103
L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney 1 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques UNIVERSITE DE PARIS-SORBONNE (P ARIS IV ) ENA Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication Ecole nationale d’administration Master Professionnel 2 e année Option : COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES « L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni » Sous la direction de Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités au CELSA Paris-Sorbonne et Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, Délégué général à l’administration des ressources et des services, INRIA Nom et Prénom(s) : RUMNEY Fíona Promotion : Winston Churchill Option : Communication des Institutions Publiques Soutenu le : Mention : Note du mémoire :

mmigration dans le discours politique en France et au

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

1 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

U N I V E R S I T E D E P A R I S - S O R B O N N E ( P A R I S I V )

E N A

Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication

Ecole nationale d’administration

Master Professionnel 2e année Option : COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES

« L’immigration dans le discours politique en France et au

Royaume Uni »

Sous la direction de Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités

au CELSA Paris-Sorbonne et

Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, Délégué général à l’administration des ressources et des services, INRIA

Nom et Prénom(s) : RUMNEY Fíona

Promotion : Winston Churchill

Option : Communication des Institutions Publiques

Soutenu le :

Mention :

Note du mémoire :

Page 2: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

2 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

LES REMERCIEMENTS

Je remercie avant tout Madame Françoise BOURSIN, Professeur des Universités au

CELSA Paris-Sorbonne pour le temps précieux qu’elle m’a consacré, pour son conseil

incontournable, et pour les encouragements continus qu’elle m’a offerts au long du

Masters.

Je remercie Monsieur Jean-Emmanuel PAILLON, Délégué Général de l’INRIA, qui m’a

pleinement fait profiter de ses connaissances théoriques et pratiques, et de son

expérience dans le monde de la communication publique.

Je remercie également Monsieur Laurent RAVERAT, Inspecteur général de

l’Administration du Développement durable au sein du Ministère de l’écologie, du

développement durable et de l’énergie, et Responsable des cours de Sciences Politique

au sien du CELSA Paris-Sorbonne pour ses aperçus indispensables du sujet, ainsi que

pour son conseil pertinent et sa direction au début du projet.

Ensuite, je saisis l'occasion pour remercier très vivement Madame Sandrine BLAISON,

ainsi que tous les administrateurs au sein de l’ENA pour leurs efforts dédiés au succès

de notre Masters.

Enfin, je remercie de tout cœur mon cher mari, mon âme sœur, sans qui je n’aurais

jamais pu entamer ce travail, et mon petit bébé si aimé, qui, avec ses coups de pied – de

l’intérieur de mon ventre –m’a poussé à franchir la ligne d’arrivée.

Page 3: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

3 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

LE SOMMAIRE

INTRODUCTION

1. L’immigration dans le discours politique - sa définition et sa délimitation

2. L’intérêt du sujet sur le plan personnel et sur le plan professionnel

3. La problématique et les hypothèses

4. La méthodologie utilisée

5. Le plan

PARTIE I

A) Les termes et le langage

B) L’histoire de l’immigration en France et au Royaume Uni

C) La situation actuelle

D) L’immigration et les médias

PARTIE II

A) La France jouit d’une vision culturelle des valeurs, pendant que le Royaume Uni

jouit des priorités mercantiles et pragmatiques

B) Cette différence se traduit par une politique d’immigration basé sur la culture et

les valeurs en France, et une approche focalisée sur les bénéfices économiques et

financières au Royaume Uni

C) La couverture médiatiques autours des discours reflètent et renforces les

différences culturelles historiques entre la France et le Royaume Uni

PARTIE III

A) Il existe des points communs dans les discours français et britannique, qui font

preuve d’une perspective commune sur l’immigration

B) Les points communs entre la France et le Royaume Uni se traduisent en des

actions concrètes et des mesures pareilles

C) Les réactions médiatiques dans les deux pays ne sont pas opposées

CONCLUSION

LES ANNEXES

LES MOTS CLEFS

Page 4: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

4 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

INTRODUCTION

1. L’immigration dans le discours politique - sa définition et sa délimitation

L’immigration se trouve à la une des journaux tous les jours en France, au Royaume Uni,

et dans les pays voisins européens. Le sujet reste en première ligne du débat politique à

travers l’Europe, au point où certains considèrent que le continent en est obsédé1.

Depuis le début du XXIe siècle l’immigration a joué un rôle important dans chaque

élection française et britannique, et les hommes et les femmes de toutes couleurs

politiques sont souvent prêts à « piquer le doit aux étrangers » afin de susciter le

soutien du grand public2. Les médias y exercent une influence, et sont souvent critiqués

de leur tendance à accuser les immigrés. Certains commentateurs considèrent que les

réfugiés et demandeurs d’asile ont été victimes de la critique médiatique grâce à des

articles « hystériques et erronés » qui empoisonnent l’opinion publique.3

Ainsi, il existe déjà une panoplie d’information et d’analyse du contenu des médias sur

la question de l’immigration4, et sur les tendances « déshumanisé » du débat

médiatique.5

Bien qu’on puisse constate un véritable « bombardement » de discours sur

l’immigration, il est frappant que les contributions réfléchies et constructives, sont très

peu. Un discours politique sur le sujet – et non pas une simple accroche – est assez rare.

Pendant la période 2012-2014, il n’y avait qu’une demi-douzaine d’occasions - en

France et au Royaume Uni tout ensemble - où les responsables politiques ont exposé

leurs visions politiques sur l’immigration. Vu la rareté de ces interventions, il me parait

important de les analyser de plus près. De plus, pour mesurer l’impact de leurs paroles,

il faudrait examiner la réaction médiatique dans les deux pays.

Le but de ce travail n’est donc pas de reproduire une analyse de la couverture

médiatique sur l’immigration. Plutôt, je me concentrerai sur quelques discours clefs des

leaders politiques en France et au Royaume Uni, et la réponse des médias dans chaque

pays.

1 A voir, par exemple, ce débat sur France 24 du mars 2011 2 ROCHE Barbara & WINDER Robert (2015) Immigration : Opportunity Knocks, edition Kindle 3 PHILO Greg, BRIANT Emma, DONALD Pauline (2013), Bad News for Refugees, Pluto Press, London 4 A voir, par exemple, le rapport du Migration Observatory: Migration in the news: Portrayals of Immigrants, Migrants, Asylum Seekers and Refugees in National British Newspapers, 2010-2012, (2013). 5 BALCH Alex, How has press coverage of immigration changed? Dans The New Statesman du 21 janvier 2015

Page 5: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

5 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

2. L’intérêt du sujet sur le plan personnel et sur le plan professionnel

La question de l’immigration m’a longtemps fascinée, car mes parents sont arrivés au

Royaume Uni en provenance de la République de l’Irlande pendant les années 1970. Les

irlandais n’étaient pas toujours les bienvenus à l’époque, et il n’était pas hors du

commun pendant cette période de voir des affiches dans des pubs ou des restaurants :

« No blacks, no dogs, no Irish » afin d’indiquer les individus et animaux à ne pas

fréquenter l’établissement. Les irlandais à l’époque étaient souvent victimes de

discrimination, et les tensions montaient suite à un attentat de l’IRA.6 J’ai grandi avec

une compréhension des individus qui quittent leurs pays afin de trouver de meilleures

opportunités pour leurs familles, ainsi qu’respect énorme pour les communautés qui les

accueillent.

Ensuite, en tant qu’étudiante et pendant ma carrière de diplomate, j’ai vécu dans

plusieurs pays du Maghreb, en Europe et en Amérique du nord et du sud, et j’ai donc pu

vivre l’expérience d’étranger dans un nouveau pays. Pourtant, on ne m’a jamais traité d’

« immigrée » – en tant qu’européenne et de diplomate j’avais le droit au titre prestigieux

d’ « expatriée ». L’accueil chaleureux que j’ai reçu – ainsi que cette distinction entre les

hiérarchies d’étrangers – m’a fasciné et m’a incité à entamer ce travail.

Du plus, du côté professionnel, la question de l’immigration reste très importante au

plan national et international. L’immigration et le système de visa est clef pour la

diplomatie, et l’équilibre entre la protection des frontières et l’accueil des migrants de

« haute valeur » demeure un défis incontournable pour nos deux gouvernements.

3. La problématique et les hypothèses

Dans ce travail j’examinerai les discours politiques des acteurs les plus importants de la

France et du Royaume Uni – c’est-à-dire les chefs de gouvernement et les ministres de

l’intérieur – entre 2012 et 2014, ainsi que la réaction des médias dans les deux pays,

afin de mieux comprendre les différences et les similitudes. Je réaliserai une analyse

6 Pour une comparaison intéressante entre le traitement des irlandais aux années 1970 et le traitement des musulmans au 21e siècle, voir « Suspect Communities? Counter-terrorism policy, the press, and the impact on Irish and Muslim communities in Britain » du London Metropolitan University, juillet 2011

Page 6: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

6 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

thématique, plutôt que linguistique, vu mon expérience et intérêt politique. Ceci dit, les

chevauchements entre les deux approches font qu’il y aura des éléments linguistiques

dans l’analyse que l’on ne puisse pas ignorer.

Suite à une première recherche et une lecture initiale du sujet, j’ai pu identifier deux

hypothèses à considérer dans ce travail :

I – Les différences historiques entre la France et le Royaume Uni

établissent les contextes en chaque pays, et mènent aux discours politiques

différents et à un traitement différent dans les médias

II – Malgré ces différences entre la France et le Royaume Uni, le fond du

discours politique, ainsi que les réactions médiatiques dans les deux pays,

ne sont pas diamétralement opposés.

Dans ce travail je traiterai ces deux hypothèses, et j’offrirai quelques conclusions.

4. La méthodologie utilisée

Vu l’importance des sources originaux dans cette recherche (les discours politiques

ainsi que les articles médiatiques) j’entamerai une observation directe et une analyse

thématique des documents.

Pour les discours politiques, je considérerai deux discours récents de chaque pays : un

discours de l’individu le plus haut placé dans le gouvernement (c’est-à-dire le Président

de la République en France et le Premier Ministre au Royaume Uni), et un discours de

chaque ministre de l’intérieur (connu sous le titre de Home Secretary au Royaume Uni).

Les quatre discours, qui se trouvent en Annexe, sont les suivants :

Président François Hollande, Discours d'inauguration du Musée de l'histoire de

l'immigration, au Musée de l’histoire de l’immigration, le 15 décembre 2014 ;

Ministre de l’Intérieur Manuel Valls, Intervention lors du lancement de la

concertation nationale sur la réforme de l’asile, Place Beauvau, le 15 juillet 2012 ;

Premier Ministre David Cameron, Immigration and the European Union, au Siege

de JCB, Staffordshire, le 28 novembre 2014 ;

Ministre de l’Intérieur Theresa May, An immigration system that works in the

national interest au siège de Policy Exchange, le 12 décembre 2012 ;

Page 7: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

7 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Du côté médiatique, le corpus consiste en tous les articles pertinents de trois journaux

de chaque pays publiés pendant les trois jours autour du discours. Les journaux sont :

France : Le Monde, Le Figaro, Libération

Royaume Uni : The Times, The Mail, The Guardian

Une méthodologie détaillée se trouve en Annexe.

A savoir, vu que la moitié des sources sont en anglais, j’ai dû faire des traductions pour

les citations. Toutes les traductions sont les miennes, et là où il serait nécessaire, j’offre

une note explicative en bas du page.

5. Le plan

En première partie j’exposerai le contexte du travail. Du côté historique, je étalerai une

brève histoire de l’immigration en France et au Royaume Uni, qui démontre les racines

internationales des deux pays, ainsi que les vagues les plus importants des nouveaux

arrivés et l’influence du colonialisme. Ensuite je considérerai la situation actuelle, les

rôles et les contributions des immigrés, et les politiques de l’immigration des

gouvernements successifs français et britanniques. Enfin j’offrirai un regard sur les

relations entre les médias et l’immigration, et leur rôle d’influence sur l’opinion

publique.

En deuxième partie j’examinerai la première hypothèse. J’expliquerai comment les

expériences historiques et surtout coloniales des deux pays ont créé la fondation de

leurs attitudes envers l’immigration et les immigrés – notamment la distinction entre

les valeurs républicaines en France et une vision économique au Royaume Uni.

En troisième partie j’examinerai la deuxième hypothèse. J’étalerai les chevauchements

qui existent dans les discours, ainsi que les changements des positions traditionnelles.

Ensuite je démonterai que le contexte global et les pressions communes mènent aux

politiques partagées dans les deux pays.

Pour conclure, je rassemblerai les analyses afin d’offrir quelques conclusions sur le

sujet.

Un tableau des annexes se trouve à la fin.

Page 8: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

8 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

PARTIE I :

HISTORIQUE ET CONTEXTE

Page 9: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

9 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

HISTORIQUE ET CONTEXTE

A) Les termes et le langage

Avant de aborder l’histoire de l’immigration en France et au Royaume uni, il faudrait

d’abord considérer les termes et le langage utilisé. Les linguistes nous confirment que le

choix des mots compte dans tout contexte ; ceci n’est jamais plus pertinent que dans le

discours sur l’immigration. Comme j’ai déjà souligné, il existe des différences

importantes entre les termes « immigré » et « expatrié » - bien que les deux termes

désignent un individu qui habite un pays qui n’est pas son pays d’origine, la valeur

sociale des deux termes n’est pas pareille. Les expatriés sont souvent associés à l’élite, à

la richesse, et aux secteurs de travail les plus qualifiés. Leur présence est souvent

considérée un atout pour un pays, qu’il soit en voie de développement ou bien parmi les

pays les plus riches. Les immigrés, par contre, sont plutôt associés aux communautés les

plus pauvres et les emplois les moins payés. Cette distinction est évidente dans les pays

du Golfe, où on divise les non-citoyens entre les « travailleurs immigrés » en provenance

du Pakistan et de Bangladesh qui travaillent dans la construction et le secteur des

services d’un côté, et les « expatriés » européens et américains qui travaillent dans

l’informatique et les finances de l’autre. Pendant que les premiers vivent souvent dans

les bidonvilles où des conditions inhumaines avec très peu de droits légaux, ces derniers

habitent des villas et jouissent d’une qualité de vie inconnue dans leurs pays d’origine.7

Vu que l’application des deux termes soit plutôt subjectif, on pourrait constater qu’il

existe un certain racisme dans la décision de qui jouit du titre prestigieux de « expatrié »

et qui, par contre, doit accepter le label d’ « immigré ».8

De plus, il existe une manque de clarté dans la définition d’un « immigré ». Les médias –

et surtout celles de l’extrême droit - ont des fois tendance à parler des immigrés en

incluant tous ceux qui sont issus de l’immigration. Or, ce geste est subjectif, car les

enfants des italiens ou d’autres européens arrivés en France au début du XXe siècle sont

rarement traités d’ « immigrés ». Pourtant, les descendants des algériens qui sont

7 Human Rights Watch I already bought you: Abuse and Exploitation of Female Migrant Domestic Workers in the United Arab Emirates, HRW, 22 octobre 2014 8 KOUTONIN Mawuna Remarque, Why are white people ex-pats while the rest of us are immigrants? Dans The Guardian, 13 mars 2015

Page 10: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

10 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

installés en France depuis plusieurs générations se sont souvent enlisés du terme.

Encore une fois, le côté ethnique des termes est évident.

De plus, il y a une différence importante entre les termes « migrant », « émigré » et

« immigré ». On Europe on parle surtout de l’immigré : un étranger qui est venu

s’installer en Europe pour un temps court ou bien pour toujours. Or ce terme ignore

deux éléments clefs : Premièrement, ce terme considère l’individu dans le seul contexte

de son arrivé en Europe, et ignore son pays d’origine, et l’impact qui pourrait y avoir son

départ. Vu que ces individus sont souvent (mais pas toujours) parmi les plus éduqué de

leurs pays, leur départ pour l’Europe mène à un « brain drain », ou la fuite des cerveaux,

des pays en voie de développement. Ce phénomène menace le développement

économique, politique et social de ces pays.9 De l’autre côté, il ne faut pas oublier les

fonds importants que les immigrés en Europe envoient à leurs pays d’origine. Les

versements effectués par ces personnes dépassent souvent l'aide que nos

gouvernements octroient à ces pays, et donc soutiennent une stabilité dans la région.

Par conséquent, certains experts insistent que le phénomène de l’immigration soit

étudié avec une approche internationale, incluant les dynamiques migratoires, l’impact

sur les sociétés de départ, et les solidarités communautaires entre immigrés.10

Deuxièmement, quand le terme « immigré » est utilisé en France et au Royaume Uni

pour définir les nouveaux arrivés des anciens colonies ou de l’Europe de l’est, on oublie

de prendre en compte le nombre croissant de français et de britanniques qui quittent

leurs pays pour vivre ailleurs (à titre d’exemple, les grandes communautés de

britanniques retraités sur la Costa del Sol, ou bien les français qui travaillent dans la City

à Londres). En effet, ceux qui sont les plus contrariés par le taux d’immigration dans

leurs pays (ou bien par la perception de l’immigration, plutôt que la réalité) sont

souvent des immigrés – ou plutôt des expatriés – eux-mêmes.11

Ne pouvant pas entrer dans cette question linguistique d’une manière profonde, je me

contenterai d’utiliser les termes les plus utilisés dans le discours politiques. Je traiterai

9 COLLIER Paul, (2013) Exodus. How Migration is Changing our World, Oxford, Oxford University Press, Part 4 10 RICHARD Jean-Luc, Migrations, intégration : regard sur la recherche française contemporaine, dans POINSOT & WEBER (2014), Migrations et mutations de la société française ; l’état des savoirs, La Découverte, Paris, chapitre 3 11 DAWBER Alistair, Beware of immigration say the British ex-pats enjoying sunny Spain dans The Independent du 10 avril 2015

Page 11: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

11 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

donc « l’immigration » et « l’immigré » tout en reconnaissant les imperfections des

termes.

B) L’histoire de l’immigration en France et au Royaume Uni

Afin de pouvoir comprendre la situation aujourd’hui il faut rappeler le contexte

historique.

i) La France est un pays d’immigration

Avec un regard très bref à l’arrière, on peut constater que l’histoire de la France est

l’histoire de l’immigration, et que la terre de la France a toujours été peuplée par des

étrangers. Il y a quelques millénaires, trois grands courants de civilisation agricole et

pastorale se sont installés dans l’Hexagone, notamment en provenance de Corse et de

Toscane, de l’Asie mineure, et du Portugal.12 Plus tard, les descendants d’envahisseurs

germaniques sont arrivés, les Celtes sont venus de l’Est, et - bien sûr - les Romains se

sont installés dans l’Hexagone - et tout cela avant le traité de Verdun en 843. On peut

donc se demander combien d’authentiques « Francs » existaient dans le territoire lors

du 10e siècle.13

Pendant le Moyen Age, un certain esprit de tolérance envers les étrangers, au moins

civile, existait notamment dans les couches les plus élevées de la société française. »14

D’où les mariages transfrontaliers des familles royales et banquières. De plus, les

armées du roi étaient longtemps peuplées par des étrangers, et même les compagnons

de Jeanne d’Arc comptaient bon nombre de ce que nous appellerions aujourd’hui des

Belges, des Allemands, des Suisses, des Italiens, des Espagnols, « et même des soudards

qui avaient traversé le Channel. »15 En gros, « les Français d’aujourd’hui, souvent si

orgueilleux de leurs racines, sont tous issus d’une multitude de peuples qui se sont

mêlés aussi souvent qu’entr’égorgés. »16

12 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), Histoire des étrangers et de l’immigration en France, Larousse, p7 13 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), Histoire des étrangers et de l’immigration en France, Larousse, p9 14 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), p11 15 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), p12 16 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), p13

Page 12: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

12 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Or, bien que la France se jouissent d’une forte diversité durant des siècles, une identité

française est apparu dans le XVIIIe siècle,17 et la Révolution a concrétisé l’idée de « la

Nation » et d’une « patrie » qu’il fallait défendre. Durant cette période on peut

constater :

L’étranger, c’était tout ce qui se trouvait en dehors de cette nouvelle patrie et de

cette nouvelle nation. A ce moment apparut, en un premier temps, notre actuelle

conception de la France et de l’étranger.18

De plus, les guerres contre l’Europe qui suivaient la Révolution ont joué un rôle dans la

création de l’image de l’étranger en tant que l’ennemi.19 Pourtant, les étrangers

continuent d’arriver en France au long du XVIIIe et du XIXe siècle et de jouer un rôle clef.

Les banquiers suisses, les marchands grecques, ainsi que les entrepreneurs anglais ont

été tous importants dans le développement économique de la France moderne.20

Afin de régler la question de « l’immigré », la France prend l’approche – plutôt unique

parmi ces voisins européens – d’en légiférer pour leur accorder un état civil. Ainsi, la loi

de 1889 a créé « la naissance de l’immigré en tant que catégorie administrative ».21 On

peut donc constater que, depuis un siècle et demi, le concept français de nationalité

privilégie le lien civique sur la communauté de sang.

Suite à la révolution industrielle, et la montée d’un besoin de main d’œuvre, la France a

connu sa première vague d’entrées massives d’étrangers ressentis comme tels. Au

début, l’immigration était spontanée, mais à la fin du 19e siècle, en reconnaissant le

besoin, le gouvernement français a signé des accords de main d’œuvre avec les voisins

de l’Europe du sud.22 L’arrivée des travailleurs immigrés pendant cette période a

précipité des graves problèmes, principalement psychologiques, chez les français.23 Le

17 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), p8 18 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), p8 19 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), p12 20 RYGIEL Pierre, Les migrations étrangères en France : une histoire européenne, dans POINSOT & WEBER (2014), Migrations et mutations de la société française ; l’état des savoirs, La Découverte, Paris, chapitre 1 21RYGIEL Pierre, dans POINSOT & WEBER (2014), Migrations et mutations de la société française ; l’état des savoirs, La Découverte, Paris, chapitre 1 22 WIHTOL DE WENDEN Catherine, La question migratoire dans les relations internationales de la France, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 6 23 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), p8

Page 13: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

13 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

nouveau regard envers l’étranger était celui des intolérances plutôt que de la

générosité.24

Il convient de noter que la présence des étrangers en France représentait un enjeu dans

les relations diplomatiques avec leurs pays d’origine.25 A titre d’exemple, l’accueil des

réfugiés représentait souvent une façon de marquer la désapprobation à l’égard du

gouvernement, comme c’était le cas plus tard avec ceux qui fuyaient l’Union

soviétique.26

ii) Le Royaume Uni a également des racines internationales

De l’autre côté de la Manche, l’histoire ne varie que très peu. La préhistoire des îles

britanniques compte les invasions des celtes, des romans, des anglo-saxons et des

vikings, et chacun a laissé ses influences dans la langue, la culture et le comportement

du pays. Le commerce, longtemps centrale à l’économie du royaume, a engendré

l’arrivée des commerçants et des négociants de chaque coin du monde. On constate

également des vagues de migration en provenance de l’autre côté de la manche depuis

l’ère de la conquête normande du 11e siècle, notamment l’arrivée des Huguenots

pendant le 17e siècle, et, bien sûr, ceux qui fuyaient les Nazis au XXe siècle.

Dans l’histoire moderne britannique on constate le développement d’un concept de « la

nation » lors du XVIIIe siècle, qui s’est établi dans la conscience collective (avec un fort

soutien de l’Etat) pendant le 19e siècle et l’extension de l’empire.27 Comme en France, le

concept émerge d’un étranger « menaçant », nourri par les guerres des XVIIIe et XIXe

siècles.

iii) Le colonialisme et le début du XXe siècle

Malgré la suspicion croissante des étrangers, ils continuaient de jouaient un rôle clef à

travers l’Europe au début du XXe siècle. Le gouvernement français recrutait activement

les travailleurs étrangers pendant cette période. Après la Guerre de 1914-18 les

immigrés étaient engagés dans la reconstruction de la France, et ont ainsi contribué à sa

24 GOUBERT Pierre, dans LEQUIN Yves (2006), p13 25 WIHTOL DE WENDEN Catherine, La question migratoire dans les relations internationales de la France, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 6 26 WIHTOL DE WENDEN Catherine, La question migratoire dans les relations internationales de la France, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 6 27 ANDERSON Benedict (2006), Imagined Communities: Reflections on the origin and spread of nationalism, Verso books, chapitres 3 & 8

Page 14: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

14 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

croissance économique. En 1931 les immigrés représentaient environ 7% de la

population de la République.28

Or, au début du XXe siècle, les immigrés en Europe – ainsi que des groupes ethniques

minoritaires présents depuis des siècles, tels que les juifs et les Roms – ne trouvaient

pas un accueil chaleureux. Au tournant du siècle on constate une montée de

l’antisémitisme des deux côtés de la Manche, incarné en France par Les Ligues, et en

Royaume Uni par le British Union of Fascists de Ostwald Mosely.29 Malgré des

différences importantes entre les expériences de la Guerre (i.e. l’occupation des Nazis en

France et le bombardement du Blitz en Royaume Uni), une tension envers les minorités

existait dans les deux pays durant cette période. Sous le régime de Vichy la xénophobie

et l’antisémitisme ont augmenté ; il est donc peu surprenant que les migrants se soient

activement engagés dans la résistance.30

Il faut noter bien sûr, le traitement de ses citoyens juifs sous le gouvernement de Vichy.

Environ 75.000 juifs français étaient déportés en Allemagne et en Pologne, dont la

majorité sont morts. De plus, un camp de concentration a été établi en Alsace, où jusqu’à

20.000 personnes ont été tué, y inclus des juifs, des Roms et d’autres cibles des nazis.

Cet épisode honteux de l’histoire française constitue un ombre qui pèse sur la

conscience française.

Après la Guerre les grands leaders européens – dont De Gaulle et Churchill se trouvaient

au premier rang – se sont déclarés en faveur d’un Europe uni, établi sur les principes

d’égalité et des droits de l’homme. Pourtant, la méfiance des étrangers n’est pas

disparue.

Au niveau national, la France s’est orienté vers une appréhension économique de

l’immigration, en lien directe avec les besoins de l’économie. Et donc on parlait, pendant

très longtemps, des « travailleurs immigrés » car l’on considère que leur présence

28 RYGIEL Pierre, Les migrations étrangères en France : une histoire européenne, dans POINSOT Marie & WEBER Serge (eds) (2014) Migrations et mutations de la société française ; l’état des savoirs, La Découverte, Paris, Chapitre 1 29 LATOUR Vincent (2014), Le Royaume-Uni et la France au test de l’immigration et à l’épreuve de l’intégration: 1930 – 2012, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, p 15 30 RYGIEL Pierre, Les migrations étrangères en France : une histoire européenne, dans POINSOT Marie & WEBER Serge (eds) (2014) Migrations et mutations de la société française ; l’état des savoirs, La Découverte, Paris, Chapitre 1

Page 15: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

15 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

« semblait uniquement légitimée par leur contribution à l’économie nationale ».31 On

constate le retour au droit du sol, et de nouveau les immigrés contribuent massivement

à la reconstruction du pays. C’est à partir des années 1950 qu’on remarque l’arrivée en

masse des maghrébins pour la première fois.32

Il convient de noter que l’arrivée des algériens à cette époque constituait un cas

particulier – vu que l’Algérie était toujours un département français, le développement

et la gestion de l’immigration en provenance du territoire maghrébin représentait une

affaire intérieure.33

Dans la période de l’après-guerre le Royaume Uni, par contraste, s’est orienté vers une

approche politique de l’immigration, « qui allait progressivement se déconnecter des

besoins de main-d’œuvre du pays ».34 Pendant cette période l’immigration s’est entrée

dans le débat politique britannique, et, face à l’hostilité manifestée à l’encontre des

populations d’origine immigrée, les gouvernements de Labour des années 1960 ont

introduit des premières politiques de lutte contre la discrimination raciale. Au même

temps en France, la « loi Debré » de 1964 sur la résorption des bidonvilles voulait

répondre aux réclamations en matière de logement.

iv) La fin du XXe siècle

L’immigration en provenance des anciennes colonies devient une politique « brulante »

pendant les années 1970, aggravée par la guerre en Algérie.35 Pendant la guerre, et

surtout après, les tensions montaient entre les communautés maghrébines et françaises

dans l’hexagone. Les violences ont cumulées avec des « Ratonnades » en été en automne

1973, qui a fait jusqu’à 50 morts et des centaines de blessés parmi la population

algérienne.36 En réaction aux violences souffertes par ces citoyens, le gouvernement

algérien a suspendu en 1973 toute immigration envers la France.

