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mémoire vive 1955-2010

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Avant-propos

Chaque vie se fait son destin.Jean-françois Dray

L’autobiographie est maintenant aussi répandue que l’adultère,

et nettement moins répréhensible. Lord Altrincham.

Un livre est un outil de liberté. Jean Guéhenno

L’homme est un être qui ressent le besoin de la durée, une persistance devant la mort. Pour ma part, je rêve à retenir une curiosité, d’abord celle de mes enfants, celle d’autrui ensuite, qui justifieraient mon présent. Pensez au-delà de mes propres jours, comme un instinct de survie et la projection de ma pensée créatrice. Parce que sans réponse à la grande question de la vie... l’après ?J’écris l’histoire de ma vie qui est ma matière. Ma matière est ma vie. Je le fais en ayant toujours eu l’envie de le faire, une poursuite de mon journal personnel, entrepris il y a de nombreuses années, mais avec la précision qu’impose l’exercice de l’écriture de l’autobiographie. Ma volonté est de parler de l’individu, mais aussi de témoigner du contexte de ma vie qui fut le mien.J’ai toujours voulu laisser une trace. « Gide, lui-même », à la fin de sa vie regrettait de n’avoir pris cette décision, d’écrire au jour le jour pour mieux restituer, plus tard, son vécu et

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ainsi mieux se connaître. J’ai donc pris un peu d’avance... un tout petit peu.J’ai pris plaisir à lire les autobiographies d’auteurs, sinon les axes de chacun et c’est chez George Sand que j’ai trouvé un parallèle avec mes préoccupations. L’aspect pédagogique qu’elle veut faire porter à son travail se situe dans les exigences de l’individu lui-même face à son existence. Pour elle, il y a ceux qui vivront sans se rendre compte, sans comprendre et presque sans chercher, sans penser, passant sans se révéler et se connaître. De plus, sa volonté de raconter se cherche dans la vie intérieure, la vie de l’âme, de son propre esprit. Pour elle « ce genre d’histoire racontée sincèrement peut être un stimulant, un conseil pour les autres esprits engagés dans le labyrinthe de la vie ». « C’est comme un échange de confiance et de sympathie qui élève la pensée de celui qui raconte et de celui qui écoute  ». J’avais à ma disposition les propos de Rousseau, sans doute précurseur dans l’art de se «  confesser  », de Stendhal ou encore de Michel Leiris pour la qualité du récit autobiographique. Anne Franck tout comme Albert Cohen, Nathalie Sarraute ou Marguerite Duras pour la volonté de rendre compte de leur difficulté d’être. Chacun me montre combien mon récit est léger et ma technique empirique, fluctuant suivant l’inspiration du jour. Me raconter et me livrer, c’est aussi renouer les fils de mon passé et dans ce passage bien difficile de ma vie, cette année 2009, trouver des outils pour me comprendre et mieux percevoir les autres. « Je ne contredis pas la vérité » disait Montaigne. « J’expose une vie basse et sans éclat, cela revient au même. On peut tirer toute philosophie morale d’une vie ordinaire et privée que d’une vie de plus riche étoffe. Chaque homme porte en lui toute entière la forme de la condition humaine ». Cela

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me va bien. Je ne peux dire comme Michel Leiris l’avait fait à trente-quatre ans, que je suis au milieu de ma vie. A cinquante-quatre ans, c’est possible, probable, souhaitable si ça sert à quelque chose. J’ai cette conviction que la vie peut être encore généreuse avec moi, bien qu’elle ne m’a pas donné toutes les facilités pour parfaire mon parcours personnel. Mes premiers souvenirs d’écriture, je les dois à mon journal personnel. J’ai encore en mémoire le lundi 30 octobre 1972, jour où inconsciemment, j’ai décidé de laisser cours à mon écriture d’adolescent, pour me raconter au jour le jour, des sources qui, aujourd’hui, restituent plus que ma mémoire, les évènements et les pensées de ces années antérieures. Dans ma chambre style empire, et sur le bureau ministre hérité de mon grand-père, chaque jour, avant de me coucher, je faisais le récit de mes occupations et de mes questionnements. Un certain romantisme m’avait fait reprendre, pour écrire, la plume sergent major et son encrier, obsolètes pour tout élève, un souvenir pas si lointain pour moi, et aussi certaines autres règles d’écriture que je transgresserai.Une expérience littéraire qui prendra fin quatre plus tard. Je ne savais encore que cela pouvait avoir d’important pour la suite de mon existence.Aujourd’hui, j’écris en 2009, le récit de ma vie qui commence en 1955 et qui remontera aussi le temps d’avant. Je pourrais ainsi incorporer à mes récits l’histoire de mon père et de ma mère, de mon frère et de ma famille.J’ai eu l’occasion de commencer des bribes de ma vie sous forme de récits courts. Ces récits, intégrés ici, suivent l’ordre du temps ou du moins, je l’espère. Une autobiographie n’est-elle pas aussi une illusion « mes illusions » ? Peut-être

