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33 H g^ñqki
C /oL
CU1TURE E3L MUSIQUE.
AUJOURD'HUI
EN PAYS BASQUE,
Bternard Ächiary
^uunÇj
I
1 . INTRODUCTION
Voici auelques reflexions sur l'émergence de pratiques culturelles
nouvelles duns le champ do la culture basque et en particulier dans le do-
naine nusicul.
Musicien bascue ne consacrant entièrenent à la "usicue depuis plusieurs
années, je me suis uvider.ent et intensément emparé de cette possibilité pour
mener le plus loin qu'il n'était possible, cette confrontation avec la so
ciété basque actuelle et ses acteurs. Voici donc les étapes que je vais sui
vre et qui décrivent les espaces d'analyses«qui ne conduiront, petit h petit
à proposer modestement quelques "pistes" h suivre. Avant de poursuivre, je
tiens à préciser plusieurs points :
- Débat de "l'intérieur" du mouvement culturel basque et pour "l'inté
rieur", cette réflexion s'adresse n ceux qui se revendiquent de la
culture basque et qui sont fondamentalement attachés à la faire évo
luer.
- Débat d'un musicien certes, mais mené dans le feu de la confrontation
de la musique avec d'autres disciplines artistiques, ainsi qu'avec
d'autres pratiques culturelles créatrices appartenant au domaine de la
communication sociale.
Tout en assumant la particularité de la réflexion, il est en effet ab
surde et dangereux de l'isoler. Cet éclairage multiple, globalisant est donc
absolument nécessaire. On se complaît souvent à voir l'artiste comme une
"bête d'individualisme", l'observation de son caractère fait souvent l'objet
de réflexions indulgentes, complaisantes ou coléreuses..." Ah celui-là...
c'est un artiste ! Personnellement, à certains moments de mon activité j'ai
toujours ressenti la nécessité de discussions, avec tous ceux qui se préoc
cupent de la destination et de la place de la création artistique... avec
le public à qui elle est destinée, nais aussi avec les autres artistes, mu
siciens ou non, ainsi qu'avec ceux qui y réfléchissent plus particulièrement
avec le regard du sociologue et de l'historien. Ces discussions ont été tou
jours fructueuses. Ce point de vue se base, et éclaire les liens fondamen
taux qui unissent le culturel à 1'économioue et au social, et par là donne
sa portée fondamentale au travail de l'artiste dans la situation actuelle
de la société basque. Par exemple, alors que les campagnes se vident, sai
gnées par l'exode rural, je suis persuadé que tout ce qui contribue à révi-
taliser la connunication sociale, augmente la capacité d'une communauté
-A-
'(villuge'ou vallée») à trouver- des -colutions'collectives '- à sa cur- ' ' -
vie, à son développement. Plus la vie sociale est pauvre, l'imaginaire faible
plus'i«individualisme gagne du terrain avec son cortège de "après moi le
déluge" compromettant gravement l'avenir. Chacun sait que la confrontation
d'un village à la réalisation d'une pastorale e» Soûle est l'occasion d'un
impitoyable face à face. Le temps où cela "coulait de source" est révolu,
chaque pastorale à faire/est la mesure des forces d'un village à exister...
trouver les acteurs, la convivialité nécessaire à sa réalisation, l'inspi
ration vers de nouveaux thèmes et textes, sont les jalons de cette confron
tation, et le miroir est impitoyable. Après des années et ààs années dé
silence ,1a renaissance de la mascarade de Tardets a été accueillie avec
joie comme une victoire. Ve-cue dans l'angoisse, ou la paix., cette confron
tation existe bel et bien et personne n'y échappe. Le fait culturel y est
logé en son coeur... comme le dit l'Etnologue Italien Ernesto de Martino,
il ,
c'est l'Homme tout e»tier qui m'intéresse", avec sa culture en tant qu'elle
lui est constitutive", comme son ventre ou ses jambes. Culture qui autant
pour l'Homme tout seul que dans sa relation avec les autres, est aussi néces
saire que le pain ou l'air que l'on respire. Cette prise de conscience com
mence à faire son chemin, comme le témoigne, cet article pioché dans un
Herriz Herri " s'il y a quelques années le débat se bloquait sur le dilemme
développement culturel 011 création d'emploi, les mentalités ont évoluées de
puis. Le développement économique est compris maintenant comme conséquence
d'un réveil culturel". Même si cette réflexion neArestitue pas la Totalité
de la création artistique, même si fondamentalement |a Création jaillit Vvant"
du plus profond de l'être sous l'effet de pulsions très intimes et person
nelles sans s-aucis de "préchi-précha- militant", ce$to' réflexion,'dis-je,.
témoigne de lu mesure dt de la force de la création artistique,, rêvé en ac
tion, corme étant la chair de la chair des relations , humaines et non,,
conne un luxe, "un drink" que l'on prend si l'on rassasié la faim de
ses entrailles.
- Le travail de reflexion que je mène passe aussi par 1•analyse de pro
blèmes théoriques culturels fondamentaux formant les divers aspects d'un
noeud, véritable "Korropilo" de questions au coeur desquelles se trouve le
problème de l'identité, de notre identité.
Il plonge dans les contradictions de la société et de la culture basque, ten
te d'explorer les rapports entre la ruralité et l'urbanité, la dialectique
entre la tradition et la modernité qui sont au coeur du problème. A ce ti
tre là, en lisant vers la fin de ce travail le livre "el Laberinto- vasco"
de Julio Caro Baroja, j'ai été très heureux d'y trouver une grande conjsrgen-
ce de points»de vue et aussi une aide théorique efficace.
- Ensuite, partant de ce qu^implique la conservation;et,de ce que suppose la
création, ce tr&vail 'plongera dans'. 1-.Îanalyse de situations concrètes, d'as
sociations diverses, d'actions qui me paraissent essentielles dans le domai
ne basque... tout ceci formant en fait une espèce d'analyse "théorique con
crète" de ces aspects que ,l'ai pu approcher de l'intérieur en tant que musi
cien.
- Enfin, je me suis efforcé de distinguer et d'apprécier les pratiques
culturelles novatrices et non seulement nouvelles, et de proposer dans un
dernier chapitre quelques pistes théoriques et pratiques, comme des cairns ..
d'un chemin à Inventer.
Voila, je wwa livre donc ces reflexions passionnées et sincères avec le
profond désir- d'en débattre, persuadé que seul d'un véritable débat, au
delà des raisonnements sectaires qui sont souvent de mise, débat prenant
les différences dél point de vue comme des richesses et non comme des meaaces
ou des anathèmes, émergeront quelques solutions.
- 3 -
f
2. ROMPRE LE CERCLE DE LA TRAgEDIE DE. QARTXOT DE ITZALZU
Les musiciens basques, les basques sont souvent interpellés, ou luttent
avec certains aspects tragiques de leur histoire. Tel est le récit devenu,
légendaire du BARDS GARTXOT étouffant son fils Mikôlot avec de la Terre
dans la bouche pour qu*il ne chante pas la musique, les chants latins, et reli-
gieuxs des moines de Ronceveaux qqui l'avaient enlevé" à son père. Chants
basques en langue barbare pour les uns, chant étrangers dans la langue des
pèlerins pour GARTXOT... Mikelot a payé de sa vie cet irréductible éearte-
lement. Nous aussi nous avons à rompre avec les cotés négatifs de notre his
toire et, réfléchir sur la crise de la culture basque actuelle, reflet d'une
société elle même en crise, analyser les conceptions, les positions des ac
teurs et courants principaux de la vie culturelle basque. Là on ne peut é-
chapper à ungréflexion se développant è la liaison entre le politique et le
culturel.
A. Une culture en crise reflet d'une_société_en crise :
Le Pays Basque est aujourd'hui un espace socio-culturel en crise et
le temps des certitudes est fini. Fini le temps où la culture basque, re
flet et acteur d'une société essentiellement rurale vivait dans des modèles
dont on n'imaginait pas voir la fin. Les campagnes se vident, 75 % de la
population vit maintenant dans le BAB, alors que parJ.es moyens de communi
cation, les médias, l'univers culturel s'est étendu à une dimension inimagi-
»able il y a 40 ans. Un jour en panne sur la N 10 .recueilli par un Routier
Mauléonnais nous avons capté avec sa CB non seulement les "Push" entre
Paris et la frontière, mais un camioneur Vénézuélien descendant Un col de
son pays. Maintenant par les satellites nous avons des images du monde en
tier. Le monde bouge à une vitesse incroyable^ La culture basque
reposant"essentiellement sur la vie agricole et pastorale n'avait donnu de -
_ 4 -
puis des siècles pareil changement. La famille comme cellule de production
et de transmission culturelle était l'élément stable de la société. Le t
contact et la pénétration dflht le marché mondial, les innovations techni
ques orJtmÍB tout l'édifice en crise. Témoin l'exode rural« véritable saignée
qui rend l'urbanité dominante en Pays Basque.
Cette Tendance s'accélère notamment dans les régions de montagne ou un
très fort pourcentage de maisons n'ont pas d'héritiers. Le monde des vil
lages, des familles craque-les nouvelles générations aspirant à respirer
un autre air... c'est là une raison que l'on invoque peu quand on expli
que les départs. Les raisons économiques ne sont pas tout, vivre différem
ment sans le contrôle social pratiqué dans les villages compte aussi dans
les départs ; même si/après/lil s'avère que la vie en ville n'est pas si
facile. La langue est en déclin, l'euskara est devenu minoritaire sur son
propre territoire, surtout en ville... on compte que sur 220 000 h, 40,
50 000 ,. sont bascophones... combien parvwi eux sont alphabétisés ?
Peut-être entre 10 et 20 %, Les formes culturelles traditionnelles elles
aussi sont en déclin. Le Pays Basque est aujourd'hui en vibration et en
tension extrême. Dans le monde rural c'est dans cette situation que les
énergies sont les plus sollicitées et la resistance opiniâtre. Le cas de
la Soûle est dans ce sens très révélateur.
Après le sursaut de la culture basque^due surtout aux courants
abertzale, la crise persiste, evidente pour tous. Les Kantaldis, les for
mes musicales inspirées par ces courants ne concernent qu'une faible par
tie de la population vivant en Pays Basque. Et la tentation se fait grande
devant les modèles culturels traditionnels en crise, de copier en basque
des formes musicales largement répandues dans la jeunesse.
Autre chose, la "folklorisation", quand elle fait de la culjy/tre tra
ditionnelle un objet coupé de son contexte, une curiosité du passé, quand
elle développe le passéisme, la folklorioation est un piège. Un piège ter
rible qui aboutit à figer, isoler la culture traditionnelle, à l'éloigner
en définitive de la vie. Polklorisation, aspect de cette ambiance très
largement dominé par l'obsession de la conservation des choses dans la
quelle s'est parfois maintenue la culture basque.
Il y a bien des explications à cela. Notamment celle que nous avan,*
cions plus haut à savoir:la crise du modèle culturel d'une société essen
tiellement rurale, préservée dans l'essentiel jusqu'au sortir de la deuxiè
me guerre mondiale, heurtée, bouleversée par la société moderne industriel
le . Certaines couches sociales menacées de disparition s'accrochent à leur
culture comme fondement de leur identité. Mais les vieux modèles,rites,
coutumes ne servent pas obligatoirement "tel que" dans la société basque
moderne, il nous faut donc inventer, retrouver, recréer. Culture comme ré
ponse aux problèmes fondamentaux de l'homme dans une société qui a profon
dément changé et qui bouge. .O'est à ce niveau là des choses que le débat
fait vibrer le monde culturel du Pays Basque, que les-, conceptions se con
frontent. Débat pour une lutte dont l'issue est incertaine.
B. Analyse théorique du point de vue abertzale et de ses composantes..
-Issues - Relever le défi.
Ce débat est absolument nécessaire, il parcourt des problèmes très
importants : celui de l'identité , du mécanisme de l'évolution de la
culture populaire, de la dialectique entre ruralité et modernité, tra
dition et création, basquitude et universalisme, mais aussi celui de
la transmission de l'héritage culturel.
- Premier survol
Les conceptions culturelles qui prévalent dans le monde culturel bas
que sont le reflet des forces politiques et sociales qui se sont opposées
au dépérissement de la culture basque et s'expliquent par la nature de ces
forces. Majoritairement ces forces politiques et sociales sont abertzale
et considèrent que la source des problèmes de la culture basque est dans
l'oppression que fait subir l'Etat Français à ce qu'ils considèrent comme
la Nation Basque. Pour eux c'est donc l'antagonisme national Français con
tre Basque qui est à la base des problèmes, l'oppression nationale (natio
nale et sociale diront certains) subie par le peuple Basque, "peuple en
voie dé devenir une Nation". (Pizkundea). De là l'origine d'un point de
vue fortement manichéen , opposition Basque/Français, intérieur/étran
ger... où ce qui est du domaine intérieur est plutôt bien, pur.et ce qui
est . extérieur mauvais, impur. Parfois cette obsession de la pureté peut
être forte, ce qui vient de l'extérieur étant vécu comme ce qui pervertit,
comme "la maladie dans le troupeau". " n y a d o n c à l a b a s e d e c e p o l n t d e
vue une tentative de différenciation fondamentale définissant comme un
"nous et les autres" qui recoTTvTë~vtrèc souvent l'opposition ville/canpagiie
la campagne étant la source et le refuge de l'identité.
