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LA LETTRE D’INFORMATION DE LA FONDATION FRANÇAISE POUR LA RECHERCHE SUR L’ÉPILEPSIE - décembre 2012 ÉDITO Peut-on travailler lorsque l’on souffre d’épilepsie ? Doit-on dire à son employeur que l’on fait parfois des crises ? Comment expliquer sa maladie à ses collègues de travail ? Vaut-il mieux anticiper et être reconnu travailleur handicapé avant même d'entrer sur le marché du travail ? Quelle orientation pour les adolescents souffrant d'épilepsie ? Sont-ils obligés de renoncer à leurs rêves professionnels ? Autant de questions qui arrivent régulièrement par mail ou téléphone à la FFRE. Sur les 500 000 personnes en France atteintes d'épilepsie, la moitié est en âge de travailler. Pourtant, le taux de chômage chez les personnes épileptiques reste deux fois supérieur à celui du reste de la population, et les postes occupés sont généralement sous qualifiés par rapport aux compé- tences réelles des personnes touchées. Il nous semblait donc indispensable de faire un point sur ce sujet, sur lequel déjà la FFRE s'était beaucoup engagée il y a une dizaine d'années en publiant un ouvrage "travailler avec l'épilepsie" et en mobilisant DRH et médecins du travail. Signes des temps qui sont des indices positifs même si la route est longue, plusieurs consultations spécialisées "épilep- sie et travail" se sont mises en place, tandis qu'un référentiel commun sur le sujet est en cours et que nos meilleurs spécia- listes continuent à lutter pour les droits des personnes épi- leptiques à pouvoir conduire (sous certaines conditions). Parallèlement à sa préoccupation constante concernant les droits des personnes épileptiques, la FFRE finance la recherche (voir mai- ling de septembre 2012 présentant l'ensemble de nos projets fi- nancés ces deux dernières années) mais a aussi à cœur de rassembler les données épidémiologiques sur l'épilepsie, de permettre à des réseaux de se mettre en place, à des études multicentriques de produire des avancées significatives. C'est le sens notamment de notre soutien depuis 2006 au registre GRENAT, dont les évolutions et perspectives sont présentées ici. Sans collaboration étroite avec les familles de patients et les mé- decins et chercheurs, la FFRE ne pourrait avancer. Pour que vous puissiez mettre un visage sur ceux qui s'engagent, sans compter, pour la maladie et le développement de la Fonda- tion, nous sommes très heureux de vous présenter en page 16 le conseil d'administration, le conseil scientifique ainsi que ceux qui nous aident avec une grande efficacité. Enfin, en toute transparence, vous trouverez dans ces pages le bilan financier 2011 de la FFRE. La Fondation a fait le choix, en 2011, de saisir l'occasion des 20 ans pour, comme le prévoient ses statuts, organiser des évènements pour informer le grand public sur la maladie, poursuivre la lutte contre les préjugés. Ces choix ont créé autour de nous une chaine de solidarité avec des propositions d'évènements au bénéfice de la FFRE qui se succèdent (voir page 15 dédicace le 18 décembre). Grâces soient rendues à tous ceux que ces 20 ans ont sensibilisé à notre cause; qu'ils soient de plus en plus nombreux. En cette fin d'année, et dans un contexte de crise martelée à chaque instant, nous avons , pour mieux vous défendre, un besoin précieux de VOTRE soutien : - de bénévoles pour aider notre équipe dans sa tache quotidienne - d’entreprises qui s’associent à notre cause (qui touche beaucoup plus de personnes que beaucoup de causes plus médiatiques et "politiquement correctes") - de legs et donations pour financer réseaux et gros projets de recherche - de vos dons, quel qu'en soit le montant. Car tout euro nouvel- lement donné à la Fondation s'ajoute aux autres et nous permet de dégager les crédits nécessaires pour faire progresser la re- cherche donc les traitements, équiper les hôpitaux, permettre une meilleure connaissance et prise en charge de la maladie. Plus que jamais pensez à nous aider, continuons à lutter en- semble CONTRE l'épilepsie, et POUR les patients. Nous vous en remercions du fond du cœur. Bien fidèlement vôtre Bernard ESAMBERT, Président Emmanuelle ALLONNEAU-ROUBERTIE, Directrice générale

Mise en page 1 - fondation-epilepsie.fr · mobilisant DRH et médecins du travail. Signes des temps qui sont des indices positifs même si la route est longue, plusieurs consultations

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LA LETTRE D’INFORMATION DE LA FONDATION FRANÇAISE POUR LA RECHERCHE SUR L’ÉPILEPSIE - décembre 2012

ÉDITOPeut-on travailler lorsque l’on souffre d’épilepsie ?Doit-on dire à son employeur que l’on fait parfois des crises ?Comment expliquer sa maladie à ses collègues de travail ?Vaut-il mieux anticiper et être reconnu travailleur handicapé avantmême d'entrer sur le marché du travail ?Quelle orientation pour les adolescents souffrant d'épilepsie ?Sont-ils obligés de renoncer à leurs rêves professionnels ?Autant de questions qui arrivent régulièrement par mail ou téléphoneà la FFRE.Sur les 500 000 personnes en France atteintes d'épilepsie, lamoitié est en âge de travailler.Pourtant, le taux de chômage chez les personnes épileptiques restedeux fois supérieur à celui du reste de la population, et les postesoccupés sont généralement sous qualifiés par rapport aux compé-tences réelles des personnes touchées.Il nous semblait donc indispensable de faire un point sur ce sujet,sur lequel déjà la FFRE s'était beaucoup engagée il y a une dizained'années en publiant un ouvrage "travailler avec l'épilepsie" et enmobilisant DRH et médecins du travail.Signes des temps qui sont des indices positifs même si laroute est longue, plusieurs consultations spécialisées "épilep-sie et travail" se sont mises en place, tandis qu'un référentielcommun sur le sujet est en cours et que nos meilleurs spécia-listes continuent à lutter pour les droits des personnes épi-leptiques à pouvoir conduire (sous certaines conditions).

Parallèlement à sa préoccupation constante concernant les droitsdes personnes épileptiques, la FFRE finance la recherche (voir mai-ling de septembre 2012 présentant l'ensemble de nos projets fi-nancés ces deux dernières années) mais a aussi à cœur derassembler les données épidémiologiques sur l'épilepsie, depermettre à des réseaux de se mettre en place, à des étudesmulticentriques de produire des avancées significatives.C'est le sens notamment de notre soutien depuis 2006 au registreGRENAT, dont les évolutions et perspectives sont présentées ici.

Sans collaboration étroite avec les familles de patients et les mé-decins et chercheurs, la FFRE ne pourrait avancer.Pour que vous puissiez mettre un visage sur ceux qui s'engagent,

sans compter, pour la maladie et le développement de la Fonda-tion, nous sommes très heureux de vous présenter en page 16 leconseil d'administration, le conseil scientifique ainsi que ceux quinous aident avec une grande efficacité.

Enfin, en toute transparence, vous trouverez dans ces pages lebilan financier 2011 de la FFRE. La Fondation a fait le choix, en2011, de saisir l'occasion des 20 ans pour, comme le prévoientses statuts, organiser des évènements pour informer le grand publicsur la maladie, poursuivre la lutte contre les préjugés.Ces choix ont créé autour de nous une chaine de solidaritéavec des propositions d'évènements au bénéfice de la FFREqui se succèdent (voir page 15 dédicace le 18 décembre).Grâces soient rendues à tous ceux que ces 20 ans ont sensibiliséà notre cause; qu'ils soient de plus en plus nombreux.

En cette fin d'année, et dans un contexte de crise martelée àchaque instant, nous avons , pour mieux vous défendre, un besoinprécieux de VOTRE soutien :- de bénévoles pour aider notre équipe dans sa tache quotidienne- d’entreprises qui s’associent à notre cause (qui touche beaucoupplus de personnes que beaucoup de causes plus médiatiques et"politiquement correctes")

- de legs et donations pour financer réseaux et gros projets de recherche- de vos dons, quel qu'en soit le montant. Car tout euro nouvel-lement donné à la Fondation s'ajoute aux autres et nous permetde dégager les crédits nécessaires pour faire progresser la re-cherche donc les traitements, équiper les hôpitaux, permettre unemeilleure connaissance et prise en charge de la maladie.

