. 274. 35. Le centenaire de la Société d’agriculture de l’Indre, 1901. (L’affiche du centenaire, archives privées ; et extraits des discours publiés dans le Journal de l’agriculture, tome 1er, juin 1901). 36. Un village de Lucanie au temps du fascisme. Extrait de Carlo Levi, Le Christ s’est arrêté à Eboli [Cristo si è fermato a Eboli, 1945], traduit de l’italien par Jeanne Modigliani, Paris, Gallimard, 1948, rééd. coll. « Folio », 1981, p. 29-37. [Texte précédé d’une note libellée ainsi : « Bien que postérieur à 1930, ce témoignage comporte des observations et des analyses qui valent pour la période au programme. C’est dans cet esprit qu’a été choisi l’extrait proposé. Il va de soi que la connaissance de l’histoire de l’Italie après 1930 n’entrera pas en ligne de compte dans l’évaluation de l’épreuve. »] 37. Les campagnes allemandes vers 1920-1930. Dossier photos de main-d’œuvre partant à vélo, cinéma (in W. Trossbach et C. Zimmermann, Die Geschichte des Dorfes, Stuttgart, 2006), et affiche publicitaire Ködel & Böhm, Bavière 1930 (coll. privée). 38. Rapport d’inspection générale sur le département de la Haute-Loire (1881). Extrait de Rapports d’inspection générale sur la situation de l’enseignement primaire, année scolaire 1880-1881, Paris, Imprimerie nationale, février 1882, p. 1-7. 39. Le paysan italien vu par un voyageur français en 1894 (René Bazin, Les Italiens d’aujourd’hui, Paris, Calmann-Lévy, 1894). 40. Deuxième lettre d’un paysan aux cultivateurs (1849). Extrait d’un article de Pierre Joigneaux, représentant du peuple, publié dans le journal La Réforme. 41. La vie religieuse dans les campagnes. Dossier iconographique. Tableaux de Jules Breton (Bénédiction des blés en Artois 1857, Pardon à Kergoat, 1891) et de Jean-François Millet, L’Angélus 1857-59) 42. Une école dans la huerta de Valence à la fin du XIXe siècle. Extrait de Vicente Blasco Ibañez, Terres maudites [La Barraca, Madrid, 1899], traduit de l’espagnol par Guy Hérelle, Paris, Nelson/Calmann-Lévy, « Collection Nelson », 1938, p. 138-155. 43. La République et les campagnes, selon Emile Lecouteux, (Journal d’Agriculture pratique, juin 1871). 44. La patrie et la terre dans sept affiches d’emprunts pour la victoire et la reconstruction. France, 1917-1920. Reproductions d’affiches de B. Chavannaz, Abel Faivre, Lucien Jonas, Auguste Leroux et Georges Scott, extraites de Gérard Auffray, L’épargne à l’affiche, Paris, Les Éditions du Mécène, 1992, p. 29, 36, 54, 56 et 60. 45. Les besoins de main-d’œuvre féminine dans l’agriculture en 1929. La Voix de la Terre, 15 mars 1929. 46. Les élections législatives de 1876 dans la circonscription de Quimper. Extrait de Jean-Marie Déguignet, Mémoires d’un paysan bas-breton, éd. établie par Bernez Rouz, Le Relecq-Kerhuon, Éd. An Here, 1998, p. 335-340. 47. Les campagnes galiciennes en 1866, rapport du consul de France à La Corogne pour l’enquête agricole de 1866 (Enquête agricole, renseignements recueillis à l’étranger, tome 2, Imprimerie Nationale, 1868). 48. Les campagnes désertes (Espagne, 1924). Extrait de Don Baldomero Argente del Castillo, La réforme agraire [La reforma agraria], discours de réception à l’Académie royale des sciences morales et politiques, le 1er juin 1924, II, « Les campagnes désertes » [« Los campos desiertos »], Madrid, Establecimiento tipográfico de Jaime Ratés Martín, 1924, p. 41-

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46. [Traduction J.-F. Chanet] 49. Les vignerons du Midi en 1907 : lettre du préfet de l’Aude à Clemenceau, 16 août 1907, AN F7 /12794) . 50. La campagne électorale de 1882 dans la circonscription de Catane. Extrait de Federico De Roberto, Les Vice-Rois [I Viceré, Milan, 1894], III, IX, traduit de l’italien par Henriette Valot, Paris, Club bibliophile de France, 1955, p. 238-244. 51. L’exode rural (extrait de Auguste Souchon, La crise de la main d’œuvre agricole, Paris, Rousseau, 1914, p. 130 à 132). 52. Est-il avantageux pour l’agriculture et pour le paysan que ce dernier soit instruit ? Extrait du Journal d’Agriculture pratique et d’Économie rurale pour le Midi de la France. Mars 1862. Toulouse, imprimerie de Charles Douladoure. 7 p.

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EPREUVE ORALE DE GEOGRAPHIE

------------------------------- Par l’ensemble des examinateurs de géographie7

Rappel des conditions : 6 h. de préparation, 25 mn d’exposé, 20 mn d’interrogation.

