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24 mai 1955 DAHIR (2 chaoual 1374) relatif aux baux d'immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal (BO 10 juin 1955). Exposé des motifs Pour la première fois, au Maroc le dahir du 21 mars 1930 (20 chaoual 1348) a édicté une réglementation particulière afin de régler les rapports entre bailleurs et locataires d'immeubles ou de locaux affectés à un usage commercial, industriel ou artisanal. L'objet essentiel du dahir était de protéger cette catégorie de locataires contre des évictions abusives. Ces évictions auraient été susceptibles d'entraîner des conséquences particulièrement graves qu'il convenait d'empêcher parce que, par-delà les exploitants, et les créanciers éventuels de ces derniers, elles auraient atteint les entreprises préjudiciant en définitive à la stabilité, désirable dans l'intérêt Général, des activités commerciales, industrielles et artisanales. Ainsi justifiée dans son principe et pratiquement rendue nécessaire par des abus constatés, cette réglementation comportait des dispositions destinées à prévenir les conflits, à les régler s'ils n'avaient pu être empêchés et à indemniser les locataires évincés sans motif légitime, le propriétaire pouvant toujours exercer, sous réserve de payer éventuellement l'indemnité d'éviction, le droit de disposer des lieux loues une fois le bail expiré. Le dahir du 17 janvier 1948 (5 rebia I 1367) réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, s'est substitué au dahir du 21 mars 1930 (20 chaoual 1348) dont il a repris les dispositions essentielles en y apportant des retouches qui tendaient à rendre plus complète par une extension de son champ d'application, en même temps que plus efficace, la protection accordée aux locataires. Il édictait, d'autre part, des dispositions nouvelles pour protéger les intérêts légitimes des propriétaires contre les sous-locations abusives. La réglementation de 1948 a été modifiée par les dahirs des 2 mai 1951 (25 rejeb 1370) et 30 janvier 1952 (3 joumada I 1371) sur quelques points particuliers, la procédure de la demande en renouvellement du bail notamment. Les règles de cette procédure étaient primitivement trop strictes : de nombreux locataires perdaient le bénéfice de la protection légale pour n'avoir présenté la demande dans les formes ou les délais légaux, le juge ne pouvant en aucun cas les relever des forclusions encourues.

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Page 1: Etude Critique Du Dahir de 1955

24 mai 1955

DAHIR (2 chaoual 1374) relatif aux baux d'immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal (BO 10 juin 1955).

Exposé des motifs

Pour la première fois, au Maroc le dahir du 21 mars 1930 (20 chaoual 1348) a édicté une réglementation particulière afin de régler les rapports entre bailleurs et locataires d'immeubles ou de locaux affectés à un usage commercial, industriel ou artisanal. L'objet essentiel du dahir était de protéger cette catégorie de locataires contre des évictions abusives. Ces évictions auraient été susceptibles d'entraîner des conséquences particulièrement graves qu'il convenait d'empêcher parce que, par-delà les exploitants, et les créanciers éventuels de ces derniers, elles auraient atteint les entreprises préjudiciant en définitive à la stabilité, désirable dans l'intérêt Général, des activités commerciales, industrielles et artisanales.Ainsi justifiée dans son principe et pratiquement rendue nécessaire par des abus constatés, cette réglementation comportait des dispositions destinées à prévenir les conflits, à les régler s'ils n'avaient pu être empêchés et à indemniser les locataires évincés sans motif légitime, le propriétaire pouvant toujours exercer, sous réserve de payer éventuellement l'indemnité d'éviction, le droit de disposer des lieux loues une fois le bail expiré.Le dahir du 17 janvier 1948 (5 rebia I 1367) réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, s'est substitué au dahir du 21 mars 1930 (20 chaoual 1348) dont il a repris les dispositions essentielles en y apportant des retouches qui tendaient à rendre plus complète par une extension de son champ d'application, en même temps que plus efficace, la protection accordée aux locataires. Il édictait, d'autre part, des dispositions nouvelles pour protéger les intérêts légitimes des propriétaires contre les sous-locations abusives.La réglementation de 1948 a été modifiée par les dahirs des 2 mai 1951 (25 rejeb 1370) et 30 janvier 1952 (3 joumada I 1371) sur quelques points particuliers, la procédure de la demande en renouvellement du bail notamment. Les règles de cette procédure étaient primitivement trop strictes : de nombreux locataires perdaient le bénéfice de la protection légale pour n'avoir présenté la demande dans les formes ou les délais légaux, le juge ne pouvant en aucun cas les relever des forclusions encourues.Les retouches réalisées par le dahir du 2 mai 1951 (25 rejeb 1370) ont assoupli la procédure pour l'avenir, mais elles ont laissé subsister les conséquences, souvent très graves pour les locataires de l'application de règles communément reconnues trop rigides. Afin de supprimer ces conséquences dans toute la mesure du possible, le dahir du 22 mai 1954 (19 ramadan 1373) a fait bénéficier d'une prorogation exceptionnelle et temporaire, à la seule condition qu'ils occupent encore les locaux, les locataires qui s'étaient trouvés atteints par ces forclusionsCes améliorations ne suffisent pas. Il est nécessaire d'apporter des modifications plus profondes à la réglementation de 1948 en ce qui concerne, en particulier, la procédure de renouvellement et le régime du droit du bailleur de reprendre les lieux loués sans être tenu au paiement d'une indemnité d'éviction. Il convient, d'autre part, de mettre fin au régime provisoire qui s'applique aux locataires bénéficiant du maintien dans les lieux en vertu du dahir précité du 22 mai 1954 (19 ramadan 1373).

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Le présent dahir qui abroge le dahir du 17 janvier 1948 ne modifie pas les règles essentielles du régime antérieur il trouve sa justification dans les mêmes considérations et dans les mêmes principes. Toutefois, il reprend entièrement cette réglementation une telle refonte ayant paru préférable, dans un souci de clarté à la solution qui aurait consisté à modifier partiellement les dispositions existantes.

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Il laisse subsister toutes les dispositions de droit commun relatives aux baux qui ne sont point contraires aux dispositions qu'il édicte.Il ne traite pas de la révision des prix de location en cours de bail qui demeure régie par les dispositions du dahir du 5 janvier 1953.Il est divisé en huit titres relatifs au champ d'application des règles de renouvellement des baux, aux demandes et aux refus de renouvellement, aux sous-locations, aux loyers, aux procédures et aux mesures diverses et transitoires.

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I. Le champ d'application des règles relatives au renouvellement des baux, tel qu'il était fixé par le dahir du 17 janvier 1948 n'est modifié, quant au fond, que sur certains points particuliers. Par contre, de nombreuses dispositions ont été rendues plus claires ou complétées par des précisions.L'objet essentiel de la réglementation, demeure de protéger les fonds de commerce. Toutefois, le bénéfice de cette protection est maintenu au profit de certaines entreprises publiques ou privées qui ne constituent pas des fonds de commerce.Pour les baux consentis après la publication du présent dahir sur des locaux accessoires ou des terrains nus le bénéfice de la protection légale sera subordonné à l'accord écrit du propriétaire, afin que ce dernier puisse accepter ou refuser, en toute connaissance, que les locaux ou les terrains en question soient affectés, au regard du présent dahir et pour l'application de celui-ci, à un usage commercial, industriel, artisanal ou assimilé. La même réserve est prévue, pour un motif identique, à l'égard des immeubles ou locaux affectés en cours de bail à des services publics exploités en régie.Les règles relatives aux baux emphytéotiques et aux sous-locations consenties par les emphytéotes qui figuraient dans le dahir du 17 janvier 1948 sont maintenues.L'article 4 écarte l'application des dispositions du dahir aux immeubles ou locaux constitués en habous, qu'il s'agisse de habous publics ou de habous privés et quel que soit le mode de gestion de ces biens. Cette règle a pour objet de laisser intact le statut traditionnel de ces fondations pieuses. Par contre, il a paru qu'il n'y avait pas de motif d'écarter l'application du dahir aux baux consentis par les bénéficiaires de droits de menfaâ sur ces biens. De même, la constitution en habous de locaux grevés de baux commerciaux antérieurement à cette constitution, n'aura pas pour effet de soustraire les rapports juridiques résultant de ces baux à l'application des dispositions du présent dahir.II. Désormais et nonobstant toute convention contraire, les baux régis par le présent dahir ne prendront fin que par l'effet d'un congé donné au moins six mois à l'avance, de telle sorte que le bail se trouvera éventuellement prorogé, du fait du dahir, au-delà du terme fixé par le contrat et a titre provisoire, sans que joue toutefois, en aucun cas, la tacite reconduction qui aurait pour effet de reconduire le bail initial aux mêmes conditions et pour une durée identique. Du fait de ces dispositions et des règles relatives à la procédure de la demande du renouvellement et du congé, en aucun cas les parties en cause ne pourront se trouver surprises par des forclusions sans qu'elles aient pu bénéficier du délai nécessaire pour défendre leurs droits ou prendre les dispositions pratiques qu'elles jugeraient nécessaires à cet effet, par exemple, de se recaser dans un autre local ou de trouver un autre locataire. Un large pouvoir d'appréciation est laissé aux juges pour admettre, selon les circonstances de chaque cas, la validité des demandes en renouvellement ou des congés qui ne seraient pas donnés dans les formes prescrites, la non-conformité de ces actes auxdites formes n'ayant pas pour effet nécessaire de les rendre non valables, mais seulement d'interdire à celui qui les a ainsi mal formulés d'opposer à l'autre partie en cause les forclusions légales. De même, les juges pourront apprécier, dans le cas de notification par lettre recommandée avec accusé de réception, si la notification a effectivement atteint la personne à laquelle elle était destinée. Il n'a pas paru possible, pour des raisons pratiques, d'exiger que les notifications soient effectuées dans tous les cas par actes de greffe.III. Les règles relatives au refus du renouvellement ont été sensiblement modifiées en vue de renforcer la protection des locataires. Le bailleur est toujours libre de refuser le renouvellement du bail, à charge pour lui d'indemniser le locataire évincé. Mais il n'est plus dispensé du

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paiement de cette indemnité que dans les deux éventualités suivantes : s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ou si l'immeuble doit être démoli pour insalubrité ou insécurité. La dispense du paiement de l'indemnité d'éviction, dans les cas de reprise par le propriétaire pour habiter ou pour installer une exploitation commerciale est supprimée.Le présent dahir prévoit - ceci constitue une innovation importante - des solutions intermédiaires entre la dispense totale du paiement d'une indemnité et l'obligation de verser une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le refus de renouvellement. Ces solutions ont été adoptées, en premier lieu, pour encourager la construction : faculté est donnée, en effet, au propriétaire de refuser le renouvellement du bail pour démolir et reconstruire l'immeuble ou de différer ce renouvellement pendant deux années s'il se propose de surélever l'immeuble et si cette surélévation rend nécessaire l'éviction temporaire du locataire, à charge d'indemniser ce dernier du dommage qu'il subit, sans que toutefois l'indemnité dépasse une somme égale, dans le premier cas, à trois années et, dans le second cas, à deux années de loyer. Une solution analogue a été adoptée dans le cas où le propriétaire reprend les locaux pour y habiter lui-même ou pour y installer ses proches : dans cette éventualité, le locataire aura droit désormais à une indemnité d'éviction dont, toutefois, le montant ne pourra dépasser une somme égale à cinq années de loyer. Encore, cette faculté n'est-elle donnée que si se trouvent réunies les conditions suivantes : le bénéficiaire de la reprise ne doit pas disposer d'une habitation convenant à ses besoins normaux, et à ceux de sa famille d'une part ; le local sur lequel s'exerce la reprise doit correspondre à ces besoins et pouvoir être adapté par simples travaux d'aménagement à un usage d'habitation, d'autre part Enfin, la limitation du montant de l'indemnité ne s'applique, à l'occasion de reprises partielles, que dans l'éventualité ou celles-ci ne portent atteinte ni à l'exploitation, ni à l'habitation du locataire.Les représentants qualifiés des chambres de commerce et d'industrie et des chambres mixtes avaient demandé que ces dispositions ne soient pas appliquées aux reprises portant sur des locaux exploités en hôtel ou en meublé. Cette suggestion n'a pas été retenue parce qu'il n'était pas nécessaire d'apporter cette limitation supplémentaire aux droits des propriétaires, le danger d'un exercice abusif du droit de reprise pour habiter étant suffisamment écarté par d'autres dispositions, et parce qu'elle tendait à instituer un régime préférentiel au profit de certains fonds de commerce sans que des raisons déterminantes justifient une telle différence de traitement. Les dispositions rappelées ci-dessus ont, de plus pour effet de limiter, en pratique, à des cas certainement très rares la faculté d'exercer la reprise en ne payant qu'une indemnité réduite, et encore, dans ces quelques cas, il n'est pas exclu que le montant de cette indemnité, qui peut atteindre une somme égale à cinq années de loyer, couvre la totalité du dommage subi du fait de l'éviction.Des dispositions particulières la faculté pour le locataire d'être relogé dans l'immeuble reconstruit à la place de celui dont il a été précédemment évincé. La réalisation de ce recasement n'est pas exclusif du bénéfice d'une des indemnités d'éviction prévues par le présent dahir. Il peut toutefois en être tenu compte pour apprécier définitivement le montant du préjudice subi par le locataire. Diverses règles sont enfin édictées à l'effet de protéger le locataire contre un usage abusif des facilités accordées aux propriétaires.IV. Les articles groupés sous le titre IV, relatif aux sous-locations, interdisent pour l'avenir, c'est-à-dire pour les baux entièrement nouveaux et pour les futurs baux de renouvellement, toute sous-location totale ou partielle, sauf stipulation contraire du bailleur ou accord du propriétaire ; cet accord devra être donné par écrit. Ils réglementent, d'autre part, les droits respectifs du sous-locataire, du locataire principal et du propriétaire.V. Le titre V, relatif au loyer, contient des indications sur le mode de détermination des prix de location lors du renouvellement des baux venus à expiration. D'autres dispositions concernent les conditions dans lesquelles les loyers payés d'avance portent intérêt et les modalités d'application de la clause de résolution de plein droit en cas de non-paiement du prix.VI. La procédure judiciaire a été assouplie. Le président du tribunal de première instance a mission de concilier les parties. La comparution en personne de ces dernières constitue une condition souvent indispensable au succès de la tentative de conciliation, il n'a pas paru possible