Plus que jamais pensez à nous aider, continuons à lutter en-semble CONTRE l'épilepsie, et POUR les patients.

Nous vous en remercions du fond du cœur.

Bien fidèlement vôtre

Bernard ESAMBERT, Président

Emmanuelle ALLONNEAU-ROUBERTIE, Directrice générale

MHB. Pour quelles raisons ont été crééesles consultations « Epilepsie et travail » ?

Dr AB. Premièrement, nous avons pris conscienceque des patients guéris de leur épilepsieà la suite d’une intervention chirurgicaleavaient énormément de mal à trouver untravail. Le fait d’avoir été épileptique restaitun facteur défavorable à leur insertion pro-fessionnelle. Il fallait trouver un moyen d’ai-der ces personnes. Deuxièmement, nousavons constaté que certains patients dontl’épilepsie se déclarait alors qu’ils avaientdéjà un emploi rencontraient de grossesdifficultés quand leur poste de travail de-venait incompatible avec leur état. Cespatients faisaient des aller et retour entre lesdifférents spécialistes : médecin du travail,médecin de la MDPH, neurologue, médecindu permis de conduire…Ces démarchesn’étaient pas coordonnées et des mois pou-vaient s’écouler entre le moment où le handi-cap était reconnu et celui où le poste detravail était modifié. Nous nous sommes ditsqu’il fallait rassembler les spécialistes en unseul endroit où le patient serait accueilli pourexaminer avec lui tous les aspects de sa si-tuation et lui donner des conseils appropriés.

MHB. Qui participe à ces consultations pluridisciplinaires et quelle est leur fréquence ?

Dr AB. Un ou deux neurologues sont présents,chargés d’établir si possible un pronostic, letraitement et éventuellement une évaluationneuropsychologique. S’y ajoutent un ou deuxmédecins du travail, qui ont une bonneconnaissance des postes de travail et de la

législation. Occasionnellement, des méde-cins du travail spécialisés pour les gens demer, pour les métiers du bâtiment ou pour lesmétiers exercés sur les sites nucléaires parti-cipent aux consultations et nous soumettentdes dossiers. Une assistante sociale est éga-lement présente. Elle donne au patient l’éven-tail des droits auxquels il peut prétendre enfonction du handicap reconnu. Prochaine-ment, un médecin de la MDPH, chargé de lareconnaissance du handicap et spécialementnommé pour l’épilepsie dans la région Bre-tagne se joindra à nous.

Ces consultations sont trimestrielles. Noussommes réunis dans une même salle où nousrecevons les patients et leur famille. A partir

du bilan neurologique, qui a été fait par ail-leurs, je présente l’histoire de la maladie, lepronostic probable, les risques que font cou-rir les crises ou l’absence de risque en fonc-tion du type de crise du patient. Ensuite,avec le médecin du travail, on étudie leposte de travail et on recherche les meil-leurs aménagements possibles.

MHB. A quelles situations sont le plus souvent confrontés les patients qui viennent vers vous ?

Dr AB. La situation la plus fréquente concerneles personnes pour qui une épilepsie est diag-nostiquée et qui de ce fait deviennent inaptesà leur poste de travail. Il va falloir faire unpronostic de l’épilepsie. Si on pense qu’onpeut guérir ce patient ou soigner correcte-ment son épilepsie, on va aménager le postede travail pendant quelques mois jusqu’àla guérison ou définitivement. Dans le cas oùaucun aménagement de poste n’est possible,nous serons obligés de l’orienter vers unautre métier et nous l’aidons à préparer cechangement. Prenons un exemple : un pa-tient représentant en engrais agricoles qui est

un endroit unique pour des conseils appropriésInterview du Dr Arnaud BIRABEN

2 - Recherches et Perspectives

EPILEPSIE ET TRAVAIL

Le Docteur Arnaud Biraben est neurologue. Spécialiste de l’épilepsie, il exerce dans le Service deNeurologie du Centre Hospitalier Universitaire Pontchaillouà Rennes. Il est Président de la Ligue Française Contrel’Epilepsie (LFCE). Il nous parle des consultationspluridisciplinaires spécialisées « Epilepsie et travail »qui existent à Rennes depuis une dizaine d’années.

au volant toute la journée car il passe deferme en ferme pour proposer ses produits.Il débute une épilepsie et on s’en rendcompte car il a eu 2 accidents de voitureinexpliqués. Il ne peut pas continuer à exer-cer son métier. On voit son cas ensemble. Lemédecin de la MDPH va remplir le certificaten vue d’une reconnaissance de la qualité detravailleur handicapé (RQTH) avec moi. Lepatient va obtenir sa RQTH rapidement. Il ob-tiendra un licenciement pour raison de santémais on fera en sorte, avec Cap Emploi, quece licenciement prenne effet la veille du jouroù il commence une formation qui peut êtrerémunérée. On va négocier avec la SécuritéSociale pour qu’il touche ses indemnités jour-nalières jusqu’à ce moment là. Notre but,c’est de coordonner toutes ces étapespour que le patient perde le moins detemps et d’argent.

La deuxième situation, c’est le patient qui faitpeu de crises mais qui en fait une sur son lieude travail, alors qu’il avait caché son épilep-sie à l’employeur.

La troisième situation, c’est la personne quia une perte de connaissance pour cause in-déterminée, alors qu’elle exerce un métier desécurité, ce qui remet en cause son avenirprofessionnel. De nombreux chauffeurs depoids lourds ou représentants de commercequi ont fait des malaises inexpliqués nous

sont adressés. Nous cherchons si une épilep-sie pourrait être l’origine de ces malaises. Sion n’a aucun argument dans ce sens, ons’oriente vers un autre diagnostic en explo-rant toutes les causes de perte de connais-sance, avec les cardiologues ou avecd’autres spécialistes.

Il ne faut pas cacher que nous sommes aussiconfrontés au problème de l’alcoolisme.Nous essayons de trouver une solution, enfonction de la bonne volonté du patient. Unesurveillance est mise en place. Le médecin dutravail passera sur le lieu de travail pour vé-rifier l’abstinence, demandera des dosagesde marqueurs biologiques. Un contrat serapassé : vous êtes abstinent, on essaie demaintenir le poste de travail mais, à la moin-dre alerte, ce sera le licenciement. En consul-tation, on revoit le patient 2 ou 3 fois dansl’année et, éventuellement, on lui fournitl’aide psychologique nécessaire.

MHB. Recevez-vous des adolescents encours ou en fin de scolarité ?

DrAB.Oui, les neuropédiatres, les pédiatres,les neurologues nous adressent souventles jeunes pour orientation. Il s’agit dejeunes qui se destinent à un métier donné etchez qui une épilepsie se déclare ou qui ontune épilepsie ancienne dont on n’avait pastenu compte jusque là dans leur formation.

On voit surtout des jeunes en cours de scolaritéprofessionnelle qui voudraient s’orienter versla mécanique, la plomberie, les métiers du bâ-timent, les métiers de bouche, la charcuterie,l’armée, la gendarmerie, les pompiers…

On informe le jeune sur les réglementations.On essaie de faire passer le message suivant :s’il s’est mal orienté ou s’il a pris une orien-tation hasardeuse et qu’il fait une crise surson lieu de travail, il risque de perdre sonemploi. Tous ensemble, on tente de leconvaincre de s’orienter vers les métierscompatibles avec son épilepsie et oncherche des solutions pour sa formation.

MHB. A qui sont transmises et qui veille àl'application des décisions prises enconsultation ?

Dr AB. Les consultations sont faites sous lesceau du secret médical. Tous les courrierssont donnés au patient qui les transmet aumédecin du travail. Aucune autre lettre nesort de la consultation. Il arrive que certainspatients refusent qu’on divulgue le diagnos-tic, même si celui-ci est incompatible avec leposte occupé.

J’insiste sur le fait que ces consultations nesont que « consultatives ». Le médecin dutravail garde son pouvoir décisionnaire.C’est un partage des responsabilités. Mais

Recherches et Perspectives - 3

EPILEPSIE ET TRAVAIL

quand un médecin du travail a une décisiondifficile à prendre notre avis, voire notreappui, peut faciliter sa décision.