Ce point de vue a pour effet d'occulter les facteurs internes du pro
blème ; vivre au Pays mais comment ? Rarejsont les personnes qui en parlent,
mettent en questions situations et modes de vie qui ont poussé plus d'un
à partir. Mieux, en séparant les deux termes du problème on read impossible
sa résolution. Le "barneko mina" est tabou ou relégué à plus tard, alors
qu'il est un des aspects fondamentaux du problème. Plus tard... quand il se
ra trop tard... Alors que les "nous" sont minoritaires dans leur propre
pays et que le syllogisme tient lieu de raisonnement ("C'est le Pays Basque
donc il faut...") les tenants de ce point de vue, sur-valorisent la rurali-
té dans un mode de vie dominé par l'urbanité. Par exemple les files de voi
ture du dimanche '.après-midi, vers la côte sont perçues comme signe de la
prédominance de la ruralité, signe du cordon ombilical non rompu entre la
campagne et la ville / . Et de se réjouir " tu vois toutes ces bagnoles fi
fi i ,vle_ w>~s£ VA^VCXLAX*^-*.
_7_
lant sur Bayonne, c'est là que çà se passe...". Sur-valorisation des élé
ments "internes" ' développant un: aveuglement et un
nombrilisme qu'on\souvent dénoncé Arest^ et Mirande. Ainsi cet article sa
voureux à la fin du premier numéro de la Revue Igela o\i Mirande dit "Nous
pourrions aisément nous moquer des étrangers, mais un proverbe recueilli
par Oyhenart nous dit : que celui qui a une maison de verre n'aille pas
jeter des pierres sur celle des voisins. Aussi nous occuperons-nous des
défauts de notre cuirasse notre devise étant : "Un cheval sale ne se ca
resse pas, il s'étrille". Ainsi ferons^nous même si parfois au lieu d'en'
rire nous grinçons des dents...". Le reste de l'article est de la mSme
veine... Ce nombrilisme mené, souvent a des vues erronnées, des impasses.
C'est ainsi que dans une réunion regroupant les musiciens basques des deux
côtés de la frontière, certains se sont mis à pester contre la présence mas
sive des musiques produites par les étrangers (espagnols, anglo-saxons) dans
les radios, réclamant le principe d'un pourcentage obligatoire de musique
basque, voire même un véritable protectionnisme des ondes. A la vérité,
c'est que, si tout n'est pas bon dans la musique "des autres" "du dehors" 7
tout n'est pas bon non plus, loin s'en faut dans, la .'musique basque. Le fait •f »» ' »
d'avoir l'étiquette basque ne confère pas Ä. une musique une qualité comme
par essence ! (Ce serait trop facile) Il ne faut pas se bander les yeux
d'autant plus que pendant que la musique basque de ces dernières années
se cantonnait à un art souvent pauvrement didactique et propagandiste ,
l'immense majorité de la jeunesse par exemple ne s'est plus identifiée avec
cette forme d'art comme le soul»*«** tres justement la Revue musicale
Muskaria dans un de ses numéros:
" No hay una imaginación, ni una puesta aldia en la música hecha en
euskera y no es nada de extran*ar que lo imperante en la actualidad en
Euskadi es el Rock en castellano".
Depuis,, à la remorque du Rock anglo-saxon espagnol ou français des grou
pes faisant du "Rock en basque" se sont mis a exister.... et quoiqu'on
pense de cette musique, tout ceci est le témoignage du hiatus existant eni
tre les formes d'art proposées par le mouvement culturel basque et les gé
nérations nouvelles, et la ville. Le problème est ainsi posé : ou l'art et
la musique du Pays Basque sauront fabriquer l'imaginaire de l'époque actuel
le (polymorphe et en mouvement) ou alors ils disparaîtront. Plus l'art
et la culture du Pays Basque seront porteur d'universel,plus ils pourront
répondre à l'époque actuelle et traverser le temps. La tentative d'élabora
tion d'une culture essentiellement basée sur la différenciation est vouée
à l'échec... sur ces bases les produits culturels sont limités et s'épui
sent vite (à l'image du courant folk aujourd'hui presque disparu). Pourtant
il est possible à la musique et à la culture du Pays Basque d'avoir cette
portée universelle sans se noyer et se perdre. La solution est dans l'ou
verture, l'enrichissement culturel. Pour un artiste du Pays Basque ou pour
n'importe qui il est préférable de s'abreuver de Joyce ou de Kawabata même
non traduit en basque plutôt que d'attendre qu'ils le soient. Il faut cesser
de considérer la pénétration de tous les éléments culturels extérieurs com-
me altérant la culture Basque.coane en étant des dangers -pour elles," et aussi gei
ser de copier "ce qui marche" (un temps la musique gaélique ou certaines for
mes de Rock). Les greffes musicales doivent se faire à partir du "coeur"
des musiques qui nous intéressent comme l'a fait BARTOK dans son oeuvre,
et non de leur superficie. Il faut savoir ôter ses yeux de la fascination
qu'exerce sur nous le passé le " c'est comme ça",, .boucher ses oreilles aux
chants se complaisant un peu trop dans la nostalgie. Au contraire\tl faut savoir
connecter avec le meilleur, le plus opérant aujourd'hui, le plus essentiel
de la culture traditionnelle tout en s'ouvrant, s'irrigant des aspects les
plus riches et important des courants cuturels de l'extérieur. Tout cela
dépend en grande partie des créateurs eux-même*#de tou* ceux qui travail
lent dans l'espace de la culture basque et de leur capacité à la fortifier
dans le mouvement et non dans la seule préservation. Voila survoles quelques
thèmes que nous allons essayer d'approfondir maintenant.
- 9 -
-Identité - Tradition - Héritage culturel - Transmission
En premier lieu de ces notions-clefs se trouve clairement celle de
l'identité. En effet comment défendre, transmettre, développer, enrichir
quelque chose de non-défini, comment se diférencier sans avoir éclairci
cette notion» C'est ainsi que de nombreux efforts, réflexions ont été me
nées pour déterminer ce qui est basque et pour déterminer des caractères
stables qui peuvent donner £ contenu non équivoque à cette notion. Dans
son livre d'articles J. Caro Baroja après avoir éclairci la définition con
clut : "parece p\)£* que, là. identidad es algo que supone, repetición, iguala
dad más que Jfiwcjanza-y por lo tanto invariabilidad. En último caso "unidad"
Il continue très justement par;"la cuestión es de saber en relación con lo
que se consideraots vasco, donde, como y cuándo se pueden encontrar estas
notas de igualdad, repetición £"--invariabilidad". Telle est en effet la
tentation permanente dans le mouvement culturel basque, la définition de ces
caractères.
- Parmi ceux-ci je me rapelle la question des "instruments basques"
qui s'est même concrétisée par un disque et un spectacle. L'objectif était
de déterminer les instruments basques. Parmi eux txistus, txürüla, Gaita,
Alboka, Violon, Accordéon, vielle à roue, Txalaparta etc.. Tout ceci est
typique, révélateur de la mentalité du "çà c'est à nous", du réflexe de se
raccrocher à des "ça.- c'est à nous" comme fondement de notre id&ntité...
C'est vrai c'est un réflexe sur lequel la culture basque a longtemps tour
né créant par là même, parfois un certain nombrilisme par l'exaltation
de ces éléments .
Et pourtant la Gaïta provient de la Jaïta instrument très répandu dans le
monde arabe et dans de nombreux autres pays. Que dire alors de l'Accordéon/
violon, vielle à roue.!!! Très vite il aparaît en 1'occurence que le fait de
déterminer l'identité basque par le fait que tel ou tel instrument soit
_ ¿ o -
basque est une fausse question. Ce qui fait que telle musique est basque
ou non dépend en définitive de celui qui la joue. Vérité de la Palisse
certes mais importante à rappeler à une époque où les intruments eux aussi
évoluent vite (synthétiseurj ordinateur e t c . ) .
- On peut observer aussi, pour ce qui concerne l'identité basque,
comme un besoin de se référer à une culture basque, qui aurait existé en
tant uique'telle, et dont on aurait hérité. Le rôle du musicien étant
alors celui de la conserver pour la transmettre ou la reproduire. Certes
l'angoisse devant la disparition de certaines formes culturelles peut par
exemple amener à ce type de raisonnement, mais presque toujours il conduit
à une impasse.
En effet.la culture traditionnelle dont nous avons hérité.n'est pas apparue
par génération spontanée. Ceci est fondamental. Elle nous est parvenue dans
une évolution faite de véritables greffes, d'assimilation d'éléments exté
rieurs dans un processus créatif vivant et continuel. Tout cela me fait
penser à la parabole des Talents qui me paraît éclairer très justement le
problème. 11 s'agit non pas d'enterrer nos talents mais de les faire agir,
fructifier dans le mouvement dans la vie. Finalement il y a ainsi Í. manières
de rester fidèle à l'héritage : .
-une Quantitative qui consiste à en déterminer les contours t
à les conserver purs.;et à les transmettre ainsi,
v -l'autre qualitative, qui consiste à connecter avec 3J esprit
de la culture traditionnelle, d'aller, au delà de la super
ficie, à ce qui constitue le coeur de la musique tradition
nelle, son essence.et de le faire fructifier dans le mouve
ment de la vie.
On a beaucoup parlé de "collectage" d£ musique traditionnelle par exemple
eh bien,ces conceptions de l'héritage en déterminent versants opposés.
n
L'un part un peu du "mythe du Paradis Perdu" Vers la "Réparation historique.
L'autre part des aspects essentiel», vivants, opérants», de la culture tradi
tionnelle et. se nourrissant des aspects importants de la musique que l'on
peut connaître aujourd'hui, débouche sur la création.
Quand on ne fait que transmettre ou reproduire, on nie en fait radicalement
le ressort qui à permis à la musique traditionnelle d'arriver jusqu'à nous
et de vivre encore. ( ATTULI\n'at'il pas composé une chanson, de lui, vrai
ment souletine en s'inspirant de Dona Dona de Claude François?)
Le mécanisme d'assimilation et de greffe est en fait lenoteur de l'évo
lution des cultures/et les obsédés de la conservation ne font pas confiance
en la vitalité de nos racines- (s'il est vrai qu'une greffe prend sur des
racines vivantes!)- Vu sous cet angle, certains aspects de la culture tradi-
tionnelle peuvent être de puissante leviers, créatif* dans la situation actuelle
.des outils propres à imprimer notre Tirque dans le présent. Par exemple
cette réflexion recueillie par F. Pourquet en Coule : "Est-ce que la coutu
me de gestion collective du cayolar n'est pas féconde pour mettre au point
et entreprendre une coopérative ouvrière en Hautei-Soule ?
Finalement il apparaît que les plus grands défenseurs de la culture bas
que peuvent en être les fossoyeurs .s'ils- -Èèncantonnent à la conservation
et la reproduction.
L'évolution de certains gaiteros me semble à ce titre très intéressan
te : Tout d'abord la confection, l'utilisation de la gaïta en do qui lui
ouvre tout le champ de l'intégration aux ensembles fait d'autres instru
ments.
«La découverte, l'exploration de tout un répertoire moyen-âgeux navarrais.
-L'utilisation1 de la Gaïta avec d'autres instruments comrre dans le spec-
•tacle "la Veste" (improvisation saxophone soprano et gaïtas dans la
danse du cheval" etc.).
Mais mieux encore quand les gaiteros s'ouvrent aux autres instruments tels
le saxophonne. On peut imaginer un gaïtero saxophoniste maîtrisant tout le
fond traditionnel nourri de l'étude des courants*
contemporains... à l'heure où celle-ci s'empare avidement deipossibilités
technique?très avancées .(informatique-ordinateur). Le —
monde change, botige, de tels musiciens-créateurs cultivés, travailleurs et
modestes , bien plantés dans leur temps sont indispensable^ aujourd'hui.
- Les 2 conceptions de l'identité : l'apport de Julio Caro Baroja.
J'ai déjà dit en commençant combien j'avais été satisfait de la con
vergence de point de vue et d'analyse rencontré chez Julio Caro Baroja dans
son livre "el laberinto vasco". Dans une série d'articles, partant du con
cept d'identité, il desove les fils qui empêtrent la clarté du jugement
et nous.'éclaire de ses analyses/passionnées et pénétrantes.
Au coeur "de sa théorie il y a les 2 conceptions de l'Identité :
"hay dos formas de encararse con la "identidad" una estática otra
dinámica. La observación estática hace abstracion de las transforma
ciones, la dinámica,ve el movimiento a que esta sujeto todo aquello que es
tudiamos". .;
Après avoir opté pour l'identité dynamique ("aceptar que la identidad esta
sujeta a cambios") ("toda identitdad es dinámica, es decir variable").
il démontre que la seule manière d'étudier ces variations -
est de concevoir et d'analyser l'histoire des sociétés comme une série de
cycles cç ctuf n'est pas sans rappeler cette notion de spirale avec laquelle
Bêla Bartok a décrit lui-même, sa propre évolution artistique. J. Caro Baroja
nous fait disposer d'un véritable levier théorique et pratique bien plus
apte à décrire la situation actuelle et a" y trouver des issues harmonieuses
que les tenante de l'identité"statique obligés de tordre le coup à laRéalité
et à imposer leurs solutions, ¿a pensée siillogique donc se refuse à regarder
les contradictions qui traversent la société basque et qui la mettent en
position de conflit interne.