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cependant de la rendre obligatoire dans tous les cas. C'est aux juges qu'il appartiendra d'user largement de la faculté qui leur est donnée d'exiger cette comparution.En cas d'échec de la tentative de conciliation, l'affaire est portée devant le tribunal de première instance.Des dispositions ont été prévues à l'effet de faire échec aux manœuvres dilatoires, tout en assurant une information suffisante des parties à l'effet de leur rappeler en temps utile les conséquences de leur éventuelle inaction.VII. Les dispositions diverses les plus importantes sont celles qui frappent de nullité absolue toutes les clauses contractuelles qui feraient échec au droit du locataire d'obtenir éventuellement les indemnités d'éviction et de céder son bail à l'acquéreur de son fonds.Une disposition particulière rappelle et précise que le régime de protection des baux à usage commercial, industriel ou artisanal ne s'applique aux baux portant sur des biens du domaine privé de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques que dans la mesure où cette application est conciliable tant avec le statut de la domanialité publique qu'avec les exigences particulières au fonctionnement des services publics.VIII. Les dispositions transitoires ont un double objet : celui de régler les difficultés qui résultent de la substitution au régime actuellement en vigueur d'un régime différent sur un certain nombre de points ; celui de prévoir, d'autre part, les conditions dans lesquelles sera réglée la situation des locataires maintenus dans les lieux en vertu de la prorogation exceptionnelle édictée par le dahir du 22 mai 1954.Une large liberté d'action rendue nécessaire par la diversité des cas qui peuvent se présenter est laissée au juge pour fixer la date d'effet du nouveau bail et le montant du loyer exigible pour la période écoulée depuis la date à laquelle le bail précédent venait normalement à expiration.D'autres dispositions libèrent empressement le propriétaire des engagements qu'il a pu souscrire au sujet des locaux dont il eût été en droit de disposer si la prorogation exceptionnelle n'était pas intervenue, et elles reprennent la règle du dahir du 22 mai 1954 qui écarte la possibilité pour quiconque d'obtenir une indemnité à raison de L'inexécution des décisions judiciaires résultant également de cette prorogation qui se trouve confirmée dans ses effets par le présent dahir. Un arrêté viziriel fixera, d'autre part, la date à laquelle cette prorogation prendra fin.

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Vu le dahir du 22 mai 1954 (19 ramadan 1373) relatif à la prorogation des baux d'immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal.

Titre premier

Champ d'application

Art. 1er.— Les dispositions du présent dahir s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité, que ce fonds appartienne à un commerçant, à un industriel ou à un artisan.Elles s'appliquent en outre:1° Aux baux d'immeubles ou de locaux accessoires dépendant du fonds, à la condition qu'ils soient indispensables à l'exploitation de ce dernier et, en outre, dans le cas où ils appartiennent à un propriétaire différent, à la condition que les locaux accessoires aient été loués en vue de l'utilisation jointe que leur destinait le preneur et que cette destination ait été connue du bailleur desdits locaux au moment de la location ; 2° Aux baux portant sur des terrains nus sur lesquels ont été édifiés, soit avant, soit après la conclusion du bail, des constructions à usage industriel, commercial ou artisanal, à la condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement du propriétaire et dans la limite indispensable à cette exploitation.

Page 5: Etude Critique Du Dahir de 1955

Pour les baux consentis postérieurement à la date de la publication du présent dahir, l'application des dispositions des paragraphes 1° et 2° de l'alinéa précédent est subordonnée à l'accord écrit du propriétaire intéressé. Cette règle ne s'applique pas toutefois pour le renouvellement des baux conclus antérieurement à cette date.

Art. 2.— Les dispositions du présent dahir et, notamment, celles des 2e et 3e alinéas de l'article premier s'appliquent également :1° Aux baux d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel consentis par l'Etat, aux autres collectivités publiques ou aux établissements publics pour des immeubles ou locaux affectés à des services exploités en régie soit au moment de la location, soit ultérieurement. Si l'affectation en cours de bail est réalisée après la publication du présent dahir, l'application des dispositions ci-dessus est subordonnée à l'accord écrit du propriétaire intéressé ; 2° Aux baux d'immeubles ou de locaux occupés par tous établissements d'enseignement ; 3° Aux baux d'immeubles ou de locaux occupés par des façonniers.

Art. 3.— Les dispositions du présent dahir ne sont pas applicables aux baux emphytéotiques. Toutefois, elles s'appliquent, dans les cas prévus par les dispositions qui précèdent, aux baux passés par les emphytéotes, sous réserve que la durée du renouvellement consenti à leurs sous-locataires n'ait pas pour effet de prolonger l'occupation des lieux au-delà de la date d'expiration du bail emphytéotique.

Art. 4.— Le présent dahir n'est pas applicable aux immeubles et locaux constitués en habous et non grevés de droits traditionnels de menfaâ ou, en cas d'indivision, lorsque les intérêts des habous représentent une majorité des trois quarts dans l'indivision.Toutefois, les immeubles ou locaux qui entreront dans les patrimoines habous postérieurement à la publication du présent dahir, demeureront grevés des baux commerciaux en cours ou ayant fait l'objet d'un renouvellement en application du présent dahir.

Titre II

Du renouvellement du bail

Art. 5.— Le droit à renouvellement ne peut être invoqué que par les locataires, leurs cessionnaires ou ayants droit qui justifient, par eux-mêmes ou par leurs auteurs, soit d'une jouissance consécutive de deux années en vertu d'un ou plusieurs baux écrits successifs, soit d'une jouissance consécutive de quatre années en vertu, ou bien d'un ou plusieurs baux verbaux successifs, ou bien de baux écrits ou verbaux successifs.

Art. 6.— Par dérogation aux articles 687, 688 et 689 du dahir du 12 août 1913 (9 ramadan 1331) formant Code des obligations et contrats, les baux des locaux soumis aux dispositions du présent dahir ne cessent que par l'effet d'un congé donné au moins six mois à l'avance, nonobstant toute stipulation contractuelle contraire.En conséquence, à défaut du congé visé à l'alinéa précédent, le bail se poursuit au-delà du terme fixé par le contrat.Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation, ne cesse que par l'effet d'une notification faite au moins six mois à l'avance. Cette notification doit mentionner la réalisation de l'événement prévu au contrat.Si, dans le cas d'un bail comportant plusieurs périodes, le bailleur dénonce le bail à l'expiration de l'une de celles-ci, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance.Le congé doit être donné soit dans les formes prévues aux articles 55, 56 et 57 du dahir formant Code de procédure civile, soit par lettre recommandée avec accusé de réception. Le bailleur doit, à peine de ne pouvoir opposer au locataire la forclusion prévue à l'article 27, préciser les motifs du congé et reproduire les termes de cet article.

Page 6: Etude Critique Du Dahir de 1955

Art. 7.— A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui en précèdent l'expiration, soit à tout moment, au cours de sa continuation par l'effet des dispositions de l'article 6 ci-dessus.La demande en renouvellement doit être signifiée au bailleur soit dans les formes prévues aux articles 55, 56 et 57 du dahir formant Code de procédure civile, soit par lettre recommandée avec accusé de réception.Sauf stipulations ou notifications contraires de la part du bailleur, la demande en renouvellement peut être valablement adressée à son gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir ; s'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous. Elle doit reproduire les termes de l'article 8 ci-dessus, sous peine, pour le locataire, de ne pouvoir opposer au bailleur la forclusion résultant de l'expiration du délai de trois mois prévu audit article.

Art. 8.— Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, soit dans les formes prévues aux articles 55, 56 et 57 formant Code de procédure civile, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, faire connaître au demandeur s'il consent au renouvellement, et dans quelles conditions, ou s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai et si la demande en renouvellement a été rédigée conformément aux dispositions de l'article 7 ci-dessus, le bailleur est réputé avoir accepte le renouvellement aux clauses et conditions du bail précèdent. Toutefois, si le locataire a demandé le renouvellement aux clauses et conditions différentes, le bailleur n'est réputé avoir accepté que le principe du renouvellement, le différend portant sur le prix, la durée ou les autres conditions du bail devant être porté, à la demande de la partie la plus diligente, devant le juge qui statue dans les conditions prévues à l'article 30.La réponse du bailleur à la demande en renouvellement doit reproduire les termes de l'article 27, à peine pour le bailleur de ne pouvoir opposer au locataire la forclusion prévue par ledit article.

Art. 9.— En cas de renouvellement et à défaut d'accord des parties sur la durée du nouveau bail, celui-ci aura la même durée que celle prévue par le contrat du bail expiré sans que, toutefois, la durée du nouveau bail puisse être supérieure à cinq ans.Dans le cas d'un bail à durée indéterminée, le nouveau bail aura une durée égale à la durée effective du bail précédent sans que, toutefois, elle puisse être supérieure à trois ans.Dans l'un ou l'autre cas, le nouveau bail prendra effet à compter de la date de l'expiration du bail précédent si celui-ci avait été dénoncé six mois au moins avant cette date, ou bien, dans le cas où le bail s'est poursuivi au-delà du terme fixé par le contrat, conformément aux dispositions de l'article 6 ci-dessus, à compter du premier jour du mois suivant soit la date pour laquelle un congé aurait été valablement notifié, soit celle de la demande ou de l'offre de renouvellement.

Titre III

Du refus de renouvellement

Art. 10.— Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail. Toutefois, il devra, dans le cas où il usera de ce droit, payer au locataire évincé sauf exceptions prévues aux articles 11 et suivants, une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.Le tribunal devra, pour la fixation de cette indemnité, tenir compte de tous les éléments de perte que le locataire aura à subir et de gains dont il sera privé ensuite de l'éviction.Cette indemnité sera au moins égale à la valeur du fonds, sauf le cas où le bailleur fera la preuve que le préjudice est moindre.

Art. 11.— Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité:1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ;

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2° S'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d'insalubrité reconnue par l'autorité administrative, ou s'il est établi qu'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état d'insécurité.Dans le cas où le propriétaire ou son ayant droit aura reconstruit totalement ou partiellement l'immeuble ou aura remis en état, le locataire aura droit de priorité pour louer dans les conditions prévues par les articles 13 et 14 ci-dessous.

Art. 12.— Le propriétaire a également le droit de refuser le renouvellement du bail pour démolir et reconstruire l'immeuble à charge de payer au locataire évincé, préalablement à son départ une indemnité égale au préjudice subi sans qu'elle puisse excéder trois ans de loyer au taux en vigueur au moment de l'éviction.Dans le cas où il est fait usage de cette faculté, le locataire a le droit de rester dans les lieux aux clauses et conditions du contrat primitif jusqu'au commencement effectif des travaux.En outre, si l'immeuble reconstruit comporte des locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, le locataire a droit de priorité pour louer dans l'immeuble reconstruit sous les conditions prévues aux articles 13 et 14 ci-dessous.

Art. 13.— Pour bénéficier du droit de priorité prévu soit a l'article 11, soit à l'article 12 ci-dessus, le locataire doit, en quittant les lieux ou, au plus tard, dans les trois mois qui suivent son départ, notifier sa volonté d'en user au propriétaire, soit dans les formes prévues aux articles 55, 56 et 57 du dahir formant Code de procédure civile, soit par lettre recommandée avec accusé de réception en lui faisant connaître son nouveau domicile. Il doit notifier dans les mêmes formes tout nouveau changement de domicile.Le propriétaire qui a reçu une telle notification doit, avant de louer un nouveau local, aviser en la même forme le locataire qu'il est prêt à lui consentir un nouveau bail.Cet avis doit mentionner que le locataire a un délai de trois mois pour faire savoir au propriétaire s'il accepte ou non le nouveau bail ou, dans le cas où acceptant le principe du nouveau bail, il n'est pas d'accord sur les conditions de celui-ci, pour saisir la juridiction compétente. Passé ce délai et si l'avis a été formulé conformément à la disposition qui précède, le propriétaire pourra disposer du local.A défaut d'accord entre les parties sur les conditions du nouveau bail, celles-ci sont déterminées conformément aux dispositions de l'article 30.Le propriétaire qui ferait échec au droit de priorité du locataire est passible, sur la demande de ce dernier, de lui payer des dommages-intérêts.

Art. 14.— Lorsque l'immeuble reconstruit, dans les conditions prévues aux articles 11 et 12 ci-dessus, possède une superficie supérieure à celle de l'immeuble primitif, le droit de priorité est limité à des locaux d'une superficie équivalente à celle des locaux précédemment occupés ou susceptibles de satisfaire aux mêmes besoins commerciaux que ces derniers.Lorsque l'immeuble reconstruit ne permet pas la réinstallation de tous les occupants, la préférence est accordée aux locataires exploitant les fonds de commerce les plus anciens qui auront valablement fait connaître leur intention d'occuper les lieux.Lorsque l'immeuble reconstruit ne comporte pas de locaux convenant à l'exploitation commerciale, industrielle ou artisanale précédemment exercée, le locataire évincé peut néanmoins user de son droit de priorité sur les locaux reconstruits pour l'exercice d'une exploitation différente compatible notamment avec le nouvel aménagement desdits locaux, la nature et la situation de l'immeuble.

Art. 15.— Le propriétaire peut également différer, pendant une durée maximum de deux ans, le renouvellement du bail, s'il se propose de surélever l'immeuble et si cette surélévation rend nécessaire l'éviction temporaire du locataire. Celui-ci a droit, dans ces cas, à une indemnité égale au préjudice subi sans qu'elle puisse excéder deux ans du loyer en vigueur au moment de l'éviction.Dans le cas où il est fait usage de cette faculté, le locataire a le droit de rester dans les lieux jusqu'au commencement effectif des travaux.

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Art. 16.— Le bailleur peut refuser, sans être tenu au paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article 10 ci-dessus, le renouvellement du bail s'il reprend les lieux pour les habiter lui-même ou les faire habiter par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, à condition que le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d'une habitation correspondant à ses besoins normaux et à ceux des membres de sa famille vivant habituellement ou domiciliés avec lui que ces besoins correspondent à une utilisation normale du local et que ce local puisse être adapté, par simples travaux d'aménagement, à un usage d'habitation. La reprise partielle n'est admise au bénéfice des dispositions ci-dessus qu'à la condition de ne pas porter atteinte à l'exploitation et à l'habitation du locataire.Lorsque l'immeuble a été acquis à titre onéreux, le bailleur ne peut bénéficier de cette disposition que si son acte d'acquisition a date certaine plus de trois ans avant l'exercice de ce droit.Le bailleur qui exerce le droit de reprise partielle ou totale prévu au présent article est tenu de verser au locataire ou à son ayant droit une indemnité égale au dommage subi sans qu'elle puisse excéder cinq ans de loyer au taux en vigueur au moment de l'éviction.Sauf motif légitime, bénéficiaire de la reprise doit occuper personnellement les lieux dans un délai d'un an à dater du départ du locataire évincé et pendant une durée minimum de cinq ans. A défaut, il est tenu de verser au locataire évincé une indemnité égale au montant du préjudice subi.