Sous réserve de l’acceptation du patient etdevant lui, il m’arrive d’écrire au médecindu travail qui nous avait posé une ques-tion afin de le rassurer. C’est souvent pourannoncer une décision positive : « cette épilep-sie n’est pas dangereuse dans tel cadre… ».Quelque fois aussi, quand le poste de travailest soumis au permis de conduire des véhiculeslégers et que j’ai tous les arguments pour pen-ser que cette épilepsie ne sera pas dangereuseau volant, je l’écris devant le patient.

MHB. Si le patient a besoin d’un suivi, comment est-il assuré ?

Dr AB. En général, les patients ne sont vusqu’une fois en consultation « Epilepsie et tra-vail ». Le médecin du travail et le médecintraitant nous tiennent ensuite au courant. Lespatients qu’on revoit deux fois sont ceux pourqui un aménagement du poste de travail aété possible dans l’entreprise. Imaginonsquelqu’un qui répare les voitures dans un ga-rage et fait les essais après réparation. Il nepeut plus faire ces essais puisqu’il ne peutplus conduire. Mais on pense que son épi-lepsie a un bon pronostic et qu’il pourra re-conduire dans un an. D’ici là, il sera confinéau garage puis, dans un an, il retrouvera sonposte complet. Dans un tel cas, on le revoit

au bout d’un an pour dire : « C’est bon, vouspouvez reprendre votre poste, la commissionde permis de conduire doit vous rendre l’au-torisation de conduire ».

Nous n’avons pas de conseiller d’insertion nide psychologue du travail dans l’équipe maisnous sommes en contact avec Cap Emploiqui dispose de psychologues du travail, faitdes bilans de compétence, a des spécialistesde l’orientation. Nous avons aussi un lienavec le Club des Jeunes Dirigeants (CJD) deRennes. Je peux envoyer les CV des patientsen difficultés à quelques membres du CJD quicherchent s’il existe, parmi leurs correspon-dants, des entrepreneurs disposant de postesde travail qui pourraient convenir à ces pa-tients. Il s’agit à chaque fois de patients vo-lontaires. Il n’y a plus tout à fait de secretmédical car, la demande venant de moi, ilne peut s’agir que d’épilepsie. Il faut que lespatients soient bien d’accord et qu’ils aientleur RQTH. Un petit nombre de patients aainsi trouvé un travail.

MHB. Quel bilan tirez-vous de cesconsultations ?

Dr AB. J’ai la certitude que nous sommes utileset je pense que, bien souvent, les patients ytrouvent leur compte. Ces consultations sontun rouage efficace pour gagner du temps,pour éviter une perte d’argent aux pa-tients. Le problème, c’est que l’épilepsie est

une maladie extraordinairement hétérogène,allant de bénigne à très grave. Bien sou-vent, les médecins du travail ne connais-sent pas forcément bien la maladie. Nous,nous apportons l’expertise médicale. Si nousconnaissons bien les crises du patient, nouspouvons dire jusqu’où il peut aller dans sontravail. Nous allons rassurer et ainsi ouvrirdes possibilités qui auraient été interdites sion avait gardé le seul nom d’épilepsie.

4 - Recherches et Perspectives

EPILEPSIE ET TRAVAIL

Professions interdites

- Personnel navigant et métiers de l’aéronautique- Chauffeur de poids lourds- Conducteur de transport en commun- Personnel roulant et de sécurité de la SNCF- Pompier professionnel- Service actif et port d’arme dans la police nationale- Plongeur professionnel- Maître nageur- Travailleur pouvant être exposé à des rayons ionisants - Dans l’Education Nationale : inspecteur, directeur, enseignants, surveillants.

Sont déconseillées, sans être formellement interdites*, les professions :

- basées sur la conduite d’un véhicule automobile- avec conduite d’engins et de machines dangereuses- où le travail en hauteur est fréquent- de sécurité (garde du corps, gardien de nuit…)- de santé pénibles où les dettes de sommeil sont fréquentes (anes-thésiste, chirurgien, infirmier, aide-soignant)

- nécessitant de travailler seul, de nuit, en travail posté, sur écran

* Ces activités ne sont pas régies par des textes de loi mais demandentune évaluation personnalisée par le médecin du travail.

Epilepsie et travail : que dit la loi ?

MHB. Comment sont organisées les consultations pluridisciplinaires spécialisées Epilepsie et Travail ?

Dr PMG. Ces consultations sont pluridiscipli-naires car elles regroupent un médecin dutravail du Service Universitaire des MaladiesProfessionnelles, un neurologue et un conseil-ler d’insertion professionnelle. Tous les troissont présents simultanément pour rencontrerle patient et ses proches.

Ensemble, ils examinent les différents aspectsde la situation : type d’épilepsies, type decrises, traitement, troubles cognitifs, troublesde la personnalité (anxiété, dépression…),comportement de rejet de la maladie. Lesqualifications, les expériences profession-nelles passées, ainsi que les facteurs de mo-tivation sont aussi estimés. Ces consultationssont hebdomadaires. Leur but est de facili-ter l’accès, le maintien ou le retour àl’emploi des personnes épileptiques.

MHB. Quelles personnes viennent aux consultations ?

Dr PMG. Une première catégorie comprend despersonnes souffrant d’une épilepsie reconnuequi a contribué à rendre difficile l’accès à unemploi stable et durable.

Ce sont des personnes d’âges variables quienchaînent des périodes sans emploi, des «petits boulots » et qui n’ont pas une insertionprofessionnelle digne de ce nom.

Une deuxième catégorie est composée depersonnes dont l’épilepsie vient de se révé-

ler, soit parce qu’elle débute, soit parcequ’elle parvient à la connaissance de l’em-ployeur ou du médecin du travail.

Ces personnes ont un emploi mais la recon-naissance de leur épilepsie va poser un pro-blème. L’exemple type est le chauffeur depoids lourds qui débute une épilepsie et quin’est plus apte à exercer son emploi.

Une troisième catégorie représente desgrands scolaires, en cours d’orientation,pour lesquels le médecin scolaire, les parentsou les associations nous posent des questionsdu type : « Est-ce que ce jeune pourra s’oc-cuper d’enfants ou travailler dans le bâtimentavec sa forme d’épilepsie? ».

Il est très important d’intervenir en amont,pour éviter que les jeunes ne s’engagentdans des filières qui leur seront ensuite bar-rées par la législation ou la réglementation.

MHB. Quels sont les problèmes les plus fréquemment rencontrés ?

DrPMG. Dans ces consultations pluridisciplinaires,nous sommes le plus souvent face à despersonnes qui n’ont pas de qualification.

Leur scolarité a souvent été chaotique, leurmilieu familial n’a pas toujours eu les moyensde les soutenir et ils peuvent être dans degrandes difficultés sociales.

Un des points importants pour eux c’est qu’ilsprennent conscience que leur épilepsien’explique parfois pas toutes leurs diffi-cultés : à côté de la maladie, ils n’ont pasde diplôme, pas d’expérience profession-nelle, une motivation fragile.

Il faut les aider à rompre ce cercle vicieuxen faisant de l’accompagnement person-nalisé.

faciliter l’accès, le maintien ou le retour au travailInterview du Dr GONNAUD

Recherches et Perspectives - 5

EPILEPSIE ET TRAVAIL

Le Docteur Pierre-Marie Gonnaud est neurologue, Chef du Service Neurologie et sommeil du Centre Hospitalier Universitaire de Lyon Sud, Hospices Civils de Lyon. Il participe aux consultations pluridisciplinaires spécialisées « Epilepsie et travail »au sein même de l’hôpital. Il nous en présente l’organisation et les objectifs.

Il nous faut aussi souvent donner de la moti-vation pour une orientation nouvelle. Prenonsl’exemple d’une jeune fille qui, épileptiquedepuis l’enfance, a connu le monde des soinset voudrait à son tour s’occuper de jeunes en-fants en difficulté. Si son épilepsie n’est passtabilisée, ce travail n’est pas envisageable.

C’est très difficile pour elle de faire le deuilde son projet et d’imaginer faire autre chose.

C’est là qu’intervient le travail d’accompa-gnement pour trouver une solution qui tiennecompte de ce qui est réellement possible.

MHB. Qui envoie les patients vers votreconsultation ?

Dr PMG. Une première « source », environ untiers des patients, provient des médecins dutravail ou des services de santé au tra-vail ou des médecins scolaires.

Il s’agit d’examiner des problèmes d’aptitude :« Telle personne, avec son épilepsie, est-elleapte au poste de travail qu’elle occupaitjusqu’à présent ? Peut-elle occuper le poste

pour lequel elle a un entretien d’embauche ?Est-elle apte à s’engager dans telle filière ? ».

La deuxième « source » vient de nos col-lègues neurologues dont certains patientssont contraints, par exemple, à renoncer auposte qu’ils occupaient. Comment les aiderà accepter cette réalité difficile, comment lesaccompagner, les conseiller dans leur ré-orientation ?

La troisième « source », c’est le milieu asso-ciatif, les structures d’insertion, les missionslocales pour les jeunes etc.

MHB. Plusieurs « sources » pouvant vousadresser des patients, cela indique quevos consultations sont bien connues…

Dr PMG. Les neurologues de la région Rhône-Alpes connaissent cette consultation et noussollicitent. Nous avons fait des actions desensibilisation auprès d’organismes regrou-pant un grand nombre de médecins du tra-vail au moyen de sessions d’information. Nous avons fait la même chose pour les or-ganismes d’accompagnement socioprofes-

sionnels (structures de type Cap Emploi).Nous allons tous les ans au forum du Handi-cap, à Lyon.

6 - Recherches et Perspectives

EPILEPSIE ET TRAVAIL

Ce que nous n’avons pas fait et que nous ai-merions faire, ce sont des actions de sensibi-lisation dans les entreprises. Mais les chargésd’insertion avec lesquels nous travaillons de-puis 2000 ont leurs carnets d’adresses etleurs réseaux et ils ont déjà fait des sessionsde sensibilisation auprès des entreprises avecun support que nous avons élaboré ensemble.

MHB. La personne épileptique doit-ellementionner sa maladie à l’employeur ?

Dr PMG. Si quelqu’un a une épilepsie biencontrôlée, nous pensons que ce n’est pasopportun de le mentionner lors d’un en-tretien d’embauche. Eventuellement, onpeut en parler au médecin du travail qui esttenu au secret médical par rapport à l’em-ployeur et aux collègues. Quand quelqu’una une RQTH avec des crises qui ne sont pastrès bruyantes, il nous est arrivé de conseillerde ne pas dire la raison exacte de la RQTHmais d’invoquer une autre cause (lenteur,coups de fatigue…).

C’est vrai que cette attitude conforte celle desrecruteurs qui stigmatisent l’épilepsie mais ilfaut parfois être pragmatique ! Une étude amé-ricaine a montré que si la grande majoritédes employeurs avait un regard négatifsur l’épilepsie, ce n’était plus le cas s’ilsétaient touchés de près par la maladie ous’ils avaient eu une expérience positive enembauchant une personne épileptique.

Dans l’idéal, il faut viser d’emblée des postessans restriction (CDI), quitte à ce qu’il y aitdes aménagements ultérieurement. Il est clairque quand il y a une restriction d’aptitudepour un CDD, ce dernier ne sera jamais pro-longé en CDI.

MHB. Après une première consultation, y a-t-il un suivi ?

Dr PMG. Cela dépend des cas. Si une personneest adressée pour un avis d’aptitude qui re-çoit une réponse favorable ou s’il y a justeune petite restriction (pas de travail en 3x8ou pas de travail en hauteur), on ne revoitpas la personne.

Si une inaptitude est prononcée et qu’il y ades difficultés réelles de reconversion dansl’entreprise, les personnes rejoignent le groupe

de celles pour qui il y a un problème d’em-ployabilité. C’est là que se met en place l’ac-compagnement qui est fait par le chargéd’insertion. La consultation est impor-tante mais ce n’est qu’un point de départqui ne peut pas se substituer au long tra-vail d’accompagnement.

En effet, pour les personnes sans qualifica-tion, sans réel projet, il faut en moyenne 12à 18 mois de suivi avant qu’elles mettent unpied solide à l’étrier.

MHB. Comment sont transmises et appliquéesles décisions prises en consultation ?

Dr PMG. Il est toujours fait un courrier de syn-thèse de la consultation qui est adressé aumédecin traitant référent, au neurologue,quand il y en a un… Certains patients sonten rupture de suivi médical et un béné-fice collatéral des consultations est de lesremettre dans un circuit de soins. Le pa-tient a toujours copie de ce courrier et c’està lui que revient la charge de remettre cecourrier au médecin du travail.

Après, on fait des propositions d’aména-gement de poste qui peuvent être accep-tées ou non par l’employeur. C’est là oùl’AGEFIPH peut intervenir pour financer lesaménagements nécessaires. Je citerai l’exem-ple d’un chauffeur de poids lourds qui, nepouvant plus conduire en regard de la légis-lation, a suivi de ce fait une formation à lalogistique des transports qui lui a assuré uneprogression de carrière qu’il n’aurait pas euesans son épilepsie…

MHB. Quel bilan tirez-vous de ces consultations ?

Dr PMG. C’est un bilan positif. On rend serviceaux patients. C’est le but premier. On rendaussi service à nos collègues neurologues caron leur apporte une valeur ajoutée dans undomaine un peu complexe. On rend évidem-ment service aux médecins du travail pour lesaider à prendre de bonnes décisions et no-tamment éviter celles qui pourraient être né-gatives par excès.

Mais cette initiative ne peut fonctionnerque si, en aval de la consultation quin’est finalement qu’un moment d’ana-

lyse et de synthèse, on a les moyens d’unbon accompagnement par des personnesqui connaissent l’épilepsie, qui connais-sent le monde de l’entreprise, les arcanesdes dispositifs d’insertion qui sont com-pliqués à souhait. J’insiste sur le fait que lefinancement de l’ AGEFIPH, qui prend encharge les chargés d’insertion, est indispen-sable.

Il nous manque par moments un psychologuepour aider les personnes qui ressentent unegrande déception quand elles doivent renoncerà un projet ou pour aider celles dont le manquede motivation traduit un état dépressif.

Mon autre regret est que ces initiatives« Epilepsie et travail » reposent sur despersonnes. Il faut beaucoup de motiva-tion pour se rendre disponible malgrénos emplois du temps chargés. Cette acti-vité me prend près d’une journée par se-maine (1/2 journée consultation, sessions desensibilisation, réunions de synthèse ou avecles médecins du travail ou avec les finan-ceurs…). C’est sans doute un des facteurs li-mitants qui fait que cette structure ne s’est pasrépandue dans tout l’hexagone.

Il y a une dizaine de villes dans lesquellesdes structures analogues ont vu le jour, c’estencore trop peu. Le thème « Epilepsie et tra-vail » nécessite vraiment d’être diffusé large-ment pour lever les obstacles à l’insertionprofessionnelle des personnes épileptiques.

Recherches et Perspectives - 7

EPILEPSIE ET TRAVAIL

8 - Recherches et Perspectives

EPILEPSIE ET TRAVAIL

Je m’appelle Karmène, j’ai 33 ans. Jesuis mariée, maman d’un garçon de8 ans et d’une fille de 6 ans. Depuis

2006, je suis Docteur es Sciences en biolo-gie cellulaire et physiologique. J’ai aussi suiviune formation en pratiques managériales eten recherche clinique. Je suis quelqu’un d’en-jouée avec de bonnes qualités relationnelleset des compétences en tant que manager etchef de groupe. J’ai une épilepsie de type sé-vère qui s’est révélée à l’âge de 21 ans. Jefais des crises dites de « relaxation » c'est-à-dire des crises qui sont favorisées par lerepos, le relâchement l’attention. De ce fait,les crises se produisent pour l’essentiel pen-dant les week-ends, après le stress de la se-maine. Elles ne sont pas très fréquentes : l’andernier, je n’en n’ai fait que 4. Depuis 3 mois,j’ai un nouveau traitement mieux adapté àmon cas et je n’ai fait aucune crise. Je suisplus calme et j’ai repris confiance en moi.

Comment s’est effectué votre parcoursprofessionnel avec la maladie ?

J’ai d’abord obtenu un CDI comme ingénieurde recherche dans une entreprise de biotech-nologie qui bénéficiait d’avantages fiscauxpour l’embauche d’un jeune doctorant. Montravail a été apprécié mais, malheureuse-ment, cette jeune entreprise a coulé au boutde 10 mois. Ensuite, j’ai accepté un poste detechnicienne avec la promesse d’être promueingénieur rapidement. Mon travail consistaità créer un laboratoire à partir d’une piècevide. J’ai du me renseigner sur la réglemen-tation dans l’équipement des bâtiments,contacter des commerciaux. Ce fut difficilecar nouveau pour moi mais formateur. Hélas,l’employeur n’a pas tenu sa promesse oralede me passer ingénieur. Ce travail s’est ar-rêté au bout d’un mois.

Dernièrement, j’ai eu un CDD à l’Associationdes Paralysés de France (APF). Ce n’était pasà mon niveau de cadre mais j’étais chefd’équipe. J’ai fait deux crises au début, sansdoute à cause du stress de la nouveauté maisje n’en n’ai plus fait par la suite et je me suissentie bien dans cette ambiance de travail.

Et actuellement ?

Je suis en recherche active d’emploi. Je pos-tule dans tous les domaines scientifiques carje sais que je peux me mettre au courant ra-pidement sur d’autres thématiques que laseule biologie. Je recherche aussi dans lacommunication et la rédaction scientifique,dans des agences de santé. C’est un do-maine qui me plait et je peux y être compé-tente.

En concluez vous qu’il faut parler de sonépilepsie au futur employeur ou plutôt nepas en parler ?

J’ai exploré les deux façons de faire etvoilà ce que j’ai constaté. Prenons le cas derecruteurs intéressés par mon profil. Quandje ne parlais pas de mon épilepsie aucours de l’entretien, même si la réponsefinale était négative, elle me parvenaitpar une lettre personnalisée qui ne fer-mait pas toutes les portes. Quand je parlaisde mon épilepsie, la réponse négative n’étaitqu’un bref message de type publipostage !

Depuis que j’ai ma reconnaissance de laqualité de travailleur handicapé (RQTH),je le mentionne sur mon CV sans préciserle handicap. En revanche, dans ma lettrede motivation, je dis que j’ai une épilep-sie très bien traitée et qu’elle n’a pasd’impact sur mes compétences.

Les choses ont-elles changé depuis quevous êtes reconnue travailleur handicapé(RQTH) ?

J’ai eu ma RQTH en novembre 2011. Depuiscette date, j’ai eu des entretiens à l’InstitutPasteur qui se sont bien très passés maisquand j’ai mentionné ma RQTH, ce fut lerecul immédiat.

On m’a objecté des raisons de sécurité : ac-cident possible dans les laboratoires alorsque c’était un poste de gestionnaire et queje n’avais pas à quitter mon bureau. On m’aaussi dit que le fait qu’une personne épi-

leptique encadre des techniciens plus jeunespouvait poser un problème.

Ce refus fut difficile à entendre mais, cepen-dant, avoir la RQTH présente des avantages.C’est grâce à elle que j’ai eu le CDD à l‘APF.J’ai pu m’inscrire dans des associations etdes agences de recrutement de personneshandicapées qui ont beaucoup de contacts,en particulier avec de grandes entreprisesqui souhaitent embaucher au moins 6% depersonnes handicapées, comme la loi les yoblige.

L’AGEFIPH* m’a mise en relation avec uneagence privée créée par deux personneshandicapées et je vais avoir un entretien lasemaine prochaine.

Pensez vous qu’il y a des efforts à fairedans la connaissance de l’épilepsie ?

Quand il y a un handicap physique, les em-ployeurs voient quelles mesures ils peuventprendre, pour aménager un poste de travailpar exemple. Mais quand il s’agit d’une ma-ladie neurologique, les gens se font des idéesfausses et pensent : compétences réduites,problème d’attention, de mémoire…

Il faudrait que les services des ressourceshumaines soient informés et compren-nent qu’une personne avec une épilepsiestabilisée peut être performante et tra-vailler sans problème .

Bien que je ne souhaite pas quitter la France,j’ai eu plusieurs contacts avec des recruteursétrangers (Canada, Angleterre, Allemagne).Mon profil les intéressait et mon épilepsie neleur posait pas de problème.

La maladie semble mieux acceptée dansces pays. En France, on parle beaucoupde certaines maladies neurologiques maispas assez de l’épilepsie. Il faut mobiliserles médias et détruire les idées précon-çues qui réduisent les chances pour unepersonne épileptique d’être recrutée alorsqu’elle a les compétences requises.

Elle témoigne

un référentiel communInterview du Dr adrien didelot

Recherches et Perspectives - 9

EPILEPSIE ET TRAVAIL

MHB. Pourquoi inclure le thème du travaildans l’ETP appliquée à l’épilepsie ?

Dr AD. Les différents thèmes qui ont été choisispour être abordés au sein des cycles ETP ontété dictés par les patients. Nous avions desretours de situations qui posaient problèmesau cours des consultations. Nous n’étions pastoujours armés pour répondre à ces situationsparce qu’elles étaient extra médicales. Il nousa paru indispensable d’aborder un sujetcomme le travail au cours de séance d’ET où,par définition, on a plus de temps pouréchanger que dans le cadre formel d’uneconsultation. De plus, le sujet peut être traitéd’une façon moins « académique » et la dis-cussion peut s’enrichir des expériences par-ticulières de chacun. C’est l’occasion deprendre connaissance des rouages desmécanismes de la recherche d’emploi, dela législation du travail.

L’épileptique est un patient qui se sent tou-jours stigmatisé : j’aurais voulu être contrô-leur aérien ou policier mais ce n’est paspossible ! Il y a ce que le patient sait intuiti-vement mais il y a aussi de nombreuses in-formations qu’on peut lui apporter pour qu’ilne fasse pas d’erreur grossière dans sonorientation professionnelle et qu’il ne se re-trouve pas dans une impasse.

MHB. En quoi consiste le référentiel encours de préparation ?

Dr AD. Il s’agit d’un document qui sera diffuséauprès des neurologues et des associationsde malades. Il est établi sous la responsabi-lité du Pr Philippe Derambure (voir R et P juin

2012) au sein d’une commission sous l’égidedu Comité National de l’Epilepsie (CNE) etde la Ligue Française contre l’Epilepsie(LFCE). Le référentiel n’a pas vocation à s’im-poser à tous mais il voudrait fixer des objec-tifs à remplir pour chaque thématique,incluant celle du travail. Ce référentiel estdestiné aux professionnels impliqués dansl’ETP. Nous travaillons aussi à la mise encommun et à la création d’outils pédago-giques afin d’apporter au patient l’informa-tion la plus complète et la plus utile pour lui.

MHB. Le thème du travail des patientsépileptiques est-il couramment abordédans l’ETP ?

Dr AD. L’ETP dans le domaine de l’épilepsie,au moins en France, est balbutiante par rap-port à d’autres spécialités médicales commela pneumologie (asthme) ou l’endocrinologie(obésité, diabète). Pour l’épilepsie, on dé-

friche. La thématique a d’abord été généralepuis la réflexion a porté sur quelques thèmes« phares » qui ressortent de la demande despatients. Le but est de mettre en place desséances spécialisées pour aborder chaquethème. C’est déjà le cas pour épilepsie ettravail avec des séances consacrées àl’étude approfondie de la situation pro-fessionnelle de chaque patient accompa-gnée d’une réflexion plus générale sur lesujet.

Nous avons la chance, dans ce service et ausein de cet hôpital, d’avoir une richesse enterme d’intervenants. Ainsi, nous pouvonsnous appuyer sur la consultation épilepsie ettravail qui existe depuis de nombreuses an-nées en partenariat avec le service des ma-ladies professionnelles. Un partenariat estaussi établi avec des associations de la Ré-gions Rhône Alpes. Ces dernières, commepar exemple IDEO, sont composées deconseillers d’orientation professionnelle, d’as-sistantes sociales et aussi de neuropsycho-logues qui ont pour vocation d’accompagnerde façon individuelle les patients épileptiquesqui sont en recherche d’emploi, nécessitent unereconversion ou sont en situation de difficultésprofessionnelles. Ce qui a été mis en place àLyon Sud ne représente pas la généralité desprogrammes d’ETP. Il faut faire tache d’huile. Ilfaut que cette expérience soit contagieuse !

Le Docteur Adrien Didelot est neurologue, adjoint au Chefdu Service Neurologie et Sommeil du Centre HospitalierUniversitaire de Lyon Sud. Il participe au programmed’éducation thérapeutique des patients (ETP) dansle domaine de l’épilepsie. A ce titre, il fait partie de la commission qui met aupoint un référentiel sur le thème « Travail et Epilepsie »

MHB. Quelle est l’actualité sur laréglementation du permis de conduire ?

Pr HV. Les avancées actuelles concernent l’en-semble de l’Europe puisque tous les textes ontété harmonisés sur le plan européen depuis2010*. Il n’y a plus de spécificité par pays.Dans le cas de l’épilepsie, les avancées sontimportantes pour le groupe 1, c’est-à-direcelui des véhicules légers. Ce texte présentede façon précise, en fonction des diffé-rentes situations cliniques, quel est le

délai minimum sans crise requise pour dé-terminer l’aptitude à la conduite automo-bile chez un épileptique. Les nouveaux textesapportent une aide précieuse au médecin qui ale devoir de donner l’information au malade et,avec l’accord de ce dernier, à son entourage.

Après une première crise unique, un délaisans crise de 3 et 6 mois (selon que la criseest provoquée ou spontanée) est requis.Dans le cas d’une épilepsie déclarée et soustraitement, le délai sans crise est de 1 an.

MHB. Le délai sans crise est-il le seul critère ?

Pr HV. Bien sûr que non ! Il convient d’analyserle type de crise, le moment de survenue descrises, le signal symptôme en particulier etaussi l’environnement du malade, son com-portement, sa bonne observance du traite-ment et le suivi médical. Ainsi, il estnécessaire que le malade épileptique soitsuivi au moins une fois par an par sonneurologue traitant pendant les 5 pre-mières années. Passé ce délai de 5 ans, lescontrôles peuvent être plus espacés. C’estune avancée par rapport aux textes quiétaient en vigueur en France en 2005.

Dans l’ensemble, les recommandations sur leplan européen ont repris la quasi-totalité decelles que la LFCE avait définies dès 2004 etretenues au Journal Officiel français en2005. La notion initialement écrite dans

épilepsie et permis de conduireInterview du Pr Hervé Vespignani

10 - Recherches et Perspectives

EPILEPSIE ET TRAVAIL

Le Professeur Hervé Vespignani, Président d’Honneur de la LFCE, est chef du Service de Neurologie du CHU de Nancy. Il est un spécialiste reconnu, sur le plan français et européen, de la réglementation sur la conduite automobile en cas d’épilepsie.

le JO européen de « susceptibilité épilep-tique » et contre laquelle nous noussommes opposés a été totalement etnous l’espérons définitivement écartée.C’est une reconnaissance du travail réalisépar les épileptologues français pour essayerde faire progresser les conditions d’aptitudeà la conduite automobile chez l’épileptique.

MHB. Et pour le groupe 2 ?

Pr HV. Je rappelle que le groupe 2 concerne lespoids lourds, les transports en commun et aussiles conducteurs des véhicules légers tels lestaxis, ambulances, véhicules sanitaires légerset auto-écoles. Pour ce groupe, la nouvelleréglementation est source de difficultéstrès importantes pour certains maladesFrançais qui avaient obtenu une autori-sation de conduire un véhicule de type 2depuis 2005. Nous avions signalé ces difficul-tés à la commission européenne à laquellenous avons participé.

MHB. Quelles sont ces difficultés ?

Pr HV. Elles sont de 2 ordres. D’une part, la no-tion de délai sans crise et sans traitement an-

tiépileptique revient, ce qui correspond à unretour en arrière. Et d’autres part, le délai sanscrises de 10 ans est particulièrement long. Enpratique, cela veut dire que ne pourrontconduire que les épileptiques qui n’auront plusde traitement depuis 10 ans, et en cas de criseunique, un délai de 5 ans « seulement ».

Les difficultés sont sources de conséquencesimportantes : cacher la maladie épileptiqueet prendre le risque de ne pas traiter unecrise unique.

Pour la France, cela correspond à un re-tour en arrière très important. En effet, en2005, nous avions fait valoir les progrèsdu traitement et du suivi des patients etnous avions proposé un texte qui permet-tait, dans certaines conditions, en fonction desdifférentes situations cliniques, la conduited’un véhicule du groupe 2 alors que letraitement était maintenu. Nous avions re-tenu en France la notion d’épilepsie stabiliséece que l’Europe ne veut pas reconnaître pourle Groupe 2. Il est possible cependant que desexceptions puissent être envisagées notam-ment en cas d’épilepsies dites « juvéniles », laseule petite porte que nous avons pu ouvrir.

MHB. Quelles sont les perspectives ?

Pr HV. Au niveau de la LFCE, en accord avecla FFRE et sans doute avec le CNE, nous sou-haitons lancer une étude commune concer-nant les malades épileptiques qui sontactuellement en difficulté, notamment au ni-veau du groupe 2 et pour lesquels une auto-risation de conduire leur a été accordéeselon la législation Française entre 2005 et2010.

En tant que référent de ce problème, je reçoisrégulièrement des messages de confrères quiessaient d’aider leurs malades. Je reçois éga-lement de nombreux messages de maladesvia la FFRE et les associations. L’important,me semble-t-il, est d’essayer de reprendre cesobservations, de faire part du suivi de cesmalades, de montrer nos résultats sur le plannational puis sur le plan européen. Ce n’estcependant pas dans un avenir proche queles textes européens seront revus.

Entre temps, il nous paraît opportun dedemander aussi la réactivation des com-missions nationales d’appel. Le travaildoit donc être poursuivi.

Recherches et Perspectives - 11

EPILEPSIE ET TRAVAIL

GLOSSAIREAGEFIPH : Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées (dans les entreprises privées, en milieu ordinaire de travail)CAP Emploi : réseau national d’organismes de placement dédiés à l’insertion des personnes handicapées.MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées (ex COTOREP)RQTH : Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé

* voir réglementation sur http://www.atousante.com/actualites/conduite-vehicules-leger-lourd/

MHB. Où en est le réseau GRENAT en 2012 ?

Dr AK. Actuellement, le réseau est utilisé par33 centres spécialisés dans le domaine del’épilepsie, répartis dans 27 villes dontGrenoble, Lyon, Marseille, Nantes, Paris,Rennes, Strasbourg, pour n’en citer quequelques unes. GRENAT est utilisé par unecinquantaine de médecins neurologues ouneuropédiatres, tous épileptologues.

Aujourd’hui, 6077 patients sont enregis-trés, ce qui correspond à environ 1% despatients épileptiques en France. Parmieux, 66% sont des enfants de moins de17 ans et plus de 2000 sont des adultes. Cequi est encourageant, c’est que depuisdécembre 2007, date des premières« entrées » de patients dans GRENAT, leurnombre a continué de croître régulièrement.

Plus de six mille patients, c’est considérable !GRENAT est une des plus grandes basesde données sur l’épilepsie dans le monde.

MHB. Quand et comment est utilisé GRENAT ?

Dr AK. En consultation, les spécialistes enregis-trent les données concernant leurs patientssuivant la classification internationale descrises et des syndromes épileptiques.

Nous pouvons enregistrer également touttype d’étiologie (génétique, malformative,métabolique, etc.), les antécédents familiaux,l’âge de début des crises, le contrôle de l’épi-lepsie, le traitement, les données socio-pro-fessionnelles, les maladies associées etc.Seul le médecin a accès à ce registre privéhautement sécurisé. L’anonymat des patientsest scrupuleusement respecté.

Dans la pratique, tous les patients sont enre-gistrés, quelle que soit la nature de leur épi-lepsie, donc il n’y a pas de biais desélection. Du fait du grand nombre de pa-tients répertoriés, on peut dire que GRENATfournit une « photographie » représenta-tive des patients, adultes comme enfants,suivis dans les centres spécialisés.

MHB. Un premier bilan peut-il déjà être tiré ?

Dr AK. Oui, nous avons présenté cette « pho-tographie » des patients épileptiques sousforme d’un poster récent aux Journées Fran-çaises de l’Epilepsie. L’analyse des donnéesfournit des graphiques très parlants concer-nant par exemple l’âge de début en fonctiondes syndromes et des étiologies, les étiolo-gies dans les différentes encéphalopathiesépileptiques, la réponse aux traitements enfonction des syndromes et des étiologies etc.

Nos résultats confortent les connaissancesgénérales sur l’épilepsie et nous rédigeonsactuellement un article scientifique destiné àune revue internationale.

MHB. Quels sont les autres points forts deGRENAT ?

Dr AK. L’usage des fiches informatisées a pouravantage de standardiser le classement desépilepsies et des paramètres associés quellesque soient les circonstances, le lieu où le pa-tient a été examiné. Ensuite, des moteurs derecherche inclus dans GRENAT permettentd’extraire des groupes de patients homo-gènes en assez grand nombre. Ceci estparticulièrement important dans le cas desformes rares d’épilepsie où les patients, peunombreux, sont répartis sur tout le territoire.

MHB. Des études ont elles été déjà lancéesà partir des données recueillies par GRENAT ?

Dr AK. Oui, des études sont déjà engagées.Par exemple, GRENAT a été utilisé pour re-pérer et regrouper des patients afin d’étudierles encéphalopathies épileptiques précoces.

LE RESEAU GRENAT : bilan et perspectivesInterview du dr anna KAMINSKA

12 - Recherches et Perspectives

grenat

Le Dr Anna Kaminska est neurophysiologiste et neuropédiatre. Elle est responsable du Laboratoired’Explorations Neurologiques Fonctionnelles de l’hôpital Necker à Paris. Très impliquée dans la création et dans l’animation du réseau GRENAT, elle fait pour nous le point sur l’état actuel du registreet sur ses apports comme outil de recherche.

Cette recherche a été conduite à Marseillepar Mathieu Milh (Prix Valérie Chamaillard2009, décerné sous légide de la FFRE).

Le registre a aussi participé à la constitu-tion du groupe de patients témoins pourl’étude de la mort soudaine inattenduedans l’épilepsie (SUDEP), étude cordonnéepar Dr Marie-Christine Picot (Montpellier), et fi-nancée par la FFRE.

Enfin, nous débutons un travail sur les pa-tients admis en institutions spécialisées.Ces jeunes patients souffrent d’épilepsies sé-vères avec retentissement sur la vie scolaire etsociale. GRENAT aidera à décrire cette popu-lation et à analyser divers paramètres au coursde l’année qui suit l’accueil en institution (nom-bre de crises, qualité de vie, parcours des pa-tients et des familles…). Le but est d’évaluer lesbénéfices d’une prise en charge en institutionet de chercher les moyens de les améliorer.

MHB. Comment a été financée la création duréseau GRENAT et qui assure son maintien ?

Dr AK. Le projet a été financé principalementpar l’industrie pharmaceutique. Les parte-naires fondateurs ont été les groupes Sanofi-Aventis, Pfizer, UCB et Eisai. Novartis a étéégalement partenaire.

La FFRE, elle aussi partenaire dès l’ori-gine, reçoit les fonds, prend en chargeune partie de la logistique et son conseilscientifique est impliqué dans les déci-sions concernant GRENAT.

MHB. Quels aspects du GRENAT pourraientêtre améliorés ?

Dr AK. D’abord, nous aimerions que l’outil soitplus utilisé. Pour cela, il faut plus de commu-nication autour de GRENAT. En particulier, ilfaut que des équipes qui ont des projets de

recherche dans le domaine de l’épilepsien’hésitent pas à solliciter le registre, parexemple pour repérer les patients suscepti-bles d’être inclus dans une étude ainsi queles médecins collaborateurs.

GRENAT étant un outil évolutif, nous envisa-geons de faire une troisième version quitienne compte de nouvelles données, en par-ticulier des nouvelles étiologies.

Enfin, nous aimerions que des neurologueslibéraux utilisent GRENAT. Ils en tireraientcertainement un avantage et les données re-cueillies permettraient, par exemple, de dé-crire la population des patients suivis en ville,en complément de l’étude que nous venonsde faire.

LE RESEAU GRENATwww.grenat.org

GRENAT (Groupe Registre Epilepsie Natio-nal) est un réseau de médecins impliquésdans le suivi des patients atteints d’épilepsie.Mis en place en 2007, il constitue le pre-mier registre français informatisé consa-cré à l’épilepsie.

Les objectifs du GRENAT

Contribuer à la prise en charge des patients épi-leptiques par la mise à disposition du médecind’un dossier informatique simple d’utilisation. Cedossier permet au praticien de gérer toutesinformations utiles au suivi des patients :type de crise, syndrome, traitement encours, maladies associées, résultats d’exa-mens EEG ou d’imagerie cérébrale etc.

Proposer une méthode qui permette de stan-dardiser le recueil des informations médi-cales et scientifiques de façon à constituerune base commune de données qui puisse

déboucher sur des études de cohortes *. Promouvoir le travail en réseau d’équipesconcernées par l’épilepsie mais disperséessur le territoire français afin de faciliter lacommunication et l’élaboration de projetscommuns scientifiques, médicaux, sociaux.

Permettre la réalisation d’études dans ledomaine de l’épilepsie dans des conditionsconciliant rigueur scientifique et respect del’éthique.

Améliorer le recensement des pathologiesorphelines (épilepsies rares) en favorisant lerecrutement de patients dispersés sur l’ensem-ble du territoire.

La méthode du GRENAT

Chaque médecin adhérent au GRENAT dis-pose d’un registre personnel auquel ilaccède par un outil informatique simple à uti-liser. Après avoir obtenu l’accord du patient,celui-ci est identifié par une fiche signalétiquecomportant un nombre restreint de paramè-tres essentiels et par une fiche de suivi.

Le registre personnel du médecin est localisédans un espace privatif informatisé auquelseul le médecin peut accéder via un code in-ternet qui lui est propre.

Une partie des données peut être extraite dechaque registre personnel pour alimenter unregistre national sous une forme respectantl’anonymat des patients.

Chaque médecin peut être à l’origine d’uneétude sur une partie des données du registre.Le projet est soumis pour acceptation à unecommission composée des membres duGRENAT et de la FFRE et éventuellementd’experts extérieurs. L’auteur de l’étudefait ensuite appel à collaboration afin decréer un réseau de confrères participant àson étude sur la base du registre national.

* Cohorte : groupe d’individus atteints d’une même patho-

logie et suivis dans le temps à partir d’une date donnée.

Les études de cohortes déterminent s’il existe des facteurs

de risque associés à la pathologie au cours du temps.

Au sujet de GRENAT, voir aussi Rechercheset Perspectives Mai 2009

Recherches et Perspectives - 13

grenat

Nous avons rendez-vous avec Stépha-nie Baulac, chercheuse (réputée) àl’Inserm, dans l’enceinte de l’Hôpital

de La Pitié-Salpêtrière. Nous rencontrons unejeune femme mince et souriante qui vient elle-même nous accueillir en toute simplicité etnous conduit dans un petit bureau qu’ellepartage avec son collègue Eric Leguern.

FFRE. Stéphanie, à 37 ans vous êtes co-res-ponsable de l’équipe « Génétique des épilep-sies familiales » de l’Inserm U-975. Quelparcours vous a conduit à ce poste impor-tant ? Est-ce votre Papa, le Professeur Mi-chel Baulac, neurologue à l'hôpital de laPitié-Salpêtrière et grand spécialiste del’épilepsie, qui vous a incité à vous orienterdans cette voie ?

Stéphanie BAULAC. Ce n’est pas exactementcomme cela. En fait, je me suis passionnéepour la génétique humaine dès le lycée etc’est tout naturellement que j’ai choisi d’étu-dier ce domaine et que j’y ai fait mon docto-rat. La rencontre avec l’épilepsie est venueplus tard. Et bien sûr, c’est une transmissionpaternelle.

FFRE. C’était donc un chemin tout tracé à lafois vers le métier de chercheur que vousexercez depuis 15 ans maintenant et aussivers le domaine de l’épilepsie ?

Stéphanie BAULAC. En fait non. Pour le métierde chercheur, c’est exact : je n’ai jamais en-

visagé un autre métier. Mais ma vocation ini-tiale étant la génétique, il y avait peu dechance à l’époque, en 1997, que j’étudiel’épilepsie : ce n’était pas considéré commeune maladie possiblement génétique.

En fait, il s’agissait d’un pari en prenant lerisque de m’engager dans la voie de la gé-nétique des épilepsies.

FFRE. Pari gagné si l’on considère la décou-verte à laquelle cette voie vous a menée enquelques années, dès l’année 2000.

Stéphanie BAULAC. Il est vrai que nous avonseu des résultats très rapides qui ont ouvert unnouveau champ de recherche pour l’épilep-sie.

Partant de l’observation clinique d’une fa-mille comportant 15 personnes épileptiqueset ayant effectué la localisation du gène res-ponsable, nous nous sommes rapprochésd’une équipe américaine de généticiens spé-cialisée dans l’étude des gènes codant pourles canaux ioniques.

Cette collaboration d’une part de la géné-tique et de la clinique et d’autre part de cher-cheurs français et américains, est le point dedépart de la découverte du rôle déterminantde la 1ère mutation du gène SCN1A, puis dugène GABRG2 impliqués dans une épilepsiegénéralisée avec convulsions fébriles.

FFRE. C’était une découverte capitale car ladécennie qui a suivi a montré que le gèneSCN1A est celui qui est le plus fréquemmentmuté dans les épilepsies, en particulierdans le syndrome de Dravet, une épilepsiegrave de l’enfant. L’article que vous avez pu-blié s’est révélé un papier scientifique ma-jeur : plus de 500 articles de chercheursdans le monde s’y sont référés.

Stéphanie BAULAC. Nous avons eu de lachance car initialement nous avons mis enévidence le rôle de ce gène dans une formegénétique rare,. Nous ne pouvions pas devi-

ner que le rôle de SCN1A prendrait une telleimportance. Le découvrir était l’aboutisse-ment d’une méthode de travail.

Mais le fait que ce soit le plus fréquemmentimpliqué, c’est plutôt de la chance.

FFRE. Quelles ont été les conséquences decette découverte ?

Stéphanie BAULACCela a aidé à mieux connaître la maladie,mais aussi la mise au point d’un diagnosticprénatal dans le syndrome de Dravet au seinde l’unité de génétique fonctionnelle dirigéepar Eric Leguern.

FFRE. Et vous-même, comment avez-vousorienté vos recherches par la suite ?

Stéphanie BAULACPar la suite, je me suis intéressée à un autregène, LGI1 dont les mutations causent uneépilepsie familiale du lobe temporal. J’ai souhaité donner une orientation plus fonction-nelle à mon travail en me tournant vers lamodélisation animale.

C’était un outil indispensable pour poursuivreefficacement les recherches sur l’origine gé-nétique des épilepsies chez l’homme. Par mo-dification du génome chez la souris, on peutétudier la maladie sur l’animal et mieux com-prendre les mécanismes sous-jacents. Cesmodèles d’épilepsie permettent aussi de tes-ter des médicaments.

FFRE. Vous parlez de vos découvertes, maisvous dites toujours « nous ». Pourquoi ? Est-ce par excès de modestie ?

Stéphanie BAULAC. Ces résultats sont le fruitd’un travail d’équipe au sein de mon labora-toire mais aussi de collaborations internatio-nales avec d’autres laboratoires.

Dans mon quotidien, je travaille bien sûr surmon microscope, mais je suis aussi la co-res-ponsable d’une équipe.

zoom sur une jeune chercheuseInterview de Stéphanie Baulac

14 - Recherches et Perspectives

zoom

FFRE. Vous êtes un manager ?

Stéphanie BAULAC. Je suis co-responsable del’équipe. Notre travail se fait de façon orga-nisée, méthodique et fait l’objet d’un repor-ting. Les recherches sont structurées enprojets précis, qui font l’objet de finance-ments affectés à des objectifs bien définis.

Partant d’une hypothèse formulée pour pro-gresser à partir des résultats déjà acquis, leprojet de recherche décrit les résultats atten-dus et la méthode qui sera utilisée. L’équipeest donc essentielle et en tant que co-respon-sable, je dois en effet accorder une part im-portante de mon temps à des tâches qui nesont pas purement scientifiques : rechercherdes financements, bien communiquer pournous faire connaître et valoriser les travauxde notre équipe, effectuer des déplacements

pour participer aux conférences scientifiquesrelatives à nos thèmes de recherche, publierchaque année dans des revues internatio-nales.

Ce sont ces rencontres, et l’information per-manente sur les recherches des autreséquipes, qui permettent une fertilisation croi-sée des idées et des expériences et qui favo-risent les découvertes scientifiques.

FFRE. Rencontrez-vous des difficultéspour le financement de vos projets ?

Stéphanie BAULAC. En ce moment, nous tra-vaillons sur des projets financés, mais seule-ment jusqu’à fin 2013.

Aussi, je sais déjà que, en 2013, une bonnepartie de mon temps devra être consacré à

la recherche de financements pour l’année2014 et les 3 ou 4 années suivantes.

FFRE. Et cela vous inquiète ?

Stéphanie BAULAC. Je suis confiante, car letravail de notre équipe « Génétique des épi-lepsies familiales » est reconnu dans ce do-maine de recherche et ses pistes de rechercheont une application concrète utile aux ma-lades car elles abordent conjointement la gé-nétique et le fonctionnel, c’est-à-dire à la foisl’observation des mutations génétiques et lacompréhension des conséquences de ces mu-tations.

FFRE. Merci Stéphanie pour cet interview.

Propos recueillis par Florence Picard

Recherches et Perspectives - 15

EPILEPSIE ET TRAVAIL

EMPLOIS ET Ressources de la FFRE en 2011*Emplois RESSOURCES

* Présentation simplifiée du compte emplois ressources. Pour plus de détails voir parution au JO du rapport du commissaire aux comptes.

1/ Ressources collectées auprès 628 280,67 €du publicdont : Dons manuels courants 256 702,05 €

Dons exceptionnels 351 043,00 €

Legs non affectés 11 622,45 €

Legs affectés 8 913,17 €

2/ Autres fonds privés : subventions 146 000,00 €affectées Cohorte et Grenat

3/ Autres produits 4 406,82 €4/ Report des ressources non 364 042,48 €

utilisées des exercices antérieursTotal 1 142 730,00 €

1/ Missions sociales 558 312,32 €

dont : Crédits de recherche 351 480,85 €

Information sur la recherche 46 640,10 €

Information sur la maladie 158 607,77 €

Projet "cohorte" 1 583,60 €

2/ Frais d'appel à la générosité 53 051,14 €du public

3/ Frais de fonctionnement 137 124,44 €

4/ Engagements à réaliser sur 388 416,40 €ressources affectées

Total 1 136 904,30 €

Le 18 décembre prochain, Françoise Ménidrey, plus célèbre directrice de casting deFrance vend et dédicace son livre à succes "Casting Director" au bénéfice de la FFRE. Une belle opération organisée grâce au soutien de Casting.fr.Pour plus d’informations : [email protected]

Événement

Qui sommes-nous ?

16 - Recherches et Perspectives

EPILEPSIE ET TRAVAIL

Recherches et Perspectives - Lettre d’information publiée par la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie - 28 rue Tronchet, 75009 PARIS - Tél : 01 47 83 65 36 [email protected] - www.fondation-epilepsie.fr - Directeur de publication : Bernard Esambert - Rédactrice en chef : Emmanuelle Allonneau-Roubertie

Préparation, rédaction et interviews : Marie-Hélène Bassant, Florence Picard et Emmanuelle Allonneau-RoubertieConception : ROUGET Communication, 91310 Montlhéry - Impression : Intercom - Crédits photos : ©Fotolia et FFRE

Le Conseil d’Administration de la FFRE

Président : Vice-Président : Trésorier : Pr Philippe DERAMBURE Dr Sophie DUPONT Pr Pierre THOMASBernard ESAMBERT Pr François MAUGUIÈRE Pierre DONNERSBERG

Pr Bertrand DE TOFFOL Gal Dominique FELTEN M. Laurent BARRAUD

Le Conseil Scientifique de la FFRE

Président : Etienne AUDINAT Dr Nadia BAHI-BUISSON Christophe BERNARD Olivier BERTRAND Pr Patrick CHAUVELPr Franck SEMAH

l'Équipe de la FFRE, ses collaborateurs et bénévoles

Directrice générale : Assistante Sophie TORRECILLA Marie-Hélène BASSANT Florence PICARDEmmanuelle Céline LABAJ ALLONNEAU-ROUBERTIE

Dr Catherine CHIRON Antoine DEPAULIS Dr Gilles HUBERFELD Pr Philippe KAHANE Richard MILES Dr Marie-Christine PICOT