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MINISTERE DES RELATIONS EXTERIEURES - … · sur le métier de statisticien (ou démographe, sociologue, etc.). Il poursuit ici ... divers sujets abordés au cours de cet atelier

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MINISTERE DES RELATIONS EXTERIEURES I.N.S.E.E.

COOPERATION ET DÉVELOPPEMENT Service de Coopération

Sous-Direction des Etudes du Développement

SOMMAIRE

N° 40 - Décembre 1984

ISSN 0224 - 098X.

- EDITORIAL

- Philippe COUTY

Compter, raconter

ATELIER REGIONAL AFRICAIN SUR LES BESOINS EN STATISTIQUES

POUR LA PREVISION (Brazzaville 12-16 Novembre 1984)

- Gérard WINTER Ni trop, ni trop peu Un point de vue sur le bilan de l'atelier

- Marc RAFFINOT Système d'information statistique et prévision en Afrique : éléments de diagnostic

- Antoine BANVIDI L'expérience congolaise de suivi de la conjoncture

- Eugène YAI L'expérience des budgets économiques en Côte d'Ivoire

- Michel BLANC Comptes rapides et comptes provisoires

- Gérald TAMBY L'utilisation de la micro-informatique pour la Prévision au Sénégal

Pages

3

5

16

29

48

63

79

99

- Liste des articles parus dans les numéros 36 à 39

STATECO : Bulletin de liaison non officiel des Statisticiens et Economistes exerçant leur activité dans les pays du Tiers-Monde

Directeur de la Publication : Xavier CHAROY

Rédacteur en Chef

: Michel BLANC

Secrétariat de Rédaction

:INSEE - Service de Coopération 18, bd A. Pinard 75675 PARIS Cedex 14

Tirage : 1 200 exemplaires

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EDITORIAL

PAR MICHEL BLANC

Dans un précédent numéro de STATECO (le numéro 31 de septembre 1982)

Ph. COUTY nous invitait, dans un article intitulé "L'interdit et la fatalité", à

nous interroger sur les progrès de la connaissance en sciences sociales et, par là,

sur le métier de statisticien (ou démographe, sociologue, etc.). Il poursuit ici

sa réflexion en vue de déterminer si, et dans quelles conditions, les opérations

de recensement ou de dénombrement peuvent trouver leur raison d'être, malgré leur

ambiguïté, qu'il illustre admirablement ; et il montre, par l'exemple d'une étude

de Tchekhov sur l'île de Sakhaline, qu'il faut "compter pour mieux raconter",

c'est-à-dire permettre au corps social de mieux s'imprégner de sa connaissance de

lui-même. Ces réflexions s'adressent ainsi à tous les lecteurs de STATECO, et leur

auteur apprécierait fort de recueillir leurs avis et réactions.

Toute la suite de ce numéro est consacrée au thème de la liaison entre

production et utilisation d'information, et plus particulièrement de la liaison

entre l'élaboration des statistiques (notamment sous forme de comptes nationaux)

et leur utilisation pour la prévision à court terme : c'était le sujet traité lors

de l'atelier de travail qui s'est tenu à Brazzaville du 12 au 16 Novembre 1984,

sous l'égide du Ministère français des Relations Extérieures (Coopération et

Développement) et de l'Office Statistique des Communautés Européennes (OSCE), et

qui a réuni des participants, statisticiens et prévisionnistes, du Cameroun, du

Congo, de la Côte d'Ivoire, du Sénégal et du Zaïre.

Les actes de cet atelier, comprenant l'intégralité des communications

ainsi que de brefs comptes-rendus des débats, doivent être publiés par l'OSCE. Nous

avons choisi de présenter quelques-unes de ces communications, représentatives des

divers sujets abordés au cours de cet atelier qui a permis de confronter les ex-

périences de différents pays mais surtout de faire réfléchir ensemble, sur leurs

pratiques respectives, des producteurs et des utilisateurs de données chiffrées,

ces derniers étant soumis à des contraintes quelquefois fortes liées à la situation

économique du pays.

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Le premier article n'est pas à proprement parler une communication,

mais se présente comme un bilan des travaux de l'atelier, établi par C. WINTER

pour la séance de synthèse ; il s'agit certes d'un point de vue personnel sur l'a-

telier, mais il donne une bonne idée des problèmes soulevés et traités au cours de

ces journées, d'ailleurs plus ou moins profondément eu égard au temps imparti ;

son titre, "Ni trop, ni trop peu", se réfère au caractère plus ou moins technique

des travaux de prévision, par opposition à leur aspect économique et politique, et

au juste équilibre à tenir entre les deux.

Conçue pour servir d'introduction à l'atelier, la comiunication de

M. RAFFINOT propose des "Eléments de diagnostic" pour juger de l'adéquation entre

"Système d'information statistique et Prévision en Afrique", en partant descondi-

tionsde la prise de décision économique pour rechercher les informations perti-

nentes susceptibles d'améliorer le processus.

"L'expérience congolaise de suivi de la conjoncture", décrite par

A. BANVIDI, montre la création d'un service de prévision ; c'est en effet l'objec-

tif que s'est fixé le Congo en 1982, en commençant par instituer une cellule de

conjoncture qui, depuis, produit une note de conjoncture semestrielle.

E. YAI livre ensuite "L'expérience des Budgets Economiques en

Côte d'Ivoire", où ceux-ci sont élaborés depuis de nombreuses années en utilisant

un modèle statique fondé sur un tableau entrées-sorties. Il analyse les difficul-

tés rencontrées actuellement et proposent quelques transformations méthodologiques

pour les dépasser.

L'article suivant aborde de manière plus technique un problème sur le-

quel achoppent beaucoup de services de comptabilité nationale en Afrique, et qui

est celui de l'élaboration de "Comptes rapides et comptes provisoires", indispen-

sables aux prévisionnistes ; quelques considérations générales sur les possibilités

de sortir de ces blocages sont suivies d'une étude de cas relative à la Ccite d'Ivoire.

Enfin nous avons réservé une place à la micro-informatique, d'une part

parce que son utilisation a été "évoquée, comme un outil très efficace, au cours de

l'atelier de Brazzaville, par cette communication de G. TAMBY sur l'utilisation

des tableurs pour la Prévision au Sénégal, d'autre part pour faire suite aux ar-

ticles parusdans les deux derniers numéros de STATECO invitant les lecteurs à

faire part de leurs expériences dans ce domaine.

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COMPTER, RACONTER

PAR PHILIPPE COUTY

Dans sa recension du livre de Michel VOLLE sur Le métier de statisticien,

Alain DESROSIERES rappelle la distinction que l'on peut faire entre deux tradi-

tions étroitement imbriquées dans la statistique actuelle : celle de la "statis-

tique impérialiste" liée à la gestion administrative d'un Etat centralisé, et cel-

le d'une "statistique rationnelle", plus récente, destinée à éclairer les décisions

d'agents dispersés (1).

Cette discrimination peut servir de point de départ à quelques réflexions

sur l'ambiguïté qui enveloppe toute opération de recensement, ou en général de dé-

nombrement.

Compter des personnes ou des choses, c'est presque toujours oeuvrer pour

un pouvoir. Du polyptique d'Irminon au cadastre napoléonien, de l'Inscription Mari-

time au recensement d'un commandant de cercle, partout je vois la griffe de l'au-

torité posée sur la matière imposable ou sur les classes mobilisables. Partout

l'on compte pour taxer, pour enrôler, pour mettre au travail. Soumis à cette opé-

ration élémentaire, que peut penser l'administré clairvoyant, sinon ce que lui

souffle le fabuliste : Notre ennemi, c'est notre maître (Le vieillard et l'âne) ?

± Economiste, Directeur de recherches à l'ORSTOM.

(1) A. DESROSIERES : A propos du livre de Michel VOLLE : Le métier de statisticien Courrier des Statistiques, n° 22, avril 1982, pp. 59-60.

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Le recensement, c'est aussi l'humble et consciencieuse adhésion au foi-

sonnement d'une multitude. Loin dans ce cas de manifester une suprématie, le fait

lr de compter traduit une volonté de soumission à l'inconnaissable réalité que l'on

espère circonvenir en mesurant patiemment sa profusion. Tour à tour maître et es-

clave, l'agent recenseur joue deux personnages dans deux comédies bien différen-

tE

tes : celle de la souveraineté, celle de la connaissance.

DESCRIBERE, PROFITERI

e Quoi de plus simple, à première vue, que le recensement envisagé sous

le premier de ces deux aspects ? La relation entre recenseur et recensé est verti-

cale, asymétrique, autoritaire. C'est celle du rassemblement dans une cour de ca-

serne : "Comptez, comptez, vos hommes ! Comptez, comptez, comptez-les bien !". Ou

dti

celle du contrôleur des contributions directes, autrefois, en tournée dans les

lE mairies de campagne pour faire avec les répartiteurs l'appel des chiens imposables.

3.0

Dès qu'elle recense, pourtant, l'autorité doit persuader. Elle rencontre

ainsi très vite les limites de sa puissance. Il y a quelque chose de paradoxal,

d et peut-être'de rassurant, quand on y songe bien, dans le fait que la démarche

di élémentaire de tout pouvoir, celle de compter, trouve en elle-même son propre

frein.

1 Quelques considérations de sémantique éviteront ici de longs développe-

ments. Au début de l'Evangile de Saint Luc (II, 1-3), il est question d'un recen-

a sement ordonné par César Auguste à l'époque où Cyrenius gouvernait la Syrie. Le

texte grec original utilise, dans les trois versets qui nous intéressent, des mots 7 •

E ayant tous la même racine : «Troeb(cfbratt (être inscrit sur un registre), et

DI erbyrxr (inscription ou inventaire). Les grandes versions de la Réforme adoptent

la même économie de moyens, et traduisent en mettant l'accent sur l'objet fiscal

du recensement. La King James de 1611 dit : to be taxed, taxing. La traduction de

e Luther donne : geschdtzt werden (être évalué ou taxé), schdtzung. Enfin la Bible

suédoise dit : skattskrivas (être porté sur le rôle des contribuables),

skattskrivning.

e

Douze siècles plus tôt, cependant, la Vulgate latine de Saint Jérôme

avait introduit une nuance de taille entre le mot désignant le recensement ordonné

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par l'empereur et celui désignant l'exécution sur le terrain. Le texte parle d'a-

bord d'une descriptio, et de describere. Describere, cela veut dire déterminer,

délimiter, répartir. C'est le projet du pouvoir. Dans le verset 3, en revanche,

on trouve un terme tout autre : Et ibant omnes ut profiterentur singuli in suam

civitatem. Profiterentur vient du verbe profiteri, qui signifie effectuer une dé-

claration devant un magistrat. Describere, profiteri : deux moments, deux éléments

constitutifs de tout recensement. La décision d'opérer le dénombrement, puis le

passage à l'acte effectué -en partie- par les administrés.

La dichotomie que le subtil Saint Jérôme souligne en traducteur plus

soucieux de précision que de fidélité à l'original grec a engendré de tout temps

des difficultés pratiques. A l'époque des colonies françaises, par exemple, les

administrateurs ne cessaient d'y faire allusion dans leurs rapports. Témoin ce

texte écrit en mai 1911 par l'Administrateur-Adjoint commandant le cercle de

Ouahigouya :

Presque partout, le docteur D. qui, dans ses tournées, a toujours pro-cédé d'une façon scrupuleuse et très méthodique, était arrivé à vacci-ner un nombre d'habitants sensiblement supérieur à celui que portaient les statistiques officielles. Il est vrai que les indigènes se présen-taient plus facilement à lui que devant un agent recenseur dont ils n'ignoraient pas -les chefs du moins- que les travaux servaient de base à l'établissement des rôles. Dès qu'il s'agissait de ces derniers, ils échappaient en plus grand nombre aux rassemblements qu'on voulait leur imposer et qui exigeaient d'ailleurs, pour être obtenus, même imparfai-tement, un personnel assez considérable ... (1).

Describere, profiteri : la nouveauté, c'est que la distinction n'est

plus seulement de mise dans les pays colonisés, qu'il s'agisse de l'Empire Romain

ou de l'Afrique Occidentale Française. En Europe aujourd'hui, en Allemagne Fédéra-

le par exemple, il ne suffit plus que l'autorité décide pour que les administrés

obtempèrent. La première ambiguïté de tout recensement, c'est de mêler de manière

indissoluble et problématique une relation verticale et hiérarchique avec une re-

lation de coopération entre recenseurs et recensés.

(1) J.Y. MARCHAL - Chronique d'un cercle de l'AOF. Ouahigouya, Haute-Volta, 1908-1941. ORSTOM, Paris, 1980, p. 49.

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L'EFFET BORGES ET L'EFFET RODRIGUE

Supposons que les assujettis aient accepté de collaborer à ce qui, nous

venons de le voir, ne peut être qu'une oeuvre commune. Supposons que le résultat

voulu soit obtenu, c'est-à-dire que la descriptio existe matériellement, sous for-

me de documents, de tableaux, de bandes magnétiques, de publications. Et après ?

Deux mésaventures alors guettent le pouvoir. Elles ont:ceci de commun

qu'elles tendent à déposséder l'autorité de ce qu'elle croit détenir, à savoir

un moyen de traiter, de manipuler, de pressurer dans un but d'intérêt général l'u-

nivers vivant sur lequel elle vient de porter son majestueux regard.

C'est avec soulagement que l'administration s'empare du produit des opé-

rations de dénombrement. Quel repos en effet d'avoir affaire à des lignes et à des

colonnes peuplées de chiffres qui sont se prêter sans la moindre dérobade à toutes

les manipulations qu'on voudra ! La statistique césarienne enfante un Eielc..,Xov,

simulacre ou fantôme, répondant à toutes sortes de normes techniques ou même

esthétiques, mais dangereusement capable d'accaparer l'attention du pouvoir, de

l'amuser. Cela jusqu'au prochain dénombrement, c'est-à-dire jusqu'au prochain re-

tour sur le terrain. Ce glissement fatal de la vie vers l'image correspond à la

pente naturelle des lettrés. Tout scribe souhaite s'enfermer dans son bureau avec

des documents dociles. A ce point de vue, le statisticien n'est pas loin de res-

sembler au magistrat décrit par Tolstoi :

Dans l'instruction des affaires criminelles, Ivan Illitch acquit rapide-ment ce procédé qui consiste à écarter toutes les circonstances étran-gères au service, et à donner à toute affaire, si complexe qu'elle soit, un aspect tel qu'elle puisse etre exposée sur le papier, ses opinions personnelles étant exclues, en s'attachant surtout à ce que toutes les formalités soient observées. (La mort d'Ivan Illitch, chap. 2).

Inévitable dérive, qui frappe le Monstre Froid d'une cécité monumentale.

Je propose d'appeler cette cécité effet Borges, car elle est tragiquement symboli-

sée par la situation du grand écrivain argentin. Borges donne au Paradis l'appa-

rence d'une bibliothèque, lieu par excellence d'accumulation des documents, mais

lui-même est exclu du Paradis parce qu'il a perdu la vue :

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Lent dans l'obscur, j'explore la pénombre creuse avec une canne incertaine, moi qui m'imaginais le Paradis sous l'espèce d'une Bibliothèque (Poème des Dons, L'auteur et autres textes).

Comme si cela ne suffisait pas, une seconde perversion, plus grave que

la précédente, frappe les recensements d'une stérilité paradoxale. Au détournement

d'attention qu'engendre l'accumulation physique des documents, s'ajoute en effet

l'ivresse intellectuelle provoquée par l'abus de la sommation.

Dénombrer, c'est fabriquer des quantités globales qui ont les mêmes avan-

tages et les mêmes inconvénients que les idées générales selon Tocqueville. Elles

permettent de "renfermer un très grand nombre d'objets analogues sous une même

forme afin d'y penser plus commodément". Cette commodité a un prix, que Tocqueville

n'a pas manqué de noter :

Les idées générales ont ceci d'admirable qu'elles permettent à l'esprit humain de porter des jugements rapides sur un grand nombre d'objets à la fois ; mais d'une autre part, elles ne lui fournissent jamais que des notions incomplètes, et elles lui font toujours perdre en exactitu-de ce qu'elles lui donnent en étendue. (De la Démocratie en Amérique, II, 1, 3).

Après avoir dénombré, l'autorité classe et totalise, au sein de catégo-

ries préétablies, les individus qu'elle a saisis. Tout ce qui a été dit sur l'ar-

bitraire et la relativité de ces catégories (1) me semble résumé par quelques vers

de Corneille, prononcés par le Cid quand il raconte son combat contre les Maures :

Sous moi donc cette troupe s'avance Et porte sur le front une mâle assurance. Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort, Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port. (Le Cid, IV, 3).

(1) Voir en particulier : - A. DESROSIERES et L. THEVENOT : Les mots et les chiffres : les nomenclatures socio-professionnelles. Economie et Statistique, n° 110, avril 1979, pp. 49- 65

- A. DESROSIERES, A. GOY et L. THEVENOT : L'identité sociale dans le travail statistique. La nouvelle nomenclature des professions et catégories socio-professionnelles. Economie et Statistique, n° 152, février 1983, pp. 55-81.

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Trois mille ? Soit, personne n'ira vérifier. Ce qui me comble d'aise

dans ces vers, c'est le merveilleux "Sous moi", qui trahit la confondante naïveté

d'un chef né. Sous le Cid Campeador, il ne peut y avoir qu'une troupe indistincte,

dont le chef dira toujours qu'elle est excellente et qu'elle\est nombreuse. Pour

ce qui est de la mâle assurance, par exemple, je demande à voir. La troupe du Cid

a bien dû comprendre une part d'aventuriers centrifuges, de pêcheurs en eau trou-

ble, de spadassins pochards, de mécontents crispés sur quelque arriéré de solde,

de pillards timides et d'espions stipendiés. Rodrigue n'en a cure, il est trop

occupé à refaire l'histoire. A son profit, bien entendu. Trois mille patriotes,

et n'ayant qu'un seul front, voilà ce dont il a besoin pour sa carrière. Ainsi

procède le pouvoir : il agrège, il résume, il simplifie, puis, avec un naturel

inimitable, il s'installe où donc ? Au sommet, parbleu ! Ce faisant, le pouvoir

accepte d'ignorer ce qui s'est vraiment passé, mais là n'est pas la question. Je

propose d'appeler effet Rodrigue l'éblouissante cabriole à la faveur de laquelle

un responsable, un entraîneur d'hommes, un coryphée quelconque s'attribue, sans

hésiter une seconde, le droit d'additionner très approximativement les forces qui

vont lui servir bon gré mal gré de piédestal. Nous voyons jouer l'effet Rodrigue

quand un gouvernement ordonne à ses agents recenseurs de ne pas poser de ques-

tions relatives à l'appartenance ethnique : la "troupe" ne saurait être qu'unie

sous la conduite du chef. Nous voyons encore jouer l'effet Rodrigue lorsqu'un

gouvernement renvoie les statisticiens à leurs additions parce qu'ils n'ont pas

recensé suffisamment de monde : il m'en faut trois mille, et non pas cinq cents !

Parvenus à ce point, nous pouvons suggérer que la statistique césarien-

ne n'a pas pour but véritable d'accroître les connaissances. Toute société ne se

laisse dénombrer que si elle le veut bien. Sitôt recensée, elle s'évade de l'ima-

ge où on a voulu l'enfermer, abandonnant les chiffres au pouvoir comme un os à

ronger. Cet os est creux, et il est vide, mais qu'importe ? Un os peut toujours

tenir lieu de sceptre et de massue.

SAKHALINE

A la statistique césarienne et asymétrique, on oppose parfois, de façon

quelque peu schématique, l'enquête ethnographique dont l'objet serait périodique-

ment remis en cause par ce que révèlent progressivement les données recueillies (1).

(1) N. HERPIN. Statistique administrative et enquête ethnographique. Courrier des Statistiques, n° 21, janvier 1982, pp. 60-63.

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La démarche serait alors circulaire : une boucle relierait le questionnement à la

collecte, puis à l'analyse, puis de nouveau au questionnement. Certains se plai-

sent à accentuer la distinction en affirmant qu'à l'état pur, la démarche ethno-

graphique peut se passer de dénombrement. Voici par exemple ce qu'on peut lire

dans un manuel récent :

On suppose que l'enqueteur doit interpréter la situation d'autonomie ou de dépendance d'un groupe situé à l'intérieur d'un village. Il s'agira de-repérer, par l'observation des pratiques sociales, surtout et prin-cipalement, l'unité-groupe a l'intérieur de l'unité-village. Ce qui est significatif pour l'enqueteur, ce sont les relations d'échange, de com-munication, de coopération, etc. qui animent la vie collective de l'en-semble observé. Ce sont ces relations qui dessinent les contours des différentes unités sociales significatives de cet ensemble. Dans ce sens, il est probable qu'au niveau d'une enquete-sondage (limitée dans le temps et dans l'espace social), un recensement complet de la popula-tion soit inutile (1).

Il me semble que cette dernière opinion est erronée. L'anthropologue ne

saurait se contenter, tel la Françoise de Proust, des "rares vérités que le coeur

est capable d'atteindre directement". Il lui faut absolument collecter des don-

nées précises, et cela par le biais de dénombrements. Toutefois les comptages ne

sont pour lui qu'un moyen, ou un prétexte. Plus question de fabriquer à grands

traits une image obtenue par sommation d'unités apparemment semblables. L'énumé-

ration devient une clef, grâce à laquelle on espère ouvrir la porte d'un récit.

On compte alors pour raconter.

A la fin de l'année 1889, Anton Tchekhov, âgé d'à peine trente ans, mé-

decin, auteur déjà connu de nouvelles et de pièces, écrit à son ami Souvorine

qu'il a passionnément envie de se. cacher quelque part pour cinq ans et de faire

"du travail minutieux et soigneux". Le projet se précise très vite. Tchekhov déci-

de de partir pour Sakhaline, "seul endroit, après l'Australie dans le passé et

Cayenne, où l'on puisse étudier une colonisation faite avec des criminels". Il

part le 21 avril 1890 et arrive dans l'île en juillet. Il y séjournera environ

quatre mois.

(1) D. DELALEU, J.P. JACOB et F. SABELLI. Eléments d'enquête anthropologique. Institut d'ethnologie, Université de Neuchâtel, 1983, p. 30.

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On possède une traduction française de l'étude que Tchekhov a publiée

en 1893 dans la revue La Pensée Russe (1). Les premières pages du livre font son-

ger à Jules Verne :

Je suis arrivé à Nikolaeevsk, l'un des points les plus orientaux de no-tre pays, le 5 juillet 1890, par bateau. L'Amour y est très large, la ville située à vingt sept verstes seulement de la mer

Triste endroit que Sakhaline. L'agronome Mitsoul, qui a parcouru l'île

quelques années plus tôt, y a trouvé des conditions si misérables qu'il a été ré-

duit à manger son chien. Plein d'énergie, Tchekhov prend aussitôt une décision

qui vaut d'être méditée :

Afin de faire, autant que possible, le tour de tous les points de peu-plement, et de voir de plus près comment vivent la majorité des bannis, j'ai recouru au seul moyen qui me paraissait possible dans ma situation : j'ai établi un recensement. Dans chacune des colonies où je me suis rendu, j'ai pénétré dans chaque isba, et relevé la liste des propriétaires, des membres de leur famille, de leurs locataires et de leurs ouvriers. On m'a aimablement proposé des aides, mais comme le but essentiel de mon recensement consistait non pas à collationner des résultats, mais recueillir les impressions que me fournirait l'opération elle-même,

je n'ai recouru à l'aide extérieure que dans des cas exclusifs. Ce travail, effectué en trois mois par une seule personne, ne mérite pas, en fait, le nom de recensement ; ses résultats ne sauraient se distinguer par leur exactitude ni être considérés comme complets, mais les données plus complètes faisant totalement défaut, peut-être mes chif-fres seront-ils de quelque utilité. (Chap. 3, p. 45).

J'ai souligné, dans ce texte limpide, le passage important. Tchekhov a

cherché, et choisi, un moyen de s'obliger à prendre de l'île une connaissance di-

recte, personnelle, exhaustive. On dirait qu'il se défie de lui-même, de son im-

mense capacité de sympathie, de compréhension, d'intuition. Son seul matériau sûr,

ce seront les impressions qu'il projette de recueillir, mais encore faut-il que

ces impressions soient rassemblées selon la procédure la plus minutieuse, la plus

répétitive et la plus éprouvée'qui soit. Les chercheurs connaissent bien ce désir

(1) A. TCHEKHOV. L'île de Sakhaline (notes de voyage), traduit du russe par Lily Denis. Paris, les Editeurs Français Réunis, 1971, 493 pages.