Art. 17.— Le droit au renouvellement n'est pas opposable au propriétaire qui se propose de construire sur tout ou partie d'un des terrains visés au paragraphe 2° du 2e alinéa de l'article premier ci-dessus des locaux à usage d'habitation si avant l'expiration du délai de deux ans à compter du refus de renouvellement, il entreprend effectivement ladite construction. Le locataire évincé peut rester sur les lieux jusqu'au commencement effectif des travaux.Ce droit de reprise ne peut, en tout état de cause, être exercé que sur la partie du terrain indispensable à la construction. Il donne lieu, s'il a pour effet d'entraîner obligatoirement la cessation de l'exploitation commerciale, industrielle ou artisanale, au paiement de l'indemnité prévue à l'article 12 ci-dessus. En outre, si l'immeuble construit comporte des locaux à usage commercial industriel ou artisanal, le locataire évincé bénéficie du droit de priorité prévu à l'article 12 ci-dessus dans les conditions fixées par les articles 13 et 14 du présent dahir.

Art. 18.— Le propriétaire ou le principal locataire qui, en même temps qu'il est bailleur des lieux, est le vendeur du fonds de commerce qui y est exploité et qui a reçu le prix intégral, ne peut refuser le renouvellement qu'à la charge de payer l'indemnité d'éviction prévue à l'article 10, sauf s'il justifie d'un motif reconnu grave et légitime à l'encontre du preneur.

Art. 19.— En cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, la collectivité publique qui poursuit l'expropriation peut se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article 10, en offrant au locataire évincé un local équivalent situé à proximité.Dans ce cas, le locataire perçoit une indemnité compensatrice de sa privation temporaire de jouissance et, le cas échéant, de la moins-value de son fonds. Il est en outre remboursé de ses frais normaux de déménagement et d'emménagement.

Art. 20.— Au cas où il viendrait à être établi à la charge du bailleur qu'il n'a exercé les droits qui lui sont confères aux articles 11 et suivants qu'en vue de faire échec aux droits du locataire, notamment par des opérations de location et de revente, que ces opérations aient un caractère civil ou commercial, le locataire aura droit à une indemnité égale au montant du préjudice subi.Le locataire sortant a le droit de faire évaluer le préjudice qu'il subit au moment de l'éviction selon la procédure prévue aux articles 27 et suivants du présent dahir.

Art. 21.— Aucun locataire pouvant prétendre à l'indemnité d'éviction ou à une des indemnités prévues aux articles 12 à 18 inclus, ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue, à moins que le propriétaire ne lui verse une indemnité provisionnelle à fixer par le président du

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tribunal de première instance, lequel sera saisi dans les conditions prévues à l'article 27 et statuera sous réserve d'appel comme il est dit à l'article 30.Cette indemnité sera imputée sur le montant de celle qui sera définitivement fixée, soit à l'amiable, soit en justice si celle-ci est supérieure. Dans le cas contraire, le locataire sera tenu envers le propriétaire au remboursement de la différence ou même, dans le cas où le tribunal refuserait l'octroi de l'indemnité définitive, de la totalité du montant de l'indemnité provisionnelle.Le locataire usant du droit prévu à l'alinéa premier a droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du contrat de bail expiré jusqu'au paiement de l'indemnité provisionnelle.

Titre IV

Des sous-locations

Art. 22.— Par dérogation à l'article 668 du dahir formant Code des obligations et contrats, toute sous-location totale ou partielle est interdite sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur.En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte.Lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale afférent à la partie sous-louée, le propriétaire à la faculté d'exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale.Le locataire doit faire connaître au propriétaire, soit par acte en la forme prévue aux articles 55, 56 et 57 du dahir formant Code de procédure civile, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, son intention de sous-louer. Dans les trente jours de la réception de cette notification, le propriétaire doit faire connaître s'il entend concourir à l'acte.Si, malgré l'autorisation prévue à l'alinéa premier, le bailleur refuse ou s'il omet de répondre, il est passé outre, si après avoir accepté de concourir à l'acte il n'est point d'accord avec le locataire principal pour les conditions de la sous-location, de même s'il n'est point d'accord sur l'augmentation à appliquer conformément aux dispositions de l'alinéa précédent au prix de la location principale, il est statué par le président du tribunal, conformément aux dispositions de l'article 30 ci-après.

Art. 23.— Le sous-locataire peut demander le renouvellement de son bail au locataire principal dans la mesure des droits que ce dernier tient lui-même du propriétaire. Le bailleur est appelé à concourir à l'acte, comme il est prévu à l'article 22 ci-dessus.A l'expiration du bail principal le propriétaire n'est tenu au renouvellement que s'il a, expressément ou tacitement, autorisé ou agréé la sous-location et si, en cas de sous-location partielle, les lieux faisant l'objet du bail principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans la commune intention des parties. Pour les sous-locations consenties après la publication du présent dahir l'accord du propriétaire visé à l'article 22 ci-dessus devra être donné par écrit.

Titre V

Du loyer

Art. 24.— Le montant du loyer des baux à renouveler doit correspondre à la valeur locative équitable.Celle-ci pourra être déterminée, notamment, d'après:1° La surface totale réelle affectée à la réception du public ou à l'exploitation en tenant compte, d'une part, de l'état et de l'équipement des locaux mis à la disposition de l'exploitant par le propriétaire et, d'autre part, de la nature et de la destination de ces locaux, de leurs accessoires et de leurs dépendances.

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Il peut être tenu compte de la surface des ouvertures sur rue par rapport à la surface totale du local ; 2° La surface totale réelle des locaux annexes éventuellement affectés à l'habitation de l'exploitant ou de ses préposés ; 3° Les éléments commerciaux ou industriels en tenant compte, d'une part, de l'importance de la ville, du quartier, de la rue et de l'emplacement et, d'autre part, lorsqu'il s'agit de locaux qui, par leur structure, ont une destination déterminée, de la nature de l'exploitation et des commodités offertes pour l'entreprendre. Il sera également tenu compte des charges imposées au locataire.

Art. 25.— Les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit et même à titre de garantie, portent de plein droit intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque d'Etat du Maroc pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de six mois.

Art. 26.— Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit à défaut de paiement du loyer aux échéances convenues ne produit effet que quinze jours après une mise en demeure de payer restée infructueuse. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Elle est faite par acte dans la forme prévue aux articles 55, 56 et 57 du dahir formant Code de procédure civile ou par lettre recommandée avec accusé de réception.Toutefois, le juge peut, en accordant pour le paiement des délais d'une durée maximum d'un an, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation pour défaut de paiement du loyer au terme convenu lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions ainsi fixées par le juge.

Titre VI

De la procédure

Art. 27.— Le locataire qui entend soit contester les motifs du congé ou du refus de renouvellement invoqués par le bailleur, soit demander le paiement d'une des indemnités prévues au titre III du présent dahir ou qui n'accepte pas les conditions proposées pour le nouveau bail, doit saisir le président du tribunal de première instance de la situation de l'immeuble dans le délai de trente jours à compter de la réception du congé ou de la réponse du propriétaire prévue à l'alinéa premier de l'article 8.Passé ce délai et sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article 6 et du deuxième alinéa de l'article 8 ci-dessus, il se trouve forclos et il est réputé soit avoir renoncé au renouvellement ou à l'indemnité d'éviction, soit avoir accepté les conditions proposées pour le nouveau bail.

Art. 28.— Le président du tribunal de première instance saisi ou le Juge qui le remplace a pour mission de concilier les parties. Il doit dresser à l'audience de conciliation un procès-verbal dans lequel seront consignés, notamment, les motifs de refus opposés par le bailleur ainsi que les demandes et offres respectives des parties, tant sur le prix, la durée, le point de départ et les autres conditions du bail, que sur le montant des indemnités prévues par le présent dahir et pouvant être dues par le bailleur.Les parties pourront se faire assister ou représenter par un avocat. Toutefois, le juge pourra ordonner leur comparution personnelle.Le président du tribunal est saisi par requête écrite ou par déclaration faite au greffe et accompagnée du versement du montant de la taxe judiciaire.En aucun cas, une demande tendant à faire statuer sur l'expulsion du locataire ne pourra être jointe à la procédure de conciliation. Le président du tribunal convoquera les parties à son

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audience, huit Jours au moins à l'avance, dans les formes prévues aux articles 55 et suivants du dahir formant Code de procédure civile.

Art. 29.— En cas de défaillance de l'une ou de l'autre des parties, le président ou le juge statue par ordonnance. Le locataire défaillant sera déchu du bénéfice du présent dahir. Le propriétaire défaillant sera présumé consentir au renouvellement du bail dont le prix et la durée seront réglés dans les conditions prévues à l'article 30. Toutefois, la partie défaillante aura droit de faire opposition dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance rendue contre elle. Cette notification devra mentionner expressément ce délai.L'opposition à l'ordonnance par défaut contiendra les moyens de l'opposant ; elle sera notifiée à personne ou à domicile.

Art. 30.— Lorsqu'il résultera de la tentative de conciliation que le bailleur consent, en principe, au renouvellement et que le différend porte sur la date d'expiration de la prorogation, le prix, la durée, le point de départ du bail renouvelé, les conditions accessoires, ou sur l'ensemble de ces éléments, le président du tribunal statue par ordonnance motivée, après avoir au besoin ordonne une expertise pour rechercher tous les éléments d'appréciation permettant de fixer équitablement les conditions du nouveau bail.Les parties sont entendues. Elles peuvent se faire assister par un avocat.L'ordonnance du président du tribunal peut être frappée d'appel dans le délai de quinze jours à compter de sa notification.Les décisions en dernier ressort peuvent être déférées à la Cour de cassation.

Art. 31.— Pendant la durée de l'instance, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou le cas échéant, au prix qui pourra, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par le juge saisi, conformément à l'article précèdent, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur après fixation définitive du prix du bail renouvelé.Dans le délai de trente jours à compter du jour où l'ordonnance visée à l'article précédent est devenue définitive ou de la notification de l'arrêt de la cour d'appel, les parties dresseront un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement.Toutefois, elles auront la faculté, le locataire de renoncer au renouvellement et le bailleur de refuser celui-ci, à charge pour celle des parties qui aura manifesté son désaccord de supporter tous les frais.Si ce désaccord n'a pas été notifié à la partie adverse, soit dans les formes des articles 55, 56 et 57 du dahir formant Code de procédure civile, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, dans le délai de trente jours indiqué ci-dessus et faute par le bailleur d'avoir envoyé dans le même délai à la signature du preneur le projet de bail conforme à la décision susvisée ou faute d'accord du locataire dans le délai de trente jours à compter de la réception de cet envoi, l'ordonnance ou l'arrêt fixant le prix et les conditions du nouveau bail vaudra bail.

Art. 32.— Si le bailleur refuse le renouvellement et si le locataire entend contester les motifs de ce refus ou demander le paiement d'une indemnité d'évictions il assigne le bailleur devant le tribunal de première instance de la situation de l'immeubleIl en est de même si le bailleur refuse le renouvellement du bail aux conditions déterminées en application de l'article 30 ci-dessus.La requête introductive d'instance doit être déposée au secrétariat-greffe dans le délai de trente jours a compter de la notification du procès-verbal de non-conciliation ou de la notification par le bailleur du refus de renouvellement prévue à l'alinéa 3 de l'article 31 du présent dahir ; ces notifications devront mentionner expressément ce délai.Les décisions en dernier ressort peuvent être déférées à la Cour de cassation.Le propriétaire qui a succombé peut, dans le délai de trente jours à compter du jour où la décision est devenue définitive s'il s'agit d'une décision de première instance, ou de la notification de l'arrêt s'il s'agit d'une décision de la cour d'appel, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge pour lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux

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règles de l'article 30. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les deux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre local.Pendant la durée de l'instance, le locataire est tenu de continuer à payer le loyer dans les conditions prévues à l'article précèdent.

Art. 33.— Toutes les actions exercées en vertu du présent dater se prescrivent par une durée de deux ans. Elles sont portées devant le tribunal de première instance de la situation de l'immeuble à l'exception toutefois de celles qui sont visées aux articles 27 à 30 inclus du présent dahir.Tous les délais prévus au présent dahir sont francs.

Art. 34.— Les contestations relatives à l'application du présent dahir sont de la compétence des juridictions françaises ou des juridictions chérifiennes selon les règles du droit commun. Toutefois, à titre provisoire, ces contestations seront portées exclusivement devant les juridictions françaises jusqu'à une date qui sera fixée par arrêté viziriel.

Art. 35.— Le locataire contre lequel le propriétaire intente devant une juridiction chérifienne une action tendant à faire cesser l'occupation des lieux loués doit, pour bénéficier des dispositions du présent dahir, demander le renouvellement de son bail dans le délai d'un mois, à partir de la notification qui lui est faite de la citation émanant de la juridiction saisie.Mention sera faite, sur ladite citation, que faute par le locataire d'avoir fourni la demande de renouvellement dans ce délai, il sera déchu du bénéfice du présent dahir. A défaut de cette mention, le locataire sera relevé de la déchéance.

Titre VII

Dispositions diverses

Art. 36.— Sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent dahir ou aux dispositions des articles 25 et 26.

Art. 37.— Sont également nulles, quelle qu'en soit la forme les conventions tendant à interdire au locataire qui remplit les conditions prescrites par l'article 5 ci-dessus de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise.

Art. 38.— La faillite et la liquidation judiciaire n'entraînent pas, de plein droit, la résiliation du bail des immeubles affectés à l'exploitation industrielle, commerciale ou artisanale du débiteur, y compris les locaux dépendant de ces immeubles et servant à son habitation ou à celle de sa famille. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Art. 39.— Lorsqu'il est à la fois propriétaire de l'immeuble loué et du fonds de commerce qui y est exploité et que le bail porte en même temps sur les deux, le bailleur devra verser au locataire, à son départ, une indemnité correspondant au profit qu'il pourra retirer de la plus-value apportée, soit au fonds, soit à la valeur locative de l'immeuble, par des améliorations matérielles effectuées par le locataire avec l'accord exprès du propriétaire.