Une épreuve à appréhender positivement Les candidats admissibles redoutent parfois le commentaire de documents dans une discipline qui peut leur être moins familière. Or, la géographie obtient souvent la meilleure moyenne à l’oral. L’écart-type des notes y est également supérieur, sachant que le jury de géographie mobilise l’ensemble de l’échelle de notation, n’hésitant pas en particulier à attribuer de bonnes voire de très bonnes notes (19) dans la mesure où son niveau d’exigence ne saurait être le même que celui de ses homologues historiens dans leurs épreuves respectives. La perspective d’obtention d’un nombre important de points devrait motiver les candidats dans leur préparation de cette épreuve. Inversement, le jury de géographie est naturellement en droit d’attendre un certain intérêt pour cette discipline et un bagage minimum de la part de futurs professeurs appelés à l’enseigner, pour la grande majorité d’entre eux, au même titre que l’histoire. Les énormités ne peuvent donc qu’être lourdement sanctionnées : s’entendre dire que Rouen, ville drapante, travaillait jadis du coton issu des moutons anglais ou que Biarritz a un climat méditerranéen a forcément des effets redoutables.

Un commentaire de documents et non une leçon Il faut redire que la nature de l’exercice est un commentaire de document(s), généralement à dominante cartographique, et non un exposé général ne faisant que de lointaines allusions aux pièces proposées. Dans le pire des cas, le candidat ne regarde même pas la carte ou ne fait même pas référence aux éléments du dossier à commenter, développant une leçon appuyée sur des lectures hâtivement synthétisées. Ce refus assez incompréhensible de considérer les documents eux–mêmes au profit d’un propos général d’origine livresque est indiscutablement l’erreur la plus grave qui puisse être commise, surtout quand les questions ne permettent pas de racheter cette méprise sur le sens même de l’épreuve. Le placage inapproprié de lectures ou la récitation de généralités passe–partout sans lien avec les documents voire contredites par eux ne peuvent être sanctionnés que par les plus basses notes, quand bien même les réponses aux questions apparaîtraient relativement satisfaisantes. Il est indispensable de s’attacher résolument aux documents géographiques : sur quoi portent-ils ? Comment sont-ils construits ? Que montrent-ils ? Quels enseignements peut-on en tirer ? Etc. Les attendus de l’épreuve sont simples et ne diffèrent en fait guère des autres épreuves orales : il s’agit d’éclairer les documents soumis à la réflexion en en dégageant le sens de manière à expliquer l’organisation géographique qu’ils permettent d’appréhender.

Carte ou dossier, France ou Amérique latine ? Un tirage sans incidence sur le résultat moyen Le jury pose sensiblement autant de sujets à dominante cartographique que de dossiers, dont il

7 Valérie Batal (professeure CPGE, Lycée Pasteur, Neuilly–sur–Seine), Guy Baudelle (professeur, université de Rennes II), Elisabeth Bonnet–Pineau (professeure CPGE, Lycée Clémenceau, Reims), Yves Boquet (professeur, université de Bourgogne), Alain Dubresson (professeur, Université de Paris X), Patrick Pigeon (professeur, université de Savoie), Bénédicte Thibaut (maître de conférences, université de Poitiers), Colette Vallat (professeure, Université de Paris X).

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s’efforce de répartir les thèmes de façon équilibrée entre les deux questions figurant au programme. En revanche, l’écrasante majorité des cartes topographiques concerne l’espace français (métropolitain et DOM), aussi bien en raison du fonds disponible sur le lieu des épreuves que pour éviter de proposer aux admissibles un travail hors de leur portée. Les candidats préfèrent quant à eux généralement tirer un dossier plutôt qu’une carte, alors que la moyenne par type d’exercice ne présente pas d’écart statistiquement significatif. Des dossiers documentaires considérés comme faciles se sont souvent révélés pénalisants pour les candidats alors qu’à l’inverse l’exercice redouté du commentaire de carte, qui plus est accompagné de la carte géologique, d’une coupe ou d’un croquis géomorphologique, a pu donner lieu à des prestations honorables. On a en effet noté des progrès dans l’épreuve de commentaire de carte. Si la coupure au 1/50 000e, la plus classique, donne lieu à une plus faible dispersion des notes, celle au 1/25 000e a vu sa moyenne fléchir en raison de lacunes manifestes sur les formes urbaines comme sur l’organisation de l’espace industriel. C’est toutefois la carte au 1/100 000e qui donne encore lieu aux résultats les plus contrastés : un certain nombre de commentaires ont été ratés faute d’avoir compris que l’échelle invite à porter l’attention sur l’organisation spatiale au niveau régional, en termes de relief, d’hydrographie, de voies de circulation, de densités, de répartition du peuplement, de pôles et de réseau urbain, d’oppositions sous-régionales. L’exercice n’est pas inaccessible à condition de ne pas découvrir ce type de carte le jour de l’épreuve.

