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Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au développement en éducation : quels mécanismes et partenariats innovants ? Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au développement en éducation : quels mécanismes et partenariats innovants ? Une publication du Bureau de la Planification stratégique de l’UNESCO

Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

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Page 1: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Il reste moins de cinq avant l’échéance de 2015 pour les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et l’Education pour tous (EPT), dont l’UNESCO est chef de fi le. Si les tendances actuelles persistent, le monde risque de manquer les objectifs de l’EPT d’ici à 2015, y compris l’éducation primaire universelle et l’égalité entre les sexes dans l’éducation. En l’absence d’effort supplémentaire, quelque 56 millions d’enfants ne seront toujours pas scolarisés et 710 millions d’adultes de disposeront pas des compétences de base en 2015.

Les sources innovantes de fi nancement représentent une nouvelle approche pour aider à combler le défi cit de 16 milliards de dollars de fi nancement dans l’éducation et atteindre l’objectif d’éducation primaire universelle d’ici à 2015. Après que la communauté internationale a reconnu, dans le Consensus de Monterrey sur le fi nancement du développement de 2002, « l’intérêt qu’il y aurait à rechercher des sources innovantes de fi nancement » afi n de favoriser la réalisation des objectifs internationaux de développement, y compris les OMD, un certain nombre d’initiatives novatrices ont conduit à l’élaboration et la mise en œuvre de mécanismes nouveaux et créatifs pour fi nancer le développement, tels que la taxe de solidarité sur les billets d’avion qui aide à lutter contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme grâce à la facilité d’achat de médicaments UNITAID.

Le Séminaire UNESCO du Futur sur « Les fi nancements innovants pour l’éducation » s’est ainsi tenu le 14 Septembre 2010 au Siège de l’UNESCO autour du thème « Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au développement

en éducation : quels mécanismes et partenariats innovants? »

« La communauté internationale doit redoubler d’imagination pour tenir ses engagements, et dégager de nouvelles sources de fi nancement. »

Irina Bokova, Directrice générale de UNESCO

« Les fi nancements innovants sont une clef majeure de ce siècle. »

Philippe Douste-Blazy, Sous-secrétaire général des Nations unies pour les fi nancements innovants et

Directeur exécutif du Conseil d’administration de UNITAID

Organisationdes Nations Unies

pour l’éducation,la science et la culture

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Mobiliser des ressources

pour la coopération

internationale au développement

en éducation : quels mécanismes

et partenariats innovants ?

Une publication du Bureau de la Planifi cation stratégique de l’UNESCO

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Mobiliser des ressources pour la coopération

internationale au développement en éducation :

quels mécanismes et partenariats innovants ?

Seminaire UNESCO du Futur14 septembre 2010

Siège de UNESCO, Paris

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Une publication du Bureau de la Planifi cation stratégique de l’UNESCO

Les fi nancements innovants pour l’éducation. Mobiliser des ressources pour la

coopération internationale au développement en éducation : quels mécanismes et

partenariats innovants ?

Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation des faits fi gurant

dans cet ouvrage ainsi que des opinions qui y sont exprimées, qui ne sont pas

nécessairement celles de l’UNESCO et n’engagent pas l’Organisation. Les

appellations employées et la présentation des données dans cette publication

n’impliquent pas l’expression d’une opinion quelconque de la part de l’UNESCO

concernant le statut juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs

autorités, ou le tracé de leurs frontières ou limites.

2010

UNESCO

7 place de Fontenoy

75352 Paris 07 SP France

,

BSP-2001/WS/2 – CLD 980.11

Page 4: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE : LE SÉMINAIRE UNESCO DU FUTUR SUR LES FINANCEMENTS INNOVANTS

Présentation du Séminaire 7

Résumé des débats et recommandations principales 9

Participants 18

Ouverture d’Irina Bokova 21

Conférence d’honneur de Philippe Douste-Blazy 24

« Combler les défi cits en éducation de base – Pourquoi les fi nancements

innovants comptent » de Kevin Watkins 29

« Les fi nancements innovants en éducation » de Nicholas Burnett

et Desmond Bermingham 38

« Un cadre légal et politique pour fi nancer l’éducation de base » de Kishore Singh 69

DEUXIÈME PARTIE : DOCUMENTS DE TRAVAIL

« Mobiliser des ressources pour la coopération au développement

international en matière d’éducation : quels mécanismes et quels partenariats

innovants ? » Note d’information préparée par le Bureau de la planifi cation

stratégique à l’occasion du Séminaire 75

Financements innovants et Education pour tous dans le Rapport mondial

de suivi de l’EPT 2010 95

« Financements innovants : plaidoyer pour les partenariats public/privé

dans le secteur de l’éducation » par Ilona Genevois 112

Le Groupe pilote sur les fi nancements innovants pour le développement 126

Page 5: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

PREMIÈRE PARTIE

Séminaire UNESCO du Futur sur

Les fi nancements innovants pour

l’éducation

Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au développement en éducation : quels mécanismes et partenariats innovants ?

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 7

PRÉSENTATION DU SÉMINAIRE UNESCO DU FUTUR SUR « LES FINANCEMENTS INNOVANTS POUR L’ÉDUCATION »

Le Séminaire UNESCO du Futur sur « Les fi nancements innovants pour l’éducation »

s’est tenu le 14 Septembre 2010 au Siège de l’UNESCO. Un groupe d’experts de haut niveau

a débattu du thème « Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

développement en éducation : quels mécanismes et partenariats innovants ? ».

Il reste moins de cinq avant l’échéance de 2015 pour les Objectifs du Millénaire pour

le développement (OMD) et l’Education pour tous (EPT), dont l’UNESCO est chef de fi le. Si

les tendances actuelles persistent, le monde risque de manquer les objectifs de l’EPT d’ici à

2015, y compris l’éducation primaire universelle et l’égalité entre les sexes dans l’éducation.

En l’absence d’effort supplémentaire, quelques 56 millions d’enfants ne seront toujours pas

scolarisés et 710 millions d’adultes de disposeront pas des compétences de base en 2015.

Les sources innovantes de fi nancement représentent une nouvelle approche qui

pourrait aider à combler le défi cit de fi nancement dans l’éducation, estimé par le Rapport

mondial de suivi de l’EPT 2009 à 16 milliards de dollars par an pour atteindre l’objectif

d’éducation primaire universelle d’ici à 2015. Huit ans après que la communauté internationale

a reconnu, dans le Consensus de Monterrey sur le fi nancement du développement (2002),

« l’intérêt qu’il y aurait à rechercher des sources innovante de fi nancement » afi n de favoriser

la réalisation des objectifs internationaux de développement, y compris les OMD, un certain

nombre d’initiatives novatrices ont conduit à l’élaboration et la mise en œuvre de mécanismes

nouveaux et créatifs pour fi nancer le développement, notamment dans le secteur de la santé.

Une taxe de solidarité sur les billets d’avion aide désormais à lutter contre le VIH/Sida, la

tuberculose et le paludisme grâce à la facilité d’achat de médicaments UNITAID. La Facilité

internationale de fi nancement pour la vaccination (IFFIm) a mobilisé environ 1,2 milliards

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8 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

de dollars en émettant des obligations d’Etat. La première garantie d’achat futur sur le

vaccin contre le pneumocoque (AMC), un mécanisme visant à créer des incitations pour le

développement de nouveaux médicaments pour traiter les maladies liées à la pauvreté, a

généré 1,5 milliard de dollars.

Pour identifi er le potentiel de ces modalités innovantes pour l’éducation, la Directrice

générale a invité un groupe d’experts de haut niveau des agences des Nations Unies, des

personnalités représentant des gouvernements des pays en développement, les bailleurs

de fonds, le secteur privé, des organisations non gouvernementales et les universités pour

étudier les possibilités d’options, examiner et d’évaluer leur potentiel pour des résultats

concrets, et répertorier des approches possibles et des stratégies dans ce domaine.

Pour plus d’information, contacter :

[email protected]

[email protected]

Page 8: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 9

RÉSUMÉ ET RECOMMANDATIONSDU SÉMINAIRE UNESCO DU FUTUR SURLES FINANCEMENTS INNOVANTS POUR L’ÉDUCATION

14 septembre 2010, Siège de l’UNESCO

INNOVATION POUR L’ÉDUCATION, INNOVATION DANS L’ÉDUCATION

Reflétant les grands points développés dans les discours et les présentations

liminaires, deux éléments ont structuré les discussions du Séminaire du Futur sur les

fi nancements innovants pour l’éducation : (a) les fi nancements innovants recouvraient deux

aspects très distincts, les sources ou mécanismes de prélèvement et, d’autre part, les

mécanismes de distribution ; (b) l’innovation concernait non seulement le fi nancement, mais

également le secteur de l’éducation.

UN DÉBAT QUI A FINI PAR S’IMPOSER

La plupart des participants ont fait remarquer que, par rapport à la fi n des années 1990,

le débat sur les fi nancements innovants avait atteint un niveau d’acceptation impensable il ya

dix ans. Après le Consensus de Monterrey de 2002, une tendance favorable aux fi nancements

innovants s’était faite jour, notamment à travers les succès rencontrés par secteur de la

santé, et elle se confi rmait. Cette tendance était manifeste dans les discussions portant à

étendre les solutions innovantes de fi nancement aux domaines du changement climatique ou

de l’éducation. Se félicitant de l’atmosphère d’enthousiasme et de créativité qui entourait ces

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10 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

débats, certains participants ont néanmoins appelé à se montrer prudent. L’expression même

de « fi nancements innovants » pouvait être perçue comme une manière de dissimuler que le

débat portait en réalité moins sur l’innovation que la taxation, à laquelle certains pays avaient

toujours été extrêmement défavorables. En réponse, il fut souligné que les promoteurs des

fi nancements innovants pour le développement ne négligeaient pas cette préoccupation et

que, précisément, ils avaient voulu faire avancer le débat au-delà des aspects de taxation

obligatoire et d’application universelle qui avaient créé beaucoup de polémiques à propos des

projets de « taxe Tobin » :

(a) les mécanismes de prélèvement pouvaient être tout autant obligatoires que

volontaires, pour que les gouvernements puissent les adopter en respectant

leurs priorités ;

(b) le fi nancement novatrices impliquant d’adopter une approche expérimentale,

les mécanismes avaient été introduits par étapes, en commençant sur la base du

volontariat d’un petit nombre de pays, et progressivement étendus (il était bien

sûr à espérer que tous les pays fi niraient par rejoindre tel mécanisme) ;

(c) les prélèvements étaient conçus de façon à être minimes et à éviter les

distorsions de marché, puisque l’objectif était de fi nancer le développement, pas

de modifi er les comportements ; et

(d) le secteur privé et les ONG étaient systématiquement associés en tant que

partenaires précisément parce que les solutions de fi nancement innovantes ne

visaient à aucune forme de contrôle ou de réglementation étatiques.

C’était pour partie grâce à ces principes que les premiers mécanismes avaient tout

simplement pu être mis en place et qu’ils sortaient désormais de la phase pilote.

PASSER DU « COMMENT » AU « POURQUOI » : RIEN NE SE FERA SANS CHAMPIONS

Il a également été noté que la crise fi nancière avait donné encore plus de poids

au débat sur les financements innovants. Estimant que le secteur financier avait

grandement bénéfi cié de la mondialisation de l’économie sans pour autant contribuer à la

mondialisation de la solidarité, les politiciens et l’opinion publique envisageaient la taxation

internationale des transactions fi nancières sous un jour de plus en plus favorable. Les appels

à taxer les transactions étaient d’autant plus opportuns qu’il était défi nitivement démontré

que, dans la mesure où les transactions internationales étaient gérées électroniquement par

un petit nombre d’établissements, la faisabilité technique n’était pas plus un problème. La

situation était donc similaire à celle qui régnait dans l’industrie des billets d’avions, source

du prélèvement en faveur d’UNITAID. Le défi n’était donc plus d’ordre technique, mais

politique : la balle était dans le camp du secteur de l’éducation. Comme la plupart des aspects

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 11

techniques étaient maîtrisés et que les expériences pilotes avaient mis en lumière les critères

qui conduisaient au succès, les débats pouvaient passer de la question du « comment » à celle

du « pourquoi ». S’il revenait aux acteurs de la coopération dans le domaine de l’éducation de

prendre l’initiative, ils ne disposaient pas de l’infl uence politique nécessaire pour traduire les

tendances actuelles certes favorables en mécanismes concrets et réels. Les agences d’aide

en éducation devaient désormais recourir à des champions, en mobilisant un groupe de chefs

d’États intéressés à l’éducation ou en organisant des rencontres interministérielles régionales

ou internationales.

LEVER DES FONDS POUR L’ÉDUCATION, RELEVER LA VISIBILITÉ DE L’ÉDUCATION

Le défi cit de 16 milliards de dollars EU dans le fi nancement de l’enseignement

primaire ne pouvait être comblé par la seule APD, qui s’élevait à environ 120 milliards de

dollars EU par an, en ajoutant que les agendas du développement et du changement climatique

requéraient ensemble environ 300 milliards de dollars EU. En complément de l’APD, des

solutions de fi nancement novatrices devaient (a) consister en mixes de sources innovantes

pour, sur le plan quantitatif, atteindre une masse critique de fonds et, sur le plan qualitatif,

permettre à différents donateurs d’adopter des stratégies différentes, et (b) contribuer à

relever la visibilité de l’éducation, l’argument étant que certains mécanismes novateurs se

trouvaient mobiliser moins de fonds que d’autres mais sensibilisaient fortement le public sur

la nécessité d’accroître le fi nancement de l’éducation. Ce dernier point avait été illustré par la

campagne (PRODUCT) RED, qui n’avait pas dégagé autant de fonds que d’autres mécanismes,

mais avait signifi cativement accru la sensibilisation du public sur la nécessité de lutter contre

le VIH / SIDA.

L’ÉDUCATION EN PANNE DE COMMUNICATION

Il fallait envisager des efforts importants pour élaborer et diffuser des messages

pertinents et effi caces, afi n de convaincre tous types de parties prenantes dans les différentes

régions du monde, y compris les opinions publiques, dirigeants d’entreprise, les chefs d’Etats,

des hauts fonctionnaires, les médias, les ONG, etc. Il fallait parler au cœur comme au cerveau

de tout le monde. Les intervenants étaient préoccupés par le défi cit de communication du

secteur de l’éducation, problème d’autant plus sensible que la campagne de l’EPT avait

produit des résultats solides dans un nombre important de pays. Tous les participants

s’étaient accordés à reconnaître qu’il serait très diffi cile de convaincre les politiciens, les

fondations privées, la société civile et le grand public de canaliser des fonds supplémentaires

vers l’éducation si ceux-ci devaient alimenter des activités traditionnelles dans un secteur qui

a souvent été perçue comme conservateur. Il y avait peut-être constamment de l’innovation

dans le secteur de l’éducation, mais cet effort n’avait suffi ni à modifi er l’opinion courante

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12 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

sur le secteur ni à produire des images, des histoires et des messages de nature positive.

De tels messages pouvaient faire connaître les effets positifs de tous les niveaux éducatifs,

du primaire à l’enseignement supérieur en passant par l’enseignement technique et

professionnel, sur un domaine comme l’économie – en particulier pour sortir des crises

économiques. Néanmoins et dans le mesure où les fi nancements innovants tiraient sens et

légitimité de leur lien aux OMD et à d’autres biens publics mondiaux, le public ne devait pas

perdre de vue que l’éducation était un droit universel et que des efforts devaient être faits afi n

que les ressources aillent directement aux marginalisés.

L’ÉDUCATION, CATALYSEUR DE TOUS LES OMD

Les discussions sur la façon de relever la visibilité et combler le déficit de

communication de l’éducation se sont souvent référées au secteur de la santé, qui avait réussi

à attirer davantage de fonds au cours des années précédentes. Secteur pionnier, la santé

devait être imitée. Mais, fut-il souligné, tout n’était pas reproductible. Les programmes de

fi nancement innovant en santé ne visaient pas, par exemple, à réformer les systèmes de santé.

Le plus souvent, ils sont concentraient sur les médicaments, qui étaient des produits très

différents de livres et du matériel didactique : ces derniers n’étaient pas intuitivement perçus

comme une question de vie ou de mort. Cela devait être pris en compte dans la recherche de

solutions adaptées aux besoins du secteur de l’éducation.

De nombreuses interventions ont averti les agences et les promoteurs du secteur de

l’éducation qu’il fallait à tout prix éviter de donner l’impression qu’il y avait une concurrence

avec les autres domaines du développement et de la coopération internationale, tels que

le changement climatique et le VIH / SIDA. Une telle concurrence serait préjudiciable tant

pour le secteur de l’éducation, qui souffrait d’un manque de crédibilité, que pour l’agenda du

développement dans son ensemble, y compris le changement climatique et la transition vers

une économie et une société verte. Il fallait mettre l’accent sur les synergies car l’éducation

produisait des effets positifs bien au-delà des deux OMD qui la mentionnaient explicitement.

Comme l’éducation était un catalyseur de tous les OMD, il fallait reconnaître que la crise de

l’EPT affectait la réalisation de tous les OMD – en revanche, il a été noté que les aspects

« non éducatifs » de l’éducation, comme les repas scolaires, devaient être mieux intégrée par

un organisme d’éducation comme l’UNESCO. Repenser l’enseignement obligeait à adopter

une approche intégrée de la réalisation des OMD et de l’EPT, qui avaient été mis en œuvre

sans prêter l’attention voulue à l’enseignement supérieur et l’enseignement technique et

professionnel, deux domaines très susceptibles de relever la visibilité de l’éducation.

Page 12: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 13

AU CONFLUENT DES SOURCES NATIONALES ET INTERNATIONALES DE FINANCEMENT

Le projet de destiner des fi nancements innovants au secteur de l’éducation était en

tant quel confronté à un obstacle que celui de la santé ne rencontrait pas lorsqu’il s’agissait

d’acheter des médicaments : à ce jour, la plus grande part du fi nancement éducatif était

d’origine nationale, provenant essentiellement des Etats et des familles. Des participants

se sont demandé s’il y avait même un sens à alimenter en fonds internationaux un secteur

éducatif, qui devait d’abord être fi nancé par la croissance. Un certain nombre de questions

restaient en suspens notamment en matière de souveraineté et de responsabilité aussi bien

que de durabilité fi nancière et monétaire. La dimension nationale de l’éducation était évidente

dans le fait qu’il fallait, par exemple, payer les enseignants en monnaie locale. Les participants

ont reconnu que cette question devrait être résolue en notant que (a) même si l’éducation

relevait de la responsabilité nationale, il n’était pas toujours possible aux pays pauvres, surtout

ceux au statut de « moins avancés », d’allouer des ressources suffi santes à leur système

éducatif ; (b) qu’il fallait transformer les risques en opportunités pour élaborer des systèmes de

prestation effi caces ; et (c) que les fi nancements innovants étaient systématiquement conçus

et mis en œuvre dans l’observance des principes de la Déclaration de Paris été de l’Agenda

d’action d’Accra. Ainsi, comme pour tout autre domaine de la coopération internationale, il a

été reconnu que, pour les prélèvements aussi bien que les prestations, l’appropriation par les

gouvernements demeurait un pilier central des fi nancements innovants en éducation.

RÉFORMER L’INITIATIVE DE MISE EN ŒUVRE ACCÉLÉRÉE DE L’EPT (IMOA)

L’appropriation était un élément central de l’Initiative de mise en œuvre accélérée de

l’EPT (IMOA ou FTI en anglais), qui consistait à augmenter le soutien international à tous les

pays à faible revenu ayant démontré le sérieux de leur engagement à réaliser l’éducation

primaire universelle. Il fallait assurément prendre en compte les analyses critiques du

fonctionnement et des résultats de l’IMOA dans la réfl exion sur les fi nancements innovants

pour l’éducation, mais il était admis que cette architecture avait le mérite d’exister et d’offrir

un réseau mondial de partenaires divers, y compris des organisations intergouvernementales,

des agences d’aide des donateurs et des ONG. La réforme de l’IMOA devait donc être vue

comme un atout potentiel pour mettre en place de solutions de prestation innovantes.

La nouvelle architecture de la coopération internationale : le fi nancement novateurs et des partenariats multipartites créatifs

Tout au long de leurs échanges, les experts ont reconnu que pour innover dans le

fi nancement il fallait innover en matière d’architecture de la coopération internationale.

Au-delà de leurs dimensions strictement financières, les plates-formes multipartites

Page 13: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

14 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

qui élaboraient et implémentaient des solutions de fi nancement innovants étaient un

laboratoire de la gouvernance mondiale pour le 21ème siècle. Elles étaient un symbole des

transformations qui avaient affecté la communauté internationale au cours des dernières

décennies. Le fait que les pays en développement pouvaient apporter leur contribution aux

mécanismes de fi nancement innovant signalait, il fallait s’en féliciter, que nous étions bien

entré à l’ère postcoloniale. Pour de nombreux acteurs de la coopération au développement, le

défi intellectuel était de dépasser la division traditionnelle entre pays donateurs au Nord et

pays bénéfi ciaires au Sud. Cette opposition avait perdu toute validité. Elle était incapable de

décrire le nombre et la complexité des acteurs constituant la communauté internationale, qui

comprenait des Etats développés, émergents et en développement, des entreprises privées et

des fondations ainsi que des ONG.

Même si on ne pouvait pas s’attendre à ce que les économies émergentes épousent

des objectifs et des voies identiques à celles des pays développés, il fallait tout de même

s’efforcer de trouver une plateforme commune. Pour que la communauté internationale soit

en mesure d’achever des agendas tels les OMD ou l’EPT, qui avait été adopté par les pays

développés, émergents et en développement, les partenaires impliqués devaient accepter

de mettre en commun leurs ressources au sein de plates-formes cohérente plutôt que

poursuivre des objectifs individuels. En s’impliquant dans les solutions de fi nancement

innovantes, les organisations internationales devaient en profiter pour relever leur

visibilité, car elles étaient encore les plates-formes de coopération les plus appropriés pour

accueillir des formes nouvelles de gouvernance internationale, multilatérale et multipartite.

Pour remplir ce rôle exigeant, les organisations intergouvernementales, en particulier celles

du système des Nations unies, devaient démontrer à leurs partenaires et au public que leurs

actions pouvait être mieux coordonnée et plus axée sur les résultats.

Les mécanismes de financement innovant étaient l’occasion d’institutionnaliser

les relations avec le secteur privé - qui prenait de plus en plus conscience des enjeux liés

à la Responsabilité sociale des entreprises (RSE). On a émis l’hypothèse que, comme la

crise fi nancière mondiale avait considérablement atteint la réputation du secteur fi nancier

auprès des opinions publiques, les institutions financières étaient potentiellement en

mesure de jouer le même rôle dans l’éducation que les entreprises pharmaceutiques dans

le secteur de l’aide à la santé au cours de la décennie précédente. Quant aux organisations

intergouvernementales, intégrer des partenariats public-privé (PPP) avec des organisations à

but lucratif constituait un défi en termes de gouvernance: de tels partenariats nécessitaient

des plates-formes capables d’accueillir éventail large et varié d’objectifs, d’intérêts et de

modèles d’affaires.

Page 14: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 15

DES SOLUTIONS INNOVANTES DE FINANCEMENT DE L’ÉDUCATION POUR L’AFRIQUE ET LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Dans le cas de l’Afrique, en particulier, il a été suggéré d’explorer des solutions

permettant de coordonner les efforts des institutions politiques et fi nancières régionales

et sous-régionales, qui se montraient de plus en plus intéressées à développer des solutions

innovantes de fi nancement pour la région Afrique. Les fi nancements innovants en éducation

étaient d’autant plus importants pour l’Afrique que sa population devait augmenter d’environ

800 millions d’ici à 2050. Pour les pays en développement, y compris en Afrique, l’éducation

représentait un défi d’avenir majeur car l’émergence de l’économie de la connaissance et

des sociétés du savoir risquait d’accroître les inégalités entre ceux qui avaient accès à une

éducation de qualité et ceux qui étaient dépourvus de toute éducation.

QUELS MARCHÉS ENTREPRENDRE ?

A la lumière des leçons tirées des mécanismes de prélèvement existants, les marchés

sur lesquels s’appuyer devaient exhiber au moins deux propriétés: (a) être d’une nature

fortement internationale, de manière à contribuer à la mondialisation de la solidarité, et (b)

dépendre de transactions électroniques pour des raisons de faisabilité technique. Un certain

nombre de domaines ont été examinés :

• les opérations de change ;

• les opérations interbancaires ;

• les coûts de transfert des envois de fonds des diasporas ;

• la téléphonie mobile.

Dans l’esprit des participants, la communauté internationale devait considérer de

tels domaines car les institutions fi nancières et les sociétés Internet avaient énormément

bénéfi cié de la mondialisation de l’économie, mais n’avait pas encore fait la démonstration

de leur plein engagement envers la mondialisation de la solidarité. En ce qui concerne les

solutions liées aux diasporas, il a néanmoins été noté qu’elles ne représentaient pas toujours

une solution optimale pour le développement dans la mesure où leurs fl ux allaient plutôt vers

des Pays à revenu intermédiaire (PRI), que vers les Pays les moins avancés (PMA).

VISER DES OBJECTIFS SPÉCIFIQUES À L’ÉDUCATION

Tout au long des débats, certains objectifs spécifi ques à l’éducation ont été proposés

pour examen:

• les enseignants et la formation des enseignants ;

Page 15: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

16 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

• l’alphabétisation ;

• les Technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’éducation ;

• l’éducation des fi lles et l’alphabétisation des femmes adultes ;

• l’éducation hors-les-murs ;

• l’enseignement des sciences et des technologies ;

• l’Enseignement et la formation techniques et professionnelles (EFTP) ;

• l’Education au développement durable (EDD), l’éducation au changement

climatique, les écoles vertes ;

• les pays en confl it et en situation de post-confl it.

Lorsqu’on cherchait à cibler des domaines spécifi ques à l’éducation, il fallait prêter

une attention particulière au fait que 80 % des budgets d’éducation vont aux salaires des

enseignants. Il s’agissait d’un défi de taille, car leur fi nancement – par exemple, pour combler

le défi cit d’enseignants dans les pays en développement – ne serait pas perçu comme une

stratégie innovante susceptible d’intéresser un large éventail de parties prenantes. Il était

nécessaire d’identifi er les domaines où innover en ce qui concernait les enseignants. Certains

participants ont suggéré de mettre l’accent sur le potentiel des TIC pour la pédagogie et la

formation des enseignants. En substance, il importait de former différemment les enseignants

pour améliorer la qualité de l’éducation partout dans le monde.

L’alphabétisation pouvait constituer une cible compatible avec les critères de

succès des programmes de fi nancements innovants. Toutes les parties prenantes pouvaient

aisément en saisir les objectifs, que des tests standardisés pouvaient facilement mesurer et

qui étaient réalisables dans laps de temps assez court grâce à une pédagogie effi cace.

Relativement à l’interdépendance des différents OMD, il a été suggéré d’identifi er les

chaînons manquants entre l’éducation et l’égalité des sexes. Ces liens pouvaient avoir des

répercussions positives dans tous les domaines. Alors que le secteur de la santé avait réussi

à mobiliser des fonds supplémentaires, il n’en restait pas moins que les domaines de la santé

maternelle ou de la santé infantile était confrontés connaissaient encore de nombreuses

lacunes. Or il était quasiment impossible de progresser dans ces domaines sans investir

sérieusement dans l’éducation.

Compte tenu de la prolifération croissante des mécanismes envisageables, un expert

a suggéré que, après des mois de discussions et de séminaires, il était temps pour le

secteur de l’éducation de s’adresser à des partenaires, notamment du secteur privé, pour

l’aider à identifi er des solutions de fi nancement effi caces, effi cientes et attrayantes – ce

qui amorcerait une première phase de PPP.

Page 16: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 17

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DU SÉMINAIRE UNESCO DU FUTUR SUR LES FINANCEMENTS INNOVANTS POUR L’ÉDUCATION

Les participants ont convenu que, dans le court et le moyen terme, l’UNESCO, le

secteur de l’éducation et la communauté internationale devraient identifi er :

• Des ambassadeurs de bonne volonté qui militent en faveur des fi nancements

innovants pour l’éducation ;

• Un mix de mécanismes pour combler le défi cit de fi nancement de l’éducation qui

se monte à 16 milliards de dollars EU ;

• De nouvelles manières de communiquer sur l’éducation ;

• Deux ou trois mécanismes susceptibles d’entrer en phase pilote d’ici 6 à 12 mois ;

• Des mécanismes à mettre en œuvre dans les secteurs de la fi nance, d’Internet et

de la téléphonie mobiles ;

• Des articulations entre fi nancements national et international.

Page 17: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

18 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

PARTICIPANTS AU SÉMINAIRE UNESCO DU FUTUR SUR « LES FINANCEMENTS INNOVANTS EN ÉDUCATION »

• Irina BOKOVA – Directrice générale de l’UNESCO

• Hans d’ORVILLE – Sous-directeur général de l’UNESCO pour la Planifi cation

stratégique

• Qian TANG – Sous-directeur général de l’UNESCO pour l’Education

CONFÉRENCIER D’HONNEUR

• Philippe DOUSTE-BLAZY – Secrétaire général adjoint des Nations unies pour les

fi nancements innovant; Président du Conseil d’administration d’UNITAID et de la

Fondation du Millénaire et ancien Ministre de la Santé et des Affaire étrangères

de la France

EXPERTS

• Desmond BERMINGHAM – Représentant de la Fondation MasterCard, Chercheur

invité à l’Université d’Oxford

• Sven Kuehn von BURGSDORFF – Directeur, Prospective et Cohérence des

Politiques, Direction générale du développement et des relations avec l’Afrique, les

Caraïbes et le Pacifi que, Commission Européenne

Page 18: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 19

• Nicholas BURNETT – Directeur général, Results for Development Institute, ancien

Sous-directeur général de l’UNESCO pour l’Education

• Simone de COMARMOND – Présidente de la Fondation du Commonwealth,

Présidente du Forum des éducatrices africaines (FAWE), ancienne Ministre de

l’Education de la République des Seychelles

• Klaus HUFNER – Professeur d’Economie (Emerite), Université Libre de Berlin

• Bruce JOHNSTONE – Directeur du International Comparative Higher Education

Finance and Accessibility Project – Université d’Etat de New York (Buffalo)

• Marja KARJALAINEN – Chargée de mission, Education et formation, Direction

générale du développement et des relations avec l’Afrique, les Caraïbes et le

Pacifi que, Commission Européenne

• Detlef J. KOTTE – Chef, Service des politiques macroéconomiques et des

politiques de développement, Division de la mondialisation et des stratégies

de développement de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le

développement (CNUCED)

• Philippe LACOSTE – Directeur adjoint des biens publics mondiaux, Direction

générale de la Mondialisation, du Développement et des Partenariats du Ministère

des Affaires étrangères et européennes de la France

• Jon LOMOY – Directeur, Direction de la coopération pour le développement,

Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE)

• Christian MASSET – Directeur général de la Mondialisation, du Développement et

des partenariats du Ministère des Affaires étrangères et européennes de la France

• Hugues MOUSSY – Responsable du pôle développement humain, Direction

générale de la Mondialisation, du Développement et des Partenariats du Ministère

des Affaires étrangères et européennes de la France

• Marcio POCHMANN – Président, Institut de recherche économique appliquée,

Secrétariat des Affaires stratégiques, Présidence de la République du Brésil

• Halsey ROGERS – Economiste en chef, Groupe Recherche et Développement de la

Banque mondiale

• Faiq SADIQ – Directeur-pays, Habib Bank Limited

• Kishore SINGH – Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’éducation

• Dirk VAN DAMME – Directeur, Centre de recherche et d’innovation dans

l’enseignement (CERI), OCDE

• Kevin WATKINS – Directeur du Rapport mondial de suivi sur l’Education Pour

Tous (EPT), UNESCO

• Rebecca WINTHROP – Directrice, Centre for Universal Education, Brookings

Institution

Page 19: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

20 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

• Shahid YUSUF – ancien Directeur du Rapport mondial sur le développement de

la Banque mondiale, ancien Conseiller principal auprès de l’Institut de la Banque

mondiale (WBI)

• Dov ZERAH – Directeur général, Agence Française de Développement

Page 20: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 21

OUVERTUREIrina Bokova

Directrice générale, UNESCO

Bienvenue à toutes et à tous à ce Séminaire UNESCO du Futur. En guise d’introduction,

je voudrais souligner les immenses défi s auxquels se heurte le fi nancement des programmes

d’éducation. Vous les connaissez comme moi. La crise économique mondiale a réduit les

marges de manœuvre des pays donateurs. Les promesses de 2005 au titre de l’Aide Publique

au Développement n’ont pas été tenues. L’Afrique est confrontée à elle seule à un défi cit de

fi nancement de près de 20 milliards de dollars. Nous devons trouver de nouvelles sources

de fi nancements, tout en continuant à plaider pour que les engagements déjà pris soient

respectés. Le sort des 70 millions d’enfants actuellement non scolarisés en dépend.

J’ajoute que nous sommes à moins de 5 ans de la double échéance des Objectifs

de Développement du Millénaire (OMD) et du programme Education pour Tous (EPT). Je

serai à New York la semaine prochaine pour le sommet des Objectifs du Millénaire pour

le Développement. Une chose est sûre : sur la base des tendances actuelles, l’objectif de

l’enseignement primaire universel ne sera pas atteint. Et il ne suffi t pas d’emmener les

enfants à l’école, il faut encore leur assurer un enseignement de qualité : la formation des

maîtres, le recrutement des professeurs, tout cela coûte cher. Pour l’éducation de base dans

les pays pauvres uniquement, les besoins s’élèvent à 16 milliards de dollars par an.

La communauté internationale doit redoubler d’imagination pour tenir ses

engagements, et dégager de nouvelles sources de fi nancement. Notre obligation à le faire

est d’autant plus ardente que les efforts déjà consentis ont porté leurs fruits. Ils montrent

qu’avec la volonté politique, des moyens suffi sants et des programmes ciblés, nos objectifs

sont réalistes. Depuis 1999, le nombre d’enfants non scolarisés a baissé de 36 millions dans

le monde. Il a réduit de plus de moitié en Asie du Sud et de l’Ouest. Ces résultats démontrent

que l’éducation de qualité pour tous n’a rien d’utopique.

Page 21: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

22 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

L’évolution de la gouvernance mondiale fait émerger de nouveaux pays donateurs

comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Qatar. Ils sont pleinement conscients de l’importance

de l’éducation pour le développement humain. Surtout, l’innovation fi nancière ouvre de

nouvelles marges de manœuvre. De nouveaux mécanismes de fi nancements apparaissent,

et nous devons à l’avenir les intégrer pleinement dans l’aide au développement. Dès 2002, la

Conférence de Monterrey, au Mexique, a souligné l’intérêt de la communauté internationale

pour les nouveaux outils fi nanciers. Les travaux du Groupe pilote mis en place peu après

ont débouché sur des mécanismes innovants, avec le concours de 55 pays membres. Un

groupe de travail spécialement dédié au fi nancement de l’éducation a été instauré en début

d’année. Un forum sur les fi nancements innovants s’est justement tenu la semaine dernière à

l’Institut International de Planifi cation de l’Education, sous l’égide de l’UNESCO. Le Séminaire

d’aujourd’hui constitue une étape importante de ce processus.

L’imagination au service du développement permet des avancées décisives. La fi nance

équitable a démontré sa capacité à lever des fonds dans de nombreux secteurs comme celui

de la santé, via la contribution sur les billets d’avion par exemple. A ce titre, je tiens à remercier

notre conférencier d’honneur, M. Douste-Blazy, Président du Conseil d’administration

d’UNITAID, qui a si gracieusement accepté de se joindre à nous. M. Douste-Blazy se tient

à l’épicentre du réseau mondial des acteurs mobilisés pour le renouveau de l’aide au

développement. Il pourra, mieux qu’aucun autre, nous éclairer sur les défi s posés par ces

nouveaux outils, répondre aux inquiétudes relatives à l’augmentation de la pression fi scale

et aux interrogations sur les organismes chargés de percevoir l’argent et de le dépenser. Je

voudrais remercier tous les participants d’avoir accepté d’unir leurs compétences dans le

cadre de ce Forum UNESCO du futur. Nous avons la chance de bénéfi cier d’une concentration

exceptionnelle de talents : à nous d’être inventifs, de tirer les leçons de ce qui a marché, de

l’adapter au secteur de l’éducation.

Le défi ainsi lancé à notre inventivité et notre volonté collectives est d’identifier

les mécanismes de financement innovants et durables permettant de mobiliser une

masse critique de ressources dans le domaine de l’éducation. Les sources innovantes de

fi nancement du développement incluent notamment des mécanismes autonomes générant

des fl ux de fi nancements prévisibles et fi ables, des prélèvements sur la vente d’un produit ou

sur une activité en faveur d’une cause particulière, des mécanismes simples de collecte et de

distribution. Des prélèvements de solidarité sur les billets d’avion aident désormais à lutter

contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme grâce à la centrale d’achat de médicaments

UNITAID. La Facilité internationale de fi nancement pour la vaccination (IFFIm) a mobilisé

près de 1,2 milliard de dollars EU grâce à l’émission d’obligations gouvernementales. Le

premier mécanisme de garantie de marchés (MGM), qui vise à créer des incitations pour la

mise au point de nouveaux médicaments destinés à traiter les maladies liées à la pauvreté,

a généré 1,5 milliard de dollars. La conversion de la dette, un instrument dont l’UNESCO fait

la promotion depuis des années, est également d’un potentiel important pour décharger les

pays les moins avancés du fardeau qui pèse sur eux. D’autres approches plus controversés

sont actuellement à l’étude, tels les modèles visant à exploiter les marchés de carbone ou

Page 22: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 23

des taxes perçues sur les transactions fi nancières. Quoi qu’il en soit de ces approches, les

fi nancements innovants sont une invitation à se montrer créatif en matière de coopération.

Un nouveau paradigme de partenariat devrait s’efforcer d’intéresser et de faire appel

à la générosité de l’ensemble des principales parties prenantes, depuis les gouvernements

et les organisations internationales jusqu’aux entreprises, aux fondations, aux organisations

non gouvernementales, aux philanthropes. Quelles sont, à votre avis, les approches les plus

prometteuses ? Comment les adapter aux problèmes qu’elles doivent aider à résoudre ?