Art. 40.— Les dispositions du présent dahir ne s'appliquent pas aux baux consentis sur des immeubles ou des locaux appartenant au domaine privé de l'Etat ou des autres personnes ou collectivités publiques, si ces immeubles ou ces locaux sont affectés à l'usage de service public ou si la location de ces immeubles ou de ces locaux a été assortie d'une clause excluant expressément l'application à usage commercial, industriel ou artisanal.Elles ne s'appliquent en aucun cas aux baux consentis, antérieurement à la date de publication du présent dahir, sur des immeubles ou des locaux préalablement acquis par voie d'expropriation.

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Art. 41.— Les dispositions du dahir du 5 mai 1928 (15 kaada 1336) sur les baux à loyer s'appliquent aux titulaires des baux vises aux articles premier et 2 du présent dahir qui ne remplissent pas les conditions exigées par l'article 5 ci-dessus.

Titre VIII

Dispositions transitoires

Art. 42.— Les dispositions du présent dahir sont, sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article 23, applicables de plein droit aux baux en cours ou prorogés, ainsi qu'à toutes les instances introduites avant sa publication et qui, à cette date, n'ont pas fait l'objet de décisions passées en force de chose jugée. Toutefois, les dispositions du premier alinéa de l'article 22 ne sont applicables qu'aux baux conclus, notamment par renouvellement de baux anciens, postérieurement à la publication du présent dahir.Il ne sera plus tenu compte des forclusions, déchéances ou irrecevabilités encourues par les locataires en vertu des dispositions du dahir du 17 janvier 1948 (5 rebia I 1367), dans les instances en cours à la date de publication du présent dahir qui se poursuivront devant les juridictions actuellement saisies sans qu'il soit besoin de former de nouvelles demandes.

Art. 43.— Les locataires bénéficiant de la prorogation édictée par le dahir susvisé du 22 mai 1954 (19 ramadan 1373) pourront, à moins qu'ils n'aient renoncé au bénéfice de ladite prorogation dans les conditions fixées par l'article 2 dudit dahir, formuler dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la publication du présent dahir une demande à l'effet d'obtenir, suivant le cas, soit le renouvellement du bail, soit l'une des deux indemnités définies par les articles 10 et 15 ci-dessus.La demande prévue à l'alinéa précédent doit être rédigée et signifiée au bailleur conformément aux dispositions des alinéas 2 et 3 de l'article 7 du présent dahir. Les dispositions du présent dahir, notamment celles des articles 8, 27 et 30, s'appliquent ensuite pour l'instruction de cette demande, soit à l'amiable, soit judiciairement.Les baux faisant l'objet de la demande visée à l'alinéa premier du présent article demeureront prorogés de plein droit jusqu'à la réalisation d'un accord amiable, ou, le cas échéant, jusqu'à la date fixée par décision de justice.En cas de renouvellement du bail, le juge fixera le point de départ du nouveau bail et, le cas échéant, le montant du loyer pendant la période comprise entre la date d'expiration du bail et celle d'expiration de la prorogation.De même, si le bail n'est pas renouvelé, le juge fixera le montant du loyer pendant la période comprise entre la date d'expiration normale du bail et celle de l'expiration de la prorogation.

Art. 44.— A défaut de la demande de renouvellement prévue à l'article 43 le bail cessera de plein droit, nonobstant toute clause de préavis de bail, à l'expiration d'un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de publication du présent dahir.

Art. 45.— L'exercice par le locataire de son droit de renouvellement libère le propriétaire de toutes les obligations résultant des baux et promesses de baux consentis par lui à des tiers.

Art. 46.— L'inexécution des décisions judiciaires résultant de l'application des dispositions transitoires du présent dahir ne pourra donner lieu à une quelconque action en justice.

Art. 47.— Les dispositions du dahir susvisé du 17 janvier 1948 (5 rebia I 1367) sont abrogées.

Doctrine

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Me J.-P. Razon, avocat au barreau de Casablanca, “ Le nouveau régime des baux commerciaux, industriels et artisanaux au Maroc ” (Fiduciaire Marcel Wacziarg, Casablanca).J.-M. Pansier “ Note pratique sur les loyers commerciaux ” : Rev. mar. de droit 1er février 1956, p. 49.J.-M. Pansier, “ La reprise des locaux commerciaux ” : Rev. mar. de droit 1er, novembre 1956, p. 385.M. Mons, “ La motivation du congé et du refus de renouvellement du bail en matière de propriété commerciale ” : Rev. mar. de droit 1er janvier 1946, p. 1.

Jurisprudence

I. Lorsqu'un contrat de location porte sur un terrain nu mais que le bail prévoit la construction, aux frais du preneur, de locaux à usage commercial que ce dernier a la possibilité de sous-louer l'objet de la location est un immeuble à usage commercial qui entre dans le champ d'application du dahir du 24 mai 1955.II. -(V. D. 5 janvier 1953 et D. 2 juin 1915, art. 87.) (Casablanca, référés, 25 octobre 1962 : Gaz. Trib. Maroc 10 novembre 1962, p. 112.)

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On ne peut considérer les dispositions du dahir du 24 mai 1955 comme d'ordre public, mais seulement comme impératives (Cour suprême, ch. civ. 4 mai 1965 : Rev. mar. de droit 1er Juillet 1965, p. 297 : casse partiellement arrêt de renvoi non précisé).

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Local à usage commercial. - Incompétence du Tribunal du Sadad : Clause résolutoire (Trib. rég. Rabat 24 octobre 1967 : Gaz Trib. Maroc juillet/août 1968, p. 19 ; infirme Trib. Sadad Rabat 15 avril 1967).

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(Art. 1er)

I. -Ne bénéficie pas de la propriété commerciale le locataire qui n'a ni créé ni acquis ni transporté dans les lieux un fonds de commerce et qui s'est borné à mettre en activité une installation industrielle ou commerciale indissolublement liée aux immeubles dont le bailleur est exclusivement propriétaire.II. - Tel est le cas d'un bain maure, dont les salles de hammam et la chaufferie ont été fournies au locataire par le bailleur (Rabat 3 décembre 1956 : Rev. mar. de droit 1er février 1957, p. 70 ; confirme Fès 2 mai 1956).

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Les juges du fond ont le droit dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation d'interpréter les intentions des parties au moment de la signature du contrat les clauses de ce dernier et sa nature intrinsèque.C'est ainsi que malgré les termes ambigus du contrat de location la cour peut déduire des circonstances de la cause que les lieux pris à bail par l'intimé devaient dans l'esprit des partis, être utilisés à usage commercial.

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Dès lors, la législation applicable est celle qui régit les baux commerciaux et doit être considérée comme nulle la clause tendant à donne à la location un caractère d'occupation précaire en vue de priver le preneur du bénéfice de la propriété commerciale.Toutefois la nullité n'affecte pas la convention dans son ensemble. Seule la clause en question doit être considérée comme non écrite, et il subsiste un bail écrit, permettant au locataire de bénéficier de la propriété commerciale au terme du délai de deux ans prévu par la législation en vigueur (Rabat 9 janvier 1957 : Gaz. Trib. Maroc 25 février 1957, p. 30 ; infirme Casablanca 24 mai 1949).

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(Art. 1er)

L'occupant à titre précaire d'un terrain nu ne peut se prévaloir ni du dahir du 5 mai 1928, ni de celui du 24 mai 1955.Devenu occupant sans droit ni titre il peut en raison de l'urgence, être expulsé par ordonnance du juge des référés (Rabat 14 Juillet 1961 : Rev. mar. de droit 1er mai 1963, p. 226 ; confirme Ord. Casablanca 22 mars 1961).

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La distinction entre l'artisan commerçant soumis à l'application du dahir du 24 mai 1955 et l'artisan professionnel soumis à l'application des dahirs des 25 mai 1949 et 5 mai 1928 réside dans l'existence ou l'absence d'un fonds de commerce.Constitue une difficulté sérieuse touchant le fond du droit le point de savoir si la location de locaux à usage de salon de coiffure est de nature commerciale ou professionnelle.Le juge des référés est incompétent pour la trancher (Rabat 13 avril 1962 : Rev. mar. de droit 1er février 1963, p. 71 ; infirme Ord. Casablanca 30 mars 1961).

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Le dahir du 24 mai 1955 est applicable aux artisans qui possèdent un fonds de commerce. L'existence de celui-ci résulte des constations des juges du fond. On ne peut admettre qu'un propriétaire ait renoncé au congé donné du seul fait qu'il ait encaissé des loyers postérieurement au congé. La renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter de faits qui l'impliquent nécessairement (Rabat 13 Juillet 1962 : Rev. mar. de droit 1er avril 1963, p. 178 ; confirme Meknès 4 avril 1962).

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(Art. 1er, § 1°)

La location consentie à une société commerciale pour loger son personnel est, par destination qui est de faciliter la réalisation de l'objet social obligatoirement commercial du preneur une location commerciale.Cette location commerciale accessoire ne peut dans les terme du paragraphe 1er de l'article 1er du dahir du 24 mai 1955 être considérée comme indispensable à l'exploitation du fonds ce qui l'exclut de la protection de ce dahir (Rabat 11 novembre 1955 : Gaz. Trib. Maroc 10 mars 1956, p. 34).

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La recherche du caractère indispensable ou non d'un local accessoire est une question de fait consistant à déterminer si le maintien de ce local est indispensable à la vie de l'entreprise compte tenu de sa structure (Rabat 8 décembre 1961 : Rev. mar. de droit 1er juin 1962, p. 741 ; confirme Casablanca 10 mars 1960).

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(Art. 1er, § 2°)

L'article 1er paragraphe 2°, du présent dahir reproduit la disposition de l'article 2, paragraphe 4 du dahir du 17 janvier 1948 au sujet duquel il a été jugé ce qui suit :L'article 2 paragraphe 4, du dahir du 17 janvier 1948, ne fait aucune distinction quant à la nature et à la solidité des constructions à usage industriel ou commercial édifiées sur les terrains nus.Doit donc être cassé l'arrêt qui pour refuser tout droit au renouvellement du bail, a retenu que des constructions légères ont été édifiées sur les terrains nus objet dudit bail (Cass. soc. 27 juin 1956 : Gaz. Trib. Maroc 25 décembre 1956, p. 150 ; casse Rabat 3 avril 1953).

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Le dahir du 24 mai 1955 est applicable aux terrains nus sur lesquels des constructions d’usage commercial industriel ou artisanal ont été élevées ou exploitées avec le consentement du propriétaire.Encourt la cassation l'arrêt qui après avoir jugé que le locataire n'apportait pas la preuve que le propriétaire avait donné son consentement de l'édification des constructions refuse à ce locataire le droit au bénéfice du dahir sans avoir répondu aux conclusions faisant état du consentement du propriétaire à l'exploitation desdites constructions (Cour suprême civ. 8 juillet 1958 : Gaz. Trib. Maroc 10 octobre 1958, p. 86 ; casse Rabat 8 mars 1957)

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(Art. 1er et 2)

Le dahir du 24 mai 1955 relatif aux baux d'immeubles ou de locaux loués à usage commercial industriel ou artisanal n'est pas applicable aux baux et fonds de commerce.Doit donc être cassé l'arrêt qui, pour infirmer une ordonnance de référé prononçant I'expulsion des défendeurs du pourvoi comme occupants sans droit ni titre, déclare que ces derniers étaient locataire d'un local à usage commercial, dénaturant la convention conclue entre les parties de laquelle il résultait en effet que la location portait, en fait, sur un fonds de commerce (Cour suprême civ. 29 avril 1958 : Gaz. Trib. Maroc 25 novembre 1958, p. 103 ; Rev. mar. de droit 1er octobre 1958, p. 260 ; casse Rabat 26 octobre 1957).

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Une location consentie à une entreprise commerciale pour loger son personnel, est par sa nature une location commerciale.Néanmoins, une pareille location ne peut, aux termes de l'article 1er du dahir du 24 mai 1955, être considérée comme indispensable à l'exploitation du fonds, ce qui l'exclut de la protection de ce dahir.

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En cas de congé, la loi applicable est donc le dahir du 5 mai 1928, dont l'article 2 vise tout congé de locaux à usage d'habitation, commercial industriel et artisanal (Casablanca 30 octobre 1958 : Gaz. Trib. Maroc 10 décembre 1958, p. 113).

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(Art. 1er, 6, 9 et 10)

I. - En l'absence, d'une part de stipulation contractuelle imposant au locataire l'exploitation d'un commerce déterminé et d'autre part d'aménagements spéciaux fournis par le bailleur en vue d'une activité déterminée (cinéma, hôtel, café, etc.), la seule obligation du preneur est d'exercer dans le local loué une activité commerciale quelconque librement choisie par lui.II. - La nature de cette activité commerciale peut dès lors être modifiée sans le consentement du bailleur, même si la modification du commerce nouveau concurrence d'autres fonds antérieurement établis dans l'immeuble, à condition que le changement de ladite activité ne nécessite pas des travaux concernant la construction elle-même.III. - La renonciation par le bailleur, à un congé en matière de locations commerciales laisse se continuer la location originaire à des clauses et conditions antérieures audit congé.IV. - L'indemnité d'éviction réparant le préjudice causé par cette éviction s'évalue à la date à laquelle se réalise ledit préjudice c'est-à-dire au moment où a lieu l'éviction (Rabat 13 février 1956 : Gaz. Trib. Maroc 1er mars 1957, p. 118 ; confirme Casablanca 7 avril 1955).

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(Art. 2)

I. - La protection accordée aux locataire commerçants par le dahir du 24 mai 1955 exige la présence de constructions en “ dur ” stable et solides, dans la lieux loués.II. - Elle est refusée lorsqu'il n'existe que des baraquements ou des édifices facilement démontable ou transportable (Rabat 13 février 1956 : Rev. mar. de droit 1er mars 1957, p. 121 ; confirme Casablanca 10 juin 1954).