" La sociedad vasca está en situación de polimorfismo, absoluto, en
plena lucha de fuerzas encontradas. La identidad dinámica del pueblo
vasco esta aqui y no hay que buscarla en otra parte, haciendo abstra
ct one s o reconstrucciones ideales de esque fué o depe ser el el vascolL-
_ AB_
Plus loin dans "Identité dans la défaite", il dénontre que ceux qui
croient aux "unitéûde destin" permanentes, ou dans des identités absolues
sont en quelque sorte des disciples de Zenon d'Elée, celui qui prétendait
nier l'existence du mouvement !
Dans "Tópicos equivocos, falsedades" il ajoute :
"el político vasquista desde fines de siglo ha seguido un programa :
el '4e»que la diferenciación sea casa vez mas mayor" "por otra parte, hoy,
la tierra vasca contiene un percentage muy grande de gente que ha llegado
de fuera y que esta integrada en ella". "El construir una identidad nueva
tiene sus peligros y hay que ser nuy cauto, prudente y suave al ha^er pro
paganda de ella. Y lo que el historiador no puede aceptar es que se quiera
fundar un proyecto solido de futuro colectivo para un pueblo sobre una his
toria o una tradición mas o menos ajustada a este fin".
Cuit une analyse serré de certaines conceptions émises sur les guerres
carlistes qui montrent à l'évidence que certaine politologue^abertzale ont
abandonna le point de vue scientifique.
"El pueblo debe ser el único actor del drama politico según una inter
pretacion peculiar de la "democracia". El pueblo comme quiere--uno que
sea, no como-es. Porque muy patente que sea el hecho de que las condi
ciones sociales, económicas culvr\jales que se dan en un pais son com
plejas, contradictorias y mudables, lo mismo da. Hay que imponer una
unidad que solo existe en el nombre, unas formas culturales que solo
son propias de cierto numero do habitantes. Y claro es, por las malas,
nada de utilizar la persuasion".
_ A4,
Le ressentiment et l'amertume inspirent ces points de vue et non des sen
timents généreux et positifs. Les jugements à l'emporte-pièce sont de ri
gueur«, la contradiction, les différences' inacceptables comme telles, il
devient difficile de discuter autour de nous. La crispation domine... am-
niance.... ambiance ! Jusqu'à pouvoir imaginer comme le. fait J. Caro
Baroja que l'on puisse parfois mourir de dégoût et de tristesse !
De là les observations très justifiées de jeunes chercheurs, histo
riens basques tel Manex Goyenetche : "l'interrogation sur le passé institu
tionnel du Pays Basque doit toujours respecter 2 exigences fondamentales
l'honnêteté et la rigueurrscientifique. Cette interrogation sur le passé
basque s'inrpire également d'une réflexion sur l'historiographie actuelle
au sein de ce qu'il est convenu d'appeler "le mouvement basque" à la recher
che de son identité historique. Dans cette perspective la tentation est
grande de constituer une histoire institutionnelle apologitique dans le
but de légitimer une politique ou une idéologie . (Herriz Herri n2 208).
Et Pierre Bidart dans un interview .donné à Sud-Ouest à la veille de l'ou
verture de son colloque : "Quant à l'esprit du colloque; il s'agit pour nous,
de ne plusn«i/xentenir à une approche des réalités qui se ferai«att seulement
à travers des slogans et de l'idéologie pure".
Tels sont les effets néfastes de ces points de vue qui prennent toui racine
dans les efforts de déterminer^ identité statique.
- Impasse de la priorité donnée à la langue seule
La situation de la langue est au premier rang des problèmes culturels
invoqués par le mouvement culturel basque "il ne peut y avoir de dulture
basque sans euskara, la priorité aujourd'hui c'est la re-extension du domai
ne de langue " disent AEK, ARROKA, SEASKA.
L'association PIZKUNDEA la met au centre de ce qu'elle appelle la répara-
i«
tion historique. Pour certains la langue basque est à elle seule une concep
tion du monde, une philosophie. D'autres voient presque unel'.liâioon de cause
à effet entre la disparition de 1'euskara, l'effondrement des coutumes, no-
/' il \\
tamment l'institution du premii (comme en Soûle). Si tous ces points de vue
ont leur part de vérité.' il n'en est pas moins vrai qu'il faut les corri-
ger un peu. La coutume du premti disparaît autant dans les zones de Soûle
ou se maintient l'euskara (Haute Soûle par exemple). La disparition ou
mieux l'affaiblissement de la coutume du premu a pour cause fondamentale la
crise sévère qui touche la société rurale dans tous ses aspects notamment
économique (situation de la petite agriculture de montagne, exode rural etc..
Le fait de savoir le basque n'est -pas un obstacle de fait au développement
de l'individualisme. Le fait de savoir le basque ne crée pas " S W ^Zvye.r>\Z '
les structures de ¿ommunication» sociale*, la' culture propre à envisager des
solutions de type colDajtif e t c . . On pourrait continuer... Tout cela est
beaucoup d'attribut pour une langue.... quelW Quelle soit.
De même.la plupart des écrits de Xaho, dont certaines positions sont i très
prisées des secteurs abertzale ou été rédigés en français.
De même.certaines ethnies indiennes d'Amérique Centrale utilisent l'espa
gnol pour exprimer leurs revendications. De même.tel ou tel dirigeant du
Jl vu s'<».<jvh FLN d'Algérie - â' développé . $Z!> thèses dans la langue française . > p¿i cU. e^r^durc ¿Tv/C_
• • je ne donne aucune valeur à l'euskara> i •' •»
. y.; que je dénigre son devenir. :. • ,- -.-n - * _
je n'estime pas le travail fondamental et remarquable de Seaska et AEK.
Non bien sûr, mais je veux en tempérant les raisonnements habituels portés
sur la langue basque éviter l'impasse où conduit la priorité donnée à la
langue soûle, à la langue pour elle' -même ; et par là essayer de trouver
comment elle peut sortir sur la place et dans le monde, selon le souhait
vibrant de Detchepare.
Là aussi la pensée de J. Caro Baroja a confirmé certaine des mes intui
tions ; ses points de vue • exprimés - dans quelques articles sont de
la plus grande importance quaod on parle de "euskualdunisacion" "unifi
cation de la langue", quand on dit que l'avenir de la langue est dans les
auteurs-compositeurs", "qu'il ne peut y'avoir dé culture basque cans eus-
kara", quand on parle parfois de scolarité obligatoire etc.."
- Au moment où de nombreux artistes basques utilisent couramment le r f
basque, au moment ou de nombreuses associations demandent ("que-se soit
pour "réparation historique" ou pour d'autres raisons, en plusieurs filiè
res ou non)un enseignement obligatoire en basque, e-t s o n usage
dans les administrations etc.. la tentation est grande de croire que le
fait de disposer de structures politiques, administratives, culturelles •
qui imposent l'usage de cette langue va créer les conditions se son déve
loppement. Cela est vrai en partie seulement... c'est vrai qu'une langue
qui n'a pas le même statut qu'une autre, sa même "utilité sociale" dans le
quotidien est défavorisée. Mais tout dépend, en dernière instance des moti
vations profondes que l'on invoque, que l'on suscite pour son apprentis
sage car jamais les doigts tendus accusateurs, les "il faut", la culpabi
lité ou la pression ne mènent à un bon résultat. Aucune contrainte, au
cune législation même démocratique n'amènera une population à parler une
langue difficile qu'elle n'a jamais connu ou qu'elle a perdu. les choses
sont loin d'être simples. Je me rappelle avoir entendu sur les ondes, lors
des premières foires du livre et du disque basque du Durango qu'il fallait
y aller pour soutenir ce genre d'initiative... et la speakrine de rappeler
la situation difficile de l'Euskara. Haisypas du tout d'informations sur
les livres présentées qui pourraient éveiller "un tant soit peu" le plai
sir ou l'intérêt do tel auteur, de tel roman etc.. Le devoir était principa
lement invoqué au détriment du plaisir ou de l'intérêt de lire... Le fait
est que, même si en proportion elle a beaucoup augmenté, 1' edition compte
t*&» très peu de romans traductions etc.. les écrivains sont rares, la
production restreinte et principalement centrée sur des études de
caractères politique.-, scientifiques, et non de fiction. Peut-être y-a-t'il
là, non un effet mais une des causes du recul de la langue : le manque d'écri
vains et d'oeuvres qui fabriquent 1 imaginaire de l'époque, traduisent ou
répondent aux problèmes fondamentaux de la vie dans la société basque
d'aujourd'hui. La littérature de fiction en langue basque est quasiment
inexistante en Pays Basque.
Je suis absolument persuadé qu'un des atouts fondamentaux pour que la lan
gue se développe est de la "charger" d'un contenu culturel, d'une chair,
d'un imaginaire puissant et riche. L'enrichissement du fond culturel, des
formes culturelles est indispensable et va de pair avec l'enseignement de la
langue. On ne peut enseigner une''langue sans développer en même temps une
création littéraire vivante et riche et vice versa. Il faut trouver un
moyen pour que l'apprentissage, l'usage de la langue soit à la fois motivée
et source de plaisir. Encore une fois J. Caro Baroja :
"Hay que cargar al vasco del contenido estético en primer término y de i. c\erta profundidad en segundo" "esto se hace a base de arte, de poesia,
de teatro, de música cantada, de .prasa atractiva.
Il précise plus loin son point de vue :
" Si el vasco ha de rehacerse, seraneen primer lugar los que lo hablan hoy los que tendrán que esforzarse, como artistas creadores en esta tarea. La cuestión es que estén a la altura de las circunstancias... Padecemos de cortedad."dó mollera y de falta de imaginación ? No lo quiero creer".
Cet appel a la créativité.et finalement cet optimisme nous ramène à un
rôle fondamental de l'artiste dans l'époque actuelle, il nous appelle à re
lever le défi par la générosité, la beauté de la création artistique. Créer
sans relâche, renouveler les thèmes et les formes de la culture basque,
assimiler, vivre avec les tendances, rie -. "feeling'! dejtl'.époque actuelle et avec
le maximum de culture, sans craindre,dans1 le mouvementée se perdre, telles
sont les tâchesQu* nous incombent pour faire de la culture basque non seule
ment une question de conservation ou de devoir .mais une denrée vitale dans
le monde contemporain, un outil indispensable.
- Suivre le Belatxa ; pour un rapport vivant avec la musique tradi
tionnelle, pour une musique vivante.
Le Belatxa, c'est ce chant'souletin admirable issu de la fascination de
„48-
l'home pour l'oiseau (le balatxa, c'est, le rapace qui cuit les vole des
palombes). Par ses intervalles, le souffle et l'énergie qu'il exige, par
l'engagement intérieur qu'il suppose pour bien le chanter, il est un véri
table défi au chanteur. Ce n'est pas une description "naturaliste", une
imitation nais une tentative pour le chanteur de voler lui aussi, de devenir
oiseau. Le Eelatxa, c'est l'home en train de voler, le chant de l'âne,
l'Homne-oiseau, l'Homme libre. Cela me fait irrésistiblement penser à
T'artineau, l'ami des dauphins qui après une fabuleuse apnée de plus de 4
minutes, sans scaphandre, a battu le record de profondeur n un peu plus
de 1C0m sous l'dau. Ayant crevé la surface, il a dit qu'il s'était vu comme
Vrç.dauphin, au plus profond de sa plongée et de sa nage. Ce chant donc n'est
pas imitation mais une transcendance en voyage au coeur du vol. Il n'aurait
pas été possible dans une identification profonde, une série d'essais, de
"tentatives de vol", au cours d'improvisations, 'chantées, jusqu'au vol spir
rituel qu'est ce chant. Et de fait, le chanteur peufc s'élever, peut voler.
Restituer cet acte dans tout ce qu'il a de chaud, de palpitant, d'émotion
nel est capital au moment de déterminer notre attitude face à ce chant que
nous avons reçu, face h la fascination devant le vol de rapaces qui conti
nuent à sillonner notre ciel.
- Ou alors on prend le Eelatxa, par le petit bout de la lorgnette,
certes en le notant consciencieusement note par note (souvent mal d'ailleurs)
et en le restituant sans avoir , vraiment conscience de ce qu'il est, comme
une citation nostalgique...(Il y a dans la production discographique bas
que depuis quelques -années, quelques exemples ratés de tout celai!)Ou hien
on cherche à comprendre, à recréer le rapport dans le chant entre l'Homme
et l'oiseau - h retrouver dans le chant, cet état émotionnel profond cui a
poussé le chanteur h se lancer depuis le silence Jans la musique. Alors on
peutf». par cette connexion non seulement avec la forme mais avec l'es
prit du créateur, retrouver le coeur de ce chant, son essence.
- 4 9 -
. Alors, de l'intérieur, la possibilité nous sera offerte non seule
ment d'une interprétation toute personnelle et "sentie" mais aussi de
créer d'autres Belatxa... Si on va dans ce sens, alors on charge cethant
basque de quelque chose d'universel... Alors,non seulement on peut re sou ¿Re
cette contradiction (local/universel), mais aussi celle entre TRADITION
et création, qu'ont absolument créeteles besogneux:collecteurs particularis-
tes, les "spécialistes" qui traînent pa»ci par-là. Alors le fil créatif ne
se romjjfcpas, alors, la musique traditionnelle, reste ce qu'elle est en fait,
une musique en mouvement, une musique vivante. Le chant, d'hommes qui vivent
leur identité, réconciliés avec leur être et avec le présent.