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d'entrer comme par effraction au sein de la société qu'ils étudient, mais aussi

cette défiance qui les fait s'astreindre à des relevés besogneux. Rappelez-vous

LEIRIS, possédé par "le démon glacial de l'information", ironisant sur "la grande

guerre au pittoresque, le rire au nez de l'exotisme" (1). Pensez à ces géographes

qui, durant des mois, s'obligent à recenser la population et à cadastrer le ter-

roir d'un village, certes pour obtenir la vue d'ensemble exprimée par quelques

grands rapports numériques, mais aussi et surtout parce que la mesure de chaque

parcelle en compagnie du paysan exploitant constitue un prétexte à conversation,

une entrée en matière. Tchekhov remplit de ses mains dix mille fiches individuel-

les, en un peu plus de trois mois, soit environ cent fiches par jour (2). Nous

reconnaissons au passage, dans son récit, des situations familières à tout enquê-

teur de terrain. L'ennui, par exemple, dont Tchekhov nous dit qu'il dévore les

bannis et qu'il a, en conséquence, quelque peu facilité sa tâche :

Je vais seul d'isba en isba ; parfois un forçat ou un colon que l'ennui pousse à assumer le rôle de guide m'accompagne ... La plupart du temps, je trouve le propriétaire seul, célibataire rongé d'ennui ... Tandis que je cause avec lui, les voisins affluent ... Ils s'ennuient telle-ment qu'ils sont prets à vous parler et à vous écouter sans fin.

(1) M. LEIRIS, L'Afrique fantôme, Paris, Gallimard, 5ème édit., 1951, p. 70.

(2) On a des photographies de ces fiches, que Tchekhov a fait imprimer sur place par la Direction de la Police. Elles comportent douze rubriques :

1. Nom du poste ou de la colonie 2. Numéro cadastral de la maison 3. Qualité du recensé (forçat, relégué, paysan proscrit, ...) 4. Prénom, patronyme, nom de famille, lien avec le propriétaire (épouse,

fils, ouvrier, locataire, ...) 5. Age 6. Religion 7. Lieu de naissance 8. Année d'arrivée à Sakhaline 9. Occupation principale et profession 10. Instruction 11. Marié, veuf, célibataire. Si marié, résidence du conjoint 12. Recevez-vous des subsides de l'Etat ?

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Autre situation reconnaissable : l'équivoque provenant du fait que les

personnes interrogées prennent, inévitablement, l'enquêteur pour un agent de

l'administration :

Les relégués me considèrent comme un personnage officiel, et le recense-ment comme une de ces procédures de pure forme qui sont si fréquentes et qui ne mènent généralement à rien. Par ailleurs, le fait que je ne sois pas d'ici, que je ne sois pas un fonctionnaire de Sakhaline, éveil-le les curiosités. On me demande : - Pourquoi est-ce que vous nous inscrivez tous comme ça ? Et les suppositions les plus diverses d'aller leur train. Les uns disent que ce sont les autorités supérieures qui veulent répartir des subsides, les autres qu'on a de finir par se décider à faire déménager tout le monde sur le continent. D'autres encore jouent les sceptiques, disant qu'ils n'attendent plus rien de bon, car Dieu lui-même les a abandonnés, ceci à seule fin de m'amener à protester. Cependant, de l'entrée ou du poêle, comme par dérision envers toutes ces espérances, une voix lasse, chagrine, pleine d'ennui, s'élève : - Et tout ce monde-là écrit, écrit ! Reine des Cieux !

Comment Tchekhov a-t-il exploité ses matériaux ? Après les chapitres

d'introduction, on trouve d'abord un bloc de onze chapitres consacrés à une des-

cription très vivante des divers postes et colonies de Sakhaline. Voici par exem-

ple le sommaire du chapitre VIII :

L'Arkae. Les colonies de la côte occidentale. Le tunnel. La cabane au côble Doue. Les casernements familiaux. La prison de Doue. Les mines de charbon. La prison de Voeedvosk. Les enchaînés aux brouettes.

Viennent ensuite dix chapitres thématiques, consacrés à l'alimentation,

au niveau moral des relégués, aux évasions, aux problèmes sanitaires ... Tchekhov

construit un tableau des effectifs par âge, distingue familles légitimes et unions

libres, calcule un taux de natalité, mais ce genre de traitement -dont il se con-

tente parfois de rendre compte en note infrapaginale- n'est visiblement pas sa

préoccupation principale. A l'évidence, les données chiffrées soutiennent un ré-

cit, ou plutôt une suite de récits dont certains sont faits par les bannis eux-

mêmes (le récit d'Iégor, par exemple). L'inimitable musique tchekhovienne se fait

entendre à chaque page : discrétion, absence voulue de tout excès dans le ton,

pessimisme profond mais non dépourvu d'humour, foi paradoxale dans la capacité

humaine d'améliorer, sur des points précis, une.situation désespérée. Cet admira-

ble modèle nous fait nous demander, à nouveau, pourquoi la recherche en science

sociale a si souvent trahi sa vocation propre, en s'épuisant à mimer le

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- 15 -

positivisme des sciences physiques, au lieu d'oser marier avec les techniques de

la quantification les ressources de l'art et du style (1).

*

Inévitable, et sans doute destinée à s'appesantir encore, la statisti-

que impérialiste fonctionne dans un registre qui n'est pas, qui ne peut pas être

en premier lieu celui de la connaissance. Elle a d'autres fonctions, et je crois

que personne ne s'y trompe. Cependant le désir et le besoin de savoir ne sauraient

faire confiance à la seule intuition, fût-elle de la plus haute qualité. En nous

montrant, de façon exemplaire, qu'il faut compter pour mieux raconter, Tchekhov

nous indique par où il faut passer si l'on veut progresser vers une société rendue

plus consciente d'elle-même par la diffusion généralisée de la connaissance.

(1) Voir sur ce point :

- D. McCLOSKEY, The Rhetoric of Economics, Journal of Economic Literature, vol. XXI, juin 1983, pp. 481-517

- B. CALDWELL et A.W. COATS, The Rhetoric of Economics : a comment on Mc CLOSKEY, Journal of Economic Literature, juin 1984, pp. 575-578.

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- 16 -

NI TROP, NI TROP PEU

OU "UN" POINT DE VUE SUR LE BILAN DE L'ATELIER RÉGIONAL AFRICAIN SUR

LES BESOINS EN STATISTIQUES POUR LA PRÉVISION

(BRAZZAVILLE, 12-16 NOVEMBRE 1984)

PAR GÉRARD WINTER

Il m'a été demandé pour cette dernière séance de notre Atelier de faire

une "synthèse des synthèses". En réalité il s'agit là d'une expression bien trop

ambitieuse et je me contenterai de vous présenter la synthèse personnelle que je

peux faire maintenant "à chaud". C'est bien entendu une synthèse discutable et

présentée de manière très sommaire et parfois tranchée en raison du peu de temps

qui m'est imparti. Elle est faite pour être contredite, discutée, amendée,

nuancée.

Cet essai de synthèse sera soutenu par un thème conducteur qui m'est

apparu se préciser au fur et à mesurer de nos travaux. Il s'agit du juste équili-

bre à tenir entre l'aspect politique et économique des travaux de Prévision et

leur aspect technique.

Je développerai trois points que je résumerai ainsi :

1- en ce qui concerne cet équilibre, chaque pays invente sa solution

originale en fonction de ses caractéristiques institutionnelles et de la situa-

tion économique du moment ;

Gérard WINTER est Directeur Adjoint de l'Institut International d'Administration Publique, Paris.

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- 17 -

2- la qualité de cet équilibre entre l'aspect politique et économique

et l'aspect technique des travaux de prévision s'apprécie finalement en fonction

du type de "comptes nationaux provisoires" utilisé pour ces travaux. Cette notion

même de "comptes provisoires adaptés aux travaux de prévision" me paraît être au

coeur du thème de cet Atelier et devrait guider désormais nos efforts pour amélio-

rer les relations entre prévisionnistes d'une part, comptables nationaux et sta-

tisticiens d'autre part ;

3- il semble s'être dégagé, au fur et à mesure de nos discussions, un

certain consensus sur quelques thèmes méthodologiques importants.

*

I - CHAQUE PAYS INVENTE SA SOLUTION ORIGINALE

C'est là la première conclusion, fondamentale, qu'il faut tirer de cet

Atelier. Celui-ci a d'abord et avant tout permis de faire connaître et de discu-

ter les expériences développées par chaque pays ici représenté en ce qui concerne

les travaux de prévision annuelle et leurs relations avec les systèmes statisti-

ques et de comptabilité nationale.

Les communications écrites sont nombreuses, diverses, précises. La pré-

sentation des expériences de chaque pays a été complétée et nuancée lors des dé-

bats. Ceux-ci se sont déroulés dans une atmosphère de confiance réciproque et ont

suscité un intérêt et une participation soutenus. Ils ont "balayé" un très large

champ thématique ce qui n'a pas toujours permis, malheureusement, d'approfondir

un certain nombre de thèmes techniques.

Chacun d'entre nous ici présent a l'expérience et la compétence techni-

que suffisantes pour tirer lui-même et pour son propre pays les enseignements de

cette confrontation d'expériences nationales, sans qu'il soit absolument nécessai-

re d'expliciter des "recommandations" méthodologiques d'ordre général.

Ce que je retire de cette présentation des expériences nationales c'est

que chaque pays tente de trouver un équilibre acceptable et opératoire du point

de vue des utilisateurs entre les aspects techniques et les aspects institutionnels

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- 18 -

des travaux de prévision. Les solutions de compromis inventées par chaque pays

sont originales et variées et ne peuvent être facilement transposées d'un pays à

l'autre, sous peine de ne plus "coller" suffisamment aux caractéristiques politi-

ques, économiques et sociales du pays.

Cependant deux facteurs conditionnent fortement les solutions de compro-

mis progressivement mises au point.

Tout d'abord, bien sûr, la situation économique et financière du pays.

Selon que celui-ci doit faire face à une crise financière aiguë à court terme ou

qu'à l'opposé il s'agisse pour lui de gérer au mieux des ressources (pétrolières

par exemple) pour conduire un processus de développement régulier, efficace et

contrôlé, la nature des travaux de prévision annuelle est différente. Il y aurait

d'ailleurs lieu, pour le deuxième cas, de délimiter, avec plus de précision que

nous n'avons eu le temps de le faire au cours de cette semaine, les véritables

domaines et échéances d'articulation entre travaux de prévision à court terme et

travaux de planification.

Il va de soi qu'entre les deux cas que je viens d'évoquer des situations

intermédiaires existent et qu'un même pays peut voir sa situation évoluer progres-

sivement d'un extrême à l'autre.

Le deuxième facteur déterminant le type de rapport entre choix de poli-

tique économique à court terme et dispositif technique concerne la place respec-

tive de la statistique, de la comptabilité nationale et de la prévision dans l'ap-

pareil gouvernemental : lesquelles de ces "instances" relèvent du Ministère du

Plan, lesquelles du Ministère des Finances ?

Là encore les situations nationales sont diverses (il y a même le cas

où Finances et Plan relèvent d'une même autorité ministérielle) et peuvent évoluer.

Au vu des expériences nationales retracées ces jours derniers on pour-

rait avancer qu'un juste rapport entre "instances" techniques et "instances" poli-

tiques concernées par la politique économique annuelle est plus facile à trouver

lorsque les deux critères ci-dessus évoqués sont en concordance. Je veux dire par

là que les "instances" techniques relèvent de l'autorité politique (Finances ou

Plan) la plus concernée par la situation économique et financière du moment.

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- 19 -

Nous avons vu également qu'au delà de ce dispositif institutionnel les

relations personnelles existant entre les diverses catégories de techniciens (sta-

tisticiens, comptables nationaux, prévisionnistes) et, il faut y insister, leur

proximité géographique, peuvent jouer un très grand rôle.

* *

II - POUR UN JUSTE EQUILIBRE : QUELS COMPTES PROVISOIRES ET DONC QUELS COMPTES

PREVISIONNELS ?

Pour mieux me faire comprendre et pour rendre compte de ce qui a été

présenté au cours de cet atelier je cOmmencerai par schématiser deux cas-types se

situant de part et d'autre de ce juste équilibre : formalisation macro-économique

un peu trop fruste d'une part, budget économique fondé sur des comptes prévision-

nels un peu trop détaillés d'autre part. Cette présentation est volontairement

schématisée à l'excès. Il doit être entendu que ce n'est pas une description fidè-

le de telles ou telles expériences nationales, celles-ci étant plus proches du

juste équilibre recherché.

1er cas-type : Une prévision annuelle immédiatement orientée sur les

choix de politique économique et financière mais sans

véritable formalisation macro-économique de la situation

résultante

L'expérience de certains pays ici représentés montre qu'il est possible

de faire des prévisions utilisées, reconnues, soutenues par les responsables de

la politique économique et financière, et ceci sans utiliser des budgets économi-

ques stricto sensu, ni même des modèles économétriques "bouclés".

De telles prévisions sont basées :

- sur des "esquisses financières" relativement détaillées ;

- sur le suivi d'un certain nombre d'indicateurs conjoncturels ;

- sur la projection de quelques grandeurs macro-économiques qui permet-

tent de "caler" les projections financières et la synthèse conjoncturelle ;

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- 20 -

- sur la »perception fruste des interdépendances macro-économiques prin-

cipales" (je reprends ici une expression utilisée dans une des communications du

Sénégal), c'est-à-dire, au moins, sur un schéma logique implicite du fonctionne-

ment à court terme de l'économie nationale.

Qu'il s'agisse d'éclairer les responsables d'une politique d'ajustement

financier à court terme ou ceux du suivi macro-économique du Plan, de telles pré-

visions trouvent leur utilisation privilégiée lors de la préparation de la Loi

de Finances : quel déséquilibre des finances publiques dans le premier cas, quel

budget d'équipement dans le deuxième cas, quel endettement dans les deux cas ?

Pour conduire un tel travail de prévision à horizon annuel il est néces-

saire de disposer d'un certain nombre d'informations. Essayons de les passer en

revue brièvement en en déterminant le service responsable :

- une comptabilité nationale pas trop ancienne qui serve de base de ré-

férence macro-économique et permette sans trop d'incertitude de projeter les quel-

ques grandeurs macro-économiques servant à caler les prévisions (en fait, et au

moins, la projection de l'équilibre ressources-emplois sur biens et services, en

volume et en valeur) ;

- des données sur l'environnement international (taux de change, taux

d'intérêt, prix, situation économique des principaux pays partenaires, marchés des

matières premières). Diverses publications permettent de rassembler ces informa-

tions mais quelques suggestions ont été avancées au cours de cet atelier pour amé-

liorer la mise à disposition de ces informations auprès des pays de la région ;

- une analyse détaillée des variables monétaires et financières : mon-

naie, crédit, balance des paiements d'une part, finances publiques d'autre part.

Les informations nécessaires sont un sous-produit de l'activité des services du

Ministère des Finances, de la Banque Centrale et éventuellement du Plan pour ce

qui concerne la situation des investissements publics et de l'endettement exté-

rieur.

A ce propos, il est apparu, à l'occasion de quelques rapides discussions

sur le sujet, que les fichiers de projets élaborés pour le contrôle d'exécution du

Plan, même ceux combinant les suivis physique, économique et financier, n'étaient

guère opératoires pour des travaux de prévision macro-économique à court terme :

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- 21 -

- des données précises et récentes sur les tendances de la production,

du commerce extérieur et des prix. Ces trois rubriques sont du ressort spécifique

de la statistique qui devrait en faire ses priorités et déterminer en conséquence

les circuits administratifs correspondants (commerce extérieur, déclarations sta-

tistiques et fiscales) et les enquêtes conjoncturelles nécessaires (production,

emploi, capacités de production, prix, etc.) ;

- enfin, en l'absence de séries de comptabilité nationale rendant comp-

te de la consommation des ménages et des activités du secteur non structuré, un

palliatif pourrait être de réaliser quelques études spécifiques permettant d'i-

dentifier au moins les caractéristiques de comportement de cette part importante

de l'économie nationale.

Ce qu'a donc montré notre atelier, c'est qu'une telle pratique de la

prévision annuelle assurée par des "macro-économistes avisés et en alerte" peut

se révéler opérationnelle.

Une telle pratique, encore assez sommaire, permet de s'intégrer assez

facilement à un processus administratif de décision politique, sans l'écran d'un

langage trop technique, sans s'enfermer dans des discussions méthodologiques di-

latoires. Fondée sur un suivi conjoncturel des tendances de l'économie elle habi-

tue les responsables de la prévision à repérer et pressentir les rythmes et réac-

tions des diverses composantes de l'économie. Elle a donc un aspect pédagogique

évident et devrait être partout possible. Ce "premier cas-type" pourrait donc

être aussi qualifié de "première étape" de la prévision annuelle.

Cependant, il ne faut point se leurrer, une telle pratique de la prévi-

sion trouve vite ses limites si son développement ne s'accompagne pas d'un déve-

loppement parallèle des travaux de comptabilité nationale conduisant à l'élabora-

tion de comptes provisoires suivie de comptes prévisionnels fondant la prévision.

- Seul le cadre de la comptabilité nationale permet de contrôler, de

recouper les informations statistiques et d'assurer de féconds arbitrages. Un tel

cadre préside ainsi au développement de l'appareil statistique.

- Seuls des comptes nationaux réguliers et récents permettent de proje-

ter sans trop d'incertitude les grandeurs macro-économiques essentielles (sans se

contenter de corrélations élémentaires avec des données monétaires). Ils sont le

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"lieu" privilégié du dialogue et donc de la collaboration entre statisticiens,

comptables nationaux, prévisionnistes, planificateurs. Seuls ils évitent la proli-

fération et la diffusion anarchique d'estimations macro-économiques par des insti-

tutions nationales ou étrangères utilisatrices.

- Enfin, c'est à partir d'une série longue et homogène de comptes natio-

naux que pourraient être réellement étudiés les comportements des "secteurs insti-

tutionnels" et en particulier celui articulant les ménages et le secteur non

structuré.

Au-delà de ces impératifs techniques et méthodologiques il faut souli-

gner, et c'est ce qui a été fait lorsque nous avons discuté de l'expérience du

Congo, que seule la comptabilité nationale permet de prendre en compte les muta-

tions de l'économie. Elle permet d'assurer la continuité du travail de prévision

au fur et à mesure que les problèmes de l'heure évoluent. Elle permet, pour tout

dire, de ne pas refermer la prévision annuelle (et le schéma implicite de fonc-

tionnement de l'économie qui la sous-tend) sur les contraintes et les politiques

financières de l'heure mais aussi de l'articuler aux nécessités et objectifs d'une

politique de développement.

2ème cas-type : Une prévision annuelle basée sur des comptes prévision-

nels détaillés

Plus élaboré du point de vue technique, ce deuxième type de prévision

annuelle est basé sur la disponibilité d'une série longue de comptes nationaux dé-

taillés. On procède alors selon la méthodologie désormais classique des budgets

économiques. Et il n'y a pas lieu de s'étendre longuement sur les aspects techni-

ques de cette méthodologie. Situation naturellement plus favorable pour les prévi-

sionnistes car, comme dit l'adage, "Qui peut le plus, peut le moins".

L'efficacité du processus de prévision sera accrue si l'on sait éviter

les dangers d'un raffinement technique excessif.

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L'expérience montre que si l'on élabore des comptes prévisionnels (et

donc aussi des comptes provisoires) trop détaillés on risque de rencontrer certai-

nes difficultés. On risque en effet :

- d'accorder trop d'importance à des problèmes techniques concernant la

projection comptable d'un grand nombre de données en "oubliant" que les données

exogènes sur lesquelles repose le modèle sont nombreuses et très incertaines :

le raffinement technique n'est pas alors à la mesure de la signification des

résultats ;

- de recourir pour ces prévisions à des spécialistes de comptabilité na-

tionale, lesquels ne sont pas toujours bien entraînés aux raisonnements macro-

économiques ni bien au fait des rythmes et réactions de l'économie nationale ;

- de respecter plus difficilement les échéances administratives du pro-

cessus général de prévision, compromettant ainsi l'intégration ex ante des travaux

techniques à la procédure des choix politiques ;

- de rendre moins immédiat, moins facile le dialogue avec les instances

politiques ;

- de confondre prévisions macro-économiques à horizon annuel pour une

politique de régulation à court terme avec des projections macro-économiques re-

latives au cheminement du Plan (c'est ainsi qu'il arrive qu'un même modèle soit

utilisé par la prévision et par la planification).

t

Le juste milieu entre ces deux cas-types dont les traits ont été forcés

à dessein devra être recherché grâce à une élaboration adéquate de comptes provi-

soires engendrant des comptes prévisionnels de même structure et de même finesse

(ou, ce qui est équivalent, de même agrégation) adaptés aux objectifs de la pré-

vision à court terme.

Il me semble qu'il s'agit là de la question centrale, je dirais même de

la recommandation essentielle sur laquelle a débouché notre atelier. Nous l'avons

abordé à plusieurs reprises et une communication l'a même traité explicitement en

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- 24 -

proposant.une méthode d'élaboration de comptes rapides et provisoires mais le dé-

bat comme l'échange d'expérience ont été trop rapides et sont donc restés superfi-

ciels.

Toute la question est alors de savoir comment doivent se présenter, com-

ment il faut élaborer ces comptes provisoires ? Question encore sans réponse pré-

cise même si on peut avancer que ces comptes doivent réunir un certain nombre de

"qualités" :

- être obtenus rapidement (moins de mois après la fin de Vannée sous

revue ?)

- être plus simples, plus agrégés que les comptes définitifs (faut-il

procéder simplement par agrégation d'un certain nombre de postes des nomenclatu-

res et, si oui, jusqu'où faut-il pousser l'agrégation ?) ;

- avoir une "structure" mettant en évidence ]es comportements, réactions,

déséquilibres de l'économie à court ternie (mais cette structure ne doit pas être

trop différente de celle des comptes définitifs détaillés) ; cette adaptation des

comptes provisoires à leur traitement dans une optique de court terme pourrait

consister par exemple à isoler les comptes du secteur public et ceux des filières

des principaux produits de base exportés, à distinguer les secteurs liés à l'offre

et ceux liés à la demande, à garder la finesse des Comptes relatifs au budget de

l'Etat et à l'extérieur, etc.) ;

- être obtenus à partir d'une "base" récente (comptes détaillés de l'an-

née précédente ?) ;

- traiter la production, le commerce extérieur, les prix avec une parti-

culière vigilance.

Si sur la nature exacte de ces comptes provisoires notre analyse n'a

guère dégagé d'enseignements précis faute de temps et sans doute d'expérience,

par contre un consensus semble s'être dégagé quant à la nécessité d'organiser la

collaboration entre comptables nationaux et prévisionnistes pour concevoir la

structure de ces comptes provisoires, voire pour en élaborer une première série.

Cette rechercne en commun faciliterait considérablement la collaboration

ultérieure entre les uns et les autres. Elle consisterait à mettre en regard :

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- une évaluation de la fiabilité des diverses composantes des comptes

détaillés ;

- les variables instrumentales de la politique à court terme ;

- ce que l'on sait, empiriquement ou économétriquement, des effets de

ces variables instrumentales sur les autres grandeurs caractérisant la situation

et les équilibres de l'économie à un horizon de 12 à 18 mois.

Les comptes prévisionnels devraient se limiter à décrire cette "élasti-

cité" de l'économie à court terme (d'où certaines conclusions quant à la n,inire

de traiter le TES, le secteur non structuré, etc.). Des comptes prévisionnels

nécessaires on déduit les comptes provisoires utiles.

En fin de compte, il s'agira d'arbitrer entre rapidité et fiabilité des

comptes provisoires. La première sera défendue par les prévisionnistes, la secon-

de par les comptables nationaux. Féconde confrontation - collaboration dont les

enseignements pourraient faire l'objet de notre prochain atelier régional !

III - UN CERTAIN CONSENSUS SUR QUELQUES THEMES MÉTHODOLOGIQUES IMPORTANTS ?

Outre la question centrale relative à la nature et aux délais d'élabora-

tion des comptes provisoires, question que je viens d'aborder longuement, un cer-

tain nombre de thèmes intéressant la collaboration entre statisticiens, comptables

nationaux et prévisionnistes ont été clarifiés. Il me semble même qu'un consensus

informel s'est établi à propos de certains d'entre eux.

1- Respect d'échéances régulières

Les travaux de prévision doivent être impérativement réalisés en fonc-

tion du calendrier des principales décisions gouvernementales. Ils doivent donc

respecter les échéances des procédures parlementaires, gouvernementales, adminis-

tratives.

Le calendrier et les échéances des travaux techniques doivent non seule-

ment respecter ce calendrier institutionnel mais encore s'adapter autant que faire

se peut aux rythmes de l'économie. La périodicité des travaux et donc des documents

consignant les résultats de ces travaux, es': parfois inutilement courte (un

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bulletin de conjoncture trimestriel est-il économiquement et techniquement justi-

fié ?). Une fois respecté le calendrier politique mieux vaut viser la régularité

que la fréquence des prévisions.

Une fois évaluée et explicitée la périodisation convenable des travaux

de prévision on déduit le calendrier des travaux des divers techniciens concernés

(statisticiens, comptables nationaux, "conjoncturistes", planificateurs, etc.),

les échéances de leur confrontation, le rythme des publications.