Je suis d’avance intéressée par les réponses que vous ferez aux questions de cet ordre.

Nous savons déjà que de tels mécanismes ne peuvent être légitimes et opérationnels si

les institutions concernées ne sont pas irréprochables en termes de responsabilité et de

transparence. Les fonds levés devraient également servir à soutenir des programmes relevant

des gouvernements bénéfi ciaires. Enfi n, les mécanismes choisis ne doivent pas introduire de

distorsions dans le fonctionnement des marchés ou inhiber la croissance du développement

durable. Elles devraient contribuer à garantir que les fi nancements soient plus prévisibles.

A l’évidence, les donateurs ne doivent pas voir dans ces nouveaux efforts une excuse pour

réduire leurs investissements traditionnels pour le développement. Comme vous pouvez le

voir, la question des fi nancements innovants ne se réduit à pas à une simple augmentation

de ressources, elle implique de concevoir des mécanismes adaptés et acceptés par les

professionnels et populations visés.

Depuis plus de 60 ans, l’UNESCO s’est faite le héraut d’une vision où l’éducation est

la pierre angulaire du développement humain et de la paix. Grâce à l’éducation les individus

peuvent gagner en autonomie, subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Je ferai

tout pour que le fi nancement de l’éducation fi gure au plus haut de l’agenda international,

notamment lors de sommets comme le G20. Pour réussir à développer de tels instruments,

un engagement politique s’impose au plus haut niveau. À cet égard, je vous promets que

l’UNESCO ne ménagera aucun effort pour faire de l’Education pour tous une responsabilité

collective.

Page 23: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

24 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

CONFÉRENCE D’HONNEUR

Philippe Douste-Blazy

Sous-secrétaire général des Nations unies

Pour les fi nancements innovants

Directeur exécutif du Conseil d’administration de UNITAID

Directeur exécutif du Conseil d’administration de la Millennium

Foundation

Je voudrais remercier la Directrice générale de l’UNESCO de m’inviter ce matin pour

parler de ce sujet et saluer tous les membres de cette assemblée. Permettez-moi d’avoir

une attention tout à fait particulière pour Catherine Colonna, Ambassadrice, Déléguée

permanente de la France auprès de l’UNESCO qui est ici et que je salue très fraternellement.

Les fi nancements innovants sont une clef majeure de ce siècle. Je pense que le fond de la

question n’a rien à voir avec l’éducation, l’humanitaire, la santé, car c’est de politique qu’il

s’agit.

C’est d’authentique politique internationale qu’il s’agit, et au plus haut niveau.

Pourquoi ? Parce que dans le monde d’aujourd’hui, un milliard et demi de personnes vivent

en dehors de ce que l’on appelle les biens publics mondiaux. Ainsi vous avez, d’un côté, un

milliard et demi de personnes en dehors des biens publics mondiaux et, simultanément,

grâce à Internet, ce même milliard et demi va apprendre de quelle manière dont nous vivons.

Ils ne l’ont pas pour l’instant, ils ne savent donc pas encore mais ils fi niront par le savoir : la

situation est explosive. D’un côté un milliard et demi de gens qui n’ont rien, de l’autre côté ce

même milliard et demi d’ignorants seront de moins en moins ignorants et pourront comparer

leur vie et la nôtre.

Il est impossible de continuer sur cette voie : soit on le comprend soit on ne le

comprend pas. Si on le comprend on peut s’en sortir ; si on ne le comprend pas, on va à

la catastrophe. La Directrice générale a évoqué la paix dans son intervention et à très juste

Page 24: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 25

raison : c’est exactement là que réside le problème. Tout le monde en est conscient, et en

2002, une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement en ont parlé à Monterrey, lors

de la Conférence Internationale sur le fi nancement du développement. Puis, en 2004-2005

trois personnes se sont réunies, les Présidents Chirac, de France, Lula, du Brésil et Lagos,

du Chili. Ils se sont dit, à peu près : on connait bien la politique et si on continue avec une

Aide publique au développement (APD) adossée au seul budget des Etats, plus on rentrera

dans la démocratie directe, plus évidemment on contentera ceux qui votent pour nous et non

ceux qui habitent à cinq mille kilomètres. Donc l’APD n’augmentera pas. Conscient que c’est

là que résidait la grande question du moment, ces trois hommes politiques ont décidé de

faire évoluer, en fait, la question en reconnaissance que ce n’était pas, malheureusement, le

budget des Etats qui permettrait d’alimenter seul l’APD. Bien sûr il faut, et on le redira le 20 et

le 21 septembre, faire passer les budgets d’aide à 0.51 % dès 2011 et parvenir à 0.7 %. Mais il

faut, au surcroît, trouver d’autres idées.

L’idée est assez simple, au fond. Elle a trait à la mondialisation. En fait, il y avait deux

choses que l’on n’avait pas comprises il y a 15 ans, et que l’on n’avait pas vues. Tout d’abord,

on pensait que la mondialisation allait aider tous les pays du monde. Et on pensait que plus il

y avait de marché entre nous, plus les pays pourraient dans leur totalité avoir une croissance

ascendante. La chose était vraie pour les pays émergents, le Brésil, l’Inde, la Chine – la

chose est obvie aujourd’hui. On compte moins de grands pauvres dans le monde, parce que

la Chine, l’Inde et le Brésil sont tirés par le haut. Mais ce que l’on n’avait pas vu c’est qu’une

cinquantaine ou une soixantaine de pays, en particulier en Afrique Sub-saharienne et en Asie,

allaient eux être tirés vers le bas. La mondialisation n’a, par conséquent, pas du tout aidé

cinquante à soixante pays au monde, lesquels sont en train de passer, dirais-je, du statut de

pays à faible revenu à celui de pays à très faible revenu.

Deuxième élément que l’on n’avait pas vu, les activités économiques mondiales

qui profi tent le plus de la mondialisation sont Internet, la téléphonie mobile, le tourisme

et les marchés fi nanciers. Ces quatre activités qui gagnent le plus d’argent grâce à la

mondialisation ont très peu de rôle social. Lorsque Henry Ford, dans les années 1910-1920,

choisissait Detroit, aux Etats-Unis, pour s’installer et créer des dizaines de milliers d’emplois,

il donnait des salaires à ses ouvriers, il payait des écoles, il payait des impôts à Detroit, il

payait des impôts aux Etats-Unis. Il avait donc un rôle de capitalisme social. Il avait un rôle

social et donnait quelque chose. Aujourd’hui prenez les grandes entreprises d’Internet,

Apple, Microsoft, Google ; prenez les grandes entreprises du tourisme ; prenez les grandes

entreprises de la téléphonie mobile ; prenez les grandes entreprises des marchés fi nanciers ;

leurs propriétaires, sont certes très riches et payent des impôts, mais les entreprises elles-

mêmes ne sont localisées nulle part, et n’ont donc pas l’aspect social d’auparavant.

Ce que je propose avec les fi nancements innovants, ce que les Président Chirac, Lula

et Lagos avaient proposé c’est de profi ter de ces activités qui profi tent énormément de la

mondialisation pour, je dirais s’adosser sur ces activités pour demander une contribution de

solidarité : minime, microscopique, painless comme on dit chez les anglo-saxons. Totalement

Page 25: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

26 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

indolore, soit une taxe – parce que nous sommes français, ce n’est pas que les français aiment

les taxes, mais on n’a pas peur des taxes –, soit volontaire. Nous avons donc commencé par

les billets d’avion. Mais en fait il s’agissait surtout d’un petit laboratoire : UNITAID est un petit

laboratoire de fi nancement innovant. Ce n’est qu’un début. Le seul mérite d’UNITAID est

d’exister et de démontrer son effi cacité. On a choisi la santé. Pourquoi la santé ? Parce que

le Président Chirac le voulait, car sensibilisé sur le SIDA ; moi aussi, car médecin et ancien

Ministre de la santé. Mais en réalité, ce n’était pas le sujet. Le sujet c’est qu’on a pris un

Objectif du millénaire, le sixième. On aurait tout aussi bien pu prendre celui de l’éducation.

Qu’avons-nous fait ? Nous avons choisi une activité mondialisée, donc basée sur

le capitalisme – on achète ou on n’achète pas un billet d’avion. Il est très important de

comprendre que le mécanisme est basé sur une activité de consommation. Deuxième chose

que nous avons faite, on a pris un taux très bas, 2 euros ou 2 dollars. Ensuite on est passé par

la loi – ce qui me paraît très important, car aucune compagnie aérienne au monde ne peut,

à partir du moment où un voyageur achète un billet d’avion en France, passer à travers les

mailles du fi let. Toutes les compagnies aériennes du monde – ou plutôt tous les voyageurs qui

achètent leur billet en France – ont l’obligation de payer 2 euros. Que ce soit Delta Airlines,

American Airlines, Iberia, Sabena, KLM peu importe. Ce point doit être souligné, car il entraîne

qu’il n’y a pas de distorsion économique : aucune compagnie aérienne n’est plus touchée

qu’une autre – elles ont tout de même hurlé au début. Cela veut dire que l’on ne touche pas

au principe de la concurrence. Il ne peut y avoir de fi nancements innovants obligatoires que si

vous ne créez pas de distorsion économique. Pourquoi la taxe imaginée James Tobin, le prix

Nobel d’économie, n’a-t-elle pas fonctionné ? Elle n’a pas fonctionné parce que vous aviez des

endroits où on pouvait la payer et des endroits où on ne la payait pas. Evidemment le monde

entier allait aller où on ne la payait pas.

En somme, il nous faut inventer une micro-contribution basée sur une activité

économique mondialisée sans provoquer de distorsion économique. C’est cela que l’UNESCO

doit trouver. Plusieurs possibilités s’offrent à vous : nous avons pris les billets d’avion, mais on

peut le faire sur d’autres domaines. L’autre jour, je me suis amusé à identifi er 4 paramètres

ou même 2 pour déterminer un tel domaine. Vous savez par exemple qu’aujourd’hui il y a

plus de téléphones mobiles que d’êtres humains. Si vous prenez ceux qui payent le téléphone

mobile par facture mensuelle, premier paramètre, et ceux qui payent plus de 200 dollars par

mois, vous obtenez deux paramètres qui ne correspondent qu’à 3 opérateurs dans le monde.

Ces 3 opérateurs, la Directrice générale de l’UNESCO peut aller à leur rencontre. A ce point,

il faut proposer un objectif : quant à moi, j’ai parlé de lutte contre le sida, la tuberculose et

le paludisme. Ce sont des cas concrets. Il faut donc trouver quelque chose de très concret,

comme la création d’écoles, à vous de voir. Vous pouvez alors leur dire : « Est-ce que vous

trois vous acceptez de faire une contribution, obligatoire ou volontaire ? »

Seconde remarque : il vous faut mobiliser un, deux ou trois chefs d’Etat très motivés

pour aider l’éducation – parce que ce ne sont pas la Directrice générale de l’UNESCO, la

Directrice générale de l’OMS ou le Secrétaire général de l’ONU qui peuvent décider d’une taxe.

Page 26: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 27

Cela ne serait pas possible car il s’agit d’un enjeu politique qui se décide au niveau des Etats.

Ainsi, vous avez un, deux, trois, quatre, cinq chefs d’Etat qui se mettent vraiment à travailler

sur une taxe pour l’éducation, micro-taxe de solidarité sur l’éducation sur une activité

économique mondialisée. A partir de là, vous pouvez faire boule de neige ; nous sommes

maintenant à 15 pays qui ont signé la taxe sur les billets d’avion et j’espère qu’on sera 25 d’ici

un an ou un an et demi. Pour cette option de taxe, il vous faut quelqu’un comme M. Obama, M.

Sarkozy ou M. Zapatero.

L’autre option consiste à délaisser la taxe pour lui préférer celle de contribution

volontaire. Cette option relève du partenariat public privé. Pour cela vous devez allez voir

les opérateurs de téléphonie mobiles et leur demander s’ils sont prêt, en terme d’image, à

se mettre d’accord tous les trois pour créer la première contribution de solidarité citoyenne

mondiale pour l’éducation. On peut par ce moyen lever des sommes considérables, en vérité.

Tout est affaire de branding, tout est affaire de marques et l’UNESCO est une marque. C’était

ma deuxième remarque.

Troisième remarque : si vous voulez réussir il faut tout de même innover en matière de

gouvernance. Prenons l’exemple de UNITAID, dont la gouvernance est très originale – dans un

livre à paraître sous peu, je me permets de dire que l’ONU devrait quand même regarder d’un

peu près la gouvernance de UNITAID. Qui y a-t-il autour de la table ? Il y a les chefs d’Etat et

de gouvernement des pays fondateurs : les Présidents français, brésilien et chilien ainsi que

les Premiers ministres norvégien et britannique. Il y a ensuite l’OMS, une agence de l’ONU. Il

y a ensuite deux sièges pour la société civile, car elle est indispensable pour progresser dans

le monde d’aujourd’hui et enfi n, représentant le secteur privé, il y a Bill Gates et sa Fondation.

Pour moi, je ne suis que personnalité qualifi ée. Je veux dire par là que la gouvernance demain

repose sur des partenariats public-privé. Votre réfl exion sur les fi nancements innovants doit

intégrer ces partenariats tout autant, évidemment, que l’ONU, puisque l’UNESCO en fait

partie, et la société civile.

Quatrième et dernière remarque, je pense qu’il est extrêmement important qu’une

contribution de solidarité sur l’éducation soit fi nancée par le Sud autant que par le Nord. Il ne

faut pas que ce soit du post-colonialisme. Je me félicite, par exemple, que le Mali, le Niger,

Madagascar, Maurice payent la taxe sur les billets d’avion. Parce que quelqu’un qui est au

Mali et qui a suffi samment d’argent pour se payer un billet d’avion en classe affaires peut très

bien payer 2 euros. Cela ne me dérange absolument pas et du coup c’est aussi Sud-Sud que

Nord-Sud, ce qui change tout.

Enfi n, puisque vous avez évoqué différents mécanismes de fi nancement, je voudrais

conclure sur deux choses. Premièrement les fi nancements innovants ne sont intéressants

qu’à deux conditions : premièrement ils sont additionnels. S’ils ne l’étaient pas, ils seraient

une perte de temps, parce que, pendant que nous serons à pied d’œuvre, le ministre des

fi nances en profi tera pour dire : « quelle chance ! Vous apportez de l’argent, ce qui veut dire

que nous aurons moins à dépenser. ». Ce serait terrible. Il faut être très dur avec les ministres

des fi nances. Sachez donc que, parmi tous ceux que vous rencontrerez, tous les chefs d’Etat

Page 27: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

28 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

vous diront oui, et tous les ministres des fi nances vous diront non. La question est de savoir

si le ministre des fi nances est plus fort politiquement que le chef d’Etat. Normalement non.

Mais il m’est arrivé de le constater dans la pratique. Des chefs d’Etat me dirent oui, des

ministres des fi nances me dirent non, et ça ne s’est pas fait. Préparez-vous à tout ça.

Deuxièmement, il faut que les mécanismes soient pérennes et prévisibles. C’est la

force des fi nancements innovants. Vous ne pouvez pas donner de l’argent pour un programme

scolaire ou éducatif, si vous n’avez de l’argent que pour un an. L’UNESCO est bien placée

pour savoir que les programmes de développement dans l’éducation ou dans la santé sont en

place pour au moins pour 3,5 ou 6 années. L’avantage de la taxe sur les billets d’avion c’est

que ça ne dépend absolument pas du ministre des fi nances, du ministre du budget et des

parlementaires français ou autre. Oui, tous les 3 ans, tous les 4 ans, ils ont le droit de savoir

ce qu’on fait de l’argent pour savoir s’ils continuent ou pas – mais c’est un autre problème.

Mais pendant 3 ou 4 ans nous avons les coudées franches. Et c’est comme ça que j’ai pu

obtenir une diminution de 60 % du prix des médicaments, parce que j’ai dit aux laboratoires

pharmaceutiques : « Je vais vous acheter des médicaments pour 400 millions de dollars par

an pendant cinq ans. Si je vous achète 400 millions de dollars par an pendant cinq ans vous

allez me faire un rabais. Et ils m’ont fait une réduction de 60 %. Vous pouvez faire pareil pour

les livres, vous pouvez faire pareil pour le matériel scolaire.

Je termine en rappelant que, en matière de fi nancements innovants, tout est affaire de

volonté politique. En tant que conseiller spécial du Secrétaire général sur les fi nancements

innovants, j’étais au cœur de la discussion sur le texte qui va y être présenté le 20 septembre

à New York, lors du Sommet des Objectifs du millénaire pour le développement. Le texte

marque une avancée considérable dans le domaine des fi nancements innovants. Ceux qui le

liront seront étonnés. A trois ou quatre reprises, les fi nancements innovants sont consacrés

comme clé pour atteindre les Objectifs du millénaire. Que de chemin parcouru ! Lorsqu’en

2004-2005 nous avons commencé, le Président Chirac, le Président Lula et le Président

Lagos étaient seuls, puis très vite la Norvège et le Royaume-Uni nous ont rejoints. Mais

les Etats-Unis ne l’ont jamais fait, même si nous leur avons expliqué qu’il ne s’agissait pas

nécessairement de taxe, c’était aussi des contributions volontaires. C’est culturel, et je

respecte totalement la culture américaine. Je ne veux donner de leçon à personne. Mais je

suis néanmoins très heureux de constater que l’administration américaine qui est en place

depuis deux ans, a accepté la mention des fi nancements innovants dans la résolution qui dit,

à peu près, qu’il faut « tout faire pour explorer les nouveaux moyens fi nanciers ».

Je crois que, avec cette réfl exion sur les fi nancements innovants en éducation, vous

êtes, Madame la Directrice générale, en phase avec les priorités des Nations Unies et de

la communauté internationale. A vous maintenant de trouver le ou les femmes ou hommes

politiques qui vont porter le projet – car, au fi nal, il s’agit tout de même de politique.

Page 28: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 29

COMBLER LES DÉFICITS EN ÉDUCATION DE BASE – POURQUOI LES FINANCEMENTS INNOVANTS COMPTENT

Kevin Watkins

Directeur, Rapport mondial de suivi sur l’Education

pour tous (EPT), UNESCO

L’édition 2009 du Rapport mondial de suivi sur l’EPT avait déjà permis à l’UNESCO de

contribuer même modestement au débat sur les fi nancements innovants. Nous avions profi té

du de l’organisation de la Coupe du monde de football pour proposer l’idée d’un prélèvement

minime sur les principales ligues européennes et la Coupe du Monde elle-même en vue de

générer des revenus pour l’éducation en Afrique. A ce jour, notre proposition n’a pas vraiment

rencontré un large soutien. S’il fallait refaire cette proposition aujourd’hui, à la lumière des

événements qui ont marqué la Coupe du Monde, je serais tout particulièrement favorable à

une taxe sur les grosses équipes, l’anglaise en particulier. Je suis persuadé que plusieurs

de mes collègues français me soutiendront pour cibler certains pays, en particulier ceux où

évoluent des joueurs rebelles, comme c’est le cas de la France.

Plutôt que de haute fi nance, je parlerai d’abord d’éducation. A voir la photographie

d’élèves assis sous un arbre à même le sol dans le nord de l’Ouganda, vous pouvez avoir deux

réactions (Voir la couverture du livre). Vous pouvez en conclure que ce dénuement est à lui

seul un acte d’accusation de l’état de l’éducation dans les pays en développement. Vu sous

un autre angle cependant, un tel tableau exprime avec la plus grande vérité combien sont

extraordinaires l’énergie et la résilience de ces enfants et de leurs parents. Ils s’efforcent

d’exercer là un droit de l’homme fondamental que beaucoup de gens des pays riches tiennent

pour acquis, mais qui est refusé à des millions de personnes dans les pays pauvres. Quand

on débat des fi nancements innovants en éducation, il n’est pas inutile de se rappeler de quoi

Page 29: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

30 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

il s’agit. Nous devons considérer ce débat à travers le regard des gens pour qui il compte

vraiment.

Avant d’aborder en détail les questions touchant à l’évaluation des coûts et au défi cit

de fi nancement dans le domaine de l’éducation, je ferai quelques remarques introductives,

qui paraîtront évidentes, mais qui doivent être faites. Dans son discours d’ouverture,

M. Philippe Douste-Blazy a implicitement abordé une question des plus importantes :

pourquoi s’intéresser aux fi nancements innovants est-il devenu si urgent alors qu’il s’agit

d’un sujet débattu depuis quinze ans ?

Plusieurs raisons justifi ent que le secteur de l’éducation accorde la priorité aux

fi nancements innovants. La première est que, malgré les progrès réalisés, nous sommes

confrontés à une crise de l’EPT. Elle se manifeste dans des insuffi sances portant sur le

nombre d’enfants non scolarisés, la qualité de l’éducation et bien d’autres indicateurs.

Un élément central de cette crise tient aux contraintes fi nancières que les fi nancements

innovants peuvent aider à desserrer et résoudre.

Autre raison, le secteur de l’éducation doit avoir égard au fait qu’il a été négligé –

ne nous voilons pas la face sur ce point. Au contraire, on a constaté beaucoup de progrès,

d’innovation et d’ambition dans le secteur de la santé où un très nombre de chose se dont

passées en matière de fi nancements innovants. Nous devons reconnaître avec franchise que

les responsables du secteur de l’éducation n’ont pas été très bons. Nous avons piètrement

défendu les enfants assis sous l’arbre, eux qui attendent des gouvernements les fonds

supplémentaires dont ils ont besoin pour résoudre cette crise.

Nous savons également que, les OMD étant devenus le foyer de la réfl exion sur la

réduction des inégalités mondiales, ainsi que l’a rappelé M. Douste-Blazy, ils vont constituer

le cadre du débat sur les fi nancements innovants. En ce qui concerne le lien entre l’éducation

et des OMD, aucun des OMD ne peut être atteint en pratique si nous échouons dans le domaine

de l’éducation. Sans l’éducation, nous n’atteindrons pas l’objectif de réduction de la pauvreté,

celui de la nutrition ou encore ceux de la mortalité infantile ou de la maternité. Il nous

faut défendre l’idée que si nous l’éducation n’est pas inscrite à l’agenda des fi nancements

innovants, le prix à payer sera lourd, et pas seulement pour les objectifs de l’éducation mais

aussi pour l’ensemble des autres OMD.

Une autre raison est d’opportunité : les fi nancements innovants bénéfi cient d’un

soutien politique clairement lié aux défi cits fi nanciers, aux pressions fi scales que connaissent

les budgets d’aide des pays riches, etc. Nous devons faire preuve d’initiative si nous voulons

tirer parti de cette conjoncture.

Il faut également tenir compte des enjeux non fi nanciers de la question, aspects très

évidents au vu de l’expérience même de M. Douste-Blazy. Avec les fi nancements innovants, il

ne s’agit pas uniquement de collecter des fonds, il s’agit de galvaniser un soutien politique. Le

Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – l’un des mécanismes

de fi nancements innovants – s’est notamment illustré en réussissant à hisser la question

Page 30: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 31

au cœur des agendas du développement international, du G8 et même, dans une certaine

mesure, du G-20 d’une manière qui ferait rêver la plupart des participants à ce Séminaire

UNESCO consacré à l’éducation. La question des partenariats centrés autours des

fi nancements innovants doit s’inscrire dans le contexte plus large de notre réfl exion sur la

manière dont nous mobilisons les soutiens politiques à l’échelle internationale pour atteindre

nos objectifs.

Un tel contexte exige d’aborder un grand nombre de questions clés, mais je tiens à me

pencher sur trois d’entre elles en particulier. Tout d’abord, nous devons examiner le contexte

plus large où l’éducation s’inscrit. Il serait insensé d’envisager, par exemple, que la question

d’une taxe sur les transactions mondiales – qu’il s’agisse d’un impôt sur les changes ou d’une

taxe sur les banques – puisse être abordée à travers le seul prisme de l’éducation. Celle-ci

doit être intégrée au lien plus large à établir entre une taxation des transactions fi nancières et

l’agenda des OMD pris dans son ensemble. Le défi pour les dirigeants de l’ONU est d’intégrer

et de coordonner leurs propres activités de manière bien plus serrée et de travailler sur un

ensemble d’exigences communes liées OMD, tout en développant des approches innovantes

de fi nancement spécifi ques à l’éducation.

En second lieu, l’argument de communication doit être pris au sérieux. Je suis souvent

frappé par le profondeur de l’ennui que peut susciter le discours sur l’éducation. Les parents

des enfants assis sous l’arbre ont une passion qui ne se ressent en rien dans les secteurs

du système des Nations Unies consacrés à l’éducation ou même dans la plupart des forums

internationaux sur l’éducation. Notre façon de communiquer est ennuyeuse. Nous devons

mieux communiquer si nous voulons remporter la bataille.

Secondly, we need to take the communication argument seriously. I am often struck

by how boring education is usually conveyed. The parents of the kids under the tree have a

kind of passion which is not evident in the parts of the UN system dedicated to education or in

most of the international forums on education. We are boring in the way we communicate our

message. We need to communicate better if we want to win the argument.

Dernier point notre discussion ne devrait pas viser uniquement à faire des propositions

intelligentes et étudier les différentes possibilités offertes ou non par les marchés fi nanciers.

Nous devons parvenir à une combinaison de bons arguments et de stratégies politiques. Il

est important de considérer l’histoire du Fonds mondial : personne n’y avait pensé avant

1999. En 2001, il était l’enjeu primordial de l’agenda du G8, et se voyait doté d’un secrétariat

complet un an plus tard. Un tel succès n’a pas tenu au seul fait que quelqu’un aurait pris le

temps d’envoyer au Lancet un article affi rmant que le projet était réalisable. Le projet s’est

concrétisé parce qu’il y avait une masse critique d’activité politique autour de la proposition

faite par l’ONU, Kofi Annan et les principaux gouvernements qui y avaient adhéré. Le domaine

de l’éducation doit aspirer à quelque chose de similaire.

Page 31: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

32 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Pour en venir au fond du problème, il y a plusieurs manières d’envisager la crise et

le défi cit de fi nancement affectant l’éducation. Par souci de concision, je me concentrerai

sur l’une seulement de ces perspectives. Au moment de la conférence de Dakar au début

de la décennie, il y avait 105 millions d’enfants non scolarisés, soit environ 45 millions en

Afrique sub-saharienne et près de 40 millions dans le Sud L’Asie. Depuis lors, des progrès

relativement importants on pu être constatés. Le nombre d’enfants non scolarisés est en

baisse, mais, comme en témoignent les données, les progrès sont très inégaux. Le taux

de progression a augmenté de façon spectaculaire au milieu de la décennie. La courbe des

progrès était plate auparavant et l’est redevenu depuis. Si l’on prolonge cette tendance

générale de la décennie jusqu’en 2015, on se retrouve avec 56 millions d’enfants non

scolarisés, dont 23 millions en Afrique sub-saharienne.

Se cantonner au nombre d’enfant non scolarisés débouche néanmoins sur une

perspective un peu trop optimiste quant à l’ampleur de la crise. En effet, on note par exemple,

que les progrès s’atténuent. Si l’on réajustait les courbes pour les cinq dernières années,

on compterait plus d’enfants non scolarisés en 2015 qu’il n’y en a aujourd’hui. Nous nous

éloignons du but et nous ralentissons.

En outre, d’autres questions se posent, qui ne peuvent se comprendre à la lumière

des seuls chiffres de la scolarisation, comme le fait que, dans les pays en développement, un

enfant scolarisé sur trois a souffert de malnutrition. En outre, les chiffres de la scolarisation

Page 32: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 33

ne rendent pas compte de la persistance des inégalités et de la lenteur des progrès en ce qui

concerne les groupes fortement marginalisés ou du fait qu’il existe un groupe de pays qui sont

touchés par des confl its et qui, situés loin derrière tout le monde, ne reçoivent pas l’attention

qu’ils méritent de la part des donateurs internationaux. Ces chiffres ne tiennent pas compte

non plus des diffi cultés chroniquement liées à la qualité de l’éducation. L’évaluation des

acquis à travers le monde nous révèle que, après trois ou cinq années d’études, de nombreux

enfants sortent de l’école primaire sans savoir lire une seule phrase. Nous savons que dans

une économie mondialisée et fondée sur la connaissance, l’enseignement primaire n’est pas

suffi sant. Nous devons accompagner les enfants jusqu’au secondaire et au tertiaire. La qualité

de l’éducation soulève des problèmes graves dans l’ensemble du monde en développement.

Quant aux aspects budgétaires de la crise fi nancière, le Rapport EPT 2009 a procédé à

une estimation de l’ampleur du défi cit de fi nancement à combler pour atteindre les objectifs

de l’EPT. Il est apparu que la signifi cation même du défi cit n’était pas des plus claires. Pour

certains, le défi cit se rapporte à l’écart entre ce que les pays donateurs promettent et ce

qu’ils déboursent réellement. Notre modèle procède autrement : nous avons examiné l’écart

entre ce que les gouvernements des pays pauvres peuvent mobiliser en termes d’effort

maximal et les sommes requises pour atteindre leurs objectifs. Autrement dit, nous avons

examiné si ces gouvernements se conforment à des critères raisonnables de mobilisation

pour la part de leurs revenus qui va au secteur de l’éducation et pour la répartition de leur

budget dans l’éducation, entre les niveaux primaire et supérieur. L’hypothèse sous-jacente

est que les pays en développement respectent leur part du contrat de l’EPT. L’autre partie de

l’exercice repose tout simplement sur un simple modèle entrée-sortie. On pose la question:

« Si vous voulez que tous les enfants du monde aille à l’école d’ici à 2015, combien faudrait-

il de salles de classe, d’enseignants, de livres, et quel serait le coût de la prestation ? » Un

document détaillé sur la méthodologie sera disponible très prochainement. Dans le Rapport

mondial de suivi 2010, nous avons estimé combien il fallait pour atteindre les groupes les plus

marginalisés. Il faut supposer en effet que la scolarisation d’un enfant supplémentaire est

d’un coût plus élevée que pour la moyenne des déjà scolarisés. Les enfants en question vivent

dans des zones reculées ou travaillent. Leur scolarisation est donc plus onéreuse.

Nous avons appliqué notre modèle à 46 pays à faible revenu à travers le monde. Si

l’on calcule d’abord combien il faudrait pour réaliser un groupe d’objectifs cruciaux de l’EPT,

principalement pour la petite enfance et l’éducation de base, le coût global annualisé est

d’environ 36 milliards de dollars EU pour ces 46 pays. Ces pays consacrent 12 milliards de

dollars EU de leur revenu à l’éducation. Si l’on tient compte de la croissance et des prévisions

de recettes qu’on peut déduire des projections de croissance du FMI, on peut supposer que

ces pays peuvent générer 3 milliards de dollars EU supplémentaires. Si l’on tient compte

de l’engagement de ces pays à fournir un effort maximal, à savoir, respecter des normes

raisonnables en matière de mobilisation de leurs recettes et d’affectation des ressources à

l’éducation, on peut ajouter 4 milliards de dollars EU supplémentaires. Ces investissements

qui pourraient aller à l’éducation sont donc assez substantiels. Mais, malgré cet effort

Page 33: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

34 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

maximal, nous nous retrouvons avec un défi cit de fi nancement d’environ 16 milliards de

dollars EU.

On peut comparer ce défi cit de fi nancement au niveau actuel de l’aide en éducation

dont bénéfi cient ces 46 pays, qui est d’environ 3 milliards de dollars EU par an. Si, dans le

meilleur des cas, les bailleurs de fonds se décidaient à tenir leurs promesses d’aide de

2005, on pourrait envisager près de 2 milliards de dollars EU supplémentaires. En d’autres

termes, le défi cit de fi nancement externe de ce groupe de pays s’élève à 11 ou 12 milliards

de dollars EU par an. Un tel défi cit de fi nancement est énorme eu égard à l’ensemble des

besoins de l’EPT.

Dans le cadre des discussions sur les fi nancements innovants, il est également

intéressant de comparer la dynamique de la santé à celle de l’éducation. Au fi l du temps,

la courbe de croissance du fi nancement de l’éducation primaire s’aplatit. Elle a même

légèrement diminué en 2008 et stagné les deux dernières années. En comparant ces

tendances aux évolutions du secteur de la santé, on voit que l’aide en éducation est

clairement à la traîne. Ce phénomène n’est pas simplement dû aux fi nancements innovants,

mais également à la façon dont le secteur de la santé a été réussi à mobiliser le soutien

des donateurs. Pour une large part, l’engagement mondial en faveur de la santé a beaucoup

progressé grâce au succès du Fonds mondial, qui a canalisé les obligations de UNITAID et

d’autres sources de fi nancement novatrices, ou de GAVI, qui a canalisé les obligations de

l’IFFIm et des Garanties d’achat futur (AMC).

Le secteur de la santé a réussi à être se positionner au centre du débat politique sur le

développement. L’éducation n’a rien accompli de comparable à la Taskforce de haut niveau sur

les fi nancements innovants des systèmes de santé. Voilà qui ne laisse pas d’être surprenant.

Quel personnalité d’envergure internationale ne voudrait profi ter d’un sommet international

pour dire combien l’éducation aide à renforcer la lutte contre la pauvreté et conforter l’avenir

de son pays. On ne trouve pourtant rien de comparable à une telle initiative dans le secteur

de l’éducation. Ce que nous voyons se faire dans le secteur de la santé et à quoi il a excellé

est précisément ce que l’éducation n’a pas réussi à faire. Le secteur de la santé a associé un

niveau élevé d’ambition servi par un esprit d’innovation à un message exprimant clairement

les bénéfi ces espérés. Le message du Fonds mondial ne porte pas sur la sophistication des

moyens que nous aurions identifi és pour exploiter des sources de fi nancement, le message

porte sur les cinq millions de vies sauvées au cours des sept dernières années. L’histoire

que GAVI raconte n’est pas celle de leur action sur le très complexe marché des obligations

ou celle des idées qu’ils ont trouvé, mais celle des millions d’enfants qu’on a pu vacciner,

qui sont en vie aujourd’hui et qui n’auraient pas survécu sans le recours à des mécanismes

de fi nancement innovants. La dimension de communication a joué un rôle fondamental dans

les réalisations du secteur de la santé. Certes, les fi nancements innovants ne vont pas sans

problème, comme de biaiser les priorités de santé en direction du VIH / sida. Mais il n’en reste

pas moins important de poursuivre le débat.

Page 34: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 35

Figure 2.49 : Les déficits de financement sont importants et ont peu de chances d’être éliminés par les engagements actuels des donateursVentilation des besoins en ressources par an pour atteindre les objectifs relatifs à l’éducation de base

Ressources internes supplémentairesissues de la croissance économique

Ressources supplémentaires issuesde l’établissement de priorités nationales

0

5

10

15

20

25

30

35

40

Déficit definancement16 milliards

de dollars EU

Ressourcesactuellesestimées

12 milliardsde dollars EU

4 milliardsde dollars EU

3 milliardsde dollars EU

Mill

iard

s de

dol

lars

EU

cons

tant

s de

200

7 Aide supplémentaire à l’éducation de base

Aide actuelle à l’éducation

Déficit de financement

Reste du déficit 11 milliards de dollars EU

2 milliards de dollars EU

3 milliards de dollars EU

si les engagements de Gleneagles sont tenus

de base (2006-2007)

36 milliardsde dollars EU

Moyenne des ressourcesannuelles nécessaires

pour financer l’EPT(2008-2015)

Notes : la ventilation des besoins en ressources par an ne correspond pas tout à fait au total du fait des arrondis. L’augmentation du pourcentage de l’aide apportée entre 2005 et 2010 liée aux objectifs de Gleneagles (voir chapitre 4) sert généralement à établir des projections, à partir des engagements en faveur de l’éducation de base de 2005, pour 2010 et pour chaque pays couvert.Sources : EPDC et UNESCO (2009) ; OCDE-CAD (2009d).

Pour en revenir à quelques réfl exions d’ordre général, je pense que ce Séminaire est

très opportun. Les fi nancements innovants suscitent de l’intérêt et de la recherche eu égard

à la crise fi nancière mondiale et aux pressions que connaissent les budgets d’aide. Il y a une

dynamique de l’intervention dans le secteur fi nancier et un grand nombre de perspectives

sur cette question. D’un côté, on assiste au grand retour du spectre de James Tobin et de ses

idées du début des années 1970, à propos desquelles M. Hans d’Orville avait écrit au milieu

des années 1990. L’idée de taxe Tobin est revenue sur l’agenda politique avec une importance

inédite. Au sein de la société civile, un groupe très important milite désormais en faveur

d’une taxation élargie du secteur fi nancier, pas seulement sur la monnaie, mais également

sur les dérivés, les obligations, les fonds spéculatifs, les transactions, etc., avec l’objectif

d’apporter des fonds aux OMD. La Suède a proposé une taxe sur la stabilité bancaire, qui a

été prise très au sérieux par la Commission européenne et le Parlement européen et qu’on

peut comparer à la taxe de la responsabilité des États-Unis. De nombreuses propositions

associent les recettes ainsi générées non seulement à la stabilité des institutions fi nancières

mais aussi à la réalisation des OMD. Même le FMI a préconisé un impôt sur les bénéfi ces

et les primes dans le secteur fi nancier. Lorsque, à mon avis, des ONG, le FMI et plusieurs

gouvernements œuvrent tous dans le même sens, on se met à remarquer des opportunités

qui avaient disparues depuis longtemps. Le problème, c’est qu’aucun de ces groupes ne

Page 35: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

36 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

paraît travailler à unifi er ces propositions différentes d’une manière qui conduirait réellement

à leur concrétisation.

Nombre de nouvelles idées sont également à l’étude, à part la proposition de taxe sur

le football. L’idée de mobiliser le secteur de la téléphonie mobile est riche de potentialités

immenses. Le revenu annuel de ce secteur s’élève à un peu moins d’un billion de dollars EU

pour un très petit nombre d’opérateurs. L’idée répond exactement aux critères énoncés

par M. Douste-Blazy : il s’agit d’une taxe mondiale mais minime pouvant être levée sur un

haut volume de transactions pour des rendements potentiellement importants en termes de

développement. Il ne devrait pas être trop diffi cile, à mon avis, de « vendre » une histoire

intéressante sur l’éducation au petit nombre de sociétés qui contrôlent l’accès dans cette

industrie.