Tradition/création, identité, mémoire, tout cela se joue (ou se perd) dans
le chant. , je veux parler du Chant, chargé , gorgé de dimension vitale.
Seule cette dimension, cette urgence peut donner au chant (qu'il soit gai
ou tragique !) sa vérité et sa force. Sans cela on: ne peut comprendre les
réactions, le prix, du chant de chanteurs si précieux pour nous tel que
'" .» , Etchecopar, ou Bedaxagar ou LTarticorena. On ne peut com
prendre la force, l'impact la force émotionnelle de tel ou tel chant si on
ne voit pas combien ils sont proches de ce qui peut alimenter l'identité
l'histoire d'hommes, de familles ou de villages. Je parle de chant non
comme simple ornement nais comme participant aux relations sociales à
l'imaginaire d'une collectivité prenant sa source dans son histoire. Je
parle de ce chant là. Il ne se nourrit pas d'un co
lletW
-sans âme mais
connecte avec ce qui a pu faire naître, avec le coeur même des oeuvres dont
nous héritons. Un chant robuste et décomplexé, qui nourrit sa sève de gref
fes qui donneront de nouveaux fruits. Un chant incarné, enfoui au niveau '
OBDontiel des êtres et des choses, tout inprégnée du passé vivant qui se
perpétue en nous, et de l'émotion du présent, enfoui dans cet humus pour
que lève la graine. Nous sommes la TERRE certes, la terre nourricière.
—2o-
nourri^de terreau accumulé depuis des siècles mais aussi, selon la belle
image de Lorca, le soc de la charrue qui illumine les profondeurs.
- Quelques conclusions momentanées.
J'ai essayé .".de. montrer-de quelles racines provenaient les tentatives
de territorialisation de la culture et vers quelles impasses elles condui
saient. Construire des forteresses en dur autour de son territoire, tout
cela n'est pas souhaitable. Le monde bouge... quelle nostalgie ont ces
châteaux forts aujourd'hui inutiles, comme des épaves privées de sens, à
sec sur la grève dans le flux et le reflux de l'histoire. Château fort,
sentinelles de chemins qui ne sont plus, ou alors de frontières aujourd'hui
inexistantes, oubliées. Le temps peut s'écouler et se perdre derrière leur
mur comme la vie du lieutenant [>ROùO dans le "désert des Tartares'i La cons
truction de telles forteresses* fragilise la culture. S'il faut définir
des espates, qu'ils soient largement ouvert vers le monde, qu'ils ménagent
des points d'ouverture, d'échange, de communication. Sachons-y vivre déli
vrés du ressentiment amer et de l'intolérance.
Sachons vivre en esprit curieux, cultivés, vif, confiant dans nos capacités
d'avancer dans ce monde qui bouge. Car la force d'une culture se voit plus
à sa capacité d'assimilation, de digestion plus qu'à sa capacité d'exclusion.
Ni table irase du passé, ni répétition. Surtout comme le dit P. Bidart de
la "culture miroir", fausse certitude, sachons briser le miroir, conjuguons
le verbe être plutôt que le verbe avoir. Avançons !... l'équilibre est à ce
prix... les coureurs a bicyclettes le savent, s'ils s'arrêtent, ils tombent!.
3. ESSAI DE BILAN DE LA MUSIQUE EN PAYS BASQUE
Cet essai de bilan sera fait au travers de l^analyse concrète d'asso
ciation phares ayant été à l'origine d'initiatives culturelles et musicales
"clés" pour notre exposé.
_x?4-
a - Photographie;
On peut dire, sans tomber dans un vieux cliché, sans se tromper de
beaucoup que le Pays Basque est une terre de musique et de chant. Une
grande vitalité musicale l'anime où domine la pratique de la musique tra
ditionnelle. Doté d'un riche humus associatif soutenu par1»1 bénévolat tenace
et vigoureux, le mouvement musical a fait des progrès; surtout au niveau
de l'enseignement autour des nouveaux centres culturels de l'intérieur no
tamment ÚHAITZA en Goule, et HAIZE BERRI à Ostabat. La musique se dévelop
pe dans des secteurs multiples et différents qui pourtant ne communiquent
pas assez entre eux. Il faut néanmoins tempérer ce tableau, il reste beau
coup à faire et se garder de toute autosatisfaction. En effet, si l'on af
fine, la photographie^ des zones d'ombres.de contradictions apparaissent...
il est bon de le savoir pour se forger de réels outils de développement de
la musique et réanimer la création.
- Conservatoire , écoles de musique :
"À tout seigneur, tout honneur" comme on dit... une école nationale
de musique (le Conservatoire existe à Bayonne en plein coeur du BABT.
Installé dans les locaux de l'ancien Séminaire aujourd'hui centre Uni
versitaire Bayonnais, il est un des fleurons de la politique musicale de
municipalité et dans le BAB. Grace al'ossature;des professeurs du Conserva
toire existe un orchestre de musique classique (orchestre Bayonne - Côte
Basque) qui a une activité régulière pendant l'année. Une importante anima
tion règne à partir du Conservatoire autour de son orchestre, et des asso
ciations qui s'y rattache (Association des parents etc...), c'est certain...
pourtant tout cela reste assez institutionnel et Figé en somme. Au sein du
Conservatoire ce sont toujours les idées et la pédagogie classique qui pré
valent, dans un système de style scolaire... C'est d'ailleurs une image de
ce type faite d'honorabilité, de savoir, de réussite sociale, de devoirs et
d'examen, que "trimballe" cette institution . Ce type d'institution débouche"
sur la formation d'une élite dont les meilleure éléments "monteront11 peut-
être vorc Bordeaux et Paris pour faire carrière et réussir. Elitiste, de
type pyramidale, cette institution ne renvoie pas toujours ses effets vers
le bas dans le but de répandre et de faire aimer la musirue à un très grand
no-ibre de gens. Les orchestres d'ariiteurs sont rares, voire inexistants. Il
er,t curieux de constater que la plupart des musiciens qui jouent dans les
bandas, txarrangas fornant la plus srende population musicale active en
Pays Basque ne sont pas passé.» par le Conservatoire (qui est coupé de la mu
sique populaire et basque en particulier) le conservatoire Jusqu'à présent
ne dispose pas de classe de guitare, ni d'électro-accoustique. Pourtant le
Conservatoire est encore principalement le seul lieu où l'on puisse acquérir
des connaissances musicales sérieuses, ce qui est le désir et la nécessité
de nombreux musiciens du Pays Basque. A ce titre, il ne dispose pas 2e clas
se, de cours ouverts aux adultes, où des musiciens issus du mouvement musi
cal spontané, très vivant du Pays Basque pourraient étudier, s'ouvrir et se
perfectionner... ce qui fait que les besoins en formation de très nombreuses
bandas, txarrangas, harmonies, chorales ne sont pas couverts. Concernant la
musique basque le Conservatoire a acueilli en son sein, le txistu et son
apprentissage. Le txistu, et par lui la musique écrite pour cet instrument
s'est vue gratifié de la reconnaissance d'une institution "savante" à l'ima-
sérieuse et compétente. L'entrée dans le Conservatoire a été perçue comme
valorisante, mais sans résoudre pour autant les problèmes majeurs et de la
musique pour txistu et ceux de la musique b-sque. Car il hérite du même type
de pédagogie scolaire.... Ce qui fait que l'on ne retrouve, dans les lieux
publics, dans la rue, dans les concerts qu'un petit nombre de musiciens pas
ses par la classe de txistu... L'oeuvre musicale pour txistu reste très clas
sique et rare. Pourtant, avec les groupes folkloriques la classe de txistu
est le seul lieu d'.apprentissage de l'instrument et les professeurs ne ména
gent ni leur sérieux, ni leurs qualités, ni leur compétence qui sont très
grands. T.Tais il y a là corme une équivoque, les problèmes de la
musique basque ne seront pas résolus par
l'introduction d'une classe de txistu (ou d'un autre instrument populaire)
dans l'institution; les problèmes dépendent plus fondamentalement d'une
évolution plus globale de la musique en général dans tous ses domaines
(notamment oi^sl'effacement des frontières qui séparent la musique dite sa-;
vante ef la musique populaire)'. U n d é b a t d e f o n d et â m o n a v i s améliorations
efficaces sont à faire dans cette institution pour qu'elle ne soit plus » t v
coupée, isolée, du public et du monde musical du Pays Basquejpour qu'elle joue
un rôle plus dynamique dans la société, z, t .qu'elle soit davantage irriguée
par la musique populaire et plus ouverte aux courants contemporains de la
musique.
Des écoles de musique existent dans les principales villes de la côte et
s'implantent un peu à l'intérieur du Pays. Plus proche des gens elles jouent
un rôle notable dans la formation des musiciens populaires.
En renversant les termes , la musique dans l'école reste une carence fonda
mentale du développement de la musique. Dépréciation du Rôle de la musique
dans l'enseignement, manoue de formation des instituteurs, manque d'anima
teurs sont les aspects d'un problème connu, très souvent débattu... on attend
encore des solutions efficaces, des pédagogies vivantes propices à éveiller
la créativité et le sens musical des enfants dans les écoles en général.
- Les cliques :
Les cliques sont très nombreuses en Pays Basquef elles entrent dans un
système très hiérarchisé'jalonné de concours où se pressent des centaines
de musiciens. Chaque village un peu important dispose d'une clique qui en
tre dans l'animation des fêtes patronales et autres événements religieux
(fête -Dieu, anniversaires, etc...) ou politiques (anniversaires...). Très
populaire , la clique est aimée des gens qui sortent vite sur le pas de 'M •
V porte quand elle "débouîe ' dans la rue pour un passe-rue par exemple...
C'est aussi un des endroits où les amateurs de musique peuvent apprendre
les rudiments des connaissances musicales.
- ^ 4 -
Kais souven ;/<ette ouverture à la musique tourne court, car la musique de
clique est essentiellement rudimentaire et fortement inspirée par la musi
que militaire... les musiciens marchent au pas cadencé, drapeau en tête.
Dans certains cas, cette musique et cette ambiance joi/¿htun rôle de ferme-
ture; d'enfermement musical, voire d'encadrement" des mentalités.
Cette corporation presque exclusivement masculine est facilement très fer-
mée sur elle-même.
- Les bandas.
Les bandas sont un phénomène assez récent et plutôt urbain. Joyeux
rassemblement de musiciens elle sert de pôle d'attraction à une bonne
partie de jeunes musiciens. Musique festive, musique de laRue, musique po
pulaire d'inspiration basque ou espagnole pour l'essentiel... c'est la mu
sique de la Fête des agapes et de la foule. Très appréciées du public, les
bandas sont *Un ¿ e s éléments importants des moments de réjouissance.•Les
bandas sont présentes dans les principales fêtes du Pays Basque. Ce sont
en général des noyaux actifs spontanés et dynamiques. L'instrument&riu rr\ '
est infiniment plus varié, que celui des cliques, attractif pour la jeu
nesse et basé sur la famille rutilante des cuivres et sur la percussion.
Ces noyaux sont parfois des lieux d'apprentissage spontanés et sur le tas'
pour les jeunes musiciens. Il y a néanmoins quelques ombres au tableau
Le répertoire des bandas est généralement limité (non pas en nombre de mor
ceaux mais en style de musique ) les rôles bien cloisonnés dans des ar
rangements, • Peu de nuances dans l'interprétations,' on atteint vite le
maximum d'intensité sonore et on y reste jusqu'à épuisement, voire souf
france des lèvres.
A L'avant de la banda, généralement deux ou trois "grosses-caissÊJ mus
clés et particulièrement résistants ouvrent la marche, passant à la mou-
linette du binaire la plupart des subtilités rythmiques des morceaux popu-
laires jusqu'à l'accélération finale bien: connue ou la puissance sonore
atteimf son paroxysme. Il faudrait bien peu de choses pour que ces bandas
deviennent 1 exemple * des meilleur« d'entre elles' des lieux de musique
très intéressant* et surtout créatifs. De bons animateurs ouvert* et culti
vés ayant le sens de la musique populaire de fête, une plus grande ouver
ture musicale, un répertoire ", plus varié, un enseignement musical
adapté, une attention pour elles des meilleurs compositeurs feraient de
ces bandas un des fleurons de la musique populaire de rue.
- Txarrangas :
Plus anciennes que les bandas et aussi moins nombreuses elles se
distinguent par un son très différent qui provient d'un Instrumentarium
très différent. La txarranga peut intégrer, outre la famille des cuivres,
(trompette saxophonnes, tuba, basse) des bois (clarinette^,accordéon, et
même des cordes (violon). La "section rythmique" est à base d'une .
grosse caisse et d'une caisse claire. D'où la musique souvent plus
subtile plus nuancée, plus fluide, qui se pr&te mieux à la danse. Le
répertoire essentiellement basé sur la musique populaire basque est beau
coup plus varié que celui des bandas dans ce domaine mais il y est aussi
limité. C'est là justement une des limites , des txarrangasqui
souffrent du manque de créativité de la musique basque en général et en
particulier pour cet espace musical de rue, danse, et fête. Ce style de
musique a peu évolué, n'a pas profité des richesses des musiques
d'ailleurs ou d'autres styles, le manque de compositeur est flagrant. Si
cela ne s'améliore pas ce style de musique est voué à la reproduction et
finalement au repli sur soi. Pourtant il serait possible de créer d'autres
danses, d'autres sauts basques, de déboucher sur une musique plus richew .