2- Distinction entre concertation technique et concertation politique

Les choix relatifs à la politique économique annuelle résultent d'une

concertation interministérielle plus ou moins poussée et surtout plus ou moins

formalisée. Cette concertation se fait généralement dans le cadre de "Comités de

conjoncture" présidés par le Ministre responsable de cette politique à court ter-

me, auxquels participent les directeurs des principales administrations économi-

ques et financières et que prépare la Direction de la Prévision. Ces comités ne

sont pas véritablement le lieu de la concertation des divers spécialistes dont dé-

pend la qualité technique des travaux de prévision. Ils doivent être précédés de

la réunion des techniciens concernés par les diverses évaluations chiffrées (Cf

sous-comité d'experts au Zaïre, Groupe de modélisation macro-économique au Sénégal,

etc.). Il faut veiller à ne pas confondre les comptes techniques que doivent dis-

cuter les experts et les comptes "normés" qui résultent des choix gouvernementaux.

3- Confidentialité ou circulation de l'information ?

La collaboration entre statisticiens, comptables nationaux, techniciens

de la prévision et de la planification semble se heurter à une difficulté constan-

te : la circulation de l'information serait freinée voire interdite par les auto-

rités politiques détentrices de cette information. Il est vrai que le cloisonnement

des diverses administrations est un phénomène bien connu et que la rétention de

l'information a quelque chose à voir avec la hiérarchie des pouvoirs. Le problème

n'est donc pas facile à résoudre et il a été abondamment invoqué pour expliquer

les difficultés de collaboration entre statisticiens et prévisionnistes. Diverses

suggestions ont été avancées pour favoriser de manière très pragmatique la solu-

tion de cet irritant problème :

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-27-

- valoriser au maximum la qualité des rapports personnels entre spécia-

listes du même "corps", favoriser la mobilité de ces spécialistes d'une instance

technique à une autre, compter tout autant sur la proximité géographique que sur

l'intégration institutionnelle ;

- organiser la collaboration et donc la circulation de l'information

dans le cadre d'instances administratives de concertation (Cf comités techniques

de conjoncture) et de projets en commun officiellement approuvés (Cf conception

commune des comptes provisoires, d'un modèle) ;

- veiller à organiser la réciprocité des échanges : il doit y avoir re-

tour de l'information élaborée vers les émetteurs individuels, chaque unité insti-

tutionnelle doit se sentir dépendante des autres pour atteindre ses propres objec-

tifs ;

- clarifier les problèmes de confidentialité pour éviter d'en faire des

alibis puis demander des "instructions" aux autorités hiérarchiques concernées

pour en expliciter les arbitrages ;

- expliciter, consigner les méthodologies suivies pour élaborer l'infor-

mation, les comptes, les prévisions. La rusticité des méthodes utilisées a bien

souvent sa rigueur et ne mérite pas les voiles pudiques dont on les recouvre trop

souvent ;

- se soucier de la qualité, de la régularité des publications.

4- L'apport spécifique du statisticien

Les informations financières et monétaires, les données sur l'environ-

nement international, la recherche d'indicateurs conjoncturels sont des ingré-

dients essentiels de la prévision à court terme pour lesquels la collaboration

permanente des statisticiens et comptables nationaux n'est pas nécessaire. Par

contre ceux-ci sont absolument et immédiatement indispensables pour fournir et

analyser les informations sur la production, le commerce extérieur et les prix.

C'est la demande prioritaire des prévisionnistes. Ils demandent ensuite des comp-

tes provisoires puis quelques détails sur la consommation des ménages et le sec-

teur non structuré.

En ce qui concerne les données sur la production (en particulier la

production du secteur secondaire), l'apport des enquêtes de conjoncture ne devrait

pas compromettre une exploitation rapide et spécifique des déclarations statisti-

ques et fiscales (DSF) des entreprises.

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5- Le recours avisé à la micro-informatique peut faire sauter bien

des irritants goulots d'étranglement du travail des prévisionnistes (calculs,

gestion de l'information, secrétariat, etc.) comme l'a montré l'expérience récen-

te de la Direction de la Prévision du Sénégal. Le développement de la micro-

informatique dans les administrations économiques va s'accélérer. Organiser la

circulation d'information sur l'expérience en ce domaine des Directions de la

Statistique et de la Prévision des différents pays serait sans doute très profi-

table à tous.

6- Mieux mobiliser les données sur l'environnement international

Deux suggestions à ce propos :

- mobilisation de certaines données de la Banque de Données CRONOS

gérée par l'OSCE ;

- un Bulletin de Conjoncture Internationale utilisable par les Direc-

tions de la Prévision en Afrique, à partir des données déjà rassemblées par di-

vers services d'études économiques français.

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-29-

SYSTÈME D'INFORMATION STATISTIQUE ET PRÉVISION EN AFRIQUE :

ÉLÉMENTS DE DIAGNOSTIC

PAR MARC RAFFINOT*

I - METHODE

Il a semblé que la méthode la plus correcte pour traiter le problème de

l'adéquation du système d'information statistique aux besoins de la prévision à

court terme consistait à partir de l'objectif final : l'amélioration de la politi-

que économique à court terme, qui seule donne son sens aux exercices de prévision.

On a donc considéré l'ensemble de la chaîne qui va de la production des statisti-

ques de base (par le Trésor, la Douane, les Ministères techniques, etc.) à leur

synthèse sous forme de comptabilité nationale et de documents macro-financiers

(Banque Centrale), à leur traitement par la Prévision ou le Plan jusqu'à leur uti-

lisation finale par les décideurs.

Dans l'optique proposée, il convient de s'interroger d'abord sur les con-

ditions de la prise de décision économique, et de rechercher, sur cette base, quel-

les sont les informations pertinentes pour améliorer le processus. Il s'agit donc

de remonter la chaîne, à partir de son point d'arrivée. Ceci doit permettre de

trancher entre les multiples propositions d'amélioration envisageables, si l'on

considère qu'il s'agit non de raffiner sur des chiffres d'une utilité douteuse,

mais de produire une information directement utilisable, au moindre coût. On en-

tend par là qu'il s'agit de disposer dans les délais les plus brefs des informa-

tions correspondant à l'impact des variables instrumentales dont disposent les dé-

cideurs, compte tenu des contraintes qui caractérisent chaque économie spécifique.

M. RAFFINOT est consultant du Ministère français des Relations Extérieures -Services Coopération et Développement - pour une étude sur la Prévision à court terme en Afrique.

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- 30-

II - PRISE EN COMPTE DES SPECIFICITES

Ce rapport vise à présenter essentiellement une grille d'analyse de

l'ensemble de ces problèmes, et doit donc se placer à un niveau d'assez grande

généralité.

Il n'en demeure pas moins que les sociétés et les économies africaines

présentent de notables différences, qui tendent d'ailleurs plutôt à s'accroître.

L'instabilité qui résulte des chocs externes varie considérablement sui-

vant les pays et les périodes, comme le montre le tableau suivant où l'indice

d'instabilité est calculé comme la somme des valeurs absolues des écarts relatifs

entre la valeur observée des revenus à l'export et la valeur du trend, divisée par

le nombre d'années :

INDICE D'INSTABILITE DES REVENUS A L'EXPORTATION

(en %)

1950-60 1960-70 1970-80

BENIN 10,8 24,2 12,2

BURKINA FASO 13,8 19,7 12,9

CAMEROUN 11,6 6,2 12,0

CONGO 42,2 23,4 28,2

COTE d'IVOIRE 9,5 5,4 9,6

MADAGASCAR 9,5 5,4 6,7

MALI 12,1 35,8 11,5

MAROC 7,3 3,2 18,3

MAURITANIE 17,6 70,1 18,2

NIGER 25,6 14,7 8,3

SENEGAL 15,3 4,7 23,8

TCHAD 12,5 12,1 10,4

TOGO 22,3 9,2 22,9

TUNISIE 8,5 3,6 16,1

Moyennes

Pays industrialisés 6,9 4,0 6,6 Pays bas revenu 13,4 16,3 15,5 Pays revenu moyen 11,3 8,9 15,7

Source : Banque Mondiale, Price Prospects for major Primary Commodities, 1982, p. 10

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- 31 -

Etablir une typologie sous l'angle de cette étude exigerait la prise en

compte de nombreuses variables, qu'on peut lister rapidement ainsi :

- niveau de "développement" économique, avec la distinction entre les

PMA et les autres pays ;

- degré d'industrialisation, en ce qui concerne en particulier l'existen-

ce ou non d'une industrie significative de substitution d'importations ;

- sensibilité de l'économie aux chocs externes (prix des matières premiè-

res, cours du dollar, prix de l'énergie) ;

- disposition ou non de réserves de matières premières énergétiques non

renouvelables (pétrole, gaz, uranium) ;

- place sur le marché mondial en ce qui concerne les principales produc-

tions exportées, et caractère de ces productions (délais entre les investissements

et les augmentations de production, élasticités de l'offre par rapport aux prix) ;

- ancienneté et expérience de l'Administration à caractère économique ;

- niveau d'autosuffisance alimentaire.

La prise en compte de ces variables permettrait de repérer les différen-

ces considérables entre des économies comme celles des pays enclavés du Sahel, ou

l'on ne dispose que d'éléments de comptabilité nationale, et où l'expérience en ma-

tière de prévision est très faible, et des économies comme celles de la Côte

d'Ivoire où l'on dispose d'une comptabilité nationale lourde incluant un TOF, d'une

centrale des bilans et de modèles informatisés de prévision et de planification.

On a donc cherché à tenir compte de cet état de choses en complétant le

diagnostic effectué dans certains pays par la prise en compte d'autres expériences,

par l'étude de documents ou la discussion avec des experts. Les expériences ainsi

prises en compte sont celles du Sénégal, du Congo, du Cameroun, de la Côte d'Ivoire,

du Mali et du Gabon.

III - GRILLE D'ANALYSE

La grille proposée•pour l'analyse des problèmes d'utilisation des données

statistiques est présentée de la façon suivante : pour chaque thème, les questions

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- 32 -

qui semblent les plus pertinentes sont d'abord listées. Ensuite, sous la rubrique

correspondante, certaines précisions ou remarques sont ajoutées, ainsi, le cas

échéant, que le renvoi à des expériences significatives dans le domaine considéré,

avec indication du ou des pays pour lesquels ces indications sont pertinentes.

3.0. PRISE DE DECISION MACRO-ECONOMIQUE

3.0.0. Qui prend les décisions finales ?

3.0.1. En fonction de quels objectifs ?

3.0.2. Quelles sont les contraintes prises en compte ?

3.0.3. Qui prépare les décisions et propose les mesures à prendre ?

3.0.0. Les décideurs "en dernier ressort" sont des hommes politiques,

ayant ou non une formation économique (ou des conseillers directs possédant cette

formation).

3.0.1. De par leur fonction, les objectifs qu'ils poursuivent sont à re-

lativement court terme, et concernent surtout les critères de succès du secteur

dont ils ont la charge (volume du financement extérieur obtenu pour le Plan, valeur

ajoutée du secteur pour les Ministères techniques, etc.). A un niveau plus élevé,

les décideurs sont surtout préoccupés par des indicateurs qui reflètent d'éventuel-

les tensions sociales (emploi, emploi par catégories sociales, variations de reve-

nus, etc.).

Des statistiques macro-économiques agrégées ne retiendront l'attention

que si elles permettent de déceler ce genre de tensions. Au Sénégal, par exemple,

ni la comptabilité nationale ni même les concepts de la comptabilité nationale ne

sont utilisés au niveau du cabinet du Ministre des Finances. Ces concepts, de plus,

sont pratiquement absents du discours politique. (quoiqu'on observe quelques change-

ments récents de ce point de vue). En vue de préparer la prise de décision, il sem-

ble donc nécessaire de présenter les principaux éléments d'information et de choix

dans un langage moins technique que celui de la comptabilité nationale.

3.0.2. Les contraintes prises en compte "spontanément" sont donc rarement

économiques, mais plutôt politiques (électorales), sociales, ou résultant de pres-

sions diverses. L'analyse de ces interactions renvoie à la sociologie de la prise

de décision, mais ne doit pas faire oublier que les pressions externes ont joué un

rôle non négligeable dans le choix de variantes optimistes, en raison de la conver-

gence d'intérêt entre banques prêtes à financer et entreprises désireuses de vendre

leur matériel ou leurs services.

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- 33 -

Ce n'est donc, en général, que lorsqu'on bute sur des contraintes (dif-

ficultés de financement du déficit budgétaire, négociation d'emprunts extérieurs,

etc.) qu'un besoin d'informations macro-économiques plus détaillées se fait jour.

3.0.3. Significativement, la plupart des services de prévision macro-

économique ont été créés dans des années de crise, notamment à la suite du premier

choc pétrolier, et ne sont utilisés réellement qu'en cas de crise. Leur fonction

"classique" de confection des budgets économiques est souvent considérée comme se-

condaire, et les services de prévision ont tendance à fonctionner (Cameroun, Séné-

gal) comme des cellules d'étude et de conseil sur l'ensemble des problèmes macro-

économiques (problèmes de réévaluation des bilans, de mise en place de chaînes de

traitement informatique, d'analyse des systèmes de subventions, d'analyse de types

particuliers de dépenses de l'Etat). Dans certains cas (Sénégal), le service de

prévision devient ainsi l'animateur des discussions avec le FMI. Cette dérive ne

doit sans doute pas être jugée négativement par simple référence aux objectifs ini-

tiaux ou par rapport à ce qui se fait ailleurs. Un besoin existait, qui se trouve

ainsi satisfait et peut se transformer en une véritable fonction de contrôle de

gestion macro-économique (au sens américain de contrôle : étude des systèmes et

propositions d'amélioration).

Il importe également de savoir dans quels délais les chiffres pertinents

doivent être produits pour être utiles. Inversement, certains chiffres disponibles

ne sont pas utilisés (problèmes de circulation de l'information).

Il apparaît fréquemment que les décideurs n'ont qu'une faible perception

des interrelations que mettent en oeuvre leurs décisions, et notamment de la façon

dont le moyen terme est conditionné par les décisions à court terme (par exemple

en cas de multiplication de projets peu productifs à forts coûts récurrents pour le

budget national de manière à obtenir à court terme quelques financements en devi-

ses, ou d'accroissement de la fonction publique dans les périodes de forte crois-

sance liée à un début d'exploitation pétrolière) ?

Ce dernier point renvoie non seulement à des probl4es "techniques" de

formation, mais aussi à des problèmes de motivation politique et à des problèmes

culturels (perception du temps).

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- 34 -

La préparation des décisions de politique économique se heurte souvent

à des difficultés considérables, du fait du manque d'informations pertinentes four-

nies par l'appareil statistique (en particulier sur les comportements des agents,

sur les rythmes de répercussion des mesures envisagées ou des chocs). Il est remar-

quable, par exemple, que les récentes modifications de prix producteurs des produits

agricoles soit à la baisse (Sénégal), soit à la hausse (Côte d'Ivoire) aient enco-

re été décidées sans qu'on soit en mesure d'en chiffrer les effets directs ou in-

directs.

De plus, ces mesures ne sont pas toujours évaluées a priori, mais après

que la décision a été prise (mesures "suggérées" par le FMI, ou mesures politiques

décidées, par exemple, au niveau de l'UMOA).

Ces problèmes concrets du processus de prise de décision économique sont

difficiles à traiter. Ils seront sans doute moins aigus lorsque les nouvelles géné-

rations, mieux formées sur le plan technique, obtiendront des postes décisionnels.

Dans la suite, nous supposerons ces problèmes résolus pour nous intéresser aux

problèmes économiques qui se posent et aux besoins d'information statistique qu'ils

génèrent.

3.1. PROBLEMES ECONOMIQUES ET BESOIN D'INFORMATION

3.1.0. Quels sont les problèmes économiques le plus souvent rencontrés ?

3.1.1. Quelles sont les variables instrumentales disponibles ?

3.1.2. Quelles sont les informations nécessaires pour suivre la situa-

tion dans les domaines concernés ?

3.1.3. Quelles sont les informations nécessaires pour chiffrer l'impact

des mesures que l'on peut proposer pour améliorer la situation ?

3.1.0. Les problèmes varient, bien sûr, d'un Etat à l'autre (cf typolo-

gie), mais un certain nombre paraissent assez généralisés :

- déficit croissant des finances publiques lié à une augmentation des

coûts de personnel plus rapide que l'augmentation des recettes budgétaires (inadap-

tation du système scolaire)

- faible croissance des productions agricoles, et, en particulier, des

productions vivrières (résultat conjugué des politiques agraires menées depuis

l'indépendance et des conditions climatiques) ;

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- 35-

- déficit des entreprises publiques dû à une gestion déficiente et/ou

à des réglementations trop contraignantes ;

- difficultés du maintien de subventions aux produits de première néces-

sité destinées à contenir l'élévation du taux de salaire ;

- difficultés à absorber les chocs extérieurs (évolution du prix de l'é-

nergie, brusques variations du taux de change effectif et des taux d'intérêt étran-

gers) ;

- difficultés pour maintenir le secteur industriel de substitution d'im-

portation à un niveau compétitif sur un marché étroit (subventions), et pour cons-

tituer un secteur industriel d'exportation ;

- difficultés pour augmenter la protection de l'économie, déjà très éle-

vée et partiellement battue en brèche par la contrebande ;

- accroissement du service de la dette publique, des arriérés de paie-

ments de l'Etat et de la dette extérieure, avec diversification des devises dans

lesquelles la dette extérieure est libellée (accroissement du risque de change

global).

Seuls un petit nombre de pays peuvent encore se poser le problème d'opti-

misation de ressources à investir dans un cadre planifié.

3.1.1. Face à ces problèmes, les variables instrumentales dont dispose

l'Etat sont bien connues et relativement limitées : dépenses budgétaires (recrute-

ment de la fonction publique, salaires des fonctionnaires, consommations des Admi-

nistrations, investissements de l'Etat ou contreparties nationales aux projets de

développement) ; recettes budgétaires (droit de douane, assiettes fiscales, taux

d'imposition) ; fixation des prix aux producteurs agricoles et des prix des biens

de première nécessité ; fixation des salaires minima ; fixation des tarifs publics.

Encore faut-il souligner que la plage d'efficacité de ces variables tend

à se réduire, et qu'il existe des seuils au delà desquels ces variables devienhent

inopérantes (une trop forte élévation des droits de douane, par exemple, conduit

à une généralisation de la contrebande et à une diminution des recettes fiscales).

Un problème particulier est celui de la politique monétaire, dans la mesure où les

politiques de crédit, de masse monétaire et de taux de change ne sont pas directe-

ment à la disposition des pouvoirs publics.

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-36-

Une complication ultérieure tient au fait que peu de ces variables sont

véritablement d'application macro-économique. Le taux de change ne peut être uti-

lisé, et l'hypothèse d'unicité du taux d'intérêt est dépourvue de signification.

Les effets directs de la variation de chaque variable sont donc d'abord sectoriels.

3.1.2./3. Beaucoup d'informations nécessaires au bon suivi des problèmes,

ou permettant d'émettre des propositions justifiées de mesures à prendre ne sont

pas produites par l'appareil statistique classique. On aurait besoin d'informa-

tions sur un certain nombre de variables particulières (besoin de financement du

secteur public consolidé, par exemple), mais aussi de renseignements sur les com-

portements des agents, de manière à pouvoir effectuer un paramétrage, même gros-

sier, des principales relations macro-économiques, et, enfin, d'une bonne connais-

sance des vitesses de diffusion des flux (rapidité de la répercution des variations

de production sur les recettes fiscales, par exemple).

Mais l'acuité des problèmes subordonne de plus en plus la collecte et

la mise en forme des informations aux exigences des bailleurs de fonds, FMI, BIRD

ou bilatéraux. Une part croissante des activités de services de planification et

de prévision est destinée à répondre aux besoins d'information "externe" (ce qui

n'a d'ailleurs pas que des aspects négatifs, notamment en ce qui concerne la rapi-

dité de collecte de l'information). Ainsi tendent à s'imposer des nomenclatures et

des modes de présentation cohérents avec une certaine approche "monétaire" qui ne

laissent que peu de possibilité de développer d'autres problématiques.

Ces documents, avec les critères de performance qui leur sont liés et

les normes de politique économique qui sont à la base de leur élaboration, sont

de plus en plus utilisés aussi pour la prise de décision économique interne.

Dans certains cas, des pans du système d'information statistique doivent

être sous-traités, comme cela se produit souvent pour les systèmes de suivi de la

dette extérieure, confiés à des Banques privées internationales.

Enfin, le durcissement des problèmes depuis la seconde moitié des années

70 conduit à un déplacement de l'information nécessaire du long terme au court,

voire très court terme, et de la macro-économie au domaine financier.

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-37-

L'incidence de cette double évolution est très nette sur les institutions,

avec un déplacement de pouvoir du Plan vers la Prévision, et des Administrations

(chargées des statistiques "réelles") vers les institutions financières (chargées

des statistiques monétaires).

3.2. PREVISION ET SUIVI CONJONCTUREL

3.2.0. Le suivi conjoncturel de l'économie est-il réalisé de manière

opérationnelle ?

3.2.1. Qui effectue ce suivi, suivant quelles méthodes ?

3.2.2. Utilise-t-on les informations du suivi pour affiner la con-

naissance des comportements des agents économiques ?

3.2.0. L'organisation d'un bon système de suivi conjoncturel semble es-

sentiel pour permettre de repérer les évolutions, les comparer aux prévisions et

prendre le cas échéant les mesures correctives nécessaires. De plus, le suivi con-

joncturel permet d'acquérir progressivement une bonne connaissance de l'économie

nationale, et peut, de ce point de vue, constituer la première tâche confiée à une

équipe de prévision en formation (Congo).

La contrainte essentielle est une contrainte de délai : il faut que le

dépouillement des questionnaires soit réalisable rapidement pour que les informa-

tions soient utiles.

3.2.1. Le suivi conjoncturel doit être effectué en étroite liaison avec

l'équipe chargée de l'interprétation des résultats.

Les questionnaires qualitatifs, surtout sectoriels, semblent d'une in-

terprétation difficile et devraient sans doute être réservés à des équipes expéri-

mentées.

3.2.2. Le suivi conjoncturel devrait permettre une meilleure connaissan-

ce des comportements des agents économiques (en particulier des entreprises) et

de leurs réactions aux mesures de politique économique.

De - même, l'étude a posteriori des effets macro-économiques de mesures

prises devrait permettre d'affiner les connaissances des comportements des agents,

suppléant en partie le défaut de connaissance des comportements des ménages en

particulier.

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- 38 -

3.3. RAPPORT PLAN/PREVISION

3.3.0. Le Plan est-il découpé en tranches annuelles respectant les

équilibres à court terme ?

3.3.1. Le Plan fournit-il un suivi physique et financier des projets

traduisibles en termes de comptàbilité nationale ?

3.3.2. La Prévision a-t-elle adopté une méthodologie permettant le

suivi annuel des objectifs du Plan ?

3.3.0. Faute de poser ces questions lors de l'élaboration du Plan, il

existe de gros risques de voir remettre rapidement en cause les investissements

prévus, ce qui se traduit souvent par des coupes arbitraires (voire même à ce que

le Plan soit mis devant le fait accompli). Pour éviter d'en arriver là, on cherche

quelquefois à définir des programmes prioritaires qui ne doivent être annulés

qu'en tout dernier lieu (noyau dur), mais ce n'est pas suffisant en cas de crise

vraiment grave.

La mise au point d'un modèle utilisable à court comme à moyen terme (cas

de la Côte d'Ivoire ou du modèle SMAC pour le Congo) est utile pour vérifier la

cohérence entre les objectifs à moyen terme et l'évolution à court terme. De tels

modèles devraient toujours permettre d'établir le lien entre les prévisions réel-

les et l'impact sur les variables financières. En particulier, ces modèles de-

vraient permettre l'actualisation à moyen terme du service de la dette extérieure.

L'élaboration de ce modèle par l'ensemble des futurs utilisateurs (Sénégal) semble

une procédure très enrichissante.

Enfin, l'utilisation d'un Tableau de Financement Sectoriel (TFS) peut

s'avérer utile pour vérifier la cohérence macro-financière du Plan, et pour en

suivre l'exécution.

3.3.1. Les données du Plan utilisées pour le suivi sont le plus souvent

produites en termes de financement obtenu par projet. Pour assurer la cohérence

avec la Prévision ou la comptabilité nationale, il importe de pouvoir passer aisé-

ment de l'analyse en termes de financement à une analyse en termes de FBCF. Une

telle procédure, informatisée sur micro, est en train de voir le jour au Sénégal.

3.3.2. Ce point suppose résolu le point précédent (avec définition de

déflateurs adéquats), mais exige aussi que les objectifs de croissance des valeurs

ajoutées par secteurs soient décontractées année par année.

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-39-

3.4. METHODE DE PREVISION A COURT TERME

3.4.0. Quel est (ou sont) l'organisme chargé d'effectuer les prévi-

sions macro-économiques à court terme ?

3.4.1. Quelle méthode est utilisée pour la confection des budgets

économiques ? Pour celle des budgets exploratoires ?