31 LATOUR Vincent (2014), Le Royaume-Uni et la France au test de l’immigration et à l’épreuve de l’intégration: 1930 – 2012, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, p16. 32 RYGIEL Pierre, dans POINSOT Marie & WEBER Serge (eds) (2014), Chapitre 1 33 WIHTOL DE WENDEN Catherine, dans POINSOT Marie & WEBER Serge (eds) (2014), chapitre 6 34 LATOUR Vincent (2014), Le Royaume-Uni et la France au test de l’immigration et à l’épreuve de l’intégration: 1930 – 2012, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, p16 35 RYGIEL Pierre, dans POINSOT Marie & WEBER Serge (eds) (2014), Chapitre 1 36 GASTAUT Yvan, La flambée raciste de 1973 en France, dans la revue européennes des migrations internationales, Volume 9 No 2, 1993, pp61-75

Page 16: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

16 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Pourtant, la France était en train de réviser sa politique d’immigration au même

moment. Face à une montée inédite du chômage, en juillet 1974 le gouvernement de

Valery Giscard d’Estaing a suspendu l’immigration de tous les travailleurs d’un « virage

un à 180 degrés » 37. Un décret du 29 avril 1976 a accepté, néanmoins, le

« regroupement familial », en reconnaissant le droit des travailleurs étrangers d’être

rejoints par leur famille. Une tentative, en 1977, de suspendre ce droit a été rejeté par le

Conseil d’Etat. Pendant des décennies, alors, l’immigration – surtout en provenance des

anciennes colonies – a continué, mais avec un cadence considérablement réduite par

rapport aux trente glorieuses. Après les années 1970 c’était à nouveau le tour des

voisins européens de venir travailler en France, et on constate l’arrivée des européens

du sud pendant cette période (les espagnols 1986-92, les grecques 1981-92).38

C’est pendant cette période qu’on commence à se rendre compte que la plupart des

travailleurs immigrés ne rentreraient pas chez eux, mais avaient plutôt tendance à

s’installer et faire leurs vies en France. D’où l’idée de l’intégration, et le rôle de l’Etat.39

v) Le 21e siècle et la montée de la politique anti-immigration

En France et au Royaume Uni on constate la naissance d’une nouvelle politique

d’immigration au début du 21e siècle. En France, tout accord d’immigration avec un

pays en voie de développement devrait désormais fusionner trois enjeux : du côté de la

France on offre un accord sur l’octroi des visas pour les citoyens les plus qualifiés, et, de

l’autre côté, on garantit l’accueil des « indésirables » (i.e. les criminels, extrémistes, et

sans papiers).40

On peut constater également un durcissement dans le développement des politiques

publiques qui touche à l’immigration. La loi du 24 juillet 2006 réduit les possibilités

d’acquisition de la nationalité, durcit les conditions de regroupement familial, et impose

aux nouveaux arrivants de signe un contrat d’accueil et d’intégration.41

37 LATOUR Vincent (2014), Le Royaume-Uni et la France au test de l’immigration et à l’épreuve de l’intégration: 1930 – 2012, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, p17 38 WIHTOL DE WENDEN Catherine, La question migratoire dans les relations internationales de la France, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 6 39 RYGIEL Pierre, dans POINSOT Marie & WEBER Serge (eds) (2014), Chapitre 1 40 WIHTOL DE WENDEN Catherine, La question migratoire dans les relations internationales de la France, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 6 41 PORTIER Philippe, L’Islam dans la République laïque, dans Philippe Portier, Paris-Sorbonne (p53)

Page 17: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

17 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

C) La situation actuelle

i) Comprendre les chiffres

Il est difficile de calculer le nombre exact d’immigrés en France et en Royaume Uni. Cela

tient en partie au fait qu’il est difficile d’estimer l’immigration irrégulière, que ce soit

des dépassements du séjour autorisé, ou bien les entrées clandestines dans le territoire.

De plus, il n’existe aucune définition de l’immigré qui est universellement acceptée –

est-ce qu’on y inclut seulement ceux qui n’ont pas la citoyenneté du pays dans lequel ils

vivent ? Quelqu’un qui arrive en France à l’âge de deux ans, et vie toute sa vie dans

l’Hexagone, est-il un immigré ? Est-ce que une personne naturalisée reste quand même

un « immigré » à tout jamais ?

Or, malgré ces difficultés pratiques et techniques, on peut quand même estimer le

nombre de non-citoyens dans les deux pays, ainsi que le taux d’immigration actuel.

D’après l’INSEE, environ 85.000 européens viennent s’installer en France chaque année.

De plus, le gouvernement français constate que 200.000 nouveaux titres de séjours sont

délivrés chaque année pour les ressortissants non-européens.42 Mais en vérité, les

calculs sont encore plus complexes. Si on multiplie 200.000 par dix, on arrive à une

chiffre de 2 million – mais ceci ne représente pas le taux net des nouveaux immigrés de

la dernière décennie, car il ne prend pas en compte ni ceux qui partent, ni ceux qui

décèdent. Les experts estiment que la moitié des nouveaux arrivés ne sont plus en

France, ce qui ferait donc un taux net de l’immigration entre 2004 et 2014 d’environ 1

million.43

Le Royaume Uni a connu un taux d’immigration net très élevé au début du siècle, avec

une pique en 2005 de 320.000 personnes.44 En 2013 le taux s’est réduit jusqu’à

210.000, mais les dernières statistiques de 2014 démontre une hausse considérable á

298.000.45 Parmi les 624.000 personnes qui sont arrivés en 2014, 251.000 sont des

citoyens de l’Union européenne, pendant que 292.000 sont issues des pays non-

42 HERAN François, p.2 43 HERAN François, p.3 44 Migration Statistics Quarterly Report, February 2015 publié sur le siteweb du Office of National Statistics, 26 février 2015 45 Migration Statistics Quarterly Report, February 2015 publié sur le siteweb du Office of National Statistics, 26 février 2015

Page 18: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

18 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

européens. Il est à noter que parmi ces chiffres on trouve 82.000 citoyens britanniques

qui ont « immigrés » ou retourner au Royaume Uni.

D’après les derniers chiffres, il y avait 7.1 million immigré au Royaume Uni en 2011, ce

qui correspond à 11,9% de la population.46

Le gouvernement français a tenté de calculer le nombre de clandestins en France en

s’appuyant sur les chiffres de la population éligible à l’Aide médicale d’Etat (AME).

Pourtant, cette estimation n’est pas exacte, car cette Aide n’est pas utilisée par tous les

migrants clandestins, et ceux qui l’utilisent ne sont pas tous des migrants clandestins.

Or, INED estime qu’il y a environ 500.000 personnes clandestines en France, c’est-à-dire

6-10% de tous les migrants actuellement en France, soit moins de 1% de la population

de la France.47

Quant à la fécondité de migrants et la croissance démographique, en France on constate

que la naissance des enfants d’immigrés est beaucoup plus importante que le taux des

nouveaux arrivés – il y a 2,9 fois plus de naissances chez les immigrés que d’entrées de

migrants en France par an. Ceci compare à une différence de seulement 1,4 fois en

Royaume Uni.

En France, avant la suspension de la migration de travail en 1972, la migration

représentait presque la moitié de la croissance de la population, mais aujourd’hui elle

est beaucoup moins importante, et compte seulement pour un quart de la croissance

générale de la population.48

Par contre au Royaume Uni la migration contribue à 55% de la croissance

démographique. En gros, ces chiffres nous attestent d’une grande différence entre les

deux pays : bien que la fécondité des immigrés en France soit plus importante que les

immigrés au Royaume Uni, la contribution de la migration globale à la croissance

démographique est plus importante au Royaume Uni qu’en France. On constate donc

plus de grandes familles parmi les immigrés en France, pendant qu’au Royaume Uni on

constate plus d’immigrés en général, mais souvent sans familles.49 Ceci reflète les

46 Office of National Statistics, Immigration Patterns of Non-UK Born Populations in England and Wales in 2011, du 17 décembre 2013 47 HERAN François, L’immigration en France: des chiffres en débat, dans Les Cahiers français, No 385, mars-avril 2015, p 7 48 HERAN, François, p5 49 HERAN François, p6

Page 19: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

19 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

changements de politiques de l’immigration ces dernières années dans les deux pays,

notamment l’importance du regroupement familiale en France, ce qui contraste avec

l’arrivée des jeunes travailleurs au Royaume Uni.

Le premier motif d’entrée des non-européens en France depuis l’an 2000 est le

regroupement familial et le mariage, avec également un nombre important

d’étudiants.50

ii) Qui sont ces immigré et que font-ils ?

D’après l’INSEE, les maghrébins constituent toujours le nombre le plus important des

immigrés en France, avec les chiffres suivantes :

Algériens : 713.334

Marocains : 653.826

Tunisiens : 234.669

Totale : 1.601.82951

En plus, on compte au moins 455.000 personnes qui sont issues de l’immigration

maghrébine,52 dont la plupart sont des citoyens français.

Pourtant, l’image populaire de l’immigré en France n’est pas à jour, surtout par rapport

à l’immigré maghrébin. Aujourd’hui le niveau d’éducation chez les nouveaux arrivés est

plus élevé, il a y plus de femmes et des familles et beaucoup moins de jeunes célibataires

qu’avant.53 De plus, les femmes et les enfants affichent plus souvent leur attachement à

la société française, et la plupart des jeunes français d’origine maghrébine affirment leur

appartenance conjointe à la société française et au pays de leurs origines. Pourtant, la

présence des maghrébins devient de plus en plus prononcée, avec par exemple des

magasins et des mosquées. Pour certains, cette visibilité atteste d’une intégration dans

le paysage français. Pourtant, on ne peut pas constater une « banalisation » qui rendrait

50 HAMMOUCHE Abdelhafid, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 10 51 Les chiffres de l’INSEE de 2008, dans HAMMOUCHE Abdelhafid, Les migrations en provenance du Maghreb : un renouvellement des regards, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 10 52 HAMMOUCHE Abdelhafid, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 10 53 Les chiffres de l’INSEE de 2008, dans HAMMOUCHE Abdelhafid, Les migrations en provenance du Maghreb : un renouvellement des regards, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 10

Page 20: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

20 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

de tels phénomènes invisibles ; au contraire, on témoigne des réactions agressives,

même des fois violent.54

Au Royaume Uni la grande majorité des immigrés vient des anciennes colonies

britanniques55 et des membres du Commonwealth :

L’inde - 729.000

Le Pakistan – 465.000

La République d’Irlande 403.000

Bangladesh – 234.000

Pourtant, les dernières recherches démontrent que la majorité d’immigrés se

considèrent « britannique » ou affirme une loyauté au Royaume Uni.

iii) Comprendre la politique publique de l’immigration des gouvernements

français et britanniques

Pendant très longtemps le gouvernement français ne s’occupait que du côté pratique

des immigrés – leur arrivé, leur départ, leur situation légal dans le pays. L’office national

d’immigration assumait la responsabilité de leur installation en France, mais pour tous

leurs besoins personnels, sociaux, psychologiques et religieux les immigrés tournaient

vers des associations caritatives, par exemple le Service social d’aide aux émigrant à

partir de 1926 (plus tard connu sous le nom « Soutien, solidarité et actions en faveur

des émigrants »), et la Cimade à partir de 1940.56

A partir des années 1970 le gouvernement français a commencé à institutionnaliser

l’accueil des immigrés et à développer une politique d’intégration : d’abord

l’établissement des classes d’accueil, et en 1989 la création la Haut Conseil à

l’intégration. En 2002 on constate une refondation de la politique de l’intégration et la

création de l’ANAEM (l’Agence national de l’accueil des étrange et des migrations). Une

nouvelle politique publique contractuelle et obligatoire a émergé avec la création du CAI

54 HAMMOUCHE Abdelhafid, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 10 55 Chiffres du Office of National statistics, Population by Country of Birth and Nationality Report, August 2012, publié sur le site web du Office of National Statistics, 30 aout 2012 56 POINSOT Marie, L’accueil des migrants: une politique publique en structuration, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 15

Page 21: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

21 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

- Contrat d’accueil et d’intégration. Désormais l’immigré doit signer un contrat en

arrivant en France, qui fixe les conditions d’accès aux droits.57

Pendant les dernières décennies du XXe siècle on constate également un changement

dans la politique de l’asile en France. Les règles sont ajustées à maintes reprises et

finalement le taux d’acceptation de demandes d’asile passe de 80% en 1970 à 20% en

2000.58

Au Royaume Uni on constate également un changement de politique de l’immigration

ces dernières années, surtout une décision de prioriser les immigrés les plus qualifiés

sur ceux à faible niveau de compétences.59

De plus, le 21e siècle a témoigné de l’accent mis sur l’intégration pour la première fois au

Royaume Uni. En 2001 un rapport pour le Ministère de l’intérieur par un groupe de

parlementaires a constaté qu’il fallait établir un « sentiment de citoyenneté beaucoup

plus grand » chez les immigrés, basé sur les valeurs partagées.60 Ce rapport a dirigé le

gouvernement vers une série d’actions pour faciliter (ou bien obliger) l’intégration des

nouveaux arrivés. Un conseil consultatif sur « La vie au Royaume Uni » a été établi en

2002 et en 2005 le gouvernement a introduit pour la première fois une épreuve écrite

pour ceux qui souhaitaient devenir citoyen Britannique. Communément appelé « test de

citoyenneté » plus qu’un million de personnes ont passé l’épreuve à choix multiples

dans la dernière décennie sur l’histoire, la culture et la vie civique au Royaume Uni, et

environ 180,000 personnes le font chaque année. Bien que l’opinion publique soit

largement en faveur de cette politique, le test a quand même souffert de vives critiques

pour son contenu – notamment le niveau de difficulté des questions, et le fait que la

plupart des citoyens britanniques ne connaissent pas les bonnes réponses.

57 POINSOT Marie, L’accueil des migrants: une politique publique en structuration, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 15 58 POINSOT Marie, dans POINSOT & WEBER (2014), chapitre 15 59 Rapport : Highly Skilled Migration to the UK 2007-2013: Policy Changes, Financial Crises and a Possible ‘Balloon Effect’? Migration Observatory, University of Oxford, juillet 2014 60 DENHAM John, MP (chair) Building Cohesive Communities: A Report of the Ministerial Group on Public Order and Community Cohesion (connu sous le nom “The Denham Report”)

Page 22: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

22 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

D) L’immigration et les médias

Comme exposé en introduction, les médias s’intéressent énormément au sujet de

l’immigration. On peut identifier des tendances qui existent dans tous les médias en

France et au Royaume Uni – ainsi qu’à travers l’Europe de l’ouest – et des divisions qui

sont basées sur l’appartenance politique où la qualité du journalisme.

i) Les grandes tendances anti-immigrées

Depuis plusieurs années les médias européens (ainsi que d’autres pays développés)

démontre un appétit insatiable pour les histoires liées à l’immigration. Le langage utilisé

dans le traitement de l’immigration et des immigrés a d’importantes implications dans

le développement des politiques publiques et dans l’opinion publique. Dans une

recherche très large du Migration Observatory à l’Université de Oxford, des chercheurs

ont examiné plus de 58.000 articles dans 20 journaux nationaux britanniques pendant

une période de trois ans (2010-2012) afin d’analyser le portrait des « immigrés », des

« migrants », des « chercheurs d’asile » et des « refugiés ». Le rapport de cette recherche

souligne certaines similarités entre tous les journaux, c’est-à-dire les journaux de

qualité – les broadsheets – ainsi que la presse à scandale – les tabloïdes. Par exemple, le

descripteur le plus commun pour décrire les immigrés dans tous les journaux était

« illégal », pendant qu’on parlait souvent des migrants « qualifiés ».61 Pour les

chercheurs d’asile, tous les journaux parlaient surtout des « failed asylum seekers »

(« demandeurs d’asile déboutés »).

De plus, la recherche a découvert que les journaux de toute qualité utilisent souvent un

vocabulaire des chiffres (ex. « des milliers » et « des millions »), un discours de sécurité

et de légalité (ex. « terroriste » et « suspect ») et un langage de vulnérabilité (ex.

« démunie » et « vulnérable »).

Il est intéressant à noter des changements dans la couverture médiatique en 2012, par

rapport aux deux années précédentes. Premièrement, on note une augmentation

considérable de la fréquence des mots « bulgares » et « roumains » - ce qui coïncide avec

proclamation de l’ouverture des frontières britanniques aux citoyens de ces nouveaux

Etats-membres de l’Union européenne à partir du 1 janvier 2014. Ensuite, on constate

61 Migration in the news: Portrayals of Immigrants, Migrants, Asylum Seekers and Refugees in National British

Newspapers, 2010-2012, Migration Observatory, University of Oxford, Aout 2013

Page 23: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

23 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

une augmentation significative des références aux étudiants étrangers. Ceci est sans

doute lié à la décision du gouvernement britannique de changer des procédures

d’accord de visa d’étudiant, et le fait que certaines universités ont étaient sévèrement

pénalisées pour leur non-conformité. Ceci démontre que la politique et les actions du

gouvernement ont un effet important sur le discours dans les médias, et le focus du

débat public.

Bien qu’il n’existe pas une telle recherche sur l’immigration dans les journaux français

de la même période, plusieurs indicateurs démontrent un phénomène qui traverse le

continent. Une recherche entamée par plusieurs associations réputées en 2012 a

découvert qu’à travers l’Europe la couverture médiatique fait preuve d’une manière

systématique des stéréotypes négatifs, des généralisations et d’un langage dérogatoire

quand il s’agissait des minorités ethniques et religieuses.62

En France, les relations entre les médias et l’immigration restent tendues. En 1988 le

journaliste Robert Solé au Monde a déclaré :

« On a tendance à ne parler des immigrés que sous l'angle du fait divers ou du

misérabilisme, à ne les voir que comme des agresseurs ou des victimes »63

La situation d’aujourd’hui n’a guère changé. De plus, une histoire sur l’immigration peut

assurer de bons chiffres de vente :

Emouvant quand il meurt dans un naufrage, inquiétant lorsqu’il perturbe l’ordre

public, l’étranger dope toujours l’Audimat64

ii) Les perspectives des tabloïds et l’influence des appartenances politiques

Malgré les tendances quasi-universelles dans la couverture médiatiques sur la question

de l’immigration, on peut constater des différences importantes entre les journaux. Au

Royaume Uni les journaux sont polarisés par des divisions politiques droite-gauche.

Entre les broadsheets on peut constater des divisions entre The Guardian, de gauche, qui

62 RUPAR Verica et al (2012) Getting the Facts right: Reporting ethnicity & religion; A study of media coverage of ethnicity & religion in Denmark, France, Germany, Greece, Hungary, Italy, Lithuania, Slovakia and the United Kingdom, par la Fédération Internationale des Journalistes, The European Federation of journalists, Media Diversity Institute et Article 19 63 Robert Solé (entretien avec Jacqueline Costa-Lascoux), Le journaliste et l'immigration, Revue européenne des migrations internationales, vol. 4, nos 1-2, Paris, 1er semestre 1988, cité dans BENSON Rodney, Quarante ans d’immigration dans les médias en France et aux Etats-Unis, dans Le Monde Diplomatique, mai 2015 64 BENSON Rodney, Quarante ans d’immigration dans les médias en France et aux Etats-Unis, dans Le Monde Diplomatique, mai 2015

Page 24: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

24 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

fête les bénéfices de l’immigration et défendes les victimes de discrimination,65 et The

Telegraph, de droite, qui critique vivement le taux d’immigration en Royaume Uni, avec

un page de son site web dédié aux histoires liées à l’immigration.66 Du côté tabloïdes,

The Express n’est pas gêné de parler d’ « invasion » de migrants »67 , pendant que The

Sun utilise un vocabulaire souvent choquant en parlant des immigrés, tel que

« tapeurs » et « parasites »68.

Ces différences ont été confirmées par la recherche du Migration Observatory. De plus,

leur recherche a démontré que les tabloïdes utilisaient plus souvent un vocabulaire lié à

l’emploi, en faisant souvent référence aux « boulots » et aux « aides ».69

65 A titre d’exemple, The Guardian a publié quatre articles (1, 2, 3 et 4) sur la contribution économique des immigrés européens le 5 novembre 2014. 66 http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/immigration/ 67 We must stop the migrant invasion, dans The Express, du 6 juin 2013 68 Tabloid treatment of asylum seekers under fire dans The Guardian 7 juin 2010 69 Migration in the news: Portrayals of Immigrants, Migrants, Asylum Seekers and Refugees in National British Newspapers, 2010-2012, Migration Observatory, University of Oxford, Aout 2013

Page 25: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

25 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

PARTIE II :

PREMIERE HYPOTHESE

Page 26: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

26 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Hypothèse I – les différences historiques entre la France et le Royaume Uni

établissent les contextes en chaque pays, et mènent aux discours politiques

différents et à un traitement différent dans les médias

A) La France jouit d’une vision culturelle des valeurs, pendant que le Royaume

Uni jouit des priorités mercantiles et pragmatiques

Les histoires des deux pays sont très proches, mais certaines différences particulières

résonnent dans les approches d’aujourd’hui.

i) Un colonialisme mercantile vs. un colonialisme « civilisateur »

Le Royaume Uni, berceau de la révolution industrielle, est connu depuis toujours pour

sa force économique et sa puissance en commerce internationale. Du XVIIIe siècle

jusqu’aux années 1950 l’Empire britannique constituait la plus grande entité politique

dans le monde entier. Les territoires de l’Empire incluaient des petites iles jusqu’aux

grands masses terrestres à travers les continents – ce qui a mené à l’expression

« l'empire britannique était un empire où le soleil ne se couchait jamais ». L’Empire

britannique a laissé sa marque sur le monde, au point où un historien a proclamé

que ses héritages sont « intimement liés au tissu du monde moderne »70 - que ce soit

dans les domaines de batailles navales, de l’infrastructure, et de l’administration. Mais

cette Empire est surtout connue pour la richesse économique qu’elle a créé pour le

gouvernement britannique.

L’Empire britannique était, avant tout, une zone de commerce interterritoriale. La

« première » Empire britannique était un système mercantile protectionniste fondé sur

la règlementation et la commerce des produits de bases. La « second Empire » était

industrialiste, fondée sur les principes du libre-échange et de la création de nouveaux

marchés.71 A la base de l’Empire britannique, en toutes époques, était donc le

développement économique.

La France, par contre, a tenu une approche différente au colonialisme. Les gains

économiques importaient, certes, et l’expansion des colonies étaient énormément

70 JACKSON Ashley (2013), The British Empire: A very short introduction Oxford University Press, Oxford, p3 71 JACKSON Ashley (2013), The British Empire: A very short introduction Oxford University Press, Oxford, chapitre 2.

Page 27: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

27 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

rentables pour les caisses du gouvernement français. De plus, le premier intérêt de

l’expansion impérialiste était le nationalisme:

La première impulsion de l’expansion impériale de la fin du XIXe et du XXe siècle fut

d’un caractère nationaliste.72

Pourtant, la France, fondée sur les valeurs républicaines et le concept de l’universalité

de ses valeurs, tenait aux principes de liberté, égalité et fraternité. Dans le but de

promouvoir ces valeurs à travers le monde entier, les colonialistes français suivaient

également une « mission civilisatrice » dans les colonies.73

ii) La laïcité au cœur des valeurs républicaines

Ancré dans les principes républicains depuis le XVIIIe siècle, et encadré dans la

législation française par une loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la

laïcité est un principe qui affirme la neutralité de l’Etat en distinguant le pouvoir

politique des organisations religieuses. Au même temps la laïcité garantit la liberté de

culte ainsi que la liberté de conscience. Pour la plupart des Français, le principe de la

laïcité construit l’égalité républicaine, et elle constitue une référence dans tout débat sur

les religions et la sphère publique.

Quoiqu’il s’agisse d’un principe très ancien, la laïcité reste un concept contemporain, et

s’est trouvé au cœur du débat de l’immigration ces dernières années. Depuis l’affaire du

foulard de 1989, quand trois jeunes collégiennes se sont renvoyés d’un collège à Creil

dans l’Oise suite à leur refus d’enlever le voile islamique, l’immigration – et surtout les

immigrés de religion musulmane – est intrinsèquement liée à la défense de la laïcité et

les atteintes à ce principe sacré. Les gouvernements successifs (de droite ainsi que de

gauche) ont réalisé une série de mesures afin de renforcer le principe de la laïcité et de

repousser la démonstration d’affiliation religieuse à la sphère privée – de la prohibition

des signes religieuses « ostentatoires » dans les institutions publiques, jusqu’à la loi

interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public de 2010, qui visait surtout les

femmes musulmanes qui porteraient le niqab ou burqa islamique. Tellement est forte

l’association entre les immigrés, ou les enfants des immigrés, et les atteintes à la laïcité,

72 BURROWS Matthew, « Mission civilisatrice » : French cultural policy in the Middle East 1860 – 1914 dans The

Historical Journal, 29, 1, p109 73 CONSTANTINI Dino (2008) Mission civilisatrice: le rôle de l’histoire colonial dans la construction de l’identité politique française, Editions La Découverte, Paris

Page 28: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

28 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

que le ministre de l’éducation a déclaré en 2013 que la nouvelle charte de la laïcité de

devrait pas tourner à « l'obsession de l'islam ».74

Malgré cette pression sur les adhérents musulmans de cacher leur appartenance

religieux dans la sphère publique – ou bien peut-être en réaction à cette même pression

– on constate une affirmation religieuse de plus en plus présente en France. Les femmes

continuent à porter le voile islamique – même si elles l’enlèvent devant la porte de

l’école ou du bureau - et même des vêtements plus conservateurs, tels que le djilbab ou

le chador. De leur part, les hommes musulmans démontrent leur affiliation religieuse

avec des barbes ou bien des habilles traditionnelles des pays musulmans, tel que le

djélaba. Pour certain chercheurs, ce phénomène relève d’une manière de se définir

socialement, plus qu’une quête existentielle de spiritualité – un « Islam identitaire ».75

Ceci n’est pas un phénomène unique à la population musulmane : dans la communauté

juive en France on constate également une hausse dans la pratique ainsi que l’identité

religieuse au cours des dernières décennies.76

Un autre élément clef dans l’identité nationale est la considération des racines des

immigrés, et le respect de la différence.

Dans le but d’une égalité de tous les citoyens, la France ne reconnait pas les différences

ethniques et linguistiques des français. Dans ce contexte le gouvernement ne recueille

pas des statistiques sur l’identité ethnique des citoyens, et ne développe jamais des

politiques publiques qui ciblent les communautés arabes, noires ou d’autres.

Reconnaitre ou mettre en valeurs ces différences serait, pour la France, équivaut à une

discrimination ou, au pire, encourager un communautarisme qui serait à l’encontre des

valeurs républicaines.

74 « Vincent Peillon annonce une charte de la laïcité dans les écoles d'ici "fin septembre » dans l’Express, 25

aout 2013 75 FRIGOLI Gilles, Les mutations de l'islam en France depuis la fin des années 1990, dans POINSOT Marie & WEBER Serge (eds) (2014) Migrations et mutations de la société française ; l’état des savoirs, La Découverte, Paris, chapitre 20 76 COHEN Erik (2011), The Jews of France Today: Identity and Values, Brill publishers, Leiden, Table 54, p.140

Page 29: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

29 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

B – Cette différence se traduit par une politique d’immigration basé sur la culture

et les valeurs en France, et une approche focalisée sur les bénéfices économiques

et financières au Royaume Uni

En examinant les discours des politiques britanniques et français, il s’avère très vite que

ces anciennes tendances jouent toujours leur rôle dans le discours de l’immigration.

i) Le gouvernement britannique priorise l’économie

Tout d’abord, il faut reconnaitre le contexte des discours en considération, notamment

l’endroit choisi pour tenir le discours, et le public ciblé.

Le Premier ministre britannique a prononcé son discours au siège international de la

société JCB dans le Staffordshire, près de Birmingham. L’entreprise britannique

multinationale fabrique des engins et de matériel de construction, de bâtiment et

travaux publics et d'agriculture, et ses produits sont vendus dans plus de 150 pays.

Cette « empire » industrielle jouit d’un chiffre d’affaires de 3,2 milliards d’euros par an,

ainsi que 10.000 effectifs et 23 usines à travers l'Asie, l'Europe, l'Amérique du Nord et

l'Amérique du Sud. Le choix de tenir son discours au siège de cette société, au cœur

d’une région industrielle britannique, n’est pas un hasard – le message dès le début est

très clair : la question de l’immigration est intrinsèquement liée à l’économie, à

l’industrie, et aux emplois.

Ce message a été pleinement renforcé dans le discours du Premier Ministre britannique.

Dès le début, et avant même d’aborder l’immigration, M. Cameron a évoqué son plan

économique à long terme, et la contribution incontournable qui y font des sociétés

comme JCB.

