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Pour une éthique de la gouvernance

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Pour une éthique de lagouvernance

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SOMMAIRE

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Pour une éthique de la gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 4

Les 7 commandements selon EurEfi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9

Témoignages de dirigeants

Xavier Goebels, Point Carré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 12

Corine Dumont, Séquoia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 16

Nathanaël Cornet-Philippe, Prestosid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 20

Philippe Emond, Philippe Emond SA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 24

Le top cinq des recommandations pour une gouvernance efficace

Marc Lochert, MLA Conseil - Strasbourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 31

Pierre-Olivier Mahieu, Allen & Overy LLP - Bruxelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 32

Rina Breininger, Kleyr Grasso Associés - Luxembourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 33

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i n T r o d u C T i o n

Pour une éthique La genèse de la crise de 2008 est évidemment pluscomplexe que ce mauvais coup joué par des spécu-lateurs à l’éthique douteuse. Mais il en est un desfondements parce qu’à bien y réfléchir il ramènetout droit à l’incapacité des acteurs économiquesd’avoir pu décoder les opérations suspectes, à leurimpuissance à contrôler le jeu de domino, à gouver-ner les flux financiers. À bien y réfléchir, une questions’impose : «Et�si� la�crise�de�2008�était�tout�simple-ment�une� crise�de� la�gouvernance�économique?».Voilà qui renvoie les maîtres du monde à leursétudes. Et qui bouscule les dirigeants d’entreprisesdans leurs (in)certitudes.

La « gouvernance »… S’agissant de politique, le motconnote souvent pouvoir, puissance, domina-

tion… mais on sait qu’il appelle surtout unecertaine humilité de la part des dirigeants.

S’agissant d’économie, les manuels évo-quent « l'ensemble�des�processus,�régle-mentations,�lois�et�institutions�influantla�manière�dont�l'entreprise�est�dirigée,administrée�et�contrôlée».

Au-delà de cette définition acadé-mique, gouverner une entre-prise, c’est se fixer des objectifs

clairs, notamment au niveau dela création de valeur. Gouverner

une entreprise, c’est aussi articulerles relations entre les nombreux

acteurs: actionnaires, administra-teurs, cadres, personnel, clients…

Gouverner c’est savoir dire non, sa-voir faire des choix! C’est aussi regar-

der en face un conflit naissant pourmieux l’appréhender. Gouverner, ça nese résume pas à une question d’admi-nistrateur indépendant.

Gouverner c’est prévoir ? Trois ansaprès la crise des subprimes, l’adagen’a sans doute jamais été autant por-teur de sens.

Septembre 2008… Quelques subprimes ca-chées dans un panier de bonnes intentionsfont basculer le monde vers une dérive ré-cessionnelle sans précédent depuis des dé-

cennies…

Vision (trop) simpliste, largement répandue au-jourd’hui alors qu’on parle à nouveau de croissance,d’indices boursiers favorables, de reprise des inves-tissements.

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Platon et Aristote,

dans L'Ecoled'Athènes

de Raphaël

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E u r E f i

de la gouvernanceQuel type de « gouverneur d’entreprise » êtes-vous ?

Pour entrer rapidement dans le vif du sujet, on diraque les manuels académiques distinguent deuxgrandes catégories de gouvernance d’entreprise selonque les dirigeants cultivent ou pas le sens de l’ouver-ture.

Premier cas de figure : les intérêts des investisseursrejoignent ceux des cadres dans la recherche d’unecréation maximale de valeur pour l’actionnaire. L’or-ganisation du conseil d’administration, les règles in-ternes, la rémunération des dirigeants, les rapportsaux acteurs internes et externes de la société sontorganisés dans cette optique.

Second cas de figure : la création de valeur prend dusens pour l’ensemble des partenaires de l’entreprise :actionnaires bien sûr mais également clients, four-nisseurs, employés… C’est dans la coopération entreles différents acteurs que la richesse trouve sa source.Et quand on parle richesse ici, on pense capital finan-cier mais également capital humain (savoir-faire,compétence, bien-être…).

Deux conceptions des affaires donc, l’une froidementréaliste, l’autre chaleureusement utopiste…

Les « roaring nineties »

Parlant des années qui ont précédé la crise de 2008,l’Américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’Économieen 2001, emploie cette savoureuse expression : les« Roaring nineties » (que l’on pourrait traduire par« les années folles »). Exactement les mêmes quecelles qui avaient précédé le krach de 1929. Ces an-nées folles sont celles des gains faciles, des spécula-tions sans limite, de l’euphorie boursière. Elles sontégalement celles de toutes les dérives.

On parle de dérive quand on voit exploser les rému-nérations des dirigeants, quand on les voit surtout

éclater entre une partie fixe et une importante partievariable liée aux résultats. Dans ces circonstances, latentation fut grande dans le chef de certains big bossde faire passer leurs intérêts privés avant ceux de leurentreprise, de privilégier le court terme au détrimentde la création de valeur à long terme.

On parle de dérive quand on invente des instrumentsfinanciers ou des techniques comptables qui permet-tent de camoufler les faiblesses de l’entreprise : avecdes résultats ainsi dopés on donne une meilleureimage, on influe le cours de bourse et l’intérêt desstock-options.

On parle de dérive quand le système bancaire entreen dérégulation en assouplissant ses mécanismes in-ternes de contrôle, quand l’attention des pouvoirspublics faiblit, quand des analystes financiers vantentla valeur d’actions dont ils savent pertinemment bienqu’elles sont pourries…

Au fil du temps, la dérive gagne toutes les couchesde l’entreprise, passe de l’aspect purement financierà celui des stratégies puis des ressources humaines.C’est ainsi que les « stratégies industrielles long termes’effacent au profit des logiques financières court

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Les�stratégies�industrielles�long�terme

s’effacent�au�profit�des�logiques�financières

court�terme,�on�joue�« les�pompiers»,�

on�pare�au�plus�pressé,�flexibilité

et�adaptabilité�font�partie�

du�grand�catalogue�des�incantations

managériales.�

(Jacques Plateau, expert APM – association progrès du management – dans Dynamisme wallon de décembre 2010)

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comptes publiés. Plus fondamentalement, elleplanche sur un ensemble de recommandations ap-pelées à alimenter la réforme de la gouvernance pourtoutes les grandes et moyennes entreprises. Ces re-commandations évoquent une interdiction de cumulentre les fonctions de CEO (Chief executive officer)et de président du conseil d’administration, prévoientdes formations, améliorent la rémunération des ad-ministrateurs, plafonnent celle des dirigeants etc.L’objectif est de rendre les administrateurs réellementindépendants de la direction de l’entreprise.

En Europe, on travaille aussi sur le renforcement del’indépendance des administrateurs, sur la responsa-bilisation des actionnaires, sur la rémunération desdirigeants.

Dans ce concert de bonnes intentions, la Belgiquen’est pas en reste. En avril 2010, elle a publié une loivisant à renforcer le gouvernement d’entreprise dansles sociétés cotées et les entreprises publiques auto-nomes (Poste, téléphonie, chemin de fer…). Au menu,une série d’obligations valables depuis le début 2011 :établissement d’un rapport formel de « corporate go-vernance » décrivant le fonctionnement des comitésd’audit et de rémunération. L’assemblée généraledoit se prononcer sur ce rapport selon la règle « com-ply or explain » : la société peut ne pas appliquer cer-tains principes dits « de bonne gouvernance » maiselle doit alors expliquer pourquoi. Par ailleurs, lamême loi oblige les sociétés à établir un rapport derémunération des dirigeants et à la soumettre auxactionnaires. On cherche ainsi à éviter les pratiquesincitant certains dirigeants à engager leur sociétédans des opérations risquées afin de doper leurs bo-nus. Désormais, les administrateurs sont solidaire-ment responsables.

Les tendances nouvelles

La reconquête de confiance post-crise – celle qui s’im-pose à tous désormais – passe par une réforme radi-cale de la gouvernance d’entreprise. En la matière, ily a la loi, les traditions, les codes : le code Buysse, lecode Lippens, le code Daems. Il y a aussi les change-ments d’attitude, toutes ces petites ou grandes pro-cédures qui assurent une meilleure cohésion interne,qui rendent du crédit aux relations organisationnelles.Il y a toutes ces initiatives qui mettent un supplémentd’éthique dans le moteur de l’économie. Bien com-

terme, on « joue les pompiers », on pare au plus pressé.La flexibilité et l’adaptabilité font partie du grand ca-talogue des incantations managériales », expliquait endécembre dernier dans « Dynamisme wallon »,Jacques Plateau, expert pour l’Association ProgrèsManagement.

Scandales, abus, crise de confiance, crise tout court…c’est quand tous ces éléments sont réunis qu’une éco-nomie file à la dérive.

Désormais, il paraît indispensable de redonnerconfiance aux actionnaires, au personnel, aux clients,aux créanciers… Désormais, les dirigeants sont confrontés à de vraiesinterrogations : comment la gestion des ressourceshumaines peut-elle devenir un levier de création devaleur ? Quelle éthique de la gouvernance ? En une question comme en cent : comment mettreen place une nouvelle gouvernance d’entreprise ?Avec des règles ou des valeurs ?La réponse tient évidemment des deux !

Les règles : des réformes radicalespour reconquérir la confiance

Après avoir été éclaboussés par des scandales éco-nomiques, après avoir subi la crise de plein fouet, lespouvoirs publics ont tenté d’apporter une réponseaux dérives en formulant ou en préparant toute unesérie de règles nouvelles. On ne sera pas étonné ce-pendant de découvrir des approches fondamentale-ment différentes selon qu’elles soient Américainesou Européennes. Ainsi, l’approche US ne fait pas dans la dentelle : ellerend les dirigeants pénalement responsables des

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«82%�des�dirigeants�de�sociétés

interrogés�par�le�cabinet�Allen�&

Overy�se�sont�prononcés�contre�le

système�de�quotas�homme-femme

obligatoire�dans�les�conseils

d’administration.»�

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section entre les deux modes de gouvernance, cesentreprises poursuivent un but social mais sont or-ganisées comme celles du secteur marchand. Le so-cial business « emprunte à la fois au monde social etau monde capitaliste : il cherche à être rentable, voireà faire du profit mais le profit n’est pas une fin pourlui ; il n’est qu’un moyen pour poursuivre un but socialqui le dépasse », assuraient Laurent Hublet et LaurentLedoux de l’ASBL « Philosophie et Management »dans Trends en janvier 2011. Le courant se heurtetoutefois à la loi sur les sociétés commerciales qui necomporte guère d’accent social et aux rapports depouvoir plus complexes que dans une société clas-sique.