La carte est elle–même souvent accompagnée de quelques informations complémentaires : statistiques démographiques et/ou économiques, notamment agricoles, moins fréquemment une carte plus ancienne ou d’échelle différente, une vue paysagère, une photographie aérienne ou une image satellitaire. Cela rapproche les deux types d’exercice, mais ces documents d’appoint ne doivent pas accaparer pas toute l’attention du candidat dont on attend qu’elle se focalise avant tout sur la carte.

Dans l’ensemble, le commentaire des dossiers documentaires a été en revanche plus inégal que les années précédentes, en raison de lacunes manifestes sur l’espace français ou d’un manque de culture générale ou encore faute d’avoir saisi la nature de l’exercice. Ces dossiers d’une dizaine de pièces – quinze documents maximum – comportent pour l’essentiel des petites cartes thématiques à différentes échelles, mais aussi des statistiques, des photographies sur papier ou en diapositives, des figures variées (tableaux, graphiques statistiques, dessins, schémas, publicités, posters…) ou encore des textes d’origines très diverses : travaux de géographes ou d’autres chercheurs, textes littéraires, rapports officiels, documents d’aménagement, brochures de collectivités territoriales, extraits de presse, témoignages, etc. Une carte topographique peut être jointe en accompagnement, comme pièce du dossier, sans que, cette fois, celle–ci doive faire l’objet d’un commentaire complet. On ne saurait trop recommander aux candidats de se familiariser davantage avec le commentaire de photographies de paysage, qu’il s’agisse des vues obliques les plus classiques – qui semblent les déconcerter alors qu’elles abondent dans les manuels de classe – ou des vues verticales de l’IGN, mais également des images satellitaires, en particulier SPOT. Quant au thème dominant du sujet – en 2005 l’Amérique latine ou la France –, il a été sans conséquence sur la note moyenne, parce que les candidats ont paradoxalement tendance à préparer plus systématiquement la nouvelle question. Il en résulte que l’espace le plus lointain, a priori le moins familier, leur est en réalité souvent mieux connu que le territoire métropolitain où vit pourtant la grande majorité d’entre eux. On doit inciter les agrégatifs à accorder autant d’attention à la France car celle–ci figure tous les ans à leur programme et

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occupe une place importante dans ceux de l’enseignement secondaire, des faiblesses en la matière paraissant d’autant moins admissibles au jury.

Remarques de fond En termes de connaissances, les lacunes les plus fréquentes concernent en effet la géographie régionale de la France – alors que celle–ci est le plus souvent indispensable pour situer les cartes et documents proposés –, mais aussi la topographie – dont le vocabulaire est pourtant indispensable pour décrire correctement les formes de relief d’une carte, quelle qu’elle soit –, la géographie industrielle – la fabrication de l’acier reste ainsi un processus mystérieux pour une majorité de candidats –, la morphologie urbaine – principal intérêt des cartes de villes au 1/25 000e – et, un peu moins fréquemment, la géographie théorique dont les « figures » de base font désormais partie du patrimoine scientifique de la discipline : théorie des lieux centraux, « loi » rang-taille, modèles urbains de l’Ecole de Chicago, modèles élémentaires de localisation industrielle, modèles de potentiel de population. En géographie physique générale, les domaines climatiques et leurs mécanismes tout comme les notions de base de la biogéographie (sol, garrigue, maquis, lande…) doivent être connus. La rigueur du vocabulaire est un élément essentiel.

En revanche, les enjeux d’urbanisme, de ségrégation sociale, d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement, de développement durable et de construction européenne sont mieux connus, le jury se réjouissant de constater que la majorité des candidats a ainsi une approche de la géographie non pas académique, mais en phase avec les problèmes de société et les enjeux d’organisation spatiale ou de politique territoriale les plus contemporains, en accord avec la conception des programmes actuels du secondaire. On est en effet en droit d’attendre de futurs professeurs d’histoire-géographie une culture citoyenne minimale sur les institutions françaises et internationales comme sur l’actualité économique (Arcelor) et sociale (politique d’immigration ou politique de la ville par exemple). L’étude de la géographie de la mondialisation rendra encore plus impérative cette curiosité.