3.4.0. Souvent, des prévisionséconomiques à court terme sont réalisées

simultanément ou de façon décalée par les services de prévision et par la banque

centrale. La collaboration entre institutions peut être très profitable, car la

BCEAO par exemple effectue des enquêtes spécifiques (commerce intérieur, pat exem-

ple), en plus de son "monopole" des statistiques financières (balance des paie-

ments et masse monétaire). Même en cas de collaboration étroite pour les projec-

tions "réelles" (Sénégal), ce dispositif institutionnel n'est cependant pas sans

inconvénient pour le processus de projection. Il complique l'intégration des va-

riables extérieures (projection du commerce extérieur) et, surtout, conduit à

scinder la projection en deux étapes, sans processus d'itération systématique :

dans un premier temps sont établies des projections réelles (croissance du PIB en

volume et en valeur), et dans un second temps sont fixées les variables monétai-

res (dont le volume des crédits à l'Etat et à l'économie). Il serait sans doute

souhaitable d'intégrer plus précisément ces deux démarches.

3.4.1. Les méthodes de projection utilisées sont relativement semblables,

malgré de grandes différences dans le degré de sophistication. Elles restent dépen-

dantes des informations disponibles, qui ne permettent pas toujours de réaliser

tous les tests de cohérence qui pourraient sembler souhaitables (revenus-consomma-

tion, production-importations, etc.).

3.5. PREVISION MACRO-ECONOMIQUE ET LOI DE FINANCES

3.5.0. Les prévisions macro-économiques réalisées par les services

de prévision sont-elles susceptibles d'améliorer l'élabora-

tion du budget de l'Etat ?

3.5.1. Le budget de l'Etat se traduit-il facilement en termes macro-

économiques ?

3.5.0. On doit mettre une emphase particulière sur le premier point,

puisque la confection de budgets économiques était souvent évoquée, lors de la

création des services de prévision, comme la tâche principale à remplir.

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-40-

On constate souvent que cette tâche n'est pas ou peu remplie. Il en va

ainsi d'abord, semble-t-il, parce que les prévisions macro-économiques effectuées

pour les budgets économiques exploratoires n'améliorent pas de façon décisive la

qualité des prévisions nécessaires à la confection du budget. Le peu de connais-

sance des comportements, l'importance des fluctuations aléatoires, redoublées,

dans certains cas, par une mauvaise situation de l'année budgétaire (Sénégal), ren-

dent peu significatif le gain de précision obtenu par rapport aux méthodes tradi-

tionnelles. Les variations des recettes budgétaires ont évidemment un lien avec

les variations de certaines grandeurs macro-économiques, ce qui permet théorique-

ment d'établir des corrélation(s et de rechercher des indicateurs pertinents ; mais

les recettes budgétaires dépendent peut-être plus encore des variations d'assiette

et de taux de recouvrement, éléments que les services budgétaires sont souvent

plus aptes à évaluer. C'est pourquoi les méthodes anciennes, basées sur des extra-

polations de tendance, la connaissance empirique de la sensibilité des recettes

fiscales à la conjoncture et l'évaluation "arbitraire" des modifications du systè-

me budgétaire restent encore largement utilisées.

3.5.1. Ce problème est rendu plus complexe par les difficultés de traduc-

tion des documents budgétaires en termes utilisables pour l'analyse économique.

Les nomenclatures budgétaires correspondent à des logiques administratives dont

la traduction en termes de comptabilité nationale n'est pas évidente. Des tentati-

ves intéressantes ont été faites pour réduire ces problèmes (notamment, au Cameroun,

la chaîne NATECO de traitement des achats de l'Administration), mais aucune procé-

dure ne fonctionne de façon satisfaisante. Bien souvent, le problème s'est même

aggravé car, en cas de crise, la multiplication des expédients budgétaires conduit

souvent à utiliser des postes de manière différente de leur affectation théorique

(multiplication des comptes spéciaux du Trésor aux utilisations mal définies, par

exemple).

3.6. ELABORATION ET ADAPTATION DE LA COMPTABILITE NATIONALE

3.6.0. La comptabilité nationale décrit-elle la réalité de façon

adéquate ?

3.6.1. La comptabilité nationale est-elle adaptée à la prise de dé-

cision macro-économique ?

3.6.2. Comment la comptabilité nationale est-elle élaborée ?

3.6.3. Par qui la comptabilité nationale est-elle élaborée ?

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-41 -

3.6.0. Le premier point peut faire l'objet de multiples interprétations.

On peut se demander si, par principe, la comptabilité nationale peut décrire la

situation d'un pays en développement. L'approfondissement de la discussion sur ce

point permet simplement d'être conscient de ce que décrit la comptabilité nationa-

le dans un pays en développement (secteur monétarisé), mais peu de critiques dé-

bouchent sur des propositions vraiment opérationnelles. De plus, certaines amélio-

rations souhaitables (meilleure saisie des transferts avec l'extérieur, par exem-

ple) ne sont pas de simples problèmes statistiques, mais sont des enjeux directs

de politique économique.

Le véritable problème à ce niveau est de savoir dans quelle mesure la

comptabilité nationale, par sa manière même d'appréhender les flux, ne détermine

pas implicitement les objectifs de politique économique (par l'importance accor-

dée au secteur monétarisé, structuré, et par son "biais urbain" ou sa valorisation

de l'extraversion).

Il n'en reste pas moins que certaines critiques du SCN dans les PVD re-

joignent celles qui peuvent être faites dans les pays développés (rigidité du ca-

dre, notion de production, etc.).

Tous ces points, cependant, ne semblent nulle part correspondre à une

priorité re-Connue, en raison des lacunes existant dans la production des comptes

nationaux.

Mais d'autres points doivent aussi retenir l'attention : le système de

comptabilité nationale utilisé est-il conforme au SCN ? C'est apparemment rarement

le cas, car les systèmes réellement utilisés sont le plus souvent intermédiaires

entre le SCN et les systèmes Courcier ou SEC. Le SCN, d'autre part, offre un cer-

tain nombre de possibilités d'adaptation à la réalité spécifique de chaque pays,

possibilités qui ne sont pratiquement pas utilisées. Dans ce domaine, un premier

élément d'amélioration devrait concerner la rédaction de manuels de procédures

permettant de retracer de manière précise la façon dont les comptes sont établis.

3.6.1. En ce qui concerne le second point, il apparaît très souvent que

la comptabilité nationale est très peu utilisée dans les travaux de définition de

la politique économique.

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-42 -

La première raison de cet état de chose tient à la longueur des délais

de production, ce qui amène les services de prévision à effectuer un travail de

comptabilité nationale rapide pour les années récentes non couvertes par les comp-

tables nationaux. Dans les conditions actuelles, une telle pratique paraît inévi-

table, mais peut être sensiblement modifiée lorsque les comptables nationaux (et,

le cas échéant, d'autres administrations concernées) participent à l'élaboration

des comptes rapides, comme c'est déjà le cas au Sénégal ou au Niger.

D'autre part, la comptabilité nationale pourrait souvent s'adapter davan-

tage aux besoins de la politique économique par un découpage plus fin des agents

(secteurs institutionnels) et des branches, de manière à faire apparaître les chif-

fres synthétiques pertinents, comme, par exemple, le besoin de financement du sec-

teur d'Etat consolidé. Pour l'évaluation de projets, il serait également utile de

pouvoir disposer de la valeur ajoutée "nationale" des diverses branches, c'est-à-

dire de la part de la VA qui reste dans le pays (hors transfert sur profits et

salaires).

On trouvera sur ces points des propositions détaillées dans le Guide

d'élaboration des comptes nationaux du Ministère de la Coopération (1981), tome 1,

pp. 133 à 150.

3.6.2. Des polémiques ont opposé certains partisans de la construction

de comptes nationaux à partir de TES à des partisans d'introduction de méthodes

plus pragmatiques dérivées des pratiques anglo-saxonnes.

En dehors de cette polémique plus fondamentale, il semble que la cons-

truction des comptes et leur fiabilité pourraient être sensiblement améliorées par

une étude précise de la description du passage revenu-consommation et par la cons-

truction systématique des TOF ou, mieux, de TFS ou TFF (seule la Côte d'Ivoire dis-

pose actuellement d'un TOF établi régulièrement et localement). Ces deux aspects,

souvent mal traités (solde des comptes sur la consommation des ménages, pas de pri-

se en compte des flux financiers) sont pourtant de grande importance pour assurer

la cohérence des comptes, mais aussi pour la définition de politiques économiques.

Pour proposer des politiques alternatives à celles du FMI centrées sur la compres-

sion:"aveugle" de la demande, il faut une connaissance fine des revenus, de leur

répartition, et des consommations correspondantes (locales et importées)(les MACS

cherchent à présenter des informations de ce type). Pour réduire l'investissement

de façon raisonnée, il faut connaître les circuits de financement de l'économie.

Page 45: MINISTERE DES RELATIONS EXTERIEURES - … · sur le métier de statisticien (ou démographe, sociologue, etc.). Il poursuit ici ... divers sujets abordés au cours de cet atelier

-43-

3.6.3. La comptabilité nationale est souvent élaborée par des statisti-

ciens soucieux avant tout de l'exactitude de leurs chiffres (ce qui est aussi une

des raisons de la lenteur de l'élaboration des comptes). Pourtant, même dans les

comptes définitifs, certains postes d'une exactitude scrupuleuse voisinent avec

des postes qui font l'objet de très grossières approximations, surtout en l'absen-

ce de recoupements. De plus, la plupart des utilisations de politique économique

ne nécessitent que des valeurs approchées, compte tenu du nombre d'aléas qui in-

terviennent dans les calculs.

Il semble donc souhaitable que la confection des comptes nationaux soit

confiée à des personnes dotées d'une bonne formation économique concrète. De plus,

il serait utile que ces personnes soient sensibilisées aux utilisations qui peu-

vent être faites de leurs travaux. Une collaboration avec les prévisionnistes pour

la réalisation de comptes rapides peut être l'occasion d'échanges fructueux de ce

type.

3.7. COMPTABILITE NATIONALE ET PRODUCTION DES STATISTIQUES DE BASE

3.7.0. Les statistiques de base nécessaires à la comptabilité natio-

nale sont-elles disponibles rapidement ?

3.7.1. Les nomenclatures utilisées sont-elles compatibles ? Existe-

t-il sinon des tableaux de passage ?

3.7.2. Les statistiques disponibles sont-elles utilisées ?

3.7.0. Il y a souvent là un obstacle important à la rapidité de produc-

tion des comptes, y compris, curieusement, lorsque la saisie et le traitement des

données sont informatisés. L'élaboration des balances de paiements par la BCEAO

semble prendre du retard (Sénégal, Côte d'Ivoire).

3.7.1. Les problèmes au niveau des nomenclatures sont très fréquents

avec la Douane, le Budget, le Trésor, le système bancaire. Ils dérivent en partie

du fait que les producteurs de statistiques ne connaissent pas le langage de la

comptabilité nationale et ne sont pas sensibilisés à l'utilisation que l'on peut

en faire.

Plus profondément, il ne faut peut-être pas sous-estimer le fait que le

processus de dénombrement et de statistique n'est pas toujours perçu comme légiti-

me.

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-44-

3.7.2. Dans de nombreux pays existent des richesses inexploitées d'infor-

mation économique détenues par des sources très diverses. Pour devenir utilisables,

ces informations brutes nécessitent un traitement qui n'est pas toujours très lourd.

La généralisation du plan comptable OCAM n'est pas encore pleinement ex-

ploitée. Pourtant, les annexes statistiques (à double usage, statistique et fis-

cal) sont une source considérable d'informations sur les comportements des entre-

prises. Ils sont (théoriquement) facilement traduisibles en termes de comptabili-

té nationale.

3.8. CONCERTATION INTER-ADMINISTRATIVE

3.8.0. Comment se présente le dispositif administratif ?

3.8.1. Quel est le niveau de formation et d'expérience profession-

nelle des équipes en place ?

3.8.2. Comment circule l'information économique ?

3.8.3. Quelles sont les formes de la concertation inter-administra-

tive ?

3.8.0. Les dispositifs administratifs sont très divers, avec rattache-

ment de la Statistique et de la Prévision aux Finances ou au Plan. Il ne faut

pas cependant exagérer l'importance de ce dispositif, car la circulation - de l'in-

formation ne semble pas significativement meilleure entre des Directions relevant

du même Ministère qu'entre Directions de Ministères différents. La proximité géo-

graphique et la bonne entente entre les hommes semblent beaucoup plus déterminants.

3.8.1. Le fort turn-over des hommes, en l'absence de manuels de procédu-

res, a été un des obstacles principaux à une amélioration cumulative des systèmes

d'information économique en Afrique. Ceci est d'autant plus vrai que des postes

comme ceux des Directions de la Prévision permettent d'acquérir une vue globale et

concrète de l'économie nationale et de ses principaux problèmes permettant une as-

cension rapide. Mais le problème se pose différemment aujourd'hui, en raison du

nombre élevé de cadres africains et des limites d'absorption de l'Administration

publique et des organisations internationales. Tout ceci, combiné à une politique

adéquate de formation, peut conduire à une relative stabilité des équipes (Sénégal

L'obstacle de la faible rémunération dans les fonctions publiques est cependant

très réel, et se traduit soit par le découragement soit par la mobilité, dans la

mesure où les ingénieurs-statisticiens trouvent encore aisément des postes en de-

hots de la fonction publique.

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-45-

3.8.2. La circulation de l'information économique est souvent très défi-

ciente, du moins en ce qui concerne la circulation officielle. Les documents sont

souvent produits avec retard et leur circulation reste souvent aléatoire. D'une

façon générale, il semble que l'on ne prête pas une attention suffisante à la ré-

gularité de sortie des publications (qui fonde pourtant la crédibilité de l'insti-

tution auprès de son environnement), ni à la fonction de diffusion des informations

produites. Il est vrai que cela n'est pas toujours facile, ne serait-ce que pour

de simples raisons matérielles (manque de papier, de matériel de tirage, etc.).

Les utilisateurs potentiels tendent alors à former leurs propres circuits

d'information et se désintéressent des circuits officiels.

Dans certains cas, la rétention d'informations statistiques importantes

est intentionnelle, soit pour des raisons de politique générale (recettes pétroliè-

res au Cameroun), soit pour couvrir des opérations d'enrichissement illicite (par

exemple au niveau des importations ou de l'endettement extérieur), ou encore pour

de simples raisons d'image (transferts à l'étranger). De plus, le faible nombre

d'entreprises dans chaque secteur peut faire craindre que le secret statistique,

malgré les assurances, ne soit pas parfaitement respecté. Souvent (Côte d'Ivoire,

Sénégal), le fonctionnement des Caisses de Stabilisation est particulièrement opa-

que, quoiqu'il s'agisse là d'un lieu particulièrement important pour faire le lien

entre production et finances publiques. On note enfin une retenue particulière de

l'information lorsque celle-ci est mauvaise.

On ne peut jamais faire l'hypothèse d'un intérêt généralisé de tous les

agents économiques pour une totale transparence statistique des activités écono-

miques.

3.8.3. La bonne coordination inter-administrative est un facteur décisif

de la qualité des informations produites. Il existe presque partout des commissions

de coordination sur le plan formel, mais celles-ci fonctionnent rarement de façon

satisfaisante, surtout lorsqu'il s'agit de simples lieux de discussion. Même des

travaux élémentaires, comme la coordination des enqUêtes, de manière à éviter les

doubles emplois, ou l'établissement de grilles de passage entre nomenclatures, ne

sont pas réalisés.

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-46-

Il semble que le fonctionnement est bien meilleur lorsque des groupes

inter-administratifs sont chargés de tâches précises mettant en commun leurs com-

pétences (Sénégal), avec une existence permanente et un statut valorisant.

Mais le fonctionnement quotidien des administrations est en fait assuré

par une intense circulation informelle de l'information facilitée par la petite

taille des organisations, que cela concerne l'échange de chiffres ponctuels ou des

demandes d'avis d'expert.

L'existence d'un langage commun est de nature à faciliter grandement la

circulation de l'information, mais c'est rarement le cas, même entre "techniciens",

en raison de l'absence de procédures formellement établies.

3.9. TRAITEMENT DE L'INFORMATION

3.9.1. Une partie du traitement de l'information est-elle informa-

tisée ?

3.9.2. . S'agit-il de traitement sur gros ou petit système ?

3.9.3. L'utilisation de l'information est-elle généralisée ou reste-

t-elle le monopole d'un petit groupe ?

3.9.1. Pour la prévision, l'utilisation de l'informatique semble absolu-

ment nécessaire. Elle seule permet de nombreuses simulations de variantes de poli-

tique économique, ainsi que l'introduction en continu des informations les plus

récentes. Elle peut être également utilisée avec profit pour la construction des

comptes nationaux.

3.9.2. Comme signalé plus haut, les gros systèmes informatiques sont en

général en Afrique d'accès difficile, et rigides dans leur utilisation—Lorsque

les chaînes de traitement ont été établies par des experts extérieurs, comme c'est

souvent le cas, toute modification devient problématique et, souvent, la chaîne

de traitement toute entière devient inutilisable.

Les micro-ordinateurs, beaucoup plus fiables dans les conditions afri-

caines, sont aussi beaucoup plus souples d'utilisation, et d'accès immédiat.

3.9.3. La micro-informatique, de plus, peut être largement diffusée grâ-

ce aux logiciels existants (en particulier ceux de gestion de fichiers et les

Page 49: MINISTERE DES RELATIONS EXTERIEURES - … · sur le métier de statisticien (ou démographe, sociologue, etc.). Il poursuit ici ... divers sujets abordés au cours de cet atelier

-47-

tableurs). L'apprentissage de la programmation n'est plus nécessaire pour l'essen-

tiel des utilisations macro-économiques courantes en Afrique.

Une large utilisation de la micro-informatique devient donc possible

et améliore le rendement des cadres dans des proportions énormes. De plus, il y

a ainsi possibilité d'éliminer une grande partie des tâches pénibles de secréta-

riat.

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L'EXPÉRIENCE CONGOLAISE DE SUIVI DE LA CONJONCTURE

PAR ANTOINE BANVIDI

I - NECESSITE DE SUIVI DE LA CONJONCTURE

Le lancement du plan quinquennal 1982-1986 a fait ressortir la nécessi-

té de parvenir à une vision d'ensemble de l'évolution conjoncturelle du pays fon-

dée non seulement sur la synthèse des trois composantes essentielles que sont

l'activité économique (publique et privée), les finances publiques et la monnaie,

mais aussi sur une prévision globale à partir de ces éléments afin d'éclairer les

pouvoirs publics dans les choix qu'ils sont appelés à opérer en matière de politi-

que économique, financière et monétaire.

Cette nécessité repose sur les considérations suivantes.

Le financement du plan repose essentiellement sur la rente pétrolière

donc sur une ressource très aléatoire. La réalisation de ses objectifs dépend par

conséquent de la maîtrise des procédures de contrôle et de suivi de l'évolution

économique à court terme. Ces procédures, qui constituent l'essentiel de la métho-

de dite de "plan glissant", permettent d'ajuster constamment les objectifs en fonc-

tion de l'évolution prévisible des ressources (principalement les revenus pétro-

liers), en fonction également de la réalisation effective des programmes et des

distorsions entre réalisations et objectifs du plan.

La mise en oeuvre de la méthode de plan glissant nécessite une somme

importante de travaux prévisionnels et l'existence d'un instrument de suivi et de

prévision de l'évolution économique à court terme.

M. BANVIDI est responsable de la Cellule de Conjoncture du Ministère du Plan du Congo.

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Le Ministère du Plan, sur la base des études réalisées entre mars et

septembre 1981 avec la collaboration du Ministère français de la Coopération,

tente donc la création dès 1982 d'une Cellule de Conjoncture à laquelle est assi-

gnée la mission suivante :

1- définir la méthodologie et les indicateurs de suivi par une concerta-

tion avec tous les départements participant à la collecte des données (CNSEE, DEP,

Directions sectorielles du Plan, Banque Centrale, CENAGES) (1) ;

2- collecter directement les données dans les secteurs encore peu étu-

diés par les services officiels de statistique ;

3- mettre au point un schéma d'interprétation de l'économie permettant

d'élaborer des prévisions ;

4- effectuer deux fois dans l'année la synthèse des informations collec-

tées et sur la base des tendances prévisibles formuler des mesures de politique

économique à court terme ;

5- présenter deux fois dans l'année et dans les délais un rapport au

Comité de Conjoncture.

Il faut noter que les différentes publications existant auparavant tant

au Ministère des Finances, à la Banque Centrale que dans les divers départements

sectoriels comportaient essentiellement des informations à caractère rétrospectif,

partiel, souvent très schématique et donc inadaptées aux travaux de prévision in-

dispensables à la conduite du plan.

Afin de conférer à la future note de conjoncture le caractère de docu-

ment interdépartemental, il a été jugé nécessaire la création d'un Comité National

de Conjoncture dont le secrétariat est confié à la Cellule de Conjoncture du Plan.

(1) CNSEE : Centre National des Statistiques et des Etudes Economiques

DEP : Direction des Etudes et de la Planification

CENAGES : Centre National de Gestion des Entreprises d'Etat.

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- 50 -

On trouvera dans les pages suivantes deux schémas retraçant l'un le

fonctionnement à court terme de l'économie congolaise, l'autre l'ordonnancement

des travaux de suivi et de prévision de l'évolution économique à court terme (1).

II - QUELLE CONJONCTURE ?

2.1. La nature du suivi conjoncturel tel que pratiqué aujourd'hui au

Congo est fortement lié à la nature du plan quinquennal en cours.

D'une part, le plan repose essentiellement sur la rente pétrolière, une

ressource dont les fluctuations à court terme sont considérables.

D'autre part, et face à cette ressource "rebelle", un programme d'inves-

tissement visant la réalisation d'un certain nombre d'objectifs stratégiques de

production, d'aménagement du territoire et sociaux a été mis en place.

Le niveau général de l'activité dans le pays dépend de ces éléments en

même temps qu'il rétro-agit sur la réalisation des objectifs stratégiques du plan

par le biais des emplois créés, des revenus distribués à l'Etat, aux ménages et

aux entreprises elles-mêmes, par le biais aussi de la formation brute de capital

et l'augmentation de la production.

Finalement le suivi de la conjoncture s'attache à étudier quatre aspects

de l'activité économique dans le pays :

1- l'exécution du budget d'investissement ;

2- le niveau général de l'activité économique dans les principaux sec-

teurs de l'économie dont le secteur pétrolier ;

3- le comportement du système monétaire ;

4- l'équilibre extérieur qui en découle (balance commerciale, balance

des paiements).

(1) Ces schémas sont extraits d'une communication faite par M. D. TOMMASI lors du même atelier de Brazzaville (12-16 novembre 1984) au cours duquel a été pré-senté cet exposé.

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SCHEMA SIMPLIFIE DU FONCTIONNEMENT A COURT TERME DE L'ECONOMIE CONGOLAISE

Importations Sorties de capitaux

Capacité d'endettement

Service de la dette

Exportations

Invest. importés

--3 Secteur pétrolier

Budget de 1'Etat

Demande en BTP

Recettes non pétrolières

Budget de fonctionnement

Secteur à production rigide à CT

Secteur à production flexible

3 Revenus

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MARS - AVRIL JUILLET SEPTEMBRE

Analyse projets d'investissement

Liaisons établies

Liaisons à établir

SCHEMA ACTUEL DE L'ORDONNANCEMENT DES TRAVAUX DE SUIVI ET DE PREVISION DU MINISTERE DU PLAN

Comptes Nationaux année t-1

Prévisions macro-économiques

Esquisses financières

Note de Conjoncture 1er semestre année t

•1

Préparation Loi de Finances

Enquêtes exécution du Budget

Comptes provisoires année t-1

Rapport Entreprises d'Etat

Note de Conjoncture 2e semestre année t-1

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- 53 -

Mais la nécessité d'ajuster constamment le plan commande de ne pas s'ar-

rêter là. Sur la base des tendances observées dans les quatre domaines ci-dessus

et particulièrement sur la base des tendances de la production pétrolière et des

dépenses publiques, des prévisions à trois mois sont réalisées sur :

- l'équilibre ressources - emplois ;

- l'équilibre des finances publiques.

2.2. Le suivi de la conjoncture au Congo repose ainsi sur la collecte et

le traitement des données chiffrées. Pourtant l'étude des relations économiques

existant entre différents agents économiques reste faible du fait de l'absence

pour le moment de séries significatives et du poids des contraintes structurelles.

* Les contraintes structurelles

L'économie congolaise est une économie en mutation. L'implantation d'une

nouvelle usine, la construction d'une route ou de tout autre ouvrage important

bouleverse immédiatement les relations de comportement précédemment établies entre

branches ou entre agents économiques. Aussi l'élaboration des notes de conjoncture

fait-elle encore recours à une quantité importante d'indicateurs sectoriels et le

seul cadre de prévision utilisé est le cadre de la comptabilité nationale.

* L'absence de séries significatives

Elle trouve ses explications dans le fait que l'expérience de la Cellule

de Conjoncture est très récente. On ne dispose donc pas de chronique de données

suffisamment longues, détaillées et établies suivant une méthodologie invariable.

III - CIRCUIT ET SYSTEME D'INFORMATION ACTUELS

Le système d'information actuellement en place tient compte de la fai-

blesse voire de l'absence dans certains cas des statistiques sectorielles et de

la mauvaise diffusion d'un certain nombre d'autres informations ou statistiques,

notamment les prix, les chiffres du commerce extérieur, les statistiques moné-

taires ou la balance des paiements.

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-54-

3.1. Enquête sur le niveau de l'activité économique, l'emploi et la

masse salariale

L'information est recueillie sous forme d'indicateurs chiffrés auprès

d'un échantillon d'entreprises et sociétés résidentes dans six branches d'activi-

té :

- l'agriculture et l'élevage ;

- l'industrie ;

- le commerce ;

- les transports ;

- les BTP ;

- le secteur pétrolier.

Des questionnaires types sont donc envoyés aux entreprises de l'échan-

tillon à la fin de chaque semestre et récupérés quelques deux ou trois semaines

plus tard par une équipe d'enquêteurs spécialisés du Ministère du Plan. Les prin-

cipaux correspondants de ceux-ci sont :

a) pour les entreprises publiques : les directions des études et de la

planification (DEP) des entreprises, et les directions des études et de la plani-

fication (DEP) des ministères de tutelle ;

b) pour les entreprises privées et mixtes : le syndicat patronal Unicongo.

L'échantillon d'entreprises dans chaque secteur est bâti de la manière

suivante :

- toutes les grandes entreprises, c'est-à-dire celles dont le chiffre

d'affaires est égal ou supérieur au chiffre d'affaires moyen de la branche fourni

par la comptabilité nationale, doivent figurer dans l'échantillon ;

- dans les secteurs où opèrent un nombre important de petites entrepri-

ses (chiffre d'affaires largement inférieur à la moyenne), un certain pourcentage

d'entre elles est inclus dans l'échantillon pour le pondérer ;

- la représentativité des échantillons ne doit pas être inférieur à 50-

60 % du chiffre d'affaires de la branche reconnu par les comptes les plus récents ;

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-55-

- les tendances dégagées sur chaque échantillon ainsi constitué sont

jugées significatives pour l'ensemble de la branche.

Cette méthodologie n'est pas absolument rigoureuse, c'est vrai, mais

elle est apparemment la seule opérationnelle pour l'instant.

D'autre part une enquête exhaustive par branche est non seulement impos-

sible (existence d'un large secteur semi-artisanal ou non monétarisé) mais à la

limite inutile : l'allongement des délais qui en découlerait, compte-tenu des len-

teurs inévitables du système des communications, rendrait la note de conjoncture

sans intérêt.

3.2. Enquête sur les finances publiques

Ici il n'y a pas de questionnaire. L'information est recueillie suivant

un processus assez complexe de discussions informelles et d'échange de documents.

Une commission finance-plan a existé durant la préparation du plan 1982-

1986. Aujourd'hui cette commission ne fonctionne pratiquement plus, mais de très

bonnes relations existent entre, d'une part, la cellule de conjoncture et la direc-

tion du financement et du développement (Ministère du Plan), et, d'autre part,

la DEP des finances et le service informatique de la Caisse congolaise d'amortis-

sement (CCA).

3.3. Enquête sur le système monétaire et la balance des paiements

La base d'information comprend :

- les publications statistiques de la Banque Centrale (service des étu-

des) ;

- le dépouillement des documents des règlements bancaires que tient la

Direction Générale du Crédit et des Relations Financières (service des études) ;

- des interviews des responsables de la conjoncture dans les principa-

les banques primaires.

3.4. Enquête sur l'indice des prix

Ici le correspondant est le Centre National de la Statistique et des

Etudes Economiques (CNSEE).

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-56-

3.5. Comptes de la Nation

Le correspondant est le CNSEE.

3.6. Analyses complémentaires sur le Secteur Public

Le correspondant est le Centre National de Gestion (CENAGES).

Malgré la sensibilisation intense dont ils ont été l'objet durant les

deux années précédant le lancement des enquêtes de conjoncture, très peu des ser-

vices ci-dessus cités font parvenir leurs documents à la Cellule. Si bien que des

passages répétés sont nécessaires chaque fois pour faire le point sur les secteurs

enquêtés.

Le traitement de toute cette information, à l'exception des secteurs

industrie et commerce, est encore manuel. En moyenne, la Cellule met autant de

jours pour traiter l'information que pour la collecter, ce qui allonge singulière-

ment les délais de publication (2 à 3 mois). Or une note de conjoncture n'a d'in-

térêt que si elle paraît dans des délais permettant d'agir efficacement sur les

tendances constatées.

Aussi la principale bataille de la Cellule de Conjoncture est en ce mo-

ment précis de réduire ces délais à un mois et demi maximum après la fin de cha-

que semestre.

IV - LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE L'EXPERIENCE CONGOLAISE

4.1. Un des temps forts de la mise en place de la Cellule a été la déli-

mitation des tâches entre elle et le service de la conjoncture du CNSEE.

Dans le schéma retenu, le CNSEE conserve son monopole en matière de col-

lecte d'information (enquête de conjoncture trimestrielle qualitative, centralisa-

tion des informations en provenance des DEP et Directions sectorielles, données

relatives au commerce extérieur, aux prix et à l'emploi) et publie une note de

conjoncture trimestrielle tandis que la Cellule de Conjoncture enquête directement

deux fois par an les secteurs des BTP, de l'agriculture, de la balance des paie-

ments, de la monnaie et du crédit, des finances publiques, de la conjbncture

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- 57 -

internationale et dresse un tableau de bord semestriel de l'ensemble de l'économie

congolaise accompagné de prévisions pour le semestre suivant.

Le deuxième temps fort est :

4.2. Réalisation des notes de conjoncture

Comme les procédures définies plus haut ne peuvent être immédiatement

opératoires, la Cellule de Conjoncture doit collecter directement elle-même l'en-

semble des informations.

Ainsi une enquête est rapidement conçue et lancée en direction des sec-

teurs suivants : industrie, bois, commerce, BTP, pétrole. L'échantillon ne com-

prend que 78 entreprises dont 64 répondent de manière satisfaisante.

Mais cette période de démarrage pose un problème particulier. En effet

l'absence de séries semestrielles empêche toute analyse comparative. De sorte que

nous soultes contraints pour constituer ces séries de demander aux entreprises des

informations non seulement sur le ter semestre 1983 mais aussi sur les deux semes-

tres de l'année 1982.

L'enquête est précédée par une journée d'information des différents

services impliqués. Cela va se révéler d'une très grande utilité particulièrement

pour les secteurs non couverts par les questionnaires.

4.3. Bilan de ces expériences

Un bilan a été tiré an fonction des critiques formulées par le comité

de conjoncture et certains utilisateurs. Un nouveau document méthodologique qui

tient compte des critiques ci-après est élaboré.

Critique de l'enquête

- faible représentativité de l'échantillon dans certains secteurs ;

- formation trop rapide des enquêteurs ;

- dépouillement manuel trop long.

Critiques de la note de conjoncture

- les analyses sont assez faibles dans les secteurs du commerce exté-

rieur, de l'emploi et des prix ;

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-58-

- faible capacité du document à relever des aspects conjoncturels dans

une économie dominée par des contraintes structurelles ;

- partie prévisionnelle trop faible et déconnectée des analyses secto-

rielles ;

- difficultés de se détacher de l'analyse financière plus coutumière aux

services du plan. Résultat : le chapitre "finances publiques" est trop long ;

- de nombreuses recommandations de politique économique se glissent

dans les commentaires généraux alors qu'elles devraient être regroupées dans un

chapitre soumis aux seuls dirigeants du pays ;

- délai de publication encore trop long (2 à 3 mois après la fin du

semestre).

Problèmes

prix ;

Il se pose encore les problèmes suivants :

- problèmes méthodologiques liés au suivi du commerce extérieur et des

- problèmes méthodologiques liés au suivi de l'agriculture, des BTP ;

- problèmes méthodologiques de l'échantillon fixe ou glissant (variable).

En terme de comparaison des résultats, l'échantillon variable pose des

problèmes liés aux changements de base. De même, l'échantillon fixe pose des pro-

blèmes liés à la fermeture ou à l'entrée en production de nouvelles entreprises.

Aspects positifs

Deux conclusions dominent :

- d'une part, le document analyse l'évolution économique sur une pério-

de semestrielle jamais prise en compte jusqu'à ce jour ;

- d'autre part, il regroupe en un seul volume une masse considérable

d'informations habituellement éparpillées dans plusieurs services ou départements,

permettant ainsi de se faire une idée de l'évolution de l'ensemble de l'économie.

4.4. Amélioration des instruments d'enquête

La Cellule de Conjoncture tente actuellement d'améliorer la qualité des

instruments de collecte :

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-59-

- définition (avec le service de conjoncture du CNSEE) d'un nouvel

échantillon beaucoup plus étoffé (175 entreprises) et très représentatif de l'en-

semble des activités ;

- harmonisation des nomenclatures (classement des activités et des en-

treprises) avec les nomenclatures de la comptabilité nationale ;

- reformulation (en tenant compte des avis du CNSEE et du syndicat pa-

tronal Unicongo) des questionnaires qui ne peuvent pourtant pas encore être allé-

gés en raison de la nécessité persistante de constituer des séries semestrielles

significatives ;

- amélioration de la formation des enquêteurs ;

- préparation avec l'appui du CNSEE d'un programme de dépouillement in-

formatisé des enquêtes industrie et commerce.

Aujourd'hui, la qualité des réponses fournies par les entreprises s'est

considérablement améliorée et le nombre des questionnaires inexploitables s'est

réduit en raison d'une formulation plus claire des questions et d'une meilleure

préparation des enquêtes et des enquêteurs. Des notices accompagnent désormais

chaque questionnaire définissant les concepts afin de supprimer définitivement

toute ambiguité et de rendre homogène le contenu des réponses.

Les séries semestrielles ayant été constituées, les informations deman-

dées n'ont porté que sur le 1er semestre 1984 et sur le dernier semestre 1983

(confirmation des chiffres provisoires).

Le dépouillement informatisé des questionnaires, bien qu'en période de

rodage, nous a permis de disposer plus rapidement des tableaux d'exploitation plus

clairs et susceptibles d'être diffusés dans les autres services.

Enfin, une participation plus large des ministères sectoriels à l'analy-

se des données de leur secteur est actuellement amorcée. Ce qui devrait permettre

d'améliorer la qualité des informations récoltées et d'enrichir les commentaires

contenus dans la note.

Une meilleure connaissance des circuits d'information dans les secteurs

non couverts par l'enquête par questionnaire (transport, agriculture, finances

publiques, monnaie, crédit et balance des paiements) se traduit par la collecte

d'informations plus riches.

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- 60 -

4.5. Diffusion des notes

Deux versions du document sont publiées :

- une version complète pour l'administration ;

- une version dite "expurgée" pour la diffusion externe à l'administra-

tion qui se distingue de la première par la suppression des chapitres "finances

publiques" et certaines considérations relatives à l'endettement figurant dans le

chapitre "balance des paiements" et réservées aux autorités politiques.

4.6. Périodicité des indicateurs

On reste sur des indicateurs semestriels. Une procédure de collecte sys-

tématique d'indicateurs à périodicité plus fréquente (le trimestre ou le mois) a

paru trop contraignante pour les raisons suivantes :

- information non disponible ;

- les méthodologies ne sont pas encore au point ;

- les enquêteurs connaissent encore assez mal les circuits d'informations ;

- difficultés pour les conjoncturistes de déceler les aspects conjonctu-

rels dans une économie dominée par des contraintes structurelles.

Il n'est pas exclu qu'en régime de croisière, une fois radées les métho-

des de travail, cette périodicité puisse être accélérée au profit d'indicateurs

trimestriels si le besoin s'en fait sentir.

V - L'UTILISATION DES RESULTATS

Il faut dire qu'en raison des retards de publication, la note de conjonc-

ture n'a jusque là pas encore fait l'objet d'une exploitation rigoureuse. On peut

cependant relever les possibilités d'utilisation qu'elle offre dès aujourd'hui :

a) Pour le Plan

La possibilité existe d'utiliser certaines informations contenues dans

la note de conjoncture pour confectionner des comptes rapides à usage des plani-

ficateurs.

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- 61 -

Bien que paraissant avec quelque retard par rapport au projet d'esquisse

financière de juillet (1), La note de conjoncture enrichit la perception des pro-

blèmes économiques par les autorités politiques en l'élargissant aux incidences

monétaires, à la balance des paiements, aux performances récentes et attendues des

principaux secteurs économiques ainsi qu'en fournissant des précisions sur l'exécu-

tion du budget et le service de la dette. A ce titre, il s'agit d'un élément non

négligeable de la décision économique.

En février-mars, la note de conjoncture participe activement à l'évalua-

tion de la réalisation de la tranche annuelle du plan en faisant ressortir les

tendances les plus récentes (à six mois), donc celles qui méritent le plus d'at-

tention.

Bien qu'encore timides, les prévisions réalisées dans la note de conjonc-

ture peuvent contribuer à améliorer l'allocation des ressources au niveau des bud-

gets annuels et aboutir à la présentation de ce qu'il est convenu d'appeler des

budgets économiques.

Enfin, compte tenu de la faiblesse des directions sectorielles du Minis-

tère du Plan, les agents de la Cellule ont temporairement conçu un certain nombre

de méthodologies pratiques pour suivre à court terme l'activité des principaux

secteurs économiques. Même imparfaites, ces méthodologies sont une expérience

qui pourrait bien, après concertation, redonner de la substance aux directions

sectorielles.

b) Pour les services statistiques

- amélioration des circuits statistiques ;

- amélioration des sorites de statistiques générales dans la mesure où

les nomenclatures de branches sont harmonisées ;

- amélioration des séries temporelleà indispensables aux travaux de

comptabilité nationale.

L'esquisse financière de juillet est le principal document de prévision finan-cière pour l'année.

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- 62 -

c) Pour le système bancaire et les services chargés des relations

financières extérieures

La note offre deux fois dans l'année, regroupées en un seul document,

une foule d'informations sur l'activité économique et le déroulement des program-

mes d'investissement gouvernementaux, deux éléments qui peuvent aider à la régula-

tion de la masse monétaire à court terme et à la surveillance de l'équilibre exté-

rieur.

d) Pour le Ministère des Finances

Des possibilités existent d'utiliser la note de conjoncture pour amélio-

rer les prévisions de clôture des budgets, en particulier pour les prévisions de

recettes non pétrolières.

e) Pour les entreprises

Les renseignements contenus dans la note pourraient être d'un secours

appréciable dans la détermination du niveau de production et la définition de la

politique d'approvisionnement.

L'institutionnalisation tant attendue du Comité de Conjoncture devrait

permettre de faire passer ces possibilités du stade virtuel au niveau des faits.

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L'EXPÉRIENCE DES BUDGETS ÉCONOMIQUES EN CÔTE D'IVOIRE

PAR EUGÈNE Ye*

I - SURVOL HISTORIQUE DES BUDGETS ECONOMIQUES EN COTE d'IVOIRE

En 1974 la Côte d'Ivoire a créé une "Commission Interministérielle des

Budgets Economiques" et un "Comité Permanent" chargé de l'animer techniquement en

mettant en place une méthode de prévision à court terme dénommée "Budgets économi-

ques".

Il s'agissait en effet d'établir des comptes économiques prévisionnels

à court terme selon les concepts et les normes de la comptabilité nationale pour

l'année en cours et l'année suivante. On obtiendrait ainsi pour ces deux années

des données sur le Produit Intérieur Brut, le taux de croissance en volume du PIB,

les éléments du commerce extérieur, la consommation des ménages, les investisse-

ments, la balance des paiements.

Pour un pays comme la Côte d'Ivoire se trouvant en situation de crois-

sance dans le cadre d'une dépendance très forte vis-à-vis de l'extérieur, il est

aisé de comprendre que la dégradation du contexte économique international et l'ap-

parition d'une relative récession à partir de 1971 (quadruplement du prix du pétro-

le, fluctuation des cours des matières premières, ...) ont fait de la prévision à

court terme un instrument indispensable de la politique économique.

X E. YAI est Sous-Directeur de la Prévision à la Direction de la Planification et de la Prévision du Ministère de l'Economie et des Finances de Côte d'Ivoire.

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- 64-

Les objectifs assignés à la "Commission des Budgets Economiques" sont

très clairs : il s'agit "d'éclairer la politique économique et financière du Gou-

vernement notamment pour l'élaboration du budget de fonctionnement et d'investis-

sement". Les Budgets Economiques ont dès leur création une vocation essentielle-

ment budgétaire (1).

1974-1984 : les budgets économiques ont dix années d'expérience marquées

par des phases successives d'amélioration.

a) Après plusieurs investigations, les services chargés de la prévision

à court terme ont opté pour un modèle macro-économique multi-sectoriel de projec-

tion à horizon budgétaire. Celui-ci est dérivé du modèle macro-économique pour

les années 1976-80 ayant servi à la préparation du plan 1976-80.

b) Après une courte période d'exploitation manuelle, l'informatisation

du modèle a été réalisée au cours du premier trimestre de l'année 1977.

c) L'adoption du "Système Ivoirien de Comptabilité Nationale" (SICN)

a conduit à la troisième version du modèle.

d) Enfin une dernière version fut mise au point en 1979 en améliorant

le mécanisme d'interaction des prix et l'édition des résultats.

C'est cette dernière version utilisée actuellement qui va faire l'objet

de notre attention.

II - FONDEMENTS ET DESCRIPTION DU MODELE DE PREVISION

2.1. 'Fondements du modèle

Les hypothèses fondamentales du modèle des Budgets Economiques découlent

des caractéristiques essentielles de l'économie ivoirienne.

Ce sont :

(I) Arrêté inter-ministériel créant la Commission des Budgets Economiques - 1974.

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- 65 -

a) Une séparation des activités économiques en deux secteurs :

- un secteur dit moteur dont la production est rigide et peu élasti-

que qui regroupe le secteur primaire (agriculture et mines), les industries de

première transformation des produits primaires, le commerce sur exportation et

les administrations ;

- un secteur dit entraîné qui du fait de capacités excédentaires de

production et de la disponibilité de main-d'oeuvre peut facilement ajuster sa

production à la demande. Il regroupe les activités restantes : la plupart des

activités secondaires et des activités tertiaires (transports, services, commer-

ce sur emplois intérieurs) et les services domestiques ...

b) Un rôle important attribué à l'Etat et plus généralement au secteur

public qui détermine une part importante de la demande finale intérieure (inves-

tissements publics et consommations des administrations), qui fixe les prix agri-

coles et ceux de certains biens ou services publics (électricité, logement,

transport), et qui intervient dans la distribution des revenus (subvention, fis-

calité).

c) Une forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur qui fixe les cours des

produits à l'exportation, les prix des marchandises importées, ainsi que le volu-

me des capitaux extérieurs disponibles pour le financement des investissements.

Ajoutons que la Côte d'Ivoire appartient à l'Union Monétaire Ouest Africaine qui

fixe la parité du franc CFA et impose certaines contraintes en matière de politi-

que de crédit.

2.2. Description du modèle

2.2.1. Caractéristiques du modèle

a) Un modèle d'équilibre global

L'objectif du modèle est de déterminer un équilibre global aux prix de

l'année de projection entre les ressources (productions et importations) et les

emplois (consommations intermédiaires, demande finale intérieure et exportations).

b) Un modèle d'offre et de demande

Comme nous l'avons vu précédemment, les activités économiques sont sépa-

rées en deux secteurs.

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- 66-

La production du secteur dit moteur est fixée par l'offre, et déterminée

de façon exogène.

La production du secteur dit entraîné, par contre, est calculée par le

modèle selon le schéma keynésien classique :

Production › Revenus

Consommation

La détermination des productions du secteur entraîné constitue la par-

tie essentielle du modèle des Budgets Economiques.

Elle met en jeu un tableau entrées-sorties (qui décrit les comptes de

production des différentes branches) et une fonction de consommation des ménages.

c) Un partage des emplois entre produits locaux et produits importés

Le modèle suppose que les consommations intermédiaires, la demande fina-

le intérieure et les exportations ont une structure stable en fixant leur réparti-

tion entre produits locaux et produits importés.

d) Un modèle sans contrainte financière

Le déficit du secteur public, le solde de la balance des paiements et

le niveau de l'endettement n'apparaissent pas dans le modèle comme des contraintes

explicites du fonctionnement de l'économie.

2.3. Structures du modèle

a) Structure de l'appareil productif

Le modèle des budgets économiques utilise une nomenclature très détail-

lée des biens et des services.

Il distingue :

- 27 produits fournis par la production locale ;

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- 67 -

- 15 produits importés, dont on trouvera la liste dans les pages sui-

vantes.

Le cadre comptable dans lequel il est construit se rapproche de celui

du nouveau Système Ivoirien de Comptabilité Nationale (SICN).

Il utilise un tableau entrées-sorties (TES) subdivisé en plusieurs

tableaux :

TEIP Tableaux des entrées intermédiaires sur production locale,

de dimension 27 x 27

TEIJ Tableaux des entrées intermédiaires sur importation, de

dimension 15 x 27

VA Tableau des composantes de la valeur ajoutée, de dimension

4 x 27

TUFP Tableau des utilisations finales sur production locale, de

dimension 27 x 7 (27 produits)

TUFJ Tableau des utilisations finales sur importation, de dimen-

sion 15 x 7 (15 produits).

Le schéma de la page suivante montre la disposition et l'articulation

de ces divers tableaux.

b) Fonction de consommation des ménages

Il existe par ailleurs une liaison entre les revenus et la consommation

des ménages. Cette fonction de consommation découle de la destination des revenus

distribués par les branches productrices d'une part, et d'autre part d'un taux

d'épargne fixé de façon exogène.

c) Les données exogènes

Les données exogènes alimentant le modèle sont nombreuses. Un premier

groupe concerne la production du secteur moteur. Le deuxième groupe de données

est relatif à une partie importante de la demande en biens et services, notamment :

- la totalité de la demande extérieure (ce qui fixe le volume des expor-

tations) ;

- la consommation des administrations ;

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P Production locale CZP CMP KP STP XZP XP QP t.

1

27

Sur Production

locale :

(TEIP)

ITotal : TAP

1 27

1

Sur importations :

15

(TEIJ) CZJ CMJ KJ XZJ XZJ XJ QJ J Importations

MODELE DES BUDGETS ECONOMIQUES Subdivisions du T.E.S. et articulation des tableaux

Entrées intermédiaires

Total

Utilisations finales Total

1

4

Total : TAJ

Notations : 1 27

1 Rém. des salariés 2 Impôts indirects Consommation des Administrations CZ

3 E.B.E.I. Consommation des Ménages CM 4 Solde QVA

F.B.C.F.

Variations de stocks ST

Total : TVA Exportations intérieures XZ

Exportations X

Production : P Consommations intermédiaires

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- 69-

NOMENCLATURE DES BUDGETS ECONOMIQUES

1- Branches de la production locale

1- Agriculture vivrière

2- Agriculture export

3- Exploitation forestière

10- Pétrole brut

20- Transformation produits alimentaires

21- Transformation produits végétaux

30- Transformation produits animaux

31- Usinage du riz

32- Sucre

33- Industries agricoles et alimentaires

40- Textiles et Cuirs

41- Garages

42- Travail des métaux

43- Ciment

44- Autres industries

50- Produits pétroliers raffinés

51- Electricité, Eau

60- B.T.P.

70- Transports

71- Services

72- Commerce sur emplois intérieurs

73- Commerce sur exportations

74- Droits et taxes sur importations

80- Services bancaires

81- Services d'assurances

90- Administration

91- Services domestiques.

2- Branches d'importation

01- Agriculture vivrière

10- Pétrole brut

30- Produits animaux

31- Riz

32- Sucre

33- Industries agricoles et alimentaires

40- Textiles et Cuirs

42- Travail des métaux

43- Ciment

44- Autres industries

50- Produits pétroliers raffinés

70- Transports

71- Services

81- Services d'assurances

99- Administration ivoirienne à l'extérieur.

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- 70-

- la formation brute de capital fixe ;

- les variations de stocks.

III - DESCRIPTION DE LA METHODE DE PREVISION

3.1. Procédure administrative

lère étape

Echéance fin mars-début avril de l'année n-1, achèvement des budgets

exploratoires de l'année n et budget prévisionnel de l'année n-1.

a) Consultations des différents responsables de la politique économique

pour l'exploration de l'année n en vue de l'élaboration des données exogènes sur

cette année :

- productions et exportations du secteur moteur (Ministère de l'Agri-

culture, Mines, ...) ;

- investissements de l'Etat, des entreprises publiques et du secteur

pétrolier (Ministères de l'Agriculture, Industrie, Economie et Finances,, etc.) ;

- compte des administrations ;

- balance des paiements BCEAO.

b) Examen rapide de la conformité des projections de l'année n-1 avec

les premiers résultats sur cette année en vue de l'élaboration du budget prévi-

sionnel pour l'année n-1.

c) Puis interprétation et synthèse des consultations en vue de l'élabora-

tion d'un compte central pour l'année n.

d) Réunion du Comité Permanent des Budgets Economiques ; choix des va-

riantes principales de politiques économiques.

e) Projection des variantes et rédaction du Rapport sur les Budgets Eco-

nomiques. Convocation par le Ministre de l'Economie et des Finances de la réunion

de la Commission inter-ministérielle des Budgets Economiques.

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3.2. Procédure technique

Données exogènes

Données de structures

- 71 -

2ème étape

Octobre - Novembre n-1

a) Actualisation des données exogènes en vue de l'élaboration du Budget

Economique pour la Loi de Finances.

b) Intégration des hypothèses de la Loi de Finances et réunion du Comi-

té Permanent des Budgets Economiques.

c) Rapport sur les Budgets Economiques au Ministère de l'Economie et des

Finances. Convocation par le Ministre de la Commission inter-ministérielle des

Budgets Economiques.

d) Un rapport de synthèse sur les Budgets Economiques accompagne le pro-

jet de Loi de Finances discuté en Conseil des Ministres et soumis par la suite à

l'appréciation des parlementaires.

On se donne d'abord la structure de l'appareil de production de l'année

de base (année n-2). Supposons qu'on soit en 1985, année en cours (n-1), et on veut

les Budgets Economiques de 1986; année de projection n.

- Il faut d'abord établir les comptes provisoires de 1984, année de base

(n-2).

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- 72 -

- Ensuite il faut établir les données exogènes de l'année en cours

(n-1) (dans notre cas 1985) et faire tourner le modèle pour obtenir les comptes

prévisionnels de l'année en cours 1985.

- Enfin il faut recommencer la même opération pour l'année de projection

1986.

3.2.1. Les données de structures

Elles comprennent les coefficients techniques de production, les con-

treparties de la valeur ajoutée, les coefficients de répartition de la demande

finale exogène et ceux de la fonction de consommation des ménages.

3.2.2. Les données exogènes

L'établissement de prévisions pour les données exogènes est la deuxième

étape majeure du travail de prévision. Prenons deux exemples importants :

a) Café et cacao

Ces deux produits, dont l'importance est fondamentale, font l'objet

d'une prévision particulièrement soignée :

i) Les réalisations concernant la production, les exportations et

les ventes sont suivies en continu (avec un mois de retard environ) à partir du

système informatique de la Caisse de Stabilisation.

ii) On établit alors des prévisions de cours à l'exportation :

année en cours : le suivi des ventes réalisées permet d'anticiper

le prix CAF de réalisation des exportations. Pour le solde restant à exporter sur

l'année, on fait une prévision basée sur les données du marché et le cours des

ventes à terme.

année n+1 : la prévision des cours pour l'année budgétaire se

fait à l'aide de modèles économétriques, ou en utilisant les prévisions faites

par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale.

iii) Equilibre ressources-emplois

Les équilibres ressources-emplois sur ces deux produits sont fixés en

volume puis en vaeur. Un soin particulier est apporté au calcul des marges sur

exportation.

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- 73-

b) Investissements

i) Définition

Les Budgets Economiques ne considèrent comme dépenses d'investissement

que celles qui correspondent à la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) au sens

de la comptabilité nationale, c'est-à-dire :

- l'acquisition de bâtiments neufs ;

- les travaux de génie civil ou de gros entretien ;

- l'acquisition de biens d'équipement (produits localement ou importés).

Il y a là une différence avec l'optique budgétaire adoptée par le "Bud-

get Spécial d'Investissement et d'Equipement"(BSIE) et par la "Loi-Programme des

Actions de l'Etat" qui considère comme investissement un ensemble de dépenses fi-

nancées par la Caisse autonome d'amortissement (CAA) sur emprunts extérieurs et

la Caisse de Stabilisation (CSSPPA) sur prélèvements de la stabilisation bien que

ces dépenses correspondent dans certains cas à des dépenses courantes de fonction-

nement (subventions, salaires, biens et services, dépenses d'encadrement) ou à des

opérations financières.

ii) Etablissement des prévisions

Il est d'usage de présenter les prévisions d'investissement classées

par agent économique. On distingue les administrations, les entreprises publiques,

les entreprises privées, les banques et assurances, les ménages et les autres en-

trepreneurs individuels.

Parmi ces six agents, les trois premiers jouent un rôle essentiel puis-

qu'ils réalisent ensemble plus de 90 % de la FBCF annuelle. Les investissements

des banques et assurances correspondent à la construction de sièges ou de

succursales et représentent moins de 1 % de la FBCF totale. Ceux des ménages et

des entrepreneurs individuels sont évalués empiriquement.

Les prévisions d'investissement du secteur public et para-public s'ap-

puient sur le BSIE, sur la Loi-Programme et sur les plans de financement des en-

treprises publiques.

La loi-programme, en particulier, présente un grand intérêt, car elle

donne un échéancier prévisionnel de la réalisation des investissements sur cinq

ans : l'année de base, l'année en cours, l'année du budget et les deux suivantes.

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- 74-

Par ailleurs, elle s'intéresse aux travaux physiquement réalisés et non

seulement à l'aspect comptable. Ainsi les paiements inscrits au BSIE 1980 au titre

de régularisation d'une opération réalisée en 1979 seront comptabilisai en 1979

dans la Loi-Programme.

Les prévisions d'investissement du secteur privé s'appuient sur la cen-

trale des bilans qui donne la tendance générale passée, sur l'examen des plans de

financement de certaines entreprises, le recensement des projets importants en

cours de réalisation, et enfin sur la politique de crédit qui sera appliquée par

la Banque Centrale en accord avec le Gouvernement d'une part et l'Union Monétaire

Ouest Africaine d'autre part.

IV - IDENTIFICATION DE QUELQUES PROBLEMES LIES A LA MISE EN OEUVRE DE CETTE

METHODE

Les Budgets Economiques ont maintenant 10 ans d'existence, on peut dis-

tinguer deux moments dans cet espace de temps correspondant à deux types d'utili-

sation des budgets économiques.

1- 1er moment : 1974-1981

L'aspect principal de prévision à court terme résidait dans une associa-

tion étroite entre l'élaboration des budgets économiques et le calendrier budgé-

taire.

- Avant les conférences budgétaires, publication des comptes exploratoi-

res de l'année budgétaire. Ceux-ci comprennent les variantes possibles de la poli-

tique économique et financière et analysent les effets des mesures envisagées sur

les grands équilibres financiers.

- Après les arbitrages budgétaires (quand les grandes lignes de l'action

gouvernementale sont arrêtées), réalisation des comptes prévisionnels de l'année

budgétaire, traduisant en termes macro-économiques les décisions du gouvernement.

2- 2ème moment : 1981-1984

En dehcrs des relations avec le FMI consistant à fournir des données pour

juger de la réalisation des critères de performance de l'économie ivoirienne,

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- 75-

conditionnant les tirages de prêts au titre des facilités élargies ou des prêts

d'ajustement structurel, les budgets économiques ne fonctionnent plus de manière

optimale du point de vue de leur utilisation dans le processus d'élaboration du

budget de l'Etat.

En effet, la première version des budgets économiques dite des comptes

exploratoires qui devait sortir en mars ou avril pour permettre la fixation des

enveloppes budgétaires n'est présentée depuis deux ou trois ans qu'au mois d'août

après les arbitrages budgétaires.

La deuxième version intégrant les hypothèses de la Loi de Finances qui

devrait être présentée en même temps que la Loi de Finances dont elle analyse les

effets sur l'économie n'est prête qu'au mois de mars de l'année suivante (soit

cinq mois de retard).

Une première conséquence est que les prévisions des recettes fiscales

sont faites sans tenir compte des projections macro-économiques et souvent par

simple extrapolation des tendances.

Les Budgets Economiques, du fait du non respect du calendrier budgétai-

re, ont des difficultés à accomplir la mission qui leur a été confiée.

Quelles sont les causes d'une telle désorganisation ?

V - ANALYSE DES CAUSES

Nous distinguons deux types de causes : celles qui tiennent aux travaux

de la comptabilité nationale et celles qui sont liées à un difficile arbitrage en-

tre la précocité et la fiabilité dans l'élaboration des données exogènes.

5.1. Causes liées aux travaux de comptabilité nationale

Un premier problème concerne les différences de nomenclatures qui néces-

sitent un retraitement des données de la comptabilité nationale dans les nomencla-

tures des Budgets Economiques (voir annexe).

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- 76 -

Le deuxième problème se rapporte au retard pris par la comptabilité na-

tionale et l'abandon de l'élaboration des comptes provisoires.

Obligés de faire les transpositions de nomenclatures et d'élaborer des

comptes provisoires, les Budgets Economiques ont vu leur charge de travail sensi-

blement alourdie.

5.2. Données exogènes

Enfin, sur les problèmes déjà évoqués vient se greffer celui de la lour-

deur de la méthode de préparation des données exogènes qui, du reste, sont très

nombreuses.

A l'exception des prévisions sur les prix à l'importation établies par

le Service de Conjoncture (Sous-Direction de la Prévision), toutes les autres don-

nées sont élaborées par le Service des Budgets Economiques après consultation des

Services de l'Administration travaillant sur ces divers sujets.

La méthode étant très analytique, très comptable, elle nécessite beau-

coup de temps de travail sans apporter nécessairement une plus grande précision.

Cette méthode pousse à privilégier la fiabilité de l'information au dépend de la

précocité de celle-ci et cela dans un contexte où l'information n'est pas toujours

disponible et est d'un accès difficile.

Cette première analyse a permis de se rendre compte que les problèmes

des Budgets Economiques résultent de la conjugaison de deux facteurs :

- l'alourdissement de la charge de travail pour élaborer les données de

structures, principalement dû à la transposition des données de comptabilité natio-

nale dans un cadre Budget Economique et à l'élaboration des comptes provisoires ;

- méthodes lourdes d'élaboration des données exogènes.

VI - ESQUISSE D'UNE REORGANISATION (ou quelques idées jetées en vrac)

Il semble difficile de proposer aujourd'hui des orientations précises

et une réorganisation efficace. Néanmoins il est possible de jeter quelques idées

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-77 -

simples susceptibles de nous guider dans la suite de notre réflexion.

- Il est nécessaire d'alléger le travail des Budgets Economiques. Cela

pourrait se faire en transférant l'élaboration des comptes provisoires à la

comptabilité nationale, quitte à réécrire une partie du modèle pour tenir compte

des modifications des nomenclatures.

- Ensuite il serait bien indiqué d'envisager la simplification des mé-

thodes d'élaboration des données exogènes.

- Il faudrait sous-traiter avec les services spécialisés de l'adminis-

tration ivoirienne la préparation d'un certain nombre de données exogènes :

Loi-Programme

(Plan et Service du Budget)

Budget Général

(Service du Budget).

- Enfin, il conviendrait de revoir et sensibiliser les circuits et

sources d'information.

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ANNEXE :

STRUCTURE DU COMPTE DE PRODUCTION UTILISE DANS LE MODELE DES BUDGETS ECONOMIQUES COMPARES A CELLE DU COMPTE DE PRODUCTION DE LA COMPTABILITE NATIONALE

Exemple de la branche des Produits Pétroliers Raffinés (PPR)

Compte de production de la Comptabilité Nationale

Branche 14 (PPR)

Compte définitif 1980 (Valeur en millions de F CFA)

Consommations intermédiaires par produits

Compte de production des Budgets Economiques

Branche 50 (PPR) Compte 1981 B.E. (Valeur en millions de F CFA)

Consommations intermédiaires sur production locale

01 02 03 04 05 Pétrole brut 06 07 08 09 10 11 12 13 14 Prod. pétroliers 15 Prod. chimiques 16 Prod. en caoutchouc 17 Mat, de construction 18 19 Mat, de transport 20 Prod. méc. et élect. 21 Prod. des ind. diverses 22 Energie élect. eau 23 B.T.P. 24 Transports 25 Location 26 Autres services 28 Services bancaires 30 Services d'assurances 31 32 33

Total consommations intermédiaires

01 02 03 10 Pétrole brut

94.703 20 21 40 Textiles et cuirs 41 Garages 42 Travail des métaux 43 44 Prod. des ind. diverses 50 Prod. pétroliers 51 Electricité, eau

14.252 60 B.T.P.

2.578 70 Transports

4 71 Services

2 72 Commerce sur emploie intérieure 73 74 D.T.I. 80 Services bancaires 81 Services d'assurances

Sous total 32.979

Consommations intermédiaires par 2roduits importée

10 Pétrole brut 42 Travail des métaux 44 Prod. des ind. diverses 50 Prod. pétroliers raffinés 70 transports 71 Services

Sous total 109.020

54 2.785

201 212 242 328 293

3.027 241 22

118.944

26.365

43 429

590 129 235 214 336

1.920 1.346

1.117 227 28

102.047 1.011 739

3.575 18

1.630

00

1

Valeur ajoutée 9.456 Production 128.400

Dans ce compte les consommations intermédiaires sont évaluées aux prix d'utilisation (marges commerciales comprises) et comprennent les consommations intermédiaires sur importations et sur production locale.

Le tableau entrééea-sorties comme le compte de production ne fait pas apparaître de ligne commerce(branche 27) ni droits et taxes sur importations.

Les DTI n'apparaissent pas en tant que branche et sont ajoutés en de-hors du TES au PIB hors DTI pour obtenir le PIB total.

Total consommations intermédiaires

Valeur ajoutée Production

Dans ce compte les consommations intermédiaires sur production locale sont évaluées aux prix à la production, les consommations intermédiaires sur importations aux prix CAF.

Les marges sur consommations intermédiaires (locales et importées) sont regroupées et inscrites dans la ligne commerce sur emplois intérieure (branche 72 de la nomenclature dee Budgets Economiques).

Les DTI sont également agrégés et inscrits dans la ligne DTI (branche 74). Il existe une colonne pour la branche DTI si bien que le tableau des consomma-tions intermédiaires est un tableau carré.

Toutes les branches sont ainsi traitées de manière identique (contrairement à la présentation Comptabilité Nationale).

L'éclatement du TES n'est pas une singularité du modèle des Budgets Eco-nomiques de la Côte d'Ivoire, c'est un traitement qu'on retrouve dans toue les

A— e", 1,.n.lva. des structures de nroduction (méthode

141.999

40.640 182.639

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-79-

COMPTES RAPIDES ET COMPTES PROVISOIRES

PAR MICHEL BLANC

INTRODUCTION

Une qualité fondamentale de la comptabilité nationale est de fournir une

description chiffrée de l'économie dans un cadre global et cohérent non seulement

à une date donnée (en fait, puisqu'on mesure en priorité des flux, sur une pério-

de donnée, généralement l'année) mais encore pour plusieurs périodes successives,

permettant ainsi de mesurer et d'interpréter l'évolution, ou le "développement",

de l'économie du pays. On comprend alors l'importance de la régularité et de la

ponctualité de la publication de ces "comptes économiques" et, dans une optique

d'aide à des décisions de politique économique, la nécessité de disposer d'évalua-

tions pour la période passée la plus récente possible. Ces contraintes liées au

suivi ou au pilotage de la politique économique à court terme se sont d'ailleurs

accentuées ces dernières années, et donc une demande de plus en plus forte s'adres-

se aux comptables nationaux pour produire des comptes "provisoires", voire "pré-

provisoires", entendus comme des comptes élaborés le plus tôt possible après la

fin d'une année, dès qu'un minimum d'information est disponible sur la période, et

en tout cas bien avant (un an ou deux, quelquefois plus) que les comptables natio-

naux ne disposent de toute l'information -relative à tous les agents économiques

et tous les types de flux- leur permettant d'établir un compte "définitif".

Or on constate que la plupart des services de comptabilité nationale en

Afrique ne satisfont pas ces exigences, contraignant ainsi les principaux utilisa-

teurs potentiels des comptes à reprendre par eux-mêmes une partie de leur élabora-

tion, dans le meilleur des cas, ou bien à se passer de cet outil.

M. BLANC appartient au Service Coopération de l'INSEE.

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-80-

Les raisons invoquées devant cet état de fait -absence d'informations

statistiques ou difficultés pour se les procurer, manque de techniciens qualifiés,

et surtout leur trop grande rotation, blocages dus au traitement informatique,

etc.- sont le plus souvent tout à fait justifiées, mais aussi ne laissent pas en-

trevoir de solutions à court terme. Une manière concrète et immédiate de poser le

problème peut donc être : comment élaborer des comptes lorsqu'on dispose de moyens

très limités ? Comment échapper au dilemme du tout (des comptes "complets" et "fia-

bles") ou rien (pas de compte du tout, ou des comptes trop tardifs, ce qui revient

presque au même) ? Comment assurer un processus de travail progressif, durable,

cumulatif, et, doit-on ajouter, adapté à un type d'utilisation donné ? Il semble

en effet que l'ambition d'élaborer des comptes "avec ce qu'on a" -si peu que ce

soit-, en les améliorant peu à peu, n'est pas habituelle ; implicitement l'idée

prévaut qu'il faut tout faire d'un coup ou rien. Dans le premier cas on risque

l'échec et le découragement, dans le second une passivité durable.

C'est avec ces questions à l'esprit qu'ont été rédigées les quelques ré-

flexions qui constituent la première partie de ce papier ; plutôt qu'une méthode

d'élaboration des comptes, c'est une méthode de travail qu'elles se proposent

d'aider à définir.

Une seconde partie invite à rentrer dans la technique des comptes en exa-

minant, sur l'exemple de la Côte d'Ivoire, quelles hypothèses peuvent être prises

pour élaborer des comptes provisoires et quelles en sont les conséquences quant au

processus d'élaboration de ces comptes et aussi quant à leur signification écono-

mique.

I - FAIRE DES COMPTES AVEC DES MOYENS LIMITES

1.1. Sur la notion de "rapidité"

Avant d'entrer dans le vif du sujet, interrogeons-nous sur ce qu'on en-

tend par comptes "rapides". Bien sûr tout le monde comprend qu'il s'agit de comp-

tes élaborés dans des délais très courts, mais ceci ne renseigne pas sur la forme

ni la qualité du produit. On peut imaginer en effet plusieurs manières de respec-

ter ces délais :

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-81 -

- on se fixe comme objectif d'exhiber des comptes le plus complets pos-

sible , d'une présentation équivalente aux comptes définitifs ; ceci peut se fai-

re par des méthodes plus ou moins automatiques (projection de structures constan-

tes, techniques économétriques ou ... report de chiffres connus et invention pure

et simple des "cases" inconnues") ;

- on produit des comptes moins détaillés, en omettant certains tableaux,

en agrégeant des nomenclatures, etc., mais en privilégiant l'information existante

et faisant le minimum d'estimations "hasardeuses".

La première manière sera probablement jugée préférable par l'utilisateur,

qui s'accomode mal de ne pas avoir une information aussi complète sur le passé ré-

cent que sur les années antérieures (surtout s'il utilise un modèle), et qui sou-

vent préfère ignorer que les comptes peuvent présenter des estimations dont la

fiabilité est très hétérogène. Au contraire le statisticien aura assez naturelle-

ment tendance à adopter la seconde manière.

En fait, la pratique pourra être une combinaison de ces deux méthodes,

le problème étant justement de trouver laquelle. Ces remarques n'ont pour but que

de faire ressortir les points suivants :

- cette prétendue "rapidité" des comptes ne s'entend que par rapport aux

besoins d'un ou plusieurs utilisateurs précis (en premier lieu les personnes char-

gées de la prévision à court terme) ; or ces besoins ne sont en général pas clai-

rement connus du comptable national ;

- une "bonne" méthode ne pourra surgir que de la confrontation des be-

soins exprimés de l'utilisateur et des contraintes liées à l'information et son

traitement également explicitées par le comptable national.

1.2. Se fixer un objectif

Puisqu'on manque des moyens nécessaires pour produire des comptes très

complets et détaillés, il faut faire la part entre ce qu'il est possible de faire

et ce qui donnera une représentation suffisante de l'économie.

Un objectif qui paraît raisonnable (pour des comptes définitifs mais éga-

lement pour des comptes provisoires) est de produire par exemple les comptes et

tableaux suivants :

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- 82 -

- comptes consolidés de la Nation ;

- comptes de production et d'exploitation par branche, en valeur et si

possible en volume ;

- équilibres ressources-emplois des principaux produits, en particulier

les produits agricoles et les principaux produits industriels ;

- équilibre général des biens et services, en valeur et en volume ;

- FBCF par produit et par secteur institutionnel, et si possible par

branche ;

- comptes des secteurs institutionnels.

Il faut ajouter la nécessité d'établir des comptes détaillés pour cer-

taines activités, ou des comptes de filière pour certains produits (par exemple le

pétrole).

De même, si le pays a un fort secteur public de production, l'utilisa-

teur pourra demander des comptes détaillés le concernant.

Enfin, l'importance des comptes financiers doit être soulignée, surtout

en période de crise ; mais ceux-ci ne peuvent pas relever seulement du comptable

national, qui a besoin de compétences extérieures sur le domaine qui se trouvent

en général dans les banques centrales.

1.3. Quelques Erinci2es de base ...

Ayant présent à l'esprit qu'il travaille pour des utilisateurs, le comp-

table national doit s'attendre à leur fournir le meilleur "mode d'emploi" possible

de ses comptes. En particulier la notion de séries temporelles étant primordiale

dans l'utilisation des comptes, il importe que des changements de méthodes, provo-

qués par exemple par la mutation du responsable des comptes, mais aussi par une

modification de source statistique, n'introduisent pas inopinément de ruptures

dans ces séries. D'où les trois principes suivants :

a) Le premier concerne à la fois l'élaboration des comptes et leur pré-

sentation. Il est clair que la lecture d'une suite de tableaux chiffrés est rébar-

bative, mais elle est aussi insuffisante, dans la mesure où l'interprétation des

phénomènes n'est pas entièrement incluse dans les chiffres. Sans aller jusqu'à un

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véritable "rapport sur les comptes", qui est bien sûr souhaitable, mais qui est

assez lourd à rédiger, et n'est pas du seul ressort du comptable national, celui-

ci peut déjà assortir les tableaux de commentaires économiques, en particulier sur

l'évolution constatée entre deux années consécutives, ou sur plus longue période.

Ceci n'est d'ailleurs que la traduction de ce qui doit être une pratique courante

du comptable national dans toutes ses évaluations, à savoir, pour toutes les esti-

mations "en niveau", de regarder systématiquement l'évolution de toutes les gran-

deurs qu'il estime et de s'interroger sur la validité ou au moins le caractère

plausible de son évaluation. Certes, il n'est pas facile de commenter l'évolution

de certaines grandeurs obtenues par solde, comme la consommation des ménages par

exemple, mais tout indice d'évolution peut être rapproché d'un ou plusieurs indi-

cateurs, et on peut être ainsi amené à revoir l'évaluation de grandeurs en amont.

b) Le deuxième principe souligne la nécessité de consigner soigneusement

toutes les méthodes employées. Ceci est bien connu, et il n'est pas nécessaire

d'insister sur l'intérêt de cette pratique. Pourtant elle n'est pas toujours appli-

quée, en particulier semble-t-il parce qu'on "n'ose pas avouer" comment on a obte-

nu certains chiffres. Or, on ne doit pas se faire d'illusion : la comptabilité na-

tionale exige des estimations de certaines grandeurs pour lesquelles il n'existe

aucune observation statistique, et, dans des pays où l'appareil statistique est

encore peu développé, certaines estimations ressemblent ainsi à de l'invention pure

et simple. Pratiquement, on procède presque toujours par analogie, et on dit qu'on

"fait évoluer comme ...". Il vaut mieux dans tous les cas abandonner ses scrupules

et avouer clairement ce qu'on a fait. L'utilisateur ne vous en sera toujours que

plus reconnaissant : il ne perdra pas son temps à essayer de commenter certaines

évolutions ou certaines structures qui lui paraîtront étranges, et il pourra éven-

tuellement proposer d'autres indicateurs vous permettant d'asseoir vos estimations.

c) Il peut arriver, alors qu'un compte a été "bouclé", qu'on s'aperçoive

que l'ordre de grandeur de certaines évaluations est incorrecte. C'est le cas par

exemple lorsqu'apparaît une nouvelle source d'information. Il convient alors géné-

ralement, plutôt que d'introduire une rupture, de continuer les estimations des

années ultérieures en respectant les évolutions et de gérer conjointement des sé-

riès parallèles correctes, qui seront réintégrées lors d'un changement de base et

`des rétropolations corrélatives.

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-84-

1.4. ... et quelques outils fondamentaux

a) Il s'agit en particulier des nomenclatures de produits et d'activités.

Il existe bien dans tous les pays des nomenclatures de produits plus ou moins "im-

plicites" -nomenclature utilisée pour les enquêtes statistiques (généralement dé-

rivée de la CITI), nomenclature douanière, nomenclature utilisée pour la planifi-

cation ou la prévision, etc.-, mais il y a rarement cohérence entre elles. L'idéal

est que toutes les personnes et institutions concernées s'entendent sur une nomen-

clature qui deviendra officielle et obligatoire mais, en attendant, le comptable

national aura la charge d'en définir une, qui engage durablement ses travaux, et

qui devra 'donc coller au mieux aux besoins des utilisateurs et être définie expli-

citement par rapport à d'autres nomenclatures, notamment celle des douanes.

Quant à la nomenclature d'activités, utilisée pour les comptes des bran-

ches et des secteurs d'activité, elle devra tendre à s'identifier à la nomenclatu-

re de produits, au moins au niveau détaillé.

b) Une des tâches primordiales du comptable national est de bien expli-

citer le contenu de l'économie qu'il veut décrire, ce qui impose de donner une

définition précise des secteurs institutionnels. Il importe en effet que tous les

agents économiques élémentaires figurent dans un secteur et un seul ; or si cer-

tains secteurs institutionnels sont des ensembles qui peuvent être définis par une

propriété (par exemple, dans les unités productives, les sociétés et quasi-socié-

tés, au moyen d'un critère juridique ou d'un critère comptable -entreprises sou-

mises au Plan Comptable-), d'autres (comme les Administrations) doivent l'être

obligatoirement par la liste des éléments qui le composent, ceci afin d'éviter de

laisser de côté certains pans de l'économie.

c) Un troisième instrument très important pour le comptable national est

le répertoire des entreprises et des établissements, dont il est essentiel, pour

s'assurer que les comptes couvrent bien le secteur institutionnel correspondant,

qu'il soit tenu à jour.

1.5. Un dernier Principe

Les différents principes développés ci-dessus s'appliquent en fait quel

que soit le type de comptes à élaborer, quel que soit le système d'informations et

quelle que soit la taille de l'équipe des comptables nationaux, mais ils deviennent

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des conditions indispensables de réussite et d'efficacité dans le cas de moyens

réduits.

Un dernier principe, simple et général, et qui s'applique particulière-

ment au cas des comptes provisoires, exige que le comptable national sache quelque-

fois se comporter plus en économiste qu'en statisticien.

Cela veut dire par exemple ne pas être esclave de la complexité d'un

cadre au point de manquer de bon sens, mais au contraire utiliser l'exigence de

cohérence interne du cadre comptable comme une force et pas seulement une contrain-

te, pour critiquer, compléter et sélectionner des informations diverses mais par-

tielles. Cela signifie aussi, comme on l'a déjà dit, tenir compte de l'aspect tem-

porel des phénomènes ; par exemple, si on trouve, en l'évaluant par solde, que'le

revenu de telle catégorie de paysans diminue beaucoup d'une année à l'autre, il y

a lieu de s'interroger : quand ce phénomène se produit réellement, cela se sait

en général !

On ne s'étendra pas sur les méthodes vite apprises des comptables natio-

naux pour pallier les insuffisances statistiques, spécialement pour toutes les es-

timations concernant le secteur informel ou non structuré : utilisation de données

d'emploi jointes à des estimations de salaires moyens pour estimer des revenus de

certaines professions, utilisation d'indicateurs divers sur la production (quanti-

tés de pièces détachées -généralement importées- pour estimer la construction arti-

sanale, nombre de véhicules -taxis, camions, etc.- pour estimer les transports),

etc. ; mais. ces méthodes ne doivent pas être cachées non plus. De même, une fois

prises toutes les précautions d'usage, les "dire d'expert" peuvent permettre d'ar-

river à de bien meilleures estimations qu'une source statistique incomplète.

II - L'EXEMPLE DES COMPTES PROVISOIRES DE COTE D'IVOIRE

Le fait qu'on se plaigne du manque d'informations pour établir des comp-

tes provisoires ne signifie pas qu'il y a peu de données statistiques disponibles ;

il y en a même généralement plus qu'on ne peut en traiter -en particulier dès qu'il

existe des données comptables et statistiques sur les entreprises- mais elles ne

couvrent pas également tous les domaines de l'économie du pays. L'élaboration de

comptes nationaux dans des délais réduits implique donc un choix de priorités dans

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l'information à traiter ou à rechercher ; or on ne gagne pas nécessairement en qua-

lité, à exploiter toute l'information disponible, ce qu'on perd en délai ; et ceci

est encore plus vrai lorsque le processus d'élaboration des comptes définitifs est

devenu complexe, ce qui est le cas en Côte d'Ivoire.

Ceci peut être illustré par le blocage constaté actuellement dans ce

pays, aussi bien chez les prévisionnistes que chez les comptables nationaux. Lors-

que, suite à la difficulté d'obtenir certaines données mais aussi suite à la prise

de conscience de la nécessité de changer certaines méthodes, les comptables natio-

naux ont cessé de produire les comptes provisoires de l'année N six mois après la

fin de cette année, les responsables des budgets économiques ont tenté de repren-

dre ce travail, mais ils sont tombés dans le piège de la masse d'informations

qu'on souhaite absolument obtenir, et ont complètement dépassé leur échéances eux

aussi.

La solution passe par un compromis à trouver entre des simplifications

à introduire dans le processus d'élaboration et des "raffinements" qu'on ne peut

pas ou ne veut pas abandonner, de façon que l'ensemble reste maîtrisable (en uti-

lisant éventuellement des moyens micro-informatiques) et que les comptes gardent

leur signification économique.

2.1. Présentation des comptes

Les comptes définitifs de l'année N sont produits normalement en mai de

l'année N + 2 -mais ils accusent également du retard actuellement-. Ils compren-

nent essentiellement un Tableau Economique d'Ensemble (TEE), un Tableau Entrées -

Sorties (TES), et un Tableau des Opérations Financières (TOF), ainsi que des comp-

tes d'entreprises par secteur d'activité ; mais ces derniers ne sont élaborés que

depuis quelques années, et leur mise en cohérence avec les comptes de branches du

TES n'est pas encore complètement réalisée.

Une attention très importante est donc portée à l'aspect biens et servi-

ces, et un tableau des entrées intermédiaires est élaboré chaque année, dans une

nomenclature comprenant une trentaine de branches et de produits (en fait, il est

publié ainsi, mais confectionné dans une nomenclature de branches beaucoup plus

détaillée). Le TES est élaboré en francs courants mais également en francs de

l'année précédente ; de plus il est effectué une ventilation du TES en francs

courants entre produits locaux et produits importés (c'est d'ailleurs une étape

de la construction du TES aux prix de l'année précédente).

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Une source statistique très importante pour l'élaboration des comptes

de biens et services et des comptes des entreprises est constituée par les docu-

ments comptables de fin d'exercice établis annuellement par les entreprises et

comprenant, outre les comptes conformes au Plan Comptable ivoirien (proche du

Plan Comptable général de l'OCAM), des tableaux statistiques donnant notamment

la ventilation de la production et des achats par produits, en quantité et en

valeur.

Une des difficultés entraînées par ces documents provient de la période

couverte par l'exercice comptable des entreprises (d'octobre à septembre), alors

que les comptes nationaux sont élaborés en année civile, comme le budget de l'Etat.

Disons simplement que la plupart des flux de biens et services sont assimilés à

ceux de l'année civile, sauf pour les entreprises pouvant fournir une comptabili-

té analytique autorisant des corrections. Quant aux flux comptables, aucune cor-

rection ne permet de pallier ce décalage, d'où des difficultés d'ajustement dans

le TES par exemple.

Cette source couvre bien tout le secteur moderne de l'économie (plus de

2 000 déclarations, dont la moitié environ dans le commerce et les services).

L'agriculture est traitée à part, et notamment les grands produits destinés à

l'exportation (en particulier café et cacao), qui font l'objet d'examen détaillé

et d'ailleurs délicat.

2.2. Un processus possible pour les comptes provisoires

Le défi à relever pour l'élaboration des comptes provisoires porte prin-

cipalement sur le domaine des biens et services, et accessoirement les comptes des

entreprises. En effet, bien que les choses ne se passent pas toujours aussi simple-

ment, il est normalement possible d'avoir des informations -"provisoires" certes-

sur l'exécution de la Loi de finances, des informations en provenance de la Ban-

que Centrale, etc., et donc d'élaborer les comptes des administrations publiques,

des assurances et des institutions de crédit, ainsi que les comptes financiers.

Les comptes des entreprises

Aucune tentative n'a encore été faite d'utiliser les comptabilités com-

plètes des entreprises pour le compte provisoire, alors que la plupart des do-

cuments sont disponibles dans les premiers mois de l'année.

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Comme ces comptabilités sont saisies informatiquement, il serait envisa-

geable d'élaborer ce qu'on peut appeler un "comparatif N/N-1", constitué de toutes

les entreprises présentes dans les fichiers de ces deux années. On en déduit alors

des indices d'évolution d'un certain nombre de grandeurs caractéristiques qu'on

peut appliquer aux comptes nationaux des entreprises de l'année N-1 pour obtenir

ceux de l'année N.

Il est à noter que cette technique est à utiliser avec circonspection :

en effet, il y a lieu non seulement de s'assurer que les grandes entreprises sont

bien présentes dans chaque secteur d'activité, et que la représentativité du compa-

ratif y est suffisante, mais encore d'introduire d'éventuelles corrections pour

tenir compte des disparitions et créations d'entreprises entre les deux années, ce

phénomène pouvant troubler notablement l'évolution de certains secteurs. Toutefois

cette méthode est susceptible de fournir des informations très précieuses sur l'in-

dustrie, le BTP, le commerce et les services.

Les comptes de biens et services et les comptes de branches

Une source de données indispensable pour ces comptes est le commerce ex-

térieur de l'année N, c'est-à-dire les quantités et les valeurs des importations

et des exportations par produits.

Une autre donnée qui sera considérée comme fondamentale est la produc-

tion de chaque bien et service ; ceci ne signifie pas que cette production est

bien "connue" pour l'année N, mais on s'impose de l'estimer pour chaque produit.

A quel niveau de nomenclature ? C'est la question principale ; nous y reviendrons

plus loin.

Pour le reste, et par rapport au processus du compte définitif, il n'est

pas possible de procéder à un dépouillement aussi complet des documents comptables

des entreprises, conduisant à des estimations "en niveau" sur les composantes des

équilibres ressources-emplois des biens et services et sur les comptes de produc-

tion - exploitation des branches.

Toutefois il n'est pas question non plus de se priver de certaines infor-

mations connues, ni de manquer d'en rechercher un ensemble d'autres considérées

comme essentielles.

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Un schéma d'élaboration peut alors être le suivant :

) Pour les équilibres ressources-emplois (ERE) de biens et services :

- les ERE de certains produits sont élaborés exactement comme pour

un compte définitif (pour le café, le cacao, etc.) ;

- les ERE des autres produits sont évalués "en évolution", c'est-à-

dire en projetant l'équilibre de l'année N-1 pour obtenir celui de l'année N (si

l'équilibre N-1 n'est pas disponible, la méthode sera appliquée deux fois à partir

de l'équilibre N-2). Pour cela on supposera constante la structure de répartition

des emplois ;

- on prévoit d'introduire de manière exogène certains emplois connus

par ailleurs, ce qui obligera à modifier certains ERE.

b) Pour les comptes de branches :

- la production des produits donne la production des branches ;

- l'application à ces productions d'une matrice de coefficients tech-

niques constants donne une estimation du tableau des échanges intermédiaires (TEI)

de l'année N, donc de la consommation intermédiaire des branches et de leur valeur

ajoutée ;

- les comptes d'exploitation par branche sont plus difficiles à obte-

nir : les impôts liés à la production, les subventions d'exploitation et les coti-

sations sociales sont connus globalement par les comptes des administrations, mais

pas leur ventilation par branche. Des "clés de répartition" peuvent être obtenues

à partir des comptabilités des entreprises (voir plus haut ; mais il se pose un

probtème de passage secteurs-branches) ou estimées à partir de la production ou

d'autres indicateurs. Quant aux salaires bruts, il est préférable d'appliquer au

montant de l'année N-1 un indice d'évolution par branche issu des comptes des en-

treprises.

c) La comparaison des deux évaluations de la consommation intermédiaire

de chaque produit, l'une obtenue dans l'ERE, l'autre par sommation de chaque

ligne du TEI, doit conduire à un examen critique des équilibres obtenus et un

arbitrage éventuel.

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- 90-

d) Il est possible d'effectuer les calculs sur les biens et services

aussi bien en "valeur" qu'en "volume". Partant dans les deux cas du TES de l'année

N-1 en francs courants, on peut appliquer la méthode aux montants d'importations,

d'exportations et de production soit aux prix de l'année N soit aux prix de l'an-

née N-1.

Par simple lecture de ces tableaux, on obtient le produit intérielr brut,

en volume et en valeur.

Arbitrage secteurs - branches

Cet arbitrage est mentionné ici pour mémoire, car il ne peut pas être

aussi complet que pour un compte définitif. Toutefois la comparaison devra au

moins être effectuée globalement (pour l'ensemble des entreprises non agricoleà)

sur certaines grandeurs telles que la valetir ajoutée, la rémunération des sala-

riés et la formation brute de capital fixe.

2.3. Examen détaillé des comptes de biens et services

Puisque les comptes de biens et services ne sont pas du tout informati-

sés pour un compte définitif, en raison de la diversité des sources et méthodes

suivant les produits et bien que le volume des informations manipulées soit impor-

tant, c'est là qu'il convient de mettre au point des techniques appropriées pour

le compte provisoire. Il s'agit donc de voir quel sera le niveau de la nomenclatu-

re de travail (qui pourra être différent de celui de la publication des comptes)

et quelles sont toutes les grandeurs à considérer pour déterminer où peut être in-

troduite une automatisation, sans que celle-ci aboutisse à des simplifications

abusives.

1- Partons de l'équilibre ressource-emploi le plus général, qui s'écrit :

Production + Importation + Droits et taxes à l'importation + Marges commerciales +

Prise sur stock = Consommation intermédiaire + Consommation finale + Formation

brute de capital fixe + Exportation + Mise en stock

ou encore, avec des notations abrégées :

P + I + DTI + M + PS = CI + CF + FBCF + X + MS

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- 91 -

On voit immédiatement que l'application de la méthode de projection de

l'ERE définie plus haut passe par la résolution de plusieurs questions :

- il existe pour quelques produits (essentiellement agricoles) une auto-

consommation, dont l'évaluation est incluse implicitement dans les termes P et CF

de l'équation ci-dessus ; or les seules informations existant habituellement por-

tent sur la production hors auto-consommation, spécialement pour un compte provi-

soire ; il est alors préférable de distinguer ce terme, et de l'estimer en suppo-

sant un taux d'auto-consommation constant ;

- en ressources de l'ERE figurent des droits et taxes à l'importation

(DTI) ; ces montants sont fournis par les statistiques douanières, mais d'une part

ils doivent être éventuellement reventilés par produits pour que le total corres-

ponde à celui porté dans le compte des administrations, d'autre part pour chaque

produit ces DTI doivent être répartis suivant les emplois (proportionnellement a

priori) ;

- à gauche de l'équation d'équilibre se trouvent des marges commerciales

qui doivent elles aussi se répartir entre les emplois ; on fera les calculs en sup-

posant des taux de marge constants, sauf informations contraires ;

- l'ERE ci-dessus est obtenu en fait par sommation de deux équilibres,

l'un sur la production nationale, l'autre sur res importations ; or, en considé-

rant ces deux grandeurs comme des données de base pour le compte provisoire, on

veut signifier que cette distinction correspond à une réalité économique. Il con-

viendra donc de projeter séparément ces deux équilibres, mais aussi de s'interro-

ger dès qu'on constatera une évolution très irrégulière de la production nationale

ou des importations d'un produit donné entre les deux années ;

- les mouvements de stocks sont pris en compte dans l'équilibre à la fois

en ressource et en emploi, et non pas seulement en emploi ("variation de stock"

MS - lie). Ce traitement est possible pour le compte définitif car la distinction

est disponible dans les sources statistiques (notamment les comptes des entrepri-

ses), et d'autre part les montants peuvent être très importants pour les produits

agricoles destinés à l'exportation par exemple. Mais en fait l'information est

très réduite sur les stocks, et on peut dire sommairement que des mouvements de

stocks ne sont retracés dans les équilibres de produits industriels que lorsqu'ils

sont fournis par les comptes des entreprises, ou lorsque le bouclage de l'équili-

bre l'exige. Pour un compte provisoire la situation est encore plus délicate ; une

solution serait de n'estimer qu'une variation de stocks et, dans la mesure où les

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- 92 -

calculs seront faits informatiquement, de n'intervenir que lorsque l'équilibre ne

pourra être réalisé autrement ; mais il paraît malsain d'être laxiste justement

pour des montants qui peuvent varier énormément, et il est préférable de garder

les variables PS et MS et de les considérer comme exogènes, quitte à faire les

premières estimations en les mettant à zéro ; ce traitement alourdit les calculs

(puisqu'il faut prévoir aussi des marges sur MS et sur PS), mais ne serait rédhi-

bitoire que s'il fallait les effectuer à la main. Concrètement, une première esti-

mation des ERE ne prendra en compte que les sorties et entrées de stocks "connues" ;

si alors la consommation finale d'un produit augmente ou diminue trop entre les

deux années, ou si la consommation intermédiaire ne s'ajuste pas avec celle prove-

nant du TEI, il y aura lieu de se demander si un mouvement de stock n'en est pas

la cause.

2- On peut maintenant examiner la question des nomenclatures à la lumiè-

re des remarques qui précèdent.

a) Nomenclature pour les ERE

On aurait pu penser de prime abord qu'il suffisait pour le compte provi-

soire de travailler dans une nomenclature de produits pas trop désagrégée (sauf

pour les produits les plus importants évidemment), la nomenclature en 30 produits

paL...issant un niveau convenable.

En réalité, le fait de travailler au même niveau que pour un compte dé-

finitif (nomenclature en 200 produits environ) mais à condition bien »sûr de le

faire informatiquement (1), présente de nombreux avantages, sans exiger trop de

temps :

- les données du commerce extérieur sont disponibles à ce niveau, ceci

n'implique donc pas d'investigation supplémentaire ;

- les données de production ne sont certes pas facile à estimer pour

tous les produits, mais souvent, à l'intérieur d'un "niveau 30", elles sont con-

nues pour quelques produits au "niveau 200", on ne perd donc rien à garder des es-

timations plus fragiles pour les autres produits détaillés plutôt que de faire une

estimation globale au niveau 30 ;

(1) Un micro-ordinatelr est l'outil idéal pour ce genre de traitement, en inter-actif et à l'aide d4un logiciel réalisant des calculs sur des tableaux de données (tableur du type de MULTIPLAN ou LOTUS).

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- 93-

- au niveau détaillé les produits n'ont souvent qu'un ou deux emplois,

rarement trois, la méthode automatique présente donc moins de risque.

Ce degré de désagrégation permet donc tout simplement au comptable na-

tional d'exercer un regard plus "économique" sur ses estimations, grâce aussi à

la distinction production nationale - importations.

b) Nomenclature des comptes de branches et du TEI

La méthode d'élaboration des comptes de production des comptes définitifs

autorise à envisager la projection d'un TEI en 200 branches et 30 produits, qui

permet dans chaque sous-branche de distinguer le secteur moderne du secteur "tra-

ditionnel".

Le nombre de lignes limité pourra poser quelques problèmes d'arbitrage ;

ceci pourra être revu lorsqu'aura été mise en place la nouvelle nomenclature d'ac-

tivité et de produits et que les documents des entreprises auront été dépouillés

suivant un niveau de cette nomenclature intermédiaire entre 30 et 200.

Enfin, les comptes d'exploitation des branches pourront certainement

rester au niveau 30 (ou également à un niveau intermédiaire).

3- Mise en oeuvre pratique

a) Equilibre sur production nationale

On notera les montants de l'année de base (normalement N-1) avec l'indi-

ce 0 et ceux de l'année projetée avec l'indice le

Les montants à saisir pour l'année de base sont, en notant AC l'auto-

consommation (supposée incluse dans la production P mais pas dans la consomation

finale CF, pour des raisons de facilité de calcul) et MCF, MCI, etc., les marges

respectives sur CF, CI, etc.

P ,AC , PS , MPS., CI ,CF , FBCF , X , MCI , MCF , MFBCF , MX , MMS , et o o o o o o o o o o o o o

TOTRESo

où TOTRESo

est le total des ressources de l'équilibre avec marges (variable per-

mettant de contrôler la saisie).

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- 94 -

Si on voulait être parfaitement correct, la liste devrait être encore

plus longue. En effet, les emplois qui figurent ci-dessus sont ceux de Po + PSo

et non pas de Po seule ; autrement dit, il y a un autre équilibre qu'on néglige,

qui est la ventilation de la prise sur stock entre ses emplois ; on suppose ici -

pour ne pas doubler systématiquement le nombre d'équilibres alors que ce montant

n'est rempli que pour quelques produits- que PSo est inclus dans un des emplois

(en théorie il peut même l'être dans plusieurs) et que la marge sur PSo

est inclu-

se dans la marge correspondante (ceci présente tout de même l'inconvénient que

pour certains produits on calculera des taux de marges "impurs" ; MPSo ne figure

ici a priori que pour mémoire).

On peut alors vérifier les équations suivantes :

Equilibre hors marges : P o o o o o o + PS = AC + CI + CF + FBCF + X + MS 0

Equilibre avec marges : AC0 + CIo + CF0 + FBCF + Xo + MS0 + MCI() + MCF +

MFBCFo + MX

o + MMS

o = TOTRESo.

La deuxième étape consiste à calculer :

- le taux d'auto-consommation AC o /P

o ;

- les taux d'emplois Cl/CI+CF+FBCF, CF /CI +CF +FBCF et FBCF ICI + o

o o o o o o o o o

CFo+FBCF

o ;

- les taux de marge MCI /CI , MCF /CF , MFBCFo o /FBCF, MX /X et MMS /MS ;

o o o o o o o o comme on l'a vu, ces taux de marge peuvent être faussés par la prise sur stock et

la marge correspondante, et donc, dans la mesure où ces taux de marge ne sont pas

changés souvent faute d'enquête commercialisation, il vaudra mieux introduire un

fichier de taux de marges (exacts) de manière séparée, fichier qu'on pourra mettre

à jour ponctuellement.

La troisième étape consiste à rentrer les données de l'année 1, soit P1 ,

X1, PS1 et MS1, et à calculer les variables de l'équilibre, soit :

AC CIo AC1 = • CI =

,1 CI +CF +FBCF o o o

x (P1 +PS 1 -AC

1 -X

1 -MS

1 ) • '

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- 95-

de même pour CF 1 et FBCF1 • '

MCI

MCI1

- o

CI1 , de même pour les autres marges. CIo

On obtient deux équilibres en rentrant les données ci-dessus respective-

ment en valeur et en volume.

b) Equilibre sur importations

La confection de cet équilibre est analogue à celle décrite ci-dessus,

une particularité étant introduite par les droits et taxes à l'importation : on

ne saisira pas en effet leur ventilation suivant les emplois (a priori 5 emplois

sont possibles), car elle se réalise proportionnellement, mais on devra la calcu-

ler pour l'utiliser dans l'équilibre.

On notera par ailleurs que la complication introduite par les prises

sur stock subsiste, certains produits importés pouvant être stockés pour être

utilisés au cours de la période suivante. D'autre part quelques produits importés

peuvent donner lieu à réexportation.

L'équilibre hors marges et hors DTI s'écrit

I + PSo =CI

o + CF

o + FBCF +X + MS

o.

o o o

L'équilibre complet est alors :

CI + CF + FBCF + X + MS + DTI + MCI + MCF + MFBCF + MX + MMSo = TOTRES

o o o o o o o o o o o

Les calculs de taux d'emplois sont les mêmes que précédemment et les

taux de marge sont calculés sur les emplois y compris les DTI (donc après répar-

tition proportionnelle ; mais là aussi les calculs pourront être simplifiés si on

introduit directement un fichier de taux de marges).

Les données exogènes I1,

DTI1 , X

1 , MS

1 et PS

1 permettent alors de cal-

culer les autres emplois CI1, CF1 et FBCF 1 , de ventiler le montant DTI

1 entre les

emplois, et enfin de calculer les marges MCI1 , MCF 1 , MFBCFl'

MX1 et MMS

1.

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- 96 -

c) Arbitrage

En agrégeant les deux équilibres précédents pour chaque produit, on

obtient une estimation de la consommation intermédiaire de ce produit.

Une autre estimation est fournie par l'application de la matrice des

consommations intermédiaires de l'année N-1 aux productions de l'année N. On uti-

lisera pour cela la matrice en 200 sous-branches et 30 produits, pour laquelle

l'hypothèse de constance des coefficients techniques est a priori la moins forte.

On notera qu'on pourrait penser à utiliset aussi la matrice avec conte-

nu en import, dans le but de pouvoir arbitrer séparément sur chaque équilibre,

mais les hypothèses qui sous-tendent l'éclatement du TEI sont tellement fortes

que l'interprétation des écarts deviendrait encore plus difficile. Il faudrait

d'abord tenter d'améliorer les données du TEI au niveau détaillé, en utilisant

notamment des déclarations des entreprises soumises à la "taxe de coopération

régionale", qui contiennent des informations très détaillées par produit.

Pour l'arbitrage proprement dit, on examinera pratiquement tous les pro-

duits successivement. On privilégiera a priori l'estimation provenant du TEI, mais

sans en faire une règle générale : les taux de valeur ajoutée peuvent effectivement

changer d'une année à l'autre, il suffit pour s'en persuader d'exploiter cette don-

née à partir des comptes des entreprises les plus importantes. On observera les

évolutions d'une année à l'autre, on introduira éventuellement des mouvements de

stocks, etc.

Une fois encore, on veut souligner l'intérêt de réaliser ces estimations

à l'aide d'un micro-ordinateur et d'un logiciel permettant de faire tous les cal-

culs nécessaires entre lignes et colonnes d'un tableau, de rééquilibrer tout le

tableau lorsqu'on a changé une case, etc., tout ceci de manière interactive. Ceci

permet d'exercer un jugement sur chaque équilibre et de l'ajuster si possible avec

des données économiques, plutôt que de réaliser des ajustements automatiques.

Ceci sera vrai également lorsqu'il s'agira d'arbitrer en fonction de la

comparaison entre les données obtenues par agrégation de tous les équilibres et

des données provenant d'autres sources (par exemple sur le total de la consomma-

tion finale des ménages ou la FBCF).

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- 97 -

Bien sûr il subsistera toujours des écarts inexpliqués, mais même dans

ce cas, plutôt que par des ajustements systématiques, il vaudra mieux les résorber,

suivant le cas, en modifiant l'équilibre d'un seul produit (le BTP par exemple,

car les montants y sont très importants), en jouant sur les données de l'artisanat,

mal assurées, ou en modifiant proportionnellement toutes les évaluations de la con-

sommation des ménages par exemple.

4- Résultats d'une simulation

Une simulation a été réalisée sur deux comptes définitifs, c'est-à-dire

en appliquant la méthode ci-dessus au compte N-1 en ne supposant connues pour l'an-

née N que les productions, les importations et les exportations de chaque produit,

et elle a donné des résultats encourageants. Sommairement la comparaison des esti-

mations obtenues avec celles du compte définitif a montré que :

- lorsque les équilibres étaient différents, cela provenait soit d'une

information réellement introduite dans le compte définitif (mais qui peut être

disponible dans certains cas dès le compte provisoire), soit d'arbitrages réali-

sés dans le compte définitif ;

- l'hypothèse de constance des coefficients techniques est très souvent

correcte, mais, comme on l'a dit plus haut, on constate des changements de struc-

ture de comptes de production, qui proviennent généralement de grandes entreprises

intervenant pour une part très importante dans la branche considérée.

CONCLUSION

L'exposé qui précède est loin de fournir une méthode complète d'élabora-

tion des comptes provisoires. On y suppose en particulier que les données du com-

merce extérieur sont toujours disponibles à temps et que peuvent être obtenus sans

trop de difficultés les comptes des administrations publiques, des institutions

de crédit, etc., ce qui n'est pas toujours le cas. D'autre part on n'y a pas trai-

té non plus tous les problèmes posés par la prise en compte des besoins des prévi-

sionnistes -peut-être parce que ces besoins ne sont pas connus- ; certains peuvent

être d'ailleurs de pure forme et se résoudre à partir de la méthode proposée, mais

d'autres méritent plus d'attention.

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- 98 -

Il s'agissait simplement d'explorer un domaine pour faire apparaître

certains principes et certaines règles et les confronter ensuite aux réalités

chiffrées. C'est en faisant l'expérience jusqu'au bout, et en prévoyant des étapes

permettant d'intégrer les besoins des utilisateurs qui n'avaient pas été perçus,

que se construira ce qui deviendra la méthode, au moins pour quelque temps.

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- 99 -

L'UTILISATION DE LA MICRO-INFORMATIQUE

DANS LES TRAVAUX DE PREVISION AU SENEGAL

PAR GERALD TAMBY W

INTRODUCTION

La micro-informatique a été introduite à la Direction de la Prévision

par le biais du Fonds Monétaire International au mois de Novembre 1983 au cours

de l'une de ses missions.

L'équipe du FMI est arrivée avec un micro-ordinateur portable compa-

tible IBM PC, une imprimante et le logiciel Multiplan classé dans la catégorie

des tableurs.

La rapidité avec laquelle le FMI mettait à jour ses tableaux au fur

et à mesure que de nouvelles informations étaient collectées avait considérable-

ment impressionné le personnel de la Prévision qui voyait là l'outil idéal pour

une administration astreinte à une obligation de résultats dans des délais très

courts. A la satisfaction de tous, le Ministère des Finances avait pu finalement

trouver un financement extérieur pour racheter le micro-ordinateur au FMI.

I - QU'EST-CE QU'UN TABLEUR ?

1.1. - Présentation

L'exemple de logiciel choisi pour l'exposé s'appelle Multiplan.

Un tableur est une feuille de calcul électronique qui dans le cas de

Multiplan dispose de 255 lignes et 63 colonnes. L'écran du moniteur est une simple

fenêtre sur cette feuille. Le tableau qui suit représente une partie de la grande

feuille de calcul électronique telle qu'on la voit sur l'écran.

* G. TAMBY ést assistant technique à la Direction de la Prévision et de la Conjoncture du Sénégal.

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— 100 —

On remarque les numéros de lignes et de colonnes, et la ligne de

commande. A l'intersection d'une ligne et d'une colonne se trouve une case appe-

lée cellule. Une cellule peut contenir soit du texte, soit une valeur numérique,

soit une formule mathématique. Un curseur lumineux appelé pointeur de cellule

permet de se positionner n'importe où sur l'écran. Multiplan est commandé à la

fois par des touches de fonction et par des caractères particuliers. Son appren-

tissage ne nécessite pas la connaissance cOun langage de programmation et se

fait très rapidement. De plus, une touche d'assistance peut être utilisée à tout

moment et permet d'avoir des explications sur une commande qui n'a pas été

comprise.

1 1 2 3 4 5 6 7 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 COMMAND : Alpha Blank Copy Delete Edit Format Goto Help Insert Lock Move

Name Options Print Quit Sort Transfer Value Window Xternal Select option or type command letter RIC1 100 % Free NL Multiplan : TEMP

1.2. - La logique d'un tableur

Les notions essentielles à assimiler pour bien utiliser un tableur

sont celles de références absolue et relative.

Considérons l'exemple 1 qui suit. Dans la cellule de coordonnée

r2c2, on a introduit le libellé "RECETTES". De même, dans les 2 cases au-dessous,

les libellés suivants ont été introduits : "DEPENSES", "SOLDE 1". On a ensuite

entré dans la cellule rlc3 : la valeur 1982, dans rlc4 : 1983, dans r2c3 : 100,

dans r2c4 : 120, dans r3c3 : 40, dans r3c4 : 70. Pour l'année 1982, la cellule

contenant le montant des recettes a pour coordonnée r2c3 appelé coordonée absolue,

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— 101 —

de même la cellule contenant le montant des dépenses a pour coordonnée absolue

r3c3. Dans la case r4c3, on se propose d'introduire la formule donnant le solde

et qui utilise les coordonnées absolues soit r2c3-r3c3. Il existe une commande

de Multiplan qui permet de recopier le contenu d'une cellule, on va l'utiliser

pour recopier le contenu de r4c3 dans r4c4. Le résultat de l'affichage à l'écran

se trouve dans le deuxième tableau concernant l'exemple 1. On constate que les

soldes pour les deux années sont identiques, ce qui est normale puisque les

formules sont les mêmes et qu'elles concernent les cellules r2c3 et r3c3. La

formule correcte qu'il faut mettre en r4c4 est r2c4-r3c4.

EXEMPLE 1

CONSTRUCTION DU TABLEAU

I 2 3 4

1 1982 1983 2 "RECETTES" 100 120 3 "DEPENSES" 40 70 4 "SOLDE 1" R2C3-R3C3 R2C3-R3C3

AFFICHAGE DES RESULTATS A L'ECRAN

1

3 4 1 1982 1983 2 RECETTES 100.0 120.0 3 DEPENSES 40.0 70.0 4 SOLDE 1 60.0 60.0

Passons à l'exemple 2. On a introduit un nouveau libellé "SOLDE 2"

en r5c2. Cette fois-ci en r5c3, on va calculer toujours le même solde mais en

utilisant des coordonnées relatives. Par rapport à la case r5c3, la case r2c3 a

pour coordonnée r-3c, ce qui simplie qu'elle se trouve 3 lignes au dessus mais

sur la même colonne, quant à la cellule r3c3 sa coordonnée relative, par rapport

à r5c3, est r-2c. La formule que l'on doit mettre dans r5c3 est alors r-3c - r-2c.

Recopions cette formule dans r5c4, on constate cette fois-ci en regardant l'écran

que le solde est correct. L'intérêt d'utiliser des formules relatives est de

n'avoir à établir la formule qu'une seule fois et ensuite avec la commande de

recopie on obtient une formule correcte pour toutes les cases vérifiant le même

type de relation. On voit ainsi l'extraordinaire facilité à construire des tableaux

statistiques où pour chaque année figurent les mêmes rubriques.

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— 102 —

EXEMPLE 2

CONSTRUCTION DU TABLEAU

I

I 2 3

1982

4

1983 2 "RECETTES" 100 120 3 "DEPENSES" 40 70 4 "SOLDE I" R2C3-R3C3 R2C3-R3C3 5 "SOLDE 2" R(-3)C-R(-2)C R(-3)C-R(-2)C

AFFICHAGE DES RESULTATS A L'ECRAN

1 2 3 4

I 1982 1983 2 RECETTES 100.0 120.0 3 DEPENSES 40.0 70.0 4 SOLDE 1 60.0 60.0 5 SOLDE 2 60.0 50.0

Le troisième exemple va nous donner une deuxième possibilité pour

construire les formules. Multiplan permet de donner des noms à des matrices

de cellules. Ici nous allons appeler "RE" la ligne r2 des recettes et "DE" la

ligne r3 des dépenses. Pour calculer le solde 3, nous allons mettre cette fois-

ci dans la case r6c3, la formule RE-DE et nous la recopions en r6c4. Une nouvelle

fois nous obtenons les bons résultats pour les soldes de 1982 et 1983.

EXEMPLE 3

CONSTRUCTION DU TABLEAU

1 2 3 4

1 1982 1983 2 "RECETTES" 100 120 3 "DEPENSES" 40 70 4 "SOLDE 1" R2C3-R3C3 R2C3-R3C3 5 "SOLDE 2" R(-3) C-R(-2)C R(-3)C-R(-2)C 6 "SOLDE 3" RE-DE RE-DE

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— 103 —

I 2

AFFICHAGE DES RESULTATS DU TABLEAU

3 4 1 1982 1983 2 RECETTES 100.0 120.0 3 DEPENSES 40.0 70.0 4 SOLDE 1 60.0 60.0 5 SOLDE 2 60.0 50.0 6 SOLDE 3 60.0 50.0

Passons à un quatrième exemple. On se propose de faire une projec-

tion des recettes et des dépenses sur 3 ans. Pour cela dans la première colonne

on introduit par exemple les indices de progression 1.1 pour les recettes (soit

+ 10 7 par an) et 1.2 pour les dépenses (soit + 20 %). On va appeler la première

colonne "H". Pour calculer la projection des recettes en 1984, nous allons uti-

liser une formule qui combine les noms et les références relatives. Ainsi dans

la cellule r2c5, la formule utilisée sera rc-1*H ce qui signifie : prendre la

valeur de la colonne précédente sur la même ligne et multiplier par la valeur

correspondante qui se trouve dans la colonne H. Ce qui est extraordinaire c'est

que cette formule est valable pour toutes les autres cases de projection comme

on peut le vérifier en utilisant la commande de recopie.- Un autre avantage appa-

rait ici, à savoir la rapidité avec laquelle on peut construire des tableaux

de projections.

EXEMPLE 4

CONSTRUCTION DU TABLEAU

1 2 3

1

"HYPOTHESES" 1.1 1.2

2

"RECETTES" "DEPENSES"

3

1982 100 40

4 1983 120 70

4 "SOLDE 1" R2C3-R3C3 R2C3-R3C3 5 "SOLDE 2" R(-3)C-R(-2)C R(-3)C-R(-2)C 6 "SOLDE 3" RE-DE RE-DE

5 6 7 1 1984 1985 1986 2 RC(-1)*H RC(-1)%H RC(-1)*H 3 RC(-1)*H RC(-1)*.H RC(-1)*H 4 5 6

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— 104 —

AFFICHAGE DES RESULTATS SUR ECRAN

1 2 3 4 5 6 7 1 HYPOTHESES 1982 1983 1984 1985 1986 2 1.10 RECETTES 100.0 120.0 132.0 145.2 159.7 3 1.20 DEPENSES 40.0 70.0 84.0 100.8 121.0 4 SOLDE 1 60.0 60.0 5 SOLDE 2 60.0 50.0 6 SOLDE 3 60.0 50.0

Enfin il y a l'utilisation désormais classique des tableurs pour les

simulations. Lorsque l'on modifie une ou plusieurs hypothèses, toutes les cases

qui y sont reliées directement ou indirectement sont mises à jour instantanément.

Une caractéristique que possède Multiplan c'est de pouvoir ranger

dans une cellule la valeur d'une autre cellule provenant non pas du même tableau

mais d'un autre tableau avec la possibilité de maintenir un lien permanent entre

les deux. Ainsi toute modification dans un fichier en amont est prise en compte

dans le fichier en aval lors de son chargement en mémoire centrale.

II - LA PRATIQUE DES TABLEURS A LA DIRECTION DE LA PREVISION

2.1 - La formation

Après une initiation rapide au système d'exploitation, il a suffi

d'une semaine pour que l'ensemble du personnel de la Prévision arrive à maîtriser

le logiciel pour faire des tableaux simples et réaliser des sorties sur imprimante.

2.2 - La banque de données

Une banque de données avait été mise en place au niveau du centre

informatique du Ministère des Finances sur gros système dès le démarrage des

activités de la Prévision. Le logiciel utilisé dénommé Apache avait été fourni par

la Direction de la Prévision de France.

Cette banque de données était mise à jour de façon intermittente et

partielle. La raison d'une telle situation est facile à comprendre. La procédure

de mise à jour et de gestion des séries était très lourde. Il fallait au préala-

ble remplir une fiche de saisie qui était envoyée à la perforation. Le responsable

de la coordination du fichier récupérait ensuite les cartes perforées et se

chargeait de les passer sur ordinateur. Il fallait ensuite attendre 24 heures au

moins pour avoir les sorties sur listing et très souvent des erreurs étaient cons-

tatées. Il fallait alors passer à nouveau par une autre procédure pour la correc-

tion.

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- 105 -

A présent chaque division dispose d'une disquette et est chargée de

suivre un ensemble de séries relatives à son domaine. Les séries sont stockées

sur des tableaux Multiplan. La mise à jour et les corrections se font très rapi-

dement grâce au fait que l'on travaille directement sur le tableau tel qu'il

sort sur les listings.

2.3 - Les publications

Ce sont d'abord les tableaux nécessaires aux négociations avec le

FMI qui ont été mis sur Multiplan. Et il est possible à présent de suivre au

jour le jour les modifications éventuelles apportées par le FMI à ces tableaux

lors des missions pour la revue du programme financier.

Concernant les tableaux du rapport sur les perspectives économiques,

plusieurs problèmes surgissaient lors de leur confection. Ce rapport contient

entre 60 et 80 tableaux suivant les années. Une première version de l'ensemble

des tableaux était réalisée et les agents de la Prévision y prenaient beaucoup

de soin. Ensuite les besoins de cohérence macroéconomique nécessitaient de mo-

difier certaines des hypothèses initiales.

Mais à la deuxième itération les modifications n'étaient pas bien

répercutées sur l'ensemble des tableaux concernés. En particulier les lignes

représentant les totaux, les pourcentages ou les ratios comportaient très souvent

des erreurs. Une autre source d'erreur apparaissait au niveau de la frappe par le

secrétariat et la relecture des stencils était fastidieuse.

A présent que l'ensemble des tableaux du rapport sur les perspectives

économiques sont sur Multiplan, ces genres d'erreurs se reproduisent difficilement.

En effet dans de tels tableaux toute modification d'une case est automatiquement

répercutée sur l'ensemble des cellules. D'autre part les sorties se font direc-

tement sur les stencils placés sur l'imprimante.

2.4 - Les travaux de projection

Le modèle de projection du PIB a été mis aussi sur Multiplan. C'est

un modèle ouvert qui peut être rendu plus complexe lorsque de nouvelles relations

sont mises en évidence. Chaque case exogène du modèle central, c'est-à-dire ne

contenant pas une formule, peut être le résultat d'un calcul fourni par un tableau

périphérique. L'intérêt de Multiplan est qu'il est possible de construire des liens

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Environnement international

Exports

PIB et ses emplois

Agriculture Finances publiques

Imports

Balance des capitaux

Balance des services et des transferts

Balance des

— 106 —

entre différents tableaux respectant la structure du schéma logique de l'économie.

EXEMPLE DE LIENS QUE L'ON PEUT REALISER AVEC DIFFERENTS TABLEAUX

paiements

L'intérêt de construire des liens entre différents tableaux est de

pouvoir décentraliser le travail d'actualisation des tableaux tout en étant assu-

ré de la cohérence entre eux. Ainsi lorsque la section de l'environnement inter-

national modifie ses prévisions, son tableau est recopié à la fois sur la

disquette des échanges extérieurs et sur celle de la synthèse macroéconomique.

Lorsque les tableaux reliés à celui de l'environnement international sont chargés

en mémoire centrale, ils sont mis automatiquement à jour.

Il est possible en outre de refaire les projections rapidement dans

le cas où il s'avère que certaines hypothèses ne sont plus réalistes. Auparavant

une seule projection était effectuée et la lourdeur des calculs ne permettait pas

de la mettre à jour régulièrement.

Il est enfin très facile de faire des simulations à moyen terme

permettant ainsi de mettre en évidence la persistance de certains déséquilibres

et la nécessité de mettre en oeuvre des mesures à caractère structurel. La possi-

bilité ainsi de pouvoir articuler le court terme avec le moyen terme est très

enrichissante pour une meilleure définition de la politique économique.

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- 107 -

2.5 - Les avantages et les dangers

L'introduction de la micro-informatique dans un service de prévision

donne une nouvelle dimension au travail effectué. Les tâches pénibles de calcul

sont réalisées par l'ordinateur, permettant ainsi de libérer du temps pour la

réflexion. L'informatique devient un outil convivial maîtrisé par l'utilisateur.

La simplicité d'utilisation de logiciels toujours plus performants permet

d'accroître dans des proportions considérables la productivité du travail.

Un autre aspect important de l'utilisation des tableurs est la

reconnaissance du droit à l'erreur. Le souci d'essayer de ne pas en commettre

n'a plus lieu d'être dans la mesure où le tableur prévoit toujours une porte de

sortie en cas de fausse manipulation. La facilité de construction de modèles

avec un tableur permet de se lancer dans plusieurs voies de recherche et d'être

ouvert à toutes les suggestions visant à améliorer ce qui existe sans que cela

n'entraîne un surcroît de travail.

L'un des dangers de la micro-informatique, c'est de rendre l'individu

paresseux dans la mesure où il n'effectue plus les tâches fastidieuses inhérentes

au travail de confection de tableaux.

En cas de panne du micro-ordinateur, tout le travail est bloqué.

D'autre part la disquette est un support fragile pour la conservation des données.

Aussi est-il nécessaire de prévoir toujours au moins une copie de la disquette

originale (sauvegarde).

i.utant que possible il faut choisir un matériel qui soit le plus ré-

pandu dans le pays ce qui permet de pouvoir travailler avec ses disquettes

sur d'autres ordinateurs si le besoin s'en fait sentir. Au Sénégal le standard

en matière de micro-ordinateur est l'IBM PC ou un compatible.

La construction de modèle avec Multiplan est bien sûr facile mais

encourage une méthode de travail désordonnée. On pourrait appeler cela de la

programmation "sauvage". En effet il est très difficile après un certain temps

de se souvenir de toutes les relations reliant les cases entre elles. Si par

erreur dans l'élaboration du modèle on établit des relations circulaires il sera

très difficile de les retrouver. C'est la raison pour laquelle, lorsque les ta-

bleaux atteignent une certaine complexité, il est nécessaire de transcrire métho-

diquement sur un cahier toutes les opérations effectuées si l'on veut s'y retrou-

ver.

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- 108 -

Ainsi la rapidité d'apprentissage des tableurs, lorsque la logique en

a été comprise, permet de pouvoir atténuer les effets négatifs d'une trop grande

rotation du personnel. La passation de fonction peut se faire sans trop de perte

d'information en remettant au nouveau venu la disquette contenant les tableaux et

les séries à mettre à jour ainsi que son mode d'emploi.

La protection de l'information est rendue plus difficile car il n'est

pas possible d'interdire l'accès au contenu d'une disquette par l'adjonction d'un

mot de passe par exemple.

Conclusion

Les tableurs font l'objet d'améliorations constantes. Les derniers

sortis sont très souvent des logiciels intégrés qui comprennent non seulement

le tableur mais aussi un traitement de texte, un gestionnaire de base de données,

un programme graphique. Le plus connu d'entre eux s'appelle Lotus(1).Ce dernier

possède une feuille de calcul électronique avec 2048 lignes et 256 colonnes.

Lotus n'a pas la possibilité de faire des liens entre différents tableaux. Cet

inconvénient peut être contourné en partie en réalisant l'ensemble des tableaux

sur une seule feuille de calcul mais alors il n'est plus possible de décentrali-

ser le travail. L'avantage sur Multiplan cependant est qu'il est possible de

faire des analyses de sensibilité du modèle à certaines hypothèses très rapide-

ment ce qui permet de savoir quelles hypothèses sont réellement déterminantes

dans la projection et évite des discussions inutiles.

D'autres tableurs tels que Intecalc disposent d'une troisième dimen-

sion, de fonctions statistiques et mathématiques très élabbrées et d'un langage

de programmation. Avec le logiciel Intercale il est possible de travailler simul-

tanément sur 255 tableaux. Comme quoi, les tableurs n'ont pas fini de nous

étonner !...

(1) Celui-ci a depuis peu un successeur dénommé SYMPHONIE.

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LISTE DES ARTICLES PARUS DANS LES NUMEROS 36 A 39

Numéro 36 - Décembre 1983

- Cartographie du recensement : principes de planifi- ROGER G. cation et d'organisation

- La planification dans les pays en développement :

COMELIAU Ch. quelques réflexions à partir de l'expérience

LOUP J.

ivoirienne

- Le nouveau Baramu : étude de cas en statistiques DECOSTER R. économiques et sociales

- Les objectifs des enquêtes niveaux de vie ou quel- WINTER G. ques réflexions sur "statistique et stratégies de développement"

- Enquête budget-consommation et comptabilité natio- BLANC M. nale : quelques considérations à partir de l'exem-ple ivoirien

- Note de lecture COUTY Ph.

Numéro 37 - Mars 1984

- Essai de quantiication de la croissance urbaine en BINET F. Afrique à l'horizon 2000

- L'élasticité-prix de l'offre agricole dans les pays BERTHELEMY J.Cl. en développement GAGEY F.

- Secteur organisé et secteur informel chez les écono- COUTY Ph. mistes du développement. Observations sur l'article de BERTHELEMY J.Cl. et GAGEY F.

- L'épargne rurale dans les pays africains GUEYMARD Y.

- Répartition aléatoire équilibrée de coefficients MUkZ J. d'extrapolation en nombres entiers pour les enquêtes par sondage

- Utilisation de coefficients d'extrapolation en nom- BABUT E. bres entiers. Application à l'enquête budget-consom- DUBOIS J.L. mation de Côte d'Ivoire

- Séminaire sur les statistiques de l'emploi et du

CHARMES J. secteur non structuré Rabat - 10-17 octobre 1984

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- 110-

Numéro 38 - Juin 1984

- La démographie depuis l'espace : un nouveau système DUREAU F. d'observation ? GUILLAUME A.

- Une utilisation de la méthode des nuées dynamiques ANTOINE Ph. lors d'une enquête socio-démographique GUILLAUME A.

- Enquête nationale budget-consommation du Rwanda. ROY G. Plan de sondage, estimation, erreur d'échantillonnage

- L'enseignement des statistiques économiques et sociales. .Réflexions à partir de la pratique de l'étude de cas "Nouveau Baramu"

- Micro-ordinateurs et statistique. Généralités et quelques exemples d'application

MICHEL R.

BUKIET J. CADET E.

Numéro 39 - Septembre 1984

- Essai d'analyse du secteur informel au Sénégal DIOP A.

- L'emploi au Maroc. Sources d'information, niveaux, M'RABET M. structures

- Conception d'un questionnaire et traitement d'une ODOUNFA A. enquête. Quelques enseignements à partir du dé- HILLAH A. pouillement d'une enquête de consommation

- Les mercuriales agricoles en Côte d'Ivoire GASSE D.

- Les modèles de croissance dans la planification MEUNIER F. indienne : examen du modèle associé au Vlème Plan

- Pédagogie et micro-informatique OLIVE G.