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Selon l'article 2 du dahir du 24 mai 1955 la dispositions de ce dahir sont applicables aux baux d'immeubles ou de locaux occupés par tous établissements d'enseignement. Il importe peu que partie des lieux soit à usage d'habitation, la location mixte étant indivisible et le caractère commercial étant présumé, sauf preuve contraire, être prépondérant.Lorsque le congé a été donné pour démolir et reconstruire, I'intention manifestée par le bailleur doit être présumée sincère et celui-ci a satisfait à l'obligation qui lui est imposée par la loi dès l'instant qu'il a payé l'indemnité prévue par l'article 12, de trois ans de loyers (Rabat 18 juillet 1961 : Rev. mar. de droit 1er juillet 1962, p. 794 ; note non signée sous arrêt, confirme Casablanca 18 novembre 1959).

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(Art. 2 et 12)

Les dispositions du dahir du 24 mai 1955 sont applicable aux baux d'immeubles ou de locaux occupés par tous établissements d'enseignement. Il importe peu qu'une partie des lieux soit à usage

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de synagogue ou de logement du gardien, le caractère commercial étant sauf preuve contraire, présumé prépondérant dans l'esprit des parties.Pour l'application de l'article 12 du dahir du 24 mai 1955 I'intention de reconstruire manifestée par le bailleur doit être présumée sincère (Rabat 18 juillet 1961 : Rev. mar. de droit 1er mai 1963, p. 227 ; confirme Casablanca 19 novembre 1959).

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(Art. 5 et 36)

I. - La prescription ne court contre une action que du jour où celle-ci peut être exercée.Une demande en renouvellement de bail ne pouvant être admise que si le locataire justifie d'une jouissance consécutive des locaux pendant deux années en vertu d'un ou plusieurs baux écrits successifs la prescription de l'action en renouvellement de bail ne court que du jour où le locataire ayant accompli deux années d'occupation peut utilement solliciter le renouvellement de son bail.II. -La renonciation au bénéfice de la propriété commerciale n'est subordonnée dans sa forme à aucune condition substantielle et peut résulter de tout acte ou de tout fait qui explicitement ou implicitement manifeste de la part de son titulaire la volonté de renoncer à ce droit. Les tribunaux sont investis à cet égard d'un pouvoir souverain d'appréciation et leurs décisions échappent de ce fait au contrôle de la Cour suprême (Cour suprême, ch. civ. 12 juillet 1963 ; note P. Pourquier sous arrêt : Gaz. Trib. Maroc 10 janvier 1964, p. 1 ; rejet pourvoi c. Rabat 4 janvier 1961).

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(Art. 6)

I. - La tacite reconduction doit être admise pour les baux commerciaux.II. -Le congé, en matière commerciale, doit être donné pour une date utile c'est-à-dire si le bail est à durée déterminée pour la fin normale du bail ; faute de quoi il est nul et de nul effet (Rabat 2 décembre 1955 : Rev. mar. de droit 15 février 1959, p. 118, avec note de J.-M. Pansier, confirme Ord. non précisée).

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Lorsque la procédure a commencé par un congé du bailleur en application des dispositions de l'article 6 du dahir du 24 mai 1955, c'est à la date d'effet de ce congé qu'il faut se placer pour apprécier si le preneur satisfait aux conditions exigées par la loi pour le renouvellement et notamment à la condition d'exploitation effectuée du fonds exigée par l'article 1er dudit dahir.Le congé constituant en même temps un refus de renouvellement d'un caractère définitif, c'est aussi à sa date d'effet qu'il faut vérifier le droit du locataire à une indemnité d'éviction qui a précisément sa cause dans ce refus (Rabat 27 novembre 1959 : Gaz. Trib. Maroc 25 juin 1960, p. 8 ; infirme Meknès 25 mars 1959).

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Le juge des référés est compétent pour ordonner en raison de l'urgence, I'expulsion d'un occupant sans droit ni titre.Tel est le cas du preneur commerçant auquel congé a été donné dans la forme prévue par l'article 6 du dahir du 24 mai 1955 qui n'a pas saisi le président du tribunal dans le délai imparti par la loi et qui du fait de la forclusion a perdu tout droit au renouvellement de son bail.

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Ne constitue pas une contestation sérieuse de nature à rendre le juge des référés incompétent ou à l'amener à surseoir à l'expulsion du preneur le dépôt par ce dernier d'une plainte contre X... au motif qu'il contesterait avoir apposé sa signature sur le registre des PTT lors de la remise de la lettre recommandée alors surtout que la quittance de loyer délivrée postérieurement au congé porte des réserves rédigées en langue arabe.Doit donc être expulsé en vertu des articles 219 et suivants du DPC le preneur dont la mauvaise foi est évidente (Casablanca 14 janvier 1960 : Gaz. Trib. Maroc 10 février 1960, p. 17).

** *

Aux termes de l'article 6 du dahir du 24 mai 1955 le bailleur qui donne congé à son locataire doit à peine de ne pouvoir opposer la forclusion prévue à l'article 27, préciser les motifs du congé. En imposant cette obligation le législateur a voulu permettre au locataire de prendre parti en appréciant en toute connaissance de cause s'il doit, soit accepter la décision du bailleur soit contester le motif invoqué ou demander la fixation de l'indemnité d'éviction.N'est donc pas conforme aux exigences légales le congé dans lequel il est simplement mentionné que le bailleur entend reprendre les locaux en vue d'une occupation personnelle (Rabat 15 avril 1960 : Gaz. Trib. Maroc 10 novembre 1960, p. 101 ; confirme Oujda 28 octobre 1959).

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Le président du tribunal saisi en vertu du dahir du 24 mai 1955, en vue de fixer l'indemnité provisionnelle, n'est pas compétent pour statuer sur la sincérité du motif de congé allégué par le propriétaire (Rabat 6 mai 1960 : Gaz. Trib. Maroc 10 janvier 1961, p. 3 ; infirme Ord. Casablanca 2 juillet 1959).

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Aux termes de l'article 6 du dahir du 24 mai 1955 le congé doit être donné soit dans les formes prévues aux article 55, 56 et 57 du dahir formant Code de procédure civile soit par lettre recommandée avec accusé de réception.Lorsque la lettre formant congé n'a pas été remise à l'intéressé et qu'elle est revenue à l'expéditeur avec la mention “ absent avisé ” constitue une difficulté sérieuse qui touche au fond du droit, le point de savoir si une attestation délivrée par l'Administration des PTT de laquelle il résulte qu'un avis a été remis au destinataire, supplée à l'accusé de réception et fait courir le délai de forclusion de l'article 27 du dahir susvisé (Rabat 13 janvier 1961 : Gaz. Trib. Maroc 10 avril 1961, p. 40 ; infirme Ord. Rabat 26 avril 1960).

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Aux termes de l'article 6 du dernier alinéa du dahir du 24 mai 1955 le bailleur doit à peine de nullité de ne pouvoir opposer la forclusion de l'article 27 dudit dahir préciser la motifs du congé (Rabat 20 janvier 1961 : Gaz. Trib. Maroc 10 mai 1961, p. 52 ; confirme Ord. Fès 21 mai 1960).

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Le congé donné au seul motif que le locataire se refuse à consentir à une augmentation de loyer ne répond pas aux exigences légale en ce qu'il laisse le preneur dans l'incertitude au sujet de l'attitude du propriétaire relativement au renouvellement du bail (Même arrêt que ci-dessus : Rev. mar. de droit 1er mars 1961, p. 119).

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L'article 6 du dahir du 24 mai 1955 fait une obligation au bailleur de préciser les motifs du congé à peine de ne pouvoir opposer au locataire la forclusion prévue à l'article 27. Il ne s'agit pas là d'une simple formalité matérielle de l'acte mais d'une mention substantielle dont le défaut ne vise pas seulement l'exploit mais l'acte judiciaire par lequel le bailleur doit exprimer sa volonté d'accepter ou de refuser le renouvellement. Doit en conséquence se déclarer incompétent le juge des référés saisi d'une demande d'expulsion à l'encontre d'un locataire qui n'a pas saisi le juge conciliateur dans les délais de l'article 27 et qui avait reçu notification d'un congé comportant une demande d'augmentation de loyer sans autre précision (Rabat 4 mars 1960 : Gaz. Trib. Maroc 25 novembre 1961, p. 105 ; infirme Ord. Casablanca, date non précisée, note P. Pourquier).

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Aux termes de l'article 6 du dahir du 24 mai 1955 le bailleur doit à peine de ne pouvoir opposer la forclusion prévue par l'article 27 préciser la motifs du congé. Cette exigence ne constitue pas une simple formalité matérielle mais une mention substantielle ayant pour but de renseigner le preneur sur les intentions réelles du bailleur, et, partant d'apprécier s'il a ou non intérêt à saisir la juridiction compétente dans le délai légal.N'obéit pas aux prescriptions de l'article 6 un congé donné au motif que le taux du loyer ne correspond pas à la valeur locative des lieux sans autre indication sur le montant du loyer réclamé (Casablanca 2 novembre 1961 : Gaz. Trib. Maroc 25 novembre 1961, p. 106).

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Aux termes des dispositions de l'article 6 du dahir du 24 mai 1955, les congés peuvent être régulièrement notifiés soit par lettre recommandée devant être signée par le propriétaire ou son mandataire, soit par acte extrajudiciaire dans la formes prévues aux articles 55, 56 et 57 du DPC. Lorsque la deuxième forme de signification est choisie par le bailleur elle donne lieu à un procès-verbal de notification mentionnant la délivrance d'une copie de la requête copie sur laquelle ne doit pas nécessairement figurer la signature du propriétaire ou de son mandataire puisque, aussi bien, celle-ci figure sur l’original de l’acte détenu par le Service des Notifications Judiciaires. Le procès-verbal signé par l'agent instrumentaire a pour effet d'authentifier l'exploit et d'attester la parfaite identité entre la copie et l'original signé par le bailleur (Casablanca 14 novembre 1963 : Gaz. Trib. Maroc 10 février 1964, p. 17).

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(Art. 6)

La question de savoir si le congé donné à un locataire désigné sous un nom inexistant, a bien été signifié audit locataire constitue une difficulté sérieuse.Le juge des référés saisi d'une demande d'expulsion de ce locataire au motif que ce dernier n'a pas saisi le juge conciliateur conformément à la loi, doit se déclarer incompétent (Rabat 6 novembre 1964 : Gaz. Trib. Maroc 10-25 mai 1965, p. 50, infirme Ord. référés Casablanca 19 décembre 1963).

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L'article 6 du dahir du 24 mai 1955 n'exige pas comme en droit français que le congé soit motivé à peine de nullité.La seule sanction qui frappe le bailleur en cas d'absence de motif est l'impossibilité pour celui-ci d'opposer à son locataire la forclusion de l'article 27.Non motivé, un congé demeure valable comme exprimant la volonté du propriétaire de mettre fin à la location.II s'ensuit qu'au Maroc, la motivation du congé n'est pas une formalité substantielle et que partant, le changement de motif en cours d'instance est admissible (Casablanca 8 mars 1965 : Gaz. Trib. Maroc 25 avril 1965, p. 44).

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(Art. 6, 7 et 27)

Du rapprochement des articles 6 (alinéas 1er, et 2) et 7 (alinéa 1er) du dahir du 24 mai 1955 sur la baux commerciaux il résulte qu'à défaut de congé donné par le bailleur et de demande de renouvellement de la part du locataire, un bail commercial à durée déterminée venu à expiration se poursuit au-delà du terme fixé pour une durée indéterminée.L'article 6 (alinéa 1er) de ce dahir ayant expressément écarté l’application de l’article 688 DOC, il ne peut y avoir de tacite reconduction pour les baux commerciaux, sauf si elle est expressément stipulée.Par suite lorsque le bail se poursuit au-delà du terme fixé pour son expiration le bailleur peut donner congé pour n'importe quelle date à la condition de respecter le préavis de six mois.Un tel congé, qui est régulier et valable, fait courir le délai de forclusion de l'article 27 du dahir du 24 mai 1955 et c'est dès lors à juste titre que le bailleur oppose cette forclusion au locataire qui n'a pas saisi le juge conciliateur dans ledit délai (Casablanca 3 décembre 1959 : Gaz. Trib. Maroc 10 janvier 1960, p. 4).

** *

(Art. 7 et 8)

Les articles 7 et 8 du dahir du 24 mai 1955 concernent les locataires liés à leur bailleur par un bail à durée déterminée appelé à venir à expiration ou par un bail à durée déterminée déjà venu à expiration et se continuant par l'effet des dispositions de l'article 6.Ces texte ne s'appliquent pas aux baux à durée indéterminée appelés à se poursuivre aux mêmes conditions tant que le bailleur n'y met pas fin par un congé et sans que le locataire puisse prendre l'initiative d'une demande de renouvellement (Casablanca 30 janvier 1964, déclaration d'incompétence du tribunal : Gaz. Trib, Maroc 10 mars 1964, p. 27).

** *(Art. 10)

Le locataire d'un local à usage commercial ayant fait l'objet d'un congé de la part de son bailleur ne peut prétendre subir de perte de clientèle alors qu'il dispose d'un autre local situé au voisinage du premier et que le seul préjudice qu'il peut invoquer consiste donc dans ses frais de déménagement et une certaine gêne dans le stockage de ses marchandises. L'indemnité d'éviction à laquelle il a droit devra donc être calculée en conséquence (Rabat 13 février 1956 : Gaz. Trib. Maroc 10 juillet 1956, p. 100).

** *

Page 22: Etude Critique Du Dahir de 1955

Aux termes de l'article 10 du dahir du 24 mai 1955, l'indemnité d'éviction doit être égale au préjudice causé par le refus de renouvellement.En raison du caractère indemnitaire de la somme due à l'évincé, il doit être tenu compte pour son évaluation de tous les éléments du préjudice existant à la date de l'expiration du bail.Les juges ont un pouvoir souverain d'appréciation pour fixer suivant les circonstances un chiffre inférieur égal ou supérieur à la valeur du fonds (Rabat 4 novembre 1960 : Gaz. Trib. Maroc 10 mars 1961, p. 28).

** *

(Art. 11, § 2°)

Le juge des référés est compétent pour ordonner l'expulsion d'un immeuble à usage commercial s'il est établi qu'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état d'insécurité, selon les termes de l'article 11-2° du dahir du 24 mai 1955.Cette compétence est toutefois restreinte en cas d'urgence (art. 219 DPC), laquelle est alors constituée par un risque interne d'effondrement, qu'il soit total ou partiel (Rabat 27 novembre 1959 : Gaz. Trib. Maroc 10 février 1960, p. 15 ; confirme Ord. Casablanca 22 janvier 1959).