Quel que soit l’exercice proposé, dossier ou carte, il faut énoncer une problématique dès l’introduction et construire un plan cohérent et logique qui ne soit pas à tiroirs. On ne dira jamais assez l’importance des termes du sujet pour les dossiers comme pour les cartes à thème : « L’organisation de l’espace uruguayen » n’est pas « Montevideo et l’Uruguay » et ignorer les rivages de la Plata, le littoral atlantique et les enjeux de l’Hidrovia n’est pas acceptable. Le sujet « Dunkerque (1/25 000e et 1/50 000e) : l’industrie et la ville » n’est pas réductible à l’histoire du port, puis à celle de la ville. Consacrer deux minutes à Lima dans un commentaire du dossier « Le littoral péruvien » alors que l’aéroposter et une carte de cette mégapole étaient fournis n’est pas plus judicieux. Les exposés restent marqués par une forte tendance à présenter des plans de facture plus ou moins implicitement chronologique. On retrouve trop fréquemment la nature, puis le peuplement étudié au cours de l'histoire, et enfin les évolutions actuelles. Ce type de pseudo-plan, sans justification logique effective, ne correspond pas à un effort de problématisation géographique. De plus, il pousse les candidats à exagérer la présence d'activités supposées récentes, comme le tourisme. Paradoxalement, la part interprétative des héritages s'avère très minorée dans des plans qui sont pourtant censés s'inspirer de l'histoire. Ils laisseraient croire, de manière fallacieuse, à l'absence d'érosion dans les Andes au cours de la période précolombienne, et l'on voit même les Mayas disparaître du Yucatan comme si les fronts pionniers actuels se développaient aux dépens de terres vierges. C'est faire fi des sites archéologiques qui révèlent, dans les formes de peuplement contemporaines, l'ancienneté de l'anthropisation.

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On doit également attirer l'attention des candidats sur l'indispensable recul critique par rapport aux documents qu'ils ont à commenter. Il ne s'agit pas de formalisme méthodologique mais d’éviter des généralisations tout à fait abusives à partir de documents dont la représentativité n’est même pas questionnée. Ailleurs, voici des documents publicitaires sur la Champagne qui sont pris au premier degré, à un point tel que le potentiel supposé de fréquentation touristique est assimilé à une fréquentation effective. On ne peut qu'être surpris de voir certains candidats, qui seraient plus critiques face à un commentaire de texte historique, baisser ainsi la garde dès lors qu'il s'agit de documents géographiques. Cette vigilance sera particulièrement attendue à propos de la géographie de la mondialisation dont plusieurs thèmes prêtent à polémiques. Les candidats doivent en effet, tout comme dans les épreuves d’histoire, éviter de traiter les espaces soumis à leur sagacité à travers le filtre de leurs propres représentations, éventuellement datées ou erronées. Toute région industrielle n’est pas nécessairement en crise ou forcément laide, tout l’habitat littoral n’est pas destiné aux seuls touristes, tous les traits noirs des cartes urbaines TOP 25 ne figurent pas des « barres d’HLM », toutes les campagnes n’ont pas une vocation touristique, toutes les banlieues ne sont pas en difficulté, tout le développement des villes de province n’est pas impulsé depuis la capitale, etc. Enfin, des historiens sont supposés avoir une culture historique mobilisable pour l’exposé comme pour les réponses aux questions : les bastions cathares sur la carte de Lavelanet sont ignorés, tout comme l’évolution industrielle de la banlieue ouest de Paris, la datation des cimetières militaires picards ou celle des frontières nationales.

Exigences formelles Il va de soi que le jury a en tête de recruter un bon enseignant tout autant qu’un professeur d’histoire-géographie. Aussi se montre-t-il sensible aux qualités formelles de la prestation : organisation méthodique, rigueur et progression logique du plan, souci de la démonstration appuyée sur les documents, clarté et rigueur de l’expression, débit approprié, tonus, détachement par rapport aux notes, mobilité dans l’espace. Au contraire, un ton monocorde, un débit trop lent ponctué de blancs ou de répétitions, un exposé confus sujet à flottements ne peuvent à l’évidence que desservir le propos. De même l’absence de traitement ordonné des documents ou une paraphrase en forme de catalogue d’activités ne sauraient convenir. Dans l’ensemble, les candidats admissibles présentent toutefois des exposés de bonne tenue, affichant clairement leur plan, indiquant d’emblée la nature du sujet et le fil conducteur de leur commentaire. Les meilleurs candidats savent hiérarchiser les pièces de leur dossier, les mobiliser de façon constructive pour en pointer les enjeux, en montrer les convergences ou divergences en les situant les uns par rapport aux autres, souligner les dynamiques spatiales qu’ils illustrent, parfois en révéler de façon avisée les insuffisances ou les contradictions voire leur dimension symbolique, politique ou idéologique, en bons historiens. Malheureusement trop de prestations prometteuses sont finalement gâchées par une mauvaise gestion du temps, aboutissant à un exposé gravement déséquilibré, voire dramatiquement tronqué de sa dernière partie : trop de candidats abordent leur dernière partie alors qu’il ne leur reste que cinq minutes, bâclant alors leur conclusion, s’égarant dans leurs notes et balbutiant. Il s’agit d’une faute lourdement sanctionnée, souvent due à une introduction détaillant trop longuement la présentation des documents soumis. Ceux–ci doivent être simplement caractérisés rapidement au départ, le temps le plus précieux devant être réservé à leur commentaire au fil de l’exposé. Pour gagner du temps, il est recommandé de classer et de

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numéroter clairement les documents affichés. L’autre erreur la plus coûteuse en points consiste à ne pas commenter l’ensemble des documents proposés, là encore par manque de temps ou par évitement, quelquefois par étourderie. La troisième lacune grave la plus courante porte sur l’illustration, absente dans quelques cas, ou simplement négligée (faute souvent d’avoir équilibré le temps de préparation) alors qu’elle est souvent indispensable pour éclairer le(s) document(s).