De plus, au début du discours, le Premier Ministre a focalisé sur la contribution

économique des immigrés, par exemple les antillais qui sont arrivés pendant le

Windrush et qui ont contribué à la reconstruction du pays après la guerre et la

destruction du Blitz. La plupart des immigrés, il a expliqué, viennent au Royaume Uni

afin d’améliorer leur situation économique :

La grande majorité de ceux qui arrivent de l’Europe viennent pour travailler ; ils

travaillent avec ardeur et ils paient les impôts. Ils contribuent à notre pays.

Il faut le souligner, la contribution dont il parle est avant tout une contribution

économique.

Page 30: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

30 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Même en parlant des refugiés, M. Cameron a cité leur contribution économique au

Royaume Uni, tel que le patron d’une société qui fournit la porcelaine à la famille royale.

De plus, le Premier Ministre britannique fait référence à l’histoire du pays – bien qu’il

soit une île, le Royaume Uni ne s’est jamais isolé, mais a plutôt profiter des mers pour

« tenir la main au monde ». Cette main tendue au monde n’est pourtant pas la main

d’une simple amitié : le but de ce contact avec le monde est de « mener notre commerce

aux quatre coins du monde ». Depuis toujours, donc, le but de relations extérieures est

mercantile.

Ensuite, à maintes reprises au long du discours, le Premier Ministre a évoqué les

impacts – positives et négatives - de l’immigration sur l’économie britannique. Le

message est clair : le succès se traduit par l’économie et la croissance.

Pour M. Cameron, la solution aux problèmes de l’immigration se trouve également chez

les acteurs économiques. Dans le développement de sa politique de l’immigration, il a

donc souligné que le gouvernement travaille en étroite collaboration avec les

entreprises et les employeurs, afin de s’assurer que les nouveaux arrivés répondent à

leurs besoins.

On entend le même message dans le discours de la Ministre de l’Intérieur, Theresa May.

En focalisant sur l’impact économique de l’immigration, elle cite plusieurs signaux

inquiétants de l’impact négatif de l’immigration. Tout d’abord, sur l’emploi, elle prétend

que les travailleurs britanniques sont perdants dans une situation d’immigration de

masse. Bien que ce ne soit pas un jeu à somme nul, elle rejette l’argument d’aucun

déplacement des emplois pour les britanniques, en insistant que 27 travailleurs

britanniques sont déplacés quand 100 postes sont pris par des immigrés.

Ensuite, la Ministre de l’Intérieur constate que la présence des travailleurs immigrés

exerce une pression à la baisse sur les salaires, surtout pour les travailleurs peu

qualifiés. Finalement, la Ministre constate que l’immigration aurait un impact négatif

sur le marché du logement ; d’après de la recherche menée pour le ministère, les

immigrés font augmenter le prix du loyer jusqu’à 10%.

De plus, le Premier Ministre Cameron a mis en exergue la puissance économique du

pays – Le Royaume Uni, il a rappelé, était la première économie en croissance parmi les

pays du G7. Il a souligné la force de l’économie britannique par rapport au pays de

Page 31: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

31 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

l’eurozone – « the jobs factory of Europe » - et le fait que le chômage soit en recul, et que

la reprise économique soit en plein essor. Il est donc tout à fait compréhensible, d’après

M. Cameron, que le Royaume Uni soit une destination « magnétique » pour les voisins

européens.

Du début à la fin, l’économie est le fil conducteur dans les deux discours : comme

évidence, on peut constater que les mots « économie » et « économique » apparaissent

27 fois en total dans le discours du Premier Ministre britannique. Il ne reste donc aucun

doute que, pour le Premier Ministre britannique, l’immigration, c’est une question de

l’économie, et des avantages économiques pour le Royaume Uni.

ii) La France se concentre sur la culture

La position du Premier Ministre britannique contraste violement avec les messages du

Président de la France. Tout d’abord, on constate que M. Hollande a choisi un endroit

particulier pour son premier grand discours sur l’immigration. Au lieu d’un siège

d’entreprise, le Président de la République a choisi le Musée de l’histoire de

l’immigration au Palais de la Porte Dorée à Paris. Ceci n’est pas un hasard de l’agenda –

une visite au Musée n’était pas prévue, et il n’y avait aucune urgence, car le Musée était

déjà ouvert au public depuis sept ans. C’était donc un choix explicit du Président et de

son entourage – premièrement, de traiter le sujet de l’immigration, et deuxièmement, de

le faire au sein d’une institution qui fête la contribution des immigrés en France. Le

contexte du discours est donc historique ; la valeur de l’immigration est ainsi culturelle

et sociale.

Le contenu du discours renforce cette approche culturelle. Lors de la première phrase

du discours, le Président félicite le Musée de sa contribution « dans nos institutions

culturelles et éducatives. » Il poursuit en ces termes. En citant les contributions des

immigrés en France, le Président Hollande fait référence à la connaissance des sciences

et des maths, ainsi que des arts - le cinéma, la littérature, la peinture, et la musique. De

plus, il cite les apports des immigrés dans la mode, qui, d’après le Président, « fait partie

de l’excellence française ».

Certes, il a également évoqué les contributions économiques des immigrés, dans la

création, l’entreprise, et l’innovation. Or, ces références sommaires ne constituent qu’un

élément tangentiel du discours ; il n’est surtout pas le message principal.

Page 32: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

32 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

En outre, le Président Hollande souligne l’importance de l’histoire, en nous rappelant :

« Evoquer l’histoire de l’immigration, c’est évoquer l’histoire de France, c’est l’histoire,

c’est notre histoire ». L’immigration fait donc partie de la France, car la France est « un

vieux pays de l’immigration ».

De plus, il souligne que l’éducation est aussi une partie incontournable du débat sur

l’immigration en France. Le Président a regretté que l’immigration « n’apparaissait que

faiblement dans les manuels scolaires. »

Le contraste au message mercantile des leaders britanniques est incontestable.

iii) La France est attachée aux valeurs républicaines et à l’intégration

Conformément à l’histoire de la France souligné ci-dessus, le Président de la République

s’est également concentré sur les valeurs républicaines, et leur universalité. Il a fait

références aux valeurs de la France six fois dans le discours (par contre, le Premier

ministre britannique fait référence aux « valeurs » seulement deux fois dans son

discours). Une de ces valeurs si importantes pour M. Hollande était celle de

l’intégration. Il évoque l’intégration pas moins de 12 fois au long du discours, et souligne

que l’intégration doit être intrinsèquement liée à l’immigration.

De plus, le Président étale les facteurs fondamentaux pour réaliser l’intégration des

immigrés en France. Tous d’abord il souligne l’importance de l’éducation – « première

principe de l’intégration » et le rôle de l’école dans la formation des jeunes. Ici, il faut

noter que la « formation » ne s’agit pas d’une formation technique pour l’emploi, tel

qu’évoquée par le Premier Ministre britannique. Le Président de France parle plutôt de

la formation dans la citoyenneté, ainsi que des valeurs républicaines.

Au Royaume Uni, par contre, on visualise l’intégration souvent dans un contexte

économique ou pragmatique. Il faut parler la langue anglaise, et respecter les règles et

les lois du pays. De plus, il faut surtout contribuer à l’économie et à la société. Pour cette

raison le Premier Ministre britannique évoque l’importance de « payer les impôts ».

iv) La laïcité est au cœur des valeurs républicaines

Pour la France, la laïcité est devenue aussi importante que les principes fondateurs du

pays de liberté, égalité, fraternité. Dans ce contexte, il serait inimaginable que le

Président de la République ne prononce un discours sur l’immigration qui ne traite pas,

d’une manière développée, la question de la laïcité.

Page 33: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

33 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Dans son discours, le Président Hollande a insisté que le « deuxième principe de

l’intégration » est celle de la laïcité. On peut constater l’importance de ce principe pour

le Président par le fait qu’il y fait référence non moins de 8 fois en deux paragraphes. Il

explique que la laïcité est « une école de respect, de la règle commune, une

reconnaissance de la liberté de croire ou de ne pas croire. » Ensuite, le Président

souligne les efforts du gouvernement de rendre tangible cette laïcité, car sur les murs

des écoles est affiché une « Charte de la Laïcité ». Si important est ce principe, que le

Président voudrais « faire en sorte que la laïcité soit célébrée partout le 9 décembre,

jour anniversaire de la loi de 1905. »

Cette vision est très loin du débat britannique – où au moins un tiers des écoles

publiques sont liées à l’église et les archevêques se trouvent au sein de la Chambre

haute du parlement.

v) La France et le Royaume Uni ne partage pas la même vision de l’identité

nationale

L’accumulation de ces valeurs républicaines constitue une grande partie de l’identité

nationale. Il est donc peu surprenant que le Président de la France fait référence à

l’identité nationale plusieurs fois dans son discours. Il est important, il souligne, que les

individus qui viennent des quatre coins du monde se rassemblent « dans un même

projet, celui de la France ».

En plus, il n’est jamais une simple question de suivre certaines gestes – M. Hollande veut

surtout que les nouveaux arrivés puissent « vouloir être français », et, grâce à

l’intégration, qu’un jour ces immigrés puissent « se sentir français ». Dans ce but, le

Président propose des changements des « règles tatillonnes » qui empêchent

actuellement leur pleine adhésion à la société française, pour qu’ils puissent se faire

naturaliser en tant que citoyens français, et « accéder véritablement à leurs droits ou à

leurs prestations sociales ».

Par contre au Royaume Uni le Premier Ministre condamne un système britannique dans

lequel il était « trop facile » pour un étranger de devenir citoyen britannique. Au lieu de

fêter la volonté ou le désir de se rapprocher au pays en acceptant la nationalité, M.

Cameron le considère un échec si ce cadeau prestigieux est offert trop facilement. Ceci

revient, sans doute, au fait que la nationalité britannique représente, pour le

Page 34: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

34 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

gouvernement ainsi que pour un grand nombre du public, l’accès aux bénéfices, tel que

les aides sociales et les services publics. Par contre, tel que l’on explique ci-dessous, la

nationalité française est plutôt liée à une adoption des valeurs de la République. Le

gouvernement français peut se contenter du « succès » de son modèle et de ces valeurs.

vi) L’unité nationale en France vs. la diversité au Royaume Uni

Tel que l’on explique ci-dessus, la France de reconnait pas de différence ethnique et

religieuse entre ses citoyens. Il est dans ce contexte que le Président Hollande utilise

son discours pour mettre en exergue l’importance de l’unité nationale. Un échec de la

« pleine adhésion à la République » chez les immigrés constituerait un « piège » qui

mènerait la France à « la division, la menace du communautarisme, la confrontation des

cultures et donc, le racisme, l’antisémitisme, la détestation de l’autre ».

De plus, dans une référence à la deuxième guerre mondiale, le Président explicite que

c’est à cause de l’histoire de la France qu’il veut que la lutte contre le racisme et

l’antisémitisme devienne « une grande cause nationale ».

Par contre, au Royaume Uni on a longtemps accepté – et même célébré – les différences

ethniques et linguistiques qu’apporte l’immigration. On recueille des statistiques sur

l’identité ethnique à chaque opportunité – que ce soit dans le recensement national,

dans le recrutement, ou l’accès aux services publics. Tout au long du mois d’octobre, on

fete « le mois de l’histoire des noires », avec des activités dans les écoles et d’autres

institutions pour reconnaitre les contributions des immigrés noires au Royaume Uni

ainsi que les difficultés historiques survécus à cause de l’esclavage, le colonialisme et la

discrimination.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le Premier Ministre britannique fasse

référence à cette diversité. En se déclarant fier de la « démocratie multiraciale » qu’on a

construite au Royaume Uni, M. Cameron reflète un sens de fierté national dans sa

diversité ethnique.

vii) Pendant que la France se positionne au cœur de l’Europe, le Royaume Uni se

trouve toujours mal à l’aise avec le vieux continent

Les relations historiques avec le reste du continent européen – et surtout avec l’Union

Européenne – s’apparaissent également dans les discours des deux leaders.

Page 35: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

35 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Pour le Premier ministre britannique, l’Union européenne est avant tout un

inconvénient - ou, au pire, une menace - à la capacité du Royaume Uni de contrôler ses

propres frontières. Au long du discours M. Cameron parle des inconvénients de

l’appartenance à l’UE, et souligne les mesures à prendre pour garantir le control. Bien

qu’il soit toujours en faveur de maintenir sa position à l’intérieur de l’UE le Premier

Ministre britannique souligne que ceci ne serait possible que si les intérêts britanniques

soient protégés, et plus de pouvoirs rapatriés à Westminster.

Cette position reflète les tensions historiques entre le Royaume Uni et ses voisins

européens. Le Royaume Uni a longuement été à la périphérie du continent –

littéralement ainsi que du sens figuré. Les gouvernements britanniques successifs ont

rejeté l’idée de s’approcher des institutions européennes dans la période après-guerre,

jusqu’en 1973, quand le pays a finalement accéder à la communauté européenne.77

Depuis plus de quatre décennies cette réticence britannique n’a guère changé, et les

ressentiments à travers le continent sont parfois tangibles. Aujourd’hui le leader

britannique souligne que la distance tenue par le Royaume Uni, en restant à l’extérieur

de la zone Schengen, ne suffit pas. Plus marquant encore, il affirme qu’il serait même

prêt à retirer le Royaume Uni de l’UE si ses intérêts ne soient pas protégés :

Si nos préoccupations tombent dans l’oreille d’un sourd, et nous ne pouvons pas

remettre notre relations avec l’UE dans une meilleure position, bien sûr que je

n’exclurais rien.

La France, par contre, jouit d’une vision d’Europe complètement à part, dans laquelle la

France joue un rôle central. Membre fondateur de la Communauté européenne du

charbon et de l'acier, les institutions européennes font partie de l’identité française.

Plutôt qu’une menace extérieure, l’Union européenne a longtemps représenté un pilier

de sécurité pour la France, suite à une longue histoire de violences et de guerres.

La situation aujourd’hui est certes plus compliquée, et l’opinion publique est beaucoup

plus critique de l’UE qu’il y a 30 ans. D’après un sondage entamé par l’Eurobarometer, le

désenchantement envers Bruxelles a augmenté ces dernières années : en 2007 62% des

Français étaient favorables à l’UE. En 2013 ce chiffre a chuté jusqu’à 41 %.78 Dans ce

77 GEORGE Stephen (1998), An Awkward Partner: Britain in the European Community, Oxford University Press, Oxford 78 French Public Opinion : Morosity rules, dans The Economist, 18 mai 2013

Page 36: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

36 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

contexte, au sein du Musée de l’histoire de l’immigration, le Président Hollande évoque

la zone de Schengen, et reconnait la méconnaissance des institutions européennes :

… personne ne sait exactement ce qu’est Schengen. Peut-être que certains croient

que c’est un personnage dont il faudrait rechercher au plus vite l’identité et la

personnalité pour le traduire en justice.

Néanmoins, l’Europe demeure un partenaire important et un outil clef pour la France.

Ainsi, M. Hollande insiste sur l’importance de cet accord :

Mais Schengen, c’est justement ce qui a permis à tous les pays d’Europe de

s’organiser pour justement contrôler l’immigration et avoir une coordination des

politiques

La différence entre les attitudes britannique et française est donc flagrante.

viii) Les deux pays ne partage pas la même approche au racisme et à la

discrimination

Le racisme est un problème qui existe en France, au Royaume Uni, ainsi qu’à travers

l’Europe. On ne pourrait pas suggérer que les victimes du racisme existaient dans un des

deux pays et ne pas dans l’autre. De plus, la recherche nous montre que le racisme est la

forme de discrimination la plus virulente en Europe aujourd’hui.79

Pourtant, on peut néanmoins constater des différences historiques de la discrimination

raciale et ethnique entre la France et le Royaume Uni, notamment l’expérience des juifs

pendant la deuxième guerre mondiale. Il faut noter l’histoire lourde de l’antisémitisme

en France au début du XXe siècle étalée ci-dessus. Les ramifications continuent à

résonner aujourd’hui, et on trouve donc en France de la législation qui criminalise la

négation de la Shoah, avec plusieurs poursuites en justice.

Il est donc peu surprenant que le Président Hollande fait référence au racisme et à

l’antisémitisme trois fois pendant son discours, y compris une référence explicite à

l’histoire sombre du début du XXe siècle et l’affaire de Dreyfus. De plus, il a renforcé son

rejet total du racisme dans toutes ses formes, en insistant que la lutte contre le racisme

et l’antisémitisme « devienne une grande cause nationale ».

79 Eurobarometer (2007) Discrimination in the European Union, p37

Page 37: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

37 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Le Royaume Uni, par contre, n’a pas vécu les mêmes expériences que la France lors de la

deuxième guerre mondiale. Bien qu’on puisse constater une hausse dans

l’antisémitisme et l’islamophobie ces dernières années80, y compris des agressions

violentes, l’histoire moins gênante du pays fait que le Premier Ministre ne se sent pas

obligé d’en faire explicitement référence dans un discours sur l’immigration. De plus, M.

Cameron rassure ceux qui sont inquiets du taux d’immigration et de l’impact dans leur

communauté. En réponse à ceux qui traitent de « raciste » chaque commentaire dans cet

esprit, le Premier Ministre britannique l’affirme :

Il n’est pas critiquable d’exprimer ces inquiétudes sur l’ampleur des personnes qui

arrivent dans notre pays.

Il est frappant de noter les deux approches si différentes : D’un côté, la Ministre de

l’Intérieur britannique condamne les effets négatifs des immigrés :

L’immigration de masse, sans contrôles, nuit à la cohésion sociale, met de la

pression sur les services publics et l’infrastructure, et peut mener au déplacement

des emplois et la réduction des salaires.

De l’autre côté, le Président français rejette complètement cet argument :

Les étrangers sont toujours accusés des mêmes maux : venir prendre l’emploi des Français,

bénéficier d’avantages sociaux indus quand bien même les études les plus sérieuses

montrent qu’ils contribuent davantage aux comptes sociaux qu’ils n’en bénéficient.

C) La couverture médiatiques autours des discours reflètent et renforces les

différences culturelles historiques entre la France et le Royaume Uni

Dans la couverture médiatique sur les discours examinés on constate d’importantes

différences entre les journaux de droite et ceux de gauche ainsi qu’entre ceux de qualité

et les tabloids. Pourtant, malgré ces différences au sien de chaque pays, il existe des

tendances nationales révélatrices.

80 BOOTH Robert, Antisemitic attacks in UK at highest level ever recorded, dans The Guardian, 5 février 2015; et FELDMAN Matthew et LITTLER Mark (2014), Tell MAMA Reporting 2013/14: Anti-Muslim Overview, Analysis and ‘Cumulative Extremism’ - Centre for Fascist, Anti-Fascist and Post-Fascist Studies, University of Teeside

Page 38: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

38 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

i) Les medias britanniques s’intéressent surtout à l’impact économique de

l’immigration

On constate une différence énorme entre la couverture médiatique des discours du

Président français et le Premier Ministre britannique, qui conforme aux différences

historiques étalées ci-dessus. Les médias britanniques se concentrent surtout sur les

éléments économiques, ce qui est vrai pour les journaux de toutes tendances politiques.

The Guardian étale les commentaires du Premier Ministre sur l’économie en incluant 40

références parmi ces 8 articles. Le journal de gauche se concentre surtout sur la

question de l’accès aux aides sociales, dont il fait 25 références. Pourtant, le journal

ignore plutôt les éléments sociaux du discours, avec seulement 8 références. De plus,

parmi ces références The Guardian souligne l’importance du respect de la différence à 3

reprises. On constate la même tendance dans The Times, avec 42 références aux aspects

économiques, et aucune mention des aspects sociaux parmi ces 7 articles.

De sa part, The Mail se démontre vivement intéressé par les aspects économiques du

discours, et en fait référence non moins de 93 fois dans ces 12 articles. Comme les

autres journaux, le journal de droite se focalise surtout sur l’accès aux aides de l’état,

mais il s’intéresse également à la menace aux emplois que représentent les immigrés,

ainsi que les pressions qu’ils exercent sur les services publics.

Les médias français, par contre, ne focalisent que très peu dans leur couverture du

discours du Président Hollande aux effets économiques de l’immigration. Parmi les 24

articles des trois journaux, on ne trouve qu’une quinzaine de références aux enjeux

économiques. Par contre, on constate un intérêt considérable aux enjeux socio-

culturaux : Le Monde en fait référence 37 fois, et Le Figaro 38. Les deux journaux se

focalisent surtout sur la question de l’apport de l’immigration (19 références en totale),

mais s’inquiètent également de la dégradation de la cohésion sociale (6 références

chacun). De sa part, Libération fait références aux questions sociales 15 fois dans ces 5

articles.

Cette différence est moins marquante si l’on compare les discours des deux Ministres de

l’Intérieurs, résultant de la différence entre le contenu et les objectives hétérogènes des

discours. Pourtant, les mêmes tendances existent. Le discours de la Ministre de

l’Intérieur britannique couvre plusieurs sujets, notamment l’importance de réforme afin

Page 39: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

39 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

de pouvoir renforcer le control, ainsi que les effets de l’immigration sur l’économie et la

cohésion sociale. Pourtant les médias britanniques focalisent surtout sur les éléments

économiques ; The Times et The Mail consacrent tous les deux un article entier à la

déclaration par la Ministre que les immigrés font augmenter les prix de logement par

10%.

Par contre, dans leurs rapports du discours par le Ministre Valls, les médias français se

focalisent surtout sur les aspects légaux et juridiques.

ii) Les médias français se focalisent sur les valeurs de la France

Pendant que les médias britanniques se focalisent sur les commentaires économiques

de leurs leaders politiques, à l’autre côté de la Manche les médias français se

concentrent sur les valeurs de la république.

Pour Le Figaro le discours du Président est un « discours de valeurs » car le chef de

l’Etat « a profité de son premier discours sur l'immigration pour se positionner sur le

terrain des valeurs ». Le Monde, de sa part, a souligné le rôle d’un chef d’Etat de

« rappeler les valeurs constitutives de notre République ». Il est donc normal, pour la

presse française, que leur Président parle des valeurs, car c’est bien son rôle en tant que

leader du pays.

Peut-être le plus frappant parmi la couverture du discours est le fait que, pour certains

journalistes, le Président ne se concentre pas suffisamment sur les valeurs

républicaines. Tel est le case pour Solenn de Royer du Figaro :

Prisonnier d'un discours très économique, Hollande a très peu abordé les

thématiques de la République, de la laïcité ou du vivre-ensemble81

Par contre, parmi les 27.000 mots écrits par les trois journaux britanniques sur le

discours de M. Cameron, il n’y a que The Guardian qui estime que la réponse nationale

aux défis de l’immigration devrait être basée sur les « valeurs » de la justice et de

l’opportunité pour tous.

81 DE ROYER Solenn, Avec la thématique de l'immigration, Hollande est tenté de renouer avec les valeurs

symboliques de la gauche, dans Le Figaro, le 15 décembre 2014, p.3

Page 40: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

40 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

iii) Les médias français s’intéressent plus à l’intégration et l’assimilation des

immigrés

Tout comme les leaders politiques français citent à maintes reprises l’importance de

l’intégration, les médias français sont également préoccupés par la question.

Dans la couverture du discours du Président, les trois journaux français font référence à

l’intégration 3 fois chacun, et traitent l’assimilation deux fois. Par contre, au Royaume

Uni, il n’y a que The Guardian qui rappelle l’importance des cours de langue pour

faciliter l’intégration. Ces différences reflètent non seulement les différences dans les

discours entre la France et le Royaume Uni, mais également l’attitude populaire dans les

deux pays. On pourrait en caractériser, en suggérant que, tant que les immigrés ne

volent pas les boulots, les médias britanniques – ainsi que leurs lecteurs – s’intéressent

peu à leur adoption de valeurs ou des coutumes du pays.

iv) Les médias français sont attachés au principe de la laïcité

Comme l’on explicite ci-dessus, la religion, notamment son rôle dans la société et

l’expression de la foi, reste un sujet qui sépare la France et le Royaume Uni. Ceci est

attesté par la couverture médiatique des discours.

Dans leurs articles sur le discours du Président, Le monde et Le Figaro font tous les deux

plusieurs références à la religion en France. Le Figaro fait même référence explicite à

l’islam et à la perception chez certains français qu’il s’agit d’une religion « non

tolérante ». Ensuite le journal du centre-droite rappelle qu’une partie de la population

s’exprime « contre ceux qui n'auraient pas la même religion », et revendique un discours

plus fondé dans la laïcité.82 Enfin, c’est de nouveau Le Figaro qui estime que le Président

espère « se réconcilier avec une communauté musulmane ».83

Par contre, dans les journaux britanniques, on ne trouve aucune référence au lien entre

l’immigration et la religion, ni à la communauté musulmane. La question n’est ni dans

les discours des leaders politiques, ni au premier range de l’esprit public. Or, on trouve

dans les médias britanniques de références à l’ethnicité, un sujet souvent évité par les

médias français. Citant le rapport du recensement national, publié la veille, The Mail

82 DE ROYER Solenn, Avec la thématique de l'immigration, Hollande est tenté de renouer avec les valeurs symboliques de la gauche, dans Le Figaro, le 15 décembre 2014, p.3 83 TABARD Guillaume, Un discours qui ne répond pas aux questions majeures, dans Le Figaro, le 16 décembre 2014, p4

Page 41: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

41 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

déclare que seulement 86% des résidents au Royaume Uni se considère « blanc

britannique », et qu’une famille sur huit est dirigée par une couple métisse. Vu les

valeurs républicaines, on ne peut guère imaginer un journal français traiter ces

statistiques.

v) les médias britanniques sont très intéressés par les chiffres, pendant que les

médias français n’y sont pas concernés

Dans la couverture des discours du Premier Ministre et de la Ministre de l’Intérieur

britannique les médias consacres plusieurs colonnes à examiner des chiffres. Parmi les

27 articles examinés sur le discours du Premier Ministre on trouve au moins 71 chiffres

et statistiques, et encore plus de références aux « hausses » et aux « piques ». Sont très

cités les chiffres du taux net d’immigration actuel (260.000 par an), ainsi que le taux

promis par le Premier Ministre (100.000 par an). Dans les articles sur le discours de la

Ministre de l’Intérieur, on trouve également un intérêt particulier aux les chiffres – non

seulement ceux cités par la Ministre, mais aussi les chiffres publiés quelques jours

auparavant dans le rapport du recensement national (par exemple le fait que 7,5 million

résidents du pays sont nés à l’étranger). Les journalistes citent – à maintes reprises – la

statistique offerte par la Ministre sur la hausse de 10% des prix des loyers attribuée à

l’immigration.

Certes, on trouve des différences entre la presse de la gauche et celui de la droite – The

Guardian des fois conteste les chiffres du Mail ou essaie de les mettre dans un contexte

moins alarmant. Pourtant, en traitant la question de l’immigration, la quasi-obsession

des chiffres est notable à travers le spectre politique des médias britanniques.

Par contre, les médias français n’y consacrent que très peu de temps. Parmi les 24

articles examinés sur le discours du Président Hollande, seulement deux font référence

– très brève – aux chiffres cités. Le Figaro cite une augmentation dans le nombre des

régularisations de clandestins, ainsi que Libération rappelle l’importance des 60.000

étudiants étrangers en France. Pour le discours du Ministre de l’Intérieur, c’est surtout

Le Figaro qui traite les chiffres, pour démontrer que la demande d’asile « continue de

croître ». Les chiffres sont présents dans le discours du Président – M. Hollande fait

référence aux 200.000 personnes accueillies par la France chaque année, ainsi que aux

90.000 personnes qui arrivent chaque années au titre de l’immigration familiale.

Pourtant, les médias n’en semblent pas intéressés.

Page 42: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

42 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

TROISIEME PARTIE :

DEUXIEME HYPOTHESE

Page 43: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

43 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Hypothèse II – Malgré ces différences entre la France et le Royaume Uni, le fond

du discours politique, les réactions médiatiques, et les actions des gouvernements

sur la question de l’immigration ne sont pas diamétralement opposés.

Après avoir démontré les différences flagrantes entre les approches française et

britannique, ainsi que les contextes socio-historiques qui les produisent, on pourrait

imaginer que les deux pays se trouvent aux extrêmes opposés de l’univers dans la

question de l’immigration. Or, la réalité est plus complexe, et est souvent ancrée dans un

contexte global partagé, ainsi que des pressions politiques communes.

A) Il existe des points communs dans les discours français et britannique, qui

font preuve d’une perspective commune sur l’immigration

Bien qu’un premier regard ne montre que les différences dans les discours des leaders

politiques français et britanniques, une considération plus profonde révèle des

similarités aussi intéressantes que révélatrices.

i) L’immigration est un atout à valoriser

Dans les discours examinés, le point de départ commun est l’importance et la valeur de

l’immigration. Si l’on met à part le discours du Ministère de l’Intérieur français, à cause

de la spécificité de l’asile84, on peut constater que les leaders politiques des deux côtés

de la Manche veulent mettre en valeur l’immigration et l’apport des immigrés.

