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Modélisation du potentiel de rentabilité pour undistributeur énergétique d’une stratégie de report
actif en efficacité énergétique
Mémoire
Raphaël Langevin
Maîtrise en économiqueMaître ès arts (M.A.)
Québec, Canada
© Raphaël Langevin, 2017
Modélisation du potentiel de rentabilité pour undistributeur énergétique d’une stratégie de report
actif en efficacité énergétique
Mémoire
Raphaël Langevin
Sous la direction de:
Markus Herrmann, directeur de recherchePatrick González, codirecteur de recherche
Résumé
Les distributeurs énergétiques comme Gaz Métro et Hydro-Québec doivent s’assurer que la ca-
pacité de leur réseau suffit à satisfaire les besoins de ses clients. Lorsque les réseaux de distribution
sont employés à pleine capacité et que la demande d’énergie augmente, ces entreprises ont le choix
d’investir pour augmenter leur capacité ou inciter leurs clients à consommer moins. Il est possible
de reporter des investissements en offrant aux clients des programmes d’efficacité énergétique qui
abaissent la demande. Historiquement, les deux distributeurs québécois et la Régie de l’énergie qui
les supervisent ont préféré accroître la capacité de leur réseau respectif afin de sécuriser l’approvi-
sionnement de leur clientèle, notamment parce qu’ils ne leur semblaient pas possibles de contrôler
adéquatement la demande énergétique. De plus, comme les revenus des entreprises augmentent avec
la demande, ces entreprises ne sont pas incitées à tenter de la réduire. Dans ce mémoire, je propose
une méthode d’estimation de la rentabilité d’une stratégie de report actif d’un investissement visant à
augmenter la capacité des réseaux de distrubution couplée à un mécanisme incitatif. Ma méthode com-
bine l’évaluation actualisée des coûts et bénéfices de l’investissement à un modèle de comportement
du consommateur.
iii
Abstract
Energy utilities such as Gaz Métro and Hydro-Québec must ensure that the capacity of their
network is sufficient to satisfy the needs of its customers. When the distribution networks are used
at full capacity and the demand for energy increases, these companies have the choice of investing to
increase their capacity or encourage their customers to consume less. Investments can be deferred by
offering customers energy efficiency programs that reduce demand. Historically, the two distributors
and the Régie de l’énergie who supervised them preferred to increase the capacity of their respective
networks in order to secure the supply of their customers, especially because they felt like it was
not possible to adequately control energy demand. Moreover, as business incomes increase with
demand, these firms have no incentive to attempt to reduce it. In this paper, I propose a method for
estimating the profitability of an active deferral strategy for an investment aimed at increasing the
capacity of distrubution networks coupled with an incentive mechanism. My method combines the
updated assessment of the costs and benefits of the investment with a pattern of consumer behavior.
iv
Table des matières
Résumé iii
Abstract iv
Table des matières v
Liste des tableaux vi
Liste des figures vii
Introduction 1
1 Recension des écrits 31.1 Définition des concepts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 L’importance du contexte réglementaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.3 La caractérisation des coûts et bénéfices de l’efficacité énergétique . . . . . . . . 10
2 Développement de la méthodologie 132.1 Objectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.2 Définition des coûts et bénéfices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142.3 Construction du programme d’optimisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222.4 Modélisation de la participation et de la saturation . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3 Résolution avec une subvention constante 303.1 Programme d’EÉ unique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303.2 Programmes d’EÉ multiples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
4 Application au réseau gazier de l’Abitibi 454.1 Le Plan global en efficacité énergétique de Gaz Métro . . . . . . . . . . . . . . . 454.2 Caractérisation de la saturation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464.3 Le réseau gazier de l’Abitibi-Témiscamingue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484.4 Contrainte de capacité non serrante à l’optimum . . . . . . . . . . . . . . . . . . 494.5 Contrainte de capacité serrante à l’optimum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Conclusion 58
Bibliographie 60
v
Liste des tableaux
4.1 Caractéristiques des neuf programmes d’EÉ ciblant la clientèle CII de Gaz Métro pourl’année 2016-2017 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
4.2 Paramètres supplémentaires pertinents pour les neuf programmes d’EÉ ciblant la clien-tèle CII de Gaz Métro pour l’année 2016-2017 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
4.3 Résultats de l’optimisation pour chaque programme d’EÉ analysé . . . . . . . . . . 534.4 Caractéristiques des montants de subvention permettant de respecter la contrainte de
capacité à T = 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 544.5 Profits associés aux différentes combinaisons de subventions permettant de faire res-
pecter la contrainte de capacité en T = 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554.6 Résultats de l’optimisation pour chaque programme d’EÉ analysé avec temps d’arrêt
optimal à T ∗ = 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
vi
Liste des figures
1.1 Équilibres microéconomiques pour un distributeur énergétique en situation de mono-pole réglementé et non réglementé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.2 Évolution des profits du distributeur pour un mécanisme incitatif quelconque . . . . 9
2.1 Représentation graphique de l’évolution temporelle anuelle de plusieurs demandes depointe selon leur niveau initial (p0) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3.1 Représentation graphique du problème de maximisation des profits du distributeur . . 34
4.1 Carte du réseau gazier de l’Abitibi-Témiscamingue . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484.2 Évolution de la clientèle CII dans le réseau gazier abitibien . . . . . . . . . . . . . . 494.3 Évolution projetée de la demande de pointe du réseau gazier abitibien . . . . . . . . 504.4 Bénéfices générés avec et sans implantation d’une stratégie de report actif . . . . . . 514.5 Trajectoire prévue de la demande de pointe avec et sans implantation d’une stratégie
de report actif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 524.6 Bénéfices générés avec et sans implantation d’une stratégie de report actif lorsque la
contrainte de capacité est serrante en T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
vii
À Andrée-Anne, sans qui je ne seraipas où j’en suis maintenant.
viii
Introduction
La hausse de la consommation énergétique mondiale vient généralement de pair avec une hausse
de la capacité de transport des ressources énergétiques et une pression grandissante sur les réseaux de
distribution énergétique. En effet, dans la plupart des pays occidentaux, le transport et la distribution
de l’énergie électrique et du gaz naturel sont sous la responsabilité d’entreprises réglementées qui
ont comme mandat premier de subvenir en tout temps aux besoins énergétiques de leur clientèle. Le
transport et la distribution d’électricité et de gaz naturel nécessitent cependant l’utilisation de réseaux
de transport et de réseaux de distribution, ces réseaux générant des structures de monopoles naturels
(Train, 1991; Künneke, 1999). Le transport énergétique correspond à l’acheminement de l’énergie à
partir de l’unité de génération (centrale, champs pétroliers, etc.) vers le poste de distribution géré par
le distributeur tandis que la distribution correspond à l’acheminement de l’énergie du poste de dis-
tribution vers la clientèle consommatrice. La réglementation entourant l’industrie énergétique fait en
sorte que pour une zone géographique donnée (appelé un réseau de distribution), un seul distributeur
est autorisé à fournir une forme d’énergie quelconque à la clientèle présente dans cette même zone.
Lorsque la garantie d’approvisionnement de la clientèle est menacée dans un réseau de distri-
bution particulier en raison d’une prévision de la demande de pointe trop élevée, la réglementation
en vigueur peut faire en sorte d’inciter les distributeurs à privilégier une simple augmentation de la
capacité de distribution, même si cette option n’est pas la plus efficace pour le distributeur et sa clien-
tèle (Bachrach et collab., 2004). En effet, l’augmentation de l’offre énergétique, notamment réalisée
grâce à des investissements massifs en augmentation de la capacité de distribution, pousse les tarifs
énergétiques à la hausse en plus de ne créer aucun incitatif physique pour les consommateurs afin que
ces derniers utilisent plus efficacement l’énergie distribuée.
À l’inverse, la réduction de la demande de pointe réduit les frais d’exploitation des distributeurs
en leur permettant de reporter à plus tard l’implantation de nouvelles infrastructures de distribution
énergétique dans les réseaux étant jugés à risque de ne pas pouvoir répondre prochainement aux be-
soins de la clientèle. Plus généralement, la réduction de la demande énergétique génère des bénéfices
qui sont peu pris en compte par les distributeurs énergétiques et les instances réglementaires lorsque
vient le temps de planifier les montants à investir en efficacité énergétique et en gestion de la de-
mande énergétique. Le contexte réglementaire dans lequel évoluent les distributeurs et les multiples
difficultés concernant la caractérisation des bénéfices de l’efficacité énergétique sont deux éléments
1
qui expliquent pourquoi les distributeurs sont souvent réticents à investir massivement en efficacité
énergétique. Le premier élément a déjà été largement étudié dans la littérature économique alors que
le deuxième n’a été analysé que de manière sporadique jusqu’à maintenant.
Le présent mémoire vise donc à combler cette lacune en développant une méthodologie per-
mettant d’estimer l’ensemble des bénéfices nets générés par les programmes d’efficacité énergétique
offerts par les distributeurs énergétiques. Pour ce faire, ces bénéfices sont séparés en deux parties dis-
tinctes, soit les bénéfices reliés au report des investissements prévus en transport et distribution (T&D)
et les autres bénéfices qui n’y sont pas directement reliés. Une calibration du modèle est ensuite réali-
sée à l’aide des données d’un des réseaux de distribution de Gaz Métro, le principal distributeur gazier
sur le territoire québécois. Finalement, la réglementation énergétique québécoise est brièvement ana-
lysée afin de cibler les éléments qui nuisent à l’établissement de meilleures pratiques en efficacité
énergétique.
2
Chapitre 1
Recension des écrits
Dans le présent chapitre, nous commençons par définir les différents concepts liés à l’efficacité
énergétique (EÉ), à la réglementation énergétique et aux coûts et bénéfices potentiellement générés par
l’EÉ. Dans un second temps, nous analyserons plus en profondeur les implications de différents mé-
canismes réglementaires pour finalement terminer avec une présentation des méthodes généralement
employées afin de caractériser les différents coûts et bénéfices de l’EÉ.
1.1 Définition des concepts
La plupart des distributeurs énergétiques occidentaux administrent différents programmes d’EÉ
qui leur permettent d’offrir des aides financières à la partie de leur clientèle qui implante la mesure
visée par ledit programme. Ces mesures sont de diverses natures : le remplacement d’un équipement
énergivore par un nouvel appareil plus efficace, la rénovation d’un bâtiment afin d’en améliorer l’iso-
lation ou l’analyse d’un procédé par une équipe d’ingénieurs spécialisés en énergie font généralement
partie des types de mesures que l’on retrouve dans l’éventail de programmes offerts par les distribu-
teurs. Plus un programme d’EÉ offre une aide financière élevée par rapport au coût d’implantation de
la mesure, plus ce programme est dit agressif. Lorsque la fixation des aides financières tient compte
explicitement des enjeux de capacité dans les différents réseaux de distribution, le distributeur suit
alors ce qui est appelé une stratégie de report actif (Neme et Sedano, 2012). Autrement dit, le report
actif correspond à la modulation de l’agressivité des programmes d’EÉ afin de maximiser les bénéfices
provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou
de distribution particulier.