Pourtant certaines txarrangas -sont ' en' ún*--
certain^seris les héritiers les plus harmonieux de la tradition très pri
sée en Pays Basque des orchestre champêtres Bentaberry et Ramuntcho qui
ont enchanté les fêtes de notre enfance. Certaines de ces txarrangas comme
celle d'Ustaritz ont, au prix d'efforts acharnés, développé de véritbles
écoles de musique de village et jouent dans ce sens un rôle extrêmement
précieux mais non reconnu. En effet le bénévolat est oncore à la base de
tout ce travail , et il a/bien sur ses limites...
Cestxarrang»as „,ne sont pas officiellement reconnuej pour leur travail et
ne sont pas aidées. C'est une situation très difficile et qui devrait cesSfcP
pour déboucher sur une aide efficace et prolongée. D'autant plus que les
txarrangas comme les bandas d'ailleurs sont formés de musicien^venus spon
tanément à la musique à un âge et dans des milieux qui ne les prédisposent
pasytoujours à aller au Conservatoire.
- Les harmonies
Il est heureux que la tradition des harmonies ait persisté à ce ¿our/
qui ne connaît les enchantements du concert au kiosque...Quand les chaî&es
apparaissent sous les kiosques, le beau temps n'est pas loin. La musique des
harmonies est la musique de concert de plein air des beaux jours. Véritable
pépinière de musiciens où jeunes et vieux mélangés apprennent et^jouent en
semble! dotées souvent d'un excellent niveau musical, ces harmonies exécu
tent des pièces en forme de concert pour la plue plus grande joie d'un pu
blic populaire. C'est une forme très riche de la"; musique de concert en plein
air et qui acquis une grande stabilité. Mais il faudrait que le répertoiro
évolue et s'enrichisse de compositioniplus contemporaine^et d'un nouveau .:
style. Il serait également souhaitable que les concerts et la présence des
harmonies soit plus reconnue et intégrée dans les festivités du Pays Basque
où la population est avide de bonne musique.
i.. Estudiantinas .
Orchestres d'instrument à cordes pincées (guitares, mandolines etc..)
certaines sont très anciennes en Pays Basque comme celle do S*"Jean de Luz
qui est inseparable des souvenirs des Luziens. L'univers essentiellement
masculin des cliques, bandas, txarrangas s'ouvre pour faire place a une
forte proportion de musiciennes ce qui est très important. La musique des
estudiantina}frappe par son timbre qui en fait une touche fine et chaleu
reuse dans la palette des sonorités des musiques de rue du Pays Basque.
Fine et délicate,leur musique rappelle Êelles des Rondallas du Sud de la
Navarre.
- La chanson- traditionnelle et la chanson basoue.
Le Pays Basque est une terre de chant. Terre de chant puissante en
core comme le témoignent les-rassemblements de chorales laïques et reli
gieuses» Dans les fêtes, on peut encore entendre
chanter de belles chansons, les églises aux moments."forts du culte vibrent
encore de forts beaux cantiques ; le chant est installé dans la vie quoti
dienne et vit dans la population et dans ses chanteurs/les meilleurs. Qui
à Barcus n'a pas entendu la puissante voix de Lohidoy quand il travaille
dans les champs. Le chant traditionnel repose surtout sur le monde rural
dont il subit le poids et les effets de ses contradictions. L'heure est
plutôt à la résistance et à la recherche (jun soufle nouveau.tant dans le
domaine de la création que de la transmission .dans un monde rural en plein
bouleversement et pénétré d'influences nouvelles. . " - . - ' -
, Le chant en fait fonctionne au ralenti ; nombreux
il y a 20 ou 30 ans encore les chanteurs se font-plus rares. Les jeunes ne con
naissent plus les vieux chants, leur répertoire se limite à un certain nom
bre de chant,-, dont ils ne connaissent pas les paroles en totalité. Néanmoins
des chanteurs émergent et consciént^de lasftva^tion, poussés par des urgences
intimes et profondes* sont en connection avec le coeur duvchant
traditionnel dont ils prolongent la trace»tels Jean Michel Bedaxagar,
Marticorena, et le duo Etxamendi-Larralde. De tels hommes sont précieux
à l'époque actuelle. Je me sen$ personnellement très prés d'eux etvibrant
moi mène de tout cet univers, je continue cette trace dans un contexte
différent. J'ai parlé des Pastorales et Mascarades. Ces deux formes où le
chant est une part essentielle sont elles.mêmej en crise. La Pastorale souf
fre du manque d'auteurs capables de traiter de sujets actuels. La î.'ascarade
plus souple , plus ouverte à l'improvisation, plus "branchée^ dans le quo
tidien résiste beaucoup mieux. Contradictoirement c'ect une forme en expan
sion, et qui tienlparfaitement son rôle d'exutoire et d'expression profonde
des souletins. Les dernières mascarades ont été dans ce sens excellentes.
Qui dit chant, dit chorales. Elles aussi^ très nombreuses, reflètent bien le
désir de chant, l'affection pour le chant que ressentent les basques. Bien ali
mentées par le répertoire traditionnel et les harmonisations à quatre voix
et plus , elles servent le chant basque et procurent à nombre de choristes^
hommes et femmes la joie du choeur. Néanmoins on peut observer une stagna
tion due essentiellement aux limites du répertoire/(qui devient à la limite
stéréotypé) à la carence de chefs de choeur, au manque de formation musicale
de nombre de choristes. Si tout cela était résolu, l'accession à un réper
toire plus vaste (classique , contemporain du répertoire internationnal)
la création d'oeuvres de compositeurs du Pays Basque ( très peu d'innova
tions dans ce domaine) seraient possibles e* permettraient de sortir ¿'ét-
te situation. Toute une "politique musicale est a inventer pour aller dans
ce sens, des outils pédagogiques sont à créer,de même que des rencontres,
des ouvertures sur tout le répertoire internationalfclassique et contempo
rain. Cela permettrait de nourrir des inspirations nouvelles, d'imaginer et
de faire le chant d'aujourd'hui. Comme on le voit la situation est à >.la
fois contradictoire et difficile, des expériences originales voient le jour
petit à petit comme à Ostabat (ateliers "de la voix ver le chant") la ba
taille sera rude mais l'essentiel est encore vivant et préservé : la posi
tion essentielle du chant;*dans sa fonction de communication, porteur de
1'histoire.des mythes, de la poésie nécessaire à la vie à faire. Il faut
partir de là. '
-.¿3-
La chanson basque., de ces dernières années n'échappe pas à tous ces pro
blèmes. Sous l'impulsion de la lutte nationaliste, elle a connu un sursaut
qui s'est manifeste par le phénomène de la nouvelle chanson basque. L'in
fluence des artistes du Pays Basque Sud a été détermninante comme par la
création de "Ez dok amairu". Pendant le franquisme cela a été comme un sur
saut legitimo face à la négation et l'obscurantisme fascistej. Il-a en quel
que sorte sonné le réveil de la culture opprimée et permis^dans de nombreux
rassemblements, kantaldis, que se manifeste la résistence populaire fcasque
au fascisme franquiste. La chanson basque en France s'est mise elle aussi
au service de la lutte nationaliste. Double conséquence : la Résistance,
"le gros dos" , ont permis de résister;mais en créant le repli sur soi.
Peu d'artistes basques d'inspiration abertzale ont compris que l'ouverturet
. le désir de communication plus universelle n'étoutt pas contradictoire avec
le fait d'être basque. En suite la chanson s'est réduite souvent à un art
'-didactique voire propagandiste oubliant qu'elle pouvait exister pour e-lle...
même. Peu d'artistes ont échappé à ces travers qui ont caractérisé la
chanson basque de ces denières années. Au fil des changements politiques
considérables intervenus après le Franquisme,et du bouleversement socio-
économique de la société basque, toutes ces formes culturelles se sont très
vite érodées, usées. Le réveil a été brutal ; sur les causes de tout cela,
je me suis largement étendu auparavant . Dans le contexte actuel la "chan-
son.basque «accumulé un retard considérable dans tous les domaines, .dans nom
bre de ses aspects, elle paraît vieillote'et mal adaptée dans son époque ;
ou alors elle s'est tournée vers des formes musicales largement répandues
dans la jeunesse urbaine. Des débats tels que pour ou contre le Rock ont et
le témoin de ces problèmes. Eare$sont les musiciens, compositeurs, chan-
teurs qui y ont échappé. Seuls ont pu le faire les musiciens qui pour
une raison ou une autre bien qu'étant profonBment basques étaient
_ 3 > o _
suffisamment ouverts sur leur époque, avaient de l'art une conception in-
tine et personnelle, et qui se souciaient d'une coraunication sociale vraie,
Cette époque est en train de s'estomper, les goûts et la culture du pu
blic ont évolué», et la chanson basque est en train de se recomposer sur
des bases plus vraies. Eeste le retard, le peu de professionnels, de mu
siciens authentiques et "exportables" c'est-à-dire capable d'exister et
de communiquer ailleurs qu'en Pays Easque... De quoi se retrousser les
nanches quoi !
La conclusion de cotte rapide "photographie" qui mériterait des analyses
plus approfondies, n' est pas très enthousiasmante. Très riche de ses par
ticularismes la musique en Pays Basque est aussi la victime de son histoire.
Le milieu musical est finalement peu stimulant et n part quelques rares
festivals, l'ouverture musicale, la culture musicale en Pays Easque est
assez pauvre. La musique est éclatée en genres sans communications entre
eux, la vie musicale parcellaire. Peu de créateurs et compositeurs, peu
de structures l'enseignement. Allons-yyil y a de quoi faire !
b) Outils et lieux de production.
Pour transformer il faut des outils, de même pour élaborer une musi
que dans des conditions nouvelles. Et c'est là un des atouts dont nous dis
posons en Pays Easque. Faisons -en un rapide survol. Je parlerai là des ou
tils spécifiques élaborés dans le champ de la culture basque. Une limite
o ce développement ; je centrerai cette réflexion dans le champ des acti
vités artistiques, sans parler des 2 outils essentiels que sont CEAGKA et
AEK dans le domaine de l'enseignement de la langue basque.
- Lieux et espaces des actes culturels notamment musicaux
La musique est bien présente dans les lieux traditionnels tels que les
fêtes traditionnelles, fêtes paroissiales, fêtes rituelles. C'est là que
l'on retrouve en action orchestres, txarrangas, etc... oue j'ai décrite
plus haut, c'est à cette occasion/que le chant et la musique jailliifspon.
tanément très fort •
_ 3 4 -
de la; * population. Généralement ces fêtes innovent peu du point de vue.
musical et on peut observer cette régie; plus la fête traditionnelle a du
contenu (socio .-culturel, imaginaire etc..) plus elle est riche du point
de vue musical (spontané et organisé). Au cours de ces dernières années, à
tour de rôle certaines fêtes de village ont travaillé ce contenu avec des
résultats positifs (ORDIARP, Bidarray.., Armendaritz etc..) d'autretau con
traire régressent«la responsabilité du Comité des Fêtes est alors essen
tielle. Plus la notion de fête, le contenu de fête (dans les conditions
actuelles du Pays Basque) et fort et plus riche est la fête^donc la musique.
- Les nouveaux lieux :
De nouveaux lieux de fêtes, de culture sont apparus en. Pays Basque
ces dernières années, telles les semaines culturelles. Animées par des é-
quipes solides ces semaines culturelles sont un apport très intéressant pour
la culture basque en général et aussi pour la musique. Elles ont permis à
de nombreux groupes, chanteurs, musiciens du„Pays Basque de se produire.
Au fil des changements sociaux .certaines semaines culturelles n'ont pas eu
peur d'innover et d'ouvrir l'univers musical à des courants novateurs du
Pays Basque et d'ailleurs. C'est a'm^i le cas par exemple de'groupes de
village comme à Gotein, Ayherre,Hasparren, qui ont permis au" public du
Pays Basque, d'entendre les artistes les plus intéressants du Pays Basque
mais aussi d'ailleurs (du Cuarteto Cedrón à Guy Eedos en passant par
LLuis LLach, Brenda Wooton et d'autres...) .-jouant par là un rôle e>tir»e.mearner»b
positif. Certaines fêtes rurales ont par contre disparu comme les concours
.de chant organisés par l'Eskualsaleen Biltzarra;ce qui est très dommage.
D'autres se sont popularisées avec succès, comme Artzain Besta aux confins
des montagnes de Soûle et de Garazi. Tout cela fait partie des apports nou
veaux indispensables au développement de la culture et de la musique du
Pays Basque.
- 32-
Le Centre Culturel du Pays Pastiue
Avec le Centre Culturel du Pays Basque, -on touche à une des pièces
maîtresse des "outils culturels" crées ces dernières années pour le déve
loppement culturel du Pays Basque. Son étude mériterait à elle+seule un
article important. Je voudrais pourtant en dégager . • - '
les caractères essentiels.
Tout d'abord, il est le seul fruit qui reste, pour le moment, des longues
réunions, négociations etc.. de la Mission RA VA IL. Il en montre donc les
très grandes limites mais aussi, nous le rend extrêmement précieux. Pré
cieux il l'est aussi par le concenssus qu'il a su entraîner entre les as
sociations du monde culturel du Pays Basque, les élus locaux et l'ETAT.
Consen isus long d'une expérience an et qui a permis déjà à un tra
vail considérable de s'effectuer dans l'essentiel des disciplines artisti
ques, l'aie également à des gens très différents des s'entendre et de tra
vailler. Il est, en ce sens, un lieu unique.
le CCPB ., a su se doter d'un Conseil d'Orientation permettant au monde asso
ciatif de ne pas se voir exclu et de participar réellement aux orientations
culturelle; du Centre.
Tout ceci fait qu'il sera le reflet fidèle de la situation en Pays Basque.
- saura-t-il cimenter le consenssus, sur la base d'une discussion de
plus en plus égalitaire tolérante et profonde ?.27 ou alors sera-t-il uni-
9
quement le lieu d'équilibre des forces.
- le monde associatif pourra-t-il maintenir une présence réelle et non
symbolique ?
- le Conseil d'Orientation sera-t-il l'expression de la totalité du
monde associatif culturel du Pays Basque.
- le CCPB saura-t-il impulser encore plus les initiatives des créa
teurs du Pays Basque, moteurs essentiels de toute avancée culturelle ?
Toujours efct-il que, avec une structure solide et efficace, doté de moyens
non négligeables.le Centre Culturel du Pays Basque est un des outils des
plus apparfrsur la scène du monde culturel du Pays Basque. Ainsi, il peut
-M-
être l'artisan de changements importante.
- Les centres culturels de l'intérieur
Ces dernières années ont vu l'émergence de centre^culturels h 1'inté
rieur du Pays Easque. C'est un phénomène d'une grande importance pour
1'avenir.
En Soûle UHAITZA est née sur la dynamique d'un contrat de Pays,à la
suite d'un très riche processus de réflexions, de consultations qui ont
réuni les principaux animateurs et créateurs souletins. Uhaitza est donc
portét^par une très grande partie de la population souletineldont il est l'é
manation. Uhaitza le rend bien à la Soûle en étant le siège'" d'une très
grande activité, culturelle dans de très nombreux domaines. Uhaitza est en
outre un. soutien ' efficace danc lés initiatives des villages. C'est donc
un excellent exemple d'outil-bien immergé dans la réalité sociale d'une
région
- en Ostibarret,entre l'Amikuze, la Soûle et Garari, le Centre Culturel
d'Ostabat n'a pas eu loin s'en faut,l'appui des élucett^*c°llectlvitéE locales
a&H'frfe. Après un travail acharné, profitant de conditions favorables créas
après 81, le Centre Culturel À la cuite de nombreuses péripéties,a vu le jour,
Après une période de rodage, le Centre a été inauguré récemment.s'étant doté de
'.permanents, s'appuyant sur de nombreuses associations bien implantées dans
les villages, le centre Culturel d'Ostabat commence à avoir une action béné
fique dans de nombreux domaines (économie-gestion dans le monde rural,
disciplines artistiques, musique , chant, théâtre etc.. ) Il est vraisem
blable que ce centre connaîtra un développement régulier et solide.
- Pour l'inauguration du Centre Culturel, d'Hasparren, Eihartzea était
enrubannée comme un paquet cadeau. Pourtant ça n'est par arrivé tout cuit.
La'réussite d'Eihartzea c'est d'abord à mes yeux l'entente, l'union et la
dynamique associative. L'union entre plusieurs associations (8 au départ,
11 maintenant) sur la base d'un projet commun 2L cimenté une volonté col-
>S4_
lective. La réussite d'Eihartzea s'est ensuite, come le dit un editorial
de Herriz-Herri, "le fruit d'un long dialogue entre une municipalité et des
associations" et il ajoute "le fait est assez rare de part chez nous pour
qu'il ne soit pas souligné". Après presque trois années d'existence Eihar-
rzea tourne maintenant h une bonne allure et vient de réussir avec succès
1'organisation, du dernier Galarrot2ak. Souhaitons-lui de continuer.
Chacun n sa manière, 1'émergence de ces centres culturels est pour nous
l'occasion de bonnes leçons. Encrage profond dans le pays pour les uns, opi-
natrete, imagination pour les autres, union interassociative et dialogue avec
la municipalité pour le dernier. Il reste maintenant à fortifier dans la
durée d'existence de ces 1> centres culturels de l'intérieur nouveaux et tros /
précieux outils pour le développement de la culture basque. Dans ce sens
les emplois de permanent,' encore aujourd'hui précaires, devraient être abso
lument pérennisés. Ce n'est pas la non plus un luxe nais une nécessité ab
solue .
c - Quelques mots sur l'histoire récente de 1'organisation de la musique
en Pays Basque.
L'histoire récente de l'organisation de lal'usique en Pays Basque c'est
tout simplement (!) la tentative d'exister par elle et pour elle. Il est
curieux dans un pays où se joue et se chante tant de musique, d'avoir à
lutter pour son existence à travers, une organisation qui la représente...
et bien, oui, c'est de cela qu'il s'agit.
La musique basque, la musique populaire basque ("l'autre" étant dans le
conservatoire) s'est souvent déterminée en fonction de la danse. Ln il
faut rappeler le rôle important qu'ont joué les groupes de danses, ballets
etc.. dans le sursaut nationaliste de ces dernières années... où ils ont
représenté un des noyaux principaux d'affirmation de l'identité culturelle,
basque. Nombre de dirigeants, militants^ de tout bordan sont issus. Lès
chanteurs et groupes, venus bien plus tard, sur la scène.étaient bien trop
individualistes et les professionnels trop peu nombreux pour exister collec
tivement # c, e s t a i n G i q u. a p r e E 1 9 8 1 f l o r G d o s premiers préparatifs àc^witomàm
- 3S-
Micción Rnvail, au sein des Assises de la Culture et de la langue Basque.
Í1 n'y avait pas de projet nusical en dehors, des besoins exprimés par les
groupes de danse. Il n'y avait aucune expression de la nusique nour elle.
C'est sur ces bases là que quelques musiciens , et chanteurs se sont réu
nis pour créer l'Association Kantu Soinu. Kantu Soinu a hérité d'un passé
hésitant, où de nombreuses tentatives de nusiciens et de chanteurs basques
ont essayé d'aboutir sans succès.
Parfois pour réclamer plus de présence dans les médias existants, parfois
pour défendre leurs intérêts culturels et professionnels, en tous cas sans
succès. Kantu Soinu avait pour objectif de faire une analyse de la situation
de la musique en Pays Pasque et de réfléchir sur les royen de la développer,
de trouver des moyens pratiques pour y arriver. Pour une fois, il s'agissait VAAX
de s'élever . ' - da_développement de la musicue globa
lement, au-dessus des intérêts particuliers des uns et des autres. L'exis
tence d'un tel lieu était et reste d'ailleurs indispensable. Ees réunions
ont eu lieu, et ont abouti à la création d'un projet de Centre T'usical Po
pulaire apte à développer la musique populaire dans tous ses aspects. C'é-
tait le temps des illusions et de manières. La première parce que Kanta
Coinu n'a pas été capable dp représenter l'ensemble des musiciens du Pays
Pasque et a périclité. La seconde a été la diminution progressive des projets
exprimés, au sein de la L'iecion Ravail pour aboutir à l'existence du Centre
Culturel de Payonne et Pays Pasque, bien en dessous des projets élaborés
Tiar Kantu Soinu. Qu'on en juge, il n'y a pas de permanent pour la musique
seule dans un pays qui a d'énormes besoins. Encore une fois la musique est
réduite à sa A ' .portion congrue. La -.musique en Pays Pacoue rerte donc un
secteur désorganisé. Il existe bien des lienr o^tre les txistularis, les
chorales entre elles, et récemment une Association Euskal Artixtak qui dé
fend les intérêts professionnels de chanteurs et musiciens basques... Liais
aucune organisation, aucun lien qui restitue, au delà des genres, pratiques
_ 36-
instrumentales, l'unité et la globalité de la Kusique, qui soit ensuite
capable d'en penser afe* développement, et qui en finisse avec les barrières
séparant musique savante et populaire, musique basque et musique universelle <
t
Tant qu'il, en sera ainsi, il ne,pourra y avoir qu'un ' '-''développement
boiteux et parcellaire, un fossé de plus en plus grand entre les musiques » - «*
tout cela provenant et engendrant une vision étroite de ^ a musi
que .
4. LES PRATIQUES NOVATRICES :
Etre les continuateurs et non les répétiteurs.
" Tu marches sur les traces des anciens,mettant les pieds sur chaque pas, de crainte de t'envoler. N'aies.pais peur, tu n'es qu'un homme.
Marches sur le dos de la terre, marches h ta propre mesure, laisses-y
ta plus belle parure, les traces de ta vie, comme un dessin"
( Melaine FavennCc).
Ce chapitre est plus'particulièremment consacré à l'étude de formes
culturelles et musicales novatrices dans le contexte de la société basque
Car il y en a... Celles-là sont précisemment les plus porteuses d'avenir.
- *
a) La position du créateurs... la déchirure positive: sur les traces de
T'irande et d'Aresti.
Pas de création sans créateurs. Comme dans chaque culture, les avan
cées majeures, les apports essentiels leur sont dus... Rares sont les créa-
teurs importants reconnus et célèbres'pu^nt leur vie... Leur pudeur, leur mé
fiance, la nécessité"de préserver leur espace créatif leur fait plutôt re
douter tout cela et il créent la distance, non, c'est plutôt 1'incomprehén-
sion, la surprise,, le questionnement, mais aussi•1'adhésion, la haine ou,
l'Amour qu'il suscitent.passions fortes, intenses, h l'image de leur vie.
Et c'est plutôt l'incompréhension qui les pouretiitet leur vie souvent incUH-
confortable, est difficile, parfois, malheureuse. Non que le malheur fa^JC
•pousser automatiquement les ailes du génie, mais parce que le créateur
, • f
révolutionne , innove sous^.'
l'effet de l'urgence incandescente de s Et quête, de ¿es visions, de S€-S
passions. Le créateur est un anticonformiste et la nécessité de sa créa
tion plus forte que tout. Tels Bartok dont je parlerai plus loin, Modigliani
ou Etxahyn. Je me rappelle une sculpture de Pantxoa St Esteben ou Etxah«J>->
tire en arrière par des chevaux au galop, dans une irrésistible ascension
de son corps^monte son visage vers les étoiles... un visage fendu en deux,
une moitié de visage éclatée, déchirée, tordue qui se transforme en aile
dans la mp.ese de la pierre. C'est sa douleurf par le prix de vacréation qui l'é
lève, le créateur n'est pas forcément «Wie courant^ il vit en critique dans
la société et son oeuvre la questionne, il porte en lui une déchirure... lu
mineuse comme la trainee de lumière qui apparaît lorsque le météore se heur
te à l'atmosphère. "Reste à la fenêtre o"u ta fièvre bat, o coeur,solitaire,
coureur qui combat. Sur le gel qui croît^tu' es immortel" dit René Char —
dans la "tradition du météore". '
«.'est un fait... le créateur est en déchirure... celle-ci est à la fois
un effet et une nécessité... sa création artistique est fondamentalement
un acte d'amour, un acte positif. Letgéateur ne recherche pas forcément
le tragique, il y échappe parfois mais toujours il parte la marque de la dé-
chirure positive et créatrice tels ÂRBSTI ©t "Mirande, ' météores de notre
poésie contemporaine.
b) L'art dansxla vie- Le rêve comme carburant - être des Melquíades--V
Le carnaval cf'USTARITZ.
Cette année plus que jamais, les carnavals ont redoublé, fleuri dans
le Pays Basque et c'est bien... de vrais carnavals, joyeux, Imaginatifs, ir
révérencieux parfois,. S'il y a bien un événement qui a une fonction profonde , ; ' " • • ' ' •
c'est bien celui-là .^chargé de mythes anciens, lof»** der licence et de liberté
d'explosion de joie, de possibilités d'expression. Au lieu de"-
Carnavals bien mitonnes, bien reconstitués, c'est bien vers celui-là qu'il
faut se tourner, c'est bien celui-là qu'il faut vivre. S'il y a une chose
qui pourrait expliquer la portée, la place et la fonction de l'art dans la
vie, c'est bien le Carnaval. Irruption de notre imaginaire dans la vie, ir
ruption de nos rêves, communication rétablie et intense, instant vibrant
de tous les P s-ïiklci à vivre, tout cela maîtrise: dans vr»t
forme etune démarche. Une démarche qui aurait le rêve comme carburant.