Le Premier Ministre britannique entame son discours en le soulignant en noir et blanc :

« l’immigration porte des bénéfices à la Grande Bretagne». Ce message est ensuite

réitéré :

Nous sommes la Grande Bretagne grâce à l’immigration, et non pas en dépit de

l’immigration85

Comme on l’a déjà examiné, la France se concentre sur les contributions culturelles des

immigré, pendant de les leaders britanniques mettent en exergue les facteurs

économiques. Néanmoins, cette division n’est pas exacte, et il existe des

84 Pourtant, dans ce même sens, M. Valls commence son discours en soulignant l’importance du droit d’asile aux valeurs et à l’image de la France. 85 On peut imaginer que le Premier Ministre utilise ici le terme « Great Britain » et non pas « United Kingdom » afin de pouvoir mettre l’accent sur le mot « Great », au sens d’excellence et de force

Page 44: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

44 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

chevauchements intéressants. Les deux leaders évoquent les mêmes thèmes à fêter :

dans les deux pays on valorise les efforts altruistes des immigrés. Le Président hollande

comme le Premier Ministre britanniques ont tous les deux rendu hommage à la

contribution des combattants étrangers pendant la deuxième guerre mondiale. Ensuite,

les deux leaders ont mentionné le rôle important des travailleurs immigrés dans la

reconstruction des deux pays suite à la Guerre. De plus, le discours du Président

Hollande souligne les efforts altruistes des immigrés qui sont arrivés pendant les

années 1970, pour s’occuper des emplois « que nul ne voulait occuper ».

Cela démontre qu’après tout, l’importance de l’immigration – et de tous ses apports –

compte beaucoup en au Royaume Uni ainsi qu’en France.

ii) La division entre les approches d’assimilation et du multiculturalisme est de

plus en plus reléguée à l’histoire

Le Royaume Uni est connu à travers le monde pour son modèle multiculturel dans

lequel les immigrés et les minorités ethniques puissent se tenir à leurs racines, et

maintenir leurs traditions, sans faire atteinte à leur droit de vivre au Royaume Uni. A la

fin des années 1990 une partie importante de la société britannique – surtout la gauche

et les sympathisants de Tony Blair – fêtait le succès « incontestable » du

multiculturalisme au Royaume Uni.86 Les effets positifs de la croissance économique

avaient touché les enfants issus de l’immigration, et les lois, ainsi que des changements

sociaux, ont fait que la discrimination semblait appartenir enfin au passé. Les clashes

violents entre les jeunes blancs et asiatiques dans des villes au nord de l’Angleterre en

2001, ainsi que les attentats à Londres en 2005, ont fait crever la bulle de la confiance

dans le multiculturalisme, et on commence à s’interroger sur les approches alternatives.

A l’autre côté de la Manche, tel que l’on décrit ci-dessus, la France ne reconnait pas les

différences ethniques et linguistiques entre les citoyens. Dans ce contexte il est

marquant que le Président français fait plusieurs références à la diversité du pays. Non

pas un désavantage, ni une menace à l’unité de la France, M. Hollande a insisté que la

diversité constituait « une chance si nous savons la valoriser, l’enrichir, la dépasser ». Il

fallait, bien sûr, valoriser cette diversité dans une « volonté commune de vivre

ensemble » - les valeurs de la Républiques ne seront pas abandonnées. Néanmoins, le

86 THAPAR Ciaran The hard knock life of British multiculturalism, dans The New Statesman, 18 décembre 2014

Page 45: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

45 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Président encourage les immigrés de reconnaitre leurs origines, se félicite du Musée de

l’histoire de l’immigration qui puisse les mettre en valeur, et assure que ces origines

« puissent être reconnus par la République ».

De plus, on peut constater que ce rapprochement de positions sur la diversité et le

multiculturalisme ne se limite pas à la France et au Royaume Uni. A travers le monde

développé la question se pose sur les efforts attendus aux immigrés de s’intégrer dans la

société du pays-hôte, ainsi que les efforts que doivent faire des autorités pour respecter

les différences historiques et légitimes du peuple. Ainsi les sympathisants du modèle

multiculturel sont en baisse : En Allemagne, la Chancelière Merkel a déclaré en 2010

que le multiculturalisme en Allemagne avait « complètement échoué »,87 et en Amérique

du Nord on s’interroge aussi sur sa légitimité.88

En France on a également développé une alternative à l’assimilation traditionnelle. Un

immigré n’est plus obligé d’abandonner complétement ses origines – d’après M.

Hollande, les immigrés ont parfois gardé leur nationalité d’origine tout en étant

« parfaitement intégrés à la société française. » Il va même plus loin en déclarant que

« c’était leur droit ».

Ainsi, la décision d’inclure ces garantis sur la diversité dans son discours représente un

changement pour le gouvernement de la France. Si l’on prend en conjonction avec les

messages du Premier ministre britannique, on peut constater un rapprochement entre

deux positions auparavant considérées diamétralement opposées.

iii) Les britanniques tiennent aussi aux valeurs et s’inquiètent de la cohésion

sociale

Si au Royaume Uni on s’interroge sur la validité et l’efficacité du multiculturalisme, on

s’est également posé des questions sur ses l’identité nationale. Bien que les valeurs

républicaines soient au cœur de l’identité franco-français, les britanniques s’en

interrogent également. M. Cameron et Mme May parlent tous les deux de l’identité, de la

cohésion social, et du vivre ensemble.

87 WEAVER Matthew, Angela Merkel: German Multiculturalism has “utterly failed”, dans the Guardian, 17

octobre 2010 88 BANTING Keith et KYMLICKA Will, Canadian Multiculturalism: Global Anxieties and Local Debates dans The British Journal of Canadian Studies, Volume 23 Issue 1

Page 46: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

46 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

On constate un changement du langage chez les politiques britanniques, qui s’éloignent

de la position traditionnel – c’est-à-dire celle qui fête des différences linguistiques,

ethniques et sociales comme un atout. Le discours de la Ministre de l’Intérieur Theresa

May représente un exemple parfait de ce changement, quand elle déclare que la

diversité linguistique pose problème :

Il suffit de regarder Londres, où presque la moitié des enfants à l’école parlent

l’anglais comme deuxième langue, pour voir les défis auxquels le pays doit faire

face.

Ensuite, la Ministre va encore plus loin dans ce thème, en rejetant les arguments

macroéconomiques pour l’immigration, et en appuyant sur la question des valeurs :

Comme l’a dit Martin Wolf, commentateur économique en chef au Financial Times,

« la désirabilité de l’immigration à grande échelle est plutôt une question des

valeurs que de l’économie. Ce n’est pas un choix entre la richesse et la pauvreté,

mais sur le modèle de pays qu’on souhaite habiter.

De plus, Mme May constate que la première raison pour contrôler l’immigration est

« son effet sur la cohésion sociale ».

Il faut souligner que ces références à l’identité nationale sont surement un résultat du

contexte – notamment le fait que le timing du discours de la Ministre coïncide avec la

publication du recensement national, ce qui a précipité des inquiétudes sur le

changement social dans la presse populaire. Ces idées ne sont néanmoins pas

abandonnées en 2012, et le Premier Ministre prend la relève dans son discours deux

ans plus tard.

M. Cameron constate qu’il est fier d’être britannique « grâce à nos valeurs », et prévient

qu’il ne faut jamais « rejeter nos valeurs ». Parmi les valeurs citées par le Premier

Ministre on trouve l’égalité et la justice, et l’importance de respecter les nouveaux

arrivés et mettre en valeur leur contribution au pays. Tout cela fait échos au langage du

Président Hollande et les valeurs républicaines.

De plus, le Premier Ministre Cameron renforce le message de sa Ministre de l’Intérieur

sur la cohésion sociale. Il cite les tensions qui existent dans les communautés qui

accueillent le plus des immigrés :

Page 47: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

47 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

On trouve des écoles primaires dans lesquelles on parle des douzaines de langues

différentes, et seulement une petite minorité parle l’anglais comme langue

maternelle. Il existe des hôpitaux où des services de maternité sont soumis à

d’intenses pressions à cause d’une hausse dramatique du taux de natalité… le

logement social connait une demande qu’on ne peut pas satisfaire

Bien que cette situation soit intimement liée à l’économie, M. Cameron les évoque dans

le contexte de cohésion sociale et les tensions entre les communautés d’immigrés et les

citoyens britanniques.

Ce focus sur les valeurs, l’identité nationale et la cohésion sociale chez les leaders

britanniques est donc le même que celui exprimé par les leaders français. Certes, on

parlerait jamais des valeurs « républicaines » à l’autre côté de la Manche (ou bien si l’on

fait, ce serait dans un débat anti-monarchie tout à fait à part), mais, à la base, les valeurs

sont partagées.

iv) L’économie importe, même en France

De leur côté, les positions de leaders français sont aussi nuancés. Certes, il faut souligner

la contribution culturelle de l’immigration. Mais, dans un monde en crise économique,

toute politique doit être reliée à l’impact sur l’économie – et sur les foyers français.

Dans ce contexte il est donc incontournable pour le Président de la République de faire

référence à l’impact économique de l’immigration. Les Français s’inquiètent pour leurs

boulots aujourd’hui, et donc leur Président leur rassure qu’il fait en sorte que

l’immigration contribue à la reprise économique. Il fait référence à l’emploi 8 fois dans

son discours, et promet une politique de la ville qui puisse « offrir un avenir en termes

de formation, d’emploi » aux citoyens. De plus, ceux qui « abuse » du système d’asile

pour une immigration économique seront vivement reboutés.

On entend donc le même message qu’a offert M. Cameron : le gouvernement va

s’assurer que l’immigration contribue à la croissance économique, et travaillera sur la

formation de la nouvelle génération pour qu’on puisse répondre aux attentes

économiques des citoyens.

v) Le chauvinisme se trouve au cœur du discours des deux côtés de la Manche

Dans ce contexte de valeurs et de l’identité nationale, on peut constater des éléments

nationalistes dans les discours analysés, et même des nuances chauvins.

Page 48: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

48 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Le Premier Ministre britannique n’est pas de tout farouche en arguant l’importance de

travailler toujours dans l’intérêt national, et déclare sans ambages :

Qu’est ce qui servirait au mieux les intérêts à long terme de la Grande Bretagne ?

Cela est la mesure contre laquelle il faut juger toute action.

Le discours de la Ministre de l’Intérieur britannique est aussi sans équivoque : si fort est

sa détermination que le système d’immigration serve « l’intérêt national », que ceci est

le titre du discours.89 Elle renforce cette idée quatre fois au long du discours.

Le Président français ne parle pas de l’intérêt national, mais plutôt de la « cause

nationale » ainsi que le « destin national ». Quant à M. Valls, il se concentre sur

l’importance de l’image du pays.

Non seulement on reconnait dans les quatre discours une envie de rappeler l’intérêt

national, de plus on ressent des éléments tout à fait chauvins. A l’origine, le chauvinisme

est basé sur un sens de supériorité :

Les nations ne sont pas considérés égales dans leur auto-détermination ; plutôt, il

est considéré que certaines nations possèdent des caractéristiques ou des qualités

qui les rendent supérieures aux autres.90

Pourtant, le chauvinisme moderne a considérablement changé depuis l’ère de Napoéon.

Il serait, bien sûr, hors de question que le Premier Ministre britannique ou le Président

de la France utilise des termes xénophobes ou racistes – le politiquement correcte du

21e siècle ne le permettrait surtout pas, et de tout façon on peut s’assurer qu’ils n’y

croient pas. Néanmoins, on peut constater des éléments de chauvinisme dans les

discours.

Tout d’abord on constate une concentration sur le principe de la nation dans les quatre

discours. Les leaders politiques français et britanniques répètent le nom de leur pays à

maintes reprises : Les Britanniques font référence à leur pays d’une manière régulière

au long des discours (M. Cameron 47 fois, Mme May 36 fois).91 Chez les leaders Français

89 Le titre official du discours « An immigration system that works in the national interest », d’après le site web du Ministère. 90 HEYWOOD Andrew (2012) Political Ideologies: An Introduction, Palgrave Macmillan, p188 91 Dans les discours britannique on inclut les références au « Royaume Uni » ainsi qu’à la « Grande Bretagne ». Il est à noter que Mme May ne fait aucune référence au « Royaume Uni », ainsi que M. Cameron n’en fait référence que sept fois.

Page 49: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

49 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

on constate une grande différence entre le discours de M. Valls, qui n’inclut que 6

références à la France, et celui du Président Hollande, qui prononce « la France » non

moins de 72 fois pendant les 52 minutes du discours. Cette répétition n’est pas un

simple hasard, mais fait partie du renforcement de l’identité nationale qui est au cœur

de l’Etat national moderne.92

Ensuite, on note que les deux politiques britanniques choisissent méticuleusement quel

nom ils préfèrent utiliser. D’un point de vue juridique, les quatre pays de l’Union – a

savoir l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord – constituent le

« Royaume Uni », pendant que la « Grand Bretagne » se réfère seulement à la métropole

(« mainland Britain ») et exclut l’Irlande du Nord. Il serait donc correct de parler du

« Royaume Uni » sauf dans les cas particuliers où on exclut l’Irlande du Nord (par

exemple dans le cas de la législation ou des règles constitutionnelles qui ne s’appliquent

pas en Irlande du Nord). Pourtant, les deux leaders politiques préfèrent le terme « Great

Britain », car il leur permet de souligner le sens du « greatness » ou d’excellence du pays,

et suggère, d’une manière plutôt subtile, sa supériorité.93

De sa part, le Président Hollande évoque l’histoire « glorieuse » de la France, tout en

reconnaissant les nuances modernes du chauvinisme :

Un pays comme la France n’a pas besoin d’haïr les autres pour aimer les siens.

C’est grâce, il explique, à une « confiance en lui-même » que la France puisse jouir d’un

chauvinisme tout à fait moderne.

Ces traces subtiles du chauvinisme sont tout à fait compréhensibles, surtout dans le

contexte d’un discours sur l’immigration. Il faut souligner que ce chauvinisme n’a aucun

sens du racisme. Contrairement au chauvinisme du XIXe et du XXe siècle (et, il faut noter,

au chauvinisme de l’extrême-droite du 21e siècle), ce chauvinisme « moderne » assume

une éminence du pays sans considérer l’ethnicité des citoyens.

92 ANDERSON Benedict (2006), Imagined Communities: Reflections on the origin and spread of nationalism, Verso books, chapitre 6 pp 83-111 93 On peut prendre, par exemple, la campagne intitulée « Britain is Great » de l’UKTI au sein du Ministère de Commerce britannique, qui met en valeur tout ce qui est excellent et unique dans le pays. La campagne n’exclut pas l’Irlande du Nord, mais utilise toujours le nom du « Great Britain » pour ces mêmes raisons linguistiques.

Page 50: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

50 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

vi) Un système administratif « á bout de souffle »

Quand le Ministre de l’Intérieur français déclare que le système est « à bout de souffle »,

il ne fait référence qu’au système d’asile en France. Mais il aurait pu inclure dans cette

description le système entier de l’immigration en France – ainsi que celui du Royaume

Uni – car, dans les quatre discours, tous les leaders font allusion – d’une manière

explicite ou bien implicite – aux problèmes graves du système, ainsi qu’aux efforts

nécessaires pour les résoudre.

Pour Theresa May, le ministère que lui a légué l’ancien gouvernement de Labour était

parsemé de problèmes. Son prédécesseur avait déjà déclaré en 2006 que le système

d’immigration était « not fit for purpose »94. Dans son discours, elle explique que les

erreurs du système – et surtout de l’ancien gouvernement – étaient plusieurs, et

certaines réglés étaient même « risibles » :

Le système que nous avons hérité était en désordre, et il était abusé à l’échelle

industrielle

Mme May a cité des exemples inquiétants : les évaluations de l’impact de l’immigration

ne considéraient que les effets économiques ; un visa créé pour les immigrés les plus

qualifiés a en réalité facilité l’insertion des diplômés dans des postes de vendeurs et de

caissiers dans des magasins ; il était plus facile pour un citoyen de l’UE d’amener son

époux au Royaume Uni que pour un citoyen britannique. De plus, les procédures de

visas pour les étudiants étaient abusées « d’une manière systématique ».

Le Premier ministre britannique a également fait comprendre que le système actuel ne

convenait pas. C’était « complétement fou » qu’on octroyait des visas de travail aux non-

européens pour les boulots peu qualifiés, et « incompréhensible » que l’on pouvait

toucher aux aides familiales pour des enfants qui n’étaient pas résidents au Royaume

Uni. Et au cœur de son discours M. Cameron insistait qu’il fallait rectifier l’erreur du

système qui permettait aux nouveaux arrivés d’accéder aux aides généreuses du « club

national » britannique sans d’abord y contribuer.

94 La phrase « not fit for purpose » se traduit plus ou moins par « pas adaptés au but visé », bien qu’elle soit plus forte en anglais. Il est à noter que cette phrase a fait exploser le ministère à l’époque, dont les fonctionnaires se sont gravement offensés.

Page 51: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

51 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Pour les hommes politiques français, les problèmes étaient peut-être différents, mais ils

étaient néanmoins présents. Pour le Président français, les procédures de naturalisation

étaient erronées et en besoin de réforme afin d’y faciliter l’accès pour ceux qui ont

donné à la France « leur jeunesse, leur labeur, leurs bras ».

Pour le Ministre de l’Intérieur, les réformes des dispositifs du droit d’asile étaient à la

fois essentielles et urgentes. Les problèmes étaient multiples : des délais inacceptables

dans le traitement des demandes ; des coûts administratifs en hausse ; une

concentration sur l’Ile de France ; une pression insoutenable sur le logement, surtout

dans les zones les plus sensibles. Sans désigner de la culpabilité, M. Valls a appelé à tous

les acteurs de prendre leurs responsabilités afin de protéger le droit d’asile en France.

Pour les leaders politiques des deux pays, donc, il fallait reformer les systèmes de

l’immigration au nom de justice et de la logique.

vii) Après tout c’est une question de la politique, ainsi que des élections

Les quatre discours examinés traitent tous un sujet pratique – notamment comment

gérer l’arrivée des étranger dans le pays. Les quatre orateurs parlent des efforts

concrets à entamer et des réformes à mettre en place. Ces éléments sont bien sûr

importants. Or, ces discours sont, avant tout, des communications politiques. S’il était

simple question de mettre en place des réformes ou de changer des procédures les

ministères concernés auraient pu le faire sans consulter le public. Au contraire, ces

discours sont réfléchis et planifié jusqu’au dernier mot pour des raisons politiques.

M. Valls est transparent sur ses besoins : il faut faire des réformes d’une manière

urgente, et donc il appelle aux acteurs influents (c’est-à-dire les fonctionnaires ainsi que

les personnages politiques) d’adopter ces réformes et d’en faire un succès. Le but

politique de son discours est donc de rassembler le soutien autour de son projet. On

peut constater que son public est bien défini et inclus surtout ses collaborateurs, car son

discours est le seul parmi les quatre discours examinés à ne pas être filmé et disponible

sur l’internet. Il ne faut pourtant pas imaginer qu’il n’y ait pas aussi un élément public

dans ce discours – sinon le ministre aurait pu se contenter d’un communiqué interne

pour faire passer le message. Un homme politique doit quand même nourrir son public

de temps en temps.

Page 52: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

52 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Pour le Président Hollande la situation politique est plus complexe. Il souffrait d’un taux

de popularité historiquement bas (un taux d’opinion défavorable à 83% en novembre

2014)95, d’une turbulence politique au sein du gouvernement, et des perspectifs

incertains pour les élections locales à l’horizon. Il n’est pas question de demander un

coup de main dans la mise en œuvre d’une reforme administrative : ce discours porte un

grand poids politique. Cette réalité est démontrée par toute la couverture médiatique

autour du discours.96 C’est pour cette raison que le Président se trouve à la Porte Dorée

– pour envoyer un message politique à ses critiques, au public, et à son propre parti

politique.

De l’autre côté de la Manche, le Premier Ministre et la Ministre de l’Intérieur espèrent

également envoyer des messages politiques. Pour Mme May, comme pour son

homologue français, le sujet et plutôt simple : c’est l’immigration, et sa capacité de la

contrôler dans les intérêts du pays. Pourtant, son discours est néanmoins plus politique

que pratique. Elle s’adresse non pas aux administrateurs, mais à un public plus large :

tout d’abord les individus présents au siège de Policy Exchange, un think-tank

britannique de droite. Parmi les invités se trouvent des lobbyistes tel que Migration

Watch, qui sont ultra-critiques de la politique d’immigration des gouvernements

britanniques consécutifs et demande une réduction immédiate et sévère du taux de

l’immigration. Un des buts des discours de Theresa May est donc de démontrer au

Migration Watch et à leurs sympathisants que le gouvernement de David Cameron ne

serait jamais laxiste sur l’immigration. Ensuite, la ministre s’adresse au public plus large

– surtout les sympathisants de droite qui sont inquiets de l’immigration et les effets sur

le pays.

De plus, il faut rappeler que la Ministre prononce son discours deux jours après la

publication du rapport officiel du recensement national. Ce rapport, et la réaction

alarmiste des médias de droite, constitue un contexte politique sensible à la question de

l’immigration et son impact sur la société britannique. Pour ce raison, Mme May va plus

loin qu’auparavant sur la question des effets sociaux de l’immigration, car elle est

consciente du débat en cours et de l’inquiétude provoquée par le rapport.

95 BOUDET Alexandre, La popularité de Hollande et Valls baisse après les élections, les Français veulent un remaniement, dans le Huffington Post du 2 avril 2014 96 Voir, par exemple, DE ROYER Solenn, Avec la thématique de l’immigration, Hollande est tenté de renouer avec les valeurs symboliques de la gauche, dans Le Figaro, 15 décembre 2014

Page 53: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

53 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

De sa part, le Premier ministre britannique joue un jeu politique aussi sensible. Le sujet

de son discours n’est pas, a priori, celui de l’immigration, mais plutôt l’Union

européenne. 5 ou 10 ans auparavant, un discours sur l’UE n’aurait traité que très

brièvement la question de l’immigration, car le point focal aurait été la crise

économique et l’euro. Ces sujets sont, bien sûr, toujours importants. Mais des

évènements des dernières années font que, dans la conscience du public britannique,

celui qui dit l’Europe dit les flux des européens de l’est.

De plus, on peut constater que le débat sur l’immigration a beaucoup changé ces

dernières années au Royaume uni – on ne parle plus des immigrés africains, antillais ou

asiatiques, car le public a plutôt l’impression que l’immigration issue de ces pays soit

plus ou moins sous contrôle. L’immigration qui fait animer tous les classes politiques

aujourd’hui est l’immigration européenne.

Dans ce contexte le Premier Ministre doit aborder la question des immigrants quand il

traite le sujet de l’UE. Certes, il prononce son discours devant des employés de JCB, mais

ses vrais publics sont à l’extérieur. Tout d’abord il s’adresse au grand public

britannique, et surtout ceux qui s’inquiètent de l’immigration. A ce public il confirme la

validité de leurs angoisses, et rassure sa capacité et sa volonté de régler le problème.

Ensuite le Premier Ministre s’adresse aux leaders d’entreprise, pour leur rassurer qu’il

protègera la stabilité économique et leur capacité de recruter les individus dont ils ont

besoin.

Finalement, et d’une manière très directe, le Premier Ministre s’adresse aux leaders

européens :

Et donc je dis cela à nos amis en Europe : le moment est venu d’en parler vraiment,

et une conversation ne peut pas commencer avec le mot « non »

A vrai dire, ce message aux leaders européens est destiné à la fois aux capitales

européennes et au public britannique. Le Premier Ministre espère démontrer qu’il

défend les intérêts britanniques au sein de l’UE, et, dans ce but, qu’il n’ait pas peur de

contrarier ses homologues européens.

Les élections constituent le fil conducteur à travers ces intérêts politiques – chacun des

leaders aurait les prochaines élections à l’esprit. Lors de son discours en été 2013,

Manuel Valls est loin des élections, ce qui explique en partie le niveau plutôt bas de

Page 54: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

54 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

rhétorique politique dans son discours. Pour son Président, par contre, les menaces sont

plus présentes : en novembre 2014 il aurait à l’esprit les élections européennes du mois

de mai dernier - et la perte catastrophique de son parti – ainsi que les élections

municipales qui auront lieux quelques mois plus tard – ainsi que les prédictions d’un

deuxième massacre électoral.

Pour les leaders britanniques les élections sont également à l’esprit. Lors de son

discours en décembre 2012 Theresa May visait les élections municipales de mai 2013,

et les sondages inquiétants qui indiquaient que le UKIP – un nouveau parti anti-

européen et anti-immigration – représentait une menace grave pour les conservateurs.

De la même manière, lors de son discours en novembre 2014, le Premier Ministre

Cameron s’était concentrait sur les élections législatives de mai 2015. Le UKIP posait

toujours un problème et dominait le débat sur l’UE. De plus, les sondages indiquaient

que les conservateurs ne pourraient pas gagner une majorité, et que le Royaume Uni

serait de nouveau plongé dans l’incertitude d’une coalition.

Ceci démontre que pour chaque discours que fait un homme ou une femme politique, le

contexte politique plus large – ainsi que les élections sur l’horizon – sont toujours à

l’esprit.

B) Les points communs entre la France et le Royaume Uni se traduisent en des

actions concrètes et des mesures pareilles

i) Faire venir les meilleurs immigrés

Il est frappant de noter que les discours de M. Hollande, M. Cameron et Mme May

mettent tous en exergue le fait que son pays n’attire que les « meilleurs » immigrés.

Le Premier Ministre britannique ne s’abstient pas de prétendre que le Royaume Uni

attire « les meilleurs et les plus intelligents » des autres pays. De la même manière,

Président Hollande se félicite de la chance « extraordinaire » de pouvoir avoir les

meilleurs individus s’attirés par la France.

De plus, entre les deux pays il existe une vision partagée de ce qui constitue un « bon

immigré » : les jeunes aux talents qui sont prêts à profiter de leurs compétences dans

l’intérêt du pays adpoté. Comme l’explique Président Hollande, les étudiants sont « des

Page 55: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

55 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

élites de demain ». Dans ce sens, on peut noter que les trois leaders politiques utilisent

tous le mot « talent » à maintes reprises.

Cette vision partagée se traduit en une politique commune : reformer le système

d’immigration afin d’attirer d’avantage les plus doués. Pour M. Hollande il faut lever les

obstacles concernant les mobilités étudiantes « parce que la France doit attirer tous les

talents du monde entier. » Dans ce but, M. Hollande cite la création d’un « passeport

talent » qui offre le droit à séjour de quatre ans. De plus, les visas « talents

internationaux » renforceront le statut de la France comme un des leaders de la

recherche du monde entier.

Pour le Premier Ministre Cameron, il s’agit d’aider les universités à attirer « les

meilleurs talents du monde ». Quant à la Madame la Ministre de l’Intérieur, elle étale

toute une série d’actions pour attirer les plus doués : un nouveau visa pour le « talent

exceptionnel » ; un visa ciblé aux investisseurs et aux entrepreneurs ; une invitation aux

diplômés d’un MBA à accéder aux visas plus facilement ; le droit automatique à un

permit de séjour pour les doctorats afin qu’ils puissent s’engager dans la recherche ou

les affaires.

Il est donc remarquable que les politiques – et même le langage utilisé – ne diffère pas

entre la France et le Royaume Uni. A vrai dire, tous les deux pays sont en concurrence

pour les meilleurs cerveaux, et leurs leaders en sont tout à fait conscients.

ii) Il faut contrôler les frontières et maitriser le système

Le contrôle est un thème récurrent dans les quatre discours examinés. Le mot parait 16

fois dans le discours de Theresa May, qui souligne pourquoi il faut contrôler

l’immigration. Ensuite, elle étale, d’une manière très détaillée, les efforts de son

ministère pour effectuer ce contrôle – interviewer les étudiants ; introduire des

nouvelles vérifications aux ports et aux aéroports ; fermer les institutions éducatives

qui abusent le système… La Ministre ne se limite pas au principe de contrôle, mais elle

explicite les étapes pratiques qu’il faut suivre pour reprendre ce contrôle essentiel. De la

même manière, le Premier Ministre britannique met en exergue l’importance du

contrôle des frontières, et en fait référence non moins de 26 fois dans son discours. Au

cas improbable où son public n’aurait pas compris le poids qu’il accorde au contrôle, il

le souligne en noir et blanc :

Page 56: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

56 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Cela revient en fin de compte à un mot : le contrôle

Quant au Président Hollande, il n’utilise le mot contrôle qu’une seule fois, mais avec un

vocabulaire plus large il transmet le même message. Il ne faut pas laisser au hasard, il

prévient, mais faire des efforts pour que les étudiants viennent suivre leurs études en

France. Il faut plus de contrôle dans le système d’asile, pour qu’on puisse examiner les

dossiers dans un temps très réduite. De plus, le Président insiste sur le fait que l’accord

de Schengen permet à la France de mieux contrôler ses frontières.