Se préparer efficacement En général, une problématique simple, brièvement exposée d’entrée, fermement suivie ensuite et appuyée sur une démonstration fluide va de pair avec une expression limpide et assurée parce que le candidat a effectué dans l’année le travail de fond nécessaire pour affronter l’épreuve sans trop de craintes. A l’opposé, le manque d’assurance engendré par le sentiment de ne pas disposer des bases indispensables a facilement une incidence négative sur la qualité formelle de la prestation. C’est pourquoi l’oral demande une préparation sérieuse, de longue haleine. Des candidats semblent découvrir le type d’exercice, voire le commentaire de carte, le jour de l’épreuve – que dire d’un candidat qui fait couler le Doubs en sens inverse ? – et l’improvisation leur est fatale. Evidemment, les collègues certifiés qui enseignent ont du mal à se préparer individuellement, mais on peut au moins attendre des universités qu’elles proposent des entraînements ; les candidats sont en droit d’exiger cette préparation de leur département. L’entraînement indispensable à l’épreuve proprement dite, incluant une préparation de six heures suivie d’un oral de 25 mn et de 20 mn d’interrogation, devrait si possible être effectué au moins deux fois en cours d’année. La maîtrise du temps est en effet essentielle au cours de la préparation afin de terminer les croquis et illustrations sur transparent et l’affichage du plan de l’exposé. Le jury a également été frappé par l’état physique de nombre de candidats dont le degré de fatigue, en particulier au moment des questions, traduit un certain stress mais aussi un réel épuisement, alors que l’interrogation suivant l’exposé est presque aussi décisive que ce dernier. L’oral s’apparente à une épreuve sportive de haut niveau : il faut y arriver affuté en s’y étant préparé intellectuellement mais tout autant physiquement, car la fatigue a une incidence sur le moral et le dynamisme des candidats. C’est pourquoi aussi il ne faut pas négliger de se nourrir et de boire durant les 6 heures de préparation qui se déroulent dans des locaux dont la ventilation et l’isolation pourraient être meilleures. L’anticipation de l’exercice suppose parallèlement d’avoir étudié les grands types de cartes susceptibles d’être proposés, à savoir chacune des trois grandes échelles et les quelques types d’espace géographique qu’elles illustrent pour la France : différents domaines agraires (pays d’enclos, campagne ouverte, domaine méditerranéen…), campagnes plus ou moins peuplées, agglomérations de tailles variées, hautes et moyennes montagnes, piémonts et autres contacts topographiques et paysagers, reliefs volcaniques, bassins miniers et espaces industriels, littoraux d’occupations diverses, couloirs de circulation. La préparation doit aussi envisager de couvrir les grands ensembles régionaux sans négliger les DOM. De même faut-il s’attendre à ce que les futurs sujets sur la géographie de la mondialisation portent sur quelques grands thèmes attendus, qu’il s’agisse des grands flux internationaux de biens, de capitaux ou d’information, des bouleversements de la géographie industrielle, agricole ou financière, des villes « globales », des mouvements migratoires, des échanges culturels, des déplacements touristiques, des grands acteurs de la mondialisation (firmes multinationales, puissances internationales, sociétés locales, mouvements identitaires…), des inégalités spatiales à différentes échelles, des grands enjeux géopolitiques, stratégiques, socio–économiques ou culturels.

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Enfin, un travail bibliographique simple mais méthodique doit être envisagé pour se familiariser avec les grandes collections ou séries d’ouvrages, en ne négligeant ni les ressources anciennes ni les manuels les plus récents. Les bibliographies régulières d’Historiens et Géographes, accessibles dans la salle de préparation des admissibles, constituent également un outil précieux. Pour éviter aux candidats éloignés de Paris d’avoir à se déplacer à l’avance, nous indiquons ci–dessous les ressources documentaires mises à disposition dans la salle de préparation auxquelles s’ajouteront les principaux manuels ou séries (La Documentation Photographique…) consacrés à la géographie de la mondialisation.