Quelles sont les grandes questions dont nous devons discuter au sein du secteur de

l’éducation ? Trois thèmes principaux s’imposent. Le premier est affaire d’échelle – le défi cit

de fi nancement est de 13 milliards de dollars EU, et non pas 10 ou 15 millions de dollars EU.

Cela nous oblige à mobiliser des ressources commensurables avec l’immensité du défi cit.

Un autre thème central est la faisabilité fi nancière de toute proposition. Il faut éviter à tout

prix que des distorsions importantes n’affectent les marchés. Quant au troisième thème,

il est impératif de réfl échir aux objectifs politiques. Il est inutile de proposer des idées qui

seraient dépourvues débouché. Dans l’enseignement, nous devons développer une stratégie

à deux volets, qui combine les OMD et les objectifs de l’EPT. Les Nations unies doivent

faire preuve de plus d’initiative, y compris secteur éducatif, qui doit déterminer la manière

dont ses revendications s’inscrivent dans cet ensemble plus large. Un grand nombre de

possibilités nous sont ouvertes pour émettre des propositions spécifi ques, que ce soit autour

des téléphones mobiles ou de certaines des idées énoncées par MM. Nicholas Burnett et

Desmond Birmingham dans leur contribution au Séminaire.

Il faut également tenir compte des risques de tensions. Certaines propositions

semblent très convaincantes en termes de communication, mais peuvent manquer d’effi cacité

pour mobiliser des ressources à l’échelle requise. Par exemple, une proposition d’envergure

modeste peut cibler un groupe particulier dans un pays touchés par les confl its, à la manière

de ce que UNITAID a fait au Libéria ou en Sierra Leone, et donner de bons résultats du

point de vue de la communication, mais donner peu de résultats à grande échelle. Toutes

les possibilités de compromis doivent être envisagées et, par-delà l’éducation, ainsi que

l’ensemble des propositions de l’ONU.

A l’heure actuelle, où se multiplient les fonds, il nous faut reconnaître que les

fi nancements innovants peuvent soulever des problèmes spécifi ques. Un des préoccupations

exprimées par mes collègues du secteur de la santé est que la multiplication des fonds – ils

portent désormais sur les vaccins, le VIH / sida ou le paludisme – ne conduit pas forcément à

un soutien ou un renforcement des systèmes de santé, pourtant supposés fournir les services

en question.

Page 36: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 37

Il existe un risque que l’usage de ces fonds refl ète les priorités des donateurs plutôt

que les besoins du terrain. GAVI et le Fonds mondial ont tous deux souligné que ce risque

représentait un problème sérieux et allouent désormais beaucoup plus de ressources au

renforcement des systèmes se santé. Il faut être conscient que cela pourrait cependant

représenter un danger pour le secteur de l’éducation. Nous devons veiller à générer de

l’argent réellement frais : nous devons éviter de recycler de l’argent qui proviendrait en fait

des sources traditionnelles ou de nous contenter de changer la façon dont les fonds sont

distribués. Il faut de plus amples discussions sur le sujet.

Quant aux arguments militant pour une effi cacité et une équité accrues des dépenses

publiques, ils ne me paraissent pas conduire à une solution permettant de générer des

fonds supplémentaires. A cet égard, je suis en désaccord avec Nicholas Burnett et Desmond

Birmingham. L’effi cacité a une valeur intrinsèque et doit être visée par tout gouvernement.

L’argument de l’aide basée sur la performance ne porte pas sur de l’argent supplémentaire

mais sur un changement de conditionnalité et de façon de fournir l’aide. Il ne faut donc pas le

confondre avec un fi nancement innovant.

Un autre écueil doit être évité, la pré-alimentation. Si l’on examine les obligations de

l’IFFIm, on peut admettre qu’elles jouent un rôle important en ce qu’elles permettent aux

gouvernements de faire des investissements en cas de nécessité. On ne devrait pas avoir

à attendre cinq ans pour fournir des vaccins indispensables pour sauver des vies d’enfants

aujourd’hui même. Mais la pré-alimentation n’ajoute rien à l’enveloppe des ressources. Elle

doit être remboursée – et les intérêts de ces obligations sont bel et bien remboursés sur les

budgets d’aide. A strictement parler, il ne s’agit donc pas d’argent supplémentaire.

Enfi n, point essentiel, il faut identifi er des mécanismes de prestation en éducation qui

soient crédibles. De tels mécanismes existent dans le secteur de la santé, par le biais du

Fonds mondial, de GAVI, d’UNITAID et d’autres initiatives. Dans le secteur de l’enseignement,

nous avons l’Initiative de mise en œuvre accélérée (IMOA), mais peu de bailleurs y verront un

mécanisme crédible pour distribuer des ressources sur l’échelle en question dans le cadre

des fi nancements innovants. Il est inutile d’élaborer une proposition susceptible de mobiliser

5 à 7 milliards de dollars EU si aucun mécanisme crédible de prestation n’est disponible.

Je fi nirai en disant que nous devons constamment nous remémorer ces enfants sous

assis sous un arbre en Ouganda: ils sont le véritable enjeu des fi nancements innovants.

Page 37: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

38 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

LES FINANCEMENTS INNOVANTS POUR L’ÉDUCATION1

Nicholas Burnett

Directeur exécutif, Results for Development Institute

et ancien Sous-directeur général pour l’éducation, UNESCO

et

Desmond Bermingham

Chercheur invité, Université d’Oxford et Représentant

de la Fondation Master Card

INTRODUCTIONLe 30 Mars 2010, le Programme d’appui à l’éducation (Education Support Program

ou ESP) de l’Open Society Institute a organisé une réunion à New York pour débattre des

fi nancements innovants pour l’éducation. Il a été demandé à Results for Development de

piloter les débats lors de cette réunion, ce que nous avons fait en proposant une présentation

Powerpoint, et de préparer un ensuite le présent document reprenant cette présentation et la

discussion qu’elle a suscitée.

Ce document comporte cinq sections :

1. Quele est la nature des financements innovants pour le développement et

pourquoi en avons-nous besoin ?

2. Quelle est la situation mondiale de l’éducation et pourquoi avons-nous besoin des

fi nancements innovants pour l’éducation ?

1. Ce chapitre est une version abrégée de « fi nancements innovants pour l’éducation », un document

précédemment publié par Nicholas Burnett et Desmond Bermingham en tant que document de travail

ESP 2010 n ° 5. Le Programme d’appui à l’éducation (Education Support Program ou ESP) fait partie de

l’Open Society Institute.

Page 38: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 39

3. Leçons à tirer d’expériences de financements innovants en général et dans

d’autres secteurs.

4. Idées de fi nancements innovants pour l’éducation.

5. Les prochaines étapes à envisager.

1. QUELLE EST LA NATURE DES FINANCEMENTS INNOVANTS POUR LE DÉVELOPPEMENT ET POURQUOI EN AVONS-NOUS BESOIN ?

Depuis deux ans, un intérêt croissant se manifeste autour du caractère innovant de

certaines approches destinées à soutenir les programmes de développement dans les pays à

revenu faible et moyen. Ceci a été favorisé par la reconnaissance du fait que les sources d’aide

fi nancière existantes – principalement les pays donateurs bilatéraux ou les organismes de

développement multilatéraux – ne peuvent satisfaire les besoins des pays en développement

et sont susceptibles, au cours des prochaines années, de diminuer ou, au mieux, de stagner

alors même que les besoins pourraient augmenter sous l’effet, par exemple, du changement

climatique.

En 2009, l’Aide publique au développement (APD) des pays de l’OCDE s’élevait à

120 milliards de dollars EU. Ce montant représente une augmentation de 30 % en termes

réels par rapport aux niveaux de 2004 et constitue un niveau record. Cependant, l’APD

représente toujours moins de 0,7 % du revenu national brut de la plupart des pays donateurs

et plusieurs bailleurs de fonds ne parviennent pas remplir l’engagement qu’ils ont pris en

2005 d’augmenter l’aide de 50 milliards de dollars (probablement 46 milliards de dollars

EU désormais) et de doubler l’aide pour l’Afrique en 2010 (qui n’augmentera probablement

désormais que de la moitié de la cible fi xée à 25 milliards de dollars EU). Du fait que la crise

fi nancière mondiale a accru la pression sur les budgets d’aide, les pays donateurs s’efforcent

de réduire leurs propres défi cits budgétaires.

Outre que le montant de l’aide reste insuffi sant, il faut considérer que l’échec à en

améliorer la qualité entraîne une frustration croissante. Les coûts de transaction sont

encore trop élevés pour les pays bénéfi ciaires. Une enquête datée de 2008 montre que les

bailleurs de fonds ont mené 15 229 missions dans 54 pays en 2007. Un pays - le Vietnam – a

accueilli 782 missions de donateurs en un an – soit plus de 2 par jour1. Il faut habituellement

12 à 18 mois pour venir à bout des processus de préparation et d’approbation des projets

des bailleurs de fonds et, même après approbation, les fl ux d’aide sont souvent instables

1. OCDE CAD (2009). « Effi cacité de l’aide : un impératif pour atteindre nos objectifs de développement ».

Paris, OCDE CAD.

Page 39: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

40 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

et imprévisibles1. Dans de nombreux secteurs, l’aide est fragmentée, ce qui oblige les

gouvernements locaux à traiter avec une pléthore de représentants des donateurs2. Qui plus

est, les donateurs et les agences multilatérales accroissent souvent le fardeau des pays en

développement en insistant sur le recours à leurs propres systèmes de gestion fi nancière et

de report. Pour la seule Union européenne, cette situation entraîne une perte estimée à 5 à 7

milliards d’euros par an3. Les donateurs et les organismes multilatéraux se sont engagés à

améliorer leurs pratiques, mais ils peinent à réaliser les objectifs qu’ils se sont fi xés4.

L’ambition de rechercher des approches innovantes pour fi nancer le développement

tient pour partie au souhait de faire évoluer le débat au-delà de l’aide pour envisager des

formes alternatives de fi nancement qui puissent soutenir une croissance équitable et de long-

terme. Dans sa forme actuelle, le débat sur l’aide néglige souvent la source de fi nancement

du développement la plus importante : les ressources propres des pays. Il faut également

souligner que les chiffres de l’aide offi cielle font l’impasse sur des sources de fi nancement

externe des pays en développement qui sont considérables et gagnent en importance5.

Ces sources comprennent les investissements directs étranges privés, les donations

de philanthropes et des fondations privées des donateurs (estimées à 90 milliards de dollars

EU en 2008) ainsi que l’aide des pays n’appartenant pas au Comité d’aide au développement

(CAD), tels que la Chine, l’Inde ou les fonds souverains des pays du Golfe. Ces sources non

traditionnelles représentent une contribution de 60 à 70 milliards de dollars EU à l’assistance

au développement sous une forme qui n’est pas prise en compte dans les rapports offi ciels.

2. « Measuring the Cost of Aid Volatility ». Homi Kharas. Brookings Institution. 2008.

3. « The price of fragmentation – New European Commission report unveils the costs of aid ineffectiveness. »

EURODAD, novembre 2009.

4. « Aid Effectiveness after Accra. Where does the EU stand and What more do we need to do? ». EC Staff

Working Paper. avril 2009.

5. OCDE CAD (2009). « Evaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris ». Paris, OCDE CAD.

6. Voir par exemple : « The End of ODA: Death and Rebirth of a Global Public Policy ». Severino et Ray. CGD.

Washington, 2009.

Page 40: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 41

Figure 3: Une industrie de 170 milliards de dollars EU

Aide CAD-bilatérale (dont Etats-Unis, Allemagne, France, Japon,Royaume-Uni)Aide multilatérale (dontCommission européenne, IDA,Système ONU, Fond global)Aide Non-CAD (dont Chine, paysarabes, Inde, Corée)

Sources privées (dont Etats-Unis,Royaume-Unis, France, Pays-Bas)

Source: OCDE/CAD, The index of Global philanthropy 2009 et Homi Kharas (« Action on Aid: Steps Toward Making

Aid More Effective », Brookings, 2009).

Par ailleurs, les chiffres de l’aide offi cielle ne refl ètent pas l’importance des envois

de fonds des migrants à destination des pays en développement (surtout en Asie). On les

estimait à plus de 300 milliards de dollars EU en 2008/9 – soit près de trois fois le montant

de l’aide offi cielle. Face à cette diversifi cation accrue du fi nancement du développement,

certains analystes recommandent de se départir des méthodes d’assistance traditionnelles,

commandées par l’offre, et de se tourner vers des fi nancements plus innovants et promouvant

des approches orientées-marché pour fournir aux pays en développement une information

améliorée et une gamme de choix plus étendue quant à la manière de recevoir une assistance

externe1.

Le gouvernement français a joué un rôle pionnier en matière de financements

innovants. Il a constitué, en 2006, un « Goupe pilote » multi-agence, qui s’est rapidement

étendu et comprend aujourd’hui 55 pays membres et quatre pays observateurs, des

organisations internationales (notamment la Banque mondiale, l’UNICEF, etc.) et des

représentants de la société civile ainsi que du secteur privé2.

1. « Beyond Planning: Markets and Networks for Better Aid » Owen Barder. CGD Working Paper. octobre

2009.

2. Groupe pilote sur les fi nancements innovants pour le développement.

Page 41: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

42 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Le Groupe pilote caractérise les fi nancements innovants par trois aspects :

1. Ils ont trait aux biens publics mondiaux tels que l’élimination de maladies ou la

réduction du changement climatique, ce qui nécessite une intervention mondiale.

2. Ils viennent en complément et en addition de l’APD traditionnelle. Les

fi nancements innovants peuvent améliorer la qualité de l’aide existante mais sans

doute pas la remplacer sur le plan quantitatif.

3. Ils sont plus stables et prévisibles que l’APD1.

Le présent article part de cette caractérisation mais cherche à aller plus loin afi n

d’appréhender les limites de l’aide traditionnelle et les spécifi cités du secteur de

l’éducation – en particulier l’importance des fi nancements nationaux. Partant,

nous proposons d’enrichir la caractérisation précédente en ajoutant les points

suivants :

4. Les approches innovantes devraient porter aussi bien sur des financements

nationaux qu’internationaux. En moyenne, les pays en développement consacrent,

en termes de ressources propres, 4 % de leur PNB à l’éducation. Il tout aussi

important d’améliorer l’usage de ces fi nancements et d’identifi er des sources

additionnelles nationales complétant les revenus fi scaux que d’accroître l’aide

extérieure. Dans un grand nombre de pays, les fonds de pension constituent une

telle source intérieure de fi nancement et ils sont estimés à plus de 1 billion de

dollars EU pour l’ensemble des pays en développement.

5. Les approches innovantes du fi nancement devraient innover tant en matière

d’acheminement que de levée des fonds. Notre position de principe est que

le système actuel souffre d’ineffi cience à de nombreux points de vues et que

l’introduction d’une culture d’innovation et d’initiative aidera notre secteur à

améliorer ses résultats même avec les fonds actuellement disponibles.

On trouvera aux chapitres 3 et 4 des informations supplémentaires et des exemples de

fi nancements innovants en éducation et dans d’autres secteurs.

Il est important de souligner que les fi nancements innovants ne doivent pas être

considérés comme un substitut des sources traditionnelles d’aide au développement ou

un palliatif à l’amélioration de sa mise-en-œuvre par les pays en développement, même

s’ils peuvent y encourager. Sur la période 2000-2008, on estime que les sources d’aide non

traditionnelles ont généré près de 57 milliards de dollars EU soit 4,5 % du l’ensemble des

1. Cet aspect est un élément essentiel de la Facilité internationale de fi nancement pour la vaccination

(IFFIm), qui offre aux pays des engagements anticipés de dix ans appuyés à des accords portant sur des

obligations de dix ans.

Page 42: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 43

fl ux bruts offi ciels1. Néanmoins, certaines sources importantes demeurent inexploitées tant

au niveau global que national, qui pourraient – avec une dose de créativité entrepreneuriale

– être mises à contribution pour satisfaire les besoins des pays en développement à travers

le monde2. Il y a sans doute également matière à innover pour améliorer l’acheminement des

fonds et faire en sorte que le secteur de l’éduction réduise sa bureaucratie et élargisse la

gamme des acteurs travaillant dans l’éducation, y compris le secteur privé et les organisations

non gouvernementales.

Pour le secteur de l’éducation, l’identifi cation de sources de fi nancement nouvelles et

prévisibles à long terme sera essentielle si les pays veulent faire des progrès signifi catifs vers

les objectifs internationaux de développement d’ici à 2015 et au-delà.

2. QUELLE EST LA SITUATION MONDIALE DE L’ÉDUCATION ET POURQUOI AVONS-NOUS BESOIN DES FINANCEMENTS INNOVANTS POUR L’ÉDUCATION ?

Deux séries d’objectifs internationaux de développement se recoupent en matière

d’éducation. Tout d’abord, on trouve les deux objectifs du Millénaire pour le développement

suivant :

a) Chaque enfant devrait bénéfi cier au moins d’un enseignement primaire complet

d’ici 2015 ;

b) Nous devrions éliminer l’écart entre filles et garçons à tous les niveaux du

système éducatif la même année.

Le mouvement de l’Education pour tous (EPT), dont l’UNESCO est chef de fi le comprend

six objectifs, y compris les deux OMD ainsi que l’extension et l’amélioration de l’éducation

de la petite enfance, les programmes d’apprentissage et de savoir-faire des jeunes et des

adultes, l’augmentation de 50 % du taux d’alphabétisation des jeunes adultes et l’amélioration

de la qualité de l’éducation à tous les niveaux. Les progrès les plus signifi catifs dans le secteur

de l’éducation ont été réalisés au niveau de l’éducation primaire. On estime que, dans les

pays en développement, 615 millions d’enfants sont désormais inscrits dans l’enseignement

primaire formel. Depuis 2000, le nombre d’enfants non scolarisés a été réduit à 72 millions

soit 32 % et l’écart entre les sexes se resserre. Il y a également eu une augmentation des taux

d’inscription dans les autres niveaux du secteur de l’éducation. Les taux bruts de scolarisation

du secondaire ont augmenté, dans les pays en développement, de 52 % en 1999 à 61 % en

1. Discours de Philippe le Houérou (Vice Président de la Banque mondiale pour les fi nancements

concessionnels et les partenariats globaux) à la Table ronde ministérielle du Groupe pilote, mai 2009.

2. Voir la section 3 pour plus de détails sur une proposition visant à puiser dans le trillion de dollars EU

actuellement sont verrouillés dans les fonds de pension des pays en développement.

Page 43: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

44 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

2007. Compte tenu de la croissance démographique rapide et continue dans la plupart de

ces pays, ces chiffres représentent une augmentation très importante du nombre de jeunes

scolarisés (UNESCO 2010).

Les objectifs de l’Education pour tous

et les Objectifs du Millénaire pour le développement

Objectifs de l’EPT OMD

1. Développer la protection et l’éducation de la petite enfance

2. Rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous d’ici 2015

3. Développer l’apprentissage et les savoir-faire auprès des jeunes et des adultes

4. Accroître de 50 % le taux d’alphabétisation des adultes d’ici 2015

5. Atteindre la parité entre les sexes d’ici à 2005 et l’égalité d’ici à 2015

6. Améliorer la qualité de l’éducation

1. Réduire l’extrême pauvreté et la faim2. Assurer l’éducation primaire pour tous3. Promouvoir l’égalité des sexes et

l’autonomisation des femmes4. Objectifs de santé7. Préserver l’environnement8. Mettre en place un partenariat pour le

développement

De nombreux pays ont cependant connu des progrès inégaux et trop peu rapides pour

atteindre l’objectif d’éducation primaire universelle d’ici à 2015. Certains signes indiquent que

certaines progressions peuvent ralentir et il se révélera probablement plus diffi cile et coûteux

d’atteindre les enfants du dernier décile dans de nombreux pays. Au rythme des progrès

actuels, 56 millions d’enfants d’âge scolaire ne seront pas scolarisés en 2015. 23 millions

de ces enfants seront en Afrique subsaharienne et une proportion signifi cative d’entre eux

résident dans des zones rurales reculées ou des zones touchées par les confl its, ou sont

issus de communautés marginalisées et souvent désavantagées en raison de l’appartenance

ethnique, du handicap ou de la pauvreté. Il est presque certain que les chiffres offi ciels

surestiment le nombre d’enfants inscrits à l’école et ne reflètent pas nécessairement

l’ampleur du nombre d’enfants inscrits à l’école sans y aller ou qui ont fi ni par abandonner

au bout de quelques années. On constate également qu’un grand nombre d’enfants ayant

dépassé l’âge scolaire sont obligés de redoubler après avoir échoué à des examens, ce qui

signale une ineffi cacité importante du système.

La gravité des problèmes soulevés par la qualité de l’éducation dans de nombreux

pays en développement est largement connue. La taille importante des classes demeure

la norme dans de nombreux pays en développement – elle peut s’élever à 80 ou 90 dans

certaines zones urbaines densément peuplées. La pénurie d’enseignants formés et qualifi és

perdure et l’absence de motivation du corps enseignant induit, dans de nombreux pays, des

taux d’absentéisme élevés. Dès lors, les pays riches et pauvres sont séparés par un important

fossé de la qualité, que mesurent par les résultats d’évaluation des apprentissages et qui

Page 44: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 45

limite les bénéfi ces privés et publics à escompter de l’investissement en éducation dans les

pays en développement1.

Le nombre d’enfants non scolarisés est en déclin (Rapport EPT 2010) mais on prévoit

que 56 millions d’enfants seront toujours non scolarisés en 2015

Dans de nombreux pays en développement, la progression de la scolarisation au

niveau primaire exerce une pression (positive) à la hausse sur les niveaux secondaire, le

tertiaire et la formation professionnelle. Comme les économies sortent de la dépendance à

une agriculture de subsistance pour devenir des industries de services et de la connaissance,

il faudra des compétences supérieures, qui exigeront qu’une part plus grande de la population

fi nisse au moins le secondaire. Les taux de scolarisation du secondaire et du tertiaire des pays

en développement ont considérablement augmenté ces dix dernières années. Mais les pays

les plus pauvres d’Afrique subsaharienne accusent un retard dû à des taux de scolarisation

faibles, de 34 % au niveau secondaire et de 4 % dans le supérieur2. (Voir Tableau 1)

1. Lewin, K. (2007). « Improving Access, Equity and Transitions in Education: Creating a Research Agenda ».

Sussex, CREATE.

2. UNESCO (2010), Rapport mondial de suivi sur l’Education pour tous : Atteindre les marginalisés. Rapport

mondial de suivi sur l’EPT. Paris, UNESCO.

Page 45: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

46 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Tableau 1: Taux bruts de scolarisation pour le secondaire et le tertiaire (en %)

Secondaire1999

Secondaire2007

Tertiaire1999

Tertiaire2007

Monde 60 66 18 26

Pays en développement 52 61 11 18

Afrique 24 34 4 4

Pays développés 100 100 55 76

Pays en transition 91 90 31 58

Source: UNESCO 2010

Les pays en développement ne pourront très probablement pas s’assurer un accès

universel à l’éducation secondaire et tertiaire en s’appuyant sur l’offre éducative actuelle. Des

analyses indiquent que, sur la base de la structure des coûts, les pays à faible scolarisation

devraient mobiliser plus de 3 % de leur PNB pour atteindre un taux brut de scolarisation de

60 % pour le premier cycle du secondaire et de 30 % pour le deuxième cycle du secondaire. De

nombreux pays subventionnent actuellement les niveaux supérieurs du système éducatif par

le truchement de modes régressifs de fi nancement qui profi tent aux élites. C’est un domaine

où les approches innovantes du fi nancement – y compris diverses formes de recouvrement

des coûts – offrent le plus de possibilités en matière de mobilisation de ressources privées

supplémentaires et de déblocage de fonds publics à destination de l’enseignement primaire

et de base1.

Les avantages économiques et sociaux de l’éducation secondaire sont plus

immédiatement évidents pour les individus et les communautés. Les diplômes du secondaire

donnent souvent accès à des emplois salariés dans le secteur public ou privé. Avoir achevé

le secondaire est fortement associé chez les fi lles et les jeunes femmes à une meilleure

santé et des taux de fécondité plus faibles. Tous ces facteurs seront amplifi és au cours de

la prochaine décennie alors même que les pays en développement devront faire face à une

explosion de la jeunesse dont le nombre total entre les âges de 12 et 24 ans, passera de

1,3 milliards aujourd’hui à 1,5 milliards en 2035, avant de décliner lentement2. Il s’agit d’une

opportunité au potentiel énorme pour les pays en développement, à condition qu’ils puissent

offrir à ces jeunes les compétences et les formations dont ils auront besoin pour devenir des

citoyens productifs. Mais il peut également s’agir d’une menace si les formations appropriées

et les opportunités professionnelles ne sont pas au rendez-vous et que les pays se retrouvent

avec une importante population de jeunes non-productifs et sans emploi.

1. Lewin, K. (2007). Expanded Access to Secondary Schooling in Sub-Saharan Africa: Key Planning and

Finance Issues. Sussex, CREATE.

2. Banque mondiale (2007). Rapport sur le développement dans le monde 2007. Le développement et la

prochaine génération. Washington, Banque mondiale.

Page 46: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 47

Au surcroît des contraintes financières, les pays en développement rencontrent

des diffi cultés sérieuses de recrutement et de rétention de diplômés qualifi és et formés à

l’enseignement dans les établissements secondaires et tertiaires. La demande en diplômés

est forte et le système d’éducation peine à rivaliser avec les emplois mieux rémunérés

dans le pays ou à l’étranger. Des approches permettant d’assurer l’enseignement post-

primaire de manière innovante apparaissent dans les secteurs public et privé pour répondre

à une demande croissante. Plusieurs pays en développement recourent à diverses formes

d’apprentissage ouvert et à distance pour réaliser, avec l’aide des technologies, des

économies d’échelle et maximiser le nombre d’étudiants pouvant être atteints dans le cadre

des systèmes existant. La tendance est particulièrement marquée dans les pays très peuplés.

Par exemple, soixante pour cent des élèves du secondaire du Mexique obtiennent leur

diplôme par le biais des programmes d’apprentissage à distance et le système secondaire

ouvert compte en Inde plus d’un million d’étudiants. Mais on constate également qu’un

nombre croissant de pays petits et pauvres d’Afrique recourent à l’enseignement ouvert. Par

exemple, la Namibie et le Botswana font passer 30 % à 40 % des élèves du secondaire par des

programmes d’apprentissage ouvert, qui complètent ainsi le système d’éducation formelle à

plein temps1.

Réfl échir sur les fi nancements innovants en éducation demande d’avoir une bonne

compréhension des niveaux et de la nature du fi nancement de l’éducation. La plupart des

dépenses d’éducation dans les pays en développement se font dans le secteur public,

en contraste marqué avec la santé où domine la dépense privée. Les dépenses publiques

d’éducation des pays en développement représentent environ 4 % du PIB et consistent

presque entièrement en dépenses récurrentes, dont 85-95 % portent en général sur les

salaires des enseignants (même dans les pays de l’OCDE, les salaires des enseignants

représentent environ 80 % de cette dépense). Les autres postes de dépenses sont les livres et

le matériel scolaire, la construction et l’entretien des écoles, la formation des enseignants, les

transports scolaires, et les cantines. L’analyse de l’incidence des dépenses montre en général

que les dépenses au niveau primaire sont assez progressives et n’induisent pas d’énormes

différences entre les étudiants pauvres et riches, mais que ce n’est pas le cas aux niveaux

secondaire et tertiaire, où les dépenses publiques ont tendance à être régressives et biaisée

en faveur des plus aisés.

Les dépenses d’éducation privées prennent de nombreuses formes, notamment

les cours particuliers (sans doute 1 % du PIB), le coût éventuel des livres et du matériel,

les uniformes, les transports, les repas et ainsi de suite. La scolarisation des enfants est

également un manque à gagner important pour les ménages pauvres, parce que, entre

autres, les enfants ne travaillent plus, que ce soit à l’extérieur du foyer où dans celui-ci, où les

enfants, les fi lles surtout, contribuent souvent aux tâches agricoles, à la collecte de l’eau et au

soin des jeunes frères et sœurs.

1. Daniel, J. (2010). Mega-Schools, Technology and Teachers. Achieving Education for All. Londres, Routledge.

Page 47: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

48 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Les dépenses publiques d’éducation sont principalement fi nancées par les recettes

générales. Il arrive que l’éducation entraine des formes de paiements, comme les frais

de scolarité, mais en général ceux-ci ne représentent pas la source de revenus la plus

signifi cative. Il y a aussi parfois des taxes spécifi quement liées à l’éducation, en particulier les

prélèvements sur les entreprises pour la formation professionnelle.

En plus des dépenses publiques et privées nationales, environ 11 milliards de dollars

EU d’APD vont chaque année à l’éducation ainsi que certains fl ux importants de fi nancements

extérieurs non concessionnels, en particulier de la Banque mondiale et des banques régionales

de développement. L’APD tend à profi ter aux pays à revenu moyen et à l’enseignement

supérieur plus qu’aux pays à faible revenu et à l’enseignement primaire. Les États fragiles,

les grands pays et les pays francophones ont généralement des besoins plus grands, mais

ce sont ceux qui reçoivent le moins de fonds. Une forte proportion de l’aide tend encore à

aller à la coopération technique extérieure. L’aide à l’éducation de base ne représente que

4 milliards de dollars EU par an environ. L’aide à l’éducation tend, comme l’aide en général,

à subir l’infl uence des héritages historiques et des intérêts géopolitiques – partant l’aide en

éducation des pays européens porte largement sur les anciennes colonies d’Afrique et l’aide

en éducation des États-Unis est de plus en plus ciblées sur l’Afghanistan, l’Irak et le Pakistan.

Sur le début de ce siècle, la part de l’éducation dans le total de l’aide est restée à peu près

constante à environ 12 %, augmentant par conséquent dans la même proportion que l’aide

en général, alors que d’autres secteurs ont connu une évolution signifi cative, notamment la

santé, dont la part a augmenté de 11 % à 17 %.

En plus des donateurs traditionnels du CAD, il existe de nouvelles sources de

fi nancement international pour l’éducation, notamment des donateurs émergents comme

la Chine, la Corée et la Russie, des fondations privées comme la Fondation Hewlett, Dubaï

Cares et la Children’s’ Investment Fund Foundation, et les Etats du Golfe comme le Qatar,

dont le fi nancement a plus particulièrement porté sur les réfugiés comme ceux de l’Irak et

la Palestine. Le Rapport mondial de suivi a identifi é un énorme défi cit de fi nancement dans

l’éducation de base eu égard aux objectifs de l’EPT et des OMD. Il estime que l’ensemble

des besoins des pays à faible revenu se montera à 36 milliards de dollars EU par an de 2009

à 2015. Le fi nancement actuel est d’environ 16 milliards de dollars EU, avec 12 milliards

de dollars EU fournis par les gouvernements et 4 milliards de dollars par l’APD. Même si

les gouvernements et les bailleurs de fonds intensifi ent leurs efforts et qu’ils tiennent les

engagements pris par eux lors de la réunion du G8 à Gleneagles, ce qui ne sera facile ni pour

les uns ni pour les autres à cause de la crise fi nancière, le Rapport mondial de suivi prévoit un

défi cit de fi nancement de 11 milliards de dollars EU par an, soit trois fois le niveau actuel de

l’APD en éducation.

Le fait qu’il sera impossible de combler ce défi cit au moyen de l’APD explique une

grande part de l’intérêt suscité par les fi nancements innovants pour l’éducation. Mais ce n’est

pas la seule raison pour laquelle les fi nancements innovants sont nécessaires. On peut en

identifi er cinq autres :

Page 48: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 49

a) La mobilisation de ressources : Si le défi cit de fi nancement pour l’éducation de

base doit être résorbé et si l’enseignement secondaire et supérieur continue à se

développer, il sera important d’accroître les ressources d’ensemble de l’éducation.

Il sera également important d’examiner les possibilités de mobilisation de

ressources aux niveaux post-primaire, ce qui permettrait de réaffecter des

dépenses publiques de ces niveaux vers l’éducation de base.

b) Accroître la visibilité de l’éducation : On ne peut manquer de souligner que les

efforts en faveur des fi nancements innovants dans la santé et d’autres secteurs

ont eu pour effet d’accroitre l’importance de la santé sur les agendas nationaux

et internationaux. L’éducation y occupe une place moins importante que des

questions telles que le changement climatique, la sécurité et le terrorisme

ou la santé publique, alors même qu’elle est essentielle à leur réalisation.

Cette situation s’explique de plusieurs manières, notamment par l’incapacité

du secteur à se vendre de manière effi cace, l’absence, relativement à la santé,

d’une communauté de langage et d’indicateurs, la sensibilité à la souveraineté

nationale, le conservatisme couplé à l’absence d’innovation ou de prise de risque1,

et l’ineffi cacité de ses débats internes au niveau international, particulièrement

obvie dans les discussions sur l’Initiative de mise en œuvre accélérée (IMOA).

c) Améliorer l’efficacité, l’efficience et l’équité des dépenses d’éducation :

L’importance des besoins de fi nancement du secteur de l’éducation a conduit

à mettre l’accent sur la mobilisation des ressources au détriment de la façon

dont les fonds sont dépensés. L’exemple le plus flagrant d’inefficience des

dépenses d’éducation tient à la crise de plus en plus reconnue de la qualité de

l’apprentissage des pays en développement. D’autres formes d’inefficience

ont été identifi ées depuis longtemps : les dépenses fi nancières excessives en

enseignement supérieur mais presque nulles en l’alphabétisation des adultes

(effi cience de l’allocation), les niveaux élevés de redoublement et d’abandon

des étudiants ainsi que d’absentéisme des enseignants (effi cience interne), des

structures de dépense régressives aux niveaux secondaire et supérieur, et des

dépenses privées en particulier pour le tutorat.

d) Répondre aux besoins des États fragiles (en particulier ceux touchés par les

confl its) : Depuis plusieurs années, le Réseau inter-agences sur l’éducation en

situations d’urgence a lancé un appel à des fi nancements innovants internationaux

en faveur des pays en conflit ou qui en émergent. Il est important de noter

également que plus de la moitié des enfants non scolarisés au niveau primaire

vivent dans ces pays. Il s’agit d’un besoin des plus impératifs, mais qui n’est pas

1. Ce point a été identifi é par plusieurs bailleurs de fonds de fondations comme un problème du secteur. Voir

« Achieving Universal Basic Education: Constraints and Opportunities in Donor Financing », Liesbet Steer

et Cecilie Wathne. Oversees Development Institute, 2009.

Page 49: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

50 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

aussi aisé à satisfaire dans ces pays que, par exemple, les besoins en alimentation

ou en de santé des individus et ce précisément parce que l’éducation est un

élément clé de l’identité nationale et que les belligérants y accordent une attention

jalouse.

e) Promouvoir l’innovation dans l’éducation : Comme indiqué plus haut, l’éducation

est largement perçue comme un secteur conservateur. Le modèle de base de

la prestation d’éducation (un enseignant qui s’adresse à une classe d’élèves

aidé d’un manuel ou d’autres matériels scolaires) est resté largement inchangé

depuis le XIXe siècle. La plupart des écoles des pays en développement ont été

très peu touchées par la diffusion des technologies de l’information et de la

communication. La pénétration des technologies mobiles dans les pays pauvres

offre, en particulier, la possibilité de transformer l’enseignement en ouvrant

le secteur aux nouveaux mécanismes de prestation, notamment par le biais de

programmes éducatifs non formels, fl exibles et fournis par des prestataires non

gouvernementaux. Le secteur de la santé est parvenu à recourir avec succès aux

fi nancements innovants pour promouvoir la prestation de services innovants – il

pourrait en être facilement de même dans le secteur de l’éducation.

3. LEÇONS À TIRER D’EXPÉRIENCES DE FINANCEMENTS INNOVANTS EN GÉNÉRAL ET DANS D’AUTRES SECTEURS

Plusieurs idées et expériences de fi nancements innovants pour le développement

proviennent, mais pas toutes, des travaux du Groupe pilote sur les fi nancements innovants

pour le développement qui, depuis 2006, en est venu à réunir près de 60 pays, 15 organisations

internationales et plus de 20 ONG internationales. On peut mettre en œuvre des fi nancements

innovants à travers des taxes et autres mesures gouvernementales ou à travers des

contributions volontaires. Cette section explore des idées et des expériences relevant des

deux modalités – en général et plus particulièrement dans le secteur de la santé, où les

fi nancements innovants sont peut-être le plus visible, et, brièvement, dans d’autres secteurs

dont l’agriculture, la micro-fi nance et le changement climatique.

Pour ce qui touche à la mobilisation des ressources pour le développement en général,

les idées suivantes sont actuellement à l’étude :

1. Une taxe sur les transactions financières internationales. Proposée par

l’économiste James Tobin, l’idée d’une telle taxe existe depuis 1972, suite à la

grave crise fi nancière mondiale d’alors. Le concept a refait surface plusieurs

fois au cours des dernières décennies, mais il jouit actuellement d’un regain

d’intérêt manifeste dans le travail de réfl exion du Groupe pilote et le soutien qu’y

apportent plusieurs grands pays. Le gouvernement français estime que près de

Page 50: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 51

33 milliards de dollars EU pourraient être levés chaque année grâce à une taxe sur

les transactions liées au dollar EU, à l’euro, à la livre sterling et au yen. On discute

cependant plus des problèmes techniques posés par la levée d’une telle taxe que

de la manière d’utiliser son produit au profi t des pays en développement.

2. Une loterie du développement mondial. Dans seulement neuf des principaux pays

européens, quelque 220 millions de personnes jouent aux loteries nationales.

Lors d’une enquête en 2006, environ 70 % d’entre eux se sont déclarés prêts à

accepter le principe d’un « prélèvement humanitaire » ; cette idée a été promue,

en particulier, pour le financement de l’assistance alimentaire aux pays en

développement, avec le soutien appuyé de la FAO, du PAM et du FIDA ainsi que

du prix Nobel de la Paix Martti Ahtisaari. Plusieurs options sont envisagées,

allant de la création à nouveaux frais d’une loterie mondiale à la fusion de loteries

nationales existantes.