Comme la plupart des distributeurs occidentaux réalisent leurs opérations dans un cadre régle-
menté où un même emplacement géographique ne peut être desservi par plus d’un distributeur pour
une même forme d’énergie (gaz et électricité), le concept de report actif devient un concept pertinent,
car la demande de pointe est assurée par une seule et même entreprise qui détient et opère à la fois
le réseau de distribution. Ce concept, mis en pratique depuis le début des années 1990 (mais défini
formellement par Neme et Sedano (2012)), vise aussi à mieux reconnaître les différents bénéfices
3
qui sont générés par les programmes d’EÉ, ces bénéfices profitant tout autant au distributeur qu’à sa
clientèle et au reste de la société en général (Lazar et Colburn, 2013).
Malgré ses bénéfices multiples, peu de distributeurs énergétiques ont, jusqu’à maintenant, tenté
de mettre en place une telle stratégie, ceci principalement pour trois raisons. En premier lieu, l’EÉ ne
permet pas de fournir la même « garantie » que la simple augmentation de la limite de capacité d’un
réseau de transport énergétique. En effet, il est plutôt difficile d’estimer les réductions de demande de
pointe générées par l’EÉ, plusieurs méthodes étant documentées et ayant chacune plusieurs lacunes
importantes (York et collab., 2007). Dans un contexte où les instances réglementaires (aussi appelés les
« régulateurs ») ont généralement pour mandat de veiller à ce que la sécurité d’approvisionnement des
consommateurs énergétiques soit garantie en tout temps, plusieurs distributeurs ne veulent pas prendre
le risque de ne pas investir dans l’augmentation de leur capacité de distribution lorsque la demande
de pointe d’un réseau s’approche de son niveau critique. La demande énergétique est donc considérée
comme quelque chose de complètement exogène alors que l’offre énergétique est considérée comme
la seule vraie variable endogène par les acteurs du secteur énergétique (Hungerford et collab., 2015).
Le deuxième élément correspond au contexte réglementaire entourant la profitabilité des dis-
tributeurs. En tant qu’industrie réglementée, les distributeurs énergétiques ne peuvent pas fixer eux-
mêmes le prix de leur marchandise ; c’est le régulateur public qui fixe les tarifs énergétiques en fonc-
tion des coûts d’approvisionnement et d’opération de chaque distributeur, en plus d’inclure une marge
bénéficiaire. Cette marge bénéficiaire peut être calculée de différentes façons, certaines d’entre elles
incitant les distributeurs à investir en EÉ tandis que d’autres mécanismes, plus traditionnels, lient di-
rectement les profits du distributeur au volume d’énergie distribuée. 1 Nous discutons plus en détail de
cet élément dans le prochain chapitre. Troisièmement, les distributeurs et les régulateurs ont souvent
de la difficulté à bien quantifier les bénéfices réels générés par l’EÉ, ce qui fait en sorte que l’efficacité
économique de l’EÉ se compare difficilement à celle des autres sources d’approvisionnement et de
projets en gestion de la demande (Hirst et Goldman, 1990). Cet élément est abordé spécifiquement
dans la section 2.2.
Les chapitres 1, 2 et 3 présentent le développement d’une méthode d’analyse coûts-bénéfices qui
permet la prise en compte des problématiques soulevées par le contexte règlementaire et la quantifi-
cation des bénéfices générés par l’EÉ. Le chapitre 4 de ce mémoire présente une application de cette
méthodologie dans le cadre du réseau de distribution gazier de l’Abitibi-Témiscamingue, réseau dont
la demande de pointe s’approche dangereusement de sa limite de capacité. Finalement, je conclus en
utilisant les résultats obtenus dans ce mémoire afin de formuler certaines recommandations de nature
réglementaire pour le contexte québécois actuel.
1. Plusieurs régulateurs permettent une « tarification de pointe », soit une modulation des tarifs énergétiques quoti-diens en fonction du moment de la journée où survient la demande de pointe. Cette modulation est justifiée par le fait qu’uneréduction suffsante de la demande de pointe permet alors d’éviter des hausses futures de tarif causées par des investisse-ments coûteux en T&D. Cependant, cette stratégie n’est pas analysée dans le cadre de ce mémoire, mais a permis de générerune abondante littérature économique.
4
1.2 L’importance du contexte réglementaire
Un des éléments importants (voire le plus important) qui est pris en compte par un distributeur
lorsqu’il décide d’implanter ou non une stratégie de report actif est le contexte réglementaire dans
lequel il opère au quotidien. En tant qu’industrie réglementée, les tarifs énergétiques sont fixés par
les régulateurs en fonction des frais d’exploitation des distributeurs et des volumes d’énergie que ces
derniers prévoient distribuer. Une marge bénéficiaire (aussi appelé « taux de retour ») considérée rai-
sonnable par le régulateur est ajoutée aux frais d’exploitation du distributeur, ce qui lui permet d’offrir
un dividende aux investisseurs privés ou publics détenant des parts dans l’entreprise. Toutefois, un tel
mécanisme tarifaire n’encourage que très peu les investissements en EÉ et, ultimement, l’utilisation
efficace de l’énergie par les consommateurs. Cela a d’ailleurs contribué à exacerber les impacts néga-
tifs de la crise énergétique des années soixante-dix, les programmes d’EÉ étant très peu développés
à cette époque, les consommateurs étant alors considérés comme les seuls agents « responsables »
d’utiliser efficacement l’énergie distribuée (Stoft et Gilbert, 1994).
Au lendemain de la crise, cette responsabilité a quitté progressivement les épaules des consom-
mateurs pour aller se poser sur celles des distributeurs. Toutefois, si ces distributeurs en question sont
capables d’influencer le marché, les programmes d’EÉ peuvent leur faire perdre des revenus sub-
stantiels, sans que cela augmente forcément leur part de marché. Comme les distributeurs disposent
souvent de capacités excédentaires et que leurs revenus dépendent des quantités qu’ils distribuent, ils
n’ont pas intérêt à inciter leur clientèle à réduire leur consommation. Cette réalité a fait en sorte de
relativier la place que prenait l’EÉ au sein des différentes préoccupations des distributeurs occiden-
taux lors des années quatre-vingt, ce qui a ensuite amené plusieurs États à considérer des formules
tarifaires qui valorisent directement la réduction de la consommation énergétique, contrairement aux
mécanismes tarifaires plus traditionnels (Eto et collab., 1998b).
Il existe principalement deux types de mécanismes tarifaires permettant de contrer le désintérêt
naturel que les distributeurs possèdent envers l’EÉ (Kushler et collab., 2006). Le premier mécanisme
s’appelle le découplage. Le principe est très simple. Comme il a été expliqué plus haut, dans un méca-
nisme tarifaire traditionnel, les régulateurs déterminent le tarif énergétique en divisant la somme des
frais d’exploitation du distributeur (incluant le taux de retour) par la prévision du volume d’énergie
distribuée pour la période analysée (Lazar et collab., 2011). La somme des revenus qu’un distributeur
doit obtenir afin de couvrir l’ensemble de ces frais d’exploitation est appelée une « exigence de re-
venu ». Cette exigence de revenu est généralement déterminée sur une base annuelle lors des causes
tarifaires organisées entre le distributeur et le régulateur. Une cause tarifaire consiste en un proces-
sus administratif où le distributeur justifie, auprès du régulateur, l’ensemble des coûts qu’il prévoit
défrayer pour respecter ses obligations légales lors de la prochaine année.
Dans un mécanisme tarifaire traditionnel, les tarifs sont fixés lors de chaque cause tarifaire et ne
peuvent pas bouger entre deux causes tarifaires. Or, si le volume d’énergie distribuée augmente entre
deux causes tarifaires, les profits du distributeur augmenteront en conséquence si le coût marginal
5
Quantité d’énergie consommée0
Tarif énergétique ($)
PR
QR
Demande
Offre du monopole réglementé
Offre du monopole non réglementé
PNR
QNR
FIGURE 1.1 – Équilibres microéconomiques pour un distributeur énergétique en situation de monopoleréglementé et non réglementé
de distribution est inférieur au tarif énergétique. L’efficacité énergétique ne devient alors intéressante
que si le coût marginal de distribution énergétique dépasse le tarif déterminé par le régulateur, ce qui
survient, entre autres, lorsque l’évolution prévue de la demande de pointe implique que le distributeur
doit bientôt investir dans l’augmentation de la capacité de ses différents réseaux de distribution.
Toutefois, comme les tarifs énergétiques incluent d’emblée l’ensemble des coûts liés à l’aug-
mentation prévue de la capacité des différents réseaux, cette considération devient intéressante pour
le distributeur seulement si la demande en énergie est fortement élastique. Dans un tel cas, la hausse
de tarif diminuerait de façon importante les ventes et les revenus du distributeur, ce qui inciterait ce
dernier à privilégier des avenues susceptibles de ne pas faire augmenter trop rapidement les tarifs éner-
gétiques. Il est cependant généralement reconnu que la demande énergétique est très peu élastique, ce
qui fait en sorte d’inciter les distributeurs à vouloir augmenter leur tarif plutôt qu’à les baisser (Laban-
deira et collab., 2017). Cette situation est présentée dans la figure 1.1 où l’on constate que le point qui
permet au distributeur en situation de monopole (non réglementé) de maximiser ses profits correspond
à un tarif énergétique plus élevé que celui permis par la courbe d’offre « réglementaire ». On constate
alors que, dans le cas où la demande en énergie serait complètement inélastique, le distributeur n’au-
rait absolument aucun intérêt à investir en EÉ, mais aurait tout intérêt à faire augmenter ses coûts
d’opération indéfiniement afin de faire augmenter les tarifs en conséquence.