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qu’au fond, notre vie n’est qu’une quête de nous-mêmes. Le simple fait de raconter, voire de raconter simplement nos journées est une manière de chercher à comprendre qui nous sommes et ce que nous visons.C’est le désir de donner un sens à ma vie et à moi-même à un moment particulier. Dans le cas de ce livre, j’ai cherché à restituer tous mes souvenirs enfouis, au coeur de toutes ces lianes que j’ai crues inextricables, sans doute pour me trouver, tel que je suis, et comprendre les raisons de mes choix. Choix professionnels, choix affectifs, choix militants, choix de vie ... J’ai la possibilité de donner à mes enfants des informations sur leur père qui ayant été pendant de courts moments proches de mon vécu, (le seront-ils de nouveau un jour, ce que j’espère de tout mon cœur?) devront lire entre ces lignes, en sachant garder le recul nécessaire pour ne pas me juger hâtivement. « L’homme est ce qu’il cache » disait Albert Camus. Eux aussi cachent un secret. Le souvenir des premières images du film « Sur la route de Madison » me donne un avant-goût de leur lecture post-mortem et de leurs réactions possibles. Ils comprendront aussi que la vie est question de choix. Le leur. J’ai fait les miens.Autrefois, entourés de leurs enfants et petits-enfants, les parents racontaient leur vie. Aujourd’hui, il n’y a plus de veillée, la télévision et internet ont remplacé la cheminée et la famille s’est dispersée. À l’heure de la mondialisation, alors que les habitants de la planète ont tendance à se fondre dans un moule unique, sans doute est-il utile de retrouver nos racines et nos origines. Après tout, raconter sa vie dans un livre, c’est un peu la démarche de nos aïeux lorsqu’ils contaient leur histoire au coin de la cheminée !

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A l’heure du multimédia, le livre deviendrait donc un moyen de communication privilégié entre les générations ! Pour ma part ayant toujours voulu laisser des traces, écrites, photographiques, graphiques mêmes, la rédaction d’un parcours de vie, m’apporte et apportera des précisions, subjectives certes, mais utiles.

Jean-François Dray

Mai 2009

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Sommaire

Chapitre I 1955 Naissance ................................................................................... p 11Chapitre II 1955-1974Ecole primaire-Collège Ribot-lycée Jules Uhry-Vacances ........ p 19Chapitre III 1976-1980Ecoles des Beaux-Arts d’Amiens et d’Orléans ........................... p 61Chapitre IV 1980-1982Paris 2e arrond.-Festival d’Avignon avec France culture........... p77Chapitre V 1982-1987Paris 12e Fédération anarchiste-Radio libertaire .................... p 81Chapitre VI 1986-1988Spectable Zénith : Rencontre de Bérénice ............................... p107Chapitre VII 1987-1992Mathias - Création Cuzco .......................................................... p 135Chapitre VIII 1991Le mariage et vie à Montmorency ............................................ p 139Chapitre IX 2001 Mairie - Mont-Blanc - Rencontre Anita - Séparation .............. p 149Chapitre X 2003 Rencontre de Diana le 25 /05/2003 - Démission de la mairie - Alicante en août ......................................................... p 165Chapitre XI 2004-2006 Nouveau job-Voyage Argentine-Venezuela-Deménagement ........ p 173Chapitre XII 2006 Nouvel appartement - Voyages Vénézuéla et Cuba.Voyage tragique en Argentine - Elections -Sarah au lycée parisien.........p 193 Chapitre XIII 2007 Lancement de La Nouvelle Revue argentine-Vacances en Espagne avec les enfants ........................................ p 205Chapitre XIV 2008 Ma bibliothèque .......................................................................... p 215Chapitre XVI 2009 Création de ma société -Sans mes enfants ................................. p 227

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Chapitre I

L’homme est un être qui doit être surpassé. Friedrich Nietzche

Je viens de naître. Je garde les yeux fermés. J’entends les voix de ma mère, de ma grand-mère, d’un homme inconnu, nommé par ces voix, par intermittence, «  docteur  ». Où suis-je ? Qui suis-je ? Je suis enfermé dans un linge chaud, je ne bouge pas. J’écoute. Je sens des mouvements, je vole, puis plus rien, je reste stable avec près de moi de la chaleur. Des chuintements arrivent à mes oreilles. De doux mots que je ne comprends pas. De la lumière surgit par secousse, puis de façon lente, devient permanente. Je sens des formes qui bougent. Quelque chose se produit derrière mes paupières. Un monde s’ouvre à moi. J’ouvre un oeil. Je suis cela. Cet oeil, ce nez, cette bouche, ces cheveux, une tête et un abdomen de tissu enroulé. Regardez-moi, j’existe. Silence. Plus de bruit. La lumière a perdu de sa force. J’écoute. Cette vibration qui tout à l’heure était si présente est soudainement atténuée. Je n’en perçois qu’une infime particule. C’est donc ça la vie. Que dois-je faire maintenant

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? Mon visage s’ouvre, je sens une humidité alors qu’une matière sort et entre dans cette ouverture... Je ne bouge plus. Je suis lourd. Que m’arrive-t-il ? Avant je ne percevais pas cet état. Je flottais. Puis cette projection, ce passage étroit, liquide, ce trou noir, serré, où je me suis laissé comme aspiré, cette sensation d’un autre univers, des odeurs jamais humées, des bruits jamais entendus. De moi, sort un cri qui me surprend, qui me soulage, un cri de l’intérieur comme un code, un message à divulguer. Dans la pénombre, mes yeux voient l’autre.Je suis l’autre. Je suis ce foetus au fond de moi. Je suis et je n’ai d’autre issu que de vivre en acceptant la virtualité première des choses, le sens obligé, réfugié pendant je ne sais combien de temps et exclu d’une tanière. Un flot silencieux glisse dans ma tête écorchée. Des rendez-vous magnétiques s’inscrivent dans l’intemporel, je lance un cri dans l’espoir d’en recevoir l’écho de ma propre voix. Je suis. Je suis né le 8 avril 1955. Je ne m’en souviens pas. Juste en rêve. C’était le printemps. Douceur. Tranquillité. Dehors, loin, la guerre d’Indochine était terminée depuis peu. Celle qui deviendra, la guerre d’Algérie, venait de commencer. Guerre, quel drôle de mot. Les prémisses de ma naissance, de mon acte d’appartenance à ce nouveau monde, se déroulaient au calme dans la campagne picarde; ma mère ayant, le matin même de ma naissance, appelé René, son père, pour qu’il vienne la chercher en voiture pour se rendre à Wavignies, petit village picard, où elle-même avait grandi et où vivaient encore ses parents, berceau de presque toute la famille, côté maternel et paternel. Treize mois plus tôt, à la naissance de mon frère Xavier, elle avait déjà pris cette décision de le faire naître dans sa chambre, qu’elle occupait, jeune fille, puis avec mon père, après

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leur mariage. Je suivais les pas de mon frère. Ce jour là, mon père, quant à lui, travaillait à l’usine Chausson, plus précisément, les établissements Chausson à Montataire et n’était pas encore présent pour mon arrivée dans ce monde.

Vers la fin de l’après-midi de ce Vendredi-saint, ma mère, cueillait des violettes dans le jardin, celui-là même, qui sera durant plus de dix ans le lieu de mes découvertes, de mes jeux, de mon travail. A l’heure habituelle de la soupe familiale, à peine Monsieur Caudron, le médecin de famille de Saint-Just-en-chaussée ouvrait-il la porte de la chambre, où reposait ma mère, que moi-même j’apparaissais à la vie, sans l’aide de personne. Une entrée rapide, sans difficulté, raconte-t-on. Un certificat de bonne santé en main, j’arborais mon petit nez en ce joli mois d’avril. Mon frère, Xavier, l’aîné, étant présent, avait été, avec mes grands-parents et arrière-grands-mères, le premier averti. Comme pour tout enfant, cette nouvelle ne le remplissait pas de joie intense. Le benjamin faisait de l’ombre...Il me fut souvent raconté l’histoire de la venue de mon père en ce jour mémorable. Sans doute dans mon enfance, l’ai-je demandée et gardée en mémoire lorsque celle-ci perpétuait au fil du temps, images, mots, sons et couleurs de mon vécu. Ainsi, revenant de son travail au domicile familial à Creil, mon père apprenait le départ de ma mère dans l’après-midi, pour naissance annoncée. Sans voiture à l’époque, et à quelque quarante kilomètres de distance, mon père sans attendre, décida de venir à bicyclette, faire connaissance. Le chemin fut venteux. C’est vers dix heures du soir, qu’il arriva, bien rompu, pour découvrir son second fils. On dit que mes parents auraient préféré une fille. Le choix du roi, paraît-il ? A Jean-Michel, il préféra

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Jean-François. Ma place de second et de dernier m’était imposée. Je la garde toujours.Dans la vie d’un enfant, la vie et l’avis, du père sont importants. Mon père, François, troisième d’une fratrie de cinq, né lui aussi à Wavignies, le 16 janvier 1932, fils d’Alfred Dray et de Venancia Doligé, aura un parcours qui mérite le respect. Les aléas de sa vie auraient pu le détruire. Il a choisi certainement inconsciemment et dans sa rencontre avec celle qui allait devenir ma mère, les raisons d’être un bâtisseur de famille. Dans mon enfance, ma place de second m’avait placé plus près de ma mère et mon frère de mon père. Cela allait durer de nombreuses années. Question de sensibilité, ou déception de n’ être pas la fille tant attendue, je n’avais pas les intérêts dont mon frère portait aux activités techniques de mon père. J’étais un piètre manuel et à cette époque, les faits et gestes de mon frère étaient aux yeux de mon père de bon aloi.

Ma mère, Marie Thérèse, fille unique, née le 31 mars 1933, à Ansauvillers, tout comme sa mère, Madeleine et sa grand mère Marie, village de taille identique au mien natal, était à quelque six kilomètres, séparés par les vastes champs plats de céréales et de betteraves de la campagne picarde avec l’unique petite route départementale pour les relier. Les naissances se passaient au domicile, avec ou sans médecin parfois, pas encore dans les maternités, qui seront les seuls lieux de naissance, aseptisés des souvenirs de famille et stéréotypés, des générations qui nous suivront mon frère et moi.Ma mère avait rencontré mon père lors de la création d’une pièce de théâtre par la JAC, la seule organisation associative d’utilité publique locale, issue du monde agricole et

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catholique. Ma mère en était l’instigatrice et mon père en fut ébloui, de ma mère, pas de la pièce ! La mise en commun de leurs sentiments fut source d’une tragédie que mes deux parents auraient préféré ne pas subir, surtout venant de mon grand-père paternel. Cela finira par un procès au tribunal, sans suite ni vainqueur et une belle embrouille de plus de sept ans avec le grand-père, mais surtout par un mariage heureux en 1953 qui, cette année, entre dans sa cinquante-cinquième année.Avril de cette année-là, je ne m’en souviens guère. Je n’en prendrais conscience que plus tard, avec les nombreuses histoires de famille, que mes parents nous racontaient lors des repas ou lors de nos veillées du samedi soir. Des veillées facilitées par l’absence du petit écran à la maison. La TV avait beau être un outil de communication et de culture avec des programmes sociologiquement étudiés à cette époque par des producteurs paternalistes, cultivés et idéologues, elle dévorait aussi le temps libre de la famille. Nous préférerions les invitations de nos voisins, qui eux avaient depuis peu «  la chose » pour voir à l’occasion, les dossiers de l’écran, émission d’histoire, ou encore quelques feuilletons historiques avec en prime une fois par an, le tournoi de rugby des cinq nations.

Je suis né, après le terrifiant conflit de la Seconde Guerre mondiale. Dix ans. C’était bien peu, et les conséquences économiques se faisaient encore sentir. La France entière avait été touchée. Pas comme en 14-18, où seulement les régions du nord et de l’est furent à reconstruire. D’autres domaines étaient touchés. La cohésion nationale et sa reconstruction, la justice et les procès de l’épuration, la nouvelle ère politique et ses nouvelles donnes issues de la guerre, la solidarité nationale,

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la préparation de l’avenir. Le travail n’était pas un problème, de ce côté-là, comme disait mon père, « du travail il y en avait, le matin, on quittait une usine et l’après-midi, on était embauché en face », mais c’était surtout pour la vie quotidienne. L’ère de la consommation n’avait pas encore débuté et les traces de la guerre, des restrictions et un mode de distributions peu développé n’en finissaient pas de couvrir de grisaille la vie des familles. Pourtant, ces dernières regardaient l’avenir avec espoir. Les naissances de nombreux gamins continuaient de colorer la vie quotidienne. C’était le baby boum d’après guerre. Le président René Coty, qui entra en fonction le 16 janvier 1954, jour anniversaire de mon père, s’en souvient-il, allait quelques quatre années plus tard amener le Général Charles de Gaulle à la Présidence. Le gouvernement de Guy Mollet, secrétaire de la SFIO de 1946 à 1969 allait, lui, fermer le chemin de la gauche au pouvoir pour plusieurs décennies, n’ayant pu sortir la France des « évènements d’Algérie ». Mon père n’ira pas faire cette sale guerre. Il aurait du. Sa responsabilité de jeune père de famille lui octroya un sursis salutaire. Mon père tout comme ma mère étaient superbes. Les photos noir et blanc de leur jeunesse montrent deux personnes aux traits fins et matures. Des photos de stars. Mon père était beau, pas très grand, mais solide et fort, courageux, fascinant, sérieux et sévère. Peu expansif, il laissait à ma mère la gestion de la communication. Ma mère, belle comme une actrice américaine était tout aussi sérieuse, gentille, tolérante, originale, gaie, généreuse, aimante, courageuse, économe. Il leur manquait l’assurance et l’ambition personnelle. Ils ont assuré le vital, le meilleur et le nécessaire pour nous tous. Un choix de vie sans faille et rassurant. Aujourd’hui, mon père est l’homme

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présent, rassurant, travailleur. Sa silhouette a changé et sa carrure s’est étoffée, rieur volontaire, léger, il garde son esprit critique et suspicieux de tout. Ma mère portée sur la miséricorde voudrait résoudre les souffrances et toutes les misères du monde. Très à l’écoute de ses deux fils, elle continue à s’inquiéter pour nous comme il y a cinquante cinq ans. Mes parents ne vieillissent pas. Ils restent les mêmes dans des corps plus fatigués, que je ne perçois pas encore.Me concernant, j’ai le souvenir d’avoir décrit ma silhouette dans mon carnet personnel, il y a bien longtemps. Je n’avais pas été élogieux sur mon physique. Les doutes de l’adolescent que j’étais, ne pouvaient pas comprendre les subtilités du comportement. Les compensations sont nécessaires pour équilibrer une personnalité et j’ai désiré compenser par des choix bien à moi. Ce fut la peinture et Napoléon, ce fut la créativité et mes études aux Beaux Arts, ce fut mon militantisme. Aujourd’hui à cinquante-quatre ans, les traits caractéristiques de mon physique ont peu changé. J’ai les cheveux longs quelque peu grisonnants en arrière, libérant un front large qui fut longtemps couvert par une mèche, marqué subtilement par quelques rides. Mes yeux bleu foncé sont l’expression de ma personnalité. Curieux de ce qui m’entoure, je suis un visuel et j’enregistre facilement ce que je vois. Dans le miroir, j’ai toujours vu ce qui me convenait. Je veux dire par là que je n’avais pas de griefs métaphysiques à mon encontre. D’une taille dans la moyenne nationale, je suis le plus grand de la famille. J’ai gardé la même silhouette plutôt fine, le même poids depuis mes 20 ans, une rectitude qui me pose donc aucune critique sinon qu’un corps plus sportif serait plus beau, mais qu’habiter celui -ci me convient. Je n’ai pas de

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répulsion aucune et ne pourrait donc qu’apprécier d’autres améliorations. Je prends soin de moi, de ma peau, de ma santé, mange et bois raisonnablement et sans excès. Je prends soin aussi de mes tenues vestimentaires, jouant entre le classique et le décontracté bien qu’ayant une attirance pour les tenues smart et chic et la qualité des matériaux des magasins de luxe. La qualité étant une valeur esthétique qui rend agréable leur port, sans doute aussi ce qu’il exprime et qui est parfois difficile d’où l’expression « l’habit ne fait pas le moine ». L’adéquation est donc plus juste. On n’imagine pas un agriculteur en queue de pie sur son tracteur....Né un 8 avril, je suis du signe du bélier, signe avec de grandes qualités et comme chacun sait de grands défauts. Les astrologues sont de grands manipulateurs, c’est leur force. Je n’y ai jamais cru, mais comme tout un chacun, la lecture inopinée d’un horoscope fut occasionnelle, mais en même temps la vérification que tout cela était un charlatanisme sympathique. Je préfère explorer mes caractéristiques sous un autre angle et dégager mes qualités et mes défauts dans le concret du vécu. Plutôt impulsif, je suis un homme d’engagement, l’homme du oui et de l’action. Des valeurs qui ont évolué ou qui évoluent. Je suis moins déterminé que dans le passé. Je pèse plus longuement mes choix élaborant leurs conséquences à l’avance et je dois avouer que trop de lucidité et de détachement démotivent. Rien ne sert à rien, disaient les existentialistes donc à quoi bon. Mais à peine exprimé, je m’engage dans une voie active avec seulement plus de rétention qu’autrefois. C’est peut-être ça vieillir. Je suis conséquent, persévérant, serviable, attentif, coopératif, organisé, aimant, observateur, préventif, actif, critique, constructif, militant, endurant, ambitieux, optimiste, sportif, sérieux, tranquille, indépendant,

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serein, calme, incisif, amical, peu tolérant aussi. Libre et conformiste. Individualiste et collectif, comme un juste milieu que je recherche dans les situations de la vie. Un trait de mon caractère, cherchant la conciliation tout en revendiquant mes conceptions et désirs. Je suis émotif, sensible. Les émotions naissent de mes lectures ou des films, dans le quotidien. J’essaie d’en comprendre les origines, les inductions. La tristesse, la nostalgie, la violence et l’injustice, les sentiments d’amour et de beauté sont autant de raisons qui m’émeuvent comme si la vie était aussi secrète en soi, qu’il est nécessaire de traduire. Je suis plus mesuré aujourd’hui dans mes engagements ne pouvant plus tout assumer comme je le pensais dans le passé. Je rejette la facilité et la médiocrité. Je suis aussi une personne réservée dans l’expression de ses sentiments dans l’ici et maintenant préférant le temps et la distance pour le faire, l’écrit à la parole. L’apropos n’est pas mon fort. Je trouve cela souvent superficiel et banal. Sans doute par précaution ou prétention de dire l’essentiel. Car côté esprit, j’ai l’esprit ouvert, prêt à découvrir, curieux de nouvelles situations. Je n’exerce pas assez mon intelligence à des situations complexes, laissant dans le quotidien la facilité et le bon sens me guider se révélant tout aussi efficace, suffisamment sûr de mes capacités dont je connais les limites et que je cherche à repousser. Une jungle dans laquelle j’ai toujours voulu trouver le bonheur avec plus au moins de réussite.

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