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(Art. 11, 13, 20 et 33)

I. - La prescription de l’action en indemnité pour fraude dans l'exercice du droit de reprise d'un local à usage commercial se prescrit par deux ans à compter de la découverte de la fraude conformément à l'article 33 du dahir du 24 mai 1955.Il. - La fraude ne se présume pas et doit être prouver par celui qui l'invoque les bailleurs ayant délivré congé en raison de l'insécurité de l'immeuble ne sont pas tenus de reconstruire et la mise en vente après reprise de leur immeuble menaçant ruine n'est pas à elle seule révélatrice d'une manœuvre frauduleuse.III. - Le bénéfice du droit de priorité prévu par l'article 11 du dahir du 24 mai 1955 est soumis à une manifestation formelle de volonté de la part du locataire dans les trois mois qui suivent son départ et le preneur est tenu de satisfaire aux conditions de ce formalisme prévues par l'article 13 du dahir précité (Casablanca 27 avril 1964 : Gaz. Trib. Maroc 10 mai 1964, p. 52).

** *

(Art. 12, 13 et 14)

Fait fraude au droit de priorité réservé à l'ancien locataire, le propriétaire qui après lui avoir notifié les conditions proposées par un tiers en y ajoutant une condition supplémentaire, loue ensuite à ce tiers en faisant abstraction de cette condition (Cour suprême, Ch. civ. 16 juin 1964 : Rev. mar. de droit 1er décembre 1964, p. 456 ; casse Rabat 25 novembre 1960).

** *(Art. 12 et s. )

Il importe peu qu'après reconstruction le propriétaire crée lui-même dans le nouvel immeuble un fonds de commerce similaire à celui que le locataire explorait et ce dernier n'a que les droits que lui

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confèrent les alinéas 2 et 3 de l'article 12 du dahir du 24 mai 1955 (Cour suprême 20 juin 1961 : Rev. mar. de droit 1er décembre 1961, p. 453 ; casse Rabat 3 juillet 1959).

** *

Dés lors que le propriétaire a reçu la notification d'un arrêté municipal rendu en raison de l’état de ruine (ou d'insalubrité) de l'immeuble et lui enjoignant d'avoir à procéder à sa démolition (ou à son évacuation) et qu'il accepte les termes de cette injonction, il échet de décider que les occupants de cet immeuble ont perdu tout droit de s'y maintenir.Le juge des référés est compétent pour ordonner, en raison de l'urgence leur expulsion et il ne saurait surseoir à cette exécution sans sortir des limites de ses attributions (Rabat 15 mai 1959 : Rev. mar. de droit 1er juin 1961, p. 739 ; confirme Oujda 10 fév. 1959, note sous arrêt).

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Suivant les dispositions des articles 22 et 27 du dahir du 17 janvier 1948 lorsque le bailleur reprend les lieux loués en vue de démolir et de reconstruire le preneur ne peut prétendre à l'indemnité d'éviction définitive mais peut seulement être admis à faire évoluer le montant de l'indemnité qui pourrait lui être due au cas de fraude du bailleur.Suivant les articles 12 et suivants du dahir du 24 mai 1955 lorsque le bailleur a donné congé en vue de démolir et reconstruire il est prévu au profit du preneur : - une indemnité d'éviction égale au préjudice subi mais ne pouvant excéder trois ans de loyer ou taux en vigueur ou moment de l'éviction (art. 12) ; - un droit de priorité pour louer dons l'immeuble reconstruit, sous certaines conditions (art. 13 et 14) ; - le droit de faire évaluer l'indemnité d'éviction due au cas de fraude du bailleur (art. 20).Le preneur ne peut réclamer l'application des dispositions rappelées ci-dessus du dahir du 24 mai 1955 dans une instance séparée et nouvelle lorsqu'une décision passée en force de chose jugée est intervenue avant la promulgation dudit dahir et conformément aux dispositions du dahir du 17 janvier 1948. Il ne pourrait le faire qu'à l'occasion d'une instance “ en cours ” en vertu des dispositions transitoires de l'article 42 du dahir du 24 mai 1955 (Rabat 23 avril 1956 : Rev. mat. de droit 1er juin 1956, p. 271 ; confirme Casablanca 8 déc. 1955 rapporté infra, sous art. 42).

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I. - Doit être infirmée, comme statuant ultra petita, la décision accordant paiement d'une indemnité définitive d'éviction alors que le locataire sortant sollicitait seulement la fixation de l'indemnité éventuelle due ou cas de fraude du bailleur.II. - Le préavis d'un an, exigé en cas de congé donné en vue de démolir pour reconstruire par le dahir du 17 janvier 1948, est supprimé par celui du 24 mai 1955 lequel s'applique de plein droit aux instances en cours.III. - Le locataire évincé ne peut alléguer le défaut de sincérité du congé délivré pour démolir et reconstruire puisqu'il a le droit de demeurer dans les lieux jusqu'au commencement effectif des travaux.IV. - En cas de congé donné en vue de démolir et de reconstruire le locataire sortant a droit : 1° Au paiement d'une indemnité égale au préjudice subi, mais limitée à trois ans de loyer ; 2 ° Au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de cette indemnité et, d'autre part jusqu'au commencement effectif des travaux ; 3° A faire fixer l'indemnité qui serait due au cas de fraude du bailleur ; 4° A un droit de priorité sous certaines conditions, pour louer dans l'immeuble reconstruit (Rabat 13 fév. 1956 : Rev. mar. de droit 1er fév. 1957, p. 81 ; infirme Casablanca 17 juin 1954).

Page 24: Etude Critique Du Dahir de 1955

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En cas de demande d'indemnité pour fraude aux droits du locataire, la prescription de deux ans ne court que du jour où la fraude s'est révélée.Si en principe, le droit reconnu à l'ancien locataire par les dahirs du 17 janvier 1948 et du 24 mai 1955 ne constitue pas un droit de relocation mais lui permet seulement, s'il désire relouer dans l'immeuble reconstruit de se voir accorder la préférence sur les tiers aux conditions offertes par le propriétaire et acceptées par ces derniers, encore faut-il que l'offre faite par le propriétaire et acceptée par les tiers ne soit pas contraire aux bonnes mœurs.Doit être considérée comme contraire aux bonnes mœurs une offre de relocation faite moyennant un loyer s'élevant à un prix trois ou quatre fois supérieur aux cours normaux pratiqués et correspondant à un revenu de l’immeuble calculé sur la base d'un taux de rapport du capital investi dépassant largement le 12 % admis comme plafond en la matière de jurisprudence pour atteindre des taux spéculatifs de 35 à 40 %.Une offre faite dans de telles conditions étant atteinte de nullité absolue, le locataire évincé est en droit de réclamer le paiement de l'indemnité d'éviction prévue par la loi (Casablanca 6 juin 1957 : Gaz. Trib. Maroc 25 Oct. 1957, p. 122).

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L'article 12 du dahir du 24 mai 1955 ne met aucun obstacle à la reprise des lieux par le bailleur, dans la mesure où le droit de priorité pour louer dans l'immeuble reconstruit est réservé au preneur qui l'exerce régulièrement.L'achèvement de la reconstruction permet seul de reconnaître la nature et la consistance des locaux loués grevés par ce droit de priorité. Il n'est donc pas possible d'évaluer même à titre conservatoire, le montant des dommages-intérêts éventuellement dus, en vertu de l'article 13 in fine du dahir précité (Rabat 5 avril 1957 : Gaz. Trib. Maroc 10 janv. 1958, p. 2, confirme partiellement Marrakech 20 juin 1956).

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Le propriétaire qui adresse congé au locataire pour démolir et reconstruire n'est tenu à aucune obligation légale de justifier dès l'époque du congé de la sincérité de ses intentions ni d'indiquer la destination du local dont il entend entreprendre la construction (Rabat 20 nov. 1959 : Gaz. Trib. Maroc 25 janv. 1960, p. 8 ; confirme Oujda 29 avril 1959).

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Le locataire commerçant auquel il a été donné congé pour démolir et reconstruire, a la possibilité de faire fixer l'indemnité d'éviction à laquelle il pourrait éventuellement prétendre s'il était fait fraude à ses droits.Il également un droit de priorité pour relouer dans les locaux reconstruits. Il a droit à des dommages-intérêts au cas où il serait fait échec à ce droit.Ces dommages-intérêts ne correspondent pas nécessairement à l'indemnité d'éviction.Est par suite irrecevable la demande tendant au paiement de l'indemnité d'éviction réclamée pour une prétendue violation du droit de priorité (Cour sup., Ch. civ. 9 mai 1961 : Rev. mar. de droit 1er mai 1962, p. 694 ; rejet pourvoi).

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Page 25: Etude Critique Du Dahir de 1955

Seul le propriétaire qui désire “ démolir et reconstruire l'immeuble ” peut bénéficier des dispositions de l'article 12 du dahir du 24 mai 1955. Celui qui se propose simplement de procéder dans son intérêt propre à l'aménagement des locaux ne peut se prévaloir de ce texte (Rabat 1er déc. 1961 : Rev. mar. de droit 1er oct. 1963, p. 376 ; confirme partiellement Fès 17 fév. 1960).

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1er al. - V. même décision sous DOC, art. 461. 2e al. - V. même décision sous D. 17 janv.1948.En cas de reprise pour démolir et reconstruire les propriétaires, à une époque où celle-ci était exclusive du paiement de toute indemnité d'éviction ne sauraient être tenus que des obligations que leur imposait le texte précité lequel ne contraint le bailleur à relouer au preneur qu'en cas de reconstruction de l'immeuble et d’un immeuble où se trouvent des locaux à usage commercial sans faire de cette reconstruction une obligation impérative faisant présumer la fraude si elle n'est pas exécutée (Casablanca 6 avril 1964 : Gaz. Trib. Maroc 10 juin 1964, p. 63).

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(Art. 16)

Le propriétaire qui donne congé en vertu de l’article 16 du dahir au 24 mai 1955 et qui n'occupe cependant pas les lieux personnellement à usage d'habitation doit être autorisé à rapporter la preuve du motif légitime de nature à l’exonérer du paiement de l'indemnité éventuelle d'éviction (Cour suprême, Ch. civ. 29 oct. 1963 : note non signée sous arrêt : Rev. mar. de droit 1er janv. 1964, p. 23 ; casse Rabat 6 juill. 1962).

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(Art. 16, alinéa 4, et art. 20)

Les juges du fond, après avoir constaté la non-occupation des locaux par le propriétaire, bénéficiaire de la reprise, apprécient souverainement si la raison de santé par lui invoquée constitue un motif légitime justifiant le défaut d'occupation des lieux.La non-occupation des lieux sans motif légitime est distincte de la fraude aux droits du locataire (sol. Impl.) (Cass. civ. 13 fév. 1957 : Rev. mar. de droit 1er juin 1959 p. 265, avec note R. Béraud ; confirme Rabat 3 avril 1953.

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(Art. 20)

Si la notification du refus de renouvellement du bail par le propriétaire est une première manifestation de l'exercice de son droit de reprise, ce droit ne s'exerce effectivement que le jour où le locataire est mis dans l'obligation de quitter les lieux.Le propriétaire ayant jusque-là la possibilité de renoncer à l'expulsion, c'est à ce même moment que peut apparaître sa volonté de faire échec aux droits du locataire dans des conditions permettant à celui-ci de se prévaloir des dispositions de l'article 20 du dahir du 24 mai 1955, notamment s'il est établi que le motif sur lequel il avait fondé son refus de renouvellement n'existe plus (Cour sup. 12 déc. 1960 : Gaz. Trib. Maroc 10 fév. 1962, p. 17 ; confirme Rabat 6 mars 1959).

Page 26: Etude Critique Du Dahir de 1955

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(Art. 20 et 33)

L'action du locataire en paiement d'une indemnité d'éviction consécutive au refus du propriétaire de lui consentir le renouvellement du bail qu'il avait sollicité, ne peut reposer que sur les disposions de la loi sur la propriété commerciale, à l'exclusion notamment des dispositions des articles 77 et 78 DOC. En conséquence, seule la prescription de deux ans du dahir du 24 mai 1955 peut être invoquée.Les dispositions de l'article 13 dudit dahir, relatives à la prescription biennale, sont applicables tant à l'indemnité prévue par l'article 20 qu'à l'indemnité d'éviction ordinaire (Cour sup. Civ. 9 fév. 1960 : Gaz. Trib. Maroc 10 mars 1960, p. 26 ; confirme Rabat 17 mai 1957).

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(Art. 21)

Aux termes de l'article 21 du dahir du 24 mai 1955, le locataire ne peut être obligé de quitter les lieux avant d'avoir revécu l'indemnité d'éviction à laquelle il peut prétendre.Le juge dé référés n'est donc pas compétent pour statuer sur la demande d'expulsion formulée par le propriétaire, aussi longtemps que celui-ci n'a pas obtenu une décision définitive privant le locataire de ladite indemnité (Rabat 13 janv. 1961 : Gaz. Trib. Maroc 25 mai 1961, p. 58, confirme Ord. Casablanca 24 mars 1960).

** *

Il est de principe que le juge de la propriété commerciale saisi en vertu de l'article 21 du dahir du 24 mai 1955, est compétent pour ordonner l'expulsion du locataire en contrepartie du versement de l'indemnité provisionnelle.Cette indemnité est destinée à permettre au locataire sa réinstallation dans un autre local. Elle s'imputera soit sur l'indemnité forfaitaire, soit sur l'indemnité définitive d'éviction s'il en est ultérieurement alloué une et donnera droit éventuellement, à remboursement.Usant de l'article 243 du DOC, le juge peut accorder en raison des circonstances de la cause, un sursis de courte durée à sa décision ordonnant l'expulsion (Rabat 27 fév. 1959 : Rev. mar. de droit 1er déc. 1962, p. 993 ; note non signée sous arrêt ; confirme Casablanca 27 mars 1958).

** *

Le locataire qui refuse de verser la provision mise à sa charge par le jugement ordonnant une expertise sur le montant de l’indemnité d'éviction, ne peut bénéficier du maintien dans les lieux prévu par l'article 21 du dahir du 24 mai 1955, en faveur des preneurs qui exercent leurs droits de bonne foi (Rabat 18 juill. 1961 : Rev. mar. de droit 1er oct. 1962, p. 844 ; confirme Meknès 29 avril 1960).