Certaines défaillances de marché (externalités environnementales, myopie des agents, etc.) per-
mettent aussi de justifier un cadre réglementaire qui favorise les investissements en EÉ, dont les méca-
nismes de découplage. Dans un système avec découplage, les tarifs énergétiques sont fixés initialement
de la même façon que dans un système tarifaire traditionnel, à la différence que ces derniers varient
automatiquement afin que les revenus générés par le distributeur soient exactement identiques à l’exi-
gence de revenu déterminée lors de la cause tarifaire (Eto et collab., 1997). Plusieurs mécanismes de
découplage existent et sont présentés en détail par Lazar et collab. (2011) et Moskovitz et Swofford
6
(1991). Toutefois, le découplage à lui seul ne permet pas d’éliminer complètement l’aversion naturelle
que possèdent les distributeurs envers l’EÉ. En effet, dans un système avec découplage, le taux de re-
tour est généralement appliqué à une base tarifaire (ou base de tarification) qui est souvent constituée
des investissements en capitaux effectués par le passé (Bachrach et collab., 2004). Dans un tel cas,
le découplage permet de favoriser l’EÉ seulement si cette base de tarification ne change pas. Or, la
hausse du volume distribué est susceptible d’engendrer des investissements en capitaux (par exemple,
un investissement en T&D pour augmenter la limite de capacité d’un réseau) qui affecteront ensuite
directement la profitabilité du distributeur. Un tel mécanisme tarifaire qui incite à un surinvestissement
en capital fixe dans les industries réglementées est connu sous le nom de l’effet Averch-Johnson (Katz,
1983; Train, 1991).
Le deuxième mécanisme tarifaire utilisé pour inciter les distributeurs à investir davantage en
EÉ consiste justement à limiter l’occurrence de l’effet Averch-Johnson, ce qui est réalisé lorsque le
taux de retour des distributeurs s’applique sur des éléments autres que les investissements passés
en capital fixe. Il existe trois variantes documentées de cet « incitatif actionnarial » (shareholder
incentives), soit celui avec « bonus », avec « markup » et avec « économies partagées » (shared
savings) (Stoft et Gilbert, 1994; Eto et collab., 1998b). Un mécanisme avec « bonus » récompense le
distributeur en appliquant le taux de retour sur le total des économies d’énergie qu’il réalise, tandis
qu’un mécanisme avec « markup » récompense le distributeur sur la base de ses dépenses totales en
EÉ et que le mécanisme avec « économies partagées » applique le taux de retour sur les bénéfices
sociaux (nets des coûts sociaux) générés par les programmes d’EÉ du distributeur.
Si l’objectif du régulateur est de maximiser les bénéfices sociaux provenant de l’EÉ, le mé-
canisme incitatif optimal est celui avec « économies partagées » (Stoft et Gilbert, 1994). Sous ce
mécanisme, la façon dont sont comptabilisés les bénéfices sociaux de l’EÉ revêt donc une importance
cruciale afin d’assurer une tarification optimale. La combinaison de ce mécanisme avec du découplage
fait en sorte que la profitabilité du distributeur n’est plus aucunement liée au volume énergétique dis-
tribué, mais bien à l’efficacité économique des programmes d’EÉ administrés par ce dernier. Toute-
fois, comme l’ensemble des bénéfices et coûts sociaux générés par l’EÉ sont relativement difficiles
à chiffrer, cela amène certains auteurs à reconsidérer la pertinence des mécanismes incitatifs basés
sur la performance des programmes d’EÉ (Blumstein, 2010). Néanmoins, l’incitatif actionnarial avec
« économies partagées » conserve tout de même une place très importante chez les régulateurs qui
désirent favoriser le développement de l’EÉ au sein des distributeurs qu’ils réglementent.
Les bénéfices sociaux nets d’un programme d’EÉ sont définis par Stoft et Gilbert (1994) comme
étant l’ensemble des coûts évités générés par le programme d’EÉ dont on soustrait les coûts sociaux
qui lui sont attribués. Ces coûts sociaux correspondent à la somme des coûts de programme du dis-
tributeur, additionnés des coûts de participation (c’est-à-dire les montants payés par les participants
pour implanter la mesure d’EÉ) et des coûts inobservables relatifs à l’administration des programmes
d’EÉ pour chaque distributeur. De plus, si :
1. le mécanisme incitatif employé est celui avec « économies partagées » ;
7
2. le taux de retour employé est de 100 %;
3. le régulateur possède un estimé non biaisé des bénéfices nets produits par l’EÉ ;
4. le distributeur connaît ses propres coûts inobservables,
Stoft et Gilbert (1994) montrent que les profits nets du distributeur correspondent aux bénéfices so-
ciaux nets tels que définis plus haut. Autrement dit, avec un tel mécanisme incitatif qui remplit les
conditions mentionnées, les profits du distributeur sont une représentation fidèle des bénéfices sociaux
nets générés par les programmes d’EÉ. En effet, comme les coûts de programme du distributeur sont
remboursés (à l’aide des tarifs) pour être ensuite déduits au sein du mécanisme incitatif, le distributeur
finit par supporter la totalité de ses coûts de programme.
Toutefois, afin d’éviter un trop gros transfert de fonds des clients vers les distributeurs, certains
auteurs jugent qu’il est pertinent de « charger » un montant fixe au distributeur (une pénalité) qui
aurait pour but de récompenser le distributeur seulement lorsque ce dernier aurait généré une certaine
quantité précise de bénéfices sociaux nets (ou d’économies d’énergie ou de dépenses en EÉ) (Stoft et
Gilbert, 1994; Eto et collab., 1998b). Il n’existe cependant aucun régulateur connu qui garantit un taux
de retour aux distributeurs de 100 %, peu importe le mécanisme incitatif employé. Aussi, le résultat de
Stoft et Gilbert (1994) est seulement valide si l’objectif du régulateur est de maximiser les bénéfices
sociaux nets provenant de l’EÉ et qu’il n’existe aucune interaction stratégique entre le distributeur et
le régulateur, ce qui est relativement peu fréquent (Eom, 2008). Si le régulateur autorise un taux de
retour inférieur à 100 %, les bénéfices sociaux nets qui ne sont pas captés par le distributeur sont alors
directement perçus par les consommateurs sous la forme d’une réduction des tarifs énergétiques.
La figure 1.2 montre l’évolution des profits du distributeur selon la performance réalisée (peu
importe le mécanisme incitatif) dans le cas où une pénalité et une profitabilité maximale seraient ap-
pliquées simultanément. La figure 1.2 montre aussi que, lorsqu’une pénalité est instaurée, le régulateur
s’assure qu’une performance minimale sera atteinte par le distributeur si ce dernier ne veut pas subir
de perte. De l’autre côté, un distributeur qui maximise ses profits a intérêt à fournir une performance
qui lui permet tout juste d’atteindre le niveau de profit maximal autorisé par le régulateur. Dans la
situation décrite par la figure 1.2, le taux de retour au distributeur varie selon la performance et cor-
respond au taux de variation instantanée des profits du distributeur par rapport à la performance du
distributeur.
De tels mécanismes incitatifs basés sur les coûts et bénéfices générés par l’EÉ sont souvent
intégrés dans ce qui est communément appelé la planification à moindre coût (least-cost planning)
(Blumstein et collab., 2004). Ce type de stratégie confère une place importante aux programmes d’EÉ
qui sont fondés sur des logiques d’acquisition de ressources, contrairement aux programmes visant
la transformation de marché. L’acquisition de ressources regroupe l’ensemble des programmes et
autres incitatifs qui cible l’achat d’appareils écoénergétiques ou qui encourage la construction et la
rénovation écoénergétique. Ces programmes ciblent avant tout l’implantation d’appareils et de me-
sures d’EÉ générant des économies (de pointe et annuelles) instantanées, leur permettant ainsi d’être
8
Performance0
Profits ($)
Cible du régulateur
Objectif du distributeur
Pénalité maximale
Profits maximaux
FIGURE 1.2 – Évolution des profits du distributeur pour un mécanisme incitatif quelconque
considérés comme des alternatives crédibles et efficaces à l’augmentation de l’offre énergétique. La
transformation de marché, de son côté, favorise avant tout « les programmes qui mettent l’accent sur
la transformation permanente du marché des produits et services écoénergétiques ou sur la réduction
des obstacles au marché plutôt que sur l’obtention d’économies immédiates ou ciblées envers certains
clients. » (Eto et collab., 1998a)
Historiquement, ces deux types de programmes ont été perçus comme des substituts et non
comme des compléments. Au milieu des années 1990, une vague de restructuration du secteur éner-
gétique aux États-Unis a fait en sorte de minimiser l’importance des programmes d’acquisition de
ressources dans la stratégie énergétique nationale (Kushler et collab., 2006). Cette restructuration
avait pour but, entre autres, de remplacer ces programmes par ceux visant plutôt une transformation
de marché. Toutefois, cette deuxième approche a été fortement remise en question lors de la crise
énergétique californienne de 2000-2001, la réduction du financement pour les programmes d’acquisi-
tion de ressources ayant contribué à faire augmenter rapidement la demande de pointe californienne
(Schwarzenegger, 2003; Kushler et Vine, 2003; Vine et collab., 2004). Depuis ce temps, les deux
approches sont maintenant de plus en plus considérées comme étant des compléments et non des sub-
stituts, la première produisant des économies annuelles et de pointe instantanées et observables alors
que la deuxième permet d’induire des changements dans les habitudes de consommation et dans les
dynamiques de marché sur le long terme (Blumstein et collab., 2004; Blumstein, 2010).
Dans ce contexte, Eto et collab. (1996) soulignent l’importance de l’objectif poursuivi par les
régulateurs lorsqu’ils autorisent le financement des différents programmes d’EÉ. En effet, chaque
objectif peut faire en sorte d’amener le régulateur à privilégier un certain type de programme plutôt
qu’un autre. L’objectif à atteindre est généralement défini par le régulateur et influence ensuite le
type de mécanisme incitatif à implanter. Les auteurs énumèrent les quatre objectifs non mutuellement
exclusifs suivants :
1. la maximisation de la valeur de la ressource ;
9
2. l’atténuation des conséquences environnementales de la production ;
3. l’élimination des défaillances de marché ;
4. l’expansion de l’industrie privée des produits et des services écoénergétiques.
Lorsque le régulateur souhaite avant tout maximiser la valeur de la ressource, il est courant
d’utiliser le test du coût total des ressources (TCTR) afin d’évaluer la rentabilité du programme d’EÉ
du point de vue du participant et du non-participant (Neme et Kushler, 2010). Bien que l’exactitude
de ce test soit remise en question, il reste le test le plus utilisé par les régulateurs afin d’évaluer la
rentabilité sociale d’un programme d’EÉ. D’ailleurs, ce test intègre l’ensemble des bénéfices et coûts
observables liés à l’administration des programmes d’EÉ, ces coûts et bénéfices étant identiques à
ceux utilisés par Stoft et Gilbert (1994) pour calculer les bénéfices sociaux nets des programmes
d’EÉ.
Une des critiques mises de l’avant par Neme et Kushler (2010) provient du fait que le TCTR ne
permet pas de déterminer réellement la stratégie la plus efficace entre une stratégie de report actif et un
investissement en T&D afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement de la clientèle présente dans un
réseau de distribution quelconque. En effet, selon les auteurs, seuls les programmes d’EÉ sont soumis à
des critères de rentabilité sur la base du TCTR alors que les projets d’investissements en infrastructures
de génération, de transport et de distribution de l’énergie ne le sont pas. C’est dans cette optique qu’il
convient de modifier le TCTR pour qu’il puisse représenter séparément les coûts évités en T&D (et
les coûts évités en génération pour les distributeurs et producteurs intégrés) des autres coûts qui sont
évités grâce à l’EÉ. Une autre critique provient du fait que le TCTR ne tient normalement pas compte
de ce qu’on appelle les bénéfices non énergétiques, soit des bénéfices autres générés par l’EÉ et qui
sont plus difficilement quantifiables (augmentation du confort pour les consommateurs, diminution
du risque de panne des systèmes, diminution de l’incertitude liée à la prévision de la demande, etc.).
Les bénéfices non énergétiques, bien que de plus en plus reconnus comme étant non négligeables, ne
seront pas analysés dans ce mémoire, les méthodes afin de les chiffrer pour les inclure officiellement
dans les tests de rentabilité étant encore matière à débat dans la littérature économique (Skumatz,
2016).
1.3 La caractérisation des coûts et bénéfices de l’efficacité énergétique
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons exclusivement au mécanisme incitatif avec
« économies partagées », soit le mécanisme qui relie les profits du distributeur aux bénéfices so-
ciaux nets générés par l’EÉ. Ce mécanisme est le seul qui permet de réconcilier pleinement les inté-
rêts du distributeur aux intérêts de la société quant aux décisions d’investissement du distributeur. Il
s’agit aussi du seul mécanisme qui permet de tenir compte de différents types de coûts et bénéfices
éventuellement générés par l’EÉ, comparativement aux deux autres mécanismes qui sont beaucoup
moins flexibles. Habituellement, les bénéfices de l’EÉ sont comptabilisés en multipliant un coût évité
« unitaire » aux économies totales permises par les programmes d’EÉ (Stoft et Gilbert, 1994; Eto
10
et collab., 1998b). Ce coût évité unitaire correspond à l’ensemble des coûts qui sont supportés par
le distributeur lorsque celui-ci doit distribuer une unité énergétique supplémentaire à un quelconque
client. Il s’agit, en fait, d’un coût marginal global de distribution. Toutefois, il est maintenant bien
connu que les coûts reliés aux investissements en T&D ne varient pas de façon linéaire avec les éco-
nomies d’énergie générées (Woo et collab., 1994; Heffner et collab., 1998). Pour cette raison, il est
pertinent d’extraire des coûts évités totaux la portion qui correspond aux coûts évités en T&D afin de
tenir compte des caractéristiques de chaque réseau de distribution dans le calcul des bénéfices générés
par l’EÉ.
Une telle distinction a déjà été étudiée et employée par le passé au sein du distributeur califor-
nien Pacific Gas and Electric (PG&E), plus grand producteur électrique privé aux États-Unis et aussi
premier distributeur gazier en Californie. Au début des années 1990, le distributeur faisait face à une
demande énergétique de pointe croissante dans un des quartiers résidentiels du nord de la Californie,
ce qui, selon les calculs du distributeur, aurait nécessité un investissement en T&D sur 20 ans d’une
valeur présente nette d’environ 112 M $ (Pupp et collab., 1995). En utilisant une stratégie de report
actif afin de reporter à travers le temps cet investissement, PG&E a réussi à réduire le coût de son plan
d’investissement de 31 % afin de l’amener à 77 M $ en valeur nette actualisée sur 20 ans (Orans et col-
lab., 1994). Cette différence de 35 M $ en valeur actualisée correspond à un bénéfice non négligeable
résultant d’une augmentation temporaire et substantielle de l’agressivité des programmes d’EÉ dans
le réseau de distribution ciblé. Ne pas tenir compte de ces bénéfices dans un mécanisme incitatif avec
« économies partagées » fait en sorte de privilégier systématiquement les investissements en T&D
lorsque la sécurité d’approvisionnement est à risque, alors que cette option n’est pas nécessairement
la plus efficace d’un point de vue économique.
Afin d’estimer convenablement les coûts évités générés par cette approche, Orans et collab.
(1994) utilisent la méthode de la valeur présente (PW method) originalement employée par Orans
(1989) et Mann (1980) pour quantifier la valeur de différents plans d’investissement en capital fixe.
Cette méthode consiste simplement à soustraire la valeur présente du plan d’investissement avec re-
port actif de la valeur présente du plan d’investissement prévu sans report actif. PG&E a ensuite utilisé
différentes techniques d’optimisation dynamique afin de construire le meilleur plan d’investissement
possible, plan combinant à la fois des investissements en EÉ et en T&D (Orans et collab., 1994;
Swisher et Orans, 1995). Cependant, la méthode développée par PG&E est fastidieuse, car l’optimi-
sation dynamique est effectuée de manière itérative selon la rentabilité de chaque programme d’EÉ
pour chaque année où la stratégie est en vigueur. Cette méthode a ensuite été simplifiée par Rahman
et collab. (1996) et Hoff (1998), simplifications qui seront discutées dans le prochain chapitre.
Plusieurs autres projets de report actif ont été expérimentés aux États-Unis et documentés par la
suite. Dans un rapport produit pour le compte du Northeast Energy Efficiency Alliance (NEEP), Neme
et Grevatt (2015) font état d’une dizaine de projets de report actif et en détaillent quatre d’entre eux.
De ces quatre études de cas, seulement deux ont été en mesure de produire de la documentation mé-
thodologique pertinente quant à l’efficacité économique de la stratégie, le premier des deux cas étant
11
celui de PG&E, cas discuté un peu plus haut. L’autre cas est celui de Consolidated Edison, distributeur
électrique et gazier new-yorkais qui prétend avoir été capable d’économiser près d’un milliard de dol-
lars en 10 ans grâce à sa stratégie de report actif (Gazze et Massarlian, 2011). Une des particularités
de l’approche de Consolidated Edison est qu’elle réside dans l’utilisation d’un mécanisme d’enchères
afin d’obtenir des contrats de réduction de la demande de pointe par des firmes spécialisées en EÉ au
plus bas prix possible. Le distributeur ne gère donc pas directement un portefeuille de programmes
d’EÉ dont il tente de maximiser la valeur ; il fixe plutôt un objectif de réduction de la demande de
pointe dans un réseau particulier et soumet un appel d’offres pour quiconque serait apte à atteindre cet
objectif au plus bas coût possible.
Cette dernière façon de faire n’est pas très répandue, les distributeurs offrant généralement à leur
clientèle des programmes d’EÉ qu’ils élaborent eux-mêmes. Dans ce contexte, il est plus adéquat de
développer une méthode simple qui permet de définir le niveau d’effort optimal à investir dans chacun
des programmes d’EÉ déjà existant au sein d’un distributeur afin de maximiser la valeur nette de la
ressource. C’est ce que le prochain chapitre décrit de façon plus détaillée.
12
Chapitre 2
Développement de la méthodologie
2.1 Objectif
L’objectif du présent mémoire est de développer une méthodologie relativement simple qui per-
met de maximiser les bénéfices provenant de l’implantation d’une stratégie de report actif, cela autant
du point de vue du distributeur que de la société. Comme les intérêts de ces deux groupes ne sont pas
nécessairement toujours réconciliables, nous posons les hypothèses suivantes (que nous avons émises
au chapitre précédent) :
Hypothèse 1 : le régulateur utilise le découplage et un mécanisme incitatif avec « économies parta-
gées » afin de ne pas lier la profitabilité du distributeur au volume d’énergie distribuée ;
Hypothèse 2 : le taux de retour appliqué par le régulateur est constant et strictement positif, peu im-
porte la performance du distributeur ;
Hypothèse 3 : le distributeur désire maximiser ses profits intertemporels ;
Hypothèse 4 : les coûts évités comptabilisés dans le mécanisme incitatif varient au fil du temps et
selon le réseau de distribution analysé ;
Hypothèse 5 : le distributeur doit garantir une sécurité d’approvisionnement en tout temps pour l’en-
semble de sa clientèle.
Comme le décrivent Stoft et Gilbert (1994), l’hypothèse 1 permet au régulateur de s’assurer que le
distributeur qui suit l’hypothèse 3 maximise aussi, du même coup, les bénéfices sociaux nets prove-
nant de l’EÉ. Il s’agit de la seule situation, en théorie, où les intérêts de la société et du distributeur
sont réconciliés. L’hypothèse 2 nous assure que le distributeur sera toujours incité à améliorer sa per-
formance quant à l’efficacité de ses programmes d’EÉ. Ensuite, l’hypothèse 4 permet de tenir compte
de la critique de Neme et Kushler (2010) dans l’utilisation du TCTR quant à la quantification des
bénéfices de l’EÉ.
Afin de prendre en compte la variabilité des coûts évités, nous utilisons la méthode de la valeur
présente présentée dans le chapitre précédent afin de comptabiliser séparément les coûts évités en
T&D des autres coûts évités. Finalement, l’hypothèse 5 nous permet de concentrer notre analyse sur
13
la demande de pointe du réseau de distribution analysé afin de calculer les coûts évités en T&D qui
y sont liés. Pour ce faire, Rahman et collab. (1996) et Orans et collab. (1994) utilisent une courbe
de probabilité de perte de capacité (loss-of-load probability) afin d’attribuer une portion des coûts
évités totaux en T&D à chacune des heures de l’année. Cependant, comme l’emploi de ce concept
demande beaucoup de données que nous ne possédons pas et que seule la demande de pointe génère
l’ensemble des besoins en T&D, l’hypothèse 5 nous permet d’affirmer que les coûts évités en T&D
sont uniquement attribuables à la demande de pointe annuelle de chaque réseau de distribution. Cette
demande de pointe correspond à la valeur maximale du flux de demande énergétique observée dans
une période de temps donnée, et ce pour une année donnée et un réseau de distribution donné. Elle
est exprimée en kilowatts (kW ) lorsqu’il est question d’énergie électrique et en m3/h lorsqu’il est
question de gaz naturel. 1 La demande de pointe est donc une caractéristique propre à un réseau de
distribution et chaque mesure d’EÉ possède un impact distinct sur la demande de pointe de chaque
réseau de distribution.
2.2 Définition des coûts et bénéfices
Les bénéfices sociaux nets d’un programme d’EÉ quelconque sont définis par la formule suivante
(Stoft et Gilbert, 1994) :
Bénéfices =Ce +Bne−Cp−Ci−Cc,
où Ce correspond à l’ensemble des coûts évités générés par les programmes d’EÉ, où Bne correspond
aux bénéfices non énergétiques (BNÉ) produits par l’EÉ, où Cc correspond aux coûts d’implantation
de la mesure d’EÉ supportés par le client et où Cp et Ci correspondent respectivement aux coûts de
programme observables et inobservables supportés par le distributeur. Comme les BNÉ et les coûts
inobservables ne sont généralement pas connus du régulateur, le mécanisme incitatif avec « économies
partagées » n’en tient pas compte. Ces deux éléments correspondent respectivement à un bénéfice
et un coût résiduel qui s’ajoute aux profits du distributeur, profits normalement perçus à l’aide du
mécanisme incitatif.
En supposant que l’ensemble des BNÉ sont captés par le distributeur sous forme de bénéfices
résiduels, les profits du distributeur se définissent alors de la façon suivante :
π = Λ(Ce−Cp−Cc)+Bne−Ci,
où Λ correspond au taux de retour (entre 0 et 1) applicable sur les bénéfices sociaux nets de l’EÉ qui
sont observables par le régulateur. Comme il a été mentionné précédemment, il est plutôt difficile de
déterminer précisément les éléments qui composent les BNÉ et les coûts inobservables supportés par
1. Il est possible de convertir une quantité d’énergie électrique, mesurée en kWh, en volume de gaz naturel, me-suré en m3, et vice-versa. Le facteur de conversion utilisé se situe généralement entre 9 et 12,5 kWh/m3 selon lescaractéristiques physico-chimiques du gaz naturel consommé. Voir le site Internet de Gazprom pour plus de détails(https://www.gazprom-energy.fr/gazmagazine/2015/12/unites-mesure-conversion-kwh-m3/).
14
le distributeur. Toutefois, il est légitime de supposer que ces deux éléments varient positivement avec
le volume d’énergie non distribuée. Par exemple, Eom (2008) utilise une fonction quadratique posi-
tive afin de décrire la relation entre les coûts inobservables du distributeur et la « productivité » des
programmes d’EÉ (cette productivité correspondant simplement aux économies d’énergie marginales
générées par une hausse du financement des programmes d’EÉ).
Cette logique peut aussi s’appliquer aux BNÉ, car il est tout plausible que la valeur des BNÉ
n’augmente pas proportionnellement avec le volume d’énergie non distribuée. Cela peut facilement
s’expliquer par la diminution de la variabilité associée à la prévision de la demande (Lazar et Colburn,
2013). Dans tous les cas, comme les deux quantités varient « dans le même sens », leur différence fait
en sorte que l’un permet de compenser l’autre, que ce soit partiellement ou totalement. De plus, ces
deux éléments ne représentent pas concrètement des flux monétaires, mais bien des valeurs données
par le distributeur à des éléments qui sont seulement susceptibles d’engendrer certains flux moné-
taires futurs. En ce sens, la modélisation des relations potentielles entre l’agressivité des programmes
d’EÉ, les BNÉ perçus par le distributeur et les coûts inobservables que ce dernier supporte varie se-
lon les distributeurs et n’est pas réellement généralisable. C’est pour ces différentes raisons que nous
supposerons que la différence entre ces deux termes est négligeable, peu importe le niveau de per-
formance du distributeur. Considérant cela, l’expression des profits du distributeur se simplifie de la
façon suivante :
π = Λ(Ce−Cp−Cc),
ce qui implique qu’un distributeur qui désire maximiser ses profits doit simplement maximiser l’ex-
pression entre parenthèses, l’hypothèse 2 nous permettant de ne pas tenir compte du taux de retour Λ
lors de la maximisation.
Dès lors, il importe de rappeler que les trois termes contenus dans la parenthèse sont des quantités
de bénéfices et de coûts théoriques qui doivent être justifiées devant le régulateur. En ce sens, les
profits du distributeur ne dépendent pas des coûts évités, des coûts de programme et des coûts de
participation réels engendrés par les programmes d’EÉ, mais bien de ceux que le distributeur réussit
à faire reconnaître comme valides auprès du régulateur pour la cause tarifaire en cours. Cela fait en
sorte de faciliter la maximisation des profits pour le distributeur, car ces profits évoluent dans un cadre
qui est déterminé par le régulateur, donc beaucoup moins incertain que si les profits du distributeur
dépendaient des bénéfices sociaux nets réels de l’EÉ. Cela nous permet aussi d’employer les méthodes
de calcul utilisées par le régulateur afin de maximiser les profits du distributeur, ce qui élimine le
besoin pour les distributeurs de poser eux-mêmes plusieurs hypothèses quant à la façon de calculer
leur propre rentabilité.
Cependant, comme le mentionnent Stoft et Gilbert (1994), afin de maximiser à la fois les bé-
néfices sociaux et les profits du distributeur, il est nécessaire pour le régulateur de détenir un estimé
non biaisé des bénéfices nets sociaux générés par l’EÉ. Autrement dit, les paramètres et les méthodes
utilisées afin de calculer les bénéfices sociaux nets provenant de l’EÉ doivent être une représentation
15
fidèle de la réalité et ne pas systématiquement sous-estimer ou surestimer les bénéfices réels. C’est
pour cette raison qu’il est pertinent de tenir compte de la variabilité des coûts évités totaux en y calcu-
lant séparément les coûts évités en T&D, cette variation pouvant facilement sous-estimer les bénéfices
de l’EÉ dans les réseaux dits « saturés » 2 (Woo et collab., 1994; Heffner et collab., 1998). Les coûts
évités totaux générés par l’EÉ sont alors définis ainsi :
Ce =CT &De +Cautres
e ,
où CT &De correspond aux coûts évités en T&D et où Cautres
e correspond à l’ensemble des autres coûts
évités qui varient linéairement selon le volume d’énergie non distribuée.
Afin de calculer les coûts évités en T&D, nous utilisons la méthode de la valeur présente qui sti-
pule que le bénéfice lié au report de l’investissement en T&D correspond à la différence entre la valeur
présente du coût de l’infrastructure au moment initialement prévu par le distributeur (moment défini
par la variable Q) et la valeur présente du coût de l’infrastructure si nous reportons son implantation
d’un nombre T −Q d’années, T étant le moment d’arrêt de la stratégie de report actif (soit le moment
où l’investissement en T&D est réalisé). Afin de bien calculer la valeur présente de ce coût évité, le
facteur d’escompte utilisé est
R =1+ i1+ r
,
où i est le taux d’inflation observé et où r est le taux d’actualisation nominal utilisé par le distri-
buteur, ces deux paramètres étant supposés constants et exogènes. Ce facteur d’escompte permet de
tenir compte de l’inflation observée dans le coût des infrastructures de distribution énergétique et de
l’évolution des prix des autres composantes de l’économie.
En supposant que l’infrastructure de distribution peut être implantée et fonctionnelle en moins
d’une année et que son coût nominal au moment présent (t = 0) est de b $, les coûts évités en T&D
sont décrits par
CT &De = bRQ−bRT = bRQ(1−RT−Q).
Ce coût évité dépend du moment d’investissement initialement prévu Q et du moment d’arrêt
réel T de la stratégie de report actif, le tout pour un réseau de distribution donné et un coût b donné.
Nous déterminons ces deux moments Q et T en nous basant sur la demande de pointe et les prévisions
de croissance de cette demande.
Toutefois, certains auteurs attribuent les coûts évités en T&D à certaines heures particulières de
l’année, ces heures correspondant aux périodes où la demande de pointe est la plus à risque de dépasser
la limite de capacité du réseau de distribution (Orans et collab., 1994; Osareh et collab., 1996; Rahman
2. La notion de « saturation » est utilisée ici de façon particulière, la saturation étant définie un peu plus loin dans cemémoire comme étant un pourcentage de la clientèle éligible à un certain programme d’EÉ ayant déjà implanté la mesureciblée par ce programme.
16
et collab., 1996). Pour ce faire, ils utilisent le concept de probabilité de perte d’approvisionnement
(loss-of-load probability, LOLP) afin d’effectuer l’attribution des coûts évités en T&D à différentes
heures de service durant l’année. Comme cette méthode nécessite une connaissance particulière du
réseau à risque et que les besoins en T&D sont planifiés seulement en fonction de la demande de
pointe, nous calculerons les coûts évités en T&D en les attribuant complètement à la demande de
pointe observée dans le réseau de distribution. Si « plusieurs pointes » sont observables dans un
même réseau, la demande de pointe est définie formellement comme celle qui est la plus élevée parmi
toutes les « pointes » observables, peu importe le moment d’apparition de la pointe « réelle ». 3
En supposant que la période courante correspond à t = 0, que la demande de pointe au moment
présent est de p0, que la limite de capacité du réseau de distribution à risque est de c, que la croissance
prévue de la demande de pointe est de g et que l’infrastructure de distribution nécessite une année
complète afin d’être opérationnelle, le moment initialement prévu Q (sans EÉ) pour l’implantation de
l’infrastructure est défini de la façon suivante :
Q = bc− p0
gc.
L’utilisation de la fonction partie entière par défaut permet de « forcer » l’implantation de l’in-
frastructure de distribution au début de la période où la demande de pointe dépassera la limite de
capacité du réseau. Ce principe est représenté dans la figure 2.1 où plusieurs demandes de pointe
sont présentées conjointement avec leur moment d’investissement en T &D respectif. Chaque point
présenté dans la figure correspond à une demande de pointe annuelle, les droites pointillées servant
simplement à relier les demandes de pointe qui proviennent d’une même demande de pointe initiale
(p0, qui correspond aussi à l’ordonnée à l’origine de chaque scénario). Dans cette figure, nous sup-
posons que la croissance annuelle de la demande de pointe est la même pour chaque scénario chaque
année. De plus, la demande de pointe qui est associé, par exemple, à Q = 0 dans la figure implique
un investissement en T &D lors de l’année 0 parce que la demande de pointe, sans cet investissement,
dépassera la limite de capacité c lors de l’année subséquente (l’année 1). Comme l’implantation de
l’infrastructure en T &D nécessite une année complète pour ce faire, l’investissement doit être réalisé
une année plus tôt, ce qui correspond effectivement à l’année 0 dans ce scénario précisément. Le même
raisonnement peut dès lors être appliqué à chacun des autres scénarios afin de justifier les moments
d’implantation Q initialement prévus. Dès lors, la fonction partie entière nous permet de considérer
seulement les demandes de pointe annuelle et non ce qui survient entre deux pointes successives, ce
qui est précisément l’objectif recherché ici.
Le facteur de croissance g contenu dans l’expression de la variable Q est supposé constant au fil
du temps, ce qui facilite les développements ultérieurs. Cette hypothèse sera toutefois modifiée dans le
chapitre 4. Aussi, ce facteur de croissance exclut tout impact des programmes d’EÉ. Autrement dit, la
3. Le fait de ne pas recourir au LOLP implique que la réduction de la demande de pointe par l’EÉ est susceptiblede réduire aussi la demande au voisinage de cette pointe, limitant ainsi la pertinence d’analyser autre chose que le débitmaximal de pointe, cela indépendamment du moment où ce débit maximal est observé.
17
Temps (années)
Demande de pointec
3 421 5 6
Q = 0 Q = 2 Q = 3 Q = 4 Q = 6
•
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•
•
•
•
•
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FIGURE 2.1 – Représentation graphique de l’évolution temporelle anuelle de plusieurs demandes depointe selon leur niveau initial (p0)
croissance g est celle qui devrait être observée si tous les programmes d’EÉ offerts par le distributeur
étaient abolis. Ultimement, ce facteur peut être ajusté au fur et à mesure que le temps avance et que de
nouvelles informations sont disponibles. Cela constitue en soi une source d’incertitude quant à la durée
réelle du report actif, la croissance de la demande de pointe répondant à une multitude de facteurs
exogènes. Néanmoins, pour des fins de prévision, une croissance prévue linéaire de la demande de
pointe n’est pas irréaliste, cette demande variant surtout selon la croissance de la clientèle. De plus,
la plupart des distributeurs énergétiques modélisent de façon linéaire l’évolution de leur demande
de pointe, ces derniers utilisant des projections dites « extrêmes » de l’évolution de leur clientèle et
de la température hivernale future (ou estivale future selon les caractéristiques du distributeur) afin
d’effectuer leurs propres prévisions (Artelys Optimization Solution, 2015).
Les autres coûts évités (Cautrese ) sont généralement calculés par les régulateurs en multipliant un
coût évité unitaire (en $ par unité de volume énergétique) par le volume total d’économies d’éner-
gie annuelles générées pour un programme d’EÉ en particulier (Stoft et Gilbert, 1994; Eto et collab.,
1998b). Dans le cas des programmes d’acquisition de ressources, le volume total d’économies géné-
rées est facilement calculable, car il s’agit simplement du résultat de la multiplication entre le nombre
de participants au programme et des économies « unitaires » générées pour chaque participant. Bien
que ces économies unitaires soient variables et qu’elles aient tendance à suivre des distributions diffé-
rentes selon le programme étudié, les régulateurs et distributeurs utilisent habituellement une moyenne
des économies générées antérieurement afin d’estimer les économies moyennes futures, économies
qui sont ensuite révisées rétroactivement lors des causes tarifaires. Si le régulateur dispose d’une es-
timation non biaisée des économies générées par la mesure d’EÉ, ce dernier peut calculer les autres
coûts évités générés par cette mesure m pendant l’année t de la façon suivante :
Cautrese,t,m = ηt,memzm,
où ηt,m correspond au nombre de participants observés dans le programme m au temps t, em aux
économies d’énergie unitaires annuelles engendrées par la mesure m et zm aux autres coûts évités
18
unitaires dont nous avons préalablement retranché la partie attribuable aux coûts évités en T&D. Les
économies annuelles em et les coûts évités unitaires zm sont supposés constants pour la durée complète
du report actif.
Tout comme nous l’avons mentionné concernant la croissance prévue de la demande de pointe,
ces paramètres ne sont pas réellement constants, mais varient relativement peu d’une année à l’autre.
De plus, supposer que ces paramètres sont constants nous permet d’estimer la rentabilité d’une straté-
gie de report actif sur un horizon temporel supérieur à une année, contrairement à la situation inverse
où l’incertitude sur la valeur future de ces paramètres nous oblige à estimer la rentabilité du report
actif sur une base annuelle. Un tel développement nécessiterait cependant un travail de recherche
supplémentaire, travail qui n’a pas été réalisé dans le cadre de ce mémoire.
Comme il est généralement difficile, voire impossible, d’obtenir de tels paramètres pour les
programmes de transformation de marché, il n’est souvent pas possible d’appliquer un mécanisme
incitatif à ces programmes, à l’exception du mécanisme incitatif avec « markup » qui récompense le
distributeur sur la base de ses dépenses en EÉ. Toutefois, comme nous analysons exclusivement le
mécanisme incitatif avec « économies partagées », nous ne traiterons pas des programmes de trans-
formation de marché, mais plutôt des programmes d’acquisition de ressources qui sont les seuls pro-
grammes capables de fournir des estimations relativement précises des différents paramètres évoqués
plus hauts. Ces programmes sont aussi les seuls reconnus pour avoir un impact direct sur la demande
de pointe, ce qui permet de planifier concrètement une stratégie de report actif.
L’ensemble des coûts évités générés par l’EÉ correspond à la somme des coûts évités en T&D
et des autres coûts évités sur la durée totale du report actif pour chaque programme d’EÉ en vigueur,
ce qui est représenté par l’équation suivante :
Ce =CT &De +Cautres
e = bRQ−bRT +T
∑t=1
∑m
ηt,memzm.
Afin de simplifier la notation et les calculs, nous nous attarderons, dans un premier temps, au cas
d’un distributeur qui ne possède qu’un seul programme d’EÉ, ce qui élimine la sommation sur m dans
l’équation. Nous obtenons alors l’expression
Ce = bRQ−bRT +T
∑t=1
ηtez. (2.1)
L’équation (2.1) est cependant incomplète. En effet, elle ne tient pas compte du fait que, lorsque
la mesure est implantée, celle-ci génèrera des économies annuelles tout au long de sa durée de vie.
Nous utilisons le taux d’actualisation R défini plus haut pour calculer la valeur totale des autres coûts
évités en considérant le fait que la participation lors de l’année t générera des bénéfices pour les
années suivantes jusqu’en t +d, où d correspond à la durée de vie, en nombre d’années, de la mesure
19
analysée. Les autres coûts évités pour l’année t sont alors représentés par
Cautrese,t = ηte
t+d
∑i=t
(zRi),
expression qui se simplifie à l’aide d’une somme géométrique sur Ri. Cette expression se réécrit
ensuite ainsi :
Cautrese,t = ηtez
(Rt −Rt+d+1
1−R
)= Rt
ηtezR̃, (2.2)
où R̃ = 1−Rd+1
1−R , ce qui correspond au résultat de la somme géométrique sur Ri, pour i allant de t à
t+d. Le total des véritables coûts évités générés par le programme d’EÉ est finalement représenté par
l’équation (2.3), équation qui est obtenue de la même façon que l’équation (2.1), mais en utilisant le
résultat de l’équation (2.2)
Ce = bRQ−bRT +T
∑t=1
RtηtezR̃. (2.3)
Cette équation correspond à la façon la plus simple de calculer l’ensemble des coûts évités
générés par l’EÉ pour un régulateur qui désirerait obtenir une approximation réaliste des bénéfices
bruts directs d’un programme d’EÉ lorsque les différents paramètres propres à ce programme sont
constants. Ces coûts évités sont calculés sur la durée totale du report actif, soit de t = 1 à t = T où T
est déterminé de façon endogène ; nous y reviendrons un peu plus loin.
Bien que les paramètres e et z soient supposés constants dans le présent scénario, cela n’est pas
le cas de la participation ηt . En effet, la participation au programme d’EÉ est une variable qui ne
dépend pas directement du régulateur, mais bien des caractéristiques du programme d’EÉ, du montant
de subvention offert par le distributeur et de la clientèle visée par les différents programmes. La par-
ticipation affecte les bénéfices en augmentant la probabilité de pouvoir augmenter la durée du report
actif d’une année supplémentaire. C’est pour ces deux raisons que nous analysons plus en détail la
participation et les facteurs qui influencent celle-ci dans les prochaines sections.
Contrairement à Hoff (1998), Osareh et collab. (1996) et Rahman et collab. (1996), nous modéli-
sons la participation pour chaque programme d’EÉ en fonction de leurs caractéristiques particulières.
Le modèle employé par le premier auteur incorpore une réduction de la demande de pointe globale qui
n’aborde pas la question de l’impact distinct des différents programmes d’EÉ (ou des autres ressources
disponibles en gestion de la demande). 4 Quant aux deux autres, ces derniers analysent seulement cer-
tains scénarios particuliers de combinaison de ressources, ces ressources combinant à la fois l’EÉ, le
contrôle direct de la demande de pointe ou le service interruptible. 5 Il est donc possible qu’aucun des
4. Hoff (1998) le reconnaît lui-même en mentionnant que « pour être plus précis, il serait nécessaire d’évaluer leseffets techniques de chaque investissement individuellement, de sélectionner le plus efficace, et de répéter l’évaluationensuite. »
5. Toutes ces stratégies de gestion de la demande sont connues sous le vocable DSM pour Demand-Side Management,tandis que le sujet de ce mémoire porte exclusivement sur l’EÉ et plus précisément sur les programmes d’acquisition deressources ; les seuls permettant de planifier une stratégie de report actif qui soit efficace.
20
scénarios étudiés par les auteurs ne maximise réellement les bénéfices du distributeur, problématique
à laquelle ce mémoire tente de remédier
Afin d’obtenir les bénéfices nets générés par l’EÉ, il est nécessaire d’intégrer les différents coûts
générés par les programmes d’EÉ et qui sont supportés par le distributeur et les participants. Pour des
fins de simplification, les coûts de programme seront constitués exclusivement par les coûts liés au
versement des subventions pour le (les) programme(s) d’EÉ considéré(s). Ces coûts de programme
correspondent, tout simplement, au montant total offert en subventions chaque année, ce total corres-
pondant à la somme des subventions « unitaires » versées chaque année. Cette subvention « unitaire »
est représentée par la variable αt , chaque participant recevant ce montant lors de sa participation au
programme au courant de l’année t. Il est certain que l’adoption d’une stratégie de report actif par un
distributeur est susceptible de lui faire supporter d’autres coûts (coûts d’administration, promotion,
etc.), mais ces autres coûts sont relativement faibles comparativement au total des subventions ver-
sées. Certains de ces autres coûts sont d’ailleurs compris dans les coûts inobservables du distributeur,
ce dont nous avons discuté un peu plus haut.
Les subventions à verser dans le futur sont rapportées en valeur présente à l’aide du taux d’ac-
tualisation R défini précédemment, car nous supposons que les subventions offertes correspondent à
des montants réels et non nominaux. En supposant que la participation dépend du montant réel de
subvention offerte, le distributeur, s’il désire conserver une participation constante au fil des années,
doit nécessairement ajuster le montant offert en fonction de l’inflation. C’est selon cette logique que
nous appliquons le taux d’actualisation réel R aux coûts de programme afin d’obtenir la définition
suivante :
Cp,t = ηtαtRt .
Quant au coût supporté par le participant, celui-ci correspond simplement au coût incrémental
de la mesure d’EÉ. Le coût incrémental d’une mesure d’EÉ est défini comme étant la différence
entre le coût total d’implantation de la mesure et le coût de ce qui constitue la « base de référence »,
soit l’option qui n’est pas considérée comme efficace sur le plan énergétique et qui est un substitut
(souvent moins coûteux) à la mesure qui est visée par le programme d’EÉ. Nous comptabilisons ce
coût de façon identique à ce que nous avons fait pour les coûts supportés par le distributeur, ce qui
nous donne la définition suivante :
Cc,t = ηtkRt ,
où k correspond au coût incrémental réel de la mesure d’EÉ, coût qui est supposé constant (en termes
réels). L’expression finale des profits du distributeur correspond alors aux coûts évités totaux nets des
coûts supportés par le distributeur et les participants, auxquels nous appliquons ensuite le taux de
retour Λ. Ces profits totaux sont représentés par l’équation (2.4) suivante :
π(T ) = Λ
(bRQ−bRT +
T
∑t=1
[Rtηt(ezR̃−αt − k)]
). (2.4)
21
2.3 Construction du programme d’optimisation
Si le nombre de participants au programme (ηt) est fonction de la subvention offerte à chaque
période (αt), il est possible de maximiser les profits de l’entreprise à l’aide de l’équation (2.4) dévelop-
pée plus haut. Toutefois, pour ce faire, il importe de mieux caractériser trois éléments fondamentaux :
la participation aux programmes d’EÉ, la dynamique de pointe et la détermination du temps d’arrêt
optimal.
2.3.1 Participation aux programmes d’EÉ
D’abord, nous définissons le nombre de participants ηt comme étant une portion d’une clientèle
admissible à un programme d’EÉ. Nous supposons que cette clientèle admissible, représentée par la
variable N, ne varie pas avec le temps, tout comme la plupart des autres paramètres utilisés jusqu’à
maintenant. La participation au temps t peut dès lors s’écrire
ηt = NΓt ,
où Γt représente le taux de participation observé au courant de l’année t, soit l’année qui est comprise
entre la pointe observée au début de la période t−1 (pt−1) et la pointe observée au début de la période t
(pt).
Si nous définissons la saturation d’une mesure d’EÉ comme étant le pourcentage de clients ayant
déjà implanté ladite mesure par le passé, le taux de participation peut aussi s’exprimer comme étant
la différence entre la saturation observée à la période t et celle observée à la période t−1. Autrement
dit, la participation peut s’écrire ainsi :
ηt = NΓt = N(St(αt)−St−1(αt−1)), (2.5)
où les termes St(αt) et St−1(αt−1) représentent les taux de saturation de la mesure à la période t et à la
période t−1 respectivement. Ces taux peuvent être définis par une fonction de répartition quelconque,
ce sur quoi nous reviendrons un peu plus tard.
Pour l’instant, nous définissons simplement la saturation comme étant une fonction croissante du
niveau de subvention αi, ce qui signifie que ∂Si(αi)∂αi
= S′i(αi)≥ 0. Considérant le fait que Si correspond
à une fonction de répartition, cela implique nécessairement que la saturation se rapprochera de l’unité
si la subvention αi est augmentée de façon importante. La mesure d’EÉ sera donc implantée chez la
quasi-totalité de la clientèle admissible à partir de la période i si αi est très élevé comparativement aux
subventions offertes en dehors de la période i.
Une fois la mesure d’EÉ implantée, les clients n’ont aucune raison apparente afin de retirer cette
mesure, peu importe les subventions futures. Nous supposons alors que la saturation, dans le contexte
d’une clientèle admissible N constante, ne peut pas diminuer au fil du temps ; elle ne peut que stagner
ou augmenter. Autrement dit, la suite {S0,S1, ...,ST} est une suite monotone croissante. Il est possible
de traduire une telle réalité grâce à la participation en spécifiant que la variable ηt ne peut jamais être
22
négative pour tout t entre t = 0 et t = T . La saturation, elle aussi, ne peut jamais être négative : une
saturation négative impliquerait qu’un nombre négatif de clients aurait alors déjà implanté la mesure,
ce qui n’a pas de sens. En tant que pourcentage, la saturation ne peut pas être inférieure à zéro et ne
peut pas être supérieure à 1 non plus.
De plus, il importe de préciser que le montant de subvention offert par le distributeur lors de
chaque période constitue notre seule variable de contrôle. Chaque programme d’EÉ offre des subven-
tions qui leur sont attitrés et qui peuvent évoluer librement au fil du temps. D’ailleurs, ces montants
ne sont pas limités par une contrainte autre que celle de la volonté de payer du distributeur ; nous
n’imposerons donc aucune limite supérieure aux montants offerts par le distributeur, la maximisation
des profits du distributeur permettant justement de déterminer les montants optimaux de subvention à
offrir sans que nous ayons besoin de contraindre ces derniers.
2.3.2 Dynamique de la demande de pointe
Il y a deux conditions importantes que nous n’avons pas encore définies, soit une condition
de réalisabilité physique, qui tient compte de la limite de capacité du réseau de distribution, et une
autre condition « d’arrêt » qui permet de déterminer le temps d’arrêt optimal (T ∗). Attardons-nous
cependant à la condition de réalisabilité physique en premier lieu.
La condition de réalisabilité physique est obtenue à partir de l’équation de la dynamique de la
demande de pointe :
pt = pt−1 +g−∆pt ,
où pt correspond à la demande de pointe au début de la période t, g à la croissance linéaire prévue de
la demande de pointe (identique à celle définie plus haut) et ∆pt à la réduction de la demande de pointe
induite par les mesures d’EÉ implantées lors de l’année t. Ces mesures peuvent avoir été implantées
à n’importe quel moment entre la pointe observée en t − 1 et celle observée en t. Compte tenu des
exigences réglementaires en matière de sécurité d’approvisionnement, la demande de pointe ne doit
jamais dépasser la limite de capacité du réseau c, ce qui se traduit par l’inégalité c− pt ≥ 0. En insérant
la dynamique de la demande de pointe dans cette condition, nous obtenons l’inégalité suivante :
c− (pt−1 +g−∆pt)≥ 0,
que nous réécrivons en isolant la croissance de la demande de pointe g :
c− pt−1 +∆pt ≥ g.
Il est aussi possible d’exprimer la réduction de la demande de pointe (∆pt) en utilisant le nombre
de participants au programme (ηt) et les économies d’énergie (e). En effet, la réduction de la demande
de pointe dépend essentiellement de la quantité d’énergie économisée annuellement, quantité à la-
quelle nous appliquons un facteur de conversion f permettant de transformer le total des économies
23
annuelles en économies de pointe. La réduction de la demande de pointe peut être définie par
∆pt = ηt e f .
Cette formulation de ∆pt implique que la réduction de la demande de pointe ne peut être négative,
soit qu’une hausse de la participation au programme d’EÉ implique nécessairement une réduction
de la demande de pointe. Cela renforce l’idée que la croissance de la demande de pointe (g) est une
croissance brute excluant toute réduction de pointe potentiellement permise par les programmes d’EÉ.
En remplaçant l’expression de ∆pt dans l’inégalité précédente, nous obtenons :
c− pt−1 +ηt e f ≥ g.
En isolant ηt dans cette expression, nous obtenons la condition de réalisabilité physique suivante :
ηt ≥g+ pt−1− c
e f. (2.6)
Nous pouvons maintenant développer une condition d’arrêt optimal, dernier élément nécessaire
afin d’obtenir un programme d’optimisation complet.
2.3.3 Temps d’arrêt optimal
Pour obtenir une condition d’arrêt optimal, nous utilisons la fonction de profit π(T ) que nous
avons définie en (2.4) :
π∗(T ) = Λ
(bRQ−bRT +
T
∑t=1
[Rtη∗t (ezR̃−α
∗t − k)]
),
où π∗(T ) correspond à la trajectoire de profit optimal évaluée en α∗t et en η∗t , ces deux variables
correspondant respectivement au montant optimal de subvention offert à chaque période t et à la
participation annuelle associée à cette subvention optimale. Comme le temps est représenté de façon
discrète et non de façon continue, nous ne pouvons pas directement appliquer une règle de dérivation
en T afin d’obtenir le temps d’arrêt optimal ; nous devons plutôt trouver le temps d’arrêt T qui permet
de satisfaire les deux inégalités suivantes :
π∗(T )≥ π
∗(T −1),
π∗(T )≥ π
∗(T +1).
Ces deux inégalités peuvent se réécrire sous la forme d’une seule condition :
π∗(T +1)π∗(T )
≤ 1≤ π∗(T )π∗(T −1)
, (2.7)
dans quel cas le temps d’arrêt T qui respecte cette double inégalité correspond au temps d’arrêt T ∗
qui permet de maximiser globalement les profits du distributeur.
24
Cairns et Davis (2007) font état de deux règles distinctes qui permettent de déterminer le moment
optimal d’investissement dans les projets coûteux qui augmentent la capacité d’exploitation de cer-
taines ressources naturelles. La première règle est bien connue : si le chemin d’extraction est toujours
optimal, le moment d’investissement optimal est celui qui permet d’annuler la dérivée première (par
rapport au temps) de la valeur présente nette des bénéfices futurs. La deuxième règle, analogue à la
première, tient compte du fait que le taux d’intérêt sur le capital (souvent utilisé comme taux d’actua-
lisation) est une variable stochastique ayant un impact significatif sur le coût d’opportunité des choix
d’investissement. En effet, les auteurs montrent qu’il est bénéfique d’investir dans un projet qui aug-
mente la « capacité d’extraction » de la ressource seulement lorsque la valeur à terme du projet (aussi
appelé forward value) croît au taux d’intérêt r. La valeur à terme du projet (notée W (T )) correspond
à la valeur présente du projet au moment de l’investissement, ce qui correspond à la période t dans
notre situation particulière. Nous pouvons dès lors représenter la valeur à terme du projet de report
actif comme étant la valeur présente des profits du distributeur au moment T , ce qui est représenté par
W (T ) = π∗(T )× (1+ r)T . (2.8)
La deuxième règle stipule que le temps d’investissement optimal T ∗ est celui qui permet de faire
croître cette valeur W (T ) au taux d’intérêt r. Comme T ne peut prendre que des valeurs discrètes dans
la situation qui nous intéresse, nous développons une règle d’arrêt optimal analogue à celle établie par
les auteurs en stipulant que le temps d’arrêt optimal T ∗ correspond au temps d’arrêt T qui respecte
cette condition :
W (T +1)−W (T )W (T )
≤ r ≤ W (T )−W (T −1)W (T −1)
,
où les termes de gauche et de droite correspondent respectivement au pourcentage de croissance de
la valeur à terme du projet lors des périodes T +1 et T . En utilisant la définition de la valeur à terme
présentée en (2.8), nous pouvons développer cette condition et obtenir le résultat suivant :
π∗(T +1)π∗(T )
≤ 1≤ π∗(T )π∗(T −1)
,
ce qui est exactement la même condition que nous avons développée en (2.7) de façon heuristique.
En ce sens, nous venons de démontrer que la règle d’arrêt optimal de Cairns et Davis (2007) est aussi
valide lorsque le temps est modélisé de façon discrète. Cela confirme la justesse de la règle d’arrêt
décrite par la double inégalité présentée en (2.7).
2.3.4 Programme d’optimisation final
À l’aide des équations (2.5), (2.6) et (2.7), nous pouvons maintenant construire un programme
d’optimisation dit « complet » qui inclut l’ensemble des conditions que doit satisfaire la solution
25
optimale :
max{αt}T
t=1
Λ
(bRQ−bRT +
T
∑t=1
[Rtηt(ezR̃−αt − k)]
),
sous contraintes : 0≤ St(αt)≤ 1,
ηt ≥ 0,
ηt = N(St(αt)−St−1(αt−1)),
ηt ≥g+ pt−1− c
e f,
π∗(T ∗+1)π∗(T ∗)
≤ 1≤ π∗(T ∗)π∗(T ∗−1)
.
Nous pouvons simplifier ce problème de deux façons, soit en éliminant le taux de retour Λ de
l’objectif (car ce dernier est strictement positif et constant ; il n’influence donc pas la solution) et en
insérant la définition de la participation ηt dans l’objectif et dans la deuxième et la quatrième inégalité,
ce qui élimine la troisième contrainte du problème. Pour alléger la notation, nous remplaçons aussi les
saturations St(αt) et St−1(αt−1) par St et St−1 respectivement. En effectuant ces modifications, nous
obtenons le programme d’optimisation « simplifié » suivant :
max{αt}T
t=1
bRQ−bRT +T
∑t=1
[RtN(St −St−1)(ezR̃−αt − k)],
sous contraintes : 0≤ St ≤ 1,
St −St−1 ≥ 0,
N(St −St−1)≥g+ pt−1− c
e f,
π∗(T ∗+1)π∗(T ∗)
≤ 1≤ π∗(T ∗)π∗(T ∗−1)
.
Pour simplifier ce problème davantage, il est nécessaire d’analyser les différentes contraintes
individuellement. Toutefois, avant de procéder, nous devons approfondir les notions de participation
et de saturation des programmes d’EÉ.
2.4 Modélisation de la participation et de la saturation
La participation à un programme d’EÉ se fait sur une base volontaire de la part des clients du
distributeur. La relation existant entre la participation et les montants de subvention octroyés par un
distributeur est cependant nébuleuse. Seulement quelques auteurs se sont penchés sur le sujet, dé-
crivant surtout des cas particuliers de programmes de rénovation domiciliaire offerts par différents
gouvernements (Walsh, 1989; Metcalf et Hasset, 1995; Alberini et Bigano, 2015). Si la plupart des
auteurs trouvent que les subventions ont un effet significatif sur la participation, cet effet semble être
relativement faible. Certains auteurs avancent aussi l’idée qu’il est probable que plusieurs clients au-
raient tout de même implanté la mesure d’EÉ ultérieurement, que ce soit avec des montants plus
26
faibles ou même sans subvention (Boomhower et Davis, 2014). En effet, une des particularités des
investissements en EÉ réside dans le fait que ces investissements, au fur et à mesure que les tech-
nologies évoluent et que les normes écologiques progressent, deviennent de plus en plus inévitables
pour l’ensemble des consommateurs. Les programmes d’EÉ sont dès lors reconnus afin de devancer
l’implantation des mesures d’EÉ chez les différents clients d’un même distributeur.
Afin de développer un modèle théorique cohérent de la participation, il importe donc d’introduire
une composante temporelle dans la modélisation. Pour ce faire, nous nous basons sur le modèle simple
développé par Allcott et Greenstone (2012), modèle qui stipule que les consommateurs choississent
de participer à un programme lorsque l’utilité procurée par les économies d’énergie est supérieure
aux coûts d’implantation de la mesure. Dans notre cas, cette utilité est définie par la variable ut . Les
coûts d’implantation de la mesure sont composés de deux éléments distincts, soit un coût en capital k
et un coût inobservé ε . Nous supposons ici que le coût en capital k est identique au coût incrémental
utilisé plus haut afin de construire la fonction objectif du programme d’optimisation. Cela implique
que la décision de participer ou non à un programme d’EÉ ne dépend pas vraiment du coût total
d’implantation de la mesure, mais bien de la différence de coût entre l’option dite « efficace » et
l’option dite « de référence ». Nous posons alors une règle de décision simple qui prend la forme
suivante pour la période t :
ut − (k+ ε)≥ 0. (2.9)
Cette règle de participation est certes nécessaire pour observer une participation à la période t,
mais elle n’est pas suffisante. En effet, un client pourrait vouloir attendre et ne pas participer au
programme d’EÉ au temps t afin de maximiser son utilité nette des coûts observé et inobservé. Si
nous postulons, pour un client en particulier, une utilité initiale u0 qui s’accroît au taux τc et qui est
actualisée au taux rc à chaque période (avec rc > τc, rc n’étant pas forcément identique au taux r
utilisé précédemment), le moment où le client investira en EÉ sera déterminé par le moment t∗ qui
permet de maximiser l’expression
φt = δt(u0(1+ τc)
t − (k+ ε)), (2.10)
où δ correspond au taux d’escompte 11+rc
. Toutefois, il n’est pas clair si φt possède réellement un
maximum en s. Afin de savoir si cette expression possède réellement un maximum, nous utilisons les
propositions 1 et 2 suivantes :
Proposition 1. Si φt possède un maximum en t = t∗, alors φt∗ doit nécessairement respecter la condi-
tion φt∗ > φt ∀t ∈ {t∗+1,∞}.
Justification. Par définition d’un maximum, chaque valeur qui suit celle obtenue au maximum doit
être inférieure à cette dernière.
Proposition 2. Si φt possède un maximum en t = t∗, alors φt∗ est le maximum global de φt si t∗ = 0
ou si φt∗ > φt ∀t ∈ {0, t∗−1}.
27
Justification. Si φt possède un maximum en t = t∗, cela implique soit que t∗ = 0 et que la mesure a
déjà été implantée (ou elle est sur le point de l’être) ou bien que la mesure n’a pas encore été implantée,
ce qui signifie que l’utilité du consommateur continuera à croître dans le futur jusqu’à la période t∗,
car, par définition d’un maximum, les valeurs de φt où t < t∗ seront nécessairement inférieures à la
valeur de φt∗ .
Si l’utilité est maximale en t = 0, la proposition 2 stipule que le client a intérêt à implanter tout
de suite la mesure d’EÉ s’il ne l’a pas déjà fait par le passé. Dans le cas contraire, ce client a intérêt à
attendre à la prochaine période afin de réévaluer l’option d’investir en EÉ ou non. Dans tous les cas,
lorsque l’utilité maximale est atteinte, la valeur de toutes les utilités suivantes est plus faible que celle
observée lorsque l’utilité est maximale, comme le mentionne la proposition 1. En utilisant la définition
de φt présentée en (2.10) et la proposition 1, nous pouvons alors prouver que la fonction φt possède
bien un maximum fini en t∗ grâce à l’inégalité suivante :
δt∗(u0(1+ τc)
t∗− (k+ ε))≥ δt∗+s(u0(1+ τc)
t∗+s− (k+ ε)),
où s ∈ {0,∞}. En isolant les coûts totaux d’implantation de la mesure d’EÉ, nous obtenons le résultat
suivant :
ut∗1−δ s(1+ τc)
s
1−δ s ≥ k+ ε. (2.11)
Le ratio présent dans le côté gauche de l’équation est croissant en s si rc > τc (cela peut se
vérifier analytiquement, mais il est plus simple de vérifier le tout numériquement). Cela signifie que
si l’inégalité est respectée avec s = 1, alors elle l’est aussi pour tout s > 1. Le moment où le client
investira en EÉ est alors déterminé par le moment t∗ qui permet à ut∗ de respecter l’inégalité (2.11)
avec s = 1. Autrement dit, nous déterminons t∗ à la première période où la condition
ut∗1−δ (1+ τc)
1−δ≥ k+ ε,
est respectée. Cette condition se simplifie ainsi :
ut∗θ − k ≥ ε, (2.12)
où θ = rc−τcrc
. Comme nous connaissons le taux de croissance de l’utilité τc et le taux d’actualisation
rc, il ne nous manque que la valeur de l’utilité initiale u0 afin de caractériser complètement le côté
gauche de l’inégalité (2.12). L’hétérogénéité décisionnelle de la clientèle peut dès lors être captée à
l’aide du paramètre ε . En supposant que ce coût inobservé ε suit une distribution quelconque associée
à une fonction de répartition F , le taux de saturation de la mesure en t peut être calculé à l’aide de
l’expression
St = F [ε ≤ utθ − k].
28
Comme il a été mentionné plus haut, l’introduction de la subvention αt ne fait que réduire le coût
incrémental de la mesure d’EÉ (on abaisse ce coût à k−αt), ce qui resserre l’inégalité (2.12) et permet
de devancer l’implantation de la mesure chez les clients qui y sont admissibles. En supposant que tous
les programmes d’EÉ analysés dans ce mémoire sont déjà opérationnels au sein du distributeur et que
ces programmes continueront à exister après la fin de la stratégie de report actif, nous pouvons écrire
la saturation au temps t comme étant fonction de la subvention αt de la manière suivante :
St(αt) = F [ε ≤ utθ − k+αt ]. (2.13)
Cette expression de la saturation St peut donc être utilisée afin de résