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Septentrion mirabel en histoires Gilles Boileau Extrait de la publication

Mirabel en histoire…Quelques nota-bles, domiciliés pour la plupart dans un secteur du village qu’on qualifiait déjà de « haute-ville », réussissaient à y faire la loi,

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S e p t e n t r i o n

m i r a b e l e n h i s t o i r e s

Gilles Boileau

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M I R A B E L E N H I S T O I R E S

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S e p t e n t r i o n

m i r a b e l e n h i s t o i r e s

Gilles Boileau

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Pour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca.

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de dévelop pement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Pro gramme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Illustrations de la couverture et de la quatrième de couverture : Photographies de Gilles Boileau

Révision : Solange Deschênes

Mise en pages et maquette de couverture : Pierre-Louis Cauchon

Correction d’épreuves : Marie-Michèle Rheault

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRIONvous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],par télécopieur au 418 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca.

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :1300, av. Maguire Diffusion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2Dépôt légal :Bibliothèque et Archives Ventes en Europe :nationales du Québec, 2009 Distribution du Nouveau MondeISBN papier : 978-2-89448-597-2 30, rue Gay-LussacISBN PDF : 978-2-89664-558-9 75005 Paris

Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres

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Sainte-Scholastique est un foyer ardent de libéralisme et de nationalisme, une terre où l’esprit d’indépendance

et de liberté a creusé de profonds sillons.

Godfroy LangloisL’Écho des Deux-Montagnes

6 novembre 1890

Qu’on se rappelle qu’avant Mirabelil y avait des communautés du nom de Sainte-Scholastique,

Sainte-Monique, Saint-Hermas, Saint-Canut, Saint-Janvier,Saint-Augustin, Saint-Placide, Saint-Benoît…

que ces communautés existent toujoursmalgré tout ce qui est arrivéet qu’elles souhaitent vivre.

Mgr Charles ValoisÉvêque de Saint-Jérôme

L’Église canadienne29 octobre 1981

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C’est la mémoire qui fait l’histoire. (Photo Gilles Boileau)

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P r o l o g u eLa longue histoire d’une ville nouvelle

De la seigneurie à la MRC

Attendu que le conseil de la ville de Sainte-Scholastique, par sa requête du 7 novembre 1972, demande que des lettres patentes soient émises en sa faveur à l’effet de changer son nom en celui de « Mirabel » […], nous accordons la requête de la ville de Sainte-Scholastique, nous accordons et ordonnons […] que le nom de la ville de Sainte-Scholastique soit changé en celui de « Mirabel ».

L a publication de ces lettres patentes dans la Gazette officielle du Québec du 27 janvier 1973 a marqué la naissance officielle de la ville nouvelle de Mirabel. Mais il y avait déjà

près de 200 ans que ce territoire était habité, en raison des premières concessions de terres faites en 1780, par les messieurs de Saint-Sulpice, à des censitaires dans les limites de l’actuel secteur de Saint-Benoît.

Au fil des ans, pour répondre aux besoins des habitants de plus en plus nombreux qui se répandaient dans les diverses côtes de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes et de la Rivière-du-Chêne, de nouvelles paroisses se sont formées sur le territoire. Après Saint-Benoît, la plus ancienne, cinq autres paroisses, avec églises et curés, ont été créées : Sainte-Scholastique, Saint-Hermas, Saint-Augustin, Saint-Canut et Sainte-Monique. Le 27 mars 1969 arriva l’annonce de la construction du nouvel aéroport international de Montréal et la mainmise par le fédéral sur près de 100 000 acres de terre ; 3 126 avis d’expropriation furent adressés aux habitants de ces paroisses dont quelques-unes se voyaient menacées de disparition. Le regroupement obligatoire de toutes les paroisses touchées par cette expropriation fut alors décrété.

Pendant quelques mois, la nouvelle ville porta le nom de « Sainte-Scholastique ». Le décret d’expropriation força d’autres municipalités à céder des fractions plus ou moins importantes de leur territoire à

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cette nouvelle ville, comme Saint-Antoine-des-Laurentides et Saint-Jérusalem-de-Lachute. Quant à Saint-Janvier, elle bascula elle aussi dans la nouvelle ville. Légalement, Mirabel est née de la fusion de quatorze municipalités ou parties de municipalités, réparties sur une vaste superficie de 477 kilomètres carrés.

Mais aujourd’hui le territoire de la ville de Mirabel a été unifié et toutes les anciennes municipalités sont disparues. Il n’y a plus qu’une seule et même ville, divisée en secteurs. C’est là que l’on retrouve principalement les anciennes paroisses (à des fins de culte) de Saint-Benoît, Sainte-Scholastique, Saint-Hermas, Saint-Augustin, Saint-Canut, Sainte-Monique et Saint-Janvier dont les clochers signa-lent toujours la présence dans le paysage et qui nous rappellent surtout que rien ni personne ne peut effacer 200 ans de vie, d’efforts, de joies et de peines.

La présente histoire de Mirabel est essentiellement l’histoire de ces sept paroisses, mais une histoire partagée. Évitant de donner à cet ouvrage les allures d’une monographie locale traditionnelle – chaque paroisse ou presque ayant déjà la sienne –, nous avons choisi de faire revivre quelques-uns des grands moments qui ont pu mobiliser les esprits et les cœurs ou encore avons-nous jugé bon de projeter une lumière nouvelle sur des personnages qu’il aurait été regrettable d’oublier. Nous avons ainsi choisi de nous arrêter sur les épisodes les plus révélateurs ou les plus significatifs et de ne retenir, dans notre galerie de personnalités phares, que celles dont l’impor-tance n’a d’égal que l’oubli dans lequel elles sont tombées. Sans ces événements auxquels nous nous sommes attachés et ces hommes dont nous soulignons les actions, Mirabel serait sans histoire. Mirabel ce fut d’abord Sainte-Scholastique.

Il était nécessaire de nous éloigner de la formule classique des « livres d’histoire » en raison d’abord des caractères propres à chacune des anciennes paroisses de Mirabel et surtout de l’intérêt des thèmes retenus qui dépassent les seuls intérêts locaux. Nous avons voulu éviter à tout prix de reproduire ou de répéter, ne serait-ce que bien partiellement, le contenu de toutes les monographies déjà parues, notamment aux Éditions Louis Bilodeau et Fils ltée. Nous avons plutôt concentré nos efforts sur la présentation d’un véritable flori-lège des grands moments de l’épopée de Mirabel et de ceux qui en ont fait la ville que nous connaissons aujourd’hui.

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Chacune des « histoires » racontées ici permet de découvrir un aspect, un moment ou un acteur d’une grande et longue aventure. Il ne faut y voir ni un panorama global ni une synthèse, mais plutôt vingt tableaux choisis d’une même fresque. C’est la somme de toutes ces découvertes et de toutes ces réminiscences qui permettra juste-ment de comprendre que Mirabel, c’est d’abord l’histoire de 200 ans de solidarité.

Mirabel, c’est d’abord Sainte-ScholastiqueDans la partie nord-ouest de la riche plaine de Montréal, Sainte-Scholastique plonge ses racines au plus profond d’une argile lourde et féconde. La municipalité occupe le cœur d’un espace constitué de six des anciennes paroisses du comté de Deux-Montagnes. Comme des enfants autour de leur mère, les cinq autres paroisses viennent s’y accoler. Il y a longtemps que Sainte-Scholastique a perdu son titre de chef-lieu, mais le souvenir de sa grandeur passée est toujours perceptible.

Rares sont les villages du Québec qui ont apporté une aussi grande contribution à la société. En 1895, à Sainte-Scholastique, le chef-lieu du district judiciaire de Terrebonne, il n’y avait que 800 habitants. Mais on y trouvait le palais de justice, la prison et le bureau d’enre-gistrement. Deux jeunes avocats dynamiques y publiaient chaque semaine un journal dynamique et engagé, les jeunes du village ani-maient un cercle littéraire et dramatique de bonne renommée, la fanfare du village était invitée dans tout le comté et, l’automne venu, des milliers de gens se donnaient rendez-vous à l’exposition agricole régionale.

À Sainte-Scholastique, on pouvait prendre le train pour Montréal, Ottawa et même Winnipeg. Les voyageurs qui s’y arrêtaient étaient accueillis dans cinq hôtels à l’hospitalité légendaire. Quelques nota-bles, domiciliés pour la plupart dans un secteur du village qu’on qualifiait déjà de « haute-ville », réussissaient à y faire la loi, avec la complicité de quelques gros marchands, et le soir venu, en l’absence de lune, Paschal Sarrazin, le lampiste, parcourait les rues du village pour allumer les fanaux.

L’histoire derrière le nomEn décidant de s’appeler « Mirabel », la ville nouvelle, née de l’expro-priation, choisissait de perpétuer la tradition. En effet, il y avait déjà

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un premier hameau de ce nom, dès 1886, dans la côte Saint-Louis où les seigneurs avaient concédé les premières terres en 1798. Tout du long de cette côte, qui fut le premier chemin à assurer la liaison entre Lachute et Montréal, des foyers de peuplement surgirent un peu partout en raison de la qualité des terres. C’est ainsi qu’est né, à la jonction de la côte Saint-Louis (devenue la route Arthur-Sauvé) et du rang Saint-Hyacinthe, un embryon de village. Situés à mi- chemin entre Saint-Hermas et Sainte-Scholastique, les habitants du lieu devaient franchir dix kilomètres dans l’une ou l’autre de ces deux directions pour avoir accès aux services dont ils avaient besoin.

À côté des premières résidences s’élevèrent peu à peu des établisse-ments de nécessité courante, en commençant par un bureau de poste. On confia le transport du courrier au Canadien Pacifique (CPR). De la petite gare de Saint-Hermas, le courrier était acheminé par voiture vers ce tout nouveau bureau de poste auquel il fallut bien donner un nom pour des raisons d’efficacité. Ce fut Mirabel.

Pourquoi ce nom ? Personne n’a encore donné une réponse satis-faisante. L’abbé Clément Laurin, grand connaisseur de l’histoire régionale, tente une explication dans un album souvenir paru en 1975 à l’occasion du 150e anniversaire de fondation de Sainte-Scholastique : « Peut-être est-ce à cause des nombreux cerisiers qu’il y avait dans la région que ce nom fut choisi : “mirabelle” est le nom populaire d’une espèce de petite prune, petite et ronde comme une cerise, jaune, douce et parfumée, récoltée surtout en France (en Lorraine et dans les Vosges). La prononciation aurait eu raison de l’orthographe en le réduisant à « “Mirabel”. »

Dans son Dictionnaire illustré des noms et lieux du Québec (1994), la Commission de toponymie ne fournit pas d’explication mais contre-dit plutôt une interprétation de source inconnue souvent véhicu-lée en certains milieux : « On a avancé qu’un Écossais aurait choisi d’identifier sa propriété en soudant le nom de ses deux filles Miriam et Isabelle, ce qui s’est révélé faux, car aucun Écossais ne figure au recensement de 1871. »

Si le toponyme de « Mirabel » est apparu avec l’avènement du bureau de poste, il n’a pas été abandonné pour autant avec sa dispari-tion en 1908 alors qu’a été inauguré le service de la « malle rurale ».

À compter de 1915, même le train de Vancouver passait par Mirabel ! Mais c’est surtout pour ramasser les bidons de lait que le train faisait halte au débarcadère aménagé au croisement de la côte Saint-Louis

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et du rang Saint-Hyacinthe. Il y eut à Mirabel, entre autres, un hôtel, un bureau de poste, un magasin général, une boutique de forge, une menuiserie, une beurrerie et un atelier de mécanique.

En ce lieu-dit Mirabel, vivaient, fort convenablement, en 1970, une trentaine de familles. Le fédéral leur a intimé l’ordre de quitter les lieux dans les 90 jours. C’était une erreur : la carrière qu’on devait y exploiter n’a même jamais atteint les dimensions d’une piscine olympique. On a vite tout remblayé et la végétation a recouvert la cicatrice. Seuls les cœurs et les esprits des expropriés ont porté longtemps cette meurtrissure.

Si Mirabel, aujourd’hui, se présente à juste titre comme une ville porteuse d’avenir, elle témoigne aussi, dans son nom, de sa vitalité et de sa fidélité à sa mémoire.

* * * *

La grande saignéeLe dernier recensement canadien, en 2006, a dénombré 34 626 habi-tants à Mirabel, ce qui lui confère le 28e rang au palmarès des villes du Québec. Selon l’évaluation de la Ville de Mirabel elle-même, le total des habitants, au 1er janvier 2008, y aurait été de 39 096.

Ces chiffres cachent cependant une bien longue période de sta-gnation démographique dont l’immense majorité des paroisses rurales du Québec furent victimes. La lecture du chapitre 18 peut faire saisir, quoique bien partiellement, l’ampleur de ce vaste mou-vement d’exode qui a frappé les campagnes québécoises à compter de la deuxième moitié du xixe siècle.

Sur le territoire du Mirabel d’aujourd’hui, vivaient, en 1871, 10 195 habitants. En 1951, quatre-vingts ans plus tard, ils n’étaient que 9 637. Chacune des sept paroisses constituantes de Mirabel fut touchée par ce mouvement demeuré longtemps irréversible. Nous ne citerons que l’exemple de Sainte-Scholastique.

Au cours des premières décennies, il est arrivé plus d’une fois que Sainte-Scholastique ait perdu une partie de ses habitants au profit des nouvelles paroisses fondées à sa périphérie. Par contre, à compter de 1871-1881, ce sont les États-Unis et l’Ouest canadien qui lui ont ravi une partie de ses enfants.

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Évolution de la population à Sainte-Scholastique

1851 4762 habitants

1861 3970 habitants

1871 3518 habitants

1881 2757 habitants

1891 2608 habitants

1901 2416 habitants

1911 2228 habitants

1921 2214 habitants

1931 2160 habitants

1941 2224 habitants

1951 2228 habitants

1961 2310 habitants

En 1881, alors que, pour la première fois de son histoire, le ter-ritoire de Mirabel était déjà partagé en sept paroisses – celles que nous connaissons encore aujourd’hui –, les deux paroisses souches de Saint-Benoît et de Sainte-Scholastique rassemblaient dans leurs limites 43 % du total des habitants de ce Mirabel-avant-l’heure. En 2008, leur part est réduite à 10 %.

Si nous nous étions satisfait d’une histoire traditionnelle de Mirabel, c’est ce mouvement d’exode et de migration qui aurait occupé l’essentiel des pages de cet ouvrage. Nous ne l’avons pas voulu ainsi et c’est ce qui explique que nous ayons plutôt opté pour une vaste fresque.

Une fresque en vingt tableauxQuand fut émis le décret créant Mirabel, il y avait près de deux cents ans que les ecclésiastiques du Séminaire de Montréal, ces seigneurs en soutane, avaient concédé les premières terres à des francs-tenanciers du secteur du Grand-Brûlé. Puis, la création des nouvelles paroisses a suivi la croissance démographique et, peu à peu, la conquête du territoire a été achevée. Apparurent en même temps, sur le chemin de la Belle-Rivière, les premiers moulins nécessaires au développement du pays qui fut momentanément perturbé, en 1837, par l’œuvre des orangistes barbares d’Argenteuil qui se vengèrent de leur défaite à

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l’élection de 1834 en mettant Saint-Benoît à sac, malgré les efforts de ce chef modéré que fut le notaire Jean-Joseph Girouard, qui partagea sa vie entre sa grande maison blanche et l’hospice d’Youville.

Pendant près de trois quarts de siècle, la population de Sainte-Scholastique a vécu au rythme du chef-lieu, jusqu’à ce que le petit village doive capituler devant Saint-Jérôme, la reine du Nord, et rentrer dans l’anonymat. Ce ne sont pas les activités du conseil de comté, même entièrement dévoué à la défense de grandes et nobles causes, qui ont pu compenser la perte du statut de chef-lieu. Grâce cependant à L’Écho des Deux-Montagnes, ce journal polisson de Godfroy Langlois, il fut possible, pendant un certain temps, de maintenir bien haut la réputation de Sainte-Scholastique et des paroisses des alentours.

Avec cette grande fête de l’automne qu’était l’exposition agricole régionale, et les pittoresques concours de labour, ajoutés à quelques initiatives fort originales comme la création d’une association de planteurs de tabac, le village et la région ont pu encore longtemps faire parler d’eux. C’est bien involontairement toutefois que les gens du pays ont dû vivre quelques années en supportant péniblement les conséquences de la tragédie de Saint-Canut qui a vu Cordélia Viau et Sam Parslow monter à l’échafaud au milieu d’un grand concours de scènes aussi tristes que déplorables.

En dépit de son statut de chef-lieu fort fréquenté, le village de Sainte-Scholastique a quand même dû lutter avec acharnement contre les autorités du CPR pour s’assurer d’un service convenable. Le très dynamique Dr L.-A. Fortier fut l’un de ces vaillants combattants qui n’a jamais reculé devant le moindre défi.

Si les élections, fédérales ou provinciales, donnaient lieu à de grandes manifestations populaires et à des assemblées contradictoires mémorables, ce fut aussi le temps des promesses dont tous se rassasiaient. Et si les députés – fils du pays – Joseph-Arthur-Calixte Éthier et Liguori Lacombe se distinguèrent, l’un par sa conception du patronage et l’autre par son patriotisme, Arthur et Paul Sauvé surent, pour leur part, se garder la faveur populaire pendant cinquante ans. Tous les quatre plongeaient leurs racines dans la terre de ce coin de pays qui deviendrait Mirabel et s’illustrèrent d’abord dans ces grands pageants politico-nationalistes.

Tout au long de l’histoire de Mirabel, l’Église fut présente et active en ce milieu, par l’intermédiaire de quelques prêtres courageux et capables, en temps nécessaire, de manifester l’amour et le respect

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qu’ils avaient tant pour leur pays que pour leurs ouailles. Que ce soit par leur parole ou par leurs gestes, les Chartier, Duquet, Lalande et quelques autres ont bien mérité qu’on se souvienne d’eux et qu’on en parle.

Pendant que les notables et les curés faisaient parler d’eux et lais-saient un héritage remarquable, dans les campagnes, les paysans, toujours anonymes, étaient aux prises avec les difficultés et les capri-ces de la vie quotidienne. Et que dire de cette malheureuse paroisse de Sainte-Monique dont on a annoncé la disparition au moment où elle allait amorcer les réjouissances de son centième anniversaire de fondation ? Puis, au lendemain de 1969, parce qu’ils croyaient que leur cause était juste et qu’il n’était pas question de céder la moindre parcelle de leur dignité, les expropriés de Mirabel ont décidé d’effa-cer les traces de cette grande tricherie que fut l’expropriation. C’est leur combat qui a fait que Mirabel est aujourd’hui une ville porteuse d’espoir.

* * * *

À propos des notes et des sourcesPour faciliter la lecture de ce volume et éviter une surabondance de notes de bas de page ou de fin de chapitre, nous avons choisi sans hésitation de passer outre à cette habituelle façon de faire et de présenter plutôt en fin d’ouvrage les raisons de ce choix et notre méthode travail.

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C h a p i t r e 1Des seigneurs en soutane

Les Messieurs de Saint-Sulpice

L’histoire de Mirabel et de ses paroisses et villages fondateurs est indisso-ciable de celle de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes. La plupart des paroisses et la majeure partie de son territoire ont en effet été décou-pées dans les anciennes terres seigneuriales concédées aux ecclésiastiques du Séminaire de Montréal en 1717. Pour comprendre cette histoire il faut absolument se pencher sur les débuts de cette vaste seigneurie. On y découvre que les Messieurs de Saint-Sulpice, ces seigneurs en soutane, eurent souvent des relations houleuses tant avec les Indiens et les seigneurs voisins qu’avec leurs censitaires. Plusieurs conflits ont marqué l’histoire de Mirabel, certains plus anciens ou plus sérieux que d’autres.

E ntre 1696 et 1704 les Messieurs transportèrent les Indiens de leur mission de la Montagne à celle du Sault-au-Récollet, sur les bords de la rivière des Prairies, appelée Nouvelle Lorette.

Les terres sur lesquelles s’installèrent les Indiens étaient d’excellente qualité et furent vite défrichées et mises en valeur par ces Indiens qui maîtrisaient de mieux en mieux les diverses techniques de la culture des champs. Les seigneurs de l’île de Montréal, les Messieurs de Saint-Sulpice, comprirent bien vite qu’il était de leur intérêt de céder ces terres fort accueillantes à des agriculteurs mieux aguerris, davantage susceptibles d’en tirer d’excellents rendements. Les sommes que les sulpiciens retireraient de la vente ou de la concession de ces terres hautement productives, déjà défrichées par les Indiens, seraient direc-tement proportionnelles à la qualité des sols.

Du côté du lac des Deux Montagnes : des Indiens et des BlancsLes Messieurs s’employèrent alors à chercher une autre seigneurie capable d’accueillir leurs Indiens défricheurs, libérant du même coup

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les bonnes terres du Sault pour des colons blancs plus habitués à la culture des champs et davantage guidés par la recherche de profits que ne l’étaient les Indiens pour qui la terre était « source de vie » et non « mode de vie ». Petit à petit, les seigneurs se sont mis à concé-der des terres tout autour de la mission où étaient concentrés les Indiens. La pression et le climat social devenaient tellement lourds sur ces personnes sans défense et sans droit de parole qu’il a fallu les déménager. Les Messieurs regardèrent alors du côté du lac des Deux Montagnes. Déjà, ils flairaient là une affaire d’où ils ne pourraient tirer que des bénéfices.

En demandant au roi de France de leur accorder la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes, les Messieurs de Saint-Sulpice invoquaient deux raisons principales : loin de Ville-Marie, il serait plus facile pour eux d’évangéliser et de franciser les Indiens tout en les mettant à l’abri de la mauvaise influence des Blancs. Mais, dans la correspon-dance échangée entre le supérieur du Séminaire de Montréal et celui de Paris, on trouve d’autres raisons beaucoup plus temporelles que spirituelles.

Avec le transfert des Indiens à la mission du Lac, les Messieurs de Saint-Sulpice ont trois bonnes raisons de se réjouir. C’est la première qui leur apporte le plus grand réconfort : en effet, les terres libérées par les Indiens à la Nouvelle Lorette sont suffisamment vastes pour donner naissance à six paroisses, qui, bien peuplées, rapporteront gros. Par ailleurs, une fois installés sur la pointe du lac des Deux Montagnes, « à la teste du pays », les Indiens serviront de bouclier ou de tampon entre les hordes descendant de l’Outaouais ou des Pays-d’en-Haut et la colonie de Ville-Marie, encore jeune et sans défense. Enfin, les Indiens pourront trouver sur leurs nouvelles terres suffi-samment d’espace et de ressources pour assurer leur subsistance et satisfaire l’essentiel de leurs besoins matériels, sans compter que l’en-droit est fort bien situé pour faciliter le commerce des fourrures.

Installés sur une pointe de terre s’avançant loin dans les eaux du lac, les Indiens seraient dorénavant les premiers à absorber le choc d’une tentative d’agression contre l’archipel de Montréal. Aux Indiens belliqueux venus des contrées de l’Ouest, il serait facile d’opposer les pacifiques et dociles protégés des sulpiciens. Par ailleurs, la nou-velle mission sulpicienne occupait presque la tête occidentale de la colonie, à l’embouchure de la rivière des Outaouais qui constituait alors la grande route vers l’Ouest et le vaste royaume des fourrures

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chapitre 1 : des seigneurs en soutane 19

dont profitèrent largement les Messieurs, non pas directement bien entendu, mais par un système de redevances imposées à divers com-merçants et intermédiaires.

Entamées en 1712 par le Séminaire, les négociations aboutiront en 1716. Le roi, les gouverneurs, l’intendant et les sulpiciens, tant ceux de Paris que ceux de Montréal, sont d’accord : le Séminaire de Montréal obtiendra la concession qu’il demande. De nombreux documents d’archives, ceux du Conseil de Marine en particulier, rap-pellent que le supérieur de l’époque, M. de Belmont, avait proposé que la concession soit faite en deux parties avec un premier bloc de terre réservé aux Indiens. Cette idée n’a pas été retenue.

La seigneurie convoitée était vaste et bien pourvue en ressources : terres fertiles, forêts généreuses, rivières et lacs nombreux. Cette seigneurie, qui finalement ne leur coûterait presque rien, pourrait engendrer d’appréciables bénéfices dans l’avenir. Ils reçurent donc leur territoire en toute propriété et dégagé de toutes conditions contraignantes.