3. Défiscalisation de la TVA. L’Italie a proposé que les entreprises versent

volontairement une part du paiement de leur Taxe sur la valeur ajoutée au

bénéfi ce du développement. Cette idée n’est pas très populaire cependant.

4. Un usage plus effi cace des envois de fonds. Les migrants internationaux envoient

des fonds vers leur pays d’origine, dont certains vont sans doute à l’éducation de

leurs enfants. Les coûts de transaction de ces millions de petits transferts sont

très élevés, de l’ordre de 10 % de leur total. Lors du Sommet du G8 à L’Aquila

en 2009, les chefs d’Etats se sont engagés à réduire ces coûts à 5 %. Les fl ux

de fonds en direction des pays en développement s’en trouveraient évidemment

accrus, mais on ne voit pas très clairement comment ils iront à des dépenses

publiques de développement.

5. Obligations de la diaspora. Les migrants internationaux et enfants veulent souvent

maintenir des liens avec leur pays d’origine et soutenir son développement. On

peut envisager un mécanisme consistant pour les Etats à émettre des obligations

en monnaie nationale, mais achetés par les membres de la diaspora, susceptibles

d’accepter des rendements inférieurs à ceux du marché pour soutenir le

développement et, surtout, d’assumer les risques liés au change – du point de vue

de l’Etat, ces obligations ressortissent uniquement à des transactions en devise

nationale.

6. Garantie fi nancière d’obligations. L’un des cinq projets lauréats du récent Forum

des Innovations Financières pour le Développement parrainé par la Fondation

Gates, la Banque mondiale et l’Agence française de développement était la

proposition de R4D/Affi nity Macrofi nance de lancer une initiative mondiale de

garantie fi nancière « monoligne ». Le modèle économique en est assez simple,

et s’apparente à la co-signature par un parent d’un prêt concédé à son enfant par

ailleurs solvable mais incapable d’obtenir un prêt bancaire ou de l’obtenir à un taux

Page 51: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

52 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

avantageux. En substance la garantie fi nancière confère le niveau de fi nancement

AAA (donc le moins cher) à des projets publics qui seraient normalement cotés

BBB, A ou AA. Après estimation, l’économie réalisée par l’élévation au niveau AAA

est partagée entre l’émetteur et le garant fi nancier – par exemple, une prime de

55 % pour le garant offrirait à l’émetteur une économie nette de 45 % par rapport

au coût de fi nancement normal. Cette technique a été largement utilisée aux

États-Unis. Il est rare que qu’un fi nancement de projets publics essentiels fassent

défaut, mais lorsqu’ils le font, les pertes du garant sont minimes, car l’Etat est

presque toujours dans une situation où il est obligé de procéder au sauvetage de

projets de route ou d’hôpital. Ce modèle peut fortement bénéfi cier aux pays en

développement pour trois raisons: (a) la forte croissance des fonds de pension,

qui, comme on l’a vu plus haut, se montent désormais à environ 1 billion de dollars

EU de part le monde, dont notamment près de 80 milliards en Afrique hors Afrique

du Sud (où on trouve 80 milliards de dollars EU supplémentaires) – ces fonds

de pension pourraient investir dans des obligations orientées-développement et

renforcées par cette garantie fi nancière et ainsi profi ter de rendements supérieurs

à ceux traditionnellement perçus par leurs placements à revenu fi xe ; (b) la bonne

performance macro-économique des pays en développement et l’amélioration

générale de leurs politiques économiques et (c) la croissance des marchés

obligataires en devise locale.

7. Récemment, on a recouru à la conversion de dette pour soutenir le

développement, les donateurs annulant une partie de la dette détenue par les

pays en développement en échange de dépenses spécifi ques. L’exemple le plus

connu l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE, HIPC en anglais), promue par

la Banque mondiale. Ces techniques se déclinent au niveau sectoriel, y compris

en matière de santé et d’éducation, comme on le verra ci-dessous, mais elles ont

beaucoup moins aujourd’hui qu’il y a dix ans en raison des niveaux d’endettement

bien plus bas des pays en développement.

Les fi nancements innovants ont été un succès considérable pour le secteur de la

santé1, qui a bénéfi cié des efforts d’un Groupe de travail international de haut niveau co-

présidé par le Premier ministre britannique Gordon Brown et le président de la Banque

mondiale Robert Zoellick:

1. La Facilité internationale de fi nancement pour la vaccination (IFFIm) lève des fonds

sur les marchés fi nanciers, avec l’aide de la Banque mondiale, en misant sur les

futurs fl ux d’aide à promettre par les donateurs (du Royaume-Uni, France, Italie,

Norvège, Afrique du Sud, Espagne et Suède). Ces fonds sont ensuite utilisés pour

1. La synthèse sui suit s’appuie sur le Rapport R4D de Robert Hecht, Amrita Palriwala et Aarthi Rao,

Innovative Financing for Global Health – A Moment for Expanded US Engagement?, CSIS, mars 2010.

Page 52: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 53

subventionner des vaccins sous-utilisés dans les pays pauvres par l’entremise

de l’Alliance GAVI. Cette approche permet aux donateurs de d’apporter une aide

d’urgence et de combler les lacunes de fi nancement ; elle ouvre aux bénéfi ciaires

un accès de long terme à des financements prévisibles ; elle soustrait les

décisions de fi nancement à l’aléa des décisions prises par les bailleurs de fonds

ou les conseils d’administrations des organisations multilatérales. Actuellement

les donateurs ont promis plus de 5,3 milliards de dollars EU pour soutenir les

émissions d’obligations de l’IFFIm.

2. Les Garanties d’achat futur (Advance Market Commitment AMC) créent un

marché sûr pour les nouveaux vaccins contre des maladies négligées en

instaurant des subventions aux prix adossées à des engagements juridiquement

contraignants. Empruntant elles aussi le canal de l’alliance GAVI, l’AMC a obtenu

pour 1,5 milliard de dollars EU de promesses (de la Fondation Gates, Royaume-

Uni, Canada, Russie, Norvège et Italie) pour un vaccin pneumococcique. L’AMC

récompense les résultats réels – sous la forme d’un vaccin – et ne fi nance pas les

apports.

3. Conversion de la dette pour la santé. Plusieurs centaines de millions de dollars EU

de la dette des pays en développement ont à ce jour été annulés, principalement

par l’Australie et l’Allemagne, avec pour effet de fi nancer des projets menés dans

le secteur de la santé par le Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le

paludisme, qui pratique un système de décaissements fondés sur la performance.

4. Une taxe sur les billets d’avion, désormais perçue dans 12 pays donateurs

(principalement en Europe) fournit des fi nancements supplémentaires à une

nouvelle organisation, UNITAID, une facilité internationale d’achat de médicaments

pour le VIH / sida, le paludisme et la tuberculose. Depuis sa création en 2006, ce

mécanisme a levé des sommes nouvelles de l’ordre de 700 millions de dollars

EU, pour des coûts de transaction relativement bas mais assortis d’une relative

imprévisibilité, comme l’a montré la récente contraction du marché aérien.

5. Massive Good est un nouveau modèle de contributions volontaires mis en place

par une nouvelle organisation, la Fondation du Millénaire, qui encourage à des

petits prélèvements sur des voyages (billets, hôtellerie, location de véhicules) dans

des pays où il n’y a pas de taxe sur les billets d’avion. Ces fonds seront décaissés

par UNITAID pour améliorer la santé maternelle et infantile.

6. RED est une autre modèle de contributions volontaires des consommateurs.

Ceux-ci achètent les produits labellisés RED dont un pourcentage va au Fonds

mondial pour fi nancer des médicaments antirétroviraux en faveur de malades du

SIDA en Afrique. Parmi les entreprises participantes, on trouve Amex, Apple, Dell,

GAP et Starbucks. Près de 42 millions de dollars EU ont été récoltés à ce jour et

RED se donne pour objectif de récolter 140 millions de dollars EU par an.

Page 53: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

54 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

7. Le fi nancement axé sur les résultats en matière de santé. Les fi nancements

innovants comprennent non seulement de nouvelles manières de mobiliser des

ressources mais aussi des solutions innovantes pour optimiser leur usage. Le

fi nancement axé sur les résultats est de plus en plus utilisé dans le secteur de

la santé ; comme son nom l’indique, il récompense les réalisations sans fi nancer

les apports. GAVI et le Fonds mondial y recourent à grande échelle, procédant aux

décaissements uniquement lorsque les niveaux fi xés en matière d’immunisation

et de service aux malades ont été atteints.

Les fi nancements innovants sont également exploités ou à l’étude dans les domaines

de l’agriculture, du changement climatique ou de la micro-fi nance. Plusieurs des idées

développées pour des projets dans le secteur de la santé pourraient être reprises en vue

de soutenir la recherche en agriculture, notamment en combinant le fi nancement par les

donateurs et les mécanismes du marchéÐ. Le Fonds international de développement agricole

(FIDA) dispose par exemple d’un Mécanisme de fi nancement pour l’envoi de fonds, au montant

relativement modeste de 18 millions de dollars EU et qui reçoit chaque année des propositions

de soutient à des projets et des activités visant à réduire les coûts de transaction des envois

de fonds et promouvoir un investissement agricole productif du capital des migrants dans

leur pays d’origine. Le programme de micro-fi nance Kiva, qui met en relation des prêteurs en

ligne dans les pays à revenu élevé et des entrepreneurs en quête de prêts dans les pays en

développement, a jusqu’à présent généré ainsi quelque 136 millions de dollars EU de prêts

de 453 000 prêteurs à 351 000 entrepreneurs dans 50 pays avec un taux de remboursement

de 98,57 % (voir www. kiva.com). Le domaine du changement climatique connaît de nombreux

exemples de fi nancements innovants, notamment pour inciter à la réduction des émissions de

carbone, dont certains sont liés au développement. Le marché du carbone s’élève à quelque

7,2 milliards d’euros dans la seule Union européenne, et il existe divers mécanismes de

fi nancement-carbone gérés par l’ONU et la Banque mondiale en vue de soutenir des projets de

réduction de carbone ainsi que l’initiative de réduction des émissions liées à la déforestation

et la dégradation des forêts (REDD). L’Allemagne, par exemple, met 50 % du produit de son

marché de carbone de côté pour le développement. Si d’autres pays faisaient de même, on

pourrait générer 2 à 3 milliards de dollars EU par an.

Ce rapide survol de secteurs autres que celui de l’éducation emporte des leçons

essentielles pour ce dernier :

Premièrement, il confi rme que les fi nancements innovants peuvent viser des

objectifs différents. Ils peuvent être utilisés pour mobiliser des ressources,

accroître la visibilité d’un secteur ou d’une maladie, promouvoir l’innovation dans

un secteur et promouvoir un usage effi cace des ressources. Il importe donc de

reconnaître que les mécanismes innovants peuvent contribuer à atteindre des

objectifs stratégiques distincts de la levée de fonds.

Deuxièmement, presque toutes les solutions jusqu’à présent mises en œuvre

ont porté sur une amélioration de l’aide (à part des exceptions comme la taxe sur

Page 54: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 55

les billets d’avion et les contributions volontaires pour la santé), ce qui indique

que, d’une certaine manière, l’impulsion en faveur des fi nancements innovants

est principalement venue du sein de la communauté des donateurs. Il n’y a eu

par conséquent qu’un faible accent mis sur le fi nancement intérieur et sur le

fi nancement privé.

Troisièmement, au niveau international du moins, il faut des institutions

fi nancières intermédiaires, qui sont de trois types. Des intermédiaires sont requis,

tout d’abord, pour lever des fonds et promouvoir l’innovation, ainsi de l’IFFIm et

de la Fondation du Millénaire. Ensuite, des intermédiaires doivent intervenir pour

garantir les obligations et assurer des fonctions de trésorerie, telles que la Banque

mondiale pour l’IFFIm et le modèle proposé par Affi nity Macrofi nance. Enfi n, il

faut des intermédiaires pour verser les fonds, comme l’Alliance GAVI ou le Fonds

mondial pour le sida, la tuberculose et le paludisme.

Quatrièmement, des institutions nouvelles peuvent se révéler cruciales si l’on

veut introduire et mettre en œuvre des approches innovantes du fi nancement – en

matière de santé, on trouve notamment le Fonds mondial, GAVI, l’initiative pour

le VIH / SIDA de Clinton, UNITAID et la Fondation Gates. L’apparition de toutes

ces nouvelles institutions a cependant accru la fragmentation du secteur de la

santé car les interventions spécifi ques à de nombreuses maladies rendent plus

compliquée l’assistance aux systèmes de santé des pays en développement. Le

problème ne se pose actuellement pas dans le secteur l’éducation – c’est même

plutôt l’inverse qui est le cas, du fait que l’assistance à l’éducation est concentrée

sur un petit nombre de donateurs bilatéraux et multilatéraux. La principale leçon

à tirer du secteur de la santé est qu’il faut créer de nouveaux mécanismes pas

de nouvelles structures et que les nouvelles entités doivent autant que possible

emprunter les canaux existants. Associer des groupes très divers en partenariats

a été décisif. Pour la santé, par exemple, les financements innovants ont

permis d’associer des ONG, des sociétés pharmaceutiques, des organisations

internationales, des fondations, des donateurs etc.

Cinquièmement, le secteur de la santé a emprunté deux pistes – les fi nancements

innovants ont été aux services de santé et à la recherche dans le domaine. Dans le

secteur de l’éducation, les fi nancements innovants pourraient, de même, soutenir

aussi bien la prestation de services que l’innovation en éducation.

Sixièmement, malgré leur importance, les fonds levés par des mécanismes

innovants restent encore relativement faible, même en comparaison de l’APD.

Mais les fi nancements innovants se sont révélés essentiels pour certains objectifs

spécifi ques et pour rehausser le profi l d’un secteur ou d’une maladie, notamment

la santé et le sida. La même chose pourrait être envisagée pour l’éducation, comme

de rehausser le profi l des objectifs de l’EPT qui on été relativement négligés tout

Page 55: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

56 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

de même que les soins et l’éducation de la petite enfance ou l’alphabétisation des

jeunes et des adultes.

4. IDÉES DE FINANCEMENTS INNOVANTS POUR L’ÉDUCATION

Dans un contexte marqué par les défi cits de fi nancement de l’éducation, le succès

des fi nancements innovants dans d’autres domaines a suscité un intérêt sensible dans le

domaine de l’éducation en 2010. Lors de sa réunion à Santiago les 28 et 29 janvier, le Groupe

pilote a établi un groupe de travail sur l’éducation, présidé conjointement par la France et la

Jordanie et qui s’est réuni pour la première fois à Paris le 11 mai 2010 dans le but de produire

un document pour le Millénaire Sommet à New York le 22 septembre 2010. Réuni à Addis-

Abeba les 23 et 25 février, le Groupe de haut niveau sur l’Education pour tous a demandé

aux partenaires de l’EPT « d’explorer des pistes de fi nancement de l’éducation » et l’UNESCO

prévoit d’organiser un Séminaire du Futur consacré à ce sujet en septembre. Ce document

suit d’une réunion convoquée par l’Open Society Institute, à New York le 30 mars, qui a

également décidé de créer un groupe de travail sur les fi nancements innovants en matière

d’éducation. Pour différentes qu’elles soient, ces manifestations d’intérêt sont le fait d’acteurs

parfois identiques ce qui, nous l’espérons, servira à coordonner les diverses activités de mise

en œuvre.

Comme nous l’avons vu, les fi nancements innovants remplissent plusieurs objectifs.

La Section 2 a permis d’identifi er cinq objectifs possibles pour les fi nancements innovants en

éducation :

• mobiliser des ressources

• accroître la visibilité

• gagner en effi cacité, en effi cience et en équité

• aider les pays affectés par des confl its

• et stimuler l’innovation en éducation.

Ajoutons que l’approche des fi nancements innovants peut s’appliquer aux niveaux

international aussi bien que national et servir à mobiliser des fonds publics aussi bien que

privés. Quant à la mobilisation des ressources, l’approche innovante peut porter sur l’usage en

éducation de fonds non spécifi quement levés pour le secteur ou sur la mobilisation et l’usage

de ressources liées au secteur. Nous avons développé une typologie, disponible en annexe

de cet article, des diverses expériences et modèles de fi nancements innovants en éducation.

Selon les objectifs, on trouve un plus ou moins grand nombre de modèles, voire aucun, ainsi

que le montre le Tableau 2.

Page 56: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 57

Tableau 2 : Typologies des modèles de fi nancements innovants pour l’éducation

Objectif National International

Mobiliser des ressources publiques Beaucoup Beaucoup

Mobiliser des ressources privées Beaucoup Quelques uns

Accroître la visibilité Très peu Peu

Gagner en effi cacité / effi cience Beaucoup Quelques uns

Gagner en équité Peu Très peu

Aider les pays affectés par des confl its Aucun Aucun

Stimuler l’innovation en éducation Aucun Aucun

La présente section ne vise pas à discuter l’ensemble de ces modèles mais à examiner

ceux qui sont les plus débattus à l’heure actuelle et dont nous pensons qu’ils ont le plus de

chances de satisfaire à au moins un des objectifs susmentionnés.

Modèles de mobilisation de ressources spécifi ques à l’éducation

1. Prélèvement sur le football (FIFA). Le rapport EPT 2010 suggère de prélever

0.4 % sur les revenus liés aux retransmissions et les sponsors des cinq ligues

principales de football d’Angleterre, de France, d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne.

Le rapport estime qu’un tel prélèvement permettrait de lever près de 48 millions

de dollars EU et que, en y associant le football et l’éducation, la visibilité de ce

dernier secteur s’en trouverait signifi cativement augmentée.

2. Fonds de dotation de la Coupe du Monde. Également liée au football et contribuant

à rehausser le profi l de l’éducation, une autre idée serait que le pays hôte de la

Coupe du Monde (Afrique du Sud en 2010, le Brésil en 2014) mette en place un

fonds de dotation pouvant être utilisé afi n de fi nancer de futurs projets d’éducation

chez lui et dans des pays pauvres (par exemple en Afrique pour l’Afrique du Sud).

3. Fonds de soutien des enseignants à l’Education pour tous. Des membres du

syndicat international des enseignants Education international ont suggéré l’idée

d’un prélèvement volontaire de 1 % sur les cotisations des syndicats d’enseignants

dans les pays riches destiné à fi nancer un fonds pour l’éducation dans les pays en

développement. Ce grand geste de solidarité permettrait aussi de rehausser le

profi l de l’éducation dans les pays en développement. Encore au stade conceptuel,

la proposition doit faire l’objet d’un travail d’analyse supplémentaire pour être

développée plus avant.

Page 57: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

58 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Ces idées sont toutes utiles pour rehausser le profi l de l’éducation, notamment

si le football y est associé, mais elles ne sauraient générer des ressources en

rapport avec l’échelle des besoins du secteur de l’éducation.

Modèles généraux de mobilisation de ressources appliqués à l’éducation

4. Le secteur de l’éducation pourrait bénéfi cier du produit d’une éventuelle taxe sur

les transactions fi nancières internationales. En effet, les deux groupes de travail

mis en place par le Groupe pilote portent sur un tel projet de taxe et sur l’éducation.

Une autre manière de promouvoir l’éducation serait de créer une loterie pour le

développement global ou d’émettre des obligations internationales. La position

de l’éducation serait encore renforcée si les pays de l’OCDE reconnaissaient eux-

mêmes que, au cours des récessions, l’éducation et les dépenses de formation

doivent être protégées, ou même accrues.

5. Lier le financement du changement climatique à l’éducation. L’éducation est

essentielle pour faire face aux changements climatiques, à la fois au sens

général où des populations éduquées sont plus à même de faire évoluer leurs

comportements et au sens plus particulier où certaines compétences spécifi ques

sont requises pour aider à la transition mondiale vers une économie verte1.

6. Un prélèvement sur les envois de fonds en faveur des écoles. On estime qu’un

prélèvement volontaire de 0,1 % sur les envois de fonds permettrait de lever 300

millions de dollars EU par an. Couplé à une réduction des coûts de transaction,

un tel prélèvement pourrait même être moins onéreux pour les envoyeurs de fonds

que les dispositifs actuels. Il faudrait élaborer des mécanismes pour la collecte

ainsi que pour garantir à l’envoyeur de fonds que le prélèvement a été utilisé pour

atteindre les objectifs fi xés.

7. Obligations des diasporas pour l’éducation. Ce modèle paraît fructueux2 mais il ne

peut, par défi nition, profi ter qu’aux pays d’émigration historique ayant aujourd’hui

une diaspora importante.

8. Conversion de la dette pour l’éducation. Des conversion de dette ont été déjà été

menées, entre 1989 et 1995, notamment des conversions triangulaires de dette

entre l’UNICEF et des pays comme la Bolivie, Madagascar, Mexique, les Philippines

et le Sénégal, et plus récemment, entre l’Espagne et l’Argentine et l’Equateur,

entre l’Allemagne et l’Indonésie, la Jordanie et Pakistan, entre la France et le

Cameroun, la Mauritanie et la Tanzanie, ainsi qu’entre l’Italie et la Guinée. Convertir

1. L’OSI a commandité des recherches sur la relation entre le changement climatique et l’enseignement

secondaire.

2. L’OSI a commandité des recherches sur la question.

Page 58: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 59

la dette reste une option à considérer1, mais, il faut admettre que, globalement,

les perspectives en sont relativement limitées, car le gros de la dette souveraine

détenue par les pays à faible revenu a déjà été remis dans le cadre de l’initiative

PPTE et d’autres initiatives bilatérales des pays du Club de Paris.

9. Racheter de la dette de l’Association internationale de développement (IDA) au

profi t de l’éducation. De tels mécanismes existent déjà, mais pas dans le secteur

de l’éducation. Ils peuvent avoir le grand avantage d’être liés à la performance. Ce

pourrait être une option à envisager pour accroître la soutenabilité à long terme du

Fonds catalytique de l’IMOA.

10. Fonds de dotation pour l’éducation financée par des fonds souverains. Cette

proposition est prometteuse, mais réclame une analyse approfondie et un travail de

préparation. On ne sait pas non plus dans quelle mesure les fonds d’investissement

sont véritablement prêts à y contribuer.

Modèles de mobilisation de ressources au niveau national

11. Des mécanismes de recouvrement des coûts et de partage des coûts sont

pratiquement inévitables au niveau de l’enseignement supérieur, compte tenu

des besoins en fi nancement, et sont appelés à s’imposer au niveau secondaire. La

dépense publique en enseignement supérieur tend, à l’heure actuelle, à favoriser

les couches privilégiées. L’introduction du recouvrement des coûts requerra que

des mécanismes soient mis en place pour s’assurer que les pauvres qui ont pu

accéder à l’enseignement supérieur puissent payer les frais qui leur incombent ou

soient subventionnés. Une telle évolution permettrait, toutefois, de transférer une

part signifi cative de la dépense en enseignement supérieur vers l’éducation de

base. D’un point de vue théorique, le projet est assez simple ; c’est politiquement

qu’il est diffi cile à mettre en œuvre, compte tenu des intérêts des élites politiques

dont les enfants bénéfi cient souvent exagérément des dépenses publiques en

enseignement supérieur. Au Sénégal, par exemple, les enfants des employés du

secteur public ont droit à la gratuité de l’enseignement supérieur.

12. Les partenariats public-privé prennent des formes diverses dans le secteur de

l’éducation, notamment le partage du fi nancement des prestations entre l’Etat

et les organisations du secteur privé (à l’exemple du système britannique de

l’Academy school), l’externalisation intégrale des services afin d’utiliser les

compétences et l’expertise des organisations non gouvernementales (à l’exemple

des initiative du BRAC au Pakistan et en Afghanistan), la subvention de systèmes

mixtes public-privé (comme cela est actuellement envisagé dans le cadre de

1. L’UNESCO prévoit d’organiser un séminaire sur ce thème à la fi n de l’année 2010 en coopération avec

l’Argentine.

Page 59: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

60 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

l’assistance post-séisme des donateurs à Haïti), et des systèmes de subventions

ciblées aux ménages permettant, par le biais de bons, d’acheter des services

éducatifs à des prestataires locaux non gouvernementaux. La participation du

secteur privé dans le domaine de l’éducation de base est controversée car on

peut considérer qu’elle conduit à la privatisation et qu’elle contredit le principe

obligeant l’État à assurer que l’ensemble de ses ressortissants accède au moins

à l’enseignement primaire. Un certain nombre d’exemple démontrent toutefois

que des gouvernements ont pu gérer ces partenariats avec succès tout en

assumant leur responsabilité en veillant à ce que chaque enfant soit éduqué sans

présupposer que l’Etat serait en tout lieu et en toute circonstance l’acteur le plus

compétent pour assurer l’enseignement1.

13. Les familles représentent à ce jour la source la plus importante du fi nancement

privé de l’éducation, notamment par le biais ses sommes consacrées au montant

se monterait à 1 % du PIB en moyenne. Cela démontre combien les parents

sont prêts à fi nancer l’éducation de leurs enfants et combien grande est leur

insatisfaction eu égard au système d’éducation formelle. Il faut rechercher quels

mécanismes permettraient de faire en sorte que le tutorat soit plus en harmonie

avec l’enseignement scolaire et profi te aux pauvres aussi bien qu’à ceux qui en

ont les moyens. Il pourrait être particulièrement opportun que le tutorat porte

notamment sur les premières années scolaires, car il est désormais reconnu que

la plupart des diffi cultés d’apprentissage commencent à ces niveaux plutôt qu’à

ceux qui sont plus proches des examens et des certifi cats.

14. Le fi nancement d’obligations a été largement utilisé aux États-Unis et d’autres

pays pour fi nancer les établissements d’enseignement supérieur – les futurs frais

de scolarité servant à fi nancer les émissions d’obligations. Ce concept pourrait

être appliqué aux pays en développement. Les fonds des donateurs pourraient

compléter les frais de scolarité en contribuant au remboursement d’un emprunt

obligataire pour l’enseignement qui permettrait de déplacer des ressources

publiques de l’enseignement supérieur vers l’éducation de base. Le fi nancement

lié à cet emprunt pourrait être considérablement accru par la participation

d’investisseurs de fonds de pension locaux protégés des pertes par l’assurance de

garantie fi nancière.

15. Autre mécanisme courant aux Etats-Unis, le fi nancement obligataire pourrait

également être utilisé par les collectivités locales pour fi nancer la construction, la

rénovation ou même le fonctionnement des écoles, sous la forme soit d’émissions

1. L’exemple le plus couramment cité est celui du système de bons universels lancé par le Chili au cours des

années 1980 et qui a conduit à une augmentation signifi cative du nombre d’écoles primaires privées, dont

les effectifs ont atteint 51 % en 2005. Voir : Patrinos, H. A., F. Barrera-Osorio, et al. (2009). « The Role and

Impact of Public-Private Partnerships in Education ». Washington, Banque mondiale.

Page 60: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 61

locales, adossées à l’impôt ou des fonds transférés par le gouvernement central,

soit d’emprunts des collectivités locales.

Modèles visant à acheminer les fonds plus effi cacement à l’échelle internationale

16. Contrairement à la santé, l’éducation ne dispose que d’un seul mécanisme de

fi nancement international, l‘IMOA de l’EPT. L’IMOA fait actuellement l’objet d’un

processus de réforme d’ampleur faisant suite à une évaluation externe plutôt

critique. Ces réformes porteront entre autres sur la fusion des divers fonds

d’affectation spéciale existants en un seul « Fonds IMOA », qui offrira un soutien

fi nancier et technique à travers des mécanismes de prestation simplifi és en

proposant des modalités de supervision en alternative à la Banque mondiale et

en faisant un usage accru des systèmes nationaux de fi nancement et de passation

de marché1. Les décaissements de l’IMOA se montent actuellement à environ 200

ou 250 millions de dollars EU par an et contribuent au fi nancement régulier des

plans nationaux du secteur de l’éducation (y compris pour les coûts récurrents).

En cas de succès de ces réformes, l’IMOA pourrait constituer un mécanisme

effi cace d’acheminement des fonds additionnels mobilisés via les instruments

innovants de fi nancement. Lors de la réunion de consultation de l’Open Society

Institute, il a été reconnu que l’IMOA devait impérativement fi gurer à l’ordre du

jour des discussions sur les fi nancements innovants, mais que d’autres voies

devaient également être envisagées selon que de besoin.

17. Les mécanismes d’appui aux pays en confl it ou qui en sortent sont en constante

évolution. Dans les zones de confl it l’aide doit, pour être effi cace, combiner une

réponse rapide à la situation d’urgence à soutien de long terme. La première priorité

est d’assurer la sécurité et les services de base, ce qui implique généralement

l’intervention d’une ou plusieurs des principales organisations des Nations Unies

ainsi que les grandes ONG internationales. Toutefois, ce travail doit être combiné

aux efforts visant à renforcer les capacités des gouvernements locaux à prendre

en charge la gestion des services de base dans les meilleurs délais. L’éducation

a une importance particulière dans la période de reconstruction post-confl it car

elle peut servir aussi bien à soigner les blessures qu’à entretenir la discorde. Les

propositions les plus prometteuses pour développer des approches innovantes au

profi t des programmes d’éducation dans les confl its des pays touchés sont les

suivantes :

1. Rencontre du Conseil des Directeurs de l’IMOA, février 2010.

Page 61: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

62 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

• Répliquer l’expérience OSI-UNESCO de fonds commun pour l’éducation au

Libéria1. Tirer les enseignements de cette expérience d’établissement d’un

fonds commun et étudier les conditions permettant de les appliquer à d’autres

pays aux ressources nationales limitées.

• Renforcer la composante éducative au sein des fonds multi-donateurs

d’affectation spéciale (Multi-donor trust funds ou MDTF). Les MDTF (souvent

gérés par la Banque mondiale) sont devenus un instrument de choix pour fournir

de l’aide dans les situations de post-confl it et les situations d’urgence. Ils offrent

un canal unique aux bailleurs de fonds et devraient contribuer à assurer une

cohérence et une effi cacité accrues du fi nancement. Toutefois, il faut souligner

que, sur le terrain, leur mise en œuvre s’est révélée mitigée du fait que, dans de

nombreux pays, la faiblesse des capacités locales peut fortement retarder les

décaissements2.

• Elargir l’IMOA afi n d’inclure les pays victimes de confl its. L’IMOA bénéfi cie

déjà à plusieurs pays affectés par les confl its3. Cependant, il est à craindre que

l’exigence actuelle de préparer des plans chiffrés pour le secteur de l’éducation

ne conduise à exclure des pays dont les capacités locales sont particulièrement

faibles. Des réformes sont en cours pour introduire une approche progressive

permettant d’évaluer les besoins locaux afi n que l’IMOA profi te à un plus grand

nombre de pays.

18. L’aide basée sur le « paiement à la livraison » (« Cash on Delivery » ou COD) est une

proposition innovante développée par le Center for Global Development (CGD) de

Washington pour fournir des fonds supplémentaires aux pays en développement

en contrepartie de la réalisation d’objectifs fixés à l’avance4 . L’éducation

est au centre de cette proposition à titre de secteur pilote. L’aide basée sur le

« paiement à la livraison » a pour caractéristiques principales de mettre l’accent

sur les résultats plutôt que sur les apports et d’inciter les donateurs à changer

d’approche en adoptant une attitude de laissez-faire en contrepartie d’une

transparence accrue et d’une vérifi cation indépendante des progrès accomplis.

Un ou plusieurs donateurs peuvent, par exemple, signer un accord juridiquement

contraignant avec un ou plusieurs pays afi n qu’un plus grand nombre d’enfants

passent des examens d’évaluation en fi n de scolarité primaire. Au terme d’une

1. Voir « Liberia’s Education Pooled Fund: A case for private foundation engagement in post confl ict education

recovery » Document de travail de l’ESP n° 2, mai 2010.

2. Voir « Operating in insecure environments ». Bureau national de l’audit du Royaume-Uni. Londres, 2008.

3. Il s’agit notamment de : Haïti, la Sierra Leone, la République centrafricaine, le Tchad et, plus récemment,

le Libéria.

4. Voir « Cash on Delivery Aid ». A New Approach for Foreign Aid. CGD. Washington, 2010.

Page 62: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 63

période convenue (typiquement de 5 ans), le pays est payé dès que les progrès

attendus sont confi rmés. Pour être effi cace, le paiement à la livraison devrait venir

en addition et en complément des fl ux d’aide existants et un mécanisme de type

compte séquestre devrait s’imposer pour s’assurer que l’aide est bien acheminée.

Cette proposition a suscité l’intérêt de plusieurs pays en développement et de

certains bailleurs de fonds. Le concept est robuste et prêt à passer à la phase de

mise en œuvre dans un ou deux pays pilotes. Cependant, même s’il a été approuvé

à haut niveau par plusieurs organismes donateurs, le paiement à la livraison n’a

pas réussi à trouver dans le secteur de l’éducation de « pionnier » disposé à se

prêter à la phase pilote1. Cette situation pourrait être débloquée par la création

d’un mécanisme de fi nancement capable de prendre davantage de risques dans

le cadre des efforts visant à promouvoir des approches innovantes pour mobiliser

des ressources fi nancières.

Modèles visant à acheminer les fonds plus effi cacement à l’échelle nationale

19. Programmes de transferts d’espèces conditionnels liés à l’éducation. Il existe

plusieurs exemples de programmes de transferts d’espèces qui procurent

des avantages directs aux ménages qui, en contrepartie, s’engagent à ce

que leurs enfants aillent à l’école ou tirent parti d’autres avantages sociaux2.

Les programmes de cette nature ont pour objectif d’inciter les familles à

accepter le coût d’opportunité que représente la scolarisation des enfants en

échange d’un avantage immédiat pour le ménage. Ces programmes se sont

révélés particulièrement effi caces pour encourager les familles à se tourner

davantage vers certains services sociaux et, par exemple, à scolariser les fi lles

dans des environnements traditionnellement susceptibles de favoriser les

garçons. Atout supplémentaire, ces programmes sont aussi un mécanisme

effi cace de redistribution de richesse au profi t des pauvres et ils peuvent même

être ciblés sur des domaines spécifi ques tels transition fi lles du primaire au

secondaire. L’inconvénient est qu’ils réclament des systèmes très sophistiqués

de gouvernance financière pour assurer un ciblage efficace et garantir que

les fonds parviennent bien aux bénéfi ciaires prévus. C’est ce qui paraît avoir

1. En revanche, les secteurs de la santé et de l’eau se sont montrés plus proactifs et ont commencé à

travailler sur des propositions visant à appliquer l’approche du paiement à la livraison dans leurs secteurs.

2. On trouve, sous une forme ou une autre, des programmes de transferts d’espèces conditionnels dans

pratiquement tous les pays d’Amérique latine. Les exemples les plus connus sont les programmes

Progressa et Opportunidades au Mexique et le programme Bolsa Familia au Brésil). On trouve des

programmes à grande échelle au Bangladesh, en Indonésie et en Turquie, et des programmes pilotes au

Cambodge, le Malawi, le Maroc, le Pakistan et l’Afrique du Sud, entre autres. Voir Fiszbein, A. et N. Schady

(2009), « Transferts monétaires conditionnels. Banque mondiale Rapport sur la politique de recherche »,

Washington, Banque mondiale.

Page 63: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

64 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

empêché l’application de programmes de transferts d’espèces conditionnels

aux pays les moins avancés d’Afrique, qui ont des systèmes de gouvernance trop

peu développés. Il devrait être possible de surmonter certains de ces obstacles

grâce à des partenariats public-privé qui seraient liés à des systèmes d’épargne

alimentés par les transferts d’espèces.

20. Un fonds de capital risque pour l’éducation. Cette proposition vise à créer un fonds

conçu pour mobiliser des ressources provenant de sources nouvelles (y compris

le secteur privé et le marché obligataire) en vue de promouvoir spécifi quement

l’innovation et l’expérimentation en matière de services éducatifs. Il s’agirait

d’inciter les entrepreneurs sociaux (non-gouvernementaux ou gouvernementaux)

à adopter de nouvelles approches pour résoudre des problèmes persistants. Les

questions abordées par le Fonds pour l’éducation de risque pourraient porter sur :

• l’amélioration du rendement de l’apprentissage dans l’enseignement

traditionnel ;

• l’enseignement aux enfants des communautés rurales isolées ;

• l’offre en enseignement ouvert aux élèves du secondaire ;

• la lutte contre l’analphabétisme des adultes par le biais de programmes de

formation sur le lieu de travail.

D’autres idées se feront jour en fonction des circonstances. L’« Education venture

fund » pourrait adopter l’approche d’un fonds d’encouragement et appeler à

des propositions dont les résultats seraient vérifi ables par un comité national

d’experts. Les propositions seraient examinées en regard d’un ensemble groupe

donné de critères assez larges, mais, pour les activités et les thèmes en question,

il faudrait accepter une certaine latitude afin d’encourager l’innovation. Le

programme devrait comporter une évaluation indépendante et s’accompagner

d’une stratégie agressive en matière de communication et de marketing social

afi n de promouvoir les activités du fonds et d’en partager les enseignements aussi

largement que possible.

Cette proposition n’en est encore qu’au stade de projet et sa conception comme

sa mise en œuvre doivent être explorés plus amplement avant qu’on ne puisse se

mettre en quête de fi nancement. Certains éléments de l’initiative « Une éducation

de qualité pour les pays en développement » de la Fondation Hewlett peuvent

servir de prototype pour un tel fonds national de capital risque pour l’éducation1.

L’approche du fonds d’encouragement et le soutien à l’entrepreneuriat social sont

1. Une éducation de qualité pour les pays en développement. Fondation Hewlett.

Page 64: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 65

susceptibles d’être plus attractifs aux yeux des donateurs et des fondations du

secteur privé qu’à ceux des donateurs plus classiques.