Anticiper l’évolution de l’exercice Il est envisagé de faire évoluer pour la session de 2008 les conditions pratiques de l’exercice en tirant parti des possibilités offertes par les technologies numériques dont l’usage est appelé à se répandre dans les établissements d’enseignement secondaire. Comme cela est déjà le cas à l’agrégation externe de géographie, le dossier documentaire pourrait ne plus être remis sous une forme papier, mais sur un CD Rom, ce qui permettrait au jury d’améliorer la qualité de reproduction des documents soumis et d’accroître le nombre de documents en couleur grâce aux possibilités de scannage et aux ressources iconographiques de l’Internet. Le candidat disposerait alors d’un ordinateur portable pour visionner les documents pendant sa préparation. Il resterait comme actuellement libre d’ordonner ses documents à sa guise, de les commenter à plusieurs reprises si bon lui semble, les documents étant simplement déposés sur le CD. L’exposé se déroulerait en effet à l’aide d’un vidéoprojecteur, ce qui devrait améliorer sensiblement les conditions matérielles de l’oral par rapport aux projections classiques de diapositives ou aux panneaux d’affichage traditionnels. Un appariteur resterait dans tous les cas à la disposition du candidat pour lui éviter tout souci informatique. Cette évolution n’interviendrait qu’à l’horizon de deux ans, afin de laisser aux centres de préparation au concours le temps de s’équiper et d’anticiper sur ces évolutions qui ne changeraient pas la nature de l’épreuve. Les centres de préparation sont toutefois invités à prévoir dès l’année budgétaire 2007 les achats d’équipements rendus nécessaires par cette probable évolution, d’ailleurs déjà effective pour l’agrégation externe de géographie. Le jury du concours de l’agrégation externe d’histoire précise du reste qu’il espère pouvoir, dès la session de 2007, proposer aux candidats, au moment du tirage, le choix entre un support papier et un support informatique (sur clé u.s.b. ou CD Rom) pour certains sujets sur dossier. Le passage intégral à des sujets de dossiers sous forme numérique et des exposés avec vidéoprojecteur serait réalisé en 2008.

Liste des sujets proposés --------------- DOSSIERS Portant sur la France Etude d’un espace industriel : l’étang de Berre – La Corse, étude géographique – Clermont-Ferrand, ville-usine ? – Le bocage bressuirais – Gérer l’eau en France – Les ports maritimes en France – Les espaces de coopération transfrontalière en France – Les contrastes de mise en valeur à La Réunion – Marseille et ses ports – Croissance et transformation de Paris – Les enjeux de l’emploi dans une petite ville – Le tourisme en Champagne-Ardenne – La filière fromagère – Images et représentations de Tours – Le Comtat Venaissin – Les dynamiques

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migratoires en France – Les pays en France – Toulouse, métropole – Vins et vignobles en France – Le littoral charentais – La France des terres lointaines – La diversité des littoraux français – Le bassin d’Arcachon – La forêt en France – Géographie de la santé en France – La gentrification de Paris – La Rochelle, dynamiques spatiales – Le bassin versant de la Seine – Le couloir de circulation Rhin-Rhône – Les Bauges, un territoire marginal – Préserver l’environnement en France – L’aménagement de la péninsule Rhône-Saône à Lyon – Vivre avec les volcans en Martinique et en Guadeloupe – Les personnes âgées en France – Géographie de la gastronomie en France – Mayotte – Le grand Lyon : la ville et le fleuve – Les crues en France – La métropolisation en France – La France, pays tempéré ? – Kourou – Aspects de la revitalisation du bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais – Tourisme, iléité et développement des TOM – Les déplacements urbains en France – Les systèmes de production agricole en France – Les pays royannais – Peut-on parler d’une crise des banlieues ? – Les mutations de peuplement de la vallée de l’Arve – Approche scalaire du nord de la Bretagne – Rouen : les métamorphoses d’une ville – Le Lubéron. Portant sur l’Amérique latine Les frontières en Amérique Latine – Une ville et sa montagne San Miguel de Tucuman – Buenos Aires, la question de la fragmentation urbaine – Rio de Janeiro – Bogota, relever les défis de la croissance urbaine – Le tourisme en Amérique latine – L’exploitation des hydrocarbures en Amérique latine – L’eau dans le Nordeste brésilien – Les mutations des peuplements ruraux au Chiapas – Le canal de Panama – La ségrégation socio-spatiale à Mexico – La construction géographique de l’Etat de São Paulo – Les mutations de peuplement dans l’aire maya – Brasilia – Mexico : mégapole, métropole, mégalopole ? – Aspects de la mondialisation au Chili – Les territoires de la guérilla – La forêt en Amazonie – Les mutations des espaces ruraux au Mato Grosso – Le réseau urbain colombien – La Havane – Les favelas de Rio de Janeiro – Villes capitales et métropolisation en Amérique latine – Enjeux environnementaux en Argentine – L’homme et l’étagement dans les Andes – Ethnicité et métissage en Amérique Latine – Le peuplement des terres magellanes – Les mutations des espaces ruraux au Brésil – Les déserts côtiers en Amérique Latine – Le Paraguay – L’évolution du peuplement bolivien – Les formes de mise en valeur dans un espace andin – La question agraire en Amérique latine – Des montagnes intertropicales (Pérou-Bolivie) – Les enjeux de l’eau en Amérique latine – Vivre dans les Andes rurales au Venezuela – Le Mercosur – Le nord-ouest de l’Argentine – La montagne andine – L’Amérique latine et les Etats-Unis – Caracas – L’eau dans les villes d’Amérique latine – L’organisation de l’espace uruguayen – Les vignobles chiliens et argentins, étude comparée – Le peuplement littoral au Pérou et en Equateur – Les fronts pionniers amazoniens – Santiago, étude des paysages urbains – L’extrême sud de l’Amérique du Sud – Le littoral péruvien – La population du Brésil – Un espace de l’agrobusiness en Amérique Latine – El Alto de La Paz – La Pampa – Les littoraux latino-américains et leur rôle dans l’organisation de l’espace – Les espaces miniers en Amérique latine – Contrôler l’intérieur : les espaces frontaliers du Venezuela et du Brésil. COMMENTAIRES DE CARTES (avec ou sans documents d’appui) Au 1/100 000e ou TOP 100 : Strasbourg – Bayonne-Mont-de-Marsan – Rouen-Abbeville – Bordeaux-Mont-de-Marsan – Nantes-Les Sables – Toulon-Nice – Orléans-La Charité-sur-Loire – Brest-Quimper. Avec un thème : Organisation de l’espace sur la carte de Grenoble-Gap – Le Jura sur l’image