La responsabilité sociétale (ou sociale) des entre-prises (rSE). Plus simple à aborder, plus rapide àmettre en œuvre que le « social business », la « Res-ponsabilité sociale des entreprises » fait son petitbonhomme de chemin ces dernières années. On yvoit des patrons qui, sur base volontaire, implémen-tent des préoccupations sociales et environnemen-tales à côté de logiques purement économiques. LaFrance parle de « responsabilité sociale » là où la Bel-gique évoque la « responsabilité sociétale » mais lebut recherché est identique : c’est la contribution desentreprises aux enjeux du développement durablequi importe.

Averroès , Hypatie,Parménide et Héraclite

à L'Ecole d'Athènes

prises, bien appliquées, ces nouvelles tendances de-viennent en soi un mode de gouvernance. Explica-tions.

Coacher le C.A. Aujourd’hui plus qu’hier, les conseilsd’administration des grandes entreprises sont soumisau jugement de la presse et donc du public. La passi-vité, le laisser-faire, la léthargie face aux cadres diri-geants ne font plus partie du modèle accepté par lesbanques, les interlocuteurs sociaux, les collabora-teurs, les actionnaires… « Administrateurs assoupis,faites-vous coacher », semble être le nouveau modusvivendi ! Et comme ce qui est bon pour les grandesentreprises l’est aussi pour les PME, on voit naîtredésormais des outils susceptibles de réveiller lesconseils d’administration. La société de conseil« Coach et Cie » est née dans cette mouvance. Ellefait le pari d’implémenter plus de professionnalismedans des réunions trop souvent protocolaires. C’estdans ce contexte que sont nés des quiz permettanten 10, 20 voire 80 questions de tester l’efficacité duC.A. et, évidemment, d’y apporter les réponses. Lesquiz les plus approfondis passent en revue tous lesaspects du conseil, depuis son fonctionnement debase jusqu’au plan de succession des personnes clefsen passant par la culture d’entreprise, les rémunéra-tions des administrateurs, la stratégie à long termede l’actionnariat, la dynamique collective…

S’agissant des PME toujours, Deminor – un cabinetspécialisé dans la défense des actionnaires – a re-marqué que peu de PME ont une vision à long terme.Aussi, a-t-il mis en ligne un quickscan permettant auxactionnaires de toutes catégories d’évaluer les pointsforts et les points faibles. Destiné aux sociétés noncotées, il calcule la qualité de traitement de l’action-naire par l’entreprise. Il passe en revue la qualité dumanagement et des personnes ressources, la visionà long terme, le taux d’activité du conseil d’ad-ministration, la présence d’administrateursindépendants, l’implication d’une éven-tuelle gouvernance familiale, l’existenced’une charte d’actionnaires etc.

Le social business. L’économie so-ciale fait peur aux patrons de l’éco-nomie de marché. A contrario, l’éco-nomie de marché effraie les tenantsdu courant social. Pour marier lesdeux, certains parient aujourd’huisur le « social business ». À l’inter-

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des cours d’éthique dans les business schools et on en-tend parler « Responsabilité sociale des entreprises »dans les auditoires. Même les promus de la célèbreécole de commerce d’Harvard prononcent un sermentpar lequel ils s’engagent à œuvrer pour une sociétémeilleure. En Belgique, les trois principales écoles debusiness (Solvay Brussels, Louvain et HEC Liège) sesont associées pour lancer un Master de philosophie àl’attention des managers. L’idée : la prise de distance –et la philosophie le permettrait vraiment – est de natureà « favoriser la remise en question et donc à repenser enprofondeur nos façons de voir le monde et de gérer leschoses », disent Laurent Hublet et Laurent Ledoux del’ASBL « Philosophie et Management ».

Les salaires des dirigeants. Parachute doré, stock-op-tions, bonus, assurances groupes… Longtemps conservédiscrètement dans le cercle restreint des dirigeants, lemode de rémunération des patrons d’entreprise estpassé, avec la crise, sur la place publique. Un peu par-tout, le politique s’est emparé d’un sujet d’autant plussensible que les citoyens ont du mal à nouer les deuxbouts. Le politique résistera-t-il ou pas à la tentation delégiférer ? La bonne gouvernance enseigne en tout casd’offrir aux patrons un mode de rémunération qui leurévitera la tentation d’engager leur société dans des opé-rations risquées susceptibles de doper leurs bonus.

divergences culturelles. Et si la multiculturalité dansles entreprises était contre-productive ? La questionse pose évidemment pour les multinationales implan-tées dans différents pays. La culture anglaise du ma-nagement par exemple se heurte parfois à son équi-valent français. Plus régionalement, dans la GrandeRégion, les différences d’approche entre cadres fran-çais, luxembourgeois ou belges d’une même entre-prise sont multiples. Leur neutralisation passe par ledéveloppement d’un référentiel commun, par l’amé-nagement de temps d’écoute, par la rencontre desgens et des idées. Un proverbe chinois illustre par-faitement le propos : « Quand deux individus se ren-contrent et échangent leur objet, chacun repart avecun objet. Quand ils se rencontrent et échangent leursidées, chacun repart avec deux idées ». Difficile d’enfaire une règle stricte de bonne gouvernance. Ce quin’empêche pas de le méditer.

Les fonds éthiques. La Responsabilité sociale desentreprises passe souvent passe des contrats ou desinvestissements éthiquement responsables. Des cou-rants se font jour aujourd’hui, principalement dansles milieux de gauche, pour que le mot éthique nesoit pas seulement une façade. Il est même questiond’un label qu’une autorité de contrôle attribueraitaux fonds respectant une série de critères en matièred’environnement, de clauses sociales, de gestion dupersonnel, de partage de la valeur ajoutée, bref debonne gouvernance.

Les managers philosophes. Quel point communentre Gore (le fabricant du célèbre Goretex), la fon-derie picarde Favi et la société finlandaise de net-toyage de bureau Sol ? Outre leurs belles perfor-mances, elles appartiennent à une catégoried’entreprises libérées du management classique. Dansleur livre « Freedom, Inc », Isaac Getz (professeur à labusiness school parisienne ESCP-Europe) et Brian Car-ney célèbrent les vertus de méthodes de gouvernanceorientées vers la liberté. Ils identifient trois règles :chacun est traité de manière intrinsèquement égale,chacun peut se développer (les collaborateurs sontcapables de mener à bien leurs initiatives) et chacunpeut s’autogérer. Ce management fondamentalementhumaniste n’a cependant rien à voir avec l’autogestiondes entreprises qui a rarement prouvé son efficacité.

La responsabilité des business schools. La crise de2008 a mis au jour de nombreuses critiques sur la for-mation dispensée dans les écoles de commerce et ges-tion. Le nœud du problème ? Elles auraient dopé leculte de la performance à tout prix, elles n’auraient passuffisamment préparé les futurs cadres à agir de ma-nière éthique et responsable. La gueule de bois affichéepar nombre d’acteurs au plus fort de la récession a en-couragé un changement de ton. Depuis, on voit fleurir

«Selon�une�étude�d’Egerie�Research,�

97�%�des�cadres�pensent�que�de�nouvelles

sources�d’inspirations�sont�nécessaires

pour�induire�les�changements�culturels

favorisant�une�refonte�du�management.»

(TT 17/3)

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E u r E f i

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L a politique d’investissement d’EurEfi privilégie la notion de partenaire fiable, durable et constructif, notre missionest de participer activement à la création de valeur dans l’entreprise et d’en recueillir les fruits à terme. Pourautant, notre action repose sur un ensemble de valeurs, de postulats, qui fondent notre vision du métier d’inves-tisseur. La crise a montré la nécessité d’appuyer son développement sur des logiques de gouvernance et une

éthique des affaires, qui avaient été battues en brèche ces dernières années ; les sociétés qui ont le mieux résisté sont pré-cisément celles qui basent leur fonctionnement sur le respect de certaines valeurs.

Le métier d’investisseur ne se résume pas à des phases de décaissement et encaissement dans les entreprises, notre rôleimplique une présence significative, une disponibilité de tous ces instants. nos cibles, les PME/PMi, reposent elles-mêmessur des valeurs (quelquefois historiques) qui constituent leur ciment ; la dimension PME suppose des structures de gestionplus « light » où l’humain occupe la place prépondérante, le rôle central, dès lors, notre partenariat repose beaucoup sur unacte de confiance dans les personnes, autant – sinon plus – que les fondamentaux du plan d’affaires qui nous est soumis.

Ces relations « intuitu personae » fondent une approche spécifique et militent en faveur d’un corpus de règles que nousnous imposons dans la gestion des participations, de manière à objectiver, à rendre transparentes nos options et décisions ;la transparence, tant interne qu’externe, constitue le fil rouge de nos activités.

Au-delà de toutes les règles et procédures, des règlements et textes législatifs, qui font l’objet d’un long développementdans le présent rapport, nous nous efforçons d’appuyer nos actions sur une gouvernance articulée autour de 7 points, 7commandements qui permettent de construire l’alchimie qui nous unit aux chefs d’entreprises :

Les commandementsselon EUREFI7

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L E S 7 C o M M A n d E M E n T S

… En PrÉSErVAnT LESVALEurS fondATriCES

Nos actions et décisions sont fondées surle respect de l’Autre, sur le constat que laprogression s’établit non dans la confron-tation stérile, mais en intégrant les diffé-rences, les atouts de chacun, dans une dia-lectique susceptible de déboucher sur unesynthèse plus riche.

Professionnaliser le mode de fonctionne-ment implique pour nous, avant tout, lerespect des valeurs humaines qui ont portél’entreprise là où elle est, le respect du tra-vail accompli par celles et ceux qui ont œu-vré dans l’entreprise. Le respect est à labase de tout partenariat constructif.

Si l’investissement d’EUREFI crée une formede rupture, il s’inscrit cependant dans lacontinuité; capitaliser sur les valeurs fonda-trices de l’entreprise pour les faire évoluerconstitue une règle de base pour nous. Unobjectif : dégager un concept de «cultureélargie» qui se nourrit du passé mais réso-lument tourné vers le futur de l’entreprise,et privilégiant une approche transversaledes fonctions au sein de la PME…

PLACEr L’HuMAin AuCŒur dE TouTE ACTion

Cette transversalité évoquée supra n’estpossible que si on place la dimension hu-maine au cœur de toutes les actions.

Dans un contexte de mondialisation où lapression sur les coûts est exacerbée, lesressources humaines constituent (trop peusouvent hélas) l’or gris sur lequel lesPME/PMI doivent baser leurs stratégies dedéveloppement.

Il ne sert à rien d’imaginer les plus beauxscénarios de croissance si on n’a pas leshommes et les femmes pour les réaliser.Cet or gris constitue pour nous le premierfacteur de succès de l’entreprise, même si

CrÉEr dE LA VALEurÀ TErME Pour TouS…

L’objectif d’EUREFI est de créer de la valeurà terme, tant pour les actionnaires que lepersonnel, l’environnement immédiat del’entreprise, les clients et fournisseurs…

Créer de la valeur suppose des actions ré-fléchies, une vision à terme de la société,basée non sur des actions court terme etdes résultats immédiats, mais sur un planstratégique qui capitalisera sur les atoutsde l’entreprise, exploitera les gisementsde productivité interne, captera les oppor-tunités externes… en synthèse réaliserales leviers de création de valeur identifiéslors de notre analyse.

… ProfESSionnALiSErLE fonCTionnEMEnT

Nos cibles sont très souvent des entre-prises familiales, avec le système de va-leurs et de fonctionnement que cela sup-pose. L’entrée d’un « corps étranger » dansla structure actionnariale résulte souventdu constat, pour le chef d’entreprise, queles structures internes doivent être chal-lengées, réveillées ; la culture familiale desPME a constitué un ciment fort, un humus,qui leur a permis de croître et progresser.Sur le long terme, les chefs d’entrepriseprennent cependant conscience qu’il fautinsuffler le changement, rompre un certainimmobilisme, challenger les équipes…

L’entrée d’un investisseur tel qu’EUREFIpermet dès lors de faire évoluer les struc-tures internes de l’entreprise, conférantplus de transparence au fonctionnementinterne, apportant plus de transversalitéentre les différentes fonctions de l’entre-prise, instaurant un suivi analytique desdécisions tant en termes marketing que fi-nancier et contrôle, apportant un mode degestion des ressources humaines princi-palement – plus en phase avec la créationde valeur à terme…

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E u r E f i

dans sa relation avec le sociétal, avec lesacteurs de la société civile ; les réseaux in-ternet qui se sont développés à une vitessesupersonique inscrivent, de gré ou deforce, l’entreprise dans ces nouveaux la-byrinthes.

L’entreprise socialement responsable estcelle qui agit et impacte positivement sonenvironnement, tant physique qu’humain.

EUREFI est totalement impliqué dans cepositionnement de l’entreprise. Nous neconcevons plus aujourd’hui d’investir dansune PME/PMI qui ne développerait pas uneculture plus attentive aux autres. Une telleapproche n’est pas incompatible avec larecherche de rentabilité et la création devaleur à terme, bien au contraire !

SuSCiTEr LA CrÉATiViTÉ, L’innoVATion

Nos interventions sont basées sur l’appré-ciation des performances passées maisaussi sur les potentiels, les gisements,identifiés dans l’entreprise. Le passéconstitue une base sur laquelle construiremais n’est pas garant du succès à terme.Nous pensons qu’une entreprise ou des di-rigeants qui « nombrilisent » sont tournésvers le passé, non le développement de lasociété. Encourager la créativité interne,susciter l’innovation (dans toutes les fonc-tions de l’entreprise), combattre l’autosuf-fisance et pratiquer l’autocritique… sontautant de chantiers que nous nous effor-çons d’implémenter dans nos participa-tions.Une société immobile est une société ensursis. Une société en mouvement, àl’écoute de ses environnements, est unesociété qui gagne.

Le rôle d’un partenaire investisseur estaussi de veiller à encourager cette dyna-mique qui, au final, intègre tous les pointsdéveloppés ci-avant.

cela peut paraître anachronique pour des« technocrates nourris au sein de la renta-bilité à n’importe quel prix… ».

ÊTrE un VrAiPArTEnAirE

Le bon partenaire est celui qui partage lessuccès de l’entreprise mais aussi les diffi-cultés, celui qui retrousse ses mancheslorsque l’intérêt de l’entreprise l’exige.

Le bon partenaire est celui qui est àl’écoute du chef d’entreprise mais qui peutaussi se poser en interlocuteur critique, enchallenger.

Le bon partenaire est celui qui a le soucide la parole donnée et de l’engagementsouscrit, gages d’un partenariat axé sur ladurée et non l’éphémère.

En EUREFI, nous plaçons ces postulats au-dessus de toute démarche et action.

AVoir LE SouCi dESES rESPonSABiLiTÉS

La dimension ESR (Entreprise SocialementResponsable) est sur toutes les lèvres au-jourd’hui, c’est un bien mais combien l’ap-pliquent-ils dans leur quotidien ?

L’approche transversale que nous dévelop-pons conduit aussi à une relecture duconcept de rivalité élargie, cher à Porter :l’entreprise est de plus en plus au cœur deréseaux, au cœur d’un enchevêtrement derelations qui pèsent, peu ou prou, sur sonfonctionnement.

L’entreprise se définit aujourd’hui dans sesrelations avec ses clients et fournisseurs,dans son mode de fonctionnement internequi privilégie une transversalité totale deses fonctions, mais aussi de plus en plus

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Xavier Goebels, qu’est-ce que le mot « gouvernance »évoque chez le patron que vous êtes ?

Je vois d’abord un triptyque entre profit et croissancepour les actionnaires, bien-être du personnel et ré-ponse aux attentes des clients. Quand un patron tendvers cet équilibre il est sur la bonne voie. Je pense quec’est notre cas aujourd’hui. On y travaille ardemmentdepuis pas mal de temps. Cela dit c’est un éternel re-commencement : les conditions de cet équilibre sontréunies de manière générale mais, à chaque fois, onse fixe de nouveaux objectifs plus ambitieux.

Quels principes appliquez-vous pour tendre vers cet équilibre ?

Avant tout, la priorité est d’avoir des objectifs chiffréset, surtout, dans chaque domaine – achats, ventes,coûts de fonctionnement - de coller à ces objectifs. Laligne directrice est d’arriver à un résultat défini touten maintenant une croissance puisque le principe, ànotre niveau, est bien de prendre des parts de marché.Toutes nos priorités sont établies dans cette optique.S’agissant de la gestion du personnel, nous réalisonsdes enquêtes de satisfaction en interne et essayons

La gouvernance d’entreprise, il l’a apprise

presque tout seul, additionnant les unes

après les autres les vitrines de prêt-à-

porter inaugurées ces dernières années

dans les petites villes belges et au Grand-duché de

Luxembourg. Son bébé, c’est « Point carré », une

succes story à l’américaine. Point Carré, c’est l’his-

toire de Xavier Goebels, nourrie au biberon de l’es-

prit d’entreprise familial. Magasin jeune au décor

épuré, personnel attentif, vêtements de marque

et de mode… Le concept « Point carré » fait recette

depuis seize ans. Le groupe c’est désormais 23

points de vente (10 en propre, 13 en franchise),

près de 200 collaborateurs et un chiffre d’affaires

de 43 millions d’euros attendu en 2011.

On ne gagne des courses

POINT CARRÉ

Xavier Goebels Point Carré (Belgique)

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E u r E f i

de nous démarquer au niveau des rémunérations. Laqualité du personnel est un point extrêmement im-portant dans un secteur comme le nôtre. Nous veillonsà ce qu’il n’y ait pas trop de rotation, nous sommes at-tentifs à un recrutement sélectif et à la formation per-manente. La satisfaction de nos collaborateurs est liéeà celle des clients dans ce métier spécifique.

Quel type de « gouverneur » d’entreprise êtes-vous ?

Plutôt humaniste, j’ai été baigné dans une entreprisefamiliale qui m’a inspiré certaines valeurs. Cela n’em-

pêche pas d’avoir un côté très déterminé par rapportaux objectifs. Le plus important c’est d’être très clairpar rapport aux collaborateurs et de leur donner lesbons outils pour y arriver. Celui qui parvient à constituerde bonnes équipes qui collent à la vision de l’entrepriseen sort gagnant.

Cette phrase «qui colle à la vision de l’entreprise» est-ce important ?

Il ne sert à rien d’avoir le meilleur collaborateur s’iln’adhère pas à la philosophie de l’entreprise. La pre-

qu’avec des chevaux de course

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mière chose est d’identifier les très bons profils, la se-conde est d’assurer leur suivi. Chez « Point carré », lesgens peuvent atteindre des fonctions supérieures. S’ilsont la capacité et la volonté d’y parvenir, nous trouve-rons toujours le moyen de les former : nous avons trèsrégulièrement des gens qui commencent comme ven-deur et qui accèdent à des postes d’assistant managerou manager. Chez « Point carré », le recrutement deséquipes s’organise autour de trois principes qui permet-tent un mixte entre des internes qui montent et des ex-térieurs, ça nous évite des problèmes de « consangui-nité ». C’est ainsi que nous engageons régulièrementdes jeunes universitaires qui amènent du sang neuf dansl’entreprise, de nouvelles idées. Je pense notamment àl’approche marketing via les réseaux sociaux, j’ai ma vi-sion des choses mais je ne suis pas autant imprégnéque des jeunes qui en font leur lot quotidien. Je suis su-per-attentif à la manière dont se passent les choses auniveau de l’équipe opérationnelle. L’ensemble de cettedémarche est enrichie par une évaluation – que nousconfions à une société extérieure – de nous-mêmes entant que patron. Il est essentiel pour nous de voir si noussommes en phase avec ce que nous disons.

Les patrons de PME assimilent souvent la crise de2008 à une dérive de la gouvernance des grandesentreprises, est-ce votre avis ?

Il y a certainement un peu de cela : nous, en tant qu’en-treprise régionale très pragmatique avec des objectifsclairs, nous ne nous embarquons pas dans des chosescomplètement utopiques. A contrario – bien que je nesois pas un grand spécialiste – je pense que dans lesmultinationales, la croissance à tout prix, l’ultra libé-ralisme a fait faire un peu n’importe quoi. En tout cas,moi je suis plutôt dans mon trip et j’essaie d’être com-pétent dans ce que je fais.

Cette crise précisément, a-t-elle remis en questionvotre manière de gouverner ?

La crise peut-être, mais aussi notre croissance rapide.Je suis beaucoup plus attentif désormais à certainséléments financiers. Auparavant, je peux le dire, quandle crédit était facile, j’étais beaucoup plus cow-boy.Maintenant que ça s’est pas mal durci et que nousavons bien grandi, nous prenons des décisions de ma-nière plus « phasée », moins impulsives, en respectantun timing très clair. Donc, oui nous sommes plus pru-

dents, plus attentifs à la santé de l’entreprise pour larendre plus solide pour l’avenir. Cette attitude devientune obligation quand on parle de bonne gouvernance.

Que pensez-vous de l’interventionnisme d’État dansles règles de gouvernance ?

Légiférer un peu, c’est bien mais il ne faut pas oublierque chaque entreprise a sa personnalité. Sensibiliserles gens à la bonne gouvernance c’est utile mais je nesais pas si ça va changer grand-chose. Nous, nous fai-sons d’abord appel à notre bon sens, nous mesuronsen permanence ce que nous faisons de manière à cal-culer les conséquences de nos actes pour le futur.

faites-vous appel à des sociétés extérieures pourvous assister dans votre tâche de dirigeant ?

Par le passé, j’y ai fait appel de manière importante.Maintenant nous avons un conseil d’administration etun comité de direction qui gèrent les choses mais nousnous entourons de plusieurs personnes extérieures quiconnaissent le secteur et qui nous enrichissent de leursréflexions, qui nous remémorent les balises à respecter.Dans une entreprise, il est essentiel de briser un peudes tabous : le dirigeant est forcément beaucoup im-pliqué et il ne prend pas toujours le recul nécessairepar rapport à la réflexion stratégique. Il doit s’entourerpour écrire son plan stratégique tenant compte desdifférents éléments de pilotage comme le personnel,le marketing, les enjeux financiers, la clientèle… Pourmoi, c’est là que réside l’essentiel, je ne peux qu’en-courager ce genre de démarches.

Le dirigeant peut-il, doit-il, se former ?

Les formations permanentes enrichissent les autresdémarches, elles font énormément de bien. Il en fautun minimum pour savoir où on va et comment on yva. J’aime aussi la formation par la pratique : ainsi, jesuis membre d’autres conseils d’administration, ça medonne une vision un peu différente de ce qui se passedans mon entreprise. Ca ne fait pas de tort tant qu’onne passe pas sa vie à ça. Le cœur du métier c’est toutde même la tactique sur le terrain. Gouverner c’estprévoir ! Comme tout va plus vite qu’il y a dix ans, ilfaut de bons indicateurs afin de toujours rester attentifà ce qui se passe sur le marché.

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E u r E f i

Parle-t-on de responsabilité sociale des entreprisesdans un milieu comme le vôtre ?

Il est paradoxal de constater qu’on ne parle jamais« d’actif social » mais bien de « passif social ». Or l’actifsocial, mon personnel, c’est le cœur de mon métier !Un emplacement, un assortiment et un concept consti-tuent une chose mais les équipes qui mettent tout çaen œuvre c’est autre chose ! La culture d’entreprise,c’est très important. Ce l’est d’autant plus que les men-talités ont changé dans les nouvelles générations. Doncau niveau social c’est clair que nous avons un rôle ma-jeur à jouer. Ma phrase fétiche, celle que je répète de-puis des années, reflète bien ma préoccupation : «Onne gagne des courses qu’avec des chevaux de course ».Et des chevaux de course, il en faut dans le conseild’administration, dans le comité de direction, dans lesmagasins, dans les achats, dans la gestion des stocks,au service informatique… Pour l’instant ma respon-sable des ressources humaines fait un tour completdu secteur afin de voir où nous nous situons en matièrede rémunération des collaborateurs car je ne voudraissurtout pas être dans la queue du peloton, S’il fautfaire des réajustements, nous le ferons sur un an oudeux mais nous le ferons. Nous n’attendons pas d’avoirdes conflits pour mettre tout ça en œuvre. On essaied’anticiper tout ça. Maintenant, d’un autre côté, nousvérifions aussi les compétences, la volonté ou la capa-cité des gens à évoluer. C’est dans cet esprit que nousavons mis en place une newsletter interne. C’est danscet esprit également que l’on organise une journéepour le personnel, que l’on récompense les bonnesidées. C’est notre façon de voir les choses en matièrede gestion des ressources humaines.

Je conclurai en disant qu’une bonne gouvernance estde nature à alimenter l’innovation, ce qui est essentielpour mon entreprise.

«Les�managers-philosophes�onttous�réfléchi�profondément�sur

la�nature�humaine,�sur�le�sens�deleur�activité�et�de�leur�travail�en

commun�et�sur�la�façon�detraduire�en�actes�ces�idées�au

quotidien.»�

(Laurent Hublet et Laurent Ledoux, dans Trends du 24 février 2011)

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Nous développons une gestion assez participative

SEQUOIA

Comment s’appelle une grande surfacedont l’ensemble de la gamme estnanti d’un label « bio » ? Séquoia ! Leconcept d’un commerce bio complet

– on y trouve des fruits et légumes, desconserves, du pain, du vin, des peintures, de laliterie, des cosmétiques, des produits d’entre-tien, de la nourriture pour animaux… – s’est dé-veloppé à uccle (au sud de Bruxelles) depuis lafin des années 80. Mais il existe réellement sousla marque Séquoia depuis 2006 lorsqu’un triod’investisseurs va reprendre les actifs, rajeunirl’idée et imposer une rigueur sur tous les plans.Au passage, il ouvre un second magasin puis untroisième. Actuellement, il échafaude des planspour un développement vers le sud (Wallonie,Grand-duché de Luxembourg) et le nord-est dela france. Le principe reste le même : un maga-sin très bien achalandé (8.000 références diffé-rentes), agréable, installé dans un milieu urbainpeuplé de clients plutôt aisés et sensibles auxenjeux écologiques. une cinquantaine d’em-plois, neuf millions d’euros de chiffre d’affaires,une croissance annuelle à deux chiffres… La« vague » bio, intimement liée à la méfiancecroissante du chaland face à l’industrie agroali-mentaire, n’est évidemment pas étrangère ausuccès. Mais la rigueur incarnée par BrigitteBruyninckx, Vincent Muylle et Corinne dumont,en constitue l’autre raison majeure. Explicationsavec cette dernière.

Corinne dumont, quand on parle « gouvernanced’entreprise », qu’est-ce que ça évoque chez l’ingé-nieur commercial Solvay que vous êtes ?

Je mettrais sur un pied d’égalité la création de valeuret un investissement maximal dans la gestion des res-sources humaines.

Cet équilibre est important à vos yeux?

Oui, car nous grandissons dans un secteur où les ré-munérations sont malheureusement ce qu’elles sont,c’est-à-dire relativement limitées. Dès lors, si nous nereconnaissons pas notre personnel via d’autres moyensnous devrons faire face à une rotation énorme qui,elle, représentera un coût non négligeable pour l’en-treprise.

Quels sont ces moyens ?

Nous sommes occupés à mettre en place toute unenouvelle politique en la matière pour parvenir à enca-drer, responsabiliser le personnel, le rendre plus auto-nome. Cela passe par le développement d’une gestionassez participative, d’une amélioration des relationsentre les polyvalents, les responsables des magasins,les autres fonctions dans la société (le personnel enhead-office pour la comptabilité, les finances, les

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achats) et nous-mêmes. Nous avons commencé ceprocessus depuis quelques mois et nous en mesuronsdéjà les résultats positifs. Cela suppose néanmoins ungros investissement en formation : c’est coûteux maison le fait même si on peut parfois avoir l’impressionque ce n’est pas directement productif.

Mais cette gestion participative, ça correspond à laphilosophie de l’enseigne…

Oui, absolument. La philosophie de base s’oriente versla satisfaction du client dans ce secteur de vente trèsparticulier mais le faire dans le seul but de générer duprofit n’aurait pas de sens. Le personnel aussi doit s’yretrouver au niveau de la qualité du produit, au niveaudu bien-être au travail, de la transparence, de l’infor-mation… En fait, nous estimons que nous devons nouscomporter de la même manière en interne qu’en ex-terne, c’est-à-dire autant avec la face visible de l’en-treprise que dans tous les aspects de la gestion.

Quel type de gestionnaire d’entreprise êtes-vous,financièrement réaliste ou humaniste ?

Entre les deux, d’abord parce que je ne suis pas seule.La direction de l’entreprise est le fait d’un trio de per-sonnes qui évoluent à peu près au même rythme. Nousapportons chacun notre touche mais nous avons une

vision très cohérente et nous essayons d’avancer dansla même direction. Souvent, si l’un avance un peu plusvite, l’autre le rattrape rapidement et inversement.Honnêtement, nous avons les deux côtés : BrigitteBruyninckx et moi-même avons la fibre économie etfinance (c’est notre formation de base avec des côtéstrès pragmatiques, financiers, recherche de rentabilité)tandis que Vincent Muylle a développé d’autres as-pects. Mais ensemble nous avons une grande ouver-ture par rapport au produit et au domaine, avec toutce que ça implique.

La crise 2008, haro sur les grandes banques ?

Il y a vraiment eu de l’exagération de la part d’entre-prises exclusivement centrées sur des profits à courtterme. Au final, la crise des marchés a démontré com-bien toutes ces vues orientées sur la rentabilité etl’argent facile, sans se soucier d’autres valeurs, pou-vaient se retourner contre elles. C’est typiquementce qui s’est passé dans les grandes banques. Je viensmoi-même de ce secteur, d’une banque qui ad’ailleurs subi des grosses ébauches de la crise avantla crise. J’ai moi-même vu comment on montait eton vendait des produits purement financiers, c’étaitpresque de la cosmétique. C’était incroyable ! On fai-sait de l’argent sur du vent, ça ne correspondait plusà rien. Ce n’est pas la seule origine de la crise mais çay a bien contribué.

E u r E f i

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Cette crise, précisément, a-t-elle influencé votre ma-nière de fonctionner ?

Honnêtement pas vraiment car nous étions déjà danscette approche que je vous ai décrite précédemment.La crise n’a fait que confirmer que notre manière d’agirétait juste. Bien sûr, aujourd’hui, nous pouvons toujoursnous demander dans quelle mesure nous aurions pro-gressé plus vite sans cette crise. Honnêtement, nousn’en savons rien. De toute façon, même si elle a sansdoute un peu impacté nos ventes, ce n’est pas dans lamesure de ce que nous aurions pu craindre. La preuvec’est que nous avons conservé une croissance à deuxchiffres en 2008, en 2009 et même en 2010. Nous avonségalement pu trouver du financement pour ouvrir letroisième magasin même si ce ne fut pas évident.

Le tour de vis législatif qui succède à la crise vousconvient-il ?

Non, c’est une très mauvaise chose car les pouvoirspublics déresponsabilisent la société en général, lesentreprises en particulier. En tout cas ça pèse sur notresociété car ça nous oblige à faire toutes sortes de re-porting. Néanmoins, je comprends aussi car il y a eutellement de dérives, mais pour des PME c’est telle-ment lourd. Je concède également qu’en matière d’hy-giène les règlements nous semblent évidents mais cen’est pas le cas de toutes les autres matières où le sup-plément de règles laisse des coûts induits.

Vous avez une formation d’ingénieur commercial ;avec le recul pensez-vous que les universités ont unrôle à jouer pour améliorer la qualité de la gouver-nance des entreprises ?

J’ai été diplômée de Solvay en 1983. À l’époque, c’étaitl’antithèse de ce qu’on prône aujourd’hui. La forma-

tion était fort axée sur la compétitivité, la compétitionentre nous, la pression… tout ce système-là. Quelquepart, c’était aussi calqué sur la manière dont fonc-tionnaient beaucoup d’entreprises. Mais les mentali-tés évoluent et aujourd’hui ce n’est plus enseigné dela même manière. D’ailleurs, nous le constatonschaque fois que des étudiants nous interrogent pourleurs travaux. Les infos qu’on leur fournit donnentmatière à réfléchir. Il y a des ouvertures dans certainesécoles désormais mais pas encore suffisamment àmon goût.

Qui plus est, il subsiste sans doute une grande margeentre la théorie et la réalité…

Bien sûr mais il y a des signes positifs d’évolution. C’estune tellement une grosse machine à faire bouger qu’onne peut pas tout faire en un jour non plus.

Entre l’économie sociale et l’économie de marché,pourriez-vous choisir ?

Oui et non, car le côté « social » de l’économie a ses li-mites. On nous impose toute une série de réglemen-tations sociales (cela dit, pas plus à nous qu’aux autres)mais de manière générale pour un oui et un non lessyndicats interviennent. Dès qu’un employé est maladec’est un problème. De plus, il devient extrêmementdifficile de licencier des personnes qui font tout sim-plement mal leur travail. J’ai des cas d’employés quipersistent dans une situation de maladie avec des cer-tificats de complaisance, ça ne va pas. C’est un systèmequi, dans certains cas, met les gens dans une espèced’assistanat, qui les déresponsabilise complètement.Économie sociale ou de marché ? On aimerait pouvoirse situer entre les deux mais ce n’est pas toujours évi-dent en raison justement de ces réglementations su-per-lourdes.

Vincent Muylle, Corinne dumont, Brigitte Bruyninckx Séquoia (Belgique)

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Pour vous, la responsabilité sociale a ses limites ?

Oui, mais dans le même temps nous allons de plus enplus vers un respect total de nos employés pour autantqu’ils correspondent aux valeurs de l’entreprises etqu’ils offrent un minium de résultats.

Le législateur pense sérieusement à féminiser par laforce les conseils d’administration des grandes en-treprises. Qu’en pense une femme patronne de PME?

À première vue, je pense que ça ne va pas modifierle cours des choses mais que ce serait certainement

«L’évaluation�d’un�conseild’administration�dopenotamment�la�confiance�descollaborateurs.�À�l’égard�desactionnaires�aussi,�cet�exercicetémoigne�d’un�souhait�detransparence».�

(Baudouin deschamps, Coach & Cies)

1919

un plus. Sur le sujet néanmoins, la réflexion est triple.D’abord, l’homme et la femme sont extrêmementdifférents dans leur manière de penser, d’appréhen-der les choses, donc amener une touche fémininedans la gestion d’une entreprise, c’est intéressant,enrichissant. Ensuite, il faut résister à la tentationde mettre des femmes pour le principe en se disant :il faut une femme, mettons-la et si elle n’a aucunecompétence, tant pis. Enfin, la réflexion peut s’in-verser : faut-il mettre des hommes pour le principe,par habitude ? En fin de compte c’est la compétencequi prime.

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nathanaël Cornet-Philippe, quand on évoque la gou-vernance d’entreprise, qu’est-ce qui vous vient desuite à l’esprit, le profit, la gestion du personnel outout autre chose ?

Ni l’un, ni l’autre. Pour moi, la gouvernance évoqued’abord le mode d’administration des entreprises, c’est-à-dire la typologie du conseil d’administration, leconseil de surveillance, la représentation ou pas dessalariés dans les organes de gestion, l’égalité homme-femme… Bref, pour moi la gouvernance concerned’abord les grandes entreprises avant de concerner lesPME. Même je suis conscient que la gouvernance,c’est-à-dire le chapeautage de la direction opération-nelle, se pose aussi dans les PME, bien que ce soit demanière très différente. Comme président d’une PME,je me sens donc un peu concerné parce que cela pose

la question des relations avec les actionnaires et lespartenaires financiers comme Eurefi. Je me sensconcerné mais je le serai plus encore si un jour on légi-fère sur ce sujet. À ce stade, la gouvernance d’une en-treprise comme la mienne se pose plus comme un en-jeu par rapport à mes partenaires que comme un enjeuau sein de l’entreprise.

Comment voyez-vous votre manière de gérer l’en-treprise ?

J’essaie d’être pragmatique, de faire en sorte que çamarche. Il faut regarder les problèmes en face maisles solutions sont rarement simples et noires oublanches.

A uparavant on cassait, on démolissait, on broyait. Aujourd’hui, on… « démolit de

façon sélective », on « déconstruit ». Et le changement d’appellation s’est accompagné

d’une sacrée complexification du métier. C’est que des législations de plus en plus

vertes, des normes de plus en plus exigeantes, des consciences de plus en plus envi-

ronnementales… sont passées par-là. La société Prestosid l’a bien compris. Spécialisée depuis 18

ans dans la réhabilitation de sites industriels, elle s’est rapidement imposée comme un des leaders

du marché français, empochant nombre de contrats prestigieux. En quelques années, elle a ajouté

à son activité phare (la démolition sélective impliquant un tri des déchets), le désamiantage et le

négoce des matériaux de récupération de chantier. Avec une centaine de travailleurs et trois

agences en france (une dans le nord, une dans l’Est et l’autre dans le Sud), elle est active sur la

france bien sûr mais aussi sur la Belgique et le Grand-duché de Luxembourg… nathanaël Cornet-

Philippe, président de Prestosid, raconte sa vision de la gouvernance.

Distinguer ses responsabilités  

PRESTOSID

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E u r E f i

Mais est-ce que la valeur humaine est importante ?

Bien sûr ! Pour une société de travaux comme la nôtre,c’est une donnée extrêmement importante. Autantdans une usine – attention, je ne dis pas que dans uneusine les hommes ne sont pas importants – le person-nel est contraint par un processus industriel formaté,autant dans une société comme la nôtre où l’on pra-tique des métiers dangereux sur le site du client, ladonnée humaine paraît fondamentale.

La crise de 2008 est-elle née dans une société où lesrègles de gouvernance partaient à la dérive ?

Fondamentalement la spéculation financière a bous-culé les gens, a totalement perturbé leur confiance

d’homme et de dirigeant 

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dans le système financier. C’est cette perte deconfiance, essentiellement à l’égard des banquiers qui,au fil des répercussions en chaîne, a mis le système àgenoux pendant quelques mois. Tout est parti du sec-teur de la grande finance, de son mode de gestion,d’organisation de la société. De plus, la double cas-quette, le mélange des genres entre les activités ban-caires classiques – pour mémoire, elles sont le fonde-ment de tout notre système économique qui reposesur la confiance – et les jeux spéculatifs ont été catas-trophiques.

de quoi remettre en question votre organisation ?

Pas vraiment, pour cette crise ou pour une autre il afallu que je m’adapte. Par contre, cette situation a sans

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doute renforcé encore cette méfiance, cette prudencecaractéristique des patrons de PME à l’égard des ban-quiers. J’ai appris à me méfier plus encore du banquierqui, du jour au lendemain, en raison de contraintes to-talement externes à l’entreprise, décide de ne plusvous suivre quand vous en avez besoin. Les banquiersmultiplient les grandes démonstrations à votre portequand tout va bien alors que quand on a un problèmeparticulier mais que tout est sain dans l’entreprise, lesystème peut se bloquer complètement.

de là à réduire votre recours à l’emprunt ?

Non, je parlerais plutôt de diversification du risque.Ma gestion était déjà extrêmement prudente aupara-vant et je ne pense pas que la crise ait fondamentale-ment changé les choses. Par contre, là où j’avais deuxbanquiers, j’en aurai dorénavant un troisième et, s’il lefaut, même pour de petits besoins, j’en aurai un qua-trième. Car je ne sais pas qui me soutiendra le jour oùj’en aurai besoin.

Cette dérive du grand capital justifie-t-elle un nou-veau paquet législatif en matière de gouvernance ?

S’agissant de l’organisation des grands groupes, cer-tainement. Je n’ai pas de souci par rapport au renfor-cement du cadre réglementaire dans une certaine me-sure. Par contre, je trouve totalement anormal que lesgens qui ont mal géré n’ont pas sauté. Que les gou-vernements aient soutenu le monde bancaire c’est uneévidence mais que l’on ne sanctionne pas la grande

défaillance de la gouvernance ce n’est pas acceptable.D’accord pour aider l’entreprise à perdurer et à passerla main mais la régulation doit venir par les actionnaireset les patrons mis en place par les actionnaires. Onsait que la myriade d’actionnaires fait qu’il n’y a guèrede contre-pouvoir mais ce n’est pas une nouvelle lé-gislation qui va changer grand-chose. Le changementne viendra que s’il y a une sanction financière quelquepart. Si un patron perçoit une grosse rémunération, lamoindre des contre-parties c’est qu’il assume un mi-nimum de risque, qu’il prenne ses responsabilités etassume les conséquences de ses actes. On a vu les éta-blissements bancaires, pour augmenter les bonus desuns et des autres et la rentabilité à court terme,prendre des risques inconsidérés. Si le jour où ça nepasse plus bien, il n’y a aucune sanction à leur égard,pourquoi arrêteraient-ils de le faire ? La preuve c’estqu’ils ont recommencé…

L’éthique en matière de gouvernance passe-t-ellepar une meilleure formation des futurs patrons dansles hautes écoles ou les universités ?

Je ne pense pas que le problème soit vraiment là. Qu’onsensibilise des jeunes à prendre des grandes respon-sabilités sur quelques problèmes d’éthique, pourquoipas ? Mais faire des cours d’éthique c’est vraiment lanégation du système. De plus, à chaque âge ses pré-occupations et ses apprentissages : je ne dis pas qu’à20 ans on ne réfléchit pas sur le bien et sur le mal etque quelques cours de philosophie seraient inutilesmais ces sujets-là doivent vraiment être abordés quandon a des responsabilités, qu’on a pris un peu de bou-

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«Si�vous�n’êtes�pas�prêt�à�ce�que�ceque�vous�faites�soit�connu�de�tous,peut-être�ne�devriez-vous�pas�faire

ce�que�vous�faites.�»�

(Eric Schmidt, CEO de Google)

Nathanaël Cornet-Philippe Prestosid (France)

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teille. Il en va des cours d’éthique comme des radars :ils peuvent paraître indispensables mais quand on lesplace systématiquement dans les descentes ce n’estplus pour réguler les excès de circulation mais pourfaire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État.L’éthique c’est un peu ça : parler de ce qui est normalou pas dans une profession c’est logique mais com-ment voulez-vous qu’un gouvernement légifère surces trucs-là. Oui, il y a des choses où les pouvoirs pu-blics doivent être plus rigides mais vouloir tout péna-liser c’est rentrer dans l’arbitraire du juge. En réalité,on ne prend pas ces sujets par le bon bout mais on faitde l’annonce, on pond une loi sur une autre loi… S’ilfaut faire avec un paquet législatif supplémentaire, ons’adaptera mais va-t-on pour autant améliorer le sys-tème ? Je suis sceptique…

on parle beaucoup désormais de « responsabilitésociale des entreprises », cela vous tente-t-il ?

Par le passé, j’ai pas mal travaillé sur ce sujet. Je diraisd’emblée que la finalité d’une entreprise c’est de créerde la richesse, de la valeur ajoutée. J’ajouterai immé-diatement qu’une entreprise fait partie d’un écosys-tème qu’elle doit respecter. Dans le cas contraire elledoit en tirer les conséquences. Plutôt que de parler de« responsabilité sociale », je parlerais « d’éthique de laresponsabilité » : il faut bien faire la distinction entreses responsabilités en tant qu’homme et ses respon-sabilités en tant que dirigeant.

Un mot sur le mécénat : je trouve très bien de le fairedans un esprit de marketing, de promotion de l’entre-

prise. Par contre, si c’est uniquement pour faire plaisirà certains dirigeants c’est de l’abus de biens sociaux.Entre les deux, tout est une question de circonstances.En tant que dirigeant, ma responsabilité se situe entreles actionnaires – qui doivent y trouver leur compte –les salariés et les clients. Mais en tant qu’homme, labonne question à se poser est celle-ci : suis-je prêt àfaire n’importe quoi pour la pérennité de l’entreprise ?Pourquoi pas demain faire du trafic de drogue commeil y a eu un cas récemment ?

Là, on glisse sur une question de morale…

Comme homme où vais-je mettre mes limites, où sesituent l’éthique et la morale personnelle ? Quand onse situe au niveau de la règle formelle et qu’on jouedessus sans faire évoluer les consciences et les idées,on perd ce lien avec le sens de ce qui est bien ou pasdans un métier. Le phénomène est bien connu et existedans chaque profession : dans chaque secteur, on saitgénéralement qui respecte ou ne respecte les règles,on connaît les loups blancs et les loups noirs. En conclu-sion, j’avoue que les règles et les lois sont dans unecertaine mesure indispensables mais les lois « de cir-constance » ne sont peut-être pas adaptées. De cepoint de vue, et pour renouer avec ce que je disais enpréambule, le lien entre PME et gouvernance redevientintéressant en ce qui me concerne car malgré tout, lacontrainte fait évoluer la réflexion, sert de référence…Et tout ça finit par se diffuser.

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Mon moteur ce n’est pas l’argentc’est l’envie d’aller de l’avant

Philippe Emond SA

F allait oser… fallait oser, en 1993, à

moins de 30 ans, frapper à la porte de

BMW et s’affirmer comme le meilleur

choix pour reprendre les concessions

BMW et Mini sur les sites d’Arlon et de Libra-

mont (sud de la Belgique). À l’époque, les deux

garages vendaient 125 voitures par an. Aujour-

d’hui, Philippe Emond a constitué un petit

groupe transfrontalier à son nom. il compte sept

garages en Belgique et en france – il a repris ré-

cemment les concessions de reims, Soisson, St-

Quentin, Charleville et Châlons-en-Champagne

– emploie 180 personnes et vend 4000 voitures

par an. Avec désormais 110 millions d’euros de

chiffre d’affaires, il a chez BMW la réputation

d’être le manager le plus performant en termes

de taux de pénétration de ses marchés.

Philippe Emond est un self made man qui a com-

plété son capital expérience par des formations

en management. Hyper-actif (dans le bon sens

du terme), capable d’écoute et de réactivité, fin

analyste, rassembleur… Philippe Emond n’a

cessé de progresser. Passionné par son métier, il

sait également prendre le temps de la réflexion.

Quand on évoque la « gouvernance d’entreprise »…qu’est-ce qui vous vient directement à l’esprit ?

À mon niveau, la première chose qui m’intéresse c’estd’exploiter au mieux, avec mon produit, la zone d’in-fluence qui m’est attribuée. Quand je me retrouve dansune région où mes marques ne sont pas au niveau oùelles devraient être, mon challenge, c’est de les y ame-ner. Ca c’est la base mais je sais que si j’amène mesproduits à un bon niveau – en tout cas au niveau moyendu pays ou en sur-performance – tout ce que la gou-vernance évoque en terme de croissance d’emploi, devaleur ajoutée, d’investissements… coule de source. Pour dire les choses autrement, regarder la rentabilitéde l’entreprise et me contenter de gagner de l’argentne m’intéressent pas si mon produit n’a pas un bontaux de pénétration. Si je ne suis pas bien placé parrapport à mes compétiteurs, ça ne m’intéresse pas.Ma vie professionnelle est une compétition pour dé-fendre mon produit par rapport à d’autres marques.

Qu’est-ce qui alimente le moteur de cette vie pro-fessionnelle ?

Aussi bizarre que ça puisse paraître, je ne travaille paspour gagner de l’argent. Je travaille pour aller del’avant. Le carburant de mon moteur est « entrepre-narial dur » et pas « financier ». Ce qui m’intéresse c’estde partager la passion de mon produit, donc du plaisir,avec mes employés, avec mes clients et mon fournis-seur. C’est ça qui me motive à aller de l’avant.

Ce n’est pas courant comme prise de position parrapport au monde des affaires…

Souvent, quand ils se lancent dans le business, les en-trepreneurs se disent qu’un jour ils vont gagner assezpour ne plus devoir travailler. Puis, quand ce seuil est

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atteint, se forme le déclicpsychologique que j’évoque :on travaille pour la passion, pourêtre le meilleur sur son marché, pluspour l’argent. Alors, on devient presqueplus puissant car l’objectif c’est désormais legoût d’entreprendre, l’envie de faire mieux. Le principede base devient : «Qui n’avance pas recule ». Aller del’avant, voilà le moteur !

Allez de l’avant en période de crise, c’est tout demême compliqué… Quel est votre regard de patronde PME sur l’origine de cette crise ?

À mon niveau, j’ai compris que la dérive est venue,non pas des multinationales mais du monde de lagrande finance. Ce sont les gens qui avaient l’argenten main qui, par leur comportement, ont créé la criseà un moment donné. Les entreprises ont eu beau fairece qu’elles voulaient, si les robinets avaient été action-nés de manière plus normale nous n’aurions pas euces problèmes. De plus, quand je vois ce qui s’est passé,je suis persuadé que si les gens qui gèrent la financeavaient eu non pas l’approche de multinationale maisl’approche de PME comme la nôtre, tout ceci ne serait

pas arrivé ! Je pense que nous ne sommes pas sur unpied d’égalité au moment d’être observés.

Si je vous suis, vous pensez que les patrons de PMEont une vision plus pragmatique de la réalité ?

Pas nécessairement, ce sont des êtres humains. Il y ades gestionnaires de PME qui un jour se prennent latête et les choses tournent mal. De la même façonqu’il y a des patrons de grands groupes qui fontquelques bêtises avec un argent qui n’est le leur. N’em-pêche, je pense que la plus-value d’une PME est le faitqu’elle soit en principe dirigée par un patron qui a mis,non seulement ses tripes dans le travail, mais aussi sesbiens. Un patron qui s’est engagé personnellement,qui pour ne pas perdre ça se battra beaucoup plus loinet beaucoup plus fort que n’importe quel PDG de mul-tinationale.

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Comment avez-vous vécu la crise dans un secteur –le marché automobile – très sensible ?

J’ai d’abord essayé de me comporter d’une manièrecohérente par rapport à mon produit. Pour mémoire,je suis un autodidacte, je n’ai pas été beaucoup àl’école, donc je ne cherche pas à réinventer le fil à cou-per le beurre au niveau des grandes stratégies à adop-ter en pareille circonstance. Par contre, je suis trèsconvaincu de la force et de la solidité des fondamen-taux dans la vie en général mais aussi dans le business.Quelques règles simples : s’appliquer, ouvrir l’œil, êtreattentif à ce qui se passe autour de soi… À un momentsi on doit dépenser moins, on dépense moins. Si on

doit freiner les envies de développement, on les freine.Tout cela on l’a fait, avec d’ailleurs les conseils d’Eurefi.En pleine crise, le vrai danger c’est la fuite en avant.Par contre, dans l’après crise, il faut savoir être oppor-tuniste. Il faut savoir saisir les affaires proposées…C’est souvent un moment propice pour tous ceux quiveulent se développer.

Concrètement pour vous ?

J’ai carrément annulé certains projets d’investissementcar ce n’était pas le moment. J’avais par exemple unprojet important du côté d’Arlon et je ne l’ai pas fait.Par rapport à la réalité de l’époque, la bonne gestionimposait de réduire la vitesse de croisière et c’est ceque j’ai fait. C’est aussi à cette époque que j’ai vouluracheter la concession de Reims mais je me suis abs-tenu. Quand je suis revenu, elle valait 750.000 eurosde moins en valeur intrinsèque avant d’aborder les né-gociations… Ce n’est quand même pas rien ! Donc, oui,en période de crise, on se comporte de manière natu-relle : ne pas foncer tête baissée, calmer le jeu, assurerses fondamentaux, s’arc-bouter sur ses acquis… J’avaisdéjà dû le faire par le passé, ça m’a un peu aidé, ça m’apermis de ne pas me fragiliser trop vite par rapport àd’autres.

Les parachutes dorés, vous comprenez ?

Avec tout le mal que nous patrons de PME nous nousdonnons, avec tous les risques que nous prenons pournotre propre patrimoine, il est incompréhensible devoir des grands patrons pour qui ça ne s’est pas bienpassé recevoir un fameux pactole au moment d’allervoir ailleurs. Cette pratique a un côté inacceptable pourdes gens comme moi. Autant celui qui fait quelquechose de merveilleux, doit être récompensé, autant lefait d’ouvrir son parachute doré pour celui qui afficheun manque de performance est un non-sens.

La formation devient-elle une aide à la gouvernancepour un patron comme vous ?

Dans un secteur comme le mien comme d’ailleurs pourbien d’autres secteurs il faut s’entourer de personnescompétentes. Quand c’est possible, je suis doncquelques formations. Je suis aussi attentivement lesrecommandations des conseillers de gestion mis à

Philippe EmondPhilippe Emond SA (Belgique)

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notre disposition par le réseau BMW, ça me permetnotamment d’avoir des points de comparaisons pouranalyser mon travail en regard de celui des collèguesdans la région. Une fois encore c’est comme une com-pétition : je cherche à être le meilleur possible danstout ce qu’ils montrent.

La responsabilité sociale des entreprises, ça vousparle ?

Non seulement ça me parle mais j’y adhère à 200 %.J’ai toujours été très pressé de mettre en place diffé-rentes certifications dans mon entreprise. Je suis cer-tifié ISO9001 (qualité) depuis 1999. Puis, en 2002, laS.A. Philippe Emond (Belgique) a été la premièreconcession automobile du pays, toutes marquesconfondues, à être certifiée ISO14001 (environne-ment). En 2010, nous avons obtenu la certification OH-SAS 18001 qui valorise la sécurité et la santé au travail.Enfin, depuis quelque temps, nous réfléchissons à lamise en place d’une norme de responsabilité sociétaleet nous nous intéressons en particulier à l’ISO26000.Dans le même temps, je reste très attentif à l’impactde nos activités sur l’environnement et je considèreque le développement durable est intimement lié à laresponsabilité sociale de l’entreprise. La mise en placede ces processus et leur contrôle impacte le compor-tement du personnel et des gestionnaires. Ils consti-tuent une donnée essentielle de l’organisation du tra-vail.

Et ça crédibilise la société à l’extérieur ?

Il est certain que d’un point de vue strictement finan-cier, c’est perçu comme une plus-value, ça améliore la

valeur intrinsèque de l’entreprise. Ca a un aspect ras-surant pour les gens qui nous observent. De plus, àpartir du moment où ces balises de travail sont connueset respectées par des employés, ça tranquillise le pa-tron qui, comme moi, est moins présent sur chacundes sites de l’entreprise en raison de son expansion.

des femmes dans les conseils d’administration, çaa du sens pour vous ?

Un commentaire féminin dans nos démarches est cer-tainement une plus-value. Quand des femmes intè-grent les équipes de ventes par exemple, elles appor-tent une réelle plus-value dans ce monde de machos.Mais de là à forcer les choses dans les conseils d’admi-nistration, je n’y crois pas. En passant de la possibilitéà l’obligation de principe, on risque d’affaiblir un orga-nigramme.

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«La�bonne�gouvernance�fait�l’objet�delongs�chapitres�dans�les�rapports

annuels�des�entreprises.�Mais�pourcertains�observateurs,�nombre�deconseils�d’administration�restent

sclérosés�voire�totalementprotocolaires.»�

(Christophe Charlot, dans Trends 24 février 2011)

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«L’administrateur�a�intérêt�à�se�poserla�question�de�la�gestion�du�temps.�Sa�responsabilité�peut�en�effet�êtreengagée�en�cas�d’inactivité�coupable.»�

(Gilles Quoistiaux,dans Trends du 21 avril 2011)

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T o P 5 r E C o M M A n d A T i o n S

Le TOP 5des recommandationspour unegouvernance efficace

Gouverner une entreprise n’est

pas seulement une question de

feeling puisqu’un certain

nombre de règles légales s’im-

posent aux administrateurs particulière-

ment lorsqu’il s’agit de sociétés cotées.

Mais dans quelles mesures sont-elles

applicables aux PME ? C’est la ques-

tion que nous avons posée à trois

cabinets d’avocats spécialisés

dans le droit des affaires. Au

passage, ils vous offrent

quelques règles de bon sens que

chaque PME pourrait avoir à cœur

d’appliquer.

Voici le top 5 de leurs recommandations. Elles

synthétisent toutes ces petites et grandes

choses qui, en regard de la législation du

pays dans lequel ils évoluent, améliorent

la qualité de la gestion et, au final, ac-

croissent la valeur de l’entreprise.

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Montesquieu, auteur de

« De l’esprit des lois »en 1748

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Marc Lochert - MLA Conseil - STRASBOURG

Les buts et les moyens de l’entreprisetu écriras.

« Dès sa création, il est important de bien définirles projets de l’entreprise et les moyens à mettreen œuvre. Souvent, ça se traduit par le businessplan qui cristallise les intentions et certaines orien-tations. C’est cette première phase, cruciale, qui vadéterminer toute la suite. Je conseille toujours d’ap-porter le plus grand soin à l’élaboration du businessplan, et pas seulement sur ses aspects financiers. Ilfaut se donner la peine de détailler les critères non-financiers d’un projet : je pense notamment aux res-sources humaines, à l’adhésion des hommes quicréent l’entreprise ou de ceux qui sont recrutés ul-térieurement. Un plan d’entreprise doit se formaliserde façon littéraire et pas seulement par un aligne-ment de chiffres. »

Les règles de l’exercice du pouvoirtu établiras.

« La règle de base c’est une dissociation claire entrel’exercice du pouvoir au quotidien par les managerset le contrôle nécessaire des investisseurs pour lelimiter. À cet égard, il faut établir un catalogue etune explication des principes pour qu’ils deviennentdes réflexes naturels. Les documents créés dans lecadre d’une entreprise ne doivent pas seulementservir à régler des conflits, ils doivent avoir une vo-cation de « ciment » pour lier les relations habi-tuelles entre les managers et les investisseurs. Cesdocuments doivent permettre une adhésion à unmode de fonctionnement et pas seulement être uncatalogue de sanctions applicables en cas de pro-blème. Les règles doivent servir non seulement degarde-fous mais aussi d’éléments pédagogiques.Cela suppose que les parties manifestent de l’intérêtdans le processus de définition de ces règlesécrites. »

Les responsabilités et les rôles de chacun clairement tu définiras.

« Il ne faut pas hésiter à entrer dans les détails pourpréciser le rôle du comité de surveillance ou celuidu comité d’investissement etc. Je souhaite vive-ment que les protagonistes donnent vie à ces ins-tances en en faisant de vrais forums, de vrais lieuxd’échanges. Ceci suppose qu’on n’hésite pas à fairecirculer l’information, à vraiment dialoguer sanstabou à propos des difficultés et des opportunitésd’affaires. Alors, les organes de gestion ne serontpas uniquement des coquilles vides, ils fonctionne-ront réellement dans l’intérêt de la société. »

L’entreprise dans son environnementglobal tu positionneras.

« Cette recommandation fait appel à des notionsd’éthique, de partage des richesses avec les autrespartenaires que sont les fournisseurs, les employés,les collectivités locales… C’est peut-être un vœu pieumais il me paraît important de voir quelle place don-ner à la valorisation non financière de l’entrepriseet au partage de ses valeurs en interaction avec l’en-vironnement dans lequel elle évolue. Je pense aussibien à la protection de ses avoirs (propriété intellec-tuelle, réputation, nom etc.) qu’à ce qu’une entre-prise peut, sur un plan non financier, apporter à sespartenaires dans la région. C’est à ce niveau quel’on doit définir ses relations avec, par exemple, leschambres de commerce ou arrêter une politique desponsoring d’événements locaux. »

La politique d’information et de partage du savoir tu préciseras.

« L’entreprise doit préciser en interne comment elleveut communiquer à l’extérieur. On se situe ici surun plan global, c’est-à-dire qu’on n’aborde pas seu-lement le sujet sous forme de pub et de marketing.La PME doit arrêter la façon dont elle se positionnedans son environnement global tout en précisantles défis qui y sont liés et en clarifiant la questionde savoir qui décide de quoi dans ce domaine. »

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Pierre-Olivier Mahieu - Allen & Overy LLP - BRUXELLES

Les règles de base en priorité tu respecteras.

« Combien d’entreprises ne tiennent jamais oupresque, de conseil d’administration ! Elles secontentent souvent d’approuver les comptes maisne réunissent pas leur C.A. pour discuter de la ges-tion de la société. Si le droit prévoit, pour les sociétésanonymes en tout cas, que c’est le C.A. qui gère lasociété de façon collégiale, ce n’est pas par hasard !C’est pour que les grandes décisions fassent l’objetd’un débat contradictoire. Ceci implique que les ad-ministrateurs soient des gens capables. Trop souventdans les PME, les fondateurs choisissent les admi-nistrateurs parmi leurs copains ou dans leur famille.Je veux rappeler que c’est dangereux ! Il n’y a riende pire que d’être administrateur sans exercer ef-fectivement son mandat : au mieux vous ne servezà rien, au pire vous devrez assumer une responsabi-lité personnelle très grave en cas de faillite, mêmesi vous n’avez pas assisté aux réunions. La prioritépour les dirigeants et les administrateurs c’est d’ap-pliquer le système tel que prévu par la loi. »

un administrateur indépendant tu nommeras.

« Même dans une PME, un administrateur indé-pendant peut être utile. Il n’est pas nécessaire d’ap-pliquer le principe au sens strict comme pour les so-ciétés cotées mais d’avoir, en plus du fondateur oudu patron, quelqu’un qui a un peu plus de recul.Rien que sa présence peut encourager des sociétésprivées à mieux faire les choses dans les règles, neserait-ce que de réunir le conseil pour prendre lesdécisions importantes. C’est une bonne chose, çaempêche de faire n’importe quoi. Pour mémoire,faire les choses de manière informelle c’est bien…jusqu’au jour où on est confronté à un réel problème.Le fait de mettre dans le C.A. des gens qui ne sontni dirigeant, ni actionnaire principal et qui ont uneréelle une valeur ajoutée c’est une bonne chose.Petite précision : vous n’êtes évidemment pas obligéde donner la majorité de votre conseil à ces admi-nistrateurs indépendants… Par contre, tout en gar-dant le contrôle vous vous obligez à lever le nez duguidon. Ca vous force à la rigueur. »

La transmission familiale tu prépareras.

« Une règle d’or dans les entreprises familiales : ilfaut mettre en place une gouvernance collégiale

suffisamment tôt pour faciliter la transmission del’entreprise le moment venu. Le nombre de sociétésoù le « pater familias » décide de tout et où le conseild’administration ne joue pas de rôle est impression-nant. Si le pater décède soudainement ou est dansl’impossibilité d’exercer son travail, les membres dela génération suivante se retrouvent tout perdu.Des conceptions différentes s’affrontent alors dansun contexte où le père n’est là pour modérer. Moralede l’histoire : même si ça paraît un peu artificiel, ilfaut se forcer à gérer une société familiale avec unvrai conseil qui présente des projets un peu forma-lisés, qui débat et qui décide. Il faut que les gensaient des rôles clairs et bien définis dans la société.La notion de gouvernance est intimement liée à latransmission de l’entreprise. Et ça, ça se préparelongtemps à l’avance en impliquant les différentesgénérations. Dans le cas contraire, on s’expose àdes lendemains pas très roses. »

La question des rémunérationstu dépassionnaliseras.

« Dans les entreprises familiales toujours, il estindispensable d’avoir un comité de rémunérationqui soit présidé par quelqu’un d’indépendant quipourra objectiver le sujet, dépassionnaliser le dé-bat sur « qui gagne combien ? ». Il y a trop de so-ciétés familiales où les gens ne sont pas rémunérésen fonction de leurs compétences mais de leur lienfamilial avec le patron. Celui qui veut faire profitersa famille de la bonne santé de l’entreprise peutle faire par l’actionnariat, pas par une rémunéra-tion artificielle. Au final, financièrement ça nechange pas grand-chose mais d’un point de vuemanagerial c’est plus sain. »

Pour te former, tu t’appliqueras.

« À partir du moment où on accepte un mandatd’administrateur, il est intéressant de se former,a fortiori si on a fait des études qui n’ont rien àvoir avec la gestion. Un job d’administrateur ças’apprend. Les règles de gouvernance sont unechose, la prise de responsabilité comme adminis-trateur en est une autre. Accepter un tel mandatimplique de le faire sérieusement. Le faire à moitié,non seulement ça pose un problème éthique maisen plus c’est dangereux pour soi-même. Adminis-trer une entreprise, ce n’est pas manager le quoti-dien, c’est prendre un peu de recul face au busi-ness. C’est la raison pour laquelle une formationest très utile. »

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Rina Breininger - Kleyr Grasso Associés - LUXEMBOURG

À l’exercice du pouvoirtu t’intéresseras.

« Il faut parvenir à instaurer un équilibre sain entrel’exercice du pouvoir et le contrôle de cet exercicedu pouvoir. Il est indispensable de savoir ce qui sepasse au sein de sa société mais dans le même tempsil faut éviter de restreindre la liberté d’entreprendre.Pour y parvenir, il faut un actionnariat concentré(assez limité pour qu’il y ait toujours une communi-cation saine entre le conseil d’administration et lesactionnaires) mais aussi actif et intéressé (ce quisuppose une participation régulière aux assemblées,un suivi rapproché de l’évolution de la société). Dansles grandes sociétés, c’est le désintérêt de la partdes actionnaires qui rend de plus en plus nécessaireles suppléments législatifs pour assurer un contrôledes dirigeants et des actionnaires. Au Luxembourg,la loi autorise désormais de suivre les conseils d’ad-ministration via les moyens électroniques pour au-tant que l’on respecte certaines conditions. Il n’estdonc plus compliqué de suivre ce qui se joue pourcelui qui le veut vraiment. »

d’un conseil d’administration équilibré,tu te doteras.

« Une règle d’or : faire élire par l’assemblée unconseil d’administration où sont réunies toutes lesconnaissances relatives au domaine d’activité dela PME concernée : connaissances de base, com-pétences dans le secteur précis, expérience et know-how. Tout en sachant que l’application de cetterègle doit être liée à la taille et aux activités préci-sément poursuivies par les PME, je suis convaincueque plus la qualité des administrateurs est bonne,plus la qualité de gestion s’en ressentira. Je suispersuadée qu’appliquer une telle démarche contri-bue à la création de valeur à long terme pour lesPME. »

Les conflits d’intérêttu préviendras.

« La loi luxembourgeoise dit que les administrateursdoivent agir dans l’intérêt de leur société mais elleénumère également des dispositions très spécifiquespour ce qui concerne la question de l’intérêt opposé.Ainsi, si un administrateur a un intérêt divergentpar rapport à celui de la société qu’il gère, il doit lesignaler au conseil d’administration. Celui-ci doitalors le mentionner dans son procès-verbal et lecommuniquer à l’assemblée générale. Ceci ne

couvre pas les opérations courantes conclues dansles conditions normales afin d’éviter de paralyserla société. Ces règles pourraient aussi inspirer desdispositions à appliquer dans certaines PME. »

La transparencetu sanctifieras.

« Tout comme dans une société cotée, il est impor-tant pour une PME d’avoir des comités qui suppor-tent le conseil d’administration dans des domainesprécis : nous pouvons ainsi imaginer un comité d’in-vestissement, un comité d’audit, un comité de ré-munération etc. Dans la foulée, le plus importantest d’organiser une transparence absolue entre cesdifférents comités, le conseil d’administration et lesactionnaires. En droit luxembourgeois, ces comitésont pour objectif d’aider le conseil d’administrationà prendre des décisions collant au mieux des intérêtsde la société. Ils sont consultés par le C.A. sur desquestions précises mais celui-ci garde sa totale li-berté de décision. Il faut cependant se rendre comptequ’un C.A. qui accepte des avis circonstanciés surbase de délibération d’experts dans un domaine, fa-cilite grandement la vie de ses membres, ceux-ciprennent alors des décisions en connaissance decause. C’est dans ce contexte qu’une transparencebien organisée entre conseil, comités et actionnairesest primordiale, elle permet à chacun de savoir queles décisions du CA sont vraiment fondées, réfléchiesdans l’intérêt de la société. »

Tes règles de gouvernancetu expliqueras.

«Il est intéressant de diffuser et d’expliquer lesrègles de gouvernance d’une PME dans son rapportannuel. Il n’est pas nécessaire que ce soit exhaustif.Néanmoins, nous serons toujours gagnants de direpourquoi nous avons décidé de transposer dansnotre mode de fonctionnement telle règle en prin-cipe réservée à une société cotée. Le fait d’expliquer,de publier noir sur blanc nous engage et améliorela transparence, ce qui est essentiel dans unePME. »

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Siège social

Maison de la FormationCentre Jean MonnetF-54414 LONGWY

Secrétariat

Europe et Croissance Sàrl24, rue Robert KriepsL-4702 PÉTANGE

Tél. : 00352 / 30 72 89 1Fax : 00352 / 30 72 89 44E-mail : [email protected]

www.eurefi.eu

www.espacemedia.com

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