De la même manière, bien que M. Valls ne prononce pas le mot « contrôle », le concept

est néanmoins au cœur de son discours – les réformes planifiées permettraient le

Ministre et son équipe de reprendre le contrôle et mettre en place une meilleure gestion

du système.

Alors, bien que les britanniques soient moins subtils dans leur discours, les

gouvernements des deux pays se concentrent également sur le contrôle des frontières

et une meilleure gestion de l’immigration.

C) Les réactions médiatiques dans les deux pays ne sont pas opposées

Malgré les différences pertinentes entre les médias des deux pays, on constate

néanmoins des similarités importantes.

i) Les médias reprennent souvent l’idée d’une menace de l’immigration et

focalisent sur le côté criminel

Tous les quatre leaders politiques font référence à l’abus du système et aux immigrés

clandestins dans leurs discours. Ces idées sont ensuite vivement rapportées dans les

journaux. Les références faites par la Ministre de l’Intérieur britannique sont citées par

les trois journaux examinés : The Times fait références aux pays de « risque élevé », tel

que le Pakistan et le Nigeria. Le journal cite également la promesse de la Ministre d’

« éradiquer l’abus des visas britanniques ». De la même manière, The Mail cite la

déclaration que l’abus du système se fait « d’une échelle massive », et se félicite de

nouvelles mesures introduites pour éliminer « l’abus répandu ». Dans ces articles The

Guardian fait également référence aux abus du système et aux faux étudiants. Enfin, The

Mail consacre tout un article à l’avertissement aux touristes qui partent en France de

Page 57: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

57 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

faire attention aux clandestins à Calais qui voudraient se cacher dans leurs véhicules

afin d’accéder au Royaume Uni.97

Les médias français sont également intéressés par l’immigration clandestine. Le Figaro

fait référence à « la lutte contre l'immigration clandestine », tandis que Le Monde cite le

Président, qui voudrait « traiter avec fermeté et humanité l'immigration clandestine ».

Ensuite, le sujet de la criminalité est peu couvert dans les discours examinés. Or, les

journaux des deux côtés de la Manche n’ont pas raté l’occasion de rappeler le lien

imaginé entre l’immigration et la criminalité – et même le terrorisme.

Les trois journaux français ont cité l’historien Benjamin Stora, qui a déclaré que « la

peur s'est installée en France sur la question de l'immigration ». De plus, Le Monde fait

référence à la peur de l’islam « nourrie par les mouvements radicaux et le relais

médiatique des crimes de l'Etat islamique ».

En Royaume Uni The Mail souligne l’importance de pouvoir renvoyer les criminels

étrangers dans leurs pays d’origine, et The Guardian cite la promesse du Premier

Ministre britannique de faire des efforts pour ne pas laisser entrer les citoyens

européens criminels. De plus, les trois journaux britanniques font référence aux « rough

sleepers, beggars and fraudsters » - c’est-à-dire les immigrés qui sont SDF, mendiants ou

fraudeurs.

Pour les médias français et britanniques le lien entre l’immigration et la criminalité est

donc évident.

ii) Les médias sont surtout concentrés sur les aspects politiques et les élections

Comme expliqué ci-dessus, lorsqu’il s’agit de l’immigration, les leaders au

gouvernement pensent toujours aux aspects politiques et aux élections. On peut

constater le même reflexe dans les médias.

Les journaux français sont particulièrement concentrés sur les aspects politiques. Dans

la couverture du discours de M. Hollande, les trois journaux analysent sans cesse les

implications politiques de ses mots. La presse française ancre le discours de Hollande

dans un contexte politique traditionnel gauche-droit. Un article du Monde considère la

97Ministers warning to Calais tourists: lock up your cars to keep out migrants, dans The Mail, 28 novembre 2014

Page 58: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

58 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

position de Hollande dans un contexte historique de la gauche98, pendant que Libération

déclare que l’intervention du Président représente « un vrai discours de gauche ».99 De

sa part, Le Monde consacre un article entier à la confrontation potentielle entre les

socialistes, d’un part, et l’UMP et le FN de l’autre.100

Tous les journaux français font également référence aux prochaines élections. Or, pour

Libération, il n’est pas une simple question des élections locales de 2015 - le jeu est plus

long, et le Président parle « avec 2017 en tête ».

On trouve le même discours chez les médias britanniques. En traitant le discours du

Premier Ministre Cameron, les trois journaux font en totale 42 références au parti

populiste du UKIP, et analysent les tensions entre les deux partis. The Mail considère

que le discours de M. Cameron n’allait pas assez loin pour satisfaire les eurosceptiques

de son parti.

De plus, les trois journaux rappellent l’importance électorale de l’immigration, avec 33

références aux élections. Tous les journaux évoquent la campagne électorale de 2010,

lorsque David Cameron avait promis de réduire le taux net d’immigration – une

promesse complètement ratée, car le taux a augmenté pendant le gouvernement de M.

Cameron. Ensuite, The Mail et The Times rappellent les récentes élections partielles que

le parti conservateur de M. Cameron avait perdues, et la pression que doit ressentir le

Premier Ministre. Finalement, à six mois des élections législatives de mai 2015, tous les

journaux en analysent les effets potentiels du discours.

En examinant la couverture médiatique, on peut constater que les leaders politiques

n’ont jamais l’option d’ignorer les implications politiques de leurs discours sur

l’immigration, car les médias ne les laisseront jamais oublier.

98 BAUMARD Maryline, La gauche n'a pas le courage de celle des années 1980, dans Le Monde, 16 décembre 2014 99 L’Essentiel dans Libération, 16 décembre 2014 100 Immigration : François Hollande assume la confrontation avec l'UMP et le FN, dans Le Monde, 16 décembre 2014

Page 59: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

59 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

CONCLUSION

Avant de conclure, il faut rappeler les limites de ce travail et de ses découvertes. On n’a

pu considérer que quatre discours politiques des deux pays, ce qui n’offre qu’un aperçu

du débat politique sur l’immigration. Du côté médiatique, on a considéré seulement les

articles qui traitaient les discours choisis, tout en se limitant à quelque jours seulement.

Il ne faut donc pas imaginer qu’on puisse tirer des grandes conclusions qui

expliqueraient tout.

Pourtant, à travers ce travail limité, on peut en tirer quelques conclusions intéressantes

qui illuminent de plus notre compréhension de la communication politique de

l’immigration et de son débat public.

Tout d’abord, il est clair que les parcours historiques de chaque pays aient une

influence considérable sur le contexte dans lequel le débat sur l’immigration de déroule.

Les valeurs républicaines sont – et seront toujours – à la base de l’approche française.

Ceci vient, en parti, de l’histoire particulière de la France, mais fait également parti de la

vie politique contemporaine. Les expériences franco-français – dans l’ère du

colonialisme ou pendant la deuxième guerre mondiale – pèsent sur la conscience du

pays et guide sa politique de l’immigration.

Ensuite, on a témoigné de la place centrale que joue l’économie dans le débat

britannique sur l’immigration, qu’il s’agisse du contexte, des bénéfices, ou des

désavantages de l’immigration. Les relations internationales du Royaume Uni – que ce

soit avec ses anciennes colonies ou avec les institutions européennes, lui donnent des

réflexes distincts, qui influencent ensuite sa politique sur l’immigration.

De plus, on a vu que la France et le Royaume Uni doivent faire face aux mêmes défis

dans un contexte de mondialisation. Ainsi, malgré des réflexes distinctifs, les deux pays

se trouvent sur la même longueur d’onde – ou même en concurrence.

Enfin, ce qui est certain, c’est qu’à la base des discours des leaders politiques sur

l’immigration on trouve toujours une conscience des enjeux politiques. Les médias, de

leur part, veulent vendre les journaux, et sont tout à fait conscient de la valeur des

histoires basées sur les menaces, les catastrophes et les peurs. Il faut donc que les

leaders politiques résistent à la tentation de blâmer les immigrés afin de satisfaire les

médias.

Page 60: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

60 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

BIBLIOGRAPHIE

Livres

L’immigration et le multiculturalisme

POINSOT Marie & WEBER Serge (eds) (2014) Migrations et mutations de la société

française ; l’état des savoirs, La Découverte, Paris

LEQUIN Yves (ed) (2006), Histoire des étrangers et de l’immigration en France, Larousse

TAYLOR Charles (1992), Multiculturalism and the Politics of Recognition; Traduction:

(1994), Multiculturalisme. Différence et démocratie, tr par D.A. Canal, Paris, Aubier, rééd

Paris, Champs, Flammarion, 2001

LATOUR Vincent (2014), Le Royaume-Uni et la France au test de l’immigration et à

l’épreuve de l’intégration: 1930 – 2012, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac

PAREKH Bhikhu (2002), The Future of Multi-Ethnic Britain: Report of the Commission on

the Future of Multi-Ethnic Britain, Profile Books, Londres

SOREL-SUTTER Malika (2011) Immigration, Intégration. Le langage de vérité, Paris,

Mille et une nuits

ROCHE Barbara & WINDER Robert (2015) Immigration : Opportunity Knocks, edition

Kindle

BOHON Stephanie & CONLEY Meghan E (2015) Immigration and population, Polity

Press, Cambridge

BRANDON Guy (2015) Immigration and Justice: How local churches can change the

debate on immigration in Britain, Jubilee Centre, Kindle Edition

COLLIER Paul, (2013) Exodus. How Migration is Changing our World, Oxford, Oxford

University Press:

COHEN Erik (2011), The Jews of France Today: Identity and Values, Brill publishers,

Leiden

Page 61: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

61 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Les médias et la communication

PERALVA Angelina & MACÉ Eric (2002), Médias et violences urbaines, La documentation

Française, Paris

PHILO Greg, BRIANT Emma, DONALD Pauline (2013), Bad News for Refugees, Pluto

Press, London

L’extrême droite

BIZEUL Daniel (2003), Avec ceux du FN; un sociologue au front national, Editions La

Découverte, Paris

Le colonialisme et l’identité nationale

ANDERSON Benedict (2006), Imagined Communities: Reflections on the origin and

spread of nationalism, Verso books

CONSTANTINI Dino (2008) Mission civilisatrice: le rôle de l’histoire colonial dans la

construction de l’identité politique française, Editions La Découverte, Paris

JACKSON Ashley (2013), The British Empire: A very short introduction Oxford University

Press, Oxford, chapitre 2.

GEORGE Stephen (1998), An Awkward Partner: Britain in the European Community,

Oxford University Press, Oxford

La théorie des sciences politiques et de l’analyse de contenu

HEYWOOD Andrew (2012) Political Ideologies: An Introduction, Palgrave Macmillan

BARDIN Laurence (1997), L’analyse de contenu, Presse Universitaire de France, Paris

SEIGNOUR Amélie Méthode d’analyse des discours : L’exemple de l’allocution d’un

dirigeant d’entreprise publique dans la Revue française de la gestion 2011/12 No 211

Page 62: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

62 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Les revues et les articles

AA.VV., Cahiers français No. 385, Mars-avril 2015, La documentation française –

plusieurs articles sur l’immigration en France

BALCH Alex, How has press coverage of immigration changed? Dans The New Statesman

du 21 janvier 2015

RICHARDS Ella, Media coverage of immigration “overwhelmingly negative” dans

Cherwell du 13 août 2013

KOUTONIN Mawuna Remarque, Why are white people ex-pats while the rest of us are

immigrants? Dans The Guardian, 13 mars 2015

DAWBER Alistair, Beware of immigration say the British ex-pats enjoying sunny Spain

dans The Independent du 10 avril 2015

GASTAUT Yvan, La flambée raciste de 1973 en France, dans la revue européennes des

migrations internationales, Volume 9 No 2, 1993, pp 61-75

BENSON Rodney, Quarante ans d’immigration dans les médias en France et aux Etats-

Unis, dans Le Monde Diplomatique, mai 2015

BURROWS Matthew, « Mission civilisatrice » : French cultural policy in the Middle East

1860 – 1914 dans The Historical Journal, 29, 1, pp109-135

French Public Opinion : Morosity rules dans The Economist, 18 May 2013

L’EXPRESS « Vincent Peillon annonce une charte de la laïcité dans les écoles d'ici "fin

septembre » dans l’Express, 25 aout 2013

BOOTH Robert, Antisemitic attacks in UK at highest level ever recorded, dans The

Guardian, 5 février 2015

THAPAR Ciaran The hard knock life of British multiculturalism, dans The New Statesman,

18 décembre 2014

WEAVER Matthew, Angela Merkel: German Multiculturalism has “utterly failed”, dans the

Guardian, 17 octobre 2010

BANTING Keith et KYMLICKA Will, Canadian Multiculturalism: Global Anxieties and

Local Debates dans The British Journal of Canadian Studies, Volume 23 Issue 1

Page 63: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

63 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

BOUDET Alexandre, La popularité de Hollande et Valls baisse après les élections, les

Français veulent un remaniement, dans le Huffington Post du 2 avril 2014

LITTLE Alison, We must stop the migrant invasion, dans The Express, du 6 juin 2013

Les articles du corpus qui sont explicitement cités

Un discours qui ne répond pas aux questions majeures, par Guillaume TABARD dans Le

Figaro, le 16 décembre 2014, p4

Immigration : François Hollande assume la confrontation avec l'UMP et le FN, dans Le

Monde, 16 décembre 2014

La gauche n'a pas le courage de celle des années 1980, par Maryline BAUMARD, dans Le

Monde, 16 décembre 2014

L’Essentiel dans Libération, 16 décembre 2014

Avec la thématique de l'immigration, Hollande est tenté de renouer avec les valeurs

symboliques de la gauche dans Le Figaro, le 15 décembre 2014, p. 3

Les Rapports

TUOT Thierry, La grande nation pour une société inclusive, Rapport au Premier Ministre

sur la refondation des politiques d’intégration – 1 février 2013

Human Rights Watch I already bought you: Abuse and Exploitation of Female Migrant

Domestic Workers in the United Arab Emirates, HRW, 22 octobre 2014

RUPAR Verica et al (2012) Getting the Facts right: Reporting ethnicity & religion; A study

of media coverage of ethnicity & religion in Denmark, France, Germany, Greece, Hungary,

Italy, Lithuania, Slovakia and the United Kingdom, International Federation of

Journalists, Belgium

Migration Observatory, Migration in the news: Portrayals of Immigrants, Migrants,

Asylum Seekers and Refugees in National British Newspapers, 2010-2012, Migration

Observatory, University of Oxford, aout 2013

Page 64: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

64 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Migration Observatory, Highly Skilled Migration to the UK 2007-2013: Policy Changes,

Financial Crises and a Possible ‘Balloon Effect’? Migration Observatory, University of

Oxford, juillet 2014

HICKMAN Mary J. et al, ‘Suspect Communities’? Counter-terrorism policy, the press, and

the impact on Irish and Muslim communities in Britain, London Metropolitan University,

Juillet 2011

DENHAM John, MP (chair) Building Cohesive Communities: A Report of the Ministerial

Group on Public Order and Community Cohesion (connu sous le nom “The Denham

Report”)

EUROBAROMETER (2007), Discrimination in the European Union, recherche effectuée

pour la Commission Européenne

FELDMAN Matthew et LITTLER Mark (2014), Tell MAMA Reporting 2013/14: Anti-

Muslim Overview, Analysis and ‘Cumulative Extremism’ - Centre for Fascist, Anti-Fascist

and Post-Fascist Studies, University of Teeside

Office of National Statistics Migration Statistics Quarterly Report, February 2015 publié

sur le site web du Office of National Statistics, 26 février 2015

Office of National statistics Population by Country of Birth and Nationality Report,

August 2012, publié sur le site web du Office of National Statistics, 30 aout 2012

Office of National Statistics Immigration Patterns of Non-UK Born Populations in

England and Wales in 2011, du 17 décembre 2013

Les sites Internet

Les sources britanniques

www.theguardian.com

www.thetimes.co.uk

www.dailymail.co.uk

www.telegraph.co.uk

Le Premier Ministre : https://www.gov.uk/government/organisations/prime-

ministers-office-10-downing-street

Page 65: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

65 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Le Ministère de l’Intérieur : https://www.gov.uk/government/organisations/home-

office

Office of National Statistics : www.ons.gov.uk

Les sources françaises

www.lemonde.fr

www.liberation.fr

www.lefigaro.fr

Le Président de la République : http://www.elysee.fr/

Le Ministère de l’Intérieur : http://www.interieur.gouv.fr/

Musée de l’Histoire de l’Immigration : http://www.histoire-immigration.fr/

Les sources européennes et internationales

La Commission Européenne : http://ec.europa.eu/index_fr.htm

Page 66: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

66 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

TABLEAU DES ANNEXES

ANNEXE TITRE

1 Méthodologie : Un descriptif de la méthodologie de la recherche

effectuée

2 Discours du Président François Hollande

3 Discours du Ministre de l’Intérieur Manuel Valls

4 Discours du Premier Ministre David Cameron

5 Discours de la Ministre de l’Intérieur Theresa May

6 Grille d’analyse des articles médiatiques

Page 67: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

67 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

ANNEXE 1

Le mémoire: Méthodologie de recherché

Comment identifier le corpus

Une fois le sujet choisi, j’ai dû choisir les personnages politiques à considérer. Je ne pouvais

ni inclure tous les partis politiques, ni tous les membres des gouvernements des deux pays,

donc j’ai filtré et sélectionné seulement les deux individus les plus importants pour le sujet.

Pour le Royaume Uni, j’ai compris très vite qu’il s’aggisait du Premier Ministre, David

Cameron, et de la Ministre de l’intérieur – « Home Secretary » - Theresa May, car ils avaient

tous les deux le plus de pouvoir, et le public leur accordé une responsabilité sur la question

de l’immigration.

En France, la responsabilité sur l’immigration est partagée entre le Ministre de l’Intérieur, le

Premier Ministre et le Président. Dans la première étape de recherche je me suis rendue

compte que la division de responsabilité est plutôt fluide, et les personnalités des individus

jouent un rôle. Ainsi, c’était le Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, qui était le plus actif sur

le sujet. Pendant toute la période de 2012 à 2014, le Président François Hollande était plus

actif que le Premier Ministre.

Ensuite, j’ai dû sélectionner des discours politiques à analyser. J’ai découvert que, pendant

la période en question, il y avait dans les deux pays un grand discours clef sur l’immigration

par le chef du gouvernement/chef de l’Etat, ainsi qu’une intervention importante par

chacun des deux Ministres de l’Intérieur. De plus, les deux premiers ministres ont rédigé des

articles sur l’immigration dans la presse. Il me semblait donc évident que ces trois

interventions de chaque côté de la Manche seraient intéressantes à comparer. Pourtant,

après avoir entamé la recherche, je me suis rendue compte que le corpus était trop large.

J’ai donc éliminé les deux articles rédigé par les premiers ministres, afin de me concentrer

sur les discours.

Ensuite, du côté de la presse, il aurait été impossible de tenter d’analyser tous les articles

dans tous les médias. Pour le timing, il était clair lors d’une première lecture que la

couverture la plus importante apparait dans les jours autour d’un discours. J’ai donc

Page 68: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

68 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

sélectionné seulement les articles publiés le jour du discours, et les deux jours suivants.

Quant aux sources, j’ai voulu inclure un équilibre des médias de l’éventail politique. En

Royaume Uni, le Daily Mail est bien connu pour sa critique de l’immigration et son impact

négatif sur le pays. De l’autre côté, The Guardian est connu pour sa défense des migrants et

des minorités ethniques, et met souvent en valeur la contribution positive des migrants en

Europe101 . Bien qu’aucune source ne soit vraiment neutre, j’ai décidé d’inclure des articles

du The Times, qui sont plus équilibré. Là où les dates le nécessitaient, j’ai inclus les éditions

du dimanche de chaque journal (The Mail on Sunday, The Observer et The Sunday Times).

En France, pour les mêmes raisons d’équilibre politique, j’ai choisi un journal plutôt de

« droite » (Le Figaro), un journal plutôt de gauche (La Libération) et un journal plutôt

centriste (Le Monde). Je reconnais, bien sûr, que cette classification politique est plutôt

arbitraire, mais une analyse profonde de l’appartenance politiques des journaux

constituerait un mémoire – ou bien une thèse entière – à part. De toute façon, en incluant

des articles des trois journaux dans chaque pays qui couvrent, entre eux, la totalité des

positions politiques dominantes, j’espère pouvoir m’assurer d’un certain équilibre dans ma

recherche.

Ensuite, afin de pouvoir accéder tous les articles qui traitaient les discours, j’ai utilisé des

mots-clefs, et puis éliminé tout article qui ne traitait pas le sujet.

Les discours et les mots clef de recherche:

Le discours Les mots clefs

PM Cameron Immigration, speech, EU, Prime Minister

Ministre de l’Intérieur,

Theresa May

Immigration, speech, Theresa May

Président Hollande Immigration, discours, Hollande

Ministre de l’Intérieur,

Manuel Valls

Immigration, discours, asile, Valls

101 A titre d’exemple, on peut comparer les articles publiés le 5 novembre 2014 dans le Daily Mail (1, 2) et The Guardian (1, 2, 3 et 4) sur la contribution économique des immigrés européens.

Page 69: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

69 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Le contenu des discours

Après une première lecture des discours et des articles j’ai créé une grille d’analyse afin de

pouvoir analyser le corpus. Cette grille d’analyse se trouve en Annexe 6. J’ai aperçu que les

médias traitaient les mêmes thèmes que les discours, mais focalisaient sur les éléments qui

leur intéressaient le plus, ou qui convenaient le plus à leurs positions politiques.

Le contenu des articles

Très vite j’ai aperçu les approches partisanes des journaux. Du côté britannique, le Daily

Mail a publié le plus d’articles sur le sujet, ce qui démontre leur quasi-obsession pour

l’immigration. Le Daily Mail, par exemple, était le seule journal à traiter le discours du PM

Cameron une semaine auparavant102. Pourtant, j’étais surprise de découvrir que The

Guardian avait aussi beaucoup à dire sur le sujet – peut-être afin d’offrir un contrebalance

aux articles du Daily Mail en espérant d’assurer un équilibre dans la couverture médiatique.

102 Voir “PM: I’ll ban benefits for EU migrants” du Mail on Sunday, le 23 novembre 2014

Page 70: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

70 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

ANNEXE 2

Discours du Président Hollande

Inauguration du Musée de l'histoire de l'immigration par Président Hollande

15 décembre 2014

Mesdames et messieurs les parlementaires, Mesdames et messieurs les ambassadeurs, Monsieur le Défenseur des droits, Madame la Présidente du Conseil d’Administration, chère Mercedes ERRA, Monsieur le Président du Conseil d’Orientation, Cher Benjamin STORA, Monsieur le Directeur Général, Mesdames, messieurs,

Je suis fier d’inaugurer aujourd’hui le Musée de l’Histoire de l’Immigration et de rappeler le rôle qui est le sien, dans nos institutions culturelles et éducatives.

Il s’agit de comprendre notre histoire pour aller vers l’avenir. Fernand BRAUDEL avait eu cette formule dans son dernier livre : « définir le passé de la France, c’est situer les Français dans leur propre existence ». Telle est la vocation du Musée national de l’Histoire de l’Immigration, rendre aux immigrés la place qui leur revient dans le récit national et se donner ainsi les moyens d’aborder de façon sereine la question toujours posée de l’immigration.

La vocation de votre musée est de montrer le processus continu par lequel la Nation a intégré les populations d’origine étrangère et a su préserver son unité tout en reconnaissant la diversité des origines et des cultures. Ce musée est plus qu’un symbole. C’est un message de confiance dans l’histoire de notre pays mais aussi dans ce que nous sommes et de ce que nous pouvons faire.

La France est un vieux pays d’immigration, l’un des plus vieux pays d’immigration d’Europe. Commencée dès la deuxième moitié du XIXème siècle pour répondre aux besoins de ce qu’on appelait la première révolution industrielle, l’immigration s’est poursuivie tout au long du XXème siècle et s’est amplifiée avec la reconstruction du pays après la guerre, avec la décolonisation et enfin avec la mondialisation. Aujourd’hui un Français sur quatre a au moins un grand parent étranger. Evoquer l’histoire de l’immigration, c’est évoquer l’histoire de France, c’est l’histoire, c’est notre histoire.

Et pourtant, jusqu’à récemment, l’immigration n’apparaissait que faiblement dans les manuels scolaires. Elle n’était guère présentée comme une chance pour notre récit national et était souvent ignorée des Français y compris même de ceux qui en étaient issus. Elle n’avait pas de lieu de mémoire, pas de lieu pour partager les histoires familiales pour retrouver les récits, pour suivre les parcours qui avaient fait que des hommes, des femmes, des familles étaient venus s’échouer ici en France pour mieux réussir.

Il fallait donc une initiative, et je veux rendre justice à Lionel JOSPIN d’avoir dès 2001, pris conscience de cet étrange oubli, et d’avoir eu la volonté de le réparer en proposant la création d’un musée de l’immigration. Ce projet s’est poursuivi sous la présidence de Jacques CHIRAC, qui a chargé Jacques TOUBON de la responsabilité de faire aboutir

Page 71: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

71 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

cette belle entreprise. Le Palais de la Porte Dorée, qui avait connu son heure de gloire d’une époque dépassée, fut choisi. C’était en 2004. Ce lieu qui avait été celui de l’exposition coloniale, allait devenir le musée de toutes les immigrations, de toutes les fiertés après avoir été ce lieu où des peuples avaient exposé devant le colonisateur, leurs plus belles réussites. Le Musée national a finalement ouvert ses portes en octobre 2007, c’était il y a 7 ans.

Sept ans c’est long pour une inauguration officielle. Il fallait qu’elle soit suffisamment réfléchie pour qu’elle puisse avoir lieu aujourd’hui, comme si l’immigration devait être toujours un sujet difficile dont il vaudrait mieux ne pas parler, ou alors avec certains mots et dans certaines circonstances. Mais le principal, c’est qu’aujourd’hui ce musée soit là et que la France soit dotée d’une institution destinée à conserver et à mettre en valeur le patrimoine de l’immigration, à montrer, à mesurer l’apport des immigrés et de leurs descendants, leur apport à la Nation. Par le sang versé, par le travail, par le talent, par la réussite. Ce Musée a une double volonté : la reconnaissance de toutes ces origines, de tous ces parcours, de toutes ces nationalités et en même temps, le rassemblement dans un même projet, celui de la France.

Je tiens à remercier les équipes de l’établissement qui, malgré les vicissitudes, ne se sont jamais découragées. Les efforts ont porté leurs fruits : l’exposition permanente aura vu passer 500.000 visiteurs depuis 2007. Deux mille enseignants viennent s’y former chaque année. Et les chiffres de fréquentation ne cessent d’augmenter grâce aux expositions temporaires qui s’y succèdent.

Ce musée doit être à la hauteur de l’ambition qui était celle de ses concepteurs, ce qui suppose à mes yeux de réaffirmer sa dimension culturelle et scientifique. C’est un lieu où il convient de mener un travail, un travail long, un travail obscur parfois, un travail de mémoire. Il convient de lui donner les moyens qui jusqu’à présent ne lui ont pas été accordés. C’est pourquoi une augmentation de près d’un million d’euros sera effective dès l’année prochaine, pour parvenir à un doublement de son budget en 5 ans.

Mais ce qui fait l’originalité, la spécificité de ce musée, c’est d’être à la fois une référence en matière de recherche, un espace de débat et une expression de la diversité, de la multiplicité de toutes les migrations, pour qu’il puisse y avoir cette mise en valeur des souvenirs, des mémoires ici rassemblées à travers ces objets familiers. Je remercie les donateurs qui ont fait en sorte de pouvoir par un instrument de musique, une machine, une étoffe, démontrer le lien qu’ils avaient avec la France et avec aussi leur pays d’origine. Comme si le pays d’origine venait ici s’offrir au pays d’accueil, c’est-à-dire à la France.

Comme la mémoire individuelle, la mémoire d’une Nation est capricieuse, tantôt elle est ingrate, tantôt elle est généreuse. Elle a ses propres rythmes et regarde trop souvent le passé avec les yeux du présent. C’est pourquoi nous avons besoin des historiens, c’est leur rôle. Ce sont eux qui nous rappellent que l’immigration fut à la fois le produit de nos propres nécessités, de nos propres besoins, j’entends par là ceux de la France, et en même temps des convulsions de l’Histoire, qui ont fait que des femmes et des hommes sont partis de très loin pour venir s’établir ici. D’abord ce furent des ouvriers, ce fut le labeur qui fut la justification de l’immigration.

Les premiers vinrent de tout près, ce furent les Belges, dans l’industrie textile du nord. Puis les Italiens dans l’industrie lourde de l’Est, les Polonais dans les mines. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Espagnols, les Portugais, les Maghrébins, les Africains, qui contribuèrent à leur façon à la reconstruction du pays, à sa croissance à

Page 72: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

72 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

ce qu’on a appelé les trente glorieuses. Au bout de 30 ans après la guerre, on a estimé que ces forces-là auront construit l’équivalent d’un logement sur deux, d’une machine sur sept, et de 90% des autoroutes de notre pays.

Les crises des années 70 paradoxalement n’ont pas tari les flux, parce que les entreprises continuaient d’appeler de nouveaux immigrés, qui venaient chaque fois de plus loin pour pouvoir occuper des emplois que nul ne voulait occuper. Ce mouvement ne s’est arrêté que récemment.

Enfin la décolonisation poussa des populations jusque-là intimement liées à la France à venir y travailler. Je veux saluer ici, le Président Abdou DIOUF qui jusqu’à récemment était le Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, et qui est là pour nous rappeler ce lien qui unit les pays autrefois dans la communauté française, et qui aujourd’hui ont un lien qui demeure avec la France, et qui parlent en français. Ces populations venaient de cette Afrique, de ce Maghreb, et considéraient qu’elles avaient le droit de venir, ici. Elles avaient le droit parce que l’histoire leur rappelait le rôle qui avait été celui des plus anciens, ce qu’on appelait les « troupes coloniales », et qui étaient venues sauver la France. Ces troupes venaient de partout. Parmi les « Poilus » de 14-18, on comptait ainsi 180.000 Algériens, 60.000 Tunisiens, 37.000 Marocains, 134.000 soldats d’Afrique noire, 34.000 Malgaches. C’était l’empire qui était venu sauver la France.

Comment oublier 30 ans après, les 100.000 soldats africains de l’Armée de De LATTRE, qui accomplirent le débarquement de Provence, les tirailleurs sénégalais, les goumiers, les tabors, les spahis, les zouaves. Comment oublier les résistants de la MOI (Main d’Œuvre Immigrée), juifs, arméniens, les martyrs de l’affiche rouge chantés par Aragon.

Comment oublier le dernier Poilu, Lazare PONTICELLI, né en 1897 dans un petit village en Italie. Il n’était même pas français lorsqu’il s’était engagé dans une unité étrangère à 17 ans, en trichant sur son âge. En 1939, il avait demandé à être naturalisé pour participer à la seconde guerre qui venait d’être déclarée. C’était finalement plus qu’un symbole que le Musée national de l’Histoire de l’Immigration l’ait invité à célébrer son 110ème anniversaire ici-même. Tous s’étaient battus pour la France, mais pour une certaine idée de la France. Pour la France universelle, la France ouverte au monde, pour la France capable de promouvoir des idéaux de progrès. Cette France qu’ils voulaient rejoindre pour la servir, cette France qui était la terre espérée de ceux qui ont fui tout au long du 19ème et du 20ème siècle, les massacres, les pogroms, les guerres, les dictatures, et qui trouvèrent dans notre pays un refuge pour fonder leur foyer.

C’est une grande réussite de ce musée que d’évoquer toutes ces mémoires, de nous rappeler que les immigrés, les enfants d’immigrés ont apporté à la science française, à la physique à la chimie, aux mathématiques. Combien de Prix Nobel et de récompenses glorieuses, de Marie CURIE (qui s’appelait de son nom de jeune fille Maria SKLODOWSKA), à Arthur AVILA, franco-brésilien, qui a reçu la médaille Fields de Mathématiques. Tous ces étrangers, tous ces immigrés qui ont fait la fierté de la France dans les domaines qui paraissaient les plus inaccessibles. S’il fallait livrer ici tous les noms de ces milliers d’étrangers, d’immigrés, d’enfants d’immigrés devenus célèbres dans le cinéma, dans la littérature, la peinture, la musique, le sport et la mode. Je veux ici saluer cette belle exposition sur la mode. La mode fait partie de l’excellence française, la mode fait rayonner la France et nous donne à chaque fois la conviction que nous avons tout inventé. Cette mode, nous en savons maintenant toutes les origines, toutes les provenances, ce sont le plus souvent des créateurs, des créatrices qui ont permis à la

Page 73: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

73 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

France d’être toujours en avant-garde, toujours admirée, toujours reconnue. Voilà ce que montre ce musée, que notre réussite, la réussite la plus flamboyante de la France, elle est celle de tous les Français, et donc de tous ceux qui nés ici ou nés ailleurs, ont donné ce qu’ils avaient de meilleur pour la création, pour l’entreprise, pour l’innovation, pour la recherche, bref, pour la France.

Ce musée national est l’hommage de la Nation à ces millions de gens, qui sont venus en France, qui y ont donné le meilleur d’eux-mêmes et dont les enfants sont pleinement devenus Français et qui en même temps veulent que leur histoire, que leur parcours, que leur diversité, leur singularité et leur origine puissent être reconnus par la République, par celle qu’ils ont voulu servir et à laquelle ils ont profondément adhéré.

L’histoire de l’immigration rappelle néanmoins qu’elle fut toujours l’objet de controverses.

La présence de personnes étrangères a toujours suscité à toutes les époques de l’inquiétude, de la peur, de l’appréhension, surtout quand aux différences de langue, de culture, s’ajoutent des différences de couleur et de religion. Il y a toujours eu des démagogues, pour les attiser, pour utiliser les manquements aux règles communes - qu’il faut déplorer, pour justifier le rejet et démontrer qu’il y en a qui ne s’assimileront jamais. L’exploitation des questions migratoires jusqu’à la tragédie, n’est donc en rien une nouveauté et c’est ce que montre la recherche historique.

Dès août 1893, à Aigues-Mortes, des Français excités par d’absurdes rumeurs, avaient massacré des travailleurs italiens, parce qu’ils venaient prendre des emplois, occuper des villages et finalement mettre en cause les équilibres de telle ou telle famille. Puis la boue antisémite s’est déversée lors de l’affaire DREYFUS.

Les archives de ce musée sont pleines de témoignages dans lesquels des pseudo-scientifiques, mais de vrais idéologues tentaient de démontrer pourquoi les Italiens, les Polonais, les Espagnols, les Arméniens ne pourraient jamais être assimilés par la société française.

Dois-je évoquer la période si noire de la collaboration, le déchaînement des haines, les délations, les compromissions ? Puis la guerre d’Algérie qui déchaîna d’autres passions ? Les années 60 furent aussi des années de violence, des ratonnades. Les années 70 avec - on ne s’en souvient déjà plus, des attentats racistes, des assassinats ? Chaque époque fut marquée par des violences et des intolérances. On pourrait se dire que le pire est passé. Il y a toujours cette récurrence, il y a toujours ce retour.

Certes, il n’y a rien de neuf dans les discours, mais les contextes changent. Les étrangers sont toujours accusés des mêmes maux : venir prendre l’emploi des Français, bénéficier d’avantages sociaux indus quand bien même les études les plus sérieuses montrent qu’ils contribuent davantage aux comptes sociaux qu’ils n’en bénéficient.

Ce sont toujours les mêmes préjugés, les mêmes suspicions qui sont invariablement colportés. Mais le fait nouveau, et nous devons le regarder en face, c’est la pénétration de ces thèses dans un contexte de crise, qui paraît interminable, et d’une mondialisation qui est elle-même insaisissable. C’est là que réside le fait nouveau, le doute qui s’est installé sur notre capacité à vivre ensemble. Est-ce que la France sera encore la France ? Est-ce qu’elle sera en mesure d’intégrer, d’absorber, d’assimiler, de prendre le meilleur et d’éviter le pire ? C’est cette question qui taraude beaucoup de nos compatriotes. C’est la peur aussi sciemment installée d’une religion, l’Islam, qui de façon inacceptable est présentée par certains comme incompatible avec la République, alors que la République

Page 74: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

74 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

a toujours respecté les religions, et que les religions ont toujours été capables de comprendre les valeurs qui devaient être respectées.

Le fait nouveau, c’est que ces vents mauvais soufflent de plus en plus, et pas seulement en France, partout en Europe. C’est pourquoi il nous faut une fois encore reprendre le combat et faire en sorte de répondre et de ne rien laisser passer, en montrant d’abord la force de l’intégration.

Le musée restitue le parcours de ces millions d’exilés dont la plupart ont fait souche dans notre pays pour devenir français soit directement par la naturalisation. Le musée montre bien les actes qui ont été ainsi posés, ainsi délivrés. On m’a rappelé cette reconnaissance de l’artiste à qui l’on demandait si elle voulait une décoration. « La décoration ? », a-t-elle répondu, « c’est mon acte de naturalisation, me faire devenir français c’est la plus belle reconnaissance que pouvait m’accorder la République ». Il y a aussi par la succession des générations, le droit du sol, le fait que ces descendants d’étrangers sont devenus des citoyens français, pleinement français, et donc pleinement citoyens.

C’est ainsi que les immigrés d’hier et les enfants se sont fondus dans notre société, et en même temps que s’est enrichie à chaque étape, à chaque période leur contribution. Voilà ce message que le musée transmet : avoir confiance dans notre histoire pour être capable de regarder le présent avec suffisamment de sérénité, de responsabilité et de force pour ne pas nous laisser emporter là où ne voulons pas aller. Les enfants des immigrés dépeints comme inassimilables hier, sont devenus des patriotes sans avoir jamais à renier leurs origines. Parce que depuis 150 ans, la République n’est pas liée aux origines, c’est l’adhésion à un projet commun. Renan, dans sa fameuse conférence de 1882, affirmait que l’existence d’une Nation était un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu était une affirmation perpétuelle de la vie. Savoir tous les jours que nous sommes Français, vouloir être Français, être pleinement conscient que de vivre en France, c’est une somme de devoirs et de droits. De GAULLE, lui-même, ne disait pas autre chose en disant qu’« Est Français celui qui souhaite que la France continue ». Continue dans sa marche, continue dans son destin, continue de porter le progrès, continue d’être à la hauteur de l’idéal qu’elle porte.

Pour y parvenir, l’école joue un rôle fondamental. Elle reste le creuset de l’intégration. Elle est de plus en plus sollicitée. L’école à qui l’on demande à la fois de former, avec une transmission du savoir exigeante et en même temps d’accueillir, d’accueillir parfois des enfants qui n’ont jamais été dans leur famille éduqués dans une autre langue que leur langue d’origine. On demande beaucoup à l’école, on lui demande aussi de faire en sorte que tous les enfants soient dans les mêmes conditions d’égalité. Les réussites scolaires en matière d’intégration sont multiples. Je veux saluer les enseignants qui s’y dévouent et qui parviennent à chaque fois, à chaque année qu’ils ont à recevoir des enfants, à les porter au plus haut niveau. Mais nous devons aussi regarder les échecs. Ils sont là : les décrochages concernent principalement certains quartiers et certains jeunes. Notre premier devoir est de tenir la promesse de l’égalité républicaine. C’est pourquoi la révision des cartes de l’enseignement prioritaire, les moyens donnés à l’éducation nationale, sont des leviers essentiels si nous voulons aller toujours vers une intégration réussie.

De même la lutte contre les discriminations qui existent dans l’orientation, dans la formation, dans l’accès à l’emploi, doivent être également combattues.

Page 75: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

75 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Le second pilier de l’intégration, c’est la laïcité. Elle est proclamée. Elle doit donc être enseignée, traduite en principes simples, intelligibles. La laïcité n’est ni la lutte contre la religion, contre une religion. La laïcité n’est pas la suspicion non plus à l’égard de telle ou telle communauté. La laïcité est une école de respect, de la règle commune, une reconnaissance de la liberté de croire ou de ne pas croire. Cette laïcité, nous devons l’ériger en valeur fondamentale mais nous devons aussi faire en sorte qu’elle puisse être, pour chaque jeune, non pas un concept mais une manière vivre, de respecter l’autre, de pouvoir être pleinement lui-même tout en étant entièrement dans la République. La laïcité n’est pas simplement un principe que l’on voudrait poser, c’est ce qui permet dans les actes de la vie quotidienne de savoir ce qu’il est possible de faire et ce qu’il n’est pas possible de montrer ou de faire.

Nous devons faire en sorte que la laïcité soit célébrée partout le 9 décembre, jour anniversaire de la loi de 1905, et en particulier dans les écoles où désormais est affichée la « Charte de la Laïcité ».

Traiter de façon républicaine la question de l’immigration, c’est imposer la vérité des faits mais c’est aussi nous obliger à agir.

La vérité, c’est de ne rien ignorer des tensions, des difficultés et des risques. L’obligation d’agir, c’est d’aller jusqu’au bout de l’intégration, de traiter avec fermeté aussi et humanité, l’immigration clandestine mais de mieux accompagner l’immigration régulière. Agir, c’est être convaincu que la République doit être sûre de ses principes, fière de ses valeurs mais ne doit jamais céder un pouce de terrain à la facilité et au repli sur soi.

C’est pourquoi, j’ai voulu que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme devienne une grande cause nationale. Parce que lorsque l’on a notre Histoire, que l’on porte nos valeurs, lorsque l’on a cette République qui nous rassemble tous, la France ne peut tolérer qu’un citoyen soit agressé pour sa religion, sa couleur de peau, ses origines.

Rien ne sera passé sous silence. Rien ne doit rester impuni. Rien de ce qui fait une insulte à notre République, à notre Histoire, rien ne doit pouvoir passer à côté de la punition qui est justifiée.

Certains s’interrogent sur la volonté des immigrés de s’intégrer - je l’ai dit, le thème n’est pas nouveau - d’autres dissertent sur la capacité de la France à accueillir ces étrangers qui sont là depuis longtemps, ou ces enfants d’étrangers qui sont devenus Français, et se posent la question de l’avenir même de notre identité. Il y en a même qui s’inquiètent de l’efficacité de notre politique migratoire à l’échelle de l’Europe et veulent la reconsidérer.

Nous devons répondre à toutes ces questions. Nous ne devons pas faire comme si elles devaient par principe ou par précaution être écartées. Car sinon, si nous n’avons pas cette franchise entre nous, nous laisserons la place vide pour des discours qui instrumentalisent la peur, la peur de la dissolution de notre pays, de la dislocation, de la disparition.

Vous savez, ceux qui rêvent d’une France en petit, d’une France de dépit, d’une France en repli, bref d’une France qui ne serait plus la France.

C’est pourquoi, nous devons lutter contre ces thèses au nom de la France, pour la France, pour une France qui sera non seulement à la hauteur de son Histoire mais capable de porter un grand projet, de bâtir un avenir, de forger un destin.

Page 76: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

76 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

C’est pourquoi, au sentiment de dépossession qui est entretenu avec malice, pour ne pas dire avec malignité, il nous faut rappeler à chaque fois aux Français d’où ils viennent, quelles sont les valeurs sur lesquelles notre pays s’est bâti et où nous voulons aller ensemble.

La France est un pays qui porte plus qu’une histoire mais une ambition, qui ne conçoit son destin que dans l’ouverture.

Certes nous devons nous protéger contre toutes les menaces mais la France n’a été victorieuse que lorsqu’elle a été capable de se dépasser. Un pays comme la France n’a pas besoin d’haïr les autres pour aimer les siens. Un pays qui a confiance en lui-même et d’abord dans sa jeunesse. Un pays qui croit en la place de chacun, qui pense que l’éducation est la matrice de tout ce qui fait la citoyenneté, qui fait confiance à la culture pour permettre que chacun puisse s’élever au-delà même de sa condition. Un pays qui veut aller jusqu’au bout de la citoyenneté.

C’est sur ces bases-là que nous devons définir une politique migratoire. Elle est nécessaire.

D’abord, pour ne pas affaiblir les pays d'émigration qui doivent s'appuyer sur leur dynamisme démographique pour leur développement, sur les compétences de leur jeunesse, sur la présence de leurs élites. C’est pourquoi, nous ne pouvons plus regarder le Sud avec les mêmes yeux. Le Sud et notamment l’Afrique qui est un continent de croissance, de développement qui n’a pas besoin de laisser partir sa population, qui a besoin qu’on lui apporte nos investissements, nos technologies et également notre capacité à créer ensemble.

Nous devons aussi avoir une politique migratoire parce que les pays d’accueil ne peuvent pas, justement, accorder aux migrants, notamment à ceux qui sont persécutés dans leur pays, une place digne si les conditions ne sont pas réunies. C’est-à-dire une capacité à donner un avenir et d’abord un emploi.

Nous devons enfin avoir une politique migratoire pour lutter contre les trafics, contre tous ceux qui font commerce. Il y en a toujours eu dans l’Histoire des étrangers avec des réseaux criminels qui mettent en danger la vie des hommes et des femmes chaque jour. Près de 3500 sont morts depuis janvier dans les eaux de la Méditerranée, la route la plus dangereuse du monde.

Cette politique passe par l’Europe. Notre frontière, c’est Schengen. Cet accord est né de la volonté de remplacer des contrôles aux frontières nationales qui n’avaient plus d’efficacité par des coopérations uniques et sans précédent en termes de liberté, de sécurité et de justice. Et on voudrait faire éclater Schengen ? C’est assez facile, personne ne sait exactement ce qu’est Schengen. Peut-être que certains croient que c’est un personnage dont il faudrait rechercher au plus vite l’identité et la personnalité pour le traduire en justice. Mais Schengen, c’est justement ce qui a permis à tous les pays d’Europe de s’organiser pour justement contrôler l’immigration et avoir une coordination des politiques.

Faire éclater Schengen ? Faire disparaître Schengen ? Mais cela serait reculer, aboutir à rétablir des frontières, pays par pays. Peut-être est-ce pour créer des emplois que certains nous font la proposition, mais enfin généralement ce ne sont pas les fonctionnaires qui justifient leurs sentiments les plus doux et les plus accommodants.

Page 77: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

77 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Nous devons donc défendre ce principe et faire que l’avenir de l’Europe soit de bâtir avec l’ensemble des Etats du voisinage, une politique permettant – je pense à la Méditerranée et au-delà - de conjuguer, la gestion des crises, l’aide au développement, et les contrôles des mouvements de population.

La France sera à l’initiative dans les mois qui viennent, non pas pour défaire Schengen mais pour mieux assurer la sécurité à l’intérieur et le contrôle à l’extérieur, et pour mieux répartir les charges qui pèsent sur les Etats membres, en Europe.

Pour la France, où la question de l’immigration revient régulièrement, un devoir de vérité s’impose.

Depuis 10 ans, notre pays accueille environ 200 000 personnes par an, soit la proportion la plus faible d’Europe, rapportée, bien sûr, à notre propre population. 200 000, certains disent que c’est trop. Qui trouve-t-on ? 90 000 viennent au titre de l’immigration familiale, c’est notamment le cas des conjoints de citoyens français : va-t-on interdire un rapprochement dès lors que le lien a pu être vérifié ? Ce serait insupportable ! Ce serait même contraire aux principes du droit européen et même du droit international.

60 000 autres arrivent chaque année comme étudiants. C’est une volonté pour notre pays, c’est un enjeu d’accueillir les élites de demain, le temps de leur formation. Devrait-on préférer qu’ils se forment ailleurs, aux Etats-Unis, au Canada ou en Australie ? Alors que tout le discours que je porte depuis deux ans et demi, c’est de dire que nous avons besoin de plus d’étudiants étrangers parce que c’est un investissement considérable pour la France, c’est une chance extraordinaire de pouvoir avoir les meilleurs talents, chercheurs qui viennent, ici, en France, étudier.

Que serait la France dans 20 ou 30 ans si elle ne les accueillait plus alors que le nombre d’étudiants dans le monde va doubler d’ici 2020 ? C’est la raison pour laquelle, les obstacles concernant les mobilités étudiantes ont été progressivement levés parce que la France doit attirer tous les talents du monde entier.

Il y a deux ans, il y avait une circulaire – je ne rappellerais pas le nom de son auteur, qu’importe- dont le seul objet était de limiter le droit au séjour des étudiants et des chercheurs. Cette circulaire a été abrogée mais notre réglementation est encore trop dissuasive. C’est pourquoi, le Gouvernement a créé les « passeports talents » ouvrant un droit à séjour de quatre ans qui seront délivrés de manière simplifiée et de plein droit dès lors que les critères prévus (les ressources, le niveau d’études, le contrat de travail) seront remplis. « Passeport talent », il ne s’agit plus là, d’étudiants, il s’agit de chefs d’entreprise, de cadres, de jeunes techniciens. Ils amplifieront le mouvement initié avec les visas « talents internationaux » qui ont permis une augmentation de 7% du nombre d’étudiants venant en France, et de 20% pour les chercheurs.

Curieux paradoxe, notre pays ! Quand un jeune Français va à l’étranger, on considère que c’est un exil, que nous n’avons pas pu le retenir. Quand un étudiant étranger vient en France, on viendrait le suspecter. Nous devons faire en sorte qu’il y ait plus d’étudiants français qui aillent aussi à l’étranger pour revenir ensuite et que nous puissions accueillir plus d’étudiants étrangers en France.

Puis, pour arriver aux 200 000, il y a l’asile, c’est-à-dire un droit constitutionnel qui fait partie de l’identité même de la France. Il n’est pas tolérable que notre système d’examen du droit d’asile fonctionne aussi mal. Le constat a été fait depuis longtemps. Plus de 18

Page 78: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

78 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

mois pour avoir une réponse, on a réduit les délais déjà depuis deux ans mais nous devons encore accélérer parce que c’est un double risque que nous faisons courir.

Si le refus est prononcé, toute chance que celui qui est là depuis 18 mois essaie de se réfugier dans l’immigration illégale et si c’est pour une réponse favorable, pourquoi ne lui a-t-elle pas été communiquée plus tôt pour qu’il puisse pleinement s’insérer ?

Nous avons donc préparé un texte qui est en ce moment en discussion au Parlement qui va être voté - je crois avec une large majorité - pour réduire à 9 mois le délai pour traiter une réponse en termes de droit d’asile.

Quant à l’immigration économique, qui a été considérable, elle est devenue résiduelle dans notre pays. La présence de ceux qu’on appelle les travailleurs détachés et qui n’a rien avoir avec ce que l’on croit être l’immigration économique, mais plutôt un abus de situation - ces travailleurs détachés qui ne sont d’ailleurs pas en cause en tant que tels mais qui sont ceux qui viennent en France, de pays européens pour être moins payés parce que les cotisations sociales ne sont pas facturées aux employeurs.

Alors si nous devons respecter la libre circulation qui est un acquis fondamental de l’Europe, elle ne doit pas être détournée, dévoyée parce qu’aujourd’hui la question des travailleurs détachés fait que sur le plan politique il y a l’exacerbation de tensions et sur le plan économique il y a une concurrence déloyale.

Je ferai donc en sorte dans les prochains Conseils européens de clarifier cette notion de travailleur détaché et d’éviter tous les abus.

Trop de nos concitoyens issus de l’immigration se considèrent encore comme des étrangers, assignés à leurs origines. Et trop de nos compatriotes ont le sentiment qu’ils ne sont plus chez eux quand d’autres se placent en dehors des règles communes. Voilà la tension principale qui existe dans notre pays. Dans les deux cas, c’est la France qui est atteinte, qui est blessée. Nous devons donc réagir à cette double dislocation du pacte républicain pour que chacun se considère français en France et capable de vivre ensemble.

La République n’a d’avenir que si elle sait construire une politique de citoyenneté dont le principe est simple et clair : c’est l’égalité.

La République n’a d’avenir que si les droits et les devoirs sont rappelés à tous, quelle que soit leur nationalité.

La République n’a d’avenir que si aucun territoire n’est relégué, abandonné, oublié. Elle n’a d’avenir que si les quartiers ne deviennent pas des ensembles où vivent les mêmes populations dont la communauté de destin serait celle de leurs communautés supposées d’origines. C’est le sens de la politique de la ville : éviter les concentrations des mêmes sur les mêmes lieux, agir sur les causes des inégalités, multiplier les leviers d’insertion, offrir un avenir en termes de formation, d’emploi, d’accès à la culture.

Le sujet que nous avons à régler, c’est l’immigration d’hier et même d’avant-hier que nous avons à mieux appréhender, où le critère, d’ailleurs, n’est plus la nationalité mais la citoyenneté effective. Quant à l’immigration d’aujourd’hui – dont j’ai dit ici le caractère limité, elle doit être néanmoins accompagnée. C’est le sens du projet de loi sur le séjour des étrangers qui sera discuté au Parlement l’année prochaine. Toute personne qui arrivera en France, quelles qu’en soient les raisons –j’ai évoqué les sources de cette immigration- devra apprendre le français, être formé aux valeurs de la République, à ses règles, à ses usages, à ses droits, à ses devoirs.

Page 79: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

79 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Ce parcours d’intégration s’accompagnera de la remise de titres de séjour pluriannuels. A quoi sert-il de faire subir à des étrangers en situation régulière une attente interminable devant les Préfectures, les Sous-préfectures, pour le renouvellement de leur titre de séjour, comme pour bien les punir de ce qu’ils viennent réclamer : un titre de séjour. Ils l’ont déjà, c’est juste pour le renouvellement. Ils l’auront mais ils doivent attendre dans le froid, au petit matin, rien que pour leur montrer qu’ils ne sont pas vraiment, ici, bienvenus.

Ce n’est digne ni pour les fonctionnaires qui ont à traiter ces questions - je veux les saluer, ce n’est pas facile- ni digne pour les personnes ainsi traitées. A quoi sert-il d’instaurer une précarité inutile alors que ces étrangers ont déjà une activité professionnelle ?

Beaucoup d’étrangers, ce ne sont plus les mêmes, sont là depuis des décennies. Ils ont parfois gardé leur nationalité d’origine tout en étant parfaitement intégrés à la société française. C’était leur droit. Ils n’ont pas voulu changer de nationalité ou peut-être n’ont pas pu y accéder. C’est cette situation d’étranger depuis longtemps en France qui a justifié la revendication de leur ouvrir le droit de vote aux élections locales. Beaucoup de pays européens l’ont fait. Pour y parvenir en France, chacun en connait les conditions. Mieux vaut un langage de vérité si l’on veut éviter les passions ou les illusions. Rien ne peut se faire sans une révision de la Constitution, ce qui suppose, dans notre droit, une majorité des 3/5ème au Parlement. C’est-à-dire l’accord de toutes les forces républicaines. J’y suis pour ma part favorable, à elles de prendre leur responsabilité.

Ces difficultés – que nous connaissons depuis 30 ans - ne doivent pas nous empêcher d’agir pour favoriser l’autre versant de la citoyenneté, l’accès à la naturalisation. Il n’y a pas de meilleure preuve d’amour à la République que cette déclaration d’allégeance à ses principes et à ses valeurs. Dans le passé récent, certains ont été tentés de réduire le nombre de naturalisations, de compliquer ces procédures comme si devenir Français pour des étrangers qui étaient là depuis des années, qui avaient servi la France, constituait une menace. C’était encore une fois oublier, les vertus intégratrices de la République.

C’est pourquoi, j’ai demandé au Gouvernement, dès 2012, de fixer de nouveaux critères justes et transparents pour l’accès à la nationalité française. Des progrès ont été faits. Le nombre des naturalisations a augmenté mais il y a lieu, encore, d’accélérer les procédures, de les unifier sur le territoire et de bien fixer la nature des critères.

Je souhaite également que la République marque enfin sa reconnaissance à l’égard des vieux immigrés, ceux que l’on appelle les Chibanis. Beaucoup ont été recrutés, il y a des décennies, avec l’espoir d’un retour rapide au pays. Puis, ils ont fait souche dans le nôtre et ont contribué à sa construction.

A la France, ils ont donné leur jeunesse, leur labeur, leurs bras. Il est temps que l’on cesse de leur opposer des règles tatillonnes pour qu’ils ne puissent accéder véritablement à leurs droits ou à leurs prestations sociales.

Il est temps aussi que leur naturalisation soit facilitée, comme l’a proposé un rapport parlementaire. C’est la raison pour laquelle la loi sur le vieillissement, puisqu’il s’agit de travailleurs âgés, ouvrira la naturalisation de plein droit à tous les étrangers âgés de plus de 65 ans qui ont vécu plus de 25 ans en France et qui ont au moins un enfant français.

Page 80: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

80 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Il y a aussi les jeunes français qui veulent pleinement participer à la vie de notre pays. C’est toute la question de la représentation. Elle n’obéit pas à des logiques législatives, à des quotas ou des règles.

C’est une obligation pour toutes les forces politiques sociales économiques de notre pays. Faire en sorte que ceux qui parlent au nom des autres puissent ressembler aux autres. Faire en sorte que ceux qui décident pour les autres puissent être finalement comme les autres.

Ce travail-là doit être mené systématiquement parce que lorsqu’une représentation n’est plus fidèle à l’état d’une société, la société ne se reconnait plus dans celles et ceux qui les représentent.

C’est un grand enjeu. Des progrès ont été faits lors des élections locales – je sais que dans les entreprises, il y a également cette volonté - mais pourquoi y aurait-il cette facilité dans la culture, dans le sport et cette résistance dans nos institutions ou dans les entreprises ?

Bien sûr qu’il y a la méritocratie scolaire, et elle donne des résultats. Combien de jeunes qui sont de toutes les couleurs de la France ont réussi les meilleurs examens, obtenu les meilleurs diplômes ? Ils frappent à la porte, à leur tour, demandent leur part et à qui on demande plus qu’à d’autres d’attendre, d’attendre encore ? Eh bien non ! Il n’est plus temps d’attendre. Il faut que la société française puisse être représentée avec toutes les couleurs, toutes les forces, toutes les forces vives de la France.

L’immigration en France, c’est l’histoire de millions de personnes venues d’ailleurs, de très loin ou parfois de plus près qui voulurent un jour fondre leurs aspirations personnelles, familiales dans le rêve français.

C’est ainsi que notre histoire s’est faite. Notre pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans cette multiplication de talents et d’atouts. Bien sûr que cette immigration a suscité également tout au long de son histoire, frustrations, fractures, frictions, nous ne devons ni ignorer les talents ni occulter les peurs.

Cette diversité est une chance si nous savons la valoriser, l’enrichir, la dépasser, si nous savons affirmer une volonté commune de vivre ensemble, ce qui suppose une pleine adhésion à la République. Sinon c’est le piège de la division, la menace du communautarisme, la confrontation des cultures et donc, le racisme, l’antisémitisme, la détestation de l’autre.

C’est en prenant en compte ces risques qui sont là, dans la France du 21ème siècle, que nous ne pensions plus imaginer ou voir, c’est en prenant en compte ces risques que nous devons nous élever, pour faire en sorte que la Nation redevienne facteur d’espoir. La France doit avoir confiance dans la France.

C’est une responsabilité dont l’Etat a la charge pour garantir la cohésion et l’apaisement. Je l’ai dit, l’éducation en est la première condition mais l’école ne peut pas répondre à un défi aussi grand. Toutes les institutions sont concernées : les institutions publiques mais également les entreprises privées. La réussite de notre pays dépend de notre capacité à régler cette question de la citoyenneté et de l’immigration.

C’est aussi une responsabilité individuelle car l’histoire de l’immigration nous l’enseigne aussi. Vivre en France, c’est une chance. Elle doit être ressentie, comprise, saisie pour pouvoir être mise au service du destin commun.

Page 81: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

81 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Votre musée montre que cet espoir est possible puisqu’il apporte la preuve que des femmes et des hommes arrachés parfois dans la douleur à leur pays d’origine, qui ont connu bien des épreuves, ont été capables, sur notre propre sol, de donner le meilleur de leur vie, de faire en sorte que leurs enfants puissent être pleinement des citoyens et d’accomplir ce qui a été, un moment, leur destin.

L’histoire de l’immigration fait partie de notre histoire nationale mais la réussite de l’intégration déterminera notre destin national.

Votre musée, votre institution, votre Cité a l’immense mérite de donner à des générations d’immigrés la place qui doit leur revenir et de nous faire comprendre qu’ils ont fait le visage de la France.

Un visage qui a la couleur de la République. Celle qui unit, rassemble et fédère. Une Nation qui doit être fière d’elle-même et sûre de son destin. C’est quand la Nation est fière, quand elle sait où elle va et quand son destin est partagé que cette grande Nation qui s’appelle la France peut résister à tout pour faire le meilleur et conjurer le pire.

Merci

Page 82: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

82 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

ANNEXE 3

Discours du Ministre de l’intérieur Manuel Valls

Intervention de Manuel Valls lors du lancement de la concertation nationale sur la réforme de l’asile

15 juillet 2013 - Place Beauvau

Monsieur le député,

Madame la sénatrice,

Madame la députée européenne,

Mesdames, messieurs les préfets,

Madame la présidente de la CNDA,

Monsieur le délégué du Haut Conseil aux Réfugiés,

Monsieur le secrétaire général,

Mesdames, messieurs les directeurs,

Mesdames, messieurs,

Si les grands principes qui fondent notre Etat de droit doivent rester immuables, en revanche,

les dispositifs mis en œuvre pour les garantir ne doivent pas forcément l’être. Et si je

m’adresse à vous aujourd’hui, c’est parce que nous faisons face à l’impérieuse nécessité de

nous réformer.

De nous réformer collectivement pour garantir ce droit fondamental auquel nous

sommes attachés, parce qu’il est au cœur de ce qu’est la France : le droit d’asile.

Ce droit qui affirme que toute personne « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa

religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions

politiques », doit obtenir une protection dans un autre pays que le sien.

Rappeler ce droit à la protection, c’est souligner la singularité de l'asile dans la complexité

des mouvements migratoires européens et mondiaux : la politique de l’asile n’est pas une

politique d’immigration et le droit d’asile n’est pas un droit à l’immigration.

La République est née avec l’affirmation de grandes libertés individuelles : celle d’opinion,

celle de conscience. La République ignore également l’idée de hiérarchie entre les Hommes ;

elle ne connaît que des citoyens, égaux entre eux, et bénéficiant des mêmes droits. La

République, un jour, a voulu parler au nom de l’humanité tout entière ; et c’est donc

logiquement que du monde entier l’on y vient chercher un refuge face aux persécutions.

La France a inscrit le droit d’asile au Préambule de sa Constitution. Elle s’est engagée à le

respecter en ratifiant la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ou Convention de

Genève, dont l’un des éléments essentiels est le principe de non refoulement.

Garantir l’asile, c’est la dignité, mais aussi l’engagement de la France. Etre ministre de l’Intérieur ce n’est pas avoir uniquement la charge des questions de sécurité.

C’est également veiller à la bonne organisation, à la permanence et à la continuité de l’Etat.

C’est mettre en œuvre la politique d’immigration ; c’est assurer la relation avec les cultes. Et

c’est aussi conduire la politique de l’asile.

Page 83: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

83 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Ministre de l’Intérieur, je suis le ministre du droit d’asile, et c’est ma responsabilité

d’en garantir la pérennité.

Or, un constat s’impose : notre politique de l’asile a atteint ses limites. Si bien que pour

la préserver – je dirais même pour la sauver – il nous faut la réformer. Profondément.

Qu’en est–il exactement ?

Il ne se passe pas une journée sans que l’actualité, à travers les médias locaux, régionaux ou

nationaux ne rappellent, le plus souvent de façon dramatique, l’inefficacité de notre système

actuel : accueil dégradé, saturation de nos dispositifs d’hébergement, files d’attentes

interminables des demandeurs d’asile devant les préfectures ou encore, occupations illicites

de bâtiments quand ce n’est pas simplement errance de familles dans l’espace public. Des

tensions de plus en plus vives sont ressenties dans les régions, départements et villes les plus

concernés : Rhône-Alpes, Alsace, Bourgogne, ou encore Bretagne.

Notre système est à bout de souffle pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, une demande qui s’est accrue et qui continue de croître : entre 2008 et 2012, le

nombre de demandeurs d’asile a augmenté de 73%. Avec un total de 61 400 demandes, la

France se place ainsi au deuxième rang européen, après l’Allemagne, des pays destination des

demandeurs. Je souligne que sur les cinq premiers mois de l’année 2013, nous enregistrons

déjà une augmentation de 10% par rapport à la même période en 2012. Je ne m’étendrai pas

davantage sur ces éléments puisque Luc DEREPAS présentera tout à l’heure un état des lieux

plus complet.

La seconde raison tient aux délais qui s’allongent et qui pèsent sur l’ensemble du système. En

effet, la hausse de la demande d’asile a généré une augmentation importante des délais

d’instruction qui ont pu être supérieurs à 20 mois en moyenne. Des délais qui, grâce aux

renforts mobilisés au profit de l’OFPRA, à la réorganisation engagée par son directeur

général, Pascal BRICE, et de la CNDA commencent à diminuer mais à un rythme insuffisant

: 16 mois et demi en 2012. Et encore, ce chiffre ne tient pas compte des délais en amont de

l’examen de la demande par l’OFPRA : je pense à ces délais accumulés à chaque étape de

l’entrée dans la procédure : l’accès à la domiciliation, les démarches en préfecture. Tous ces

délais pèsent sur l’ensemble du dispositif, le rendant parfaitement illisible et inopérant et

engendrant des coûts toujours plus importants. Depuis cinq ans les crédits de l’asile ont

augmenté de façon spectaculaire, sans pour autant améliorer la prise en charge des

demandeurs d’asile. Les crédits consacrés aux CADA, à l’ATA et à l’hébergement d’urgence

des demandeurs représentent aujourd’hui près de 500 millions d’euros. Si l’on prend en

compte l’ensemble des dépenses liées à l’asile et aux déboutés du droit d’asile ce montant

devient bien supérieur. Or, in fine, notre système n’octroie l’asile qu’à une faible part des

demandeurs.

Troisième dysfonctionnement : des concentrations des demandes sur certains territoires, en

particulier l’Ile-de-France avec 45 % du total.

Enfin, dernière difficulté : la très forte pression sur les dispositifs d’hébergement, résultante

logique des trois dysfonctionnements. Les centres d’accueil des demandeurs d’asile qui

devraient être la norme pour l’hébergement sont totalement saturés, et seuls 30% des

demandeurs en bénéficient. Le recours aux dispositifs d’urgence est alors massivement

sollicité. Et même en prenant en compte l’hébergement d’urgence, l’Etat ne parvient à

héberger que la moitié des demandeurs.

A cela s’ajoute que près de 80 % des demandeurs sont déboutés de leur demande, dont une

large part relève en réalité de motivations économiques et non de nécessité de protection. La

Page 84: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

84 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

majorité de ces déboutés reste de manière irrégulière sur le territoire et parmi eux nombreux

sont ceux qui introduisent une demande de séjour à un tout autre titre que l’asile et sollicitent

de surcroit les dispositifs d’hébergement d’urgence. C’est précisément ainsi que le droit

d’asile est dévoyé et détourné. Le Premier ministre a annoncé la création de 4000 places de

CADA supplémentaires. 2000 sont d’ores et déjà disponibles, les 2000 autres le seront avant

la fin de l’année prochaine. Mais si le fonctionnement de notre système d’asile reste

inchangé, ces efforts seront vains. Les dispositifs d’urgence du ministère de l’Egalité des

territoires et du Logement ont également été renforcés, mais compte tenu des contraintes

budgétaires, nous ne pourrons pas multiplier à l’infini les hébergements.

Il nous faut donc agir. Agir vite.

Mesdames, messieurs,

Depuis quelques années, dans notre pays, le traitement et le dialogue autour de la question de

l’asile se sont progressivement réduits à un outillage technique, administratif, procédurier et

juridique. Je ne méconnais évidemment pas la nécessité d’une telle technicité mais ce faisant,

nous en avons progressivement perdu le sens. Je crois qu’en la matière, le politique doit

reprendre ses droits. C’est aussi la perspective que je veux fixer à la réforme que je souhaite

engager. Dans le contexte que nous connaissons, mais aussi face à une crise qui s’est

mondialisée, à nos sociétés qui tendent à se replier sur elles-mêmes, comment faire évoluer le

droit, comment rebâtir l’architecture juridique et politique pour repenser avec humanité, mais

avec responsabilité, de nouveaux équilibres ?

En France, l’Etat n’a pas le monopole des solidarités, mais il en est un acteur central ; à ses

côtés agissent les élus, les collectivités, les associations.

Sur le sens de nos politiques publiques, sur leurs moyens humains et financiers, je souhaite

que cette concertation qui s’ouvre aujourd’hui soit l’occasion d’interroger la place et la

responsabilité de chacun, pour construire une nouvelle donne, ancrée dans la réalité, les

atouts mais aussi les contraintes de notre société. C’est dans cette perspective que j’ai

sollicité Valérie LÉTARD, sénatrice (UDI), et Jean-Louis TOURAINE, député (PS), tous

deux élus locaux aux expériences professionnelles, politiques et personnelles

complémentaires. Avec eux je partage le pragmatisme et la volonté de changer ce qui à

l’évidence dysfonctionne depuis quelques années. Je les remercie d’avoir accepté d’être les

médiateurs de cette concertation. Ils vous écouteront, vous interpelleront, feront valoir les

points de consensus, identifieront les point de dissension ; ils faciliteront ainsi vos travaux. Je

leur ai demandé de me remettre leurs recommandations à la fin du mois d’octobre. J’ai

conscience de la rapidité des délais, mais nous le savons tous, il n’y a plus de temps à perdre.

Tous les acteurs du droit d’asile sont autour de la table (associations, HCR, administration,

...). J’ai également demandé à une parlementaire européenne qui connaît bien ces sujets de

participer à nos travaux. L’ADF, l’AMF et des villes

concernées par les problématiques de l’asile (Mulhouse, Rennes) s’impliqueront dans la

concertation. J’ai enfin demandé à quatre préfets dont les territoires sont en première ligne de

nous accompagner.

Merci à vous toutes et à vous tous pour votre implication. Elle est nécessaire pour

qu’ensemble nous puissions redonner toute sa force à ce grand principe qu’est le droit d’asile.

Page 85: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

85 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

ANNEXE 4

Discours du Premier Ministre David Cameron

PM David Cameron:

Immigration and the EU

Siege de JCB, Staffordshire, Royaume Uni

28 novembre 2014

Thank you very much. Well thank you very much indeed for that introduction, and it’s great to be back at this inspirational company that has had such success in recent years, not only here but around the world: in India, in Brazil, and elsewhere. You are an absolute magnet for talent, and I think a great British company that’s investing in skills, that is making, investing, selling around the world, doing all the things that we want you to as part of our long-term economic plan.

Immigration

Now today I want to talk about immigration, and, just as this government has a long-term plan for where we’re taking our country, so within that, we have a long-term plan for immigration. Immigration benefits Britain, but it needs to be controlled, it needs to be fair, and it needs to be centred around our national interest. That is what I want. And I want to tell you today why I care so passionately about getting this right, and getting the whole debate on immigration right in our country. When I think about what makes me proud to be British, yes, it’s our history, our values, our creativity, our compassion. But there is something else too. I am extremely proud that together we have built a successful, multi racial democracy. A country where, in 1 or 2 generations, people can come with nothing, and rise as high as their talent allows. A country whose success has been founded not on building separate futures, but rather on coming together to build a common home.

Openness

We’ve always been an open nation, welcoming those who want to make a contribution and build a decent life for themselves and their families. From the Jewish communities who came to Britain before World War I, to the West Indians who docked at Tilbury on the Windrush and helped to rebuild our country after World War II. Even at times of war and danger, when our island status has protected us, we’ve offered sanctuary to those fleeing tyranny and persecution. We’ll never forget the Polish and Czech pilots who helped save this country in its hour of need, and the Poles who went on to settle here, to help build post war Britain, and indeed who contribute so much to our country today. And we’re proud, very proud, of the role that we played in providing a haven to, for instance, the Ugandan Asians in the early 1970s, who now count amongst their number 4 members of the House of Lords, some of the UK’s most successful businessmen, a BBC news presenter and the owner of a company providing china to the royal households.

Our openness is part of who we are. We should celebrate it. We should never allow anyone to demonise it. And we must never give in to those who would throw away our values with the appalling prospect of repatriating migrants who are here totally legally and have lived here for years. We are Great Britain because of immigration, not in spite of it.

So it’s fundamental to the future of our country that we get this issue right, and in doing so there are 3 dangerous views that we need to confront. First is the complacent view, the view that says

Page 86: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

86 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

the levels of immigration we’ve seen in the past decade aren’t really a problem at all. The view that says that mass migration is just an unavoidable by-product of a new world order of globalisation, and that that globalisation is an unalloyed good, and those complaining about immigration just need to get with the modern world. Now often the people who have these views are people who have no direct experience of the impact of high levels of migration. They’ve never waited on a social housing list, or found that their child’s classroom is overcrowded, or felt that their community has changed too fast. And what makes everyone else really angry is that, if they dare to express these concerns, they can be made to feel guilty about doing so. So we should be clear: it is not wrong to express concern about the scale of people coming into our country.

Control

People have understandably become frustrated, and it boils down to 1 word: control. People want government to have control over the number of people coming here, and the circumstances in which they come, both from around the world and from within the European Union. They want control over who has the right to receive benefits and what is expected of them in return. They want to know that foreign criminals can be excluded, or if already here, removed. And they want us to manage carefully the pressure on our schools, on our hospitals, and on our housing. If we are to maintain this successful, open, meritocratic democracy that we treasure, we have to maintain faith in government’s ability to control the rate at which people come to our country.

And yet, in recent years, it has become clear that successive governments lack control. People want grip. I get that. I completely agree with that, and to respond to this view with complacency is both wrong and dangerous.

Isolationism

Now the second dangerous view is to think that we can somehow pull up the drawbridge, retreat from the world, and just shut off immigration altogether. Now people who make this argument try to dress it up as speaking up for our country, but this isolationism is actually deeply unpatriotic. Yes, Britain is an island nation, but we’ve never been an insular one. Throughout our long history, we’ve always looked outward, not inward. We’ve used the seas that surround our shores not to cut ourselves off from the world, but to reach out to it, to carry our trade to the four corners of the earth. And with that trade has come people, companies, jobs and investment. And we’ve always understood that our national greatness is built on our openness.

And we see that every day. We see it in our National Health Service, which would grind to a halt without the hundreds of thousands who come from overseas to help run it. We see it in the City of London, the financial epicentre of the world, where so many from so many different countries have come to make Britain their home. We have it in the Bank of England, where the best central bank governor in the world, a Canadian, is our governor. We see it in our world class universities, where students and professors have come from all over the world. This is modern Britain, a country that’s come out of recession to become the fastest growing advanced economy in the world. And that has happened in part because we are an open nation. And for the sake of British jobs, British livelihoods, British opportunities, we must fight this dangerous and misguided view that our nation can withdraw from the world and somehow all will be well.

Education

Page 87: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

87 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

Now the third view that we need to confront is the idea that a successful plan to control immigration is only about immigration policy and immigration controls. A modern immigration plan is not just about the decisions you take on the people you allow into your country. It’s also about the education you provide to your own people, and the rights and responsibilities that you have at the heart of your own welfare system. Because let’s be frank, the problem hasn’t just been a simplistic one of too many people coming here, it’s also been a problem of too many British people untrained, too many British people without the incentive to work because they can get a better income living on benefits. Even at the end of the so called boom years, there were around 5 million people in our country of working age but on out of work benefits. And this was at the same time as the last government enabled the largest wave of migration in our country’s history.

So I want young British people schooled enough, skilled enough and keen enough to work, so there is less demand for foreign workers. Put simply, our job is to educate and train up our youth, so that we’re less reliant on immigration to fill our skills gap. And any politician who doesn’t have a serious plan for welfare and education does not have a serious long-term plan for controlling immigration either.

So in taking on these views, we also need to choose our language carefully. We must anchor this debate in fact, not prejudice. We must have no truck with those who use immigration to foment division or as a surrogate for other agendas. And we should distrust those who sell the snake oil of simple solutions. There are no simple solutions. Managing immigration is hard, not only here but in every developed country – certainly in Europe. Look at Italy where migration from North Africa is a vital issue. Look at Germany where benefit tourism is a huge concern. Look at the United States, the ultimate melting pot, where President Obama has just announced sweeping reforms. Look at Australia – whose points-base system we now operate in Britain – where the issue of immigration dominated their last election campaign but where migrant numbers are actually higher pro rata than here in the UK.

Now, I think the British people understand this. They know that a modern, knowledge-based economy like ours needs immigration. And there is, if you like, a parallel here. On the European Union, most British people don’t want a false choice between the status quo or leaving; they want reform and then a referendum. And on immigration, they don’t want limitless immigration, and they don’t want no immigration; they want controlled immigration, and so do I.

So what are the facts? Over the last 10 years, immigration to the United Kingdom has soared while the number of Britons going to work aboard has remained roughly the same. As a result, net migration, a reasonably good way of measuring the pressure of immigration, has gone up significantly. Let me give you some idea of the scale. In terms of net figures, in the 30 years leading up to 2004, net migration to the UK was around 1 million. In the next 7 years, it was 1.5 million. The gross figures are that 8.3 million people came to the UK as long-term migrants in the 30 years in the run-up to 2004, but a further 4 million came in just the next 7 years. What caused this increase? Now, certainly, a lax approach to immigration by the last government which they themselves have since admitted. For example, their points system included an entire category for people from outside the European Union with no skills at all to come to the United Kingdom. That was clearly mad.

It was too easy also for foreign nationals to become citizens. There was a huge increase in asylum claims. There were disproportionate numbers of jobs going to foreign workers. The welfare system allowed new EU migrant workers to claim immediately without having paid in, which is in contrast to many, many other countries. And of course there was the decision by the last government not to impose transitional controls on the 8 new countries which entered the

Page 88: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

88 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

European Union in 2004. Now, with their economies considerably poorer than ours, and with almost every other EU country opting to keep those controls, it made the UK a uniquely attractive destination for the citizens of those countries, and a million people came to Britain after that decision.

Immigration reform

So when we came to office in 2010, we were determined to get to grips with this problem. So we set a clear target to return net migration to 1990s levels when, even though we had an open economy, we had proper immigration controls, and that meant that immigration was in the tens of thousands, not the hundreds of thousands. And we set to work on it immediately with a clear plan to tackle the non-EU migration in a targeted way while continuing to permit companies to bring in the skilled workers they need and allowing universities to attract the best talent from around the world.

So we took action to cut numbers, to tackle abuse on every one of the visa routes for those coming to Britain from outside Europe. We imposed an annual cap on economic migration of 20,700. We clamped down on the bogus students and we stopped nearly 800 fake colleges from bringing people in. We insisted that those wishing to have family come and join them had to earn at least £18,600 a year, and they had to pass an English language test.

And in addition, we’ve made Britain a much harder place to exist if you are an illegal migrant. This is all relentless, painstaking work. I’ve been out on the ground with the Border Force staff. I’ve talked with immigration officers who used to have no choice but to admit what they felt sure were fake students, claiming to come here to study but not really being able to speak a word of English. So we’ve tightened up across the board: not only at the border but also inside the country too, stopping illegal immigrants from opening a bank account, or obtaining a driving licence or renting a home. These are measures which other parties did not support but which I believe are essential and need to be carried out forward, faster and further.

We brought back also vital exit checks at our ports and airports. And by April next year, those checks will be enforced at all our major ports and airports. So we’ll be able not only to count people in but also to count them out again. And in Calais, we’ve created a £12 million fund to strengthen security and we’re working more closely than ever with our French partners to tackle the illegal immigration and track down the people smugglers which people see with such frustration on their television screens every night.

This determined effort is making a real difference. Even after yesterday’s disappointing figures, net migration from outside Europe is down by almost a quarter and falling close to the levels seen in the late 1990s. Without our reforms, in the last year alone, 50,000 more migrants from outside the EU would have come to the UK.

But if I’m Prime Minister after the next election, we will go further. We will revoke licences from colleges and businesses which fail to do enough to prevent large numbers of migrants that they sponsor overstaying their visas. We will extend our new policy of deport first, appeal later to cover all immigration appeals where a so-called right to family life is invoked. We will rapidly implement the requirement, including in our 2014 Immigration Act, for landlords to check the immigration status of their tenants.

We’ll do all of these things and we will continue with our welfare and education reforms, making sure it always pays to work, training more British workers right across the country but especially in local areas that are heavily reliant on migrant labour and supporting those communities with a new fund to help meet additional demands on local services. We’ll also

Page 89: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

89 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

introduce stronger powers to tackle the criminal gangs who bring people into our country and then withhold their passports and their pay.

And I’m proud today that we’ll be publishing our modern slavery strategy, clamping down on those appalling criminals who try and traffic people into our country. But our action to cut migration from outside the EU has not been enough to meet our target of cutting the overall numbers to the tens of thousands. The figures yesterday demonstrate that again. As we’ve reduced the numbers coming to the UK from outside the European Union, the numbers from inside the European Union have risen. In other words, the squeeze in one area has been offset by a bulge in the other. But the ambition remains the right one, but it’s clear it’s going to take more time, more work and more difficult long-term decisions in order to get there.

Now some people disagree with the whole concept of a net migration target because they say you can be blown off course by the numbers of people emigrating, the numbers of people leaving Britain each year. But I think there are two reasons why it is worthwhile. First of all, it measures the overall impact – the impact of migration on our country. And secondly, emigration figures from Britain have been and still are relatively constant. But I accept the logic of the argument from these people who make that point. So as well as sticking to our ambition, we’ll set out additional metrics in the future so that people can clearly chart the progress on the scale of migration from outside the EU and from within it.

EU net migration

So let me set out why net migration from the EU is rising and exactly what we’re going to do about it. The first thing to say though is it is a tribute to Britain that so many people want to come here. This has not always been the case. In the 1970s, when Britain was the sick man of Europe, more people were leaving Britain than coming here. Today, they’re coming for perfectly understandable reasons. We are currently the jobs factory of Europe. Our unemployment is tumbling and is now about half the level that it is in France and a quarter of the level it is in Spain.

And whereas in the past, the majority of the growth in employment was taken up by foreign nationals, last year 2 thirds of the growth benefited British workers. Now, while some eurozone economies remain weak, our economy is now growing faster than every major economy in Europe and indeed is the fastest growing economy in the G7. That fact, combined with our generous welfare system, including for those in work, makes the United Kingdom a magnetic destination for workers from other European countries.

But let me be clear. The great majority of those who come here from Europe come to work, work hard, and they pay their taxes. They contribute to our country. They’re willing to travel across the continent in search of a better life for them and their families. Many of them come for just a short period, a year or two before then returning home. And once economic growth returns to the countries of the eurozone and those economies start to grow and prosper, the economic pendulum will start to swing back, and that will require far-reaching structural reform in Europe and removing barriers to job creation in other countries. And I welcome the intention of the new European Commission to tackle these issues. They will have the wholehearted support of the United Kingdom in doing so.

“So what,” sometimes my European counterparts say to me; “What’s the issue?” They say, “You’ve got unemployment falling. Your economy is growing. This doesn’t look to us like a serious problem.” Indeed, many say, “We wish we had the sort of problems that you’ve got in Britain.” And some in Europe just think our problems are because our welfare system is a soft touch. But this government has already taken unprecedented action to make sure our welfare

Page 90: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

90 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

system is fairer and less open to abuse, all within the current rules. And these reforms, including restricting EU jobseeker entitlements, they will save our tax payers £0.5 billion over the next 5 years.

But even with these changes, the pressure is still very great. In some areas, the number of migrants we’re seeing is far higher than our local authorities, our schools and our hospitals can cope with. They’re much higher than anything the EU has known before in its history. They’re far higher than what the founding fathers envisaged when the European Economic Community was established in 1957 or what Margaret Thatcher and Helmut Kohl envisaged when they signed the Single European Act in 1986.

One million people coming to 1 member state: that is a vast migration on a scale that has not happened before in peacetime. And yesterday’s figures show that the scale of migration is still very great. So many people, so fast is placing real burdens on our public services. There are secondary schools where the turnover of pupils can be as high as 1 third of the whole school inside a year. There are primary schools where dozen of languages are spoken, with only a small minority speaking English as their first language. There are hospitals where maternity units are under great pressure because birth rates have increased dramatically. There are accident and emergency departments, as we know, under serious pressure. There’s pressure on social housing that can’t be met. And all this in a country with a generous non-contributory welfare system. All of this is raising real issues of fairness.

People cannot understand how those who have not paid in can immediately take out, and they find it incomprehensible that a family coming from another EU country can claim child benefit from the UK at UK rates and send it back to children still living in their home country. When trust in the European Union is already so low, we cannot leave injustices like this to fester.

Now some of our partners will say, “But you’re not unique. Germany, for instance, has had more EU migrants than the UK.” But Germany is in a different situation. Germany’s population is falling whereas Britain’s is rising.

Freedom of movement

Now dealing with this issue in the European Union is not straightforward because of the freedom of movement to which all EU member states signed up. And I want to be clear again, Britain supports the principle of the free movement of workers. We benefit from it. And 1.3 million British citizens exercise their right to go and live and work, and, in many cases, retire in other European countries. Accepting the principle of free movement of workers is a key to being part of the single market, a market from which Britain has clearly benefited enormously. So we don’t want to destroy that principle or turn it on its head. Those who argue that Norway or Switzerland offer a better model for Britain, they ignore 1 crucial fact; they have each had to sign up to the principle of the freedom of movement in order to get access to the single market. And both countries actually have higher per capita immigration than the United Kingdom.