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satellite Jura-Genève et les deux cartes Dijon-Tournus et Besançon-Lausanne – L’organisation de l’espace et le peuplement sur la carte de Nantes-Châteaubriant. Au 1/50 000e : Saint-Tropez-Cap Lardier (1958 & 1997) + Top 25 – Argelès-sur-Mer – Avesnes-Le Cateau – Colmar et Sélestat – Cazaubon – Cherbourg-Les Pieux – Grasse-Cannes – Angers – Calais – La Camargue – Sisteron (carte géologique de Valence en appui) – Montluçon – Carcassonne – Concarneau et Rosporden – Lesparre-Médoc – Angoulême – Le pays d’Auge (Lisieux et Caen) – Nîmes – Aurillac –Lorient – Vichy – Toulouse – Le Puy-Craponne-sur-Arzon – Béziers-Narbonne – Cavaillon –Fontainebleau – Sarlat-Terrasson –Thouars – Saint-Etienne. Avec un thème : Millau et son environnement. Au 1/25 000e : L’étang de Berre Fort de France – Châlons-en-Champagne – Toulon – Orléans et Olivet-La Ferté-Saint-Aubin – Paris Ouest – Montbéliard-Vallée du Doubs – Pau – Bastia – Corbeil-Essonne – Chamonix – Thann – Le Puy-en-Velay – Nancy-Toul – Nice-Menton –Le Faouët –Auray-Quiberon – Saint-Michel-de-L’Herm. Avec un thème : Dunkerque : l’industrie et la ville – Bordeaux : étalement urbain et polycentralité. Top 25 : Les Arcs-La Plagne-Parc de la Vanoise – Hénin-Beaumont-Carvin – Le Tréport-Saint-Valéry-sur-Somme – Besançon – Marseille – Hendaye-Saint-Jean-de-Luz – La Baule – Belfort-Montbéliard-Héricourt – Lavelanet-Montségur – Sète-Cap d’Agde – Chaîne des Puys – Ile de Ré. Avec un thème : La haute vallée de Chevreuse : un environnement privilégié (carte de la forêt de Rambouillet). Autres : Le peuplement amazonien sur la carte Amazon Basin (1/400 000e)

OUVRAGES SUR LA FRANCE EN ACCES LIBRE DANS LA SALLE DE PREPARATION EN 2006 DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPEDIES : Petit Larousse illustré Robert des noms communs Robert des noms propres Dictionnaire de la Géographie (P. George) Les mots de la Géographie (R. Brunet/ R. Ferras/H. Théry, RECLUS) Dictionnaire de géographie et de l’espace des sociétés (J. Lévy, M. Lussault) De la géopolitique aux paysages (Y. Lacoste) Dictionnaire d’économie Encyclopédie Larousse Encyclopédie Universalis (18 volumes) Géographie Universelle (Belin/Reclus, 10 volumes) ATLAS GENERAUX :

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Atlas Bordas Grand Atlas Universalis Atlas du 21e siècle ANNUAIRES : L’état du monde 2006 L’état de la Planète 2001 Statesman’s Yearbook 2003 L’état de la France, CREDOC, La découverte (2004) Annuaire des statistiques des Nations Unies volume 48 Images économiques du monde 2005 Ramsès 2005 Cyclope 2004 Dossiers des Images économiques du Monde (SEDES) OUVRAGES SUR LA FRANCE : Collection Découvrir la France (R. Brunet, Larousse) Atlas et géographie de la France moderne (coll. L. Papy, Flammarion, 16 volumes) La France dans ses régions (P. Gamblin, SEDES, 2 tomes) La France, le fait régional (P. Piercy, Hachette) La géographie de la France en dissertations corrigées (P. Gillardot et al., Ellipses) La France, les 22 régions (coll., A. Colin) La France des villes (M. Fabriès-Verfaillie et al., Bréal) La France et ses régions (P. Limouzin, A. Colin) Les régions françaises (P. Estienne, A. Colin, 2 tomes) Portrait de la France (INSEE) L’économie française (INSEE) L’industrie dans ses régions 1994/95 (INSEE) L’industrie dans ses régions 2003/2004 (Ministère de l’Industrie) Les activités industrielles en France (J.P. Charrié, Masson) Le nouvel espace français (D. Noin, PUF) Annuaires : Annuaire rétrospectif de la France 1949–1998 Annuaire statistique de la France 2004 Tableaux de l’économie française 2003–2004 Données sociales 2002–2003 Atlas généraux : Atlas de la France et ses régions Atlas des villes de France Atlas de France Atlas du littoral de France Atlas des paysages ruraux de la France