** *

Il est de jurisprudence constante qu'en matière d'expulsion d'un occupant sans droit ni titre, l’urgence est toujours présumée et naît de la situation de fait que le propriétaire peut à tout moment faire cesser.

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Aux termes de l'article 21 du dahir du 24 mai 1955, le preneur à l'expiration du congé qui lui a été donné, ne devient pas un occupant sans droit ni titre lorsqu'il peut prétendre au paiement à une indemnité d'éviction mais conserve un droit de maintien dans les lieux loués destiné à le garantir du paiement de l'indemnité sollicitéeCependant, après le paiement de l'indemnité provisionnelle ce droit cesse et, à l'expiration du congé le preneur devient un occupant sans droit ni titre soumis aux règles du droit commun (Casablanca, référés, 24 mai 1962 : Gaz. Trib. Maroc 25 juin 1962, p. 73).

** *

(Art. 22)

S'il est exact qu'aux termes de l'article 22 du dahir du 24 mai 1955, le bailleur est en droit de faire fixer le prix de la location principale en fonction du prix de la sous-location afférente à la partie sous-louée, ce droit du bailleur n'a cependant pas un caractère d'ordre public.La rédaction de ce texte démontre en effet à l'évidence qu'il s'agit d'un droit auquel le propriétaire peut renoncer valablement, et qu'il peut aménager comme il l'entend sans qu'une disposition spéciale de la loi analogue à celle que l'on trouve aux articles 36 et 37 protégeant le preneur lui permette de revenir sur un accord librement consenti (Casablanca 26 janv. 1961 : Gaz. Trib. Maroc 10 mai 1961, p. 53).

** *

(Art. 22 et 23)

Est... recevable la tierce opposition formée par un sous-locataire non appelé à l'instance en expulsion dirigée contre le locataire principal bien qu'il soit admis que celui-ci représente son sous-locataire à l'instance et lorsque le sous-locataire a à faire valoir dans l'instance des moyens personnels qui n'ont pas été invoqués par le locataire principal et plus généralement lorsque le sous-locataire établit que la décision qui lui fait grief est la conséquence d'une procédure menée irrégulièrement et en fraude des droits qu'il tient des articles 22 et 23 du dahir du 24 mai 1955 (Casablanca 17 mars 1960 : Gaz. Trib. Maroc 25 fév. 1961, p. 22).

** *

(Art. 24)

Le taux d'un loyer révisé doit tenir compte de la valeur locative équitable, conformément à l’article 24 du dahir du 24 mai 1955. Pour apprécier celle-ci le juge doit tenir compte de tous les éléments possibles d'appréciation (Rabat 27 fév. 1956 : Rev. mar. de droit 1er juin 1956, p. 273 ; infirme sentence arbitrale date non précisée).Dés lors que le contrat de bail prévoit que les “constructions, améliorations ou établissements que le locataire aura été autorisé à faire deviendront la propriété du preneur en fin de bail” le loyer dû après renouvellement du bail doit porter tant sur le terrain que sur les constructions (Casablanca 22 juin 1956 : Rev. mar. de droit 1er oct. 1956, p. 372).

** *

Le loyer ne saurait être fixé en considération de la valeur vénale du fonds de commerce ou de la progression des recettes de ce fonds, car le bailleur, n'étant ni l'associé ni le commanditaire du

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preneur, ne peut être ni le bénéficiaire, ni la victime des bonnes ou mauvaises affaira que peut faire son locataire.Plus objective est la méthode de fixation du loyer à partir de la valeur locative réelle, établie d'après le prix du terrain et la valeur de la construction (Rabat 7 fév. 1955 : Rev. mar. de droit 1er nov. 1957 p. 418, note J.-M. Pansier ; infirme Ord. Rabat 13 juill. 1954).

** *

Les loyers commerciaux n'étant pas limités, les juges du fond, usant de leur pouvoir souverain d'appréciation pour la fixation du loyer du bail renouvelé, ont pu valablement ajouter à ce loyer le montant de certaines taxes bien que celles-ci soient, en règle générale, à la charge du bailleur (Cass. civ. 16 déc. 1958 : Gaz. Trib. Maroc 10 fév. 1959, p. 14 ; confirme Rabat 29 mai 1953).

** *

(Art. 24 et 30)

I. - Les sommes versées en exécution d'un contrat de bail en contrepartie de la jouissance des lieux constituent un loyer, qu'il s'agisse de versements périodiques ou de paiements convenus d'une somme globale.La loi n'imposant aucune limitation des loyers commerciaux, les parties peuvent convenir d'un supplément de loyer définitivement acquis au bailleur pour permettre à ce dernier de se prémunir contre les révisions éventuelles.Le pas de porte peut aussi ne pas être un supplément de loyer, et constituer dans certains cas une convention distincte n'ayant pas pour but un paiement anticipé du loyer, mais constituant en quelque sorte le prix du contrat.II. - La détermination de la valeur locative équitable doit être faite sans tenir compte de ces versements forfaitaires en fonction de la valeur vénale de l'immeuble et des avantages et utilité qu'il présente pour le locataire dans l'exploitation de son fonds de commerce prévu au bail.Les locaux commerciaux étant soustraits à la législation exceptionnelle sur les loyers, ne relèvent que de l'équité, la valeur locative commerciale équitable au sens de l'article 24 du dahir du 24 mai 1955, doit être évaluée au niveau exact du service rendu au locataire, en considération du commerce prévu au bail et de son exercice dans les conditions économiques du moment, mais fixés de manière, dans tous les cas, à permettre au propriétaire la conservation de l'immeuble et à lui assurer une rentabilité du capital investi ou de la valeur vénale, selon que l'immeuble est neuf ou non.Des trois éléments ainsi retenus pour la détermination de la valeur locative équitable, celui de service rendu prévaudra en période de prospérité économique tandis que prévaudront en période de crise économique ou de dépression, les notions de préservation de l'immeuble et de rentabilité du capital immobilier, la mission du juge consistant en une appréciation équitable des intérêts en présence.III. - Il est de jurisprudence que même lorsque l'immeuble a été conçu ou aménagé pour une destination particulière, le bailleur n'étant pas associé à l'exploitation du preneur et ne devant pas subir le contrecoup des fortunes diverses de ce dernier celui-ci ne saurait valablement critiquer l’évaluation de la valeur locative, alors même que le loyer amiablement ou judiciairement fixé, aurait pour effet d'absorber pratiquement tout le bénéfice de l'entreprise (Rabat 1er mars 1963 : Gaz. Trib. Maroc 25 mai 1963, p. 56 ; émende 3 Ord. Casablanca 15 mars 1962).

** *

(Art. 26)

Page 29: Etude Critique Du Dahir de 1955

En présence d'une clause contractuelle de résiliation de plein droit d'un bail rappelée par le bailleur au locataire et demeurée sans effet, le juge des référés compétent, vu l'urgence ne peut que constater la résiliation de plein droit de la convention locative et ordonner l'expulsion du preneur devenu occupant sans droit ni titre.

** *

L'article 26 du dahir du 24 mai 1955 ne déroge pas à cette règle et permet seulement au juge d'en suspendre pendant un délai maximum d'une année, l'application aux conditions énumérées audit article (Rabat 30 oct. 1959 Gaz. Trib. Maroc 10 fév. 1960, p. 14 ; infirme Ord. Marrakech 25 avril 1959).

** *

L'article 26 du dahir du 24 mai 1955 ne déroge pas à la règle suivant laquelle, en cas de clause résolutoire, le juge des référés est compétent vu l’urgence et ne peut que constater la résiliation de plein droit et prescrire l'expulsion, il permet seulement au juge du référé de suspendre l'application de la clause résolutoire (Rabat 20 janv. 1961 : Rev. mar. de droit 1er mars 1961, p. 120).

** *

(Art. 26 et 31)

Le cas prévu par l'article 31 du dahir du 24 mai 1955 est le seul cas où peut être fixé un loyer provisionnel (Rabat référés 21 juill. 1962 : Rev. mar. de droit 1er nov. 1962, p. 899 ; note R. Schumann sous ord.).

** *(Art. 27)

Le président du tribunal, saisi en vertu de l'article 27 du dahir du 24 mai 1955, n'a pas qualité pour décider si la location a un caractère commercial ou industriel.En présence d'une contestation sérieuse sur la nature du bail il y a donc lieu de surseoir à la tentative de conciliation jusqu'à ce que la contestation soulevée ait été tranchée par la juridiction compétente (Trib. Rabat 2 oct. 1957 : Rev. mar. de droit 1er avril 1958, p. 188).

** *

(Art. 27 et 28)

La tentative de conciliation prévue par les articles 27 et 28 du dahir du 24 mai 1955 sur la propriété commerciale est une formalité substantielle dans tous les cas, quelle que soit la raison pour laquelle l'accord ne s'est point réalisé entre les parties sur une demande de renouvellement de bail.Les attributions du magistrat conciliateur telles qu'elles sont nettement délimitées par les articles susvisés, ne lui confèrent aucun pouvoir juridictionnel, son rôle devant se borner à dresser procès-verbal des déclarations faites devant lui par les parties, ledit procès-verbal n'étant pas susceptible d'appel.Toutefois, il ne saurait sans excéder ses pouvoirs décider de surseoir à procéder jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur la contestation soulevée par l'une des parties sur le caractère commercial de la location litigieuse.

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En décidant ainsi, le juge conciliateur est en effet sorti de son rôle gracieux et sa décision revêt un caractère juridictionnel et, comme telle, est susceptible d'appel (Rabat 11 juill. 1958 : Rév. mar. de droit 1er juill. 1959, p. 310 ; infirme Ord. Rabat 22 oct. 1957).

** *

La tentative de conciliation prévue par les articles 27 et 28 du dahir du 24 mai 1955 est une formalité substantielle qu'il y ait ou non accord des parties sur le principe du renouvellement du bail (Rabat 13 avril 1962 : Gaz. Trib. Maroc 25 janv. 1963, p. 8 ; infirme Meknès 15 fév. 1961).

** *

(Art. 30)

L'article 30 du dahir du 24 mai 1955 ne fixe aucune limitation au droit d'appel des parties à l’encontre des ordonnances rendues par le président du tribunal.En conséquence, sont susceptibles d'appel toutes les ordonnances, quels que soient le taux du loyer de base et le montant du loyer faisant l'objet de la demande (Rabat 1er avril 1960 : Gaz Trib. Maroc 25 nov. 1960, p. 105 ; infirme Ord. non précisée)

** *

I. - Le juge conciliateur se tient exactement dans la limite des pouvoirs que lui confère l'article 30 du dahir du 24 mai 1955, lorsque le principe du renouvellement étant acquis, il règle les différends portant uniquement sur la date d'expiration, celle de la prorogation, le prix, la durée, le point de départ du bail renouvelé et les conditions accessoires.II. - Le bail qui n'a pas été rendu public par une inscription sur les livres fonciers n'est pas opposable aux tiers pour toute durée dépassant trois ans calculée à partir du jour où il produit effet (Cour. sup. 12 fév. 1963 : Gaz. Trib. Maroc 10 avril 1963, p. 38 ; casse Rabat 19 janv. 1962).

** *

Aux termes de l’article 30 du dahir du 24 mai 1955, le président du tribunal a une compétence exclusive pour fixer équitablement les conditions principales et accessoires du nouveau bail. Il lui appartient donc, dans le cadre de cette compétence spéciale, de tirer toutes la conséquence de décisions de justice passées en force de chose jugée portant sur la consistance des locaux loués ou l'étendue des sous-locations (Casablanca, référés, 28 mars 1963 : Gaz. Trib. Maroc 10 oct. 1963, p. 103).

** *

(Art. 30 et 31)

Du rapprochement des dispositions des articles 30 et 31 du dahir du 24 mai 1955, il résulte que l'instance pendant la durée de laquelle le juge des référés peut être compétemment saisi pour fixer un loyer professionnel n'est point celle que le preneur, après refus du renouvellement du bail, poursuit devant le tribunal pour contester les motifs du congé, ou demander le paiement d'une indemnité d'éviction, mais l'instance qui se déroule devant le président du tribunal, seul compétent, lorsque le bailleur a consenti au renouvellement, pour juger du différend opposant les parties sur les conditions du bail renouvelé et qui, saisi conformément à l’article 30 du dahir du 24 mai 1955,

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peut, le cas échéant, et avant de statuer de façon définitive sur le prix du nouveau bail au vu d'un rapport d'expertise, fixer un loyer provisionnel diffèrent du loyer ancien et applicable pendant la durée de l'instance dont il connaît spécialement par application des dispositions des articles 27 et suivants du dahir susvisé (Casablanca, référés, 14 déc. 1961 : Gaz. Trib. Maroc 10 janv. 1962, p. 2).

** *

(Art. 31)

Le propriétaire d'un local à usage commercial ne peut, après avoir donné congé à son locataire et au cours de l'instance tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction demander la fixation d'un loyer provisionnel.Cette fixation ne peut en effet se concevoir à une période où, par l'effet du congé donné, le preneur a perdu sa qualité dé locataire et où, par suite, il ne peut être tenu qu'au paiement d'une indemnité d'occupation et non plus d'un loyer proprement dit (Casablanca 29 juin 1956 : Gaz. Trib. Maroc 10 oct. 1956, p. 117).

** *

(Art. 31 et 32)

Dès lors que le droit du locataire à une indemnité d'éviction définitive a été consacré par décision de justice, le propriétaire ne saurait, en vertu des articles 31 ou 32 du dahir du 24 mai 1955, demander au juge conciliateur de fixer un loyer provisoire à payer en cours d'instance, le locataire sortant ne pouvant qu'être tenu au paiement d'une indemnité d'occupation.En conséquence, le juge conciliateur saisi dans ces conditions doit déclarer la demande irrecevable (Casablanca 29 juin 1956 : Rev. mar. de droit 1er janv. 1957, p. 34).

** *

(Art. 32)

I. - Lorsque, au cours d'une procédure en paiement d'une indemnité d'éviction, les bailleurs exercent le droit de repentir, le locataire ne peut formuler contre eux, en appel, une demande en dommages-intérêts.II. - Par ailleurs, l'exercice du droit de repentir est ouvert dans les conditions légales, de manière absolue aux bailleurs ; c'est la contrepartie normale des charges résultant, pour les propriétaires de la législation sur la propriété commerciale (Rabat 1er mars 1957 : Rev. mar. de droit 1er juin 1957, p. 528).

** *L'acquisition d'un autre local par la fille du locataire, arrangement de famille honorable, ne nuisant en rien aux intérêts du bailleur exclut le droit de repentir (Rabat 14 mars 1958 : Rev. mar. de droit 1er fév. 1959, p. 64, avec note R. Béraud ; confirme Oujda 10 avril 1957).

** *

Page 32: Etude Critique Du Dahir de 1955

L'article 32 du dahir du 24 mai 1955 a pour objet de restreindre au profit du locataire le droit pour le bailleur de renoncer à son congé. Et il n'est pas nécessaire que les deux conditions énoncées par ce texte soient réunies pour que le bailleur soit déchu de son droit de résipiscence.N'est pas remplie la seconde condition imposée par ce texte lorsque le nouveau local a été loué ou acheté par un tiers, alors même que celui-ci n'aurait agi que dans l'intérêt exclusif du locataire (Cour sup. civ. 30 juin 1959 : Rev. mar. de droit 1er avril 1960, p. 174 ; casse arrêt Rabat, date non précisée).

** *

Le droit de repentir exercé par le bailleur n'a pour but que de faire échec au paiement par celui-ci de l'indemnité d'éviction. Son exercice ne peut donc intervenir que si le locataire a été mis en mesure d'agir en paiement de l'indemnité dans les conditions prévues par la loi, par la notification préalable du procès-verbal de non-conciliation.Le repentir du propriétaire dans de pareilles conditions s'analyse en réalité en une simple renonciation au congé initial qui est censé n'avoir jamais existé, et ne peut donc donner lieu à aucune demande en renouvellement (Casablanca 18 fév. 1960 : Gaz. Trib. Maroc 10 avril 1960 : p. 41).

** *

Lorsque le bailleur exerce son droit de repentir il est fondé à attraire son locataire, en vue de renouvellement du bail, devant le magistrat conciliateur, lequel est juge de sa compétence en la matière dans le cadre des fonctions qui lui sont dévolues par le dahir du 24 mai 1955.Le délai de 30 jours prévu à l'article 32 de ce texte pour permettre au propriétaire d'exercer son droit de repentir ne peut courir qu'après la fixation de l'indemnité définitive et non à compter du jour où un jugement avant dire droit a statué sur le principe de l'indemnité à éviction et a ordonné une mesure d'information pour en fixer le montant (Casablanca 20 oct. 1960 . Gaz Trib. Maroc 10 janv. 1961, p. 5).

** *

Le bailleur n'est atteint par la forclusion que lorsque, se trouvant en présence d'une décision définitive qui fixe le montant de l'indemnité d'éviction, il laisse passer le délai de 30 jours sans se repentir.Et ce délai ne saurait courir à compter du jour où un jugement avant dire droit définitif a statué sur le principe de l'indemnité d'éviction et ordonné une mesure d'information en vue d'en fixer le montant (Même jug. que ci-dessus : Rev. mar. de droit 1er janv. 1961, p. 42).

** *

Aux termes d'une jurisprudence constante et actuellement bien établie, le délai de 30 jours laissé au propriétaire, à compter du jour où la décision est devenue définitive, constitue la limite extrême de l'exercice du droit de repentir, le bailleur pouvant manifester son intention de renouveler le bail à tout moment de la procédure.L'article 32 du dahir du 24 mai 1955 ne met en échec l'exercice du droit de repentir que si le locataire n'est plus dans les lieux et a déjà loué ou acheté un autre local, le cumul de ces deux conditions résultant des termes mêmes de la loi (Casablanca 14 janv. 1963 : Gaz. Trib. Maroc 25 fév. 1963, p. 23).

*

Page 33: Etude Critique Du Dahir de 1955

* *(Art. 33)

Aux termes de l'article 42 du dahir du 17 janvier 1948 dont les dispositions ont été maintenues par l'article 33 du dahir du 24 mai 1955, les actions exercées en vertu des dahirs susvisés se prescrivent par deux ans.Dés lors qu'un congé suivi d'une demande de renouvellement n'a fait l'objet d'aucune procédure, dans le délai susvisé, le bail primitif, en l'espèce verbal, s'est continué, et ce, faute d'accord formel des partial sur le renouvellement.En conséquence, s'agissant d'un bail à durée indéterminée, le congé peut être donné à tout moment (Rabat 23 janv. 1956 : Rev. mar. de droit 1er avril 1956, p. 158 ; confirme Casablanca 20 mai 1955).

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(Art. 34)

C'est à tort que le juge des référés a fait défense à l'appelant de poursuivre l'exécution d'un arrêt du Haut Tribunal chérifien ordonnant l'expulsion de l'intimé, alors que celui-ci soutenait qu'il devait bénéficier de la législation sur la propriété commerciale.Il a ainsi, en effet en s'opposant à l'exécution d'une décision définitive des juridictions chérifiennes, outrepassé ses pouvoirs.Même si le Haut Tribunal chérifien a pu commettre une erreur de droit, les droits de l'intimé n'en sont pas moins sauvegardés par le principe de l'indépendance des deux ordres de juridiction français et chérifien, qui l'autorise à saisir le tribunal français, seul compétent pour apprécier sa vocation à la propriété commerciale sans être lié par la décision chérifienne si celle-ci a statué au mépris des droits que l'intimé pouvait faire valoir en vertu du dahir du 17 janvier 1948 ; en effet, l'article 42 de ce texte non encore modifié donne toujours compétence exclusive aux juridictions françaises pour toutes les contestations relatives à son application en attendant le dahir spécial qui doit déterminer en la matière la compétence des juridictions maghzen (Rabat 6 juin 1955 : Gaz. Trib. Maroc 25 avril 1956, p. 57 ; infirme Ord. Mazagan 24 fév. 1955).

Nota. — Si l'arrêt rapporté ci-dessus vise l'article 42 du D. 17 janv. 1948 qui a été abrogé par le D. 24 mai 1955, il pourrait tout aussi bien viser l'article 34 de ce D. 24 mai 1955 qui édicte les même dispositions.

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Le locataire d'un local à usage commercial qui perd le droit à la propriété commerciale doit être considéré comme occupant sans droit ni titre dont l'expulsion peut être ordonnée par le juge des référés de droit commun.C’est à juste titre que le juge des référés a retenu sa compétence, bien que les parties soient de nationalité marocaine du moment qu'il avait à connaître indirectement de l'application des dahirs du 17 janvier 1948 et du 24 mai 1955 qui prévoient expressément que les contestations relatives à cette application sont de la compétence des juridictions françaises (Rabat 8 juill. 1955 : Gaz. Trib. Maroc 10 nov. 1956, p. 133).

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L'article 34 du dahir du 24 mai 1955 attribue compétence exclusive aux juridictions modernes pour connaître de toutes les contestations relatives à l'application de ce dahir, même si les parties sont

Page 34: Etude Critique Du Dahir de 1955

marocaines (Rabat 15 avril 1960 : Gaz. Trib. Maroc 25 nov. 1960, p. 106 ; confirme Ord. Kenitra 20 nov. 1958).

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(Art. 34 et 35)

L'article 35 du dahir du 24 mai 1955 qui permet au propriétaire marocain d'intenter devant une juridiction de droit commun une action tendant à faire cesser l'occupation des locaux par lui loués à un commerçant également marocain, ne lui fait pas obligation de donner au préalable congé dans les délais et formes prévus par l'article 6 de ce texte.Le dépôt de la requête équivaut à un congé à la condition qu'il ait lieu lorsqu'il s'agit d'un bail écrit six mois avant son expiration, et lorsqu'il s'agit d'un bail verbal, six mois avant la date à laquelle le propriétaire désire que le locataire soit évincé.Lorsque le locataire ainsi assigné demande le renouvellement de son bail, il se produit un transfert d'attribution au profit de la juridiction moderne, conformément aux dispositions des articles 34 et 35 du dahir susvisé (Cour suprême 14 mars 1961 : Gaz. Trib. Maroc 10 juin 1961, p. 62 ; casse Rabat 29 mai 1959).

(Art. 36)

I. - Il est unanimement admis par la jurisprudence et par la doctrine que les tribunaux ont le pouvoir de restituer aux contrats leur véritable qualification, quelle que soit celle que les parties leur ont donnée.Les tribunaux doivent notamment en matière d'exploitation de fonds de commerce rechercher si, sous les apparences d'un contrat de gérance libre, ne se dissimule pas un bail ou une sous-location de locaux commerciaux.II. - L'article 36 du dahir du 24 mai 1955 a paré à l'éventualité de telles conventions déguisées. Ses dispositions sont d'ordre public. L'action par laquelle le signataire d'un contrat de gérance libre tend à faire juger que ce contrat dissimule un contrat de sous-location, s'analyse non pas en une action en révision pour cause d'erreur, de dol, de violence ou de lésion, et soumise comme telle à la prescription annale, mais en une action en déclaration de simulation soumise à la prescription de deux ans prévue par l'article 33 du dahir du 24 mai 1955.Les éléments essentiels d'un fonds de commerce sont la clientèle et la marchandise. En conséquence, lorsqu'un contrat de gérance libre porte sur un fonds de commerce, dépourvu de clientèle et de marchandises avant la date de la conclusion du contrat les conventions intervenues entre les parties doivent s'analyser en un contrat de sous-location de locaux à usage commercial régi comme tel par le dahir du 24 mai 1955 (Casablanca 11 janv. 1960 : Gaz. Trib. Maroc 10 juin. 1960, p. 64).

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Une partie n'est pas fondée à se prévaloir d'un défaut de réponse à ses conclusions lorsque la décision attaquée ne pouvait nécessairement pas admettre la conséquence que cette partie entendait déduire du point articulé.Aux termes du dahir du 24 mai 1955 sur la propriété commerciale ne sont nuis que les “ arrangements ” qui auraient pour effet de faire échec au droit de renouvellement (Cour suprême 16 juin 1964 : Gaz Trib. Maroc 10 nov. 1964, p. 105 ; rejet pourvoi c. Rabat 30 nov. 1962).

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(Art. 37)

Page 35: Etude Critique Du Dahir de 1955

Sous l'empire du dahir du 24 mai 1955 comme sous celui du dahir du 17 janvier 1948, la clause du bail des locaux à usage commercial subordonnant la cession du droit au bail à l'agrément du bailleur est valable et s'impose au preneur (Rabat 12 mars 1956 : Gaz. Trib. Maroc 25 mars 1957, p. 43 ; confirme Fès 30 juin 1955).

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L'acquisition du fonds de commerce, lorsque le bail a pris fin par le congé n'est pas opposable au bailleur tant que le droit au bail, ou ses suites, demeurent litigieux, c'est-à-dire tant que l'instance née du congé n'a pas reçu une solution définitive par une décision passée en force de chose jugée. Ce n'est qu'alors que jouera la subrogation légale consentie à l'acquéreur du commerce par le locataire évincé, subrogation qui permettra de percevoir l'indemnité d'éviction au lieu et place de son vendeur (Rabat 1er mars 1957 : Rev. mar. de droit 1er avril 1958, p. 173 ; confirme Casablanca 1er mars 1956).

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Est nulle toute clause du contrat de bail soumettant à l'approbation du bailleur la cession de bailleur par le locataire à l'acquéreur de son fonds de commerce, de son entreprise (Casablanca 2 nov. 1961 : Gaz. Trib. Maroc 25 fév. 1962, p. 24).

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I. - (V. art. 222 DPC).II. - Il est exact que la jurisprudence interprète dans un sens favorable au bailleur les clauses d'agrément et considère qu'elles peuvent se concilier avec les dispositions d'ordre public qui déclarent “ nulles, quelle qu'en soit la forme, les conventions, tendant à interdire au locataire de bonne foi de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce ”, il n'en demeure pas moins que lesdites clauses, lorsqu'elles ne sont pas assorties de précisions concernant les raisons que le bailleur peut avoir à opposer à la cession, ont apparemment pour effet de subordonner celle-ci à la volonté du propriétaire, auquel est ouverte par là même, notamment dans la conjoncture économique actuelle la possibilité soit de compromettre la cession en la retardant, soit de soumettre le preneur à des exigences et conditions que l'article 37 du dahir du 24 mai 1955 dans sa lettre et dans son esprit a eu précisément pour but d'interdire (Casablanca, référés, 22 fév. 1962, Gaz. Trib, Maroc 25 juillet 1962, p. 95).

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(Art. 42)

Les dispositions transitoires de l'article 42 du dahir du 24 mai 1955 ne peuvent être appliquées lorsqu'une décision a acquis la force de chose jugée avant la publication dudit dahir.Doit donc emporter tous ses effets, un arrêt intervenu le 10 juin 1955, date de parution du dahir du 24 mai 1955, au “Bulletin Officiel ” distribué et mis en vente à une date ultérieure.Et le locataire évincé sans indemnité par ledit arrêt ne saurait se prévaloir de l’article 12 du dahir du 24 mai 1955 pour se voir octroyer l’indemnité maximum de trois ans de loyer (Casablanca 8 déc. 1955 : Rev, mar, de droit 1er janv. 1956, p. 38 ; ce jugement a été infirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 23 avril 1956 rapporté supra, sous articles 12 et s.).

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Page 36: Etude Critique Du Dahir de 1955

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Les dispositions du dahir du 24 mai 1955 sont applicables à toutes les instances engagées avant sa publication et qui n'ont pas fait l'objet de décisions passées en force de chose jugée.Elles sont notamment applicables lorsque n'est encore en cours que l'instance tendant à la seule fixation de l'indemnité éventuelle dont le principe a déjà été admis par une décision définitive (Rabat 19 mars 1956 : Gaz. Trib. Maroc 25 avril 1956, p. 57 ; confirme Ord. 7 juill. 1955).

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C'est à juste titre que le juge des référés a ordonné le sursis à l'expulsion du locataire d'un local à usage commercial, cette expulsion ayant été ordonnée sous l'empire du dahir du 17 janvier 1948, et ledit locataire ayant saisi le juge du fond d'une requête tendant à l’application du dahir du 24 mai 1955.Il n'appartient pas en effet au juge des référés d'apprécier si le locataire pourrait valablement prétendre à l'application de ce dernier dahir, et ce, alors même que seule l'instance tendant à la fixation de l'indemnité éventuelle était encore en cours au moment de la promulgation du texte en question (Rabat 19 mars 1956 : Gaz. Trib. Maroc 10 juill. 1956, p. 100 ; confirme Ord. Casablanca 22 sept. 1955).