5. ETAPES À ENVISAGER PAR LA SUITE

Les fi nancements innovants pour l’éducation ont un potentiel des plus prometteurs

mais il faut encore qu’on trouve mobilisé derrière cette cause une coalition aussi vaste que

celle dont le secteur de l’éducation a bénéfi cié. Il nous semble que cinq étapes sont désormais

nécessaires si l’on veut développer plus avant et concrétiser les fi nancements innovants pour

l’éducation : mieux expliquer ce que représente l’éducation ; obtenir un soutien de haut niveau

en faveur des fi nancements innovants pour l’éducation ; dresser une liste des options et des

potentialités ; explorer plus avant les idées les plus prometteuses ; initier un petit nombre

d’actions ciblées pour rapidement développer et mettre en œuvre quelques idées :

1. Véhiculer une image plus positive des besoins du secteur éducatif

Dans le secteur de la santé, les différentes approches innovantes n’ont pas visé à

fi nancer le secteur dans son intégralité mais à sauver des vies en apportant des

réponses spécifi ques en termes de maladies et de vaccins. De tels messages sont

ensuite présentés d’une manière aisément intelligible aux décideurs et au grand

public. Dans le secteur de l’éducation, le mouvement en faveur des fi nancements

innovants trouve son origine dans la reconnaissance du besoin de fi nancement

de l’éducation de base. Il nous faut maintenant déterminer plus avant comment

ces financements innovants pourraient être utilisés – rappelons que, pour

l’essentiel, les dépenses éducatives sont récurrentes et concernent les salaires

des enseignants ; mais des projets de fi nancement innovant devraient sans doute

être développées autour de concepts plus simples, tels que « Apprendre à lire et à

écrire à un enfant » 1, « des livres pour chaque enfant » ou encore « un enfant, un

bon lecteur ». Avec ces concepts plus simples, il devrait être relativement facile de

convaincre des particuliers de faire des contributions volontaires et aux donateurs

de lancer des initiatives publiques. Une fois les messages ainsi présentés – on

pourra en envisager plusieurs – il importera de procéder à leur suivi et d’évaluer

leur coût, de telle sorte qu’un chiffre en « $ » puisse y être associé comme, par

exemple, à ces livres qu’on voudrait faire parvenir aux enfants. L’expérience du

secteur la santé montre qu’il peut être utile de développer plusieurs scénarios

combinant, aux niveaux local et global, des variable telles que (a) l’extension d’un

programme ; (b) le coût de celle-ci et (c) son impact. Les décideurs et les médias

1. Le concept “9+1” de l’UNICEF en est un exemple, avec 9 années d’enseignement primaire précédées d’une

année d’éducation préscolaire.

Page 65: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

66 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

se verront ainsi proposer une gamme d’options envisageables incluant, pour

chacune d’entre elles, un niveau d’effort, un prix et un impact humain positif.

2. Mobiliser des soutiens de haut niveau.

Le secteur de la santé a bénéficié du soutien de personnalités d’envergure

mondiale, telles que le Premier ministre du Royaume-Uni, le Président de la

Banque mondiale et d’autres. Un tel niveau de soutien en faveur des fi nancements

innovants est également nécessaire pour le secteur de l’éducation. Le Forum

mondial sur l’éducation a lancé l’idée d’une commission pour l’éducation, mais

qui n’a pas emporté une large adhésion. Cantonner le périmètre d’une telle

commission aux fi nancements innovants en éducation (ou, tout au plus, à un

fi nancement de l’éducation qui inclue des solutions innovantes) pourrait être plus

convaincant et permettre de mobiliser le soutien de politiques, d’organisations

non-gouvernementales et d’entreprises au sein d’une coalition du genre que nous

appelons de nos vœux.

3. Dresser une liste détaillée d’options et de potentialités.

Le présent article est un premier essai d’état des lieux de ce qui se fait actuellement

en matière de fi nancements innovants pour l’éducation. Il conviendra d’établir une

liste plus détaillée par la suite, comme cela a été suggéré dans le cadre du Groupe

de travail sur l’éducation du Groupe pilote.

4. Poursuivre la réfl exion.

Les idées les plus prometteuses doivent faire l’objet d’un approfondissement,

ce qui impose de mettre rapidement en place in programme de recherche

appliquée. L’OSI en a lancé l’initiative et entend la prolonger avec des soutiens

supplémentaires en développant au moins deux idées : éducation et changement

climatique et les obligations de la diaspora pour l’éducation.

5. Quelques actions spécifi ques.

Il nous semble que deux idées sont mûres pour une phase d’essai qui permette

d’apprendre par la pratique :

a) Une expérimentation de financement par des obligations nationales qui

s’appuierait sur l’approche d’Affi nity Macrofi nance. Il ne s’agira pas de répliquer

dans sa totalité une entreprise telle que Affi nity Macrofi nance mais de reprendre

l’approche qu’elle propose dans le cadre d’une collaboration impliquant un pays

volontaire et une agence d’aide au développement. Un joint-venture serait formé

avec une entité locale issue du secteur privé ou du secteur public. Le joint-venture

Page 66: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 67

émettrait des obligations dont une partie serait notée AAA grâce à l’assurance

de garantie fi nancière. L’Etat fi nancerait la tranche inférieure de l’obligation ; le

donateur la tranche mezzanine ; le donateur fournirait également une garantie

fi nancière pour la tranche la moins risquée, qui serait vendue à des fonds de

pension locaux. Une telle structure permettrait à peu près de doubler la quantité

d’argent qu’un Etat peut investir dans son secteur de l’éducation grâce au

fi nancement de la tranche mezzanine et à l’attractivité que la garantie fi nancière

conférerait à la tranche senior.

b) Le Fonds de capital risque « ED », pour stimuler l’innovation dans l’ensemble

du secteur de l’éducation à la fois pour la levée de fonds et pour une effi cacité

accrue de l’acheminement de ceux-ci sur le terrain. Il faudra établir une entité (ou

plusieurs) qui s’inspireraient des fonds de capital-risque à caractère commercial

mais dont le retour sur investissement serait mesuré en capital social plutôt qu’en

gains fi nanciers. Un tel Fonds de capital-risque « ED » (le nom n’a rien que de

provisoire – d’autres pourraient être proposés) aura pour mission d’adopter une

approche entrepreneuriale pour lever des fonds au moyen des divers mécanismes

développés pour maximiser les opportunités offertes par la dynamique des

fi nancements innovants aussi bien dans le secteur spécifi que de l’éducation

qu’au profi t du développement en général. Le Fonds de capital-risque « ED »

pourra – et, même, devra – prendre des risques dans le choix des mécanismes

d’acheminement. Il pourrait s’appuyer sur des mécanismes existants (tels que les

projets et programmes de la Banque mondiale, le fonds de l’IMOA, les agences

de l’ONU ou les programmes bilatéraux des donateurs) ou venir en soutien à de

mécanismes nouveaux tels que l’aide basée sur le « paiement à la livraison ».

En matière d’acheminement, ses critères de sélection incluront l’effectivité,

l’effi cience et la mesure dans laquelle des approches innovantes ont été promues.

Si des canaux conventionnels étaient adoptés, le Fonds devrait comporter une

dimension d’innovation dans la technique d’acheminement afi n d’introduire la

possibilité de changements au sein des circuits de fi nancements classiques.

D’autres secteurs connaissent des précédents en matière de fonds d’investissement

social dans les pays en développement aussi bien que dans les pays développés. Le plus

connu d’entre eux est probablement le Fonds Acumen, fonds de capital risque global à but

non-lucratif qui s’appuie sur « des approches entrepreneuriales pour résoudre les problèmes

de pauvreté dans le monde »1. Au Royaume-Uni, le gouvernement a récemment conclu un

1. Acumen a été fondé en 2001 avec un capital initial de la Fondation Rockefeller, de la Fondation Cisco

Systems et de trois philanthropes. Il fournit actuellement des « capitaux patients » à 36 entreprises en

Asie du Sud et de l’Est ainsi qu’en Afrique subsaharienne. Le Fonds soutient des interventions innovantes

en matière de santé, d’eau, de logement, et d’énergie – mais pas en éducation. Les investissements

sont généralement de petite échelle (moins de 1 million de dollars EU) et ils mettent fortement l’accent

sur l’évolutivité et des retours sur investissement de long terme. Les résultats n’ont pas encore été

exhaustivement évalués.

Page 67: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

68 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

partenariat avec Social Finance Limited pour lancer la première Obligation d’impact social,

destinée à fi nancer des organismes sociaux travaillant avec les jeunes délinquants, les

termes de l’obligation stipulant qu’une portion de l’économie réalisée par l’Etat du fait de

la réduction des taux de récidive aille aux investisseurs privés. Social Finance Limited est

un organisme consultatif à but non lucratif dont la création vise à élaborer des produits

fi nanciers conciliant les besoins des investisseurs et ceux des secteurs sociaux, soutenir les

organisations dans leurs efforts pour utiliser ou mobiliser des capitaux et rechercher des

marchés et des opportunités pour des investissements sociaux.

L’enseignement important à tirer du secteur de la santé est que l’innovation nécessite

une ou plusieurs entités caractérisées par l’ambition, la volonté et la mission de changer

les choses. A travers leur succès, l’IFFIm et l’Alliance GAVI ainsi qu’UNITAID et la Fondation

du Millénaire illustrent la valeur que peut avoir une petite équipe motivée rassemblant

des compétences très élevées en fi nance et en gestion et chargée d’innover et de prendre

des risques. La maxime du Groupe pilote est de créer « de nouveaux mécanismes pas de

nouvelles structures » afi n de minimiser les risques de chevauchement ou de concurrence

avec les structures existantes. Cet objectif peut être atteint au mieux en recourant à une

diversité de modèles comprenant éventuellement des accords d’hébergement au sein

d’organisations existantes (comme pour UNITAID à l’OMS) ou la création d’une société écran

dont le conseil d’administration est chargé de superviser les travaux d’un secrétariat hébergé

par un ou plusieurs organismes partenaires (comme pour l’IFFIm et l’Alliance GAVI). Si une

entité distincte était établie, elle devrait être de taille modeste et posséder des compétences

en gestion fi nancière, en communication et en développement des organisations plutôt qu’en

éducation, pour laquelle les compétences techniques proviendraient d’autres organisations.

Page 68: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

UN CADRE JURIDIQUE ET POLITIQUE POUR LE FINANCEMENT DE L’ÉDUCATION DE BASEKishore Singh

Rapporteur Spécial de l’ONU pour le Droit à l’éducation

Les droits de l’homme emportent en général l’obligation pour les États de rendre

disponibles les ressources qui en conditionnent la jouissance. En vertu du droit international

des droits de l’homme, les États ont la responsabilité de fournir les ressources indispensables

à l’effectivité du droit à l’éducation1. Ces ressources sont d’autant plus importantes que le

droit à l’éducation n’est pas uniquement un droit fondamental à lui seul, il est également un

droit indispensable à l’exercice de tous les autres droits de l’homme. Il doit être une priorité

de l’investissement public, car l’individu tout autant que la société en bénéfi cient.

Les Etats membres de l’UNESCO ont également des obligations en vertu de l’Acte

constitutif de l’UNESCO, dont le droit à l’éducation est une partie intégrante ; ce droit ne

peut se réaliser sans la fourniture des ressources nécessaires. En outre, les Etats sont tenus

d’investir dans l’éducation par des obligations politiques qui sont implicites dans un certain

nombre d’instruments adoptés par l’UNESCO dans le domaine de l’éducation. Ces obligations

sont particulièrement importantes dans la Recommandation de l’UNESCO sur la condition

1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) a précisé la nature de ces obligations

en matière d’éducation primaire universelle. Voir son Observation générale n° 11 sur l’article 14 du Pacte

international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Voir l’Observation générale n° 11 (1999) :

Plan d’action pour l’enseignement primaire (art. 14) : 10/05/99. E/C.12/1999/4. L’obligation pour les Etats

d’améliorer les ressources nationale requises pour surmonter les obstacles au droit à l’éducation fi gure

constamment dans les observations fi nales que les organes de traités sur les droits de l’homme des

Nations unies adoptent après l’examen des rapports qui leur sont soumis par les États.

Page 69: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

70 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

du personnel enseignant (1966), qui accorde une haute priorité à l’éducation et à l’affectation

d’une proportion adéquate du revenu national au développement de l’éducation1.

Ces obligations politiques sont renforcées par les engagements collectivement pris

au Forum mondial sur l’éducation en 2000, lors duquel les gouvernements, ainsi que d’autres

acteurs, se sont promis de viser à une stratégie portant, entre autres, à « susciter, aux niveaux

national et international, un puissant engagement politique en faveur de l’éducation pour tous,

défi nir des plans d’action nationaux et augmenter signifi cativement les investissements dans

l’éducation de base » (para. 8, souligné par l’auteur). Conformément à la reconnaissance par

les participants au Forum mondial sur l’éducation de ce que « la volonté politique n’est rien

sans les moyens », il incombe aux gouvernements de fournir les ressources requises pour

réaliser l’Education pour tous (EPT) au niveau national.

Toutefois, en dépit de ces engagements, les dépenses publiques d’éducation sont en

baisse, et l’écart entre les promesses et la réalité ne laisse pas d’inquiéter. Les ressources

venant à manquer, l’agenda de l’EPT prend du retard, et il reste extrêmement diffi cile de faire

respecter le droit universel à bénéfi cier d’une éducation de base.

Le groupe de haut niveau sur l’EPT a toujours souligné combien il est nécessaire de

respecter des normes en matière de mobilisation de ressources pour l’EPT et d’allocation

d’un pourcentage déterminé du budget national (15 à 20 pour cent) ou du PIB (4 à 6 pour cent)

à l’éducation2. Il est donc crucial de s’appuyer sur un cadre juridique et politique durable pour

mobiliser des ressources nationales en faveur de l’EPT. La réfl exion sur les fi nancements

1. A son article 10 (l), la recommandation prévoit que « La possibilité d’atteindre les buts et objectifs de

l’éducation dépendant en grande partie des moyens fi nanciers affectés à cet effet, il conviendrait de

réserver en priorité, dans les budgets nationaux de tous les pays, une proportion adéquate du revenu

national au développement de l’éducation. »

2. Lors de sa cinquième réunion, à Pékin en novembre 2005, le Groupe de haut niveau sur l’EPT a

recommandé que « les pays augmentent la proportion des budgets nationaux allouée à l’éducation de base

afi n qu’elle soit à la mesure de l’ampleur et de l’importance du défi que représente l’EPT, tel qu’exprimé

dans les plans nationaux d’éducation ». Dans le communiqué fi nal publié lors de la sixième réunion du

Groupe de haut niveau sur l’EPT au Caire en novembre 2006, les ministres de l’Éducation ont déclaré

que « les gouvernements des pays en développement continueront d’accroître la part de leur budget

allouée à l’éducation, l’objectif étant qu’elle représente 4 à 6 % du PNB ». Lors de la septième réunion du

Groupe en décembre 2007 à Dakar, les ministres de l’éducation ont émis la recommandation suivante :

« les gouvernements nationaux et locaux devraient mobiliser des ressources nationales suffi santes

conformément aux normes indicatives (~ 6 % du RNB/15 à 20 % du budget de l’État) pour les allocations

à l’éducation, en donnant la priorité à l’éducation de base (> 3 % du RNB/10 % du budget de l’État) ». La

Déclaration d’Oslo « Agir ensemble », proclamée lors de la huitième réunion du Groupe de haut niveau sur

l’EPT en décembre 2008, demande « d’urgence aux gouvernements d’allouer des ressources suffi santes

à l’éducation (4 à 6 % du PNB/15 à 20 % des dépenses publiques) ». À la neuvième réunion du Groupe

en février 2010 à Addis-Abeba, les ministres de l’Education ont appelé « les gouvernements nationaux à

renforcer leur détermination à accroître le niveau actuel de dépenses nationales consacrées à l’éducation

pour le porter au moins à 6 % du PNB et/ou à 20 % des dépenses publiques, en se concentrant davantage

sur […] l’allocation équitable des ressources en fonction des besoins ».

Page 70: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 71

innovants pour l’éducation doit tenir compte du fi nancement public de l’éducation et de la

mobilisation des ressources nationales afi n de réaliser le droit à l’éducation.

A cet égard, il importe de noter que la Déclaration de Paris sur l’effi cacité de l’aide

(2 mars 2005) stipule que le système de fi nancement de l’éducation, y compris des dispositions

budgétaires, doit être renforcé au niveau national. Dans la Déclaration, les pays partenaires

s’engagent à « redoubler d’efforts pour mobiliser des ressources nationales, consolider

la viabilité des fi nances publiques et créer un environnement favorable à l’investissement

public et privé » (souligné par l’auteur). « Consolider les capacités de gestion des fi nances

publiques » relève de ces engagements1. Il convient également de noter que, lors de la

deuxième réunion du Groupe de travail international sur l’éducation du Groupe pilote sur les

fi nancements innovants (17 Juin 2010, Paris) l’une des pistes explorées était « la mobilisation

des ressources nationales ». A cet égard, une grande importance doit être attachée au

principe de solidarité, pertinent tant au niveau national qu’au niveau international.

Il est important que la constitution d’un pays, sa législation nationale et ses politiques

éducatives comportent des dispositions relatives au fi nancement public de l’éducation afi n

que l’obligation de réaliser le droit à l’éducation puisse produire son effet. Les dispositions

constitutionnelles portant à fi nancer l’éducation sont une base solide pour l’élaboration de

lois et de politiques nationales d’éducation. De telles dispositions existent dans certains pays2.

La législation nationale joue un rôle particulièrement important dans la mise en place

d’un cadre juridique et politique de fi nancement de l’éducation. Dans le cadre du processus

de l’EPT, de nombreux pays ont développé / modernisé leur législation nationale. Cela est tout

à fait louable et rend plus légitime encore la nécessité d’un fi nancement public de l’éducation

de base, de plus en plus reconnue comme un droit fondamental. Dans plusieurs pays, on a pu

constater des initiatives qui sont autant d’exemples pratiques des progrès à faire dans cette

direction3.

La recherche de mécanismes potentiels de financement innovant ne doit pas

ignorer les approches nationales de fi nancement de l’éducation, y compris les mécanismes

1. L’« Exposé des résolutions » de la Déclaration de Paris exprime un engagement à renforcer les stratégies

nationales de développement des pays partenaires et les cadres opérationnels qui y sont associés (par

exemple, en matière de planifi cation, de budget et de cadres d’évaluation de la performance), et à procéder

à la « défi nition de mesures et de normes de performance ».

2. Notamment au Brésil et en Indonésie. On trouve également des dispositions de même nature au Costa

Rica, aux Philippines, au Pérou, et en Ethiopie.

3. On peut mentionner : le Brésil, le Nigéria, le Mexique, l’Argentine, l’Indonésie et l’Equateur. En outre, les

lois sur l’éducation en Chine et en Afrique du Sud comportent également des dispositions relatives au

fi nancement de l’éducation. La Chine accorde une importance toute particulière à l’investissement public

dans l’éducation dans son Programme national de réforme et de développement du système éducatif

à long et moyen terme (2010-2020). En matière de politiques de fi nancement de l’éducation, on peut

également se référer aux exemples du Sénégal et de l’Inde.

Page 71: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

72 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

institutionnels, qui permettent de tirer parti de l’existant1. A cet égard, la responsabilité

des collectivités locales et des municipalités est d’une importance particulière. En outre, la

structure fédérale de certains pays exige des modalités de fi nancement spécifi ques en termes

de compétence et de responsabilité respectives des autorités fédérales et provinciales (états).

Mécanismes de fi nancement et allocation équitable des ressources

Il ne suffi t pas de mobiliser des ressources cependant. Il faut encore les utiliser

judicieusement et les allouer là où les besoins sont les plus pressants. Les politiques

d’allocation de ressources doivent répondre aux défi s soulevés par l’égalité des chances dans

l’éducation et la qualité de l’enseignement dispensé.

Face aux défi s que représente l’impératif de qualité, la dépense publique en éducation

devrait se conformer en priorité à une base de normes portant à la qualité de l’éducation.

Dans cet esprit, il faudrait que des normes soient élaborées au niveau national pour fi nancer

l’éducation, en conformité avec les obligations de qualité et les normes stipulées par la

Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de

l’enseignement2 et par le Cadre d’action de Dakar. Au niveau national, la priorité doit être à un

développement et une application de standards pour les normes et l’éducation de qualité – tant

pour les écoles publiques que privées –, qui mettent l’accent sur l’optimisation des dépenses

de développement plutôt que celles liées au fonctionnement3. Les domaines requérant un

minimum de standards et de normes sont, entre autres, le statut du personnel enseignant, le

ratio enseignant-élève, les infrastructures et équipements éducatifs, les manuels scolaires,

l’évaluation des résultats de l’apprentissage, le recrutement et le développement de carrière

d’enseignants qualifi és.

Les politiques nationales sont tout particulièrement entravées par les barrières

sociales et culturelles et l’inégalité des chances, qui bloquent l’accès à une éducation de

qualité. L’élimination des inégalités en matière d’éducation est un défi permanent pour les

gouvernements. Les inégalités et les disparités existantes en matière d’éducation peuvent

1. On peut mentionner le Fundo de Manutenção e Desenvolvimento da Educação Básica – FUNDEB – au

Brésil, la taxe sur la valeur ajoutée de 3 pour cent en Chine, le fond pour l’éducation primaire (Prarambhik

Shiksha Kosh) ainsi que la taxe éducative de 3 pour cent en Inde, le Fonds d’éducation, alimenté par

des fonds / contributions sous la forme d’un crédit garanti par le gouvernement fédéral ainsi que des

subventions de donateurs locaux / internationaux, le Fonds pour les manuels scolaires au Kenya, etc.

Quant à la proposition d’un Fonds de capital-risque pour l’éducation qui serait destiné à mobiliser des

ressources provenant de sources nouvelles, par exemple, les entrepreneurs, on peut se référer à certaines

dispositions des législations éducatives du Brésil et de la Chine.

2. Le second paragraphe de l’article 1 de la Convention affi rme que « Aux fi ns de la présente Convention, le

mot « enseignement » vise les divers types et les différents degrés de l’enseignement et recouvre l’accès

â l’enseignement, son niveau et sa qualité, de même que les conditions dans lesquelles il est dispensé ».

3. A titre d’exemple, on peut citer le Programme Décennal de l’éducation et de formation au Sénégal (2000-

2010), et les normes qui y sont prévues en vue de la réalisation progressive du droit à l’éducation.

Page 72: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 73

être réduites si l’allocation des ressources répond à un souci d’équité1. Outre les inégalités

d’accès à l’éducation, les disparités régionales, la marginalisation sociale et la pauvreté

continuent d’affecter un grand nombre de pays2. L’équité doit être au principe même des

politiques d’éducation afi n que l’allocation des ressources cible l’atténuation des inégalités et

des disparités les plus saillantes.

Il est essentiel de développer des approches nouvelles et des mécanismes innovants

de fi nancement de l’éducation en termes de discrimination positive pour surmonter les

inégalités dans l’éducation. Ces éléments réclament une attention particulière car ils sont

indispensables pour assurer le respect du droit à l’éducation dans toute sa dimension

d’inclusion3. Les enfants issus de groupes socialement et économiquement défavorisés et

marginalisés ou issus de ménages pauvres et qui demeurent privés du droit universel à

l’éducation de base dans nos sociétés de la connaissance, doivent bénéfi cier d’un soutien

fi nancier et pédagogique afi n d’atténuer les inégalités fondées sur l’origine sociale, la fortune,

etc. Leur situation appelle à des changements en profondeur dans la répartition et l’utilisation

des ressources éducatives.

La voie à suivre

Sur la base des expériences disponibles, une action normative devraient être

entreprise en vue d’élaborer et d’appliquer au niveau national des normes appuyées au cadre

juridique et politique du fi nancement de l’éducation, et l’éducation de base en particulier. À

cette fi n, il faudrait s’efforcer de soumettre des grandes orientations ou un vade-mecum à

la consultation intergouvernementale. Ceux-ci pourront ensuite être adaptés à la situation

spécifi que des pays lorsqu’ils élaborent des cadres juridiques nationaux de fi nancement de

l’éducation – pour la mobilisation et l’utilisation des ressources ainsi que l’élaboration des

mécanismes institutionnels.

Développer un tel cadre est essentiel pour les pays qui ont du mal à réaliser l’EPT et

le droit à l’éducation. Face à la diminution des dépenses publiques en éducation, un tel cadre

est essentiel. Il constituerait une base durable pour ces dépenses. Cela ouvrirait de nouvelles

voies, accompagnées d’engagements juridiques fermes, pour aborder la question critique que

1. Selon la Loi scolaire passée par l’Afrique du Sud en 1996, 1996, l’Etat doit pourvoir au fi nancement des

écoles publiques par des fonds publics sur une base équitable afi n de garantir le bon exercice des droits

des apprenants à l’éducation et à la réparation des inégalités du passé dans le domaine de l’éducation

(article 34 (1).

2. Les systèmes de transfert conditionnel d’argent ont pour objectif, dans le contexte de services sociaux,

d’inciter les familles à accepter les coûts d’opportunité induits par l’envoi de leurs enfants à l’école

en contrepartie d’un bénéfi ce immédiat pour les ménages. Le Programme national de réforme et de

développement du système éducatif à long et moyen terme (2010-2020), mentionné ci-dessus à propos

de la Chine, détaille les dispositions touchant à la répartition équitable des ressources dans le cadre de la

nouvelle stratégie de développement de l’éducation.

3. « Dimensions inclusives du droit à l’éducation : fondements normatifs – Cadre conceptuel », UNESCO,

Paris, 2008.

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représentent la mobilisation optimale et l’utilisation judicieuse des ressources en faveur de

l’EPT. Une telle évolution déboucherait sur des investissements durables dans la formation

du capital humain par le biais de l’éducation, et la satisfaction des obligations contractées par

les Etats concernant la réalisation du droit humain fondamental à jouir du droit à l’éducation.

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DEUXIÈME PARTIE

Documents de travail

MOBILISER DES RESSOURCES POUR LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL EN MATIÈRE D’ÉDUCATION: QUELS MÉCANISMES ET QUELS PARTENARIATS INNOVANTS ?Note d’information préparée par

le Bureau de la planifi cation stratégique à l’occasion

du Séminaire UNESCO du Futur sur « Les fi nancements

innovants pour l’éducation »

Paris, Maison de l’UNESCO, 14 septembre 2010

Contexte et objectifs du Séminaire

À moins de cinq ans de 2015, l’échéance fixée en 2000 par la communauté

internationale pour la réalisation d’objectifs clés de l’éducation dans le cadre des Objectifs du

Millénaire pour le développement (OMD), et de l’Éducation pour tous (EPT) dont l’UNESCO est

chef de fi le, l’UNESCO estime crucial que le fi nancement d’une éducation de bonne qualité

fi gure en meilleure place sur l’agenda international. Les sources de fi nancement innovantes

offrent une piste novatrice pour tenter de combler le défi cit de fi nancement de l’éducation,

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76 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

évalué par le dernier Rapport mondial de suivi sur l’EPT à 16 milliards de dollars des États-

Unis pour le seul enseignement primaire. Le partenariat de l’EPT devra donc relever le

défi et explorer l’ensemble des options fi nancières. C’est pourquoi la Directrice générale

de l’UNESCO, Mme Irina Bokova, a décidé de convoquer un Séminaire UNESCO du Futur

sur « Les fi nancements innovants pour l’éducation », réunissant un groupe de haut niveau

d’experts des organisations des Nations Unies, de représentants des gouvernements des

pays en développement, des bailleurs de fonds, des institutions fi nancières internationales

(IFI), du secteur privé, des organisations non gouvernementales et des universités, afi n de

tirer les enseignements d’expériences réalisées dans d’autres secteurs, de répertorier les

possibilités de mécanismes et de modalités de fi nancement innovant de l’éducation et de

recommander des stratégies concrètes pour l’UNESCO.

Les mécanismes de fi nancement innovant : un changement dans le paysage de la coopération pour le développement au service de l’éducation

Huit ans après que la communauté internationale, dans le Consensus de Monterrey sur

le fi nancement du développement (2002), ait reconnu qu’« il est important de rechercher des

sources novatrices de fi nancement » pour favoriser la réalisation des objectifs internationaux

de développement, un net changement s’est opéré dans le paysage international du

développement et de la coopération. Suite au travail entrepris par de nouvelles plates-

formes telles que le Groupe pilote sur les fi nancements innovants pour le développement

(le « Groupe pilote »), lequel comprend à ce jour 55 membres et 5 pays observateurs, 15

organisations et une vingtaine d’ONG, plusieurs initiatives pionnières ont permis d’élaborer et

de mettre en œuvre des mécanismes nouveaux et créatifs de fi nancement du développement,

en particulier dans le secteur de la santé.

Des prélèvements de solidarité sur les billets d’avion aident désormais à lutter contre

le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme grâce à la centrale d’achat de médicaments

UNITAID. La Facilité internationale de fi nancement pour la vaccination (IFFIm) a mobilisé près

de 1,2 milliard de dollars des États-Unis grâce à l’émission d’obligations gouvernementales.

Le premier mécanisme de garantie de marchés (MGM), qui vise à créer des incitations pour

la mise au point de nouveaux médicaments destinés à traiter les maladies liées à la pauvreté,

a généré 1,5 milliard de dollars. Le changement climatique est un autre domaine où l’on fait

preuve d’un esprit d’innovation croissant, avec des modèles visant à exploiter les marchés

du carbone par le biais de mises aux enchères ou de taxes sur le transport aérien et le fret

maritime. La Banque mondiale, les banques régionales de développement et le FIDA font

appel à des mécanismes de fi nancement créatifs comme le pouvoir d’engagement anticipé

(PEA), qui leur permettent d’investir ou de prêter sans délai en se fondant sur des rentrées

futures de fonds provenant de prêts antérieurs. L’Initiative de réduction de la dette des PPTE

et l’Initiative PPTE renforcée ont aidé bien des pays moins avancés, accablés par le poids

excessif du service de la dette, à libérer des ressources pour investir dans des activités

clés de développement. En matière de modèles de fi nancement innovant, les organismes

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 77

d’aide à l’éducation et les défenseurs de l’éducation en sont pourtant encore au stade de la

réfl exion. La création, par le Groupe pilote (au début de 2010 – voir l’annexe I), du Groupe de

travail international sur les fi nancements innovants pour l’éducation, et l’organisation d’un

Séminaire UNESCO du Futur sur « Les fi nancements innovants pour l’éducation », l’un et

l’autre étant perçus comme complémentaires, font partie du processus visant à encourager

la définition et la mise en œuvre de mécanismes de financement non traditionnels au

niveau mondial. Le Séminaire UNESCO du Futur servira de plate-forme de discussion et

de promotion d’instruments de fi nancement innovant destinés exclusivement au secteur de

l’éducation, qui peuvent s’appuyer sur les expériences et les enseignements du Groupe de

travail du Groupe pilote.

Le défi cit de fi nancement de l’éducation menace les avancées éducatives des pays en développement

Comme le préconise le Rapport mondial de suivi sur l’EPT (RMS), il faut impérativement

veiller à ce que les intérêts des 72 millions d’enfants non scolarisés à travers le monde ne

soient pas exclus du fi nancement innovant par la concurrence de demandes formulées dans

d’autres domaines. Le Rapport estime que pour atteindre l’objectif d’éducation primaire

universelle d’ici à 2015, les donateurs auront à combler un défi cit annuel de fi nancement de

16 milliards de dollars des États-Unis. On manque par contre d’estimations sur l’ampleur

du défi cit pour ce qui est des investissements dans l’enseignement secondaire, l’EFTP et

l’enseignement supérieur.

Si les tendances actuelles persistent, le monde risque de manquer les objectifs de

l’EPT d’ici à 2015, notamment l’éducation primaire universelle (OMD 2) et l’égalité entre

les sexes dans l’éducation (OMD 3). En l’absence d’investissements majeurs et d’efforts

supplémentaires, on estime que 710 millions d’adultes ne disposeront toujours pas des

compétences de base et 56 millions d’enfants ne seront toujours pas scolarisés en 2015. Ce

sera particulièrement le cas en Afrique, où l’aide à l’éducation de base a baissé, passant de

1,72 milliard de dollars des États-Unis en 2007 à 1,65 milliard en 2008, alors que cette région

a le plus grand besoin d’une augmentation de l’aide pour réaliser l’enseignement primaire

universel.

Ce déficit est d’autant plus préoccupant que, contrairement à des idées reçues

persistantes sur les capacités des pays les plus pauvres, plusieurs ont démontré qu’ils

pouvaient réaliser la scolarisation primaire universelle ainsi que d’autres objectifs. Des

progrès spectaculaires ont été accomplis en éducation ces dix dernières années, en

contraste frappant avec la « décennie perdue » des années 1990, grâce aux efforts colossaux

de nombreux pays qui ont considérablement augmenté leurs allocations budgétaires au

secteur de l’éducation. Depuis 1999 et le lancement de l’EPT en 2000, le nombre d’enfants

non scolarisés s’est réduit de 33 millions, et ils sont plus nombreux à achever la totalité du

cycle primaire, en particulier chez les fi lles. C’est la preuve que l’augmentation des fonds

affectés à l’éducation, à la formation et plus généralement au développement des ressources

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78 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

humaines est l’un des meilleurs investissements qui soient dans le développement et le bien-

être économique futurs non seulement des pays en développement, mais aussi de l’humanité

toute entière.

Selon les données disponibles les plus récentes, en plus des dépenses publiques et

privées des pays, l’éducation reçoit environ 11 milliards de dollars des États-Unis annuels

au titre de l’aide publique au développement (APD), auxquels s’ajoutent d’importants fl ux

de fi nancement externe non concessionnel, provenant notamment de la Banque mondiale

et des banques régionales de développement. La part de l’éducation dans l’aide totale est

restée à peu près constante au cours des dix dernières années, aux alentours de 12 % (en

2008, l’éducation de base représentait 41 % du total des décaissements de l’aide à l’éducation,

l’enseignement secondaire 17 % et le post-secondaire 42).

Le fi nancement innovant de l’éducation : une chance à saisir au sein du nouveau paysage de l’aide internationale

Bien que les fl ux d’APD aient atteint récemment des niveaux records, alors même

que de nombreux donateurs n’ont pas tenu leurs engagements, leur volume moyen peut se

révéler insuffi sant pour répondre aux besoins des pays en développement dans des délais

satisfaisants. Si on se base sur les niveaux de dépenses actuels et les plans de dépenses

prévisionnelles, l’aide projetée en 2010 pourrait être inférieure de 20 milliards de dollars

des États-Unis aux niveaux visés. De fait, les contraintes budgétaires provoquées par le

ralentissement économique mondial et les décisions politiques et fi nancières prises ensuite

par les gouvernements des pays donateurs amènent à douter que les objectifs d’aide pour

2010 puissent être atteints. Les gouvernements des pays donateurs se débattent avec

le gonfl ement des défi cits budgétaires, cherchant à équilibrer une base de recettes qui se

rétracte avec des dépenses croissantes liées à la relance de l’économie et à la protection

sociale.

Dans ce contexte, les mécanismes de fi nancement innovant suscitent aujourd’hui un

intérêt renouvelé, d’autant que le paysage de l’aide internationale évolue, avec l’apparition

de nouveaux pays donateurs (car si les membres du Comité d’aide au développement de

l’Organisation de coopération et de développement économiques (CAD-OCDE) continuent de

dominer l’APD, on voit surgir de nouvelles et importantes sources d’aide, comme la Chine,

l’Inde, le Brésil, la Russie ou le Qatar), mais aussi la participation croissante d’organisations

issues du secteur privé (fondations et entreprises) et la naissance de nouveaux types

d’institutions fi nancières au service du développement (telle que la GAVI dans le domaine de

l’immunisation). Les mécanismes et les modalités de fi nancement innovant peuvent donc

offrir des solutions pour combler le défi cit de l’éducation. Le défi consiste à identifi er et

exploiter ces nouvelles sources de fi nancement et à créer une masse critique de ressources.

Le secteur privé et les partenariats public-privé sont des sources potentiellement

importantes de financement innovant de l’éducation, notamment à travers la

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 79

formation de consortiums de fondations réunissant les entreprises et les banques

– ce qui peut aussi s’envisager dans l’esprit de l’OMD 8 consistant à « mettre en

place un partenariat mondial pour le développement ». Les données relatives à

l’aide privée ne sont pas faciles à obtenir, mais les éléments disponibles indiquent

une forte croissance au cours des dernières années. Les fondations internationales

– comme la Fondation Bill et Melinda Gates – et les entreprises dominent ces fl ux, jusqu’à

présent largement axés sur la santé publique. L’annexe II fournit des informations sur certaines

modalités opérationnelles et proposées de fi nancement innovant des interventions dans le

domaine de la santé et du climat. Quelques initiatives nouvelles ont toutefois été lancées

récemment dans le domaine de l’éducation, souvent sur la base de partenariats novateurs

entre public et privé. Mobilisant les énergies du secteur privé pour appuyer la mise en œuvre

des plans sectoriels nationaux de l’éducation, le Forum économique mondial de Davos a

lancé l’Initiative mondiale sur l’éducation (GEI), à laquelle ont participé depuis 2003 plus de 40

partenaires du secteur privé, 14 gouvernements, 7 organisations internationales et 20 ONG.

Fort des succès remportés par cette initiative qui se poursuit, le Forum économique mondial

a lancé avec l’UNESCO un nouveau programme intitulé « Partenariats pour l’éducation »,

qui vise à créer une coalition mondiale destinée à promouvoir les partenariats multiparties

prenantes pour réaliser les objectifs de l’EPT. En 2008, l’Open Society Institute a fait un don

de 5 millions de dollars des États-Unis au Programme de reconstruction de l’enseignement

primaire du Libéria. Un autre exemple est offert par la Coupe mondiale de football 2010 et la

campagne « 1 But », important point focal du soutien international à l’Éducation pour tous

dont l’impact, on l’espère, se prolongera au-delà des manifestations de la Coupe du monde

2010 en rappelant aux parties prenantes leurs responsabilités envers le fi nancement accru

de l’EPT.

Des modalités innovantes de fi nancement peuvent également êtes introduites au

niveau national, en particulier sous forme de partenariats public-privé. Cela exige peut-être

une discussion séparée.

Mécanismes et modalités de fi nancement innovant

Un certain nombre de propositions et de modeles sont disponibles, qui permettent de

s’informer sur des approches concernant plus systématiquement le secteur de l’éducation.

L’annexe III fournit une liste indicative de mécanismes et de moyens existants et proposés.