L'artiste et r (c créateur jtfiftt comme Melquíades de Cent ans de Solitude qui
arrive avec ses merveilles sans prévenir^dans le quotidien, ravivant rêves
espoirs, regrets, souvenirs et nous laissant pantelanfs d'émotion plus du
tout comme avant. Inspirés par tout cela.ont été les carnavals de cette
année et s'ils nyy sont pas parvenus, ce sera pour la prochaine fois. Cette
année hors des sentiers battus le carnaval a revectf comme celui d'Ustaritz
ancré dans une ancienne tradition qui était bien faiblotte il y a quelques
années. Des pans entiers ont été apportés dans le droit fil de l'esprit
carnavalesque. Danses et chants des zirzils, danses des animaux et des as-
tres,, danse d'Amaia, jusqu'au procès complètement <v/ dans un trajet
spectacle à travers le village'. Le carnaval d'Ustaritz a su en connectant
avec l'esprit et la fontion du Carnaval, innover et apporter des aspects
inédits et forts beaux. Il est à nouveau en marche.
c) Le travail de l'Antenne .jeunesne et sport de Bayonne
Dans les stages 1 Formation continue des Conseillers techniques et pédagogiques.
Découvertes du Pays Basque.
Montagne et Civilisation Basque.
A Profondément ancrée dans la réalité locale, étoffée, après 81, par
l'arrivée de nouveausCTP, cette antenne a produit un travail remarquable tvtrvj
dans son champ d'action. Travail parmi lesquels, ¿e retiendrai les séries
de stagey déjà citées. Le premier a été un stage nationnal aux répercutions
-35-
importantes dans d'autres régions. Il est prévu une suite pour plus"tard .
.Les 2 autres sont devenus des pistes d'actionjpermanentes. Bien qu'il soit
illusoire de refléter dans le cadre de ce travail une activité permanente
aussi riche il fallait bien le signaler et aussi insister sur quelques points
importants.
~ l£_EÍ2£e_d^_Fornation continue des CTP du temps libre a été volontai
rement "implanté" à LARRAU, les stagiaires en contact permanent avec les
habitants du village, placés en position active d'écoute et d'action par
une organisation "rompant avec les propositions habituelles, 'et
permettant aux stagiaires une' approche plus sensible (et non'Geu^ernen^
théorique !) des hommes et des problèmes. On trouve
au coeur de ce stage les rapports entre culture et développement micro-ré-
'. gional entenduÇcomne " la volonté de poser les problèmes au niveau d'une en
tité géographique et culturelle précise". Quelques thèmes abordés montrent
l'orientation pratique dV stage :
- influence: de ItJusocio-culture concernée sur les ChoiX de développer»
mentales systèmes juridiques souletins de l'organisation de l'espa
ce du travail et de la vie sociale^Protection des milieux^
des biofco p'ei •-.
- Action culturelle;facteur de développement socio-économique» Révi-
talliser les échanges culturels. Tradition et création.
- Idéologie et Patrimoine . Idéologie politique de la langue.
- Y a t-il un modèle de développement micro-régional.
Tout ceci montre la richesse des thèmes et comment ils ont contribué
à développer une vue globale des situations1''dans leur-" complexité extrême..le
: tout dans une pédagogie allÀ.Q/vCT la théorie et la pratique, les expériences
vécues, les contacts, Les intervenants étant tous de très/grande' qualité- •
Ce ¿tage montre a l'évidence qu'il est possible d'entamer une réflexion'
"théorique-pratique" sur les problèmes de développement et qu'il est source
_. 4o_
d'imagination de solutions, projets etc..Il a fait la preuve en lui-même
que l'action culturelle était facteur de développement.
- Montagne et civilisation Basque.
Autre approche intéressante partant d'une idée simple :"permettre et
faciliter pendant jours et demi une, approche curieuse,'intelligente et
sensible des domaines qui font la mosaïque de la montagne et de la civi
lisation basque : faune, flore, relief, nature, l'homme et ses multiples ac
tivités économiques et ses différents langages, chant, musique, danse,gastro
nomie, peinture etc...". X®- conclusion d'un stagiaire parue dans Berriz
al
Herri (nSM87) résume le tout : l'approche directe de ce pays par les yeux
les [jambes, les oreilles, la langue procure une connaissance plus approfon
die de la civilisation passée' et permet d'appréhender l'évolution nécessaire
i«
vers l'avenir.
d) ARZA - T.Tikel LABOA - URRIA - La tradition_vivante_, trois démarches
essentielles.
Voici maintenant plusieurs années que Josean ARZA nous livre ses poè
mes, nous invite à ses spectacles. Un des fondateurs de EZ DOK Amairu, il
est devenu un de nos poètes les plus précieux se situant toujours à la poin
te la plus avancée, à la proue,
Rarement, on a vu dans la poésie basque, une poésie qui aille si loin dans la
profondeur des thèmes, dans l'explosion jubilatoire des formes, des mots,
projetés jusque sur les murs, alliant tantnd'audace et de modernité et pour
tant si inscrite dans le quotidien,81 mangeable comme le pai'n,..le;)pain éter
nel des vieilles .tables, des vieilles maisons ; le pain de la table de la
maison qui domine les usines de Lasarte etauloin cette ancienne rivière<^coule^
toujours vers la mer.Josean est l'homme des avancées audacieuses, mais aussi
celui qui célèbre Lizardi; c'est l'homme imbibé du meilleur de notre littéra«-
ture et qui imprégné de tout cela nous^aisse sa trace palpitan-tre dans le
present.
- Qu'est-ce qui fait que quand I.Iikel LABOA chanto, sa voix et con chant nous
semblent éternels comme la pluie, ou come le chant de la mendiante dans
India Cong ! Le chant de Lîikel Laboa est un des rare3chants qui donne tant
l'impression d'une unité profonde qui irait des vieux chants (Goizueta, Haika
'¿util, Berreterretche) jusqu'aux siens propres, sur les poèmes de Eertold
Brecht, d'AEZA, et d'autres encore. Comme si une même fibre reliait tout. Le
chant de Lîikel Laboa se développe à l'abri des chants stéréotypés et didacti
ques inspirés par les nécessités de lu propagande. Chant intime, intérieur,
il nous parle de nous, du cordon ombilical, de la communication -incommunica
tion- Et sa voix glisse du verbal au non verbal, touchant des domaines oniri
ques et inconscients, allant droit au coeur. Ch'ez lui aussi les audaces musi
cales semblent dictées par des urgences profondes intérieures et non par avant-
gardisme. Voilà pourquoi lîikel Laboa nous est si précieux : son itinéraire
personnel doit nous éclairer et nous stimuler à créer le nôtre.
Les musiciens de l'Association URRIA jouent depuis plus de 10 ans en
Pays Basque. Issus de la vague folk, ces musiciens ont évolué, vers une musique
tout à fait unique et personnelle sous le feu des urgences à dire et à chan
ter. Ils ont au même moment connecté avec la plupart des jeunes poètes du
Pays Basque Français (A. Zamora - Lanatua- H. Airé - Jon Casenave,la poésie
de KIRAIIDE), connu les musiciens improvisateurs issus du jazz, les plus impor
tants (Portai, Lubat, les lyonnais de l'ARPI, marseillais du Grimm) et mené
avec eux des expériences musicales durables. Tout cela fait qu'ils sont dans
Le Pays Basque Français un des noyaux de création les intéressant^ du point de
vue de la musique . Leur musique est profondément ancrée dans la musique tra
ditionnelle du Pays Basque, mais irriguée d'influences contemporaines, par
faitement maîtrisées. Ils allient dans une même démarche, leurs créations
musicales personnelles des travaux en direction des auteurs traditionnels
(Etxahun) et des expériences personnelles^
4Í-
multiples et variées. Il ont parmi les premiers chanté, les poètes contem
porains, crée des spectacles, en liaison avec des plasticiens, danseurs,
musiciens traditionnels dont le dernier "La Veste" a été salué lors du der-
nier colloque, de la TRADITION vers la Creation-à Clermont-Ferrand. Les
musiciens d'URRIA sont aussi à la base de projets pédagogiques qui concer
nent le chant notamment à OSTABAT). Ils sont un bon exemple de musiciens
créatifs bien plantés dans le présent.
e) Koldo Amestoy - Le Renouveau du théâtre.
Parxi les apports à la culture populaire basque, il faut souligner le i
travail que fait Koldo Amestoy par son activité conteur. Il rétablit là
un aspect un peu délaissé et pourtant essentiel de la tradition orale. Le
conte joue un rôle essentiel dans la transmission de la mémoire collective.
Il est le réceptacle des anciens mythes et 3e l'imaginaire d'une société.
Le personnage du conteur peut regagner sa placera l'axe.entre le monde de
l'imaginaire et du réel, les contes de demain sont à faire, ceux qui éclai
rent, enseignent, démang ent i font rire ou grincer les dents. Koldo a reem
prunté ce chemin, puisse-t-il être suivi dans ce sens.
Le théâtre en langue basoue connaît un renouveau certain. C'est vrai
qu'il jouit de l'affection du public et d'une tradition solide. Mais il
n'arrivait pas à décoller d'un certain amateurisme. Des comédiens avides de
monter sur les planches, la fringale du jeu dans le ventre or>t permis ce
sursaut. Les troupes de villages se sont dotées d'une organisation solide.
Grâce à cette structure efficace, la Fédération de théâtre a mis au point,
une véritable école de théâtre et un festival de rencontres théâtrales qui
en est à sa deuxième édition. Les acteurs, amateurs de théâtre disposent là
de deux outils efficaces pour progresser. Ce renouveau et l'enthousiasme des
comédiens créent le besoin de nouvelles pièces , l'apparition de nouveaux
auteurs, le theatre en langue basque est à nouveau en marche.
. 43-
f) Ekarle : La danse basque révisitée ; pour unesauthentiaue creation
La troupe Ekarle, en est à son quatrième ballet. Vaille que vaille, di
rigée par Michel Théret, elle a ouvert , enfin, une brèche dans le inonde de
la danse basque. Le Pays Basque dispose de centaines de danseurs groupés
dans des groupes folkloriques centrés sur l'apprentissage des danses tradi
tionnelles. Oldarra, Etorki, seuls»avaient ,jusque*-là tenté l'innovation, la
création. Michel Théret, .jeune danseur-chorégraphe et sa troupe ont enfin
crée la brèche au prix de difficultés incroyables ? ' _, les
critiques des uns et les appuis des autres. S'inspirant des courants contem
porains de danse-théâtre, possédant à fond la danse traditionnelle, Michel
Théret a crée des oeuvres originales et personnelles marquées du sceau d'une
authentique création. Cette expérience ne pourra être poursuivie que si on
lui donne enfin les moyens de créer une troupe professionnelle. L'avancée
de la danse en Pays Basque est à ce prix.et elle est absolument nécessaire.
g) Maiatz * le Renouveau de l'écriture
L'écriture en Pays Pasque (Romans, poésie, fiction etc..) était dans
un état endémique • Cans un contexte marqué par la Répression de la languewji
MAIATZ apparaît comme un espace d'émergence de l'écriture. C'est dire
l'importance de cette revue littéraire ¿a-langue Basque.
Il n'y a pus si longtemps que çà.la produètion littéraire était encore
très faible. Les publications.rares consistaient en des recueils d'articles
parus dans Herria - articles bien pensants, écrits surtout par des ecclésias.»
tiques - quelques rares auteurs publiaient-suivant en cela l'incitation de
maisons d'eudition du sud, (Txert<)a, Auspoa, ELKAR). Les publications étaient
surtout des études, (presque pas d'ouvrages, de fiction, de romans). Le trou
à combler est immense d'où le regain de traductions de Jules Verne à Platon
en passant par des auteurs contemporains.
" "''"' '' - 4 4 - ' ^ "'"-' ' " ' -
La situation de la langue^dépérissement, manque d'unité linguistique
( sont autant d'obstacles : sur 220 000 h, 40 ou 50 000 sont bascophon^eo et
seulement entre 10 % et 20$ des bascophon-^es sont alphabétisés. On estime
h peu près à 500, le nombre de lecteurs de MAIATZ ou d'autres publications
en basque. Pour les auteurs pas.de modèles sur qui s'appuyer, pas d'écoles
littéraires. Dans ce contexte MAIATZ et ses animateurs ont crée les bases
d'un véritable;regain d' .écriture en créant un espace d'écriture libérée :
une écriture pour le plaisir d'écrire, partant de soi, recentrée sur; soi ,
hors des filtres du Politique. Il est un espace pour résister,, permettant
aux écrivains de passer au stade de la communication sociale et donnant à
l'écriture une place autonome. Par son existence MAIATZ, remplilfune fonction
d'incitation fondamental?! ; la revue montre le plaisir d'exister d'une lan
gue dans la liberté de l'écriture. Car il est vrai que s'il n'y a pas plai
sir à parler ou a écrire dans une langue, elle disparaîtra. Autour de la re
vue.I1AIATZ a édité les ouvrages de deux auteurs cette année, vraisemblable
ment fcf>0iS. autres l'an prochain. MAIATZ est une modeste, mais indispensable
revue, souhaitons, qu'elles continue sa route et que de nombreux auteurs se
saisissent de cette opportunité pour oser écrire et publier.
h) Ane-Atoll : ur esnace de type nouveau dans le mouvement culturel du
L'été 83, certains villages de montagne étaient sillonnées par une
étrange caravan^e... caravanue de baladins et d'ânes comme au bon vieux
temps. Une expérience riche non passeiste dont voici les traits essentiels
et qui font d'Ane-Atoll une expérience très intéressante et innovante dans
le monde rural.
Agissant dans le mouvement, cherchant dans le temps le mûrissement de
ses actions, "ANE-ATOLL" inscrit son voyage dans un lieu bien précis, bien
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connu de la plupart de ses participants. Chez ceux-ci, les motivations per
sonnelles, ont fini au fil du temps par tisser des liens très conscients
mais aussi très tenaces et émotionnels avec une réflexion profonde sur la
socio-culture de leur région.
- Le 1er voyage était comme un'trait symbolique rejoignant de tous
petits villages situés dans un milieu rude, bien souvent luttant pour leur
survie dans des conditions très difficiles. L'élément commun est la MONTA
GNE, milieu d'économie essentiellement pastorale, avec une socio-culture
en crise certes... mais aussi, montagne ferment nourricier, porteuse -, de
mythes essentiels où s'accrochent des hommes eiwcriet souvent contre tout
raisonnement rationnel, froidement économique—Notons ici que l'on ne sau
rait comprendre ce phénomène, sans saisir le lien profond, stimulant dans
les deux sens, qui unit le culturel et l'économique, avec, a sa racine, les
liens ancestraux qui unissent l'homme à la montagne—Ce point sera appro
fondi plus loin.
- La conception des actions du voyage, les créations, la présence des
membres de "VILLAGES EN RIBAMBELLE" ont tenu compte de ces données dès le
départ. Non pour s'y mouler, mais, en les saisissant profondément, pour dé
terminer et agir sur les aspects qui pouvaient permettre une prise de cons
cience par les montagnards de leurs propres forces, pour contribuer à sa me
sure à révitalliser une communication sociale, essouflée^pour contribuer à
insuffler, par la présence vivifiante des baladins, comme de nouveaux moyens
de voir sa réalité et de rêver son- évolution.
Choix des villages, des lieux de spectacle (grange, grotte, bistrots, pla
ces, frontons, etc...), des thèmes de spectacles, du "style" de présence
des voyageurs -artistes, répondent à cela.
- PAR EXEMPLE le moyen de locomotion n'a pas été utilisé comme un gad
get, mais, a été le moyen de locomotion. A ce titre, les ânes du premier
voyage avec tout ce qu'ils ont réveillé de souvenirs, permis de confronta-
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tion techniques et humaines, avec tout ce qu'ils ont permis de voir et
de revoir avec des yeux neufs du paysage et des hommes, ont été les vedet
tes d'ANE-ATOLL. Chaque halte, village, étape, a ses histoires d'ânes où
les deux grandes oreilles ont été les guides de souvenirs, réflexions,
prises de conscience de toute*' sortej. Q.JU- * c ¿fa pS^-f' c«_
Ce n'est donc pas par passéisme choix. A tra
vers eux, nous avons saisi tout ce qui pouvait permettre un questionnement
plus profond sur la vie dans un milieu bien précis, et sur les moyens de
la changer.
"ANE-ATOLL^j_UN_VOYAGE_VERS_LES^GENS :
Tous les témoignages concordent, les gens des villages ont unanime
ment apprécié que l'on aille vers eux. Vers eux, h rebours de toute réali
té économique, sociale et culturelle.
- Vers eux, comme le font les voyageurs qui ont fait des montagnes
des lieux de passage très importants.
- Vers eux, permettant que se reproduise/l'accueil et l'hospitalité
traditionnelles faites aux voyageurs.
- Vers eux, ajoutant à la respiration traditionnelle des voyages en
montagne, (flux et reflux des transhumances par exemple...) un nou
veau voyage.
Nouveau voyage de gens qui n'ont rien h vendre, ni à prouver, venus
d'ailleurs sur les ânes d'antant, remplissant les rues de musique et d'i
mages fabuleuses. Le voyage a été un des moyens permettant que la communau
té des maisons, quartiers hameaux se rassemble . et se parle-;, permettant
à l'imaginaire que les faits enfouissaient dans un coin de la conscience,
de sévader. Il a aussi contribué à montrer que cet imaginaire, vivifié dans
l'échange, peut venir à bout des réalités les plus dures.
- Voyage, étapes, comme révélateurs puissants, rapides, intenses, de
la réalité... mais par sa qualité même pouvant permettre de briser un no- " —
ment le cercle de fer des réalités immédiates et de penser à l'avenir - voir )
se voir mais aussi revoir d'un oeil neuf.
- Voyage, rencontres vivifiées dans la pratique fondamentale de l'é
change .
DEFINITION_D^mj_ESPACE_SPECIPIQra_ORIGIÏÏAL
Définir ANE-ATOLL ? Dans le panorama culturel du PAYS BASQUE apparais
sent feien des manifestations spontannées, traditionnelles, rituelles (fêtes,
mascarades). De nombreuse associations animent des événements ponctuels,
(semaines culturelles, etc..) Des centres cuturels apparaissent peu à peu.
- L'ASSOCIATION ANE-ATOLL se veut d'abord un lieu possible de réflexion,
de rencontre, d'expérience, d'innovation, de création et de formation pour
divers "acteurs" de vie culturelle locale, travaillant dans diverses disci
plines (arts plastioues, image, son et moyens de communications nouvelles,
théâtres, musique et chant, sciences de l'environnement).
Plutôt que des rencontres lourdes, difficiles et permanentes entre diverses
institutions, 1'ASSOCIATION vise plutôt à favoriser la rencontre entre les
personnes travaillant dans des structures différentes d'objet'et de nature :
professionnels et amateurs, locaux et étrangers), et à mettre en
commun sur des actions précises, l'énergie, l'inventivité, la pluri-discipli-
narité de différents réalisateurs regroupés sur des projets communs.
Il ne s'agit donc pas de se substituer aux réalisateurs et réalisations tra
ditionnelles, mais plutôt d'ouvrir des pistes innovantes et expérimentales
dans le champ général des activités culturelles.
_ 4 £ -
5 - PISTES
Contre la culture ornement :
La culture ne doit pas être vecpaie comme un "plus" après avoir
satisfait ce qui peut apparaître comme plus important par ces temps de crise
Nous avons vu qu'elle peut être un puissant levier de développement écono
mique. Des liens profonds unissent le culturel à 1' économique et au social.
La culture ne doit pas être considérée comme secondaire par les pouvoirs
publics! ex ywiiA/ue.: les artistes doivent engager leurs actions pénétrés de
leurs responsabilités dans la transforation de la société.
Les diffic<i|e_s__ragDorts _e^kky CAJJ&VA*-. **£_. -politique.
Nous l'avons vu culture et politique sont extrêmement lié&sen Pays
Basque.notamment autour des problèmes concernant l'identité. Le mouvement
culturel Abertzale ambitionne d'être le Représentant de toute la société
basque, du peuple basque en tout cas. Tout cela c'est bien manifesté lors
des discussions autour du Centre Culturel du Pays Basque qui a cristallisé
à la fois les conceptions et les rapports de force. Alors Centre Culturel
Basque ou du Pays Basque ? Aujourd'hui le Pays Basque a beaucoup changé...
il compte dans sa population beaucoup de non basques (gascons, français, por
tugáis et autre, issus des différentes périodes d'immigrations). Imposer
le point de vue du mouvement culturel basque en vertu du seul siillogisme
que nous sommes en Pays Basque aboutira à un échec. Le repli sur soi
("seuls les problèmes des bascophones m'intéressent") également.L'issue est
possible si le mouvement culturel basque tout en luttant pour la création de
ses propres outils, adopte le point de vue de la gestion démocratique de
l'ensemble de la société basque. Ou il se hisse jusqu'à ce point de vue
là et propose un shéma de développement culturel basé sur la tolérance ,
l'échange et la persuasion ou il se refermera sur lui- même. Pour commencer
il doit admettre les différences de point de vue entre les basques eux-meme,
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en les considérant comme des richesses,en faisant une unité dynamique sur
la base du débat. Dans ce contexte, la création artistique doit pouvoir
se mouvoir librement , rompre une fois pour toute avec toute sorte de pre-
chi-prêcha militant avec toute espèce de cléricalJ3ne même laïque. De ce
point de vue là, se pose le problème de la mémoire, au delà des filtrç§
sectaires pour arriver à cerner la vérité historique au plus près même si
cela remet en question bien des points de vue. Les avancées sont à ce prix.
De même .des pans entiers de l'histoire populaire^usau'ici oubliés sont à
écrire ou a ré-écrire dans une sorte de réappropriation symbolique : his- '
toire et vie des ouvriers des Forges du Boucau, des ouvriers des Carrière's."
des ouvriers agricoles (soilak) f des petits paysans, des femmes etc, etc.'1..
comme une 'émergence des humbles et des opprimés comme objets et sujets de
la culture populaire basque. Ce ne sont là que des exemples, tout est à faire.
- Ville et camnagne:
Certes la culture rurale suit son cours, mais cela ne suffira pas pour
l'avenir de la culture basque si on ne-sait pas faire une culture basque
urbaine. Dans ce mouvement-là réside la chance pour la culture basque, de
s'ouvrir à d'autres influenceg et de s'enrichir par elles sans se perdre,
elle a tout a y gagner, notamment sa capacité à dialoguer avec le présent.
Cela la conduira à enrichir _considérablement les formes culturelles et à
la rendre capable de plus de communication universelle.
Albert Ayler - Bêla BARTOK : plaidoyer pour la liberté de création
de l'individu, création et continuité.
Quand Albert Ayler, saxophoniste de jazz noir-américain, a joué sa
musique pour la première fois il a été très mal accueilli par les tenants
de la tradition. Et ceci même en Europe car il ne renvoyait pas l'image
traditionnelle du jazzman noir américain. On dit qu'il a du essuyer plu
sieurs fois nombre de critiques féroces et même des cannettes de bière.
Albert Ayler était un innovateur. Maintenant on s'accorde pour recon-
_ SO -
/ /
naître en lui un des plus grands saxophonistes de jazz, un musicien qui
l'a fait aller de l'avant, qui a considérablement élargi et sa portée et
aussi son public. Ecoutons-le définir sa musiquet
"J'aimerais jouer quelque chose comme le début de Ghost, que les gens puissent fredonner. Je veux jouer les airs que je chantais quand j'étais enfant. Dés mélodies folkloriques que chacun, pourrait com-
_i.prendre. J'utilise ces mélodies comme point de départ, et plusieurs mélodies simples se déplaceraient h l'intérieur d'un même morceau. D'une simple mélodie, à des textures complexes, puis de nouveau à la simplicité, et de là jusqu'auxs sons les plus denses"
et encore :
"Nous essayons de rajeunir ce vieux sentiment du New Orléans que la musique peut être jouée, collectivement et dans une force sobre. La force du vibrato, la force du timbre de Bechet c'était fascinant. Il représentait pour moi le véritable esprit, la pleine force de la vie. ce que possédaient nombre de vieux musiciens. J'espère replacer cet esprit dans la musique que nous jouons aujourd'hui".
La musique d'Ayler s'est nourrie de ce point de vue là... sa musique pro
fondément chaleureuse, musique novatrice empreinte de toute l'Sme du peuple
noir américain et pourtant si universelle...
Le compositeur et musicien hongrois Bêla BARTOK lui aussi est un bon
exemple de créateur qui a su innover , apporter une oeuvre musicale déter
minante dans le XX siècle. Une oeuvre profondément personnelle plantée sur
des bases larges, parfaitement assimilées dans leur essence dans un élan
de rigueur un travail et une priorité acharnés. C'est ce qui confère à sa
musique une richesse qui n'apparaît jamais comme l'application d'une recette.
Musique nourrie de musique populaire hongroise certes mais aussi celle de
nombreux autres pays, nourrie également de l'apport de principaux créateurs
de son temps. C'est ce qui fait dire à Pierre Citron :
" Son art semble, s'ouvrir pour tout englober : parti de Brahms, il assimilera, sans jamais renoncer à l'ardeur et à la tension d'un tempérament beethovenicn, des éléments de Strauss et de List , de Debussy et de musique populaire, de Stravinsky et de Shönberg pour arriver à faire comme BACH, la synthèse de la musique de son temps".
Ses oeuvres telles que la Cantata profana, le V Quator, les 27 choeurs a
Cappella, les Choeurs d'enfants, et surtout sa musique pour cordée percus
sions et celeste^ en témoignent.
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EN GUISE DE CONCLUSION
Eans le contexte très politisé du Pays Basque, pour que la création
avance, il faut la dégager de toute emprise des sectarisme, et partir de
soi en toute liberté pour créer. L'important en ce moment c'est cela : cela
permettra de mieux communiquer, et par le jeu de la tolérance et de l'amour
génère^ par la création, de mettre un peu de baume dans les rouages crispés,
tendus de la Société... et enfin, laisser ¿,'éclore, les fleurs qui sont en
core en germes. Car sans la possibilité de pratiquer, d'échanger, de ce
pas
tromper aussi, la création artistique ne pourra avancer. La création artis-
ticue et notamment la musique doit aussi avoir les moyens de se doter des
structures les plus aptes à son développement, elle doit pouvoir avoir les
moyens d'accéder et d'expérimenter les médias... car c'est là l'aspect es
sentiel de la diffusion et de la communication sociale d'aujourd'hui, alors
nous pourrons rompre le cercle tragique de la tragédie de GARTXOT de ITZALZU,
et/ réconcilies avec le présent, continuer à avancer.
~5¿-