À compter de ce moment précis, les ecclésiastiques du Séminaire de Montréal savaient pertinemment que jamais ils n’accorderaient la plus petite parcelle de terre aux Indiens. Rien, jamais rien. Cela aurait grugé les profits escomptés. Mais il était aussi très clairement écrit qu’il était dans l’intention des seigneurs de concéder des terres à des Blancs – ou à des « Français » –, et cela, dans les premières années suivant leur arrivée dans la nouvelle seigneurie. Quoi de plus payant que de vendre des terres qui n’ont rien coûté ou d’en tirer des rede-vances ? Ce sont ces redevances que verseront pendant des années les censitaires de Saint-Benoît et de Sainte-Scholastique qui allaient s’acquitter de cette obligation au manoir de Belle-Rivière.

C’est le gouverneur de Vaudreuil qui a été le principal intermé-diaire entre les Messieurs et le roi de France. C’est lui qui a approuvé et justifié la concession de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes aux sulpiciens dont voici un extrait en transcription intégrale :

Sur la requête à nous présentée par Messieurs les Ecclésiastiques du Séminaire de Saint-Sulpice établis à Montréal par laquelle ils nous exposent qu’il serait de l’avantage de la mission des sauvages du Sault au Récollet dans l’isle de Montréal dont ils sont chargés fut incessamment transférée au dessus de l’isle et établis sur les terres du côté Nord ouest, du lac des Deux Montagnes laquelle mission

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serait avantageuse non seulement pour la conversion des sauvages lesquels se trouvant plus éloignés de la ville seraient aussi hors des occasions de tomber dans l’ivresse, mais aussi à la Colonie qui par ce moyen se trouverait à couvert des incursions des Iroquois en temps de guerre nous suppliant de leur accorder pour ladite mission un terrain de trois lieues et demie de front, à commencer au ruisseau qui tombe dans la Grande Baie du lac des Deux Montagnes et en remontant le long dudit lac et du fleuve Saint-Laurent sur trois lieues de profondeur.

Les signataires de l’acte de concession fixèrent ensuite les limites territoriales des terres seigneuriales qu’ils veulent bien donner aux Messieurs de Saint-Sulpice ainsi que les grands privilèges rattachés à cette concession :

[…] un terrain de trois lieues et demie de front à commencer au Ruisseau qui tombe dans la Grande Baie du lac des Deux Montagnes, et en remontant le long dudit lac des Deux Montagnes et du fleuve Saint-Laurent [rivière des Outaouais] sur trois lieues de profondeur pour en jouir à perpétuité par lesdits Sieurs Ecclésiastiques, leurs successeurs et ayant cause, quand même la dite mission en serait ostée en pleine propriété à titre de fief et seigneurie avec droit de haute moyenne et basse justice, droit de chasse et pêche.

Quand les arpenteurs, plusieurs années plus tard, parcoururent la seigneurie afin de mesurer les terres et de dresser le parcellaire des premières concessions, ils écarteront totalement les Indiens de leurs préoccupations, suivant en cela les instructions des seigneurs.

Les seigneurs parviendront aussi, par toutes sortes de subterfuges et de mesures dilatoires, à se soustraire à certaines des conditions qui leur avaient été imposées lors de la concession. Ainsi ils furent dispensés de construire, dans les délais impartis par l’acte de conces-sion, une église et un fort en pierre. Ils n’érigèrent qu’une modeste église de bois et un fort en pieux.

Les sulpiciens avaient réclamé la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes pour la sécurité et le bien-être des Indiens, mais ils en concédèrent toutes les terres à des Blancs. Ils ont reconnu eux-mêmes dans un mémoire rédigé en 1876 que

Les Sauvages n’ont jamais possédé un pouce de terrain, comme pro-priétaires, mais bien à titre plus que précaire, puisqu’ils ne jouissent

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Page 21: Mirabel en histoire…Quelques nota-bles, domiciliés pour la plupart dans un secteur du village qu’on qualifiait déjà de « haute-ville », réussissaient à y faire la loi,
Page 22: Mirabel en histoire…Quelques nota-bles, domiciliés pour la plupart dans un secteur du village qu’on qualifiait déjà de « haute-ville », réussissaient à y faire la loi,

cet ouvrage est composé en dante corps 11,75selon une maquette réalisée par pierre-louis cauchon

et achevé d’imprimer en octobre 2009sur les presses de l’imprimerie marquis

à cap-saint-ignace, québecpour le compte de gilles herman

éditeur à l’enseigne du septentrion

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