Comme l’indiquait le Secrétaire général des Nations Unies dans son Rapport intérimaire sur

les sources innovantes de fi nancement du développement de 2009, le concept d’innovation

s’étend désormais à des formes aussi diverses que les fonds thématiques d’affectation

spéciale, les mécanismes de garantie et d’assurance publiques, la coopération internationale

en matière fi scale, les prises de participation, les obligations indexées sur la croissance, les

prêts à effet contre-cyclique, les conversions de créances, les systèmes de microfi nance, etc.

La diffi culté consiste à identifi er les nouveaux mécanismes innovants et durables capables

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80 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

de mobiliser une masse critique de ressources dans le domaine de l’éducation. L’annexe IV

contient une liste de propositions de fi nancement innovant à caractère plus général.

Une des grandes leçons à tirer des expériences du secteur de la santé est que

l’approche de fi nancement novateur doit être adaptée aux problèmes qu’elle vise à résoudre.

Autrement dit, commencer par repérer les mécanismes prometteurs, pour chercher

ensuite en faveur de quel domaine d’intervention traditionnel on pourrait obtenir de

nouveaux fi nancements n’est pas nécessairement la bonne solution, surtout s’agissant du

secteur de l’éducation dont les approches sont souvent perçues comme conservatrices et

traditionnelles. Pour attirer les sources de fi nancement innovant et les nouveaux partenaires,

l’évolution vers un fi nancement innovant de l’éducation devra peut-être passer aussi par une

plus large réfl exion sur l’innovation en éducation, en s’attaquant à des problèmes tels que le

renforcement des fonds et programmes de soutien à l’éducation (tels que les mécanismes

de l’Initiative de mise en œuvre accélérée (IMOA) de l’EPT), l’amélioration de l’impact sur

les populations (comment mieux atteindre les marginalisés et les pauvres ou améliorer

l’accès des fi lles et des femmes à une éducation de qualité, par exemple) ou les pays ciblés

(comment mieux répondre aux besoins des pays se relevant d’un confl it ou d’une catastrophe

naturelle, par exemple).

Enseignements tirés des approches du fi nancement innovant : principes clés

À partir des enseignements généraux tirés des expériences existantes et des différents

débats entourant le fi nancement innovant, il conviendra sans doute, lorsqu’on développera de

tels mécanismes et modalités au bénéfi ce de l’éducation, de garder à l’esprit les quelques

principes clés suivants.

Solidarité et équité

Le financement innovant s’appuie sur des valeurs d’équité, de justice et de

responsabilité partagée inhérentes aux OMD. En tant que réponse collective aux effets

négatifs de la mondialisation et aux défaillances du marché, le fi nancement innovant vise

à renforcer la solidarité entre le Nord et le Sud, entre les pays développés et les pays en

développement, voire même entre les citoyens riches et les citoyens pauvres. Il faut pour

cela privilégier des causes qui devraient être spontanément légitimes pour tous, éthiquement

sans reproche et liées à la fourniture de biens publics. Le fi nancement innovant va bien au-

delà de la simple mobilisation de ressources.

Responsabilité et transparence

Les mécanismes et institutions de financement novateur doivent insister sur

l’importance de la responsabilité, de la transparence et de l’élimination de la corruption.

Pour que de tels systèmes soient légitimes et opérationnels, la gestion des fonds doit être

irréprochable.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 81

Des partenariats créatifs au service du développement

Pour que les innovations soient réussies, il faut examiner et tester des modalités de

partenariat, de collaboration et de coopération nouvelles et créatives. Un nouveau paradigme

de partenariat devrait s’efforcer d’intéresser et de faire appel à la générosité de l’ensemble des

principales parties prenantes, depuis les gouvernements et les organisations internationales

jusqu’aux entreprises, aux fondations, aux organisations non gouvernementales, aux

philanthropes individuels et aux citoyens aisés. Comme la réussite des mécanismes de

financement innovant dépend également de l’accueil favorable de l’opinion publique, il

convient également d’impliquer la société civile.

Volonté politique et visibilité élevée

La volonté politique d’innover est un élément clé du succès des mécanismes de

fi nancement novateur. La taxe sur les billets d’avion a ainsi bénéfi cié de l’impulsion donnée

par le président français, Jacques Chirac, qui a créé à cette fi n la Commission Landau sur

les fi nancements innovants du développement. L’introduction du fi nancement innovant dans

le secteur de la santé a bénéfi cié du soutien de personnalités mondiales de premier plan,

comme le premier ministre britannique d’alors, Gordon Brown, le président de la Banque

mondiale, Robert Zoellick, et d’autres acteurs comme Bill Gates, y compris des stars du rock.

Effi cacité maximale

Pour que les mécanismes sélectionnés soient acceptés et appuyés par le plus grand

nombre, ils ne doivent pas être perçus comme susceptibles de créer des distorsions de

marché ou d’inhiber la croissance économique.

Prévisibilité et stabilité à long terme

Les mécanismes de fi nancement innovant sont conçus pour améliorer la prévisibilité

du fi nancement et éviter la volatilité des fl ux. Les mécanismes devraient être choisis pour

leur capacité à fournir un fi nancement à long terme.

Un fi nancement complémentaire venant s’ajouter à l’APD traditionnelle et aux efforts

nationaux

Le financement innovant devra être complémentaire, venant s’ajouter à l’APD

traditionnelle et aux efforts nationaux. Il vise à accroître et diversifier les ressources

disponibles afi n d’atteindre une masse critique de ressources. Le fi nancement innovant

ne vient pas en remplacement des sources traditionnelles d’aide au développement et il

ne devrait pas donner aux donateurs le sentiment qu’ils sont moins tenus de maintenir ou

d’augmenter leur APD.

Page 81: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

82 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Financement ciblé

Les ressources collectées devraient être consacrées à des programmes ciblés

stratégiques, ayant un fort impact et facilement identifi ables, avec des résultats clairs et

mesurables. L’objectif des mécanismes de fi nancement innovant devrait être facilement

compris des responsables politiques ainsi que du grand public.

Coûts administratifs frugaux

L’administration d’une modalité innovante particulière ne devrait pas absorber une

part importante des fonds mobilisés, au risque de voir l’opinion publique se retourner contre

ces efforts. Les mécanismes novateurs devraient aussi éviter de peser trop lourdement sur

les faibles capacités administratives de nombreux pays en développement.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 83

ANNEXE I Rapport de la Deuxième réunion du Groupe de travail

international pour l’éducation du Groupe pilote sur les

fi nancements innovants

(17 juin 2010, Paris)

Lors de la deuxième session du Groupe de travail international sur les fi nancements

innovants pour l’éducation (EifD), tenue sous l’autorité de la présidence japonaise du

Groupe pilote le 17 juin au Siège de l’UNESCO à Paris, l’attention s’est portée sur les

différentes propositions concrètes qui pourraient permettre une mobilisation de ressources

complémentaires de l’aide publique au développement en faveur du secteur de l’éducation.

Parmi les différentes possibilités, cinq axes ont été explorés :

• une taxe sportive (sur le football) qui pourrait être assise sur les transferts de

joueurs de football dans quelques grands championnats, en Europe et dans

d’autres régions dans lesquelles le football est le sport dominant, ou sur les

droits de retransmission télévisée des grands événements du football, tels que la

Coupe du monde de la FIFA ;

• des mécanismes de contributions volontaires liés aux transferts d’argent des

migrants ;

• les remises de dette sectorielles. Les remises de dettes, tant bilatérales que

multilatérales, constituent des réserves fi nancières importantes. Elles peuvent

être conditionnées au ciblage de certains secteurs, notamment les secteurs

sociaux ;

• la mobilisation de ressources internes. Le secteur de l’éducation se caractérise

par un investissement substantiel des ménages qui représente en moyenne 1 %

du PIB consacré au secteur et fi nance principalement des cours de soutien privés

et du matériel pédagogique. Les ressources placées dans les fonds de pension

pourraient également être mobilisées en faveur de l’éducation ;

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84 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

• les partenariats public-privé (PPP). Ces partenariats, qui se sont développés

depuis une vingtaine d’années, peuvent être adaptés au secteur de l’éducation.

Il a par ailleurs été décidé que la troisième et dernière réunion du Groupe de travail se

tiendrait le 13 juillet 2010 à Paris, au Ministère français des affaires étrangères et européennes

(MAEE)

(source : http://www.leadinggroup.org/article652.html).

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 85

ANNEXE II Mécanismes de fi nancement innovants opérationnels

ou proposés dans le domaine de la santé et du climat

SANTÉ

UNITAID

L’approche suivie par UNITAID est innovante à trois titres :

1. le mode de collecte des fonds : une micro-taxe au bénéfi ce de la santé dans le

monde, notamment des fonds provenant de pays à faible ou à moyen revenu,

mettant l’accent sur l’importance d’une solidarité Sud-Sud complétant la

solidarité Nord-Sud ;

2. le mode d’application des fonds : c’est la première initiative internationale en

matière de santé qui s’efforce d’améliorer la santé publique en faisant appel aux

mécanismes du marché. En matière de lutte contre le SIDA, les principaux succès

d’UNITAID ont été remportés en divisant par deux le prix des médicaments.

UNITAID entend également influencer les marchés en ce qui concerne le

paludisme et la tuberculose ;

3. le mode opératoire : la structure rationalisée d’UNITAID (avec des frais généraux

inférieurs à 5 %) garantit le fi nancement et le suivi des programmes proposés

par des partenaires tels que l’OMS, l’UNICEF, l’ONUSIDA, la Fondation Clinton, le

Fonds mondial, Roll Back Malaria, l’initiative Stop TB, etc. (source : Groupe I-8).

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86 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Facilité internationale de fi nancement pour la vaccination (IFFIm)

Créée en 2005 à l’initiative du Gouvernement britannique, l’IFFIm utilise la capacité

d’emprunt à long terme des gouvernements – Royaume-Uni, France, Norvège, Italie,

Suède, Afrique du Sud et Espagne – pour mobiliser des fonds sur les marchés et fi nancer

des programmes de vaccination dans 70 pays parmi les plus pauvres du monde, dans le

cadre de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI). Des engagements

de fi nancement souverains et irrévocables en faveur de l’IFFIm sont structurés en fl ux de

trésorerie croissants sur vingt ans, ce qui lui assure une notation AAA. Les engagements

des gouvernements sur vingt ans sont immédiatement convertis en décaissements au moyen

d’obligations émises sur les marchés des capitaux. Plus d’un milliard de dollars des États-

Unis ont déjà été récoltés, l’objectif étant d’atteindre en vingt ans 4 milliards de dollars

(source : Groupe I-8).

Mécanisme de garantie de marchés (MGM)

Le MGM est un mécanisme de fi nancement pour le développement et la production

de vaccins destinés aux pays en développement. Les donateurs s’engagent à garantir

le prix des vaccins une fois développés, jetant ainsi les bases d’un marché durable. Ces

engagements sont des incitations essentielles pour encourager les producteurs à procéder

à des investissements de grande ampleur dans la recherche, la formation des personnels et

les moyens de production.

Initiative « Debt2Health »

L’Initiative « Debt2Health » est un partenariat entre créanciers et pays bénéfi ciaires,

en vertu duquel les créanciers renoncent au remboursement d’une partie de leurs créances

à condition que le pays bénéfi ciaire investisse un montant convenu des ressources ainsi

libérées dans des programmes approuvés par le Fonds mondial. Ce mécanisme devrait

dégager 125 à 250 millions de dollars des États-Unis au cours de sa phase pilote.

(PRODUCT)RED

(PRODUCT)RED est une marque concédée sous licence à des sociétés partenaires

en vue de recueillir des fi nancements pour le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la

tuberculose et le paludisme. Chaque entreprise partenaire crée un produit porteur du

logo (Product)Red et verse en retour au Fonds mondial un pourcentage sur la vente de ces

produits. Cette initiative a rapporté au Fonds mondial plus de 130 millions de dollars des

États-Unis depuis sa création.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 87

Massive Good

Massive Good est un nouveau mécanisme de contribution volontaire mis au point par

une nouvelle organisation, la Fondation du Millénaire. Il encourage les voyageurs à faire un

micro-don volontaire (via un billet d’avion, une réservation d’hôtel, la location d’un véhicule)

dans les pays où il n’y a pas de taxe sur les transports aériens. Ces fonds seront déboursés par

UNITAID pour promouvoir la santé maternelle et infantile (source : Burnett & Bermingham).

Financement basé sur les résultats

Le financement innovant comprend des modalités novatrices en matière non

seulement de mobilisation, mais aussi d’utilisation effi cace des ressources. Le fi nancement

basé sur les résultats est appliqué de manière croissante dans le secteur de la santé :

comme son nom l’indique, il récompense les résultats au lieu de fi nancer les intrants. Il est

utilisé à grande échelle à la fois par la GAVI et par le Fonds mondial, qui n’opèrent leurs

décaissements que lorsque les niveaux de vaccination et de lutte contre le SIDA visés ont été

atteints (source : Burnett & Bermingham).

CLIMAT

Proposition de taxe-carbone

Taxe mondiale applicable à l’ensemble des émissions de CO2 dans tous les pays,

quelques pays particulièrement pauvres bénéfi ciant d’une exemption par habitant (source :

Spratt).

Mécanisme de fi nancement climatique global (GCFM)

Émission d’obligations sur les marchés internationaux des capitaux, les gains étant

investis dans des activités d’atténuation et d’adaptation (source : Spratt).

Mécanisme de partage du fardeau (TBSM)

Une taxe sur le transport aérien et le fret maritime, avec des taux différents pour les

pays développés et les pays en développement et des exclusions sur les voyages à destination

et en provenance des pays les moins avancés (source : Spratt).

Taxe sur le transport aérien de passagers en faveur de l’adaptation (IAPAL)

Une taxe sur le transport aérien international (source : Spratt).

Page 87: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

88 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Programme international de réduction des émissions maritimes (IMERS)

Une taxe sur le fret maritime international (source : Spratt).

Programme pilote de la Banque mondiale pour la résistance aux chocs climatiques (PPCR)

Des prêts discrétionnaires accordés à des fi ns d’adaptation par les pays développés,

par l’intermédiaire de la Banque mondiale, dans le cadre de l’Aide publique au développement

(source : Spratt).

Contributions d’aide réservées

Les pays développés réservent un fi nancement de 0,5 % de leur PIB, qui est employé

principalement à des mesures d’atténuation (source : Spratt).

Fonds pour le changement climatique (MCCF)

Les pays ont l’obligation de contribuer à ce fonds sur la base de leurs émissions, de

leur population et de leur revenu, à des fi ns principalement d’atténuation (source : Spratt).

Taxe sur les enchères carbone

Un faible pourcentage des gains résultant de la mise aux enchères des quotas

d’émission de CO2 aux États-Unis est affecté au fi nancement d’activités d’adaptation dans les

pays en développement (source : Spratt).

Taxe sur les enchères carbone dans le cadre du Système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE)

Un pourcentage des gains d’enchères sur les permis carbone au sein des pays de

l’Union européenne est affecté au fi nancement des activités d’adaptation dans les pays en

développement (source : Spratt).

Page 88: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 89

ANNEXE III Mécanismes de fi nancement innovant proposés

dans le domaine de l’éducation

On trouvera ci-dessous une liste indicative d’approches du fi nancement innovant, dont

certaines ont été proposées en vue de fi nancer l’éducation.

Conversion de la dette au bénéfi ce de l’éducation

Les mécanismes de conversion de la dette sont également utilisés en faveur du

développement : les donateurs annulent une partie de la dette des pays en développement

en échange de dépenses dans des domaines particuliers, tels que l’éducation. Ce n’est que

lorsque créanciers et débiteurs s’entendent sur l’affectation des ressources ainsi dégagées

qu’un concept de conversion de la dette au bénéfi ce de l’éducation peut s’appliquer à titre

d’instrument complémentaire de fi nancement de l’EPT (source : Burnett & Bermingham et

document 35 C/52 de la Conférence générale de l’UNESCO).

Taxe football (FIFA)

Le Rapport mondial de suivi sur l’EPT 2010 suggère de prélever 0,4 % des recettes

provenant des opérations de diffusion et de parrainage des cinq principales ligues de football

– Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie –, ce qui pourrait générer chaque année

quelque 48 millions de dollars des États-Unis et, en associant football et éducation, donner

plus de visibilité au secteur. Une analyse complémentaire des coûts sera nécessaire avant

d’engager la négociation avec les ligues de football sur les modes de collecte des recettes. Il

faudra aussi des efforts supplémentaires pour garantir la bonne gestion de ce prélèvement et

s’assurer de l’effi cacité des mécanismes d’affectation (source : Burnett & Bermingham).

Page 89: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

90 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Fonds de dotation de la Coupe du monde

Toujours en rapport avec le football et en vue d’améliorer la visibilité de l’éducation

est née l’idée qu’un pays hôte de la Coupe du monde (l’Afrique du Sud en 2010, le Brésil en

2014) crée un fonds de dotation qui pourrait servir à fi nancer des projets futurs en faveur de

l’éducation sur son territoire et dans les pays pauvres (par exemple en Afrique, s’agissant de

l’Afrique du Sud) (source : Burnett & Bermingham).

Fonds des enseignants pour l’Éducation pour tous

Plusieurs membres de l’Internationale de l’éducation, le syndicat mondial des

enseignants, ont suggéré un prélèvement volontaire de 1 % sur les cotisations syndicales des

enseignants des pays riches, qui serait utilisé pour fi nancer un fonds en faveur de l’éducation

dans les pays en développement. Ce serait un acte de solidarité important, qui améliorerait

également la visibilité de l’éducation dans les pays en développement. Cette proposition est

encore au stade de la conception et nécessite un travail d’analyse plus poussé avant sa mise

au point (source : Burnett & Bermingham).

« Financing results you see in development » (Services UC pour le développement, www.yousee.in)

Pays de mise en œuvre : Inde

UC introduit une approche de paiement ex-post basé sur les résultats pour fi nancer le

développement des services éducatifs, sanitaires, énergétiques et environnementaux destinés

aux populations pauvres. L’initiative commence par fi nancer les services aux bénéfi ciaires sur

ses propres ressources. Puis les résultats tangibles et mesurés sont présentés sous forme

de « certifi cats clé-en-main » que donateurs et bailleurs peuvent « acheter ». Le fi nancement

du développement prend ainsi la forme d’un achat de projet, ou de phase d’un projet, après

son achèvement. Le fi nancement est donc fondé sur la présentation des résultats réels, plutôt

que sur des résultats escomptés. En réduisant les risques de coûts d’opportunité des retours

sociaux, ce modèle de paiement ex-post vise à attirer un plus grand nombre de donateurs et

de bailleurs de fonds individuels et institutionnels, afi n de développer et d’améliorer le marché

de la philanthropie et du fi nancement du développement (source : Forum des innovations

fi nancières pour le développement).

Initiative mondiale pour l’éducation (GEI) et Partenariats pour l’éducation (PfE)

Mobilisant les énergies du secteur privé pour appuyer la mise en œuvre des plans

sectoriels nationaux de l’éducation, le Forum économique mondial de Davos a lancé l’Initiative

mondiale sur l’éducation (GEI), à laquelle ont participé depuis 2003 plus de 40 partenaires

du secteur privé, 14 gouvernements, 7 organisations internationales et 20 ONG. Fort des

Page 90: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 91

succès remportés par cette initiative, le Forum économique mondial a lancé récemment avec

l’UNESCO un nouveau programme intitulé « Partenariats pour l’éducation » (PfE), qui vise à

créer une coalition mondiale destinée à promouvoir les partenariats multiparties prenantes

afi n de réaliser les objectifs de l’EPT. Les partenariats multiparties prenantes rassemblent

les gouvernements, le secteur privé, la société civile, les universités et d’autres organisations

afi n de mettre en commun et de gérer conjointement les ressources et les compétences, pour

développer l’éducation et en améliorer la qualité. Ils diffèrent des PPP (partenariats public-

privé) en ce qu’ils mettent explicitement l’accent sur une plus large coalition de partenaires

et de parties prenantes que les seuls secteurs public (gouvernements) et privé (entreprises)

(source : http://www.weforum.org/en/initiatives/gei/index.htm et http://www.pfore.org/).

Coopération Sud-Sud

En 2007, l’UNESCO a lancé un programme de coopération Sud-Sud dans le domaine

de l’éducation comportant la création d’un fonds de coopération Sud-Sud. L’objectif est

d’aider les pays en développement à atteindre les objectifs de l’EPT et les OMD grâce à

l’échange d’expériences, de connaissances et de bonnes pratiques entre pays du Sud, et

avec les pays développés. Cet effort de coopération encourage le partage d’expériences

entre contextes soumis aux mêmes défi s, opportunités ou contraintes. Le programme et le

fonds de coopération Sud-Sud s’appuient sur l’expérience de l’UNESCO dans ce domaine

de coopération, notamment par le biais de l’Initiative de l’E-9, qui réunit les neuf pays du

Sud à très forte population – Bangladesh, Brésil, Chine, Égypte, Inde, Indonésie, Mexique,

Nigéria et Pakistan. L’Initiative de l’E-9 est un forum permettant à ces pays de débattre de

leurs expériences dans le domaine de l’éducation, d’échanger leurs meilleures pratiques et

de suivre les progrès accomplis sur la voie de l’Éducation pour tous (EPT). En 2005, la réunion

du Groupe de haut niveau sur l’EPT a suggéré que l’E-9 serve de catalyseur pour développer

la coopération Sud-Sud. Plusieurs pays de l’E-9 ont la capacité et les ressources suffi santes

pour venir en aide à des pays en développement moins bien lotis et les secourir dans leurs

efforts d’EPT. Ce nouveau partenariat, l’« EPT/E-9 », servira de soutien aux meilleures

pratiques en matière d’enseignement et d’apprentissage, de renforcement des institutions,

de recherche de mécanismes de fi nancement innovant et de promotion des innovations dans

le domaine des TIC.

Page 91: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

92 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

ANNEXE IV Mécanismes généraux de fi nancement innovant

On trouvera ci-dessous une liste indicative d’autres mécanismes de fi nancement

innovant, à caractère plus général.

Loterie mondiale en faveur du développement

Dans neuf grands pays européens seulement, près de 220 millions d’individus jouent à

la loterie nationale. Interrogés en 2006, plus de 70 % d’entre eux se sont dits prêts à participer

à un « prélèvement humanitaire ». Cette idée a été avancée notamment pour aider à fi nancer

les besoins alimentaires des pays en développement, avec le soutien appuyé de la FAO, du

PAM et du FIDA, ainsi que du Prix Nobel de la paix Martti Ahtisaari. Différentes options sont

à l’étude, allant d’une véritable « loterie mondiale » à la combinaison des loteries nationales

existantes. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a, quant à lui, développé l’idée d’une

« loterie humanitaire », consistant à vendre des billets à gratter d’un euro, permettant de

gagner de 20 à 100 euros ou un voyage pour aller visiter un projet de développement. Selon

les calculs effectués par le PAM, cette loterie appliquée au niveau mondial pourrait rapporter

400 millions d’euros par an (source : Burnett & Bermingham et leadinggroup.org).

Bons de la diaspora

Les travailleurs migrants et leurs descendants souhaitent généralement conserver des

liens avec le pays d’origine et participer à son développement. Un mécanisme envisageable

peut prendre la forme d’obligations émises par les gouvernements dans la devise locale,

qui seraient achetées par les membres de la diaspora prêts à accepter une rémunération

inférieure aux taux du marché dans le but de soutenir le développement national, et, surtout, à

prendre le risque de voir baisser les taux de change, ce qui n’affectera pas les gouvernements,

puisque la transaction se fait entièrement dans la devise locale (source : Burnett &

Bermingham).

Page 92: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 93

Mécanismes de garantie fi nancière

Parmi les cinq lauréats du concours récemment organisé par le Forum des innovations

fi nancières pour le développement, sous le parrainage de la Fondation Gates, de la Banque

mondiale et de l’Agence française de développement, fi gure la proposition de R4D/Affi nity

Macrofi nance. Il s’agit d’une initiative de garantie fi nancière « monoligne », qui consiste, pour

l’essentiel, à fournir un fi nancement de niveau AAA (donc moins coûteux) à des projets du

secteur public qui auraient autrement été notés BBB, A ou AA. On calcule le montant des

économies réalisées grâce à cette meilleure notation, qui sont ensuite partagées entre

l’émetteur et le garant – on peut par exemple attribuer 55 % au garant sous forme de prime,

ce qui laisse à l’émetteur une économie nette de 45 % hors coûts de fi nancement normaux.

Cette technique est courante aux États-Unis. Ce type de fi nancement des services publics

de base est très sûr, et, en cas de faillite, le garant n’essuie que des pertes négligeables,

dans la mesure où les gouvernements sont généralement contraints de protéger des projets

primordiaux tels que les routes ou les hôpitaux (source : Burnett & Bermingham).

Affi nity Macrofi nance : des garanties fi nancièresResults for Development Institute (R4D), Corporación andina de fomento (CAF) www.resultsfordevelopment.org

Pays de mise en œuvre : 100 pays du monde en développement

Affi nity MacroFinance (AM) fi nancera des activités de développement dans les secteurs

de la santé, de l’éducation, des PME, des micro-prêts, de l’assurance, des infrastructures et

autres en proposant des garanties notées AAA aux investisseurs obligataires sur 80 marchés

des capitaux des pays émergents. Cette initiative servira aussi les pays plus pauvres ne

disposant pas d’un marché obligataire local, en structurant des fi nancements internationaux

garantis. Détenu par une communauté d’institutions de fi nancement du développement, de

fondations et d’organismes de développement locaux, AM aura accès à près d’un milliard de

dollars des États-Unis provenant de fonds de pension des pays émergents, offrant des modes

de fi nancement à bas prix, à taux fi xe et à long terme, en devise locale, pour des projets

de développement. L’objectif est d’aider les pays émergents à gagner en autonomie pour

le fi nancement de leur développement (source : Forum des innovations fi nancières pour le

développement).

Mécanismes de contribution volontaire relatifs aux transferts de fonds des migrants

Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, les transferts de fonds des

migrants vers les pays en développement ont atteint en 2008 un total de 338 milliards de

dollars. Ces fl ux privés ne constituent pas en eux-mêmes des mécanismes innovants de

fi nancement du développement, mais diverses initiatives permettent de les mobiliser en

faveur du développement et contribuent à en faire des ressources stables, prévisibles et

Page 93: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

94 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

complémentaires par rapport à l’aide traditionnelle, permettant de contrer les effets négatifs

de la mondialisation (source : Groupe pilote).

Sources:

Groupe I-8, Eight Innovative Mechanisms for fi nancing for development, Nations Unies, 2009.

Site Web du Groupe pilote (www.leadinggroup.org).

Landau, J. P., Les Nouvelles contributions fi nancières internationales, rapport de la commission présidée par Jean-Pierre Landau, documentation française, 2004.

Binger A., « Global Public Goods and Potential Mechanisms for Financing Availability », document de référence préparé pour la réunion du Comité des politiques de développement lors de sa cinquième session, 2003.

Spratt, S., Assessing the alternatives. Financing climate change mitigation and adaptation in developing countries, 2009.

Nicholas Burnett et Desmond Bermingham, Innovative fi nancing for education, Open Society Institute, Education Support programme Working Paper Series (2010/5), 2010.

www.unesco.org.

Page 94: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 95

FINANCEMENTS INNOVANTS ET EDUCATION POUR TOUSdans le Rapport mondial de suivi de l’EPT 20101

DÉFICIT DE FINANCEMENT DE L’ÉDUCATION POUR TOUS

Pour atteindre les objectifs de l’éducation pour tous dans les pays à faible revenu,

il faudra un effort de fi nancement majeur. Ces pays ne peuvent pas par eux-mêmes faire

grand-chose pour mobiliser des ressources supplémentaires pour l’éducation. Cependant,

en l’absence d’une forte augmentation de l’aide, les efforts pour accélérer les progrès de

l’éducation de base seront entravés par un important défi cit de fi nancement.

Le Rapport contient une évaluation détaillée des coûts de la réalisation de certains

des objectifs centraux de l’éducation pour tous. Couvrant 46 pays à faible revenu, l’évaluation

inclut des estimations pour l’amélioration de la couverture des programmes destinés

à la petite enfance, l’enseignement primaire universel et l’alphabétisation des adultes.

Contrairement aux exercices précédents de chiffrage des coûts à l’échelle mondiale, elle

prévoit un montant pour atteindre les plus marginalisés. Ce montant est élevé car il coûte

plus cher d’offrir des possibilités d’apprentissage aux enfants défavorisés par la pauvreté, le

sexe, l’origine ethnique, la langue et l’éloignement, qu’à ceux qui ne le sont pas.

Parmi les conclusions majeures et les recommandations du Rapport, il convient de

mentionner celles-ci :

1. Ce chapitre reprend des passages tirés de l’édition 2010 Rapport de suivi de l’EPT : Atteindre les

marginalisés, notamment la Vue d’ensemble et le Chapitre 4 « Le pacte de l’aide : les engagements ne

sont pas tenus ». Pour les sources et références, se reporter à la version originale du rapport disponible

(http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001875/187513F.pdf).

Page 95: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

96 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

• les pays en développement à faible revenu pourraient trouver un montant

supplémentaire de 7 milliards de dollars EU par an – soit 0,7 % du PIB – en

mobilisant davantage de ressources internes et en rendant plus équitable le

budget national ;

• même si des ressources internes accrues sont mobilisées, il restera un défi cit

global de fi nancement de l’éducation pour tous de l’ordre de 16 milliards de dollars

EU par an – soit 1,5 % du PIB – pour les 46 pays à faible revenu retenus dans

l’évaluation. L’Afrique subsaharienne représente environ les deux tiers du défi cit

global de fi nancement, soit 11 milliards de dollars EU ;

• le montant actuel de l’aide à l’éducation de base dans les 46 pays – environ

2,7 milliards de dollars EU – est insuffi sant pour combler le défi cit. Même si les

donateurs tiennent leur engagement d’accroître l’aide, le défi cit de fi nancement

restera considérable, de l’ordre de 11 milliards de dollars EU ;

• il faudrait d’urgence convoquer une conférence d’annonces de contributions en

2010 afi n de mobiliser les fonds supplémentaires requis pour tenir l’engagement

pris à Dakar.

LE BILAN DE L’AIDE À L’ÉDUCATION EST DÉCEVANT

Le montant global de l’aide a augmenté mais les engagements sont insuffi sants

pour obtenir les 50 milliards de dollars EU supplémentaires promis en 2005. L’Afrique est

confrontée au plus gros défi cit de fi nancement, estimé à 18 milliards de dollars EU. L’aide

à l’éducation a progressé, mais les engagements ont récemment stagné. Les engagements

d’aide à l’éducation de base ont diminué de 22 %, tombant à 4,3 milliards de dollars EU en

2007. L’aide ne bénéfi cie pas toujours à ceux qui en ont le plus besoin. Certains donateurs

continuent d’attribuer une priorité insuffi sante à l’éducation de base. Les pays touchés par des

confl its ne reçoivent pas assez d’aide, ce qui compromet leurs perspectives de reconstruction.

L’éducation manque d’un cadre multilatéral solide pour accélérer les progrès, car elle souffre

d’une base de donateurs trop étroite et d’une absence de fi nancement par des sources privées.

Page 96: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 97

Aide totale à l’éducation

Aide totale à l’éducation de base

8,27,6 7,9

9,510,4

12,0

9,9

12,3 12,1

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

7,9

10,010,9

12,2

Mill

iard

s de

dol

lars

EU

cons

tant

s de

200

7

Mill

iard

s de

dol

lars

EU

cons

tant

s de

200

7

1999-2001 2002-2003 2004-2005 2006-2007

3,3 4,0 4,8 4,93,2 3,2 3,4 3,4 4,5 5,6

4,05,5

4,3

Figure 4.7 : Après une augmentation dans la première partie de la décennie, les engagements d’aide en faveur de l’éducation de base stagnentTotal des engagements d’aide à l’éducation et à l’éducation de base, 1999-2007

Note : la figure de droite représente des moyennes de 2 ou 3 années, afin de lisser la volatilité et de rendre plus claire la tendance générale.Source : OCDE-CAD (2009d).

Au moment où les gouvernements ont les yeux tournés vers 2015, échéance fi xée

pour la réalisation de l’enseignement primaire universel et d’autres objectifs plus larges,

les perspectives d’accélération des progrès dépendent en partie des fl ux d’aide à venir. Une

augmentation durable et prévisible de ces fl ux peut contribuer à favoriser des stratégies

d’éducation plus ambitieuses, complétant les ressources disponibles pour former des

enseignants, construire des classes et atteindre les marginalisés. L’aide fournie à l’éducation

continue de croître, mais on ne voit guère se dessiner de mouvement concerté pour mobiliser

les ressources supplémentaires nécessaires à la réalisation de l’enseignement primaire

universel et des autres objectifs de l’éducation. En termes prospectifs, il existe un réel danger

que la réduction des engagements en faveur de l’éducation de base se traduise par des

décaissements moins importants au cours des quelques années à venir.

5,2

7,57,9

8,3

9,7

10,8

2,12,6

3,74,1

Mill

iard

s de

dol

lars

EU

cons

tant

s de

200

7 Aide totaleà l’éducation

Aide totale àl’éducation de base2,9 3,2

2002 2003 2004 2005 2006 2007

Figure 4.6 : Les décaissements d’aide à l’éducation ont connu une tendance constante à l’augmentationDécaissements totaux d’aide à l’éducation et à l’éducation de base, 2002-2007

Note : l’encadré 4.3 explique comment est calculée l’aide totale à l’éducation.Source : OCDE-CAD (2009d).

Page 97: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

98 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Les priorités de l’aide ont beaucoup évolué au cours des dernières années, la part

de l’aide totale consacrée aux divers secteurs ayant pu augmenter, diminuer ou rester à

l’identique. L’éducation se situe dans cette troisième catégorie. L’augmentation du soutien

à l’éducation enregistrée depuis le forum de Dakar, en 2000, a tenu principalement à

l’accroissement général de l’aide plutôt qu’à une redistribution opérée à partir d’autres

secteurs. En 2006- 2007, l’éducation a représenté environ 12 % de l’ensemble des

engagements d’aide destinés à des secteurs, soit autant qu’en 1999-2000. À l’inverse la

santé a été nettement gagnante en termes d’attribution d’aide, sa part dans l’aide sectorielle

étant passée de 11 % en 1999-2000 à 17 % en 2006- 2007. Cette situation refl ète une forte

augmentation de l’aide bilatérale, multilatérale et philanthropique qui transite par des fonds

mondiaux et des programmes nationaux1. Les institutions des Nations Unies, les militants,

les gouvernements et le secteur privé ont réussi à mettre la santé au centre de l’agenda

international du développement.

Le fi nancement de l’éducation n’a pas souffert directement de l’accroissement de la

part de la santé dans les dépenses d’aide. Lorsque l’ensemble des fl ux d’aide augmentent,

une part fi xe se traduit toujours par un accroissement des ressources réelles. En outre,

l’investissement dans la santé génère d’importants bénéfices pour l’éducation. Ce qui

importe, au bout du compte, est de savoir si les fl ux totaux et les objectifs de l’aide sont

proportionnés aux engagements pris par les donateurs en 2000 lors du forum de Dakar.

Malheureusement, ce n’est pas le cas. Si les donateurs intensifi aient leur aide conformément

à l’engagement qu’ils ont pris à Gleneagles, et que la part consacrée à l’éducation de base

demeurait constante, il resterait encore un défi cit de fi nancement de l’ordre de 11 milliards de

dollars EU par rapport aux besoins identifi és dans le présent Rapport. Les donateurs doivent

revoir d’urgence tant le volume total de l’aide programmée que sa répartition sectorielle.

DONATEURS ÉMERGENTS, DONS PRIVÉS ET INANCEMENTS INNOVANTS

Les membres du CAD de l’OCDE dominent encore l’aide internationale au

développement. Cependant, des sources d’aide nouvelles et importantes font leur apparition,

dont certaines pourraient donner un élan signifi catif à l’éducation.

Le total de l’aide fournie par des pays qui ne sont pas membres du CAD présente une

forte tendance à la hausse. Bien que souvent désignés comme « donateurs émergents », de

nombreux membres de ce groupe diversifi é apportent depuis longtemps un soutien aux pays

en développement. En 2007, l’aide en provenance de donateurs non membres du CAD qui

1. Si l’éducation avait progressé au même rythme que la santé, les engagements d’aide directe à l’éducation

auraient été de 15,9 milliards de dollars EU en 2006-2007. Le chiffre réel était de 10,7 milliards de dollars

EU.

Page 98: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 99

faisaient rapport à ce dernier1 s’élevait à 5,6 milliards de dollars EU – soit 4 fois le niveau

de 1999. Le plus important des donateurs émergents est l’Arabie saoudite, qui a dépensé

2,1 milliards de dollars EU d’aide en 2007. L’aide du Brésil a été estimée à 437 millions de

dollars EU et celle de l’Inde à 1 milliard de dollars EU. Les données offi cielles ne sont pas

disponibles pour la Chine, mais les estimations indiquent pour ce pays un budget d’aide total

de 1 à 1,5 milliard de dollars EU en 2006.

Une forte croissance économique, le volume des excédents du commerce extérieur

d’économies majeures telles que le Brésil, la Chine et l’Inde, ainsi qu’une coopération

grandissante dans des domaines comme le commerce et l’énergie pourraient susciter une

expansion durable de l’aide fournie par les pays n’appartenant pas à l’OCDE. C’est pour

cela qu’il est primordial d’améliorer le fl ux d’informations et la communication entre tous

les donateurs. Pour atteindre ce résultat, il faudra élargir les structures de gouvernance de

l’aide, qui doivent être réformées pour s’assurer que les idées des donateurs émergents sont

prises en compte lors de la conception des politiques et de l’identifi cation des priorités.