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Atlas de l’aménagement du territoire Atlas des villes de France Atlas des Franciliens Atlas des Parisiens Atlas régionaux : Aquitaine Bassin Parisien Bretagne Centre (Région) Champagne–Ardenne Est Franche-Comté Languedoc-Roussillon Limousin Midi–Pyrénées Nord Nord-Pas de Calais Normandie Paris et sa région Pas de Calais Pays de la Loire Picardie Provence Alpes Côtes d’Azur Région parisienne Rhône-Alpes DOM–TOM : Guyane Martinique Guadeloupe Nouvelle-Calédonie La Réunion

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STATISTIQUES DU CONCOURS -------------------------------------------

Synthèse statistique de l'agrégation externe d'histoire 2006 % % % Inscrits 2989 100,00 Présents 1807 60,46 Non éliminés 1575 52,69 100,00 Admissibles 208 6,96 13,21 100,00 Admis 92 3,08 5,84 44,23 Moyenne des candidats non éliminés (/80) 19,1 Barre d'admissibilité (/80) 34,50 Moyenne des candidats admissibles (/80) 42,74 Barre d'admission (/200) 90 Moyenne des candidats admis (/20) 10,83 Inscrits % Présents % Admissibles % Admis % Hommes 1565 52,36 966 53,46 125 60,10 57 61,95 Femmes 1424 47,64 841 46,54 83 39,90 35 38,04 Total 2989 100 1807 100 208 100 92 100 Epreuves d'admissibilité D1 D2 CT Géo Présents 1751 1666 1615 1605 Copies blanches 49 8 15 7 D1 D2 CT Géo Moyenne des présents 4,39 4,26 4,97 4,85 Moyenne des admissibles 10,91 10,04 10,96 10,83 Moyenne des admis 11,84 11,04 12,14 11,88 Epreuves d'admission Admissibles 208 Admissibles non éliminés 206 Admis 92 Moyenne des candidats non éliminés 7,51 Ecrit & Oral 8,78 Moyenne des candidats admis 10,24 Ecrit & Oral 10,83 Notes d'oral (sur 20) Leçon Doc. Géo Moyenne des présents 6,96 7,71 7,8 Moyenne des admis 9,66 10,42 10,62

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Répartition des notes d’écrit -------------------------------

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Répartition par académies ------------------------------------------------------------------

Académie Inscrits % inscrits Présents % présents Admissibles % admissibles Admis % admis Paris Créteil Versailles 982 32,85 656 36,30 105 50,48 49 53,26 Lyon 197 6,59 126 6,97 29 13,94 20 21,74 Bordeaux 178 5,96 108 5,98 7 3,37 4 4,35 Rennes 123 4,12 73 4,04 10 4,81 2 2,17 Toulouse 157 5,25 92 5,09 6 2,88 2 2,17 Lille 176 5,89 103 5,70 5 2,40 2 2,17 Strasbourg 70 2,34 42 2,32 4 1,92 2 2,17 Limoges 27 0,90 17 0,94 3 1,44 2 2,17 Clermont-Ferrand 44 1,47 30 1,66 4 1,92 1 1,09 Nice 49 1,64 20 1,11 4 1,92 1 1,09 Aix 143 4,78 64 3,54 3 1,44 1 1,09 Orléans-Tours 73 2,44 53 2,93 3 1,44 1 1,09 Nantes 92 3,08 41 2,27 2 0,96 1 1,09 Poitiers 51 1,71 39 2,16 2 0,96 1 1,09 Nancy-Metz 91 3,04 45 2,49 1 0,48 1 1,09 Reims 51 1,71 32 1,77 1 0,48 1 1,09 Grenoble 98 3,28 63 3,49 4 1,92 0 0,00 Amiens 44 1,47 24 1,33 4 1,92 0 0,00 Montpellier 92 3,08 50 2,77 3 1,44 0 0,00 Caen 54 1,81 39 2,16 3 1,44 0 0,00 Dijon 57 1,91 36 1,99 2 0,96 0 0,00 Rouen 51 1,71 25 1,38 1 0,48 0 0,00 Besançon 33 1,10 16 0,89 1 0,48 0 0,00 Réunion 25 0,84 6 0,33 1 0,48 0 0,00 Guyane 3 0,10 1 0,06 1 0,48 0 0,00 Martinique 14 0,47 2 0,11 0 0,00 0 0,00 Guadeloupe 3 0,10 0 0,00 0 0,00 0 0,00 Corse 11 0,37 4 0,22 0 0,00 0 0,00 Total 2989 100,00 1807 100,00 208 100,00 92 71,88

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