But freedom of movement has never been an unqualified right, and we now need to allow it to operate on a more sustainable basis, in the light of experience in recent years. But that doesn’t mean a closed door regime or a fundamental assault on the principle of free movement. But what it does mean is finding arrangements to allow a member state like the United Kingdom to restore a sense of fairness and to bring down the current spike in numbers.

My objective is simple, to make our immigration system fairer and to reduce the exceptionally high level of migration from within the EU into the UK. I’m completely committed to delivering

Page 91: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

91 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

that and I’m ready to discuss with our partners any methods which achieve it while maintaining the overall principle to which they and we attach such importance.

Let me set out the action we intend to take to cut migration from within Europe by dealing with abuse, by restricting the ability of migrants to stay here without a job, and by reducing the incentives for lower-paid, lower-skilled workers to come here in the first place.

First, we want to create the toughest system in the EU for dealing with the abuse of free movement. This includes stronger powers to deport criminals and to stop them coming back. And it includes tougher and longer re-entry bans for all of those who abuse free movement, including beggars, rough sleepers, fraudsters and people who collude in sham marriages. And we must also deal with the extraordinary situation where it’s easier for an EU citizen to bring a non-EU spouse to Britain than it is for a British citizen to do exactly the same thing.

At the moment, if a British citizen wants to bring, say, a South American partner to the UK, then we, quite sensibly, ask for proof that they meet an income threshold and that they can speak English. But the EU law means that we cannot apply these tests to EU migrants. Their partners can just come straight into our country without any proper controls at all. And this has driven a new industry in sham marriages, with this loophole accounting for most of the 4,000 bogus marriages that are thought to take place in our country every year. We have got to end this abuse.

Second, we want EU jobseekers to have a job offer before they come here and to stop UK taxpayers having to support them if they don’t. This government inherited an indefensible system where the state – our taxpayers – paid EU jobseekers to look for work indefinitely and even paid their rent while they did so. In total, that meant that the British taxpayer was supporting a typical EU jobseeker with £600 a month.

Now we’ve already begun to change this. We’ve scrapped housing benefit for EU jobseekers and we’ve limited benefit claims to 3 months for those EU migrants who have no prospect of a job.

But now, we are going to go further. We are overhauling our welfare system with a new benefit called Universal Credit. This will replace existing benefits, such as Jobseeker’s Allowance, that support people when they’re out of work. And its legal status means that we can regain control over who we pay it to. So as Universal Credit is introduced, we’ll pass a new law that means EU jobseekers will not be able to claim it and we’ll do this within existing EU law. So instead of £600, they will get nothing.

We also want to restrict the time that jobseekers can legally stay in this country. Let’s be clear about what this will mean: if an EU jobseeker has not found work within 6 months, they will be required to leave. Now, why this matters is that, at the moment, 40% of those coming to work in the UK don’t actually have a job offer when they arrive. That is the highest proportion for any EU country and, I believe, with this change, many of those will now longer come.

EU jobseekers who don’t pay in will no longer get anything out, and those who do come will no longer be able to stay if they can’t find work. There was a time when freedom of movement meant member states could expect workers to have a job offer before they arrived, and these measures will return us to closer to that position.

Third, we want to reduce the number of EU workers coming to the UK. Of course, that means never repeating the mistake that was made in 2004, so we will insist that, when new countries are admitted to the EU, in the future, free movement will not apply to those new members until their economies have converged much more closely with existing member states. Further

Page 92: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

92 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

accession treaties – when a new country joins – they require unanimous agreement of all member states, so we are perfectly able to ensure that this change is included in each and every case in future.

But we also need to do more now to reduce migration from current member states, and that means reducing the incentives for lower paid, lower skilled EU workers to come here in the first place. Now, our welfare system is unusual in Europe. It pays out before you pay into it. This gives us particular difficulties, especially in respect of benefits while you’re working, the so called ‘in work benefits’. Someone coming to the UK from elsewhere in Europe, who’s employed on the medium wage and who has 2 children back in their home country, they today will receive around £700 per month in benefits in the UK. That is more than twice what they’d receive in Germany, and 3 times more than they would receive in France. No wonder so many people want to come to Britain. These tax credits and other welfare payments are a big financial incentive, and we know that over 400,000 EU migrants take advantage of them. This has got to change.

I will insist that, in the future, those who want to claim tax credits and child benefit must live here and contribute to our country for a minimum of 4 years. If their child is living abroad, then there should be no child benefit or no tax credit at all, no matter how long they’ve worked in the UK and no matter how much tax they’ve paid. We’ll introduce a new residency requirement for social housing, meaning that you can’t even be considered for a council house, unless you’ve been here again for at least 4 years.

This is about saying our welfare system, in a way, should be like a national club. It’s made up of the contributions of hardworking British taxpayers, millions of people doing the right thing, paying into the system, generation after generation. It cannot be right that migrants can turn up and claim full rights to this club straight away.

So let’s be clear what all these changes taken together will mean. EU migrants should have a job offer before they come here. UK taxpayers will not support them if they don’t. And once they’re in work, they won’t get benefits or social housing from Britain unless they’ve been here for at least 4 years. Yes, these are radical reforms, but they are also reasonable and fair. And the British people need to know that changes to welfare to cut EU migration, they will be an absolute requirement in the negotiation that I’m going to undertake. I’m confident that they will reduce significantly EU migration to the UK, and that is what I’m determined to deliver.

My very clear aim is to be able to negotiate these changes for the whole EU, because I believe they’d benefit the whole EU. They take account of the particular circumstances of our own welfare system and they go with the grain of what other member states, with high numbers of EU benefit claimants, are considering. And of course, we’d expect them to apply on a reciprocal basis to British citizens elsewhere in the EU. If negotiating for the whole EU should not prove possible, I would want to see them in a UK only settlement.

Now, I know that many people will say, “This is impossible, just impossible”. Some of the most ardent supporters of the European Union will say it’s impossible, fearing that, if an accommodation is made for Britain, the whole European Union will unravel. And those who passionately want Britain to leave, they will say, “It is impossible, and the only way to control immigration is for the United Kingdom to leave the European Union”. On this, at least they would agree.

To those who claim that change is impossible, I respond with 1 word, the most powerful word in the English language: why? Why is it impossible? Why is it impossible to find a way forward on this issue and on other issues that meet the real concerns of a major member state, 1 of the biggest net contributors to the EU budget? I simply don’t accept such defeatism.

Page 93: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

93 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

I say to our European partners we have real concerns. Our concerns are not outlandish or unreasonable. We deserve to be heard and we must be heard, not only for Britain’s sake, but for the rest of Europe as a whole, because what’s happening in Britain is not unique to Britain. Across the European Union, issues of migration are causing real concern and raising real questions. Can movements on the scale we’ve seen in recent years always be in the best interests of the EU and wider European solidarity? Can it be in the interests of Central and Eastern European member states that so many of their brightest and best are drawn away from home when they’re needed most? This concern takes a different form in different member states, and has different causes, but it has 1 common feature: it is contributing to a corrosion of trust in the European Union and the rise of populist parties. And if we ignore it, it will not go away.

Across the European Union, we’re seeing the frustration of our citizens demonstrated in the results of the recent European elections. Leadership means dealing with those frustrations, not turning a deaf ear to them, and we have a duty to act on them to restore the democratic legitimacy of the EU.

So I say to our friends in Europe: it is time we talked about this properly, and a conversation cannot begin with the word no. The entire European Union is built on a gift for compromise, for finding difficult ways around difficult corners, for accepting that sometimes we have to avoid making the perfect the enemy of the good. That is the way the EU operates; that is the way a union of 28 democracies has to operate: flexibility, not rigidity; creativity, not dogma. Only this month, a way was found to accommodate France breaching its budget deficit limit, as everyone knew it would be, and it can be done again.

Two years ago at Bloomberg, I set out my vision for a reformed European Union. I stand by every word of that speech today, a reformed EU, in the interest not only of Britain but of every member state. Now, of course I know the arguments that will be put. It will be argued that freedom of movement is a holy principle, 1 of the 4 cardinal principles of the EU, alongside freedom of capital, of services and of goods. People will say what we’re suggesting is heresy, to which I would say hang on a minute. No one claims that the other freedoms have been yet fully implemented; far from it. It’s still not possible for a British optician to trade freely in Italy, or for a French company to raise funds in Germany. It’s still not possible for consumers to access their Netflix or their iTunes accounts across the borders of the EU.

Freedom of movement itself is not absolute. There are new rules for when member states join the EU precisely to cope with excessive numbers, so why can’t there be steps to allow member states a greater degree of control in order to uphold a general and important principle, but one which is already qualified.

And of course, freedom of movement has evolved significantly over the years, from applying to job holders to jobseekers too, from jobseekers to their non European family members, and from a right to work to a right to claim a range of benefits.

So I’m saying to our European partners, I ask you to work with us on this. I know some of you will be saying, “Why bother?” Some of you may even say it in public, to which my answer is clear: because it is worth it. Look at what Britain brings to Europe: the fastest growing economy and the second largest; 1 of Europe’s strongest powers, a country which in many ways invented the single market and which brings real heft to Europe’s influence on the world stage. Here is an issue which matters to the British people and to our future in the European Union. The British people will not understand – frankly, I will not understand – if a sensible way through cannot be found which will help settle this country’s place in the EU, once and for all.

Page 94: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

94 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

And to the British people I say this: I share your concern and I’m acting on it. I know how much this matters. Judge me by my record in Europe. I promised we would cut the EU budget, and we have. I said I would veto a treaty if it wasn’t in our interests, and I did. I do not pretend that this will be easy. It won’t be. It will require a lot of hard pounding, a lot of hard negotiation, but it will be worth it.

Because those who promise you simple solutions are betraying you. Those who say we would certainly be better off outside the EU, only tell you one part of the story. Of course we could survive. There’s no doubt about that, but we’d need to weigh in the balance the loss of our instant access to the single market and our right to take the decisions that regulate it, and of course we’d lose the automatic right for the 1.3 million British citizens who today are living and working elsewhere in Europe to do so. That is something we would want to think about carefully before giving up.

For me, I have 1 test and 1 test only. What is in the best long term interests of the people of our country? That is the measure against which everything must be judged. If you elect me as Prime Minister in May, I will negotiate to reform the European Union and Britain’s relationship within it. This issue of free movement will be a key part of that negotiation. If I succeed, I will, as I’ve said, campaign to keep our country in a reformed European Union. If our concerns fall on deaf ears and we cannot put our relationship with the EU on a better footing, then of course I rule nothing out. But I’m confident that, with good will and understanding, we can and we will succeed.

At the end of the day, whatever happens, the final decision will be yours when you place your cross on the ballot paper in the referendum to decide whether Britain remains in the European Union or not. That decision is for you – for the British people – and for you alone. Thank you.

Page 95: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

95 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

ANNEXE 5

Discours de le Ministre de l’Intérieur Theresa May

“An immigration system that works in the national interest”

12 December 2012

A clear promise

Two and a half years ago, the coalition government was formed, and we made a clear promise to the British public. After thirteen years of uncontrolled mass immigration, this government would reduce and control immigration.

As yesterday’s census statistics show, the legacy we’ve been left with is a substantial one. Between 2001 and 2011, more than half of the growth in the population of England and Wales was accounted for by immigration.

Since we came to government, we’ve taken action across the board. We’ve capped economic migration, reformed family visas, and cut out the widespread abuse of the student route into the country.

And the results of those changes are beginning to show. Official statistics, released two weeks ago, show that in the year to March, we cut net immigration to Britain by one quarter – that is, by 59,000 people. That’s the biggest fall in net migration since 2008.

And we can expect immigration to continue to fall. Home office visa statistics, which are more recent than the net migration figures, show falls of four per cent in work visas, fifteen per cent in family visas, and 26 per cent in student visas.

The benefits are beginning to show. The number of people in work is up by more than half a million compared to last year. But in contrast with what happened under the last government, 87 per cent of that increase was accounted for by British-born workers.

So our policies are beginning to bite – but we are not yet all the way there. With annual net migration still at 183,000 we have a way to go to achieve my ambition to reduce that number to the tens of thousands by the end of the parliament.

I want to talk today about the measures we’re taking to make sure that the immigration system truly works in our national interest, by bringing down net migration to sustainable levels, while still attracting the brightest and the best talent from around the world.

In particular, I want to talk about measures we’re taking to make us more discerning when it comes to stopping the wrong people from coming here, and even more welcoming to the people we do want to come here.

Why we need to control immigration

But before I do that, I want us to remember why it’s important that we do control immigration. I believe there are three main reasons: its effect on social cohesion, on our infrastructure and public services, and on jobs and wages.

First, social cohesion. The debate around immigration often focuses on its economic costs and benefits, but the social consequences are often ignored. This is a big mistake, because not only is the social impact significant and important in itself, it’s often what bothers the public the most.

As Martin Wolf, the chief economics commentator of the financial times, says: ‘The desirability of sizeable immigration is a matter more of values than of economics. It is not a choice between wealth and poverty, but of the sort of country one desires to inhabit.’

Page 96: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

96 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

The point is quite simple. It takes time to establish the personal relationships, the family ties, the social bonds that turn the place where you live into a real community. But the pace of change brought by mass immigration makes those things impossible to achieve. You only have to look at London, where almost half of all primary school children speak English as a second language, to see the challenges we now face as a country.

This isn’t fair to anyone: how can people build relationships with their neighbours if they can’t even speak the same language? After years of mass immigration, we now face the enormous task of building an integrated, cohesive society. Allowing more and more immigration would make that impossible.

The second reason we need to control immigration is its impact on infrastructure and public services. It seems obvious that immigration should have an impact on things like the availability and cost of housing, the transport system, the National Health Service or the number of school places. But in the past, government impact assessments didn’t measure the effects of more immigration or determine where its effects would be felt the most.

That’s something I plan to fix – but in the meantime we are left to deal with the consequences of more than a decade of uncontrolled, mass immigration.

One area in which we can be certain mass immigration has an effect is housing. More than one third of all new housing demand in Britain is caused by immigration. And there is evidence that without the demand caused by mass immigration, house prices could be ten per cent lower over a twenty year period.

Facts like these need to be carefully considered, and I look forward to seeing the results of the work we’re doing in the home office, but I think we can already be confident that mass immigration puts pressure on infrastructure and public services.

Even if you accept that immigrants contribute to an increased tax take, there will be a ‘congestion effect’, that is, a significant lag between the increased demand for services and the distribution of those funds. And services in the parts of the country that experience the most sudden and sustained increase in immigration will suffer the most.

The third reason we need to control immigration is its effects on jobs and wages. Again, when we arrived in government, we found that the official impact assessments assumed that the job displacement of British workers by immigrants was zero.

Now, we all know that the ‘lump of labour’ argument – that there is a fixed number of jobs to be divided up and handed round – is wrong, and that things are far more complicated than the idea that all immigrants come to Britain and ‘take British jobs’. But it was surely wrong that those impact assessments assumed absolutely no job displacement of local workers.

So we asked the migration advisory committee to look at the effects of immigration on jobs, and their conclusions were stark. They found a clear association between non-European immigration and employment in the UK.

Between 1995 and 2010, the committee found an associated displacement of 160,000 British workers. For every additional one hundred immigrants, they estimated that 23 British workers would not be employed.

So, there is a ‘lump of labour’ fallacy in the immigration debate, but there is also a ‘zero displacement’ fallacy. And government must never again make the mistake of falling for it.

There is evidence, too, that immigration puts a downward pressure on wages. Drawing on several academic studies, the committee found that immigration can increase wages for the better-off, but for those on lower wages, more immigration means more workers competing for a limited number of low-skilled jobs.

Page 97: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

97 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

The result is lower wages – and the people who lose out are working-class families, as well as ethnic minority communities and recent immigrants themselves.

So uncontrolled, mass immigration is damaging to social cohesion, puts pressure on public services and infrastructure, and can lead to job displacement and undercut wages, particularly for the lowest paid.

And yet one of my predecessors used to talk about the ‘purity of the macroeconomic case for migration’. As a result of that mistaken belief, the last government presided over total net immigration of 2.2 million – the equivalent of two cities the size of Birmingham.

That is evidence of an immigration system that does not work in the national interest.

But to say we want to reduce and control immigration is not to say that we want no immigration. We have always been clear that we want Britain to attract the brightest and best talent from around the world – the top academics, brightest students, the best businessmen, investors, skilled workers and entrepreneurs who will contribute to our society, our economy and our way of life.

Family visas

So when we reformed family visas, we introduced a new requirement to the immigration rules. If you want to sponsor a spouse or partner who wishes to come to Britain, they will have to prove they can speak English, and you will have to prove that you can provide for them. A minimum income level for family visa sponsors – of £18,600 for a spouse or partner with additional requirements for children – will protect the taxpayer by making sure that family migrants pay their own way.

Work visas

We wanted to make sure that economic migration works in the national interest too. But that is not what the system we inherited did.

To be frank, that system was a joke. Tier one of the points-based system – supposedly reserved for high-skilled immigrants only – allowed people to work in unskilled jobs. I remember the ‘highly-skilled’ immigrant who we discovered was working as the duty manager at a fried chicken restaurant. But he was no one-off – we found that thirty per cent of people here on a tier one visa were working as shop assistants, security guards, supermarket cashiers and care assistants.

That’s why we closed down the tier one general route and said if you want to come to Britain on a work visa, you need to have a proper job offer with a minimum salary. Business told us they prioritised the tier two route – for skilled workers with specific job offers – and we listened.

So even though we delivered our manifesto promise to cap economic migration, and bring the overall numbers down, by clamping down on the abuse of tier One we were able to set the tier two limit at 20,700, higher than the number of people who came to Britain through tier two the year before.

Business also told us they valued intra-company transfers, and we took the decision to exclude them from the limit. But to make sure that these transfers would not be abused, we raised the salary limit for intra-company transferees coming to Britain for more than a year to £40,000.

As a result, ICT numbers have remained steady and business tells us that our ICT system is one of the most user-friendly in the world.

And, to make sure that we could still attract the best experts, scientists, artists and performers, we created a new route, consisting of a further 1,000 visas for people of exceptional talent. Take-up in that route has been low, and I’m looking forward to working with UK trade and investment to encourage more exceptional people to take advantage of it.

Page 98: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

98 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

But I also want to build on the principle of appealing to exceptionally talented people, so I intend to add a further 1,000 places a year for MBA graduates who want to stay in Britain and start up businesses.

We also want to be more proactive in attracting the wealth creators of the future. We have made changes to the investor and entrepreneur routes to make it easier for major investors to settle in the UK. We have introduced a new prospective entrepreneur visa and a graduate entrepreneur visa. And last week, the chancellor announced that we will work with UK trade and investment to extend the graduate entrepreneur scheme to the best overseas talent.

And we want to make sure that people in emerging markets continue to see Britain as a place to visit and do business.

That’s why we’ve made it easier for Chinese visitors to come here, by simplifying documentation requirements, establishing a new business network across China, extending our express visa service, and introducing a new passport pass-back scheme for visa applicants.

So our reforms to economic migration have struck a balance, and they send a clear message. If you have skills we need, and a company is willing to give you a job, come to Britain. If you have an investment to make, do it in Britain. And if you have a great business idea, bring it to Britain.

But we are also clear that Britain doesn’t need any more unskilled immigration. The abuse of tier one has been ended. And work visas are capped, with the number of visas down by four per cent in the last year.

Student visas

The principles we applied to work visas we have applied to student visas too. Again, the system we inherited was a mess, and it was abused on an industrial scale.

Students were coming to Britain not to study but to work. Many colleges were selling not an education but immigration. And students, supposedly temporary visitors, were staying here permanently in huge numbers.

When the last government capped unskilled economic immigration at zero, all that happened was student visas rocketed by thirty per cent to a record 303,000. The surge in numbers meant that in some parts of the world the Border Agency had to suspend student applications altogether.

When we came to government, we found ‘students’ turning up at Heathrow unable to answer basic questions in English or even give simple details about their course. We found colleges that sent students on ‘work placements’ hundreds of miles away from where they were meant to be studying.

And of course, in each case we’re not just talking about one bogus student working in Britain – often they would bring their whole family with them, who would also work here, use public services here, and accrue the legal right to settle here.

These students weren’t the best and the brightest, they weren’t coming to Britain to study, and they weren’t making a meaningful contribution to our economy. So we changed student visas to make sure that while we still attract the brightest and the best, and we still protect our world-class education establishments, we eradicate this kind of abuse from the system.

The first thing we did was to require any institution that wanted to bring foreign students to Britain to pass inspection checks to prove they were selling education, not immigration.

Overnight, more than 150 colleges – one third – chose not to undergo the checks. To date, almost six hundred institutions have been removed from the tier four sponsor register.

We also took action to make sure that students who want to come to Britain really are students. So the new immigration rules make clear that if you want to study here, you have to be able to speak English, support yourself financially without working, and prove that you are studying a legitimate

Page 99: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

99 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

course at a genuine college or university. In addition, there are new restrictions on the right to work and bring dependants. To prevent switching courses – a tactic that kept some students here for years – we set maximum time limits for study. And to make sure that only those who contribute can stay at the end of their study, we set a minimum salary level of £20,000 and a requirement to get a real graduate job for students who want to work in Britain after their studies.

Our policies are starting to bite, and they prove the massive scale of abuse in the student visa system. Just by cutting out abuse, we have reduced the number of student visas by 26 per cent – that’s almost 74,000 – in the year to September. And what is more, we have cut the overall numbers at the same time as the number of foreign students coming to our universities has increased.

Because we have always been clear that in cutting out the abuse of student visas, we want the best and the brightest minds in the world to come to study in Britain, and we want our world-class universities to thrive.

So today I can announce a further measure to encourage top students to come to Britain and, if they have something to contribute, to stay in Britain.

In future, all PhD students who have completed their studies will be allowed to stay here for longer to find skilled work or set up as an entrepreneur within the rules. From April, all such students will be allowed to stay in Britain for twelve months after they have completed their PhD before having to find a job or start a business.

We want to work with our universities to continue to protect not just the integrity of the immigration system but the reputation of the British education system around the world. We will continue to monitor strictly the adherence of universities as well as colleges to our rules that make sure only legitimate students come here.

Where universities don’t meet those standards, we maintain the power to suspend highly-trusted status, as we did with the Teesside university and Glasgow Caledonian university, and even where appropriate to revoke a university’s right to sponsor foreign students, as we did earlier this year with London metropolitan university.

Since then, as a result of their compliance checks, colleges and universities have informed the border agency of some 90,000 notifications about foreign students whose circumstances have changed and who may no longer have any right to be here. We will work with those universities – and indeed the whole sector – in a system of co-regulation to make sure we enforce student sponsorship obligations and protect the interests of legitimate students.

Welcoming legitimate students and identifying and rejecting bogus students is at the heart of our changes to the student visa regime. And I want to announce today a further change in the border agency’s operational policies to make sure we get even tougher on bogus student applications.

Last year, I instructed the border agency to undertake pilots in which high-risk student visa applicants would be interviewed, rather than undergo the usual paper-based checks. Starting first in Pakistan and moving to other countries, more than 2,300 prospective students were interviewed. The lesson from that pilot was clear – abuse was rife, paper-based checks weren’t working, and interviews, conducted by entry clearance officers with the freedom to use their judgement, work.

So I can announce that, from today, we will extend radically the border agency’s interviewing programme. Starting with the highest-risk countries, and focusing on the route to Britain that is widely abused, student visas, we will increase the number of interviews to considerably more than 100,000, starting next financial year. From there, we will extend the interviewing programme further across all routes to Britain, wherever the evidence takes us. I believe this new approach will help us to root out the abuse of British visas, and improve the integrity of our immigration system.

So, as with our changes to economic immigration, so our changes to student visas strike a balance, and send a message. If you can speak English, and you can get a place on a legitimate course at a

Page 100: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

100 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

genuine university, you can come to study in Britain. There is no cap on the number of students able to come here – and there are no current plans to introduce a cap.

But we are also clear that student visas are not a backdoor route into working in Britain. We are clamping down on that kind of abuse. Colleges have lost their right to sponsor foreign students. Bogus students have been turned away. And, through more and more interviewing, we are getting better at identifying and rejecting people we don’t want to come to Britain.

The official statistics show that we are achieving what we set out to achieve. The number of student visas issued is down, while the number of successful applicants to study at British universities is up. That success means we can now look forward to a period of stability on student migration policy.

Tackling some misconceptions

But those statistics also show that there are some misconceptions about our immigration policies that need be corrected.

One, that all foreign students coming to this country are good for the economy. In fact, many so-called students have been applying for low-grade courses at bogus colleges in order to work here in low-skilled jobs.

Two, that foreign students are only temporary visitors, so they’re not really immigrants. In fact, one in five foreign students are believed to stay here for more than five years.

Three, that our student visa regime is damaging Britain’s universities. In fact, while we have cut the number of student visas, just by tackling abuse, the number of foreign applicants to British universities is up.

Four, that the cap on economic migration is hurting British businesses. In fact, because of the abuse of the old tier one system, we’ve been able to set a reasonably generous limit for tier two visas, and that limit has not yet been reached.

Five, that you can’t control immigration without hurting the economy. In fact, uncontrolled, mass immigration displaces British workers, forces people onto benefits, and suppresses wages for the low-paid. Controlled immigration means you can attract the brightest and the best who genuinely contribute to our economy and society.

Six, that wanting to control immigration in future is an attack on people who have already settled here or their children. In fact, the evidence suggests that recent immigrants and ethnic minority Brits are amongst those who lose the most from mass immigration.

Seven, that you can’t control immigration because you can’t do anything to restrict European immigration. In fact, net British and European migration is broadly in balance. And we can introduce transitional controls on new member states, we can take action to restrict the demand for European workers from British employers, and we can be smarter about the benefits and services we provide for foreign nationals. These are all issues I plan to return to in the new year.

Conclusion

But overall, the biggest misconception is that by saying some immigration can be good for Britain, we shouldn’t try to control it at all.

Our record is disproving that false belief. We’re proving that it is possible to get the immigration system to work in our national interest. We are bringing down the numbers to sustainable levels, and we are continuing to attract the brightest and the best talent from around the world. And we are doing that by making the system much more discerning – we’re welcoming the people we want to come to Britain, and we’re stopping the wrong people from coming here.

With family visas, the applicants must speak English, and the sponsors must prove they can provide for them.

Page 101: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

101 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

With work visas, if you have the skills we need and a proper job offer, you can come to Britain. If you have an investment or a business idea to bring here, you can come to Britain. But we don’t need any more unskilled immigration, and we are closing down the routes – both formal and informal – for unskilled workers to come to Britain.

And with student visas, there is no cap on the number of legitimate students able to come here to study legitimate courses at genuine institutions. But we’re cutting out abuse and stopping the student visa system being used as an easy route to working in Britain.

The evidence is vindicating the government’s policies. The rise in employment over the last year has benefited British workers, not migrant workers as has happened in the past. Net immigration is down by one quarter in a single year. The visa statistics suggest further falls in net immigration to come.

Two and half years ago we made a clear to the promise to the British public. We still have some way to go, but we’re delivering on that promise.

Thank you very much.

Page 102: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

102 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

ANNEXE 6

Grille d’analyse utilisée pour les discours et la couverture médiatique

THEME

L’économie

Menace aux emplois

Réduction des salaires

L’accès aux aides sociales

Logement et les loyers

Pression sur les services publics, écoles, hôpitaux, etc.

Payer les impôts, faire sa contribution

Accueillir les migrants les plus qualifiés, talents

Croissance économique

Cout pour l’Etat

Social

Changement social négatif

Changement de la composition ethnique/racial du pays

Changement de la composition religieuse du pays

Croissance de la population

Le déclin social

Dégradation de la cohésion sociale

Méfiance/suspicion

Changement social positif

La bonne cohésion sociale

Les apports de l’immigration et de la diversité ethnique

La tolérance & le respect de la différence

L’intégration

Le regroupement familial

Roms/gens de voyage

Le racisme/l’antisémitisme

Politique

Le control/manqué de control

Les criminels, gangs, terroristes, etc.

L’immigration clandestine, l’abus du system

Un système épuisé/trop lent

Demandeurs d’asile

Impact sur les élections/manœuvres électoralistes

Page 103: mmigration dans le discours politique en France et au

L’immigration dans le discours politique en France et au Royaume Uni Fíona Rumney

103 Mémoire du Masters CELSA/ENA en Communication des Institutions publiques

LES MOTS CLEFS

Discours politique

France

Immigration

Immigré

Média

Migration

Royaume Uni