La composition du portefeuille d’aide des donateurs non membres du CAD est trop

mal connue pour que l’on puisse évaluer l’aide de ces derniers à l’éducation. La Chine

a soutenu des programmes de construction d’écoles en Afrique subsaharienne. Elle a

également accru son soutien à la formation dans le cadre de son aide extérieure. En 2007,

plus de 80 000 personnes avaient participé, dans les pays en développement, à des cours de

formation de courte ou de moyenne durée dans des domaines tels que l’agriculture, la santé,

la gestion et l’éducation, fi nancés par l’aide chinoise. La République de Corée, qui a l’intention

de devenir membre du CAD en 2010, s’attache en particulier aux infrastructures de services

sociaux. L’éducation est l’un des 7 secteurs prioritaires de la stratégie à moyen terme du pays

en matière d’APD et a représenté 14 % (soit 70 millions de dollars EU) de son aide bilatérale

en 2007. En septembre 2008, l’Arabie saoudite s’est associée au lancement d’une nouvelle

action mondiale, intitulée Éducation pour tous : promotion 2015. Elle a promis 500 millions

de dollars EU de prêts concessionnels pour le fi nancement de l’éducation de base – cette

initiative, une première pour l’Arabie saoudite, manifeste que l’éducation de base représente

une part grandissante dans le total des prêts accordés par ce pays.

Les données relatives à l’aide privée ne sont pas complètes, mais les éléments

disponibles indiquent une forte croissance au cours des dernières années. En 2007, l’aide

privée destinée à des actions internationales et déclarée à l’OCDE s’élevait à 18,6 milliards de

dollars EU, chiffre qui sous-estime certainement le fl ux réel. Des fondations internationales –

telles que la Fondation Bill et Melinda Gates – et des entreprises dominent ces fl ux, en grande

partie dirigés vers la santé publique. Une étude récente a montré que 43 % des contributions

1. Notamment l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Hongrie, l’Islande, Israël, le Koweït, la Pologne,

la République de Corée, la République slovaque, la République tchèque et la Turquie.

Page 99: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

100 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

fournies par des fondations établies aux États-Unis étaient destinées à la santé dans les pays

en développement, 6 % seulement étant consacrés à l’éducation.

Ce tableau pourrait commencer à changer. Plusieurs nouvelles initiatives dans

le domaine de l’éducation ont fait leur apparition récemment, comprenant souvent des

partenariats public-privé innovants. En 2008, l’Open Society Institute a fait une contribution

de 5 millions de dollars EU au programme de réhabilitation de l’enseignement primaire

du Libéria. Il s’agit là de l’un des premiers cas où une fondation privée et des donateurs

multilatéraux et bilatéraux ont mis des ressources en commun pour soutenir un programme

national d’éducation – démarche déjà bien établie dans le secteur de la santé grâce au

Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et GAVI Alliance. En

2007, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a lancé sa campagne intitulée

« ninemillion », en coopération avec Nike et Microsoft, dans l’intention de mobiliser 220

millions de dollars EU d’ici à 2010 pour donner à 9 millions d’enfants réfugiés et vulnérables

accès à l’éducation, aux sports et aux technologies. Des projets ont également été engagés

en liaison avec le Forum économique mondial, parfois centrés sur l’emploi des technologies

de l’information et de la communication dans l’éducation. La Jordan Education Initiative,

soutenue par le gouvernement jordanien, des entreprises privées et des organisations

non gouvernementales, travaille avec des enseignants et des élèves à promouvoir un

enseignement interactif dans des « écoles de la découverte ».

Il ne manque pas de modèles de financement innovants sur lesquels fonder des

approches dans le domaine de l’éducation. On peut tirer de nombreux enseignements de

l’expérience acquise dans le secteur de la santé. La Facilité internationale de fi nancement pour

la vaccination (IFFIm) a mobilisé près de 1,6 milliard de dollars par l’émission d’obligations

gouvernementales. La première garantie de marché, mécanisme d’incitation à la conception de

nouveaux médicaments en vue de traiter les maladies liées à la pauvreté, a généré 1,5 milliard de

dollars. Le changement climatique est un autre domaine qui se caractérise de plus en plus par

la pensée créative. Les institutions d’aide à l’éducation et les militants ont cependant été lents à

répondre aux modèles de fi nancement innovants. Il est essentiel de faire en sorte que les intérêts

des 72 millions d’enfants non scolarisés à travers le monde ne soient pas exclus du fi nancement

innovant par la concurrence de demandes formulées dans d’autres domaines. Pour parer à cette

éventualité, des campagnes et un plaidoyer plus effi caces, appuyés sur un leadership politique

plus incisif au sein du système des Nations Unies, seront nécessaires. Les possibilités d’action

doivent être exploitées. Par exemple, la Coupe du Monde de football de 2010 devient un point de

cristallisation important pour l’action et les campagnes internationales relatives à l’éducation

pour tous. En 2009, la France et le Royaume-Uni ont réaffi rmé leur engagement commun de

scolariser 8 millions d’enfants supplémentaires d’ici au début de la Coupe du Monde, même

si les détails – en particulier pour ce qui concerne le budget de l’aide française – restent peu

précis. La Campagne mondiale pour l’éducation travaille avec la Fédération internationale de

football association (FIFA), et plusieurs des principales ligues européennes de football, dans le

cadre de la préparation à la Coupe du Monde, à sensibiliser aux problèmes éducatifs auxquels

est confrontée l’Afrique subsaharienne, ainsi qu’à mobiliser des fi nancements supplémentaires.

Cependant, la sensibilisation et des contributions volontaires limitées ne suffi sent pas.

Page 100: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 101

En 2010, l’Afrique accueillera pour la première foisla Coupe du Monde de football. Cette manifestationétablira une référence en matière de compétitionssportives mondiales. Outre que l’événement serale premier de ce genre à se dérouler en Afrique, ilaura plus de spectateurs et générera plus de recettesde la part des médias et des sponsors que n’importelaquelle des Coupes du Monde qui l’ont précédé.Sous la direction de la FIFA et avec ses membresnationaux, les clubs, les footballeurs et lessupporteurs du monde entier, la Coupe du Mondepourrait également devenir une référence en matièrede lutte contre la privation d’éducation.

Le fait de consacrer à l’éducation ne serait-cequ’une petite partie des recettes que draine l’industriepourrait changer profondément la vie des enfantsnon scolarisés. On imagine ce que pourrait produireun modeste prélèvement sur les revenus des médiaset du marketing (tableau 4.1).

La Coupe du Monde 2010 établit de nouveaux records.En mai 2009, elle avait généré 3,4 milliards de dollars EUde recettes commerciales — soit une augmentationde 48 % par rapport à la Coupe du Monde 2006. Lavente des droits médiatiques constitue la contribution

Encadré 4.5 — L’éducation pour tous et la Coupe

3 511 14 140 4302 068 8 82 7272 068 8 82 7272 044 8 81 7491 422 6 56 897

850 3 34 000

11 963 48 478 530

AngleterreAllemagneEspagneItalieFrance

Coupedu Monde

Total

Tableau 4.1 : Les recettes du football et le prélèvementpour l’école

Notes : sur la base d’un coût unitaire récurrent de 100 dollars EU par enfantdans l’enseignement primaire.Les coûts d’investissement (par exemple pour les classes) nécessaires pourassurer l’enseignement primaire n’ont pas été pris en compte. Les recettescommerciales de la Coupe du Monde sont une moyenne établie sur 4 ans pourfournir un montant annuel de recettes.Sources : Sportcal (2009) ; Deloitte LLP (2009).

Recettescommerciales

annuelles(millions dedollars EU)

Recettes duprélèvementde 0,4 % pour

l’école (millionsde dollars EU)

Estimation dunombre de places

créées dansl’enseignement

primaire

Principales ligues de football

Page 101: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

102 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Les financements innovants pourraient continuer de profiter à l’éducation bien

après la fi n des manifestations liées à la Coupe du Monde 2010. Un accord que pourraient

conclure les principales ligues européennes pour opérer un modeste prélèvement (0,4 %)

en faveur de l’EPT sur les recettes futures du parrainage et du marketing dans les médias

pourrait générer chaque année quelque 48 millions de dollars EU. Acheminées par le canal

d’une Initiative de mise en œuvre accélérée (IMOA) réformée ou par un autre mécanisme

multilatéral, ces ressources permettraient à l’un des sports les plus populaires au monde de

changer réellement la vie de certains des enfants les plus pauvres de la planète.

RÉFORMER L’INITIATIVE MONDIALE POUR L’ÉDUCATION (IMOA)

Lancée en 2002, l’IMOA a été présentée comme participant d’un vaste accord mondial

visant à atteindre les objectifs internationaux de développement. Lors de la Conférence

internationale sur le fi nancement du développement, les pays en développement se sont

engagés à renforcer leur système de planifi cation dans l’optique de la réduction de la pauvreté

tandis que, de leur côté, les pays riches s’engageaient à mobiliser une aide accrue afi n

de soutenir les plans conçus et exécutés par les pays, selon le principe de l’appropriation

nationale.

L’IMOA est devenue le prototype du nouveau modèle, considéré comme un instrument

susceptible de renforcer le processus de planifi cation nationale au moyen de l’élaboration

de stratégies d’éducation appuyées sur une large base qui serviraient de point focal à la

coordination des donateurs et à la mobilisation des ressources. L’Initiative avait pris pour cible

la réalisation de l’enseignement primaire universel d’ici à 2015 et non l’ensemble beaucoup

plus vaste des objectifs de l’EPT défi nis dans le Cadre de Dakar. En réalité, l’IMOA n’a eu

aucun impact tangible, même sur cet objectif restreint.

TIRER LES ENSEIGNEMENTS DES FONDS MONDIAUX POUR LA SANTÉ

Les 10 dernières années ont été marquées par la multiplication rapide d’initiatives

mondiales de fi nancement de la santé. Contrairement à . l’IMOA, ces initiatives ont dynamisé la

progression vers les objectifs internationaux de développement, en recourant essentiellement

à l’aide au développement offi cielle, mais aussi à des mécanismes multilatéraux adaptés à

l’aide philanthropique. Dans une large mesure, la part croissante de la santé dans le total

de l’aide est à mettre au crédit du dynamisme de ces initiatives. Près de la moitié de l’aide

internationale provenant de sources privées est désormais investie dans la santé.

Une grande partie de l’aide internationale supplémentaire attribuée à la santé est

consacrée à des maladies ou à des interventions spécifi ques. Il existe plus de 90 partenariats

mondiaux pour la santé qui, pour la plupart, entrent dans cette catégorie. Parmi les exemples

Page 102: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 103

les plus remarquables fi gurent le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le

paludisme (communément appelé le Fonds mondial) et l’Alliance GAVI1.

Beaucoup plus que ne l’a fait l’IMOA, ces programmes ont renforcé le soutien

politique, en maintenant la santé au cœur du programme mondial pour le développement.

Les partenariats mondiaux pour la santé offrent-ils des enseignements qui pourraient

contribuer à réformer et à redynamiser l’IMOA ? Les comparaisons directes exigent une

certaine prudence. L’éducation se prête moins que la santé à des interventions « verticales »,

comme les vaccinations. En outre, les interventions menées dans le domaine de la santé ont

sans doute plus de poids sur les débats sur l’aide, en particulier lorsqu’il s’agit de la survie

d’enfants et du maintien en vie de personnes touchées par le VIH et le sida.

Pour autant, il ne s’agit pas de surestimer les différences entre santé et éducation.

Dans leur grande majorité, les partenariats mondiaux pour la santé ont renoncé aux

stratégies de fi nancement verticales et étroitement défi nies, conscients que le renforcement

des systèmes de santé était essentiel pour l’effi cacité des interventions axées spécifi quement

sur les maladies. Ainsi, près d’un tiers du total de l’aide octroyée par le Fonds mondial est

désormais destiné au renforcement des systèmes de santé2.

Beaucoup de principes et de pratiques élaborés dans les modèles de gouvernance

des partenariats mondiaux pour la santé sont applicables à l’IMOA. Ces partenariats sont

parvenus à bref délai à accroître les ressources de l’aide tout en maintenant des niveaux

de décaissement élevés. Ils ont nettement mieux réussi que l’IMOA à mobiliser de nouvelles

sources de fi nancement venant compléter les sources d’aide classiques, en particulier en

sollicitant les fondations philanthropiques.

La structure de la gouvernance a largement contribué au succès des fonds mondiaux

pour la santé. Elle a permis d’éviter les dangers liés à la diversité des systèmes de notifi cation

; quant aux règles relatives à la validation des plans et à la distribution de l’aide, elles sont

plus transparentes que celles de l’IMOA, plus efficaces et davantage ancrées dans les

processus nationaux. Les partenariats mondiaux pour la santé permettent également aux

pays en développement et à la société civile d’exercer une plus grande infl uence. Celle des

donateurs y est plus restreinte et, bien qu’étant un acteur important, la Banque mondiale

n’a pas la haute main sur les décisions relatives aux fi nancements. Par rapport à celles

du Fonds mondial et de l’Alliance GAVI, les structures de gouvernance de l’IMOA, placées

sous l’autorité des bailleurs de fonds, paraissent anachroniques, ineffi caces et coupées des

réalités politiques.

1. L’ancienne Alliance mondiale pour la vaccination et l’immunisation.

2. L’Alliance GAVI apporte elle aussi un soutien accru au renforcement des systèmes de santé. L’attribution

supplémentaire de 300 millions de dollars EU à cet objectif en 2008 porte le total à 800 millions de

dollars EU. Les plans actuels visent à garantir que la moitié des pays ayant droit à l’aide de l’Alliance

obtiennent un fi nancement destiné au renforcement de leur système de santé d’ici à 2010.

Page 103: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

104 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

FONDS MONDIAL

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a été créé pour

combattre des maladies qui tuent 6 millions de personnes par an. Il a d’abord fait l’objet de

discussions lors du G8 en 2000 ; 1 an plus tard, au terme d’une session spéciale, l’Assemblée

générale des Nations Unies prenait l’engagement de créer un nouveau fonds, à la suite de

quoi le Sommet du G8 de 2001 convenait de mobiliser des ressources.

Un secrétariat permanent a été établi en janvier 2002 et, 3 mois plus tard, une

première série de subventions accordées à 36 pays était approuvée. Le Fonds a fourni des

traitements antirétroviraux à près de 2 millions de personnes, procuré des traitements contre

la tuberculose à 4,6 millions de personnes, distribué 70 millions de moustiquaires imprégnées

d’insecticide et sauvé près de 3,5 millions de vies.

À la fi n 2008, il avait décaissé 7 milliards de dollars EU. L’objectif actuel consiste à

réduire à 8 mois l’intervalle entre engagements et décaissements, actuellement compris entre

9 et 11 mois – soit moitié moins que les délais de décaissement post-2007 de l’IMOA. En 2008,

96 % des fi nancements prévus sous forme de subventions ont été décaissés et seuls 16 %

des subventions en cours avaient un taux de décaissement inférieur à 75 %. Cette rapidité

de décaissement s’explique notamment par l’élaboration de règles destinées à utiliser et à

renforcer les systèmes nationaux d’achat et de notifi cation. L’autre raison tient à l’assistance

technique fournie aux pays qui peinent à respecter les conditions de décaissement.

Le caractère effi cace et responsable de la gouvernance a également joué un rôle

central dans la constance de l’acheminement. On trouvera ailleurs une description détaillée

du système de gestion et d’administration. Pour les besoins de la comparaison avec l’IMOA,

plusieurs traits distinctifs ont été mis en relief.

• Indépendance institutionnalisée. Le statut juridique du Fonds mondial est celui

d’une fondation de droit suisse, il ne constitue pas un fonds d’affectation spéciale

multi-donateurs. Il bénéfi cie du soutien administratif de l’Organisation mondiale

de la santé (OMS) et du soutien fi duciaire de la Banque mondiale. La Banque

mondiale se borne à décaisser des fonds sur instruction du Secrétariat du Fonds

mondial. Le Secrétariat est plus important que celui de l’IMOA. Employant environ

470 personnes, il est responsable devant le conseil d’administration dans son

ensemble. Les incitations institutionnelles qui en résultent sont très différentes

de celles du Secrétariat de l’IMOA.

• Une large base de donateurs. Afi n de fournir une aide durable et prévisible,

le Fonds mondial utilise un système fondé sur des réapprovisionnements

sur des cycles de 2 ans. À compter de 2010, les dispositifs relatifs aux

réapprovisionnements s’étendront sur un cycle de 3 ans. Pour 2008- 2010, les

subventions totales devraient atteindre 9,5 milliards de dollars EU. Beaucoup

de donateurs qui n’ont versé qu’une contribution modeste à l’IMOA, parmi eux

l’Allemagne, la France, le Japon et les États-Unis, soutiennent activement le

Page 104: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 105

Fonds mondial. Les contributions des États-Unis, en particulier, représentent le

quart du total.

• Un financement novateur. De 2001 à 2009, les contributions provenant

d’organisations philanthropiques privées et de dispositifs de financement

novateurs ont atteint 642 millions de dollars EU. Outre la Fondation Bill et Melinda

Gates, 13 grandes sociétés ont apporté une contribution directe ou indirecte.

• Engagement durable. Le Fonds mondial fonctionne selon un cycle de subvention

de 5 ans (contre 3 ans pour l’IMOA). Conformément à la stratégie 2007-2010, un

mécanisme a été créé afi n de soutenir les programmes performants pendant

6 années supplémentaires. Ce nouveau mécanisme reflète un engagement

grandissant en faveur d’une aide prévisible à long terme afi n de viabiliser les

fi nancements une fois réalisés les investissements destinés au renforcement des

systèmes de santé, notamment pour ce qui concerne les dépenses courantes

comme les salaires.

• Large représentation mondiale. Le conseil de supervision du Fonds mondial fi xe

les axes prioritaires et approuve les subventions. Il se compose de 24 membres,

dont 20 disposent du droit de vote : 7 représentants des pays en développement,

8 représentants des pays donateurs, 3 représentants de la société civile, 1

représentant du secteur privé et 1 représentant de la Fondation Gates. Grâce à

cette structure, les pays en développement exercent une infl uence beaucoup plus

forte qu’au sein de l’IMOA.

• Solidité de l’appropriation nationale. Les pays élaborent des plans et soumettent

des propositions au Fonds mondial à travers l’Instance de coordination nationale,

partenariat au niveau local composé habituellement des gouvernements et des

donateurs, ainsi que de représentants d’organisations non gouvernementales, de

groupes confessionnels, du secteur privé, des universités et de personnes touchées

par les maladies. L’Instance de coordination nationale désigne 1 ou 2 organismes

comme récipiendaires principaux, ou gestionnaires et administrateurs, des

subventions du Fonds mondial. Dans les deux tiers des cas, les récipiendaires

principaux sont des organismes publics mais il arrive que les responsabilités

soient partagées. Par rapport aux processus de l’IMOA, ce mécanisme suscite un

engagement plus fort chez un nombre d’acteurs plus élevé.

• Transparence du processus décisionnel. L’approbation et le décaissement sont

régis par des règles et des mécanismes clairement défi nis. Un comité technique

d’examen des propositions évalue ces dernières et formule des recommandations

à l’adresse du conseil d’administration, en motivant son approbation ou son refus.

Les propositions refusées peuvent être modifi ées et soumises une nouvelle fois.

Si elle fait de nouveau l’objet d’un refus, le pays candidat peut former un recours

auprès d’un comité d’appel indépendant. L’Équipe mondiale d’appui à la mise

en œuvre, autre mécanisme institutionnel, accorde des subventions destinées à

Page 105: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

106 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

renforcer les capacités techniques des instances de coordination nationale1. Ces

processus tranchent avec ceux de l’IMOA sur deux aspects clés. En premier lieu,

au niveau national, le groupe local de donateurs n’est qu’un intervenant parmi

tous ceux qui décident si les plans nationaux doivent faire l’objet d’une demande

de fi nancement. En second lieu, une fois les plans soumis, les donateurs n’ont

qu’une infl uence restreinte sur la procédure d’approbation. À l’inverse, le comité

du Fonds catalytique peut rejeter une demande sans donner d’explication et les

candidats ne disposent d’aucune possibilité de recours.

• Interventions dans les États fragiles et les pays touchés par un confl it. Le

conseil d’administration du Fonds mondial a d’emblée reconnu la nécessité de

trouver des moyens de travailler dans les pays en situation de confl it et dans les

États fragiles, qui reçoivent près d’un tiers du total des subventions.

Aide totaleà l’éducation

Aide totale àl’éducation de base

1999-2001 2002-2003 2004-2005 2006-2007

15 %

19 % 19 %

24 %

Part

de l’

aide

des

tinée

aux

pay

spa

uvre

s to

uché

s pa

r des

con

flits

12 %

14 %

17 %

15 %

Figure 4.13 : Les pays pauvres touchés par des conflits reçoivent une faible partde l’aide à l’éducationPart de l’aide totale à l’éducation et à l’éducation de base (engagements) allouée aux pays

pauvres touchés par des conflits, 1999-2007

Source : OCDE-CAD (2009d).

Alors que le comité du Fonds catalytique a rejeté la demande de fi nancement du

Libéria et n’a pas décaissé les fonds attribués à la Sierra Leone, le Fonds mondial a versé

près de 54 millions de dollars EU au Libéria et 43 millions de dollars EU à la Sierra Leone

depuis 2004. Les inquiétudes suscitées par les capacités nationales et les systèmes de

notifi cation en Sierra Leone ont abouti à la mise en place d’un mode d’intervention innovant :

le ministère de la Santé ayant été désigné comme récipiendaire principal, des contrats ont été

1. Sept organismes – OMS, FNUAP, UNICEF, PNUD, ONUSIDA, Fonds mondial et Banque mondiale – ont créé

l’Équipe mondiale d’appui à la mise en œuvre (GIST) en 2005 pour remédier à l’insuffi sance des capacités.

Hébergée par l’ONUSIDA, la GIST comprend désormais l’Allemagne et les États-Unis, ainsi que d’autres

organisations. Les outils techniques et la base de données qu’elle a élaborés ont pour but de fournir un

appui au renforcement des capacités.

Page 106: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 107

passés avec près de 39 « sous-récipiendaires ». Dans les pays où le gouvernement ne dispose

pas d’une capacité de mise en œuvre suffi sante et qu’il n’est pas en mesure de respecter

les normes de notifi cation des bailleurs de fonds, la rapidité des décaissements s’en ressent

inévitablement. Or, les analyses montrent que le niveau de décaissement des subventions

est comparable à celui d’autres pays. Bien qu’en raison du montant considérable des

fi nancements verticaux, les systèmes de santé des pays en confl it risquent, plus qu’ailleurs,

de subir des déséquilibres, on peut diffi cilement s’empêcher de conclure que, dans ces pays,

l’IMOA présente un bien piètre bilan par rapport à celui du Fonds mondial.

Pakistan

Éthiopie

Afghanistan

Sénégal

Ouganda

Népal

Rwanda

Soudan

R. D. Congo

Côte d’Ivoire

Burundi

Angola

Sierra Leone

Érythrée

Tchad

Myanmar

Somalie

Rép. centrafricaine

Guinée-Bissau

Libéria

0 50 100 150 200 250 300 350 400

Millions de dollars EU constants de 2007

Aide totaleà l’éducation

Aide totale àl’éducation de base

371

280

138

136

127

68

66

61

55

43

36

35

22

18

17

13

11

9

5

11

Figure 4.14 : La répartition de l’aide à l’éducation entre les pays pauvres touchéspar des conflits est inégaleTotal des décaissements d’aide à l’éducation et à l’éducation de base dans les pays pauvres

touchés par des conflits, moyenne 2006-2007

Source : OCDE-CAD (2009d).

ALLIANCE GAVI

Inaugurée en 2000 lors du Forum économique mondial grâce à une subvention de

départ versée par la Fondation Gates, l’Alliance GAVI est un partenariat mondial pour la santé

ayant pour objet d’élaborer, de distribuer et d’évaluer des vaccins améliorés pour les enfants

vivant dans les pays à faible revenu.

Page 107: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

108 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

À l’instar du Fonds mondial, il n’a fallu que peu de temps à l’Alliance GAVI pour

accroître son fi nancement. Les engagements des donateurs depuis 2000 s’élèvent au total

à 3,8 milliards de dollars EU et, selon les estimations, les décaissements annuels devraient

dépasser 1 milliard de dollars EU en 2009. Entre une demande de financement et le

décaissement, il s’écoule généralement 6 mois.

• L’OMS estime que le soutien de l’Alliance GAVI aux programmes de vaccination

a permis d’éviter 3,4 millions de décès. La moitié des 72 pays à faible revenu

répondant aux critères de l’Alliance GAVI sont situés en Afrique subsaharienne.

Le renforcement des systèmes de santé dans les États fragiles et dans les pays

touchés par un confl it jouit d’une attention particulière. Les pays bénéfi ciaires

comprennent l’Afghanistan, la République démocratique du Congo et le Libéria.

• Bien que l’Alliance GAVI se distingue du Fonds mondial par sa taille et par sa

mission, il est possible d’établir des parallèles entre les systèmes de gouvernance

de ces deux organisations. L’Alliance GAVI a mis en place une large base de

soutien fi nancier comprenant à la fois des donateurs bilatéraux et des donateurs

privés1 Les donateurs .et les gouvernements des pays développés sont également

représentés au sein d’un conseil d’administration composé de 28 membres, étayé

par un secrétariat où travaillent quelque 120 personnes. Les subventions sont

accordées sur la base d’une procédure de demande de fi nancement transparente.

Un comité d’examen indépendant, composé d’experts venant principalement

de pays en développement, examine les propositions des pays et formule des

recommandations au conseil d’administration. Près de 90 % des propositions

sont approuvées dès la première ou la deuxième demande. Tout cela forme un net

contraste avec l’IMOA.

• Comme dans le cas du Fonds mondial, l’innovation représente un autre trait

distinctif. L’Alliance GAVI a mis au point deux mécanismes soutenus par des

partenariats public-privé. L’opération de garantie de marché (advance market

commitment) permet aux donateurs de souscrire des engagements pour acheter

des vaccins qui ne sont pas encore disponibles, créant ainsi une incitation pour

la recherche sur les vaccins contre des maladies telles que la pneumonie et les

infections à rotavirus2. La Facilité internationale de fi nancement pour la vaccination

(IFFIm) émet des obligations sur les marchés fi nanciers internationaux, ce qui

garantit à l’Alliance GAVI une source de revenus prévisible, et rembourse les

détenteurs d’obligations au moyen des fonds mobilisés par les donateurs. L’IFFIm

a mobilisé 1,2 milliard de dollars EU depuis 2000, une importante injection de

1. Entre 2000 et 2008, les gouvernements donateurs ont mobilisé 1,5 milliard de dollars EU, contre 1,1 milliard

de dollars EU pour les fondations et les personnes privées. En 2008, sur les 81,5 millions de dollars EU

provenant de personnes et de fondations privées, 75 millions ont été fournis par la Fondation Gates.

2. Les maladies pneumococciques et les infections à rotavirus (cause la plus commune de diarrhée aiguë)

sont les deux premières causes de décès chez les enfants de moins de 5 ans.

Page 108: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 109

fonds ayant été réalisée en 2007 et 20081. Ainsi, en 2008, La Caixa, l’une des plus

grandes caisses d’épargne espagnoles, a lancé auprès de ses employés et des

entreprises clientes chez elle une campagne de collecte de fonds qui a permis de

rassembler 5 millions de dollars EU.

VERS UNE NOUVELLE INITIATIVE MONDIALE POUR L’ÉDUCATION

L’Initiative de mise en œuvre accélérée n’est parvenue ni à produire des résultats sur

le terrain ni à faire offi ce de point focal des efforts internationaux engagés pour mobiliser des

ressources supplémentaires en faveur de l’éducation. Pour bon nombre d’observateurs, il est

illusoire de croire qu’il suffi rait d’accroître le soutien fi nancier à l’IMOA pour relever le défi

d’une progression plus rapide vers les objectifs de 2015.

Dans un tel contexte, on comprend facilement pourquoi le remplacement de l’IMOA

suscite un intérêt croissant. Les événements récents qui se sont produits aux États-Unis

attirent particulièrement l’attention. Au cours de sa campagne électorale, le président Barack

Obama a indiqué qu’il avait la ferme intention de soutenir un fonds mondial pour l’éducation

doté de 2 milliards de dollars EU. La secrétaire d’État Hillary Clinton a réitéré cet engagement

lors de l’audition préalable à sa nomination. D’autres personnalités du gouvernement Obama

ont décrit dans les grandes lignes ce nouveau fonds mondial qui s’appuierait sur les points

forts de l’IMOA tout en remédiant à ses faiblesses. L’idée que le gouvernement Obama joue un

rôle moteur dans le monde en matière d’éducation a de quoi susciter un certain optimisme.

Mais en proposant la création d’un nouveau fonds mondial, on risque de détourner l’attention

et l’énergie politique nécessaires à un défi plus immédiat, celui de la réforme de l’IMOA.

L’IMOA est à la croisée des chemins. Il n’est plus possible de continuer à faire comme

si de rien n’était. Or, une réforme de l’Initiative pourrait donner un nouvel élan à la réalisation

des objectifs de Dakar. Elle pourrait également faciliter la création d’un fonds mondial

à l’initiative des États-Unis et en renforcer l’effi cacité, de même que le Fonds mondial et

l’Alliance GAVI ont contribué à l’engagement des États-Unis en faveur des fonds mondiaux

pour la santé. Le succès d’une telle réforme dépendra de 7 éléments clés.

• Revenir aux principes premiers : identifier les déficits de financement et

les combler. L’IMOA repose surtout sur le principe selon lequel une procédure

unifi ée devrait permettre, d’une part, aux pays à faible revenu d’élaborer des plans

pour réaliser les objectifs ambitieux de l’EPT et, d’autre part, aux donateurs de

soutenir ces plans au moyen d’une aide accrue et d’un soutien coordonné. L’échec

ne diminue en rien la pertinence de ces objectifs. Les pays en développement

1. Une obligation émise par l’IFFIm et garantie par des gouvernements souverains a réuni 223 millions de

dollars EU en 2008.

Page 109: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

110 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

doivent établir des estimations de coûts viables en ce qui concerne la réalisation

de l’enseignement primaire universel et des autres objectifs de l’éducation, en

intégrant les coûts supplémentaires afférents aux interventions ciblées sur les

groupes marginalisés. Quant aux donateurs, à charge pour eux de mobiliser les

ressources supplémentaires nécessaires, soit près de 16 milliards de dollars EU

par an selon les estimations du présent Rapport, sur un horizon de planifi cation

compris entre 5 et 10 ans. Telle est la signifi cation de l’engagement inscrit dans

le Cadre de Dakar : « Aucun pays qui a pris un engagement sérieux en faveur de

l’éducation de base ne verra ses efforts contrariés par le manque de ressources. »

• Faire de l’IMOA une fondation indépendante dotée d’un secrétariat indépendant

et solide et réformer le système de gouvernance pour donner plus de poids aux

pays en développement. En s’appuyant sur les enseignements tirés des modèles

élaborés par les fonds mondiaux pour la santé, l’IMOA devrait prendre la forme

juridique d’une fondation indépendante, se doter d’un secrétariat consolidé et

indépendant et bénéfi cier du concours d’un comité d’examen technique et d’un

comité de renforcement des capacités. Réformer l’IMOA et en faire une structure

cloisonnée au sein de la Banque mondiale n’est certainement pas la meilleure

option, car cela ne permettrait pas de remédier à de nombreux problèmes

de gouvernance, en particulier la prépondérance des donateurs. Les pays en

développement et les donateurs devraient être également représentés à tous les

niveaux et dans tous les domaines, qu’il s’agisse défi nir les priorités stratégiques

ou de prendre des décisions en matière de fi nancement.

• Restructurer les procédures de planification et de financement. Les plans

nationaux devraient faire l’objet d’un examen indépendant, à l’instar des plans

soumis au Fonds mondial, les recommandations étant le facteur déclenchant

permettant au conseil d’administration d’autoriser le fi nancement ou l’assistance

technique. Mettre en place une base de fi nancement fi able et prévisible et faciliter

les partenariats avec le secteur privé afi n de mobiliser des fonds supplémentaires.

Les donateurs devraient débloquer la somme de 1,2 milliard de dollars EU

nécessaire pour couvrir les 18 mois qui nous séparent de la fi n 2010, à condition

que soit élaborée une stratégie de réforme axée sur la transformation de l’IMOA.

Les réapprovisionnements futurs devraient tenir compte des estimations du

défi cit de fi nancement réalisées à partir des plans nationaux. L’IMOA renouvelée

devrait soutenir les initiatives public-privé et inviter les fondations caritatives à

appuyer les objectifs de l’EPT.

• Répondre aux besoins des pays touchés par un confl it. La réforme de l’IMOA est

l’occasion de répondre aux besoins particuliers des pays en situation de confl it

et des autres États fragiles. Le principe d’une procédure uniformisée devrait

s’appliquer à tous, l’assistance étant adaptée à la situation réelle de chaque

pays. La création d’un Fonds de reconstruction pour l’éducation de 1 milliard de

dollars EU au sein du cadre multilatéral de l’IMOA renouvelée pourrait faciliter le

Page 110: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 111

redressement à court terme, laissant ainsi le temps aux bailleurs de fonds et aux

gouvernements de travailler aux objectifs de planifi cation à long terme.

• Renforcer les capacités nationales. L’IMOA se doit de mieux répondre aux

besoins des pays en développement en matière de renforcement des capacités.

Il conviendrait de compléter l’uniformisation des procédures du Fonds catalytique

et du FDPE par un engagement institutionnel et fi nancier plus fort en faveur du

renforcement des capacités.

• Un leadership politique de haut niveau. Les modèles de réforme peuvent

contribuer à tracer les orientations qui permettront de créer une Initiative de

mise en œuvre accélérée conforme à l’objectif visant à dynamiser le programme

ambitieux de l’éducation pour tous. Au bout du compte, les résultats dépendent

du leadership politique, élément qui manque à ce jour. Le Groupe de haut niveau,

créé pour suivre les progrès de la mise en œuvre du Cadre d’action de Dakar,

n’a pas réussi à assumer le rôle de chef de fi le et ses pratiques actuelles, ainsi

que sa pertinence eu égard aux défi s à relever, suscitent bien des interrogations.

L’un après l’autre, les sommets du G8 ont rendu compte de l’IMOA de manière

convenue, sans examiner les causes profondes des carences de l’IMOA et du faible

soutien que lui accordent les donateurs. Un leadership exercé conjointement

par les États-Unis et l’Union européenne dans la perspective du sommet sur

les objectifs du millénaire pour le développement de 2010 et du sommet du G20

pourrait être décisif pour la défi nition d’une nouvelle orientation.

CONCLUSION

Les initiatives mondiales pour la santé montrent que les systèmes multilatéraux

effi caces peuvent créer un cercle vertueux, en mobilisant des ressources et en renforçant

les engagements politiques, au niveau national comme au niveau international. Le plus

grand défi consiste à amener les défenseurs de l’éducation des gouvernements des pays en

développement, les donateurs et la société civile, à travailler ensemble plus effi cacement afi n

de défi nir un programme de changement crédible et convaincant.

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112 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

FINANCEMENTS INNOVANTS : PLAIDOYER POUR LES PARTENARIATS PUBLIC/PRIVÉ DANS LE SECTEUR DE L’ÉDUCATIONDocument préparé à l’occasion du

Forum des Politiques Educatives

« Les défi s du fi nancement de l’enseignement de base :

Réexaminer les solutions impliquant le secteur privé »

9-10 septembre 2010

par Ilona Genevois (IIEP)

INTRODUCTION

Si la situation actuelle n’évolue pas, le monde risque de passer à côté des objectifs

de l’éducation pour tous (EPT) en 2015 et d’objectifs du Millénaire pour le développement

(OMD) – l’universalisation de l’enseignement primaire (OMD 2) et l’égalité des sexes face à

l’éducation (OMD 3). L’édition 2010 du Rapport mondial de suivi sur l’EPT1 (GMR) affi rme que

la crise fi nancière pourrait créer une génération perdue d’enfants dont les chances dans la vie

seront irrémédiablement compromises par cette incapacité à assurer leur droit à l’éducation.

Le GMR estime que, pour tenir l’objectif d’enseignement primaire universel d’ici 2015, les

bailleurs de fonds devraient débourser 16 milliards de dollars EU par an.

La communauté internationale réfl échit à des solutions pour augmenter les dépenses

d’éducation. Des sources novatrices de fi nancement sont notamment à l’étude. Pour le GMR,

il faut faire en sorte que les intérêts des 72 millions d’enfants non scolarisés à travers le

monde ne soient pas exclus des mécanismes innovants de fi nancement. Les agences d’aide

à l’éducation et les militants cherchent pourtant toujours comment réagir aux modèles

1. UNESCO. 2010. Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous : atteindre les marginalisés, Paris :

UNESCO.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 113

innovants de fi nancement. La 35e conférence générale de l’UNESCO, en 2009, a demandé au

directeur général de créer un Groupe de travail consultatif sur la conversion de la dette et les

approches novatrices en matière de fi nancement de l’éducation afi n que ce secteur puisse

profi ter de ces solutions.

Le gouvernement français a pris l’initiative sur les questions de fi nancement innovant

du développement. Il a réuni en 2006 un groupe pilote multi-agences qui s’est rapidement

étoffé et qui compte désormais 55 pays membres et quatre pays observateurs, des

organisations internationales ainsi que des représentants de la société civile et d’organismes

du secteur privé1. Les succès obtenus dans d’autres domaines qui rencontraient également

des difficultés de financement ont suscité un immense intérêt pour les financements

innovants dans l’éducation.

Début 2010, le groupe pilote a constitué une task force sur les fi nancements innovants

pour le développement afi n d’explorer différents mécanismes envisageables dans le secteur

de l’éducation et de repérer les dispositifs les plus susceptibles de générer des fl ux massifs

de ressources. La task force doit publier ses conclusions lors du sommet sur les OMD prévu

en septembre 2010. Le Forum de l’innovation fi nancière pour le développement (Paris, mars

2010) a dégagé plusieurs pistes sur la manière d’appliquer au secteur de l’éducation des

approches novatrices du fi nancement testées ailleurs2.

Les conférences de Monterrey (2002) et de Doha (2008) sur le financement du

développement ainsi que le Forum de haut niveau sur l’effi cacité de l’aide (Accra, 2008)

ont appelé à la mobilisation de nouveaux partenaires. La réunion du groupe de haut niveau

sur l’EPT (Addis-Abeba, février 2010) a plaidé pour l’étude d’approches novatrices du

fi nancement de l’éducation afi n de promouvoir la coopération Sud-Sud et Nord-Sud-Sud, de

susciter l’engagement de nouveaux partenaires et d’appuyer des initiatives récentes sur le

fi nancement innovant de l’éducation.

Dans ce domaine, il conviendra d’étoffer la base de connaissances grâce à des

recherches pointues et des analyses techniques. Cette nouvelle masse de connaissances

facilitera la mise en place de solutions novatrices de fi nancement pour le développement

et d’initiatives de coopération Sud-Sud et Nord-Sud-Sud dans l’éducation. Mais cela exige

de bien comprendre le sens de ce types d’initiatives, à l’instar des partenariats public/privé

(PPP).

Les PPP font partie des modalités novatrices de fi nancement et nous verrons ici

qu’ils ont un rôle à jouer dans l’éducation. Nous nous efforcerons de dresser un bilan des

connaissances actuelles sur les PPP dans l’éducation, avant d’envisager des pistes d’avenir.

1. Groupe pilote sur les fi nancements innovants pour le développement.

2. Note de concept pour une réunion de l’UNESCO du Groupe de travail consultatif sur la conversion de la

dette et les approches novatrices en matière de fi nancement de l’éducation.

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114 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Les mécanismes innovants de fi nancement améliorent l’éducation et c’est la raison du

plaidoyer présenté ici en faveur de PPP pour la gestion et le pilotage des systèmes éducatifs.

I. PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ DANS L’ÉDUCATION

L’éducation est d’autant plus effi cace que le gouvernement collabore avec toute une

série d’acteurs – secteur privé, société civile, experts indépendants, communautés et familles.

Un PPP implique la mise en commun de ressources, de compétences et de capacités issues

du secteur public et du secteur privé afi n de parvenir à des résultats supérieurs à ceux

qu’obtiendrait chaque partenaire s’il agissait seul. Cette approche repose sur l’idée que les

différents pans d’une société – le secteur public, le secteur privé et la société civile – ont des

compétences et des ressources certes différentes mais potentiellement complémentaires

qui, si elles sont judicieusement mises en commun, peuvent faire progresser les biens

publics et les biens privés1.

Défi nir les Partenariat Public-Privé dans l’éducation

La notion de PPP est assez délicate, compte tenu notamment de la diversité des

acteurs privés. Il n’existe donc pas de défi nition unique. La signifi cation varie en fonction de la

portée et du caractère offi ciel de ces dispositifs.

L’expression « partenariat public/privé » recouvre, par son caractère général, un large

éventail de relations entre le secteur public et le secteur privé. La Commission sur les PPP

au Royaume-Uni parle d’une « relation de partage des risques fondée sur une aspiration sur

laquelle le secteur public et le secteur privé se sont mis d’accord afi n d’obtenir le résultat visé

par l’action publique ».

Le Conseil canadien pour les PPP évoque une « coopération entre le secteur public et

le secteur privé reposant sur l’expertise de chaque partenaire afi n de répondre au mieux à des

besoins publics clairement défi nis, à travers une répartition adéquate des responsabilités,

des risques et des bénéfi ces ».

Partenariats mondiaux

La publication conjointe de l’UNESCO et du Forum économique mondial (FEM), De

nouveaux partenariats pour l’EPT : s’appuyer sur l’expérience2, défi nit les PPP comme « la mise

1. Ingram, George, Annababette Wils, Bidemi Carrol et Felicity Townsend. 2006. The Untapped Opportunity:

How Public Private Partnerships can Advance Education For All, Washington, DC : Academy for Educational

Development.

2. Draxler, A. 2007. New Partnerships for EFA: Building on Experience, Paris : IIPE-UNESCO & Forum

économique mondial.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 115

en commun et la gestion de ressources… la mobilisation de compétences et l’engagement

de partenaires publics, privés et de la société civile pour contribuer au développement et à

la qualité de l’éducation… reposant sur le respect des droits internationaux et des principes

éthiques ainsi que sur des dispositifs organisationnels sous-tendant le développement et la

gestion de l’éducation ; sur la consultation d’autres parties prenantes ; et sur des prises de

décision, des risques, des bénéfi ces et une responsabilité partagés ».

Le secteur privé dispose de nombreuses possibilités pour soutenir le secteur public,

à travers notamment des PPP, des multipartenariats dans le domaine de l’éducation (MSPE),

des fonds, des prêts ou des obligations. Les PPP peuvent être défi nis comme « un modèle

de coopération au développement dans lequel des acteurs du secteur privé (entreprises,

fondations, groupes ou associations d’entrepreneurs) et le secteur public (ministères,

autorités locales) mettent en commun des expertises et des ressources complémentaires

pour atteindre les objectifs du développement1 ».

Défi nir les multipartenariats dans le domaine de l’éducation

Lorsqu’elles mettent en place des partenariats, les sociétés privées s’appuient sur

la notion de « responsabilité sociale des entreprises », qui recouvre diverses considérations

économiques, environnementales et sociales. Dans un pays donné, les PPP peuvent prendre

la forme d’un « trialogue » entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile (voir

par exemple l’initiative de la Banque mondiale « Business Partners for Development » [BPD]).

Les MSPE diffèrent des PPP par la priorité explicite accordée à une alliance de partenaires et

de parties prenantes qui dépasse les seuls secteurs public et privé. Ces partenariats ont pour

objectif de trouver des solutions originales à des préoccupations complexes du secteur public

et qui exigent une approche multisectorielle.

Les MSPE permettent de mettre en commun et de gérer des ressources, de

mobiliser des compétences et de susciter l’engagement des pouvoirs publics, du secteur

privé, des organisations de la société civile (OSC) et d’autres acteurs afi n de contribuer au

développement de l’éducation et à sa qualité. Le choix du terme MSPE plutôt que PPP permet

de souligner que leur succès dépend d’une large entente entre partenaires et acteurs qui sort

de la relation duale secteur public (gouvernement) et secteur privé (entreprises).

Dans ce type de partenariat, les entreprises privées s’engagent en général à investir

dans des activités liées à l’éducation, associant ainsi leur image à celles de leurs partenaires

publics et à la cause plus vaste de l’éducation. Plusieurs organisations internationales et

agences spécialisées participent déjà à titre bilatéral à des partenariats philanthropiques

pour l’éducation avec certaines entreprises multinationales. C’est le cas de l’UNESCO et du

1. Genevois, I. 2008. Can and should public private partnerships play a role in education?, Paris : IIPE-

UNESCO.

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116 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

PNUD avec Microsoft ou de l’UNICEF avec Cisco Inc. dans le domaine des technologies de

l’information et de la communication (TIC).

Alors que les PPP sont habituellement considérés comme une initiative conjointe du

gouvernement (et des organes intergouvernementaux) et d’entreprises commerciales ou à

but lucratif, le concept plus récent de MSPE couvre des partenariats qui réunissent un large

éventail d’acteurs publics, privés et de la société civile1. Le FEM défend cette notion élargie

qui recouvre des entreprises et/ou des OSC sans but lucratif intervenant en partenariat avec

des organismes gouvernementaux et des agences de coopération au développement.

Que savons-nous des PPP dans l’éducation ?

Bien avant que le concept de PPP ne se banalise, certains pays avaient mis en place

des partenariats entre pouvoirs publics et entités privées pour assurer l’éducation, en

fonction de leur histoire et de leurs processus politiques. Mais ces 30 dernières années, une

forme différente de PPP a fait une apparition marquée, en tant qu’alternative préconisée

pour relever les défi s des systèmes éducatifs. Cette alternative, qui a vu le jour dans les pays

industrialisés, est promue dans les pays en développement par les agences d’aide et les

organisations internationales. Elle a de profondes implications quant au rôle de l’État vis-à-

vis d’un secteur privé prestataire de services publics, y compris dans l’éducation. Bien que la

participation du secteur privé dans l’éducation ne date pas d’hier, le concept actuel de PPP

est davantage lié à ce mouvement idéologique des 30 dernières années2.

Les PPP ont un rôle à jouer dans l’éducation

Les PPP peuvent compléter et renforcer le rôle de l’État dans l’offre d’éducation.

Chaque acteur peut apporter des contributions différentes – en termes financiers,

pédagogiques et humains ou encore au niveau des services rendus, des infrastructures et de

la gestion des installations… C’est pourquoi il importe d’analyser quel rôle convient à chaque

partenaire dans l’offre d’éducation en fonction des marchés et des régions concernés.

Le secteur privé devient un partenaire crucial de la promotion de l’éducation. Une

grande quantité de PPP voient le jour un peu partout dans le monde. Depuis quelques

années, le nombre de partenaires privés de l’UNESCO atteint plusieurs centaines, qui vont

d’entreprises multinationales à des petites et moyennes entreprises (PME) en passant par

des fi ducies et des fondations philanthropiques, des associations professionnelles ou des

particuliers.

1. Draxler, A. 2007. op. cit.

2. Education International. 2009. Public-Private Partnerships in Education, Education International.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 117

Enseignements tirés au plan mondial et régional

Les partenariats pour l’éducation servent à sensibiliser, à mettre au point des normes

et des règles, à partager et à coordonner des ressources et des expertises mais aussi

à exploiter les marchés en vue d’assurer le développement. Différentes initiatives au plan

mondial et national permettent de tirer des enseignements pour renforcer la coopération

avec le secteur privé autour de problématiques éducatives diverses. L’initiative Partenariats

pour l’éducation (PfE) a été conjointement lancée en 2007 par l’UNESCO et le FEM. Ces deux

organisations s’engagent ainsi à mieux faire comprendre le rôle des MSPE et à renforcer

les capacités mondiales pour leur mise en oeuvre, à travers un partage des savoirs et des

meilleures pratiques. L’initiative de mise en oeuvre accélérée de l’EPT (FTI-EPT) est l’un des

partenariats de fi nancement du secteur de l’éducation les plus importants, qui mobilise la

société civile et le secteur privé. L’initiative FTI coopère avec la Global Education Alliance

(GEA) et des partenaires du secteur privé dans le secteur des TIC afi n de banaliser et de

diffuser le modèle des MSPE1.

Depuis dix ans, les PPP suscitent un regain d’intérêt en tant qu’outil complémentaire

prometteur pour réaliser les objectifs du développement. Des études ont permis de mieux

cerner les différents types de partenariat, leur utilité pour le développement international et

les conditions propices à leur épanouissement.

Pourtant, il manque toujours une base de connaissances solide sur les partenariats

dans l’éducation. Une étude sur les PPP menée par l’Institut international de planifi cation de

l’éducation (IIPE) et le Global Public Policy Institute (GPPi) en 2009 proposait un tour d’horizon

des partenariats dans le secteur de l’éducation en identifiant les types de partenaires

impliqués, les domaines dans lesquels ils interviennent et les objectifs poursuivis.

II. QUE SAVONS-NOUS DES PPP DANS L’ÉDUCATION ?

Le secteur privé est devenu un partenaire clé qui joue un rôle de premier plan pour

assurer l’enseignement fondamental dans de nombreux pays en développement. Pourtant,

les gouvernements restent la principale source de fi nancement.

Parallèlement, la convergence d’intérêts entre le secteur public et le secteur privé est

toujours plus encouragée. En 1999, le secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan,

avait proposé de créer un Pacte mondial par lequel l’Organisation s’associerait au monde

des entreprises. L’actuel secrétaire général, M. Ban Ki-moon, a rappelé en 2007 que si les

1. Note de concept pour une réunion de l’UNESCO du Groupe de travail consultatif sur la conversion de la

dette et les approches novatrices en matière de fi nancement de l’éducation.

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118 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

Nations Unies avait besoin de l’innovation des entreprises, les entreprises avaient aussi

besoin de l’ONU1.

Acteurs participant à des MSPE

Les relations de l’UNESCO avec le secteur privé couvrent la coopération avec des

entreprises, des PME, des fondations philanthropiques, des associations professionnelles et

économiques ainsi que d’autres organisations du monde des entreprises, des particuliers,

des communautés, des parents et des familles. Les PPP devraient jouer un rôle grandissant

dans le mouvement en faveur de l’EPT, apportant une source alternative de fi nancement

pour réaliser les objectifs EPT et accroître l’assistance technique disponible. L’IIPE/UNESCO

s’est ouvertement fi xé pour objectif d’aider les gouvernements à constituer des PPP dans le

secteur de l’éducation afi n de parvenir à l’EPT.

Partenaires clés des PPP pour l’éducation

L’étude IIPE/GPPi de 2009 a montré que les partenaires clés des PPP pour l’éducation

sont, du côté du secteur public, les gouvernements et les organisations multilatérales

et, du côté du secteur privé, les entreprises et le secteur « communautaire » (organismes

sans but lucratif, ONG et organisations caritatives). Le secteur privé a plusieurs motivations

fondamentales pour participer à un PPP, qui ont trait au renforcement des compétences

locales, notamment pour les emplois à pourvoir, le souci d’améliorer leur réputation en

s’associant à une cause juste et la défense des intérêts de l’entreprise.

L’étude ne s’intéressait qu’aux PPP dans le domaine de l’éducation. Le PPP y était

défi ni comme une initiative où des acteurs du secteur public et du secteur privé acceptent de

travailler ensemble en vue d’un objectif commun ou d’engager une tâche spécifi que et d’en

partager les risques, les responsabilités, les ressources, les compétences et les avantages.

Les acteurs publics couverts par l’enquête appartenaient à quatre catégories :

gouvernements, organisations multilatérales, organisations bilatérales et établissements

publics d’éducation. Les acteurs privés couverts par l’enquête relevaient de cinq catégories :

entreprises, secteur « communautaire » (organismes sans but lucratif, ONG et organisations

caritatives), organisations confessionnelles, fondations et établissements privés d’éducation.

Les acteurs publics qui ont répondu à l’enquête étaient pour la majorité des

gouvernements et des organisations multilatérales. Du côté du secteur privé, il s’agissait

d’entreprises participant au Pacte mondial, du secteur communautaire (ONG et organisations

caritatives), d’organisations confessionnelles, de fondations et d’établissements d’éducation.

1. Ban, K.-M. 2007. Address to the UNA-USA Business Council for the United Nations and the Association for

a better New York, 10 janvier, New York : Nations Unies.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 119

Dans leur majorité, les personnes qui participaient au moins à un PPP dans le secteur de

l’éducation étaient des entreprises à but lucratif et des acteurs du secteur communautaire.

Résultats de l’enquête IIPE/GPPi

Les principaux partenaires issus du secteur public étaient en priorité des

gouvernements (76 %) et des organisations multilatérales (61 %). Dans le secteur privé, ce sont

les organismes du secteur communautaire et les entreprises qui dominaient (respectivement

60 et 47 %). Les fondations, les organisations confessionnelles et les organisations bilatérales

semblent moins présentes dans les PPP pour l’éducation : ainsi, seulement 33 % des

personnes interrogées évoquaient l’implication d’une organisation bilatérale.

Les participants du secteur privé devaient indiquer pour quelle raison ils avaient

souhaité participer à un PPP dans l’éducation. Les deux premières raisons invoquées étaient

le renforcement des compétences locales et des profi ls professionnels, devant l’image de

marque (s’associer à une cause juste) et les intérêts de l’entreprise.

Les acteurs publics constituaient pratiquement 75 % des personnes interrogées

engagées dans au moins un PPP pour l’éducation. Dans leur majorité, il s’agissait de

gouvernements (60 %) et d’organisations multilatérales (28 %). Pratiquement aucune

organisation bilatérale et aucun établissement public d’éducation n’a fait état d’une

participation dans un PPP pour l’éducation.

Raisons qui poussent les acteurs privés à participer à des PPP

D’autres aspects importants sont liés au fait de profi ter de l’expertise du secteur

public. Les personnes interrogées étaient ambivalentes quant à l’obtention de fonds publics

pour fi nancer des projets sociaux et au soutien apporté à des décisions d’investissement.

Si certaines considéraient cela comme un facteur important, d’autres les jugeaient sans

importance dans leur décision de participer à un PPP.

La majorité des personnes interrogées ont affirmé que le contournement de

réglementations contraignantes et la création de règles du jeu égales entre concurrents, à

travers le respect volontaire de normes, n’entraient pas en ligne de compte dans la décision

de participer à un PPP.

Niveaux d’éducation et type de soutien fournis par les PPP dans l’éducation

La recherche de l’IIPE a permis de dresser un tableau des activités des PPP dans

le domaine de l’éducation. Elle a identifi é les types de partenaires impliqués, le niveau de

scolarité visé, la forme de soutien fourni et les matières prioritaires.

L’étude de l’IIPE et du GPPi est donc une première étape pour constituer une base de

connaissances solide sur les partenariats pour l’éducation. Une seconde phase de recherche

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120 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

devra être menée à bien pour approfondir ces premières informations. Il s’agirait de créer

une base de données des partenariats identifi és par les personnes interrogées. À partir de là,

des indicateurs clés de succès pourraient être conçus afi n de déterminer la contribution des

partenariats à l’éducation. Cela impliquerait une analyse approfondie des principaux facteurs

de succès.

III. AIDER LES GOUVERNEMENTS À MONTER DES PPP

D’une manière générale, l’éducation est considérée comme une prérogative des

gouvernements. Mais les pouvoirs publics ont souvent du mal à remplir leurs obligations

vis-à-vis des systèmes nationaux d’éducation, faute d’avoir les capacités fi nancières et

managériales requises. Ils peuvent faire appel à des partenariats pour combler les lacunes

des programmes publics d’éducation. À titre d’exemple, nous allons présenter un plaidoyer

pour un PPP visant à gérer et à piloter un système d’éducation.

Pourquoi envisager un partenariat avec des entreprises spécialisées dans les TIC ?

L’IIPE a pour mission d’aider les États membres à renforcer leurs capacités à planifi er

et à gérer leurs systèmes d’éducation afi n qu’ils puissent atteindre leurs objectifs de manière

durable. En tant qu’institut expert des questions de planifi cation, l’IIPE est bien placé pour en

apprécier l’utilité et les risques.

Les États et les gouvernements n’ont pas les moyens humains et fi nanciers d’assurer

l’éducation. Un PPP peut permettre de renforcer les capacités nationales de planifi cation et

de pilotage en consolidant le pilier que constituent les systèmes d’information. L’information

est cruciale pour planifi er et piloter les systèmes d’éducation. L’absence de données et

d’informations fi ables restreint les capacités des ministères à concevoir des plans crédibles

et à organiser les systèmes éducatifs. Un système d’information aide à piloter et à évaluer le

système éducatif mais aussi à concevoir des stratégies adaptées pour l’améliorer. De ce point

de vue, il peut être considéré comme une passerelle vitale pour gérer un système éducatif.

Son absence peut se révéler problématique. C’est ce qu’a bien compris l’Union africaine (UA),

qui a fait des systèmes d’information sa priorité absolue.

Trois raisons au moins justifi ent la mise en place d’un PPP : l’échec des écoles

publiques à assurer une scolarité adaptée a poussé les gouvernements à rechercher des

solutions alternatives ; l’intérêt commercial grandissant pour le secteur de l’éducation, avec

l’arrivée de nouveaux prestataires qui modifi ent la donne ; et l’importance des nouvelles

technologies dans ce secteur, qui peut susciter l’intérêt de nombreuses entreprises privées.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 121

Le point de vue du secteur public

De nombreux pays cherchent à améliorer leurs bases de données dans la mesure

où ils manquent d’informations fi ables. Les outils techniques à leur disposition sont souvent

obsolètes de sorte que la saisie et le traitement des données sont ineffi caces. Les États

membres ne disposent pas de réseaux informatiques capables d’appuyer leurs structures

organisationnelles et la collecte de données. Dans bon nombre de cas, les autorités

décentralisées – tout comme le pouvoir central – n’ont guère de pouvoir.

L’éducation sera d’autant plus effi cace que les gouvernements collaboreront avec

un large éventail d’acteurs en mettant en commun les moyens et les compétences. Un PPP

entre un gouvernement et une entreprise spécialisée dans les TIC permettrait aux autorités

en charge de l’éducation de se consacrer aux missions essentielles que sont l’élaboration des

politiques et la planifi cation.

Le PPP serait bénéfi que pour les gouvernements en leur donnant accès à l’expertise

et à l’expérience du partenaire privé en termes de gestion, de planifi cation stratégique, de

résolution de problèmes, de marché du travail, de développement des compétences, de

fourniture effi cace de biens et de services, de conception de produits et de support logistique.

Le point de vue du secteur privé

Les entreprises qui rejoignent un PPP ne le font pas à des fi ns de développement.

Le fait de nouer un partenariat avec le gouvernement permet de promouvoir les intérêts

des entreprises spécialisées dans les TIC et d’investir dans le développement local

de compétences adaptées. Cette initiative améliore aussi leur réputation, puisqu’elles

s’associent à une juste cause, et permet d’obtenir l’appui du gouvernement pour certaines

décisions d’investissement.

Ce partenariat leur profi te aussi car il permet de renforcer les compétences de la

main-d’oeuvre, de développer leur image de marque et de tisser des relations plus étroites

avec la communauté. Même si leur activité principale n’est pas directement liée au secteur

de l’éducation, de nombreuses entreprises estiment que leurs compétences de base peuvent

apporter une valeur ajoutée.

Des PPP pour la mise en place de systèmes d’information dans l’éducation pourraient

sans aucun doute améliorer le secteur tout entier. Les PPP peuvent contribuer à la mise

au point d’un outil général regroupant des informations essentielles pour les ministères

de l’Éducation. À cet égard, un partenariat avec une entreprise spécialisée dans les

TIC permettrait de résoudre un problème crucial dans de nombreux pays et, ce faisant,

d’améliorer le système éducatif.

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122 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

CONCLUSION

Malgré les progrès spectaculaires accomplis en termes de scolarisation primaire,

l’enseignement fondamental souffre toujours d’un immense déficit de financement. La

dernière édition du GMR estime les besoins à 16 milliards USD par an. Par ailleurs, les pays

en développement n’ont guère les moyens d’assurer un accès universel à l’enseignement

fondamental. Cela étant, les préoccupations de qualité de l’enseignement fondamental vont

de pair avec des questions de fi nancement de l’éducation, à tous les niveaux. La communauté

internationale réfl échit à des stratégies pour augmenter les dépenses d’éducation. Les PPP

font à cet égard fi gure de solution, mais celle-ci est encore peu exploitée. Les plans nationaux

d’éducation conçus par les gouvernements fournissent un cadre d’intervention idéal pour

des partenariats efficaces et efficients. Le développement des capacités techniques et

institutionnelles de planifi cation, de gestion et de pilotage font partie intégrante des priorités

affi chées par ces plans nationaux. L’IIPE/UNESCO s’est fi xé pour objectif explicite d’aider les

gouvernements à mettre en place des PPP dans le secteur de l’éducation afi n de réaliser

l’éducation pour tous.

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Les fi nancements innovants pour l’éducation | 123

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Page 125: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

126 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

LE GROUPE PILOTE SUR LES FINANCEMENTS INNOVANTS POUR LE DÉVELOPPEMENT

MISSIONS DU GROUPE PILOTE

Depuis sa constitution à Paris en février 2006, le Groupe pilote a accompli des progrès

substantiels dans les réalisations concrètes et pour la mobilisation internationale. Conduit

par une présidence tournante semestrielle, il s’est réuni à Brasilia, Oslo, Séoul, Dakar, et

Conakry.

En quelques années, le Groupe pilote est devenu une plate-forme privilégiée de

discussion, d’échange d’informations et de promotion des fi nancements innovants. La mission

initiale du Groupe était défi nie à la Conférence de Paris 2006 de la façon suivante :

• contribuer à l’émergence et à la diffusion de projets dans le domaine des

fi nancements innovants du développement ;

• promouvoir le principe des contributions de solidarité auprès de nos partenaires

et dans les enceintes internationales ;

• développer le projet de contribution internationale de solidarité sur les billets

d’avion déjà mis en œuvre par un groupe de pays pionniers en vue de son

élargissement à d’autres pays selon leurs possibilités ;

• examiner les modalités d’utilisation des recettes de la contribution internationale

de solidarité sur les billets d’avion pour des actions coordonnées et pérennes

dans le domaine de la santé et du développement ;

Page 126: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 127

Beaucoup reste à faire. Les dernières évolutions dans le domaine du développement

ont conduit le Groupe pilote à élargir sa réfl exion vers de nouveaux domaines, comme par

exemple le changement climatique, l’éducation, la lutte contre l’évasion fi scale.

A la Conférence de Doha en décembre 2009, le Groupe pilote a appelé à un changement

d’échelle dans la mise en œuvre de fi nancements innovants du développement.

COMPOSITION DU GROUPE PILOTE

Aujourd’hui, le Groupe est fort de 55 pays membres et 4 pays observateurs, de

nombreuses organisations internationales et organisations non-gouvernementales :

LES PAYS MEMBRES DU GROUPE PILOTE

Afrique du Sud, Algérie, Allemagne, Arabie saoudite, Bangladesh, Burkina Faso,

Belgique, Bénin, Burundi, Brésil, Cambodge, Cameroun, Cap Vert, Chili, Chypre, Congo, Côte

d’Ivoire, Corée du Sud, Djibouti, Espagne, Éthiopie, Finlande, France, Gabon, Guatemala,

Guinée, Sierra Leone, Guinée Bissau, Haïti, Inde, Italie, Japon, Jordanie, Liban, Libéria,

Luxembourg, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mexique, Mozambique,

Namibie, Nicaragua, Niger, Nigeria, Norvège, Pologne, République centrafricaine, Royaume-

Uni, Sénégal, Sao-Tomé-et-Principe, Togo, Uruguay.

Commission européenne

LES PAYS OBSERVATEURS DU GROUPE PILOTE

Autriche, Chine, Égypte, Roumanie

LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES MEMBRES DU GROUPE PILOTE

ONU, Banque africaine de développement, Banque Mondiale Banque interaméricaine

de développement, Banque asiatique de développement, FAO, FMI, FNUAP (Fonds des

Nations Unions pour les questions de Populations), Fonds mondial de lutte contre le Sida, la

malaria et la tuberculose, OCDE, OMS, ONUSIDA, PAM, FIDA, PNUD, UNICEF

Page 127: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

128 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

LES ORGANISATIONS NON-GOUVERNEMENTALES MEMBRES DU GROUPE PILOTE

(Cette liste n’est pas exhaustive)

ABONG, Acción, Coordination Sud, CONGAD, CONCORD

ACF – Action contre la faim, Act Up Paris, AIDES, Altermonde, Attac, Care, Citizens’

Coalition for Economic Justice (CCEJ), CCFD, Mani Tese, Development Initiatives, Forum de la

Jeunesse Issue des Migrations (FOJIM ), Halifax-initiative, Kulima, The North-South Institute,

Results Japan, Stamp out Poverty, Synergies Africaines, Tax Justice Network, Ubuntu, World

Economy, Ecology & Development

QU’EST-CE QU’UN FINANCEMENT INNOVANT ?

Le concept de développement et singulièrement l’aide publique au développement

sont relativement récents, « inventés » dans l’immédiat après-guerre par les États-Unis et

repris à leur compte pour bon nombre de pays par la suite. Les débats sur la mesure de

cette aide s’articulent, depuis les années 1970, au respect par les nations riches de consacrer

0.7 % de leur RNB au développement ; promesse régulièrement repoussée par la majorité des

donateurs, faute de trouver les moyens d’atteindre cet objectif.

C’est dans ce contexte que sont nés au début du XXIème siècle les fi nancements

innovants du développement.

Ces nouvelles sources de fi nancement du développement, étroitement liées aux Biens

publics mondiaux, sont complémentaires à l’aide budgétaire traditionnelle des Etats (APD) et

présentent surtout comme caractéristiques essentielles la stabilité et la prévisibilité.

Prenant racine dans les critiques formulées à l’égard d’un monde au sein duquel

les échanges s’accélèrent aussi nettement que les inégalités, ces fi nancements sont aussi

conçus dès l’origine comme une manière de corriger les effets négatifs de la mondialisation.

Ils s’appuient sur divers mécanismes, de la taxe étatique aux partenariats public-privé,

et concernent plusieurs secteurs d’action publique - la santé, l’environnement notamment –

et se sont progressivement imposés sur la scène internationale

Aujourd’hui, la notion désigne aujourd’hui les mécanismes générant des ressources

additionnelles à l’Aide Publique au Développement (APD) et présentant une plus grande

prévisibilité. Cette double caractéristique - additionnalité et prévisibilité - est inscrite dans

les déclarations politiques adoptées en 2004, 2005, 2006 et 2008 ainsi que dans les rapports

consacrés à ce sujet (rapport du Secrétaire général des Nations Unies, rapport quadripartite,

rapport Landau en France).

Le Groupe pilote entame un travail de cartographie des financements innovants

différents, même si une liste exhaustive sera diffi cile à faire.

Page 128: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 129

FINANCEMENTS INNOVANTS : DES OUTILS NOVATEURS

POUR LE DÉVELOPPEMENT

A l’issue de la conférence de Monterrey de mars 2002, la communauté internationale

s’est engagée à augmenter les ressources en faveur du développement, en particulier l’aide

publique au développement (APD), pour atteindre le seuil de 0,7 % du RNB d’ici 2015, et à

développer des sources innovantes de fi nancement, afi n d’atteindre les Objectifs du Millénaire

pour le développement (OMD). Depuis, des progrès considérables ont été réalisés. Les

fi nancements innovants fédèrent de nombreux pays, grâce à divers mécanismes, de la taxe

internationale (comme celle sur les billets d’avions) aux partenariats public-privé.

DES INSTRUMENTS AU SERVICE D’UNE MONDIALISATION

MIEUX RÉGULÉE

Dans l’urgence de la lutte contre la pauvreté, ces mécanismes sont au cœur du débat

sur une mondialisation plus solidaire et mieux régulée : leurs caractéristiques –additionnalité

par rapport à l’aide publique au développement et prévisibilité des ressources- les rendent

particulièrement bien adaptés au fi nancement de biens publics mondiaux comme la santé

ou le climat, qui nécessitent des fi nancements stables, une mutualisation des ressources et

une correction des défaillances de la mondialisation : solvabilité de la demande en l’absence

de couverture maladie dans de nombreux pays du sud, inégalité des rapports de force entre

pays et laboratoires pharmaceutiques, coûts –sociaux, environnementaux - imposés au reste

du monde par certaines activités économiques transnationales sans que ces dernières en

acquittent le prix sous forme fi scale.

Les fi nancements innovants apportent ainsi une réponse aux défauts de l’aide publique

au développement traditionnelle, qui reste souvent fragmentée et volatile. Ils constituent aussi

un élément fédérateur pour des pays aux niveaux de développement très divers, issus de tous

les continents, transcendant les clivages idéologiques habituels entre pays du Nord et pays du

Sud.

UNE MOBILISATION INTERNATIONALE ACCRUE

De nombreux progrès ont été accomplis, aussi bien sur le plan des réalisations

concrètes que de la mobilisation internationale. Les fi nancements innovants du développement

ont été reconnus au plus haut niveau, à travers plusieurs déclarations multipartites.

Au niveau européen, le Conseil de l’Union européenne s’est engagé, dans sa

déclaration du 11 novembre 2009, « à explorer avec ses partenaires toutes les voies nouvelles

pour contribuer au fi nancement d’un développement économique, social et environnemental

Page 129: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

130 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

durable, à promouvoir la mise en œuvre de mécanismes innovants pour mobiliser des

ressources additionnelles et à renforcer la cohérence des politiques. »

Au niveau mondial, la déclaration de Doha sur le fi nancement du développement

encourage à « la mise en œuvre et la transportation à une plus grande échelle, selon les

circonstances, d’initiatives de fi nancements innovants. »

Le Groupe pilote sur les fi nancements innovants, mis en place en 2006, rassemble

désormais 55 pays membres et 3 pays observateurs, de niveaux de développement divers,

les principales organisations internationales (Banque Mondiale, Organisation Mondiale de la

Santé, UNICEF, UNDF notamment), ainsi que des ONG.

UNE LARGE PALETTE D’INSTRUMENTS

L’action menée par le Groupe pilote a permis d’identifi er plusieurs familles d’initiatives :

les contributions de solidarité assises sur des activités mondialisées, mises en place au

niveau national mais dans le cadre d’une coordination internationale, les mécanismes de pré-

fi nancement reposant sur les marchés fi nanciers, avec une garantie ou un appui public, les

fi nancements adossés à des mécanismes de marché, la facilitation par les autorités publiques

des contributions volontaires du secteur privé (incitations fi scales, facilitation technique), et

plus généralement, les instruments permettant l’apport de ressources supplémentaires par

rapport à l’aide publique et au marché.

En quelques années seulement, les fi nancements innovants ont déjà eu un impact

notable, même si beaucoup reste à faire. Près de deux milliards de dollars de fi nancement

additionnel, stable et prévisible ont été mobilisés, et les fi nancements innovants ont contribué

à vacciner plus de 100 millions d’enfants par an et à garantir le traitement pédiatrique contre

le sida de 100 000 enfants par an.

Page 130: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Les fi nancements innovants pour l’éducation | 131

LA SECTION DE PROSPECTIVE BUREAU DE LA PLANIFICATION STRATÉGIQUEwww.unesco.org/fr/prospective

Le souci du futur est un fi l conducteur des missions de l’UNESCO, où la fonction de

prospective joue un rôle essentiel dans sa vocation à identifi er les futurs possibles et à explorer

des pistes d’action nouvelles dans tous ses domaines de compétence. Véritable laboratoire

d’idées, l’UNESCO entend relever les défi s d’aujourd’hui et préparer ceux de demain. Activités

interdisciplinaires, l’anticipation et la prospective enrichissent le débat public international.

La Section de prospective de l’UNESCO œuvre, au sein du Bureau de la planifi cation

stratégique, dans le cadre d’une plate-forme intersectorielle dont l’objectif est de sensibiliser

la communauté élargie de l’UNESCO aux évolutions et tendances majeures qui pourraient

affecter l’éducation, les sciences, la culture, l’information et la communication. La Section

apporte des perspectives intellectuelles, des contributions majeures et un soutien à la

réfl exion de l’Organisation, sa programmation ainsi que son action. En outre, elle apporte

un soutien aux Etats membres en développant leurs propres capacités et approches dans le

domaine de la prospective.

L’intérêt de la Section porte notamment sur des thèmes que la crise financière

et les réponses à ses conséquences, la société verte et l’économie verte, le changement

climatique et la biodiversité, le nouvel humanisme pour le 21e siècle, les sociétés du savoir,

l’acquisition et le partage du savoir, les défi s futurs de groupes pays tels que les pays à

revenu intermédiaire ou les Petits états insulaires en développement, l’égalité des sexes ou

les fi nancements innovants pour l’éducation.

Pour favoriser la réfl exion sur ces grandes questions intéressant l’avenir dans les

domaines de l’Organisation, la Section de prospective organise une gamme diversifiée

d’événements au Siège de l’UNESCO à Paris et dans les différentes régions du monde. Ces

événements sont conçus comme une contribution aux débats mondiaux sur certains des

principaux défi s de notre temps :

Page 131: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

132 | Les fi nancements innovants pour l’éducation

• Le Forum UNESCO du futur est une série qui réunit d’éminents scientifi ques,

intellectuels, artistes et décideurs de toutes les régions du monde dans un esprit

de recherche prospective interdisciplinaire.

• Les Co nférences UNESCO du futur permettent à des personnalités de renommée

mondiale de partager leurs vues avec un auditoire comprenant des représentants

des États membres, le Secrétariat, les communautés intellectuelles et

scientifi ques, les médias et le grand public.

• Les Séminaires UNESCO du futur rassemblent des experts de haut niveau autour

d’enjeux stratégiques et techniques.

Les résultats et les recommandations d’activités de prospective sont diffusés par des

publications et un site portail dédié UNESCO et à travers des réseaux et des partenaires dans

le domaine de la réfl exion prospective.

Page 132: Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au

Il reste moins de cinq avant l’échéance de 2015 pour les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et l’Education pour tous (EPT), dont l’UNESCO est chef de fi le. Si les tendances actuelles persistent, le monde risque de manquer les objectifs de l’EPT d’ici à 2015, y compris l’éducation primaire universelle et l’égalité entre les sexes dans l’éducation. En l’absence d’effort supplémentaire, quelque 56 millions d’enfants ne seront toujours pas scolarisés et 710 millions d’adultes de disposeront pas des compétences de base en 2015.

Les sources innovantes de fi nancement représentent une nouvelle approche pour aider à combler le défi cit de 16 milliards de dollars de fi nancement dans l’éducation et atteindre l’objectif d’éducation primaire universelle d’ici à 2015. Après que la communauté internationale a reconnu, dans le Consensus de Monterrey sur le fi nancement du développement de 2002, « l’intérêt qu’il y aurait à rechercher des sources innovantes de fi nancement » afi n de favoriser la réalisation des objectifs internationaux de développement, y compris les OMD, un certain nombre d’initiatives novatrices ont conduit à l’élaboration et la mise en œuvre de mécanismes nouveaux et créatifs pour fi nancer le développement, tels que la taxe de solidarité sur les billets d’avion qui aide à lutter contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme grâce à la facilité d’achat de médicaments UNITAID.

Le Séminaire UNESCO du Futur sur « Les fi nancements innovants pour l’éducation » s’est ainsi tenu le 14 Septembre 2010 au Siège de l’UNESCO autour du thème « Mobiliser des ressources pour la coopération internationale au développement

en éducation : quels mécanismes et partenariats innovants? »

« La communauté internationale doit redoubler d’imagination pour tenir ses engagements, et dégager de nouvelles sources de fi nancement. »

Irina Bokova, Directrice générale de UNESCO

« Les fi nancements innovants sont une clef majeure de ce siècle. »

Philippe Douste-Blazy, Sous-secrétaire général des Nations unies pour les fi nancements innovants et

Directeur exécutif du Conseil d’administration de UNITAID

Organisationdes Nations Unies

pour l’éducation,la science et la culture

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Mobiliser des ressources

pour la coopération

internationale au développement

en éducation : quels mécanismes

et partenariats innovants ?

Une publication du Bureau de la Planifi cation stratégique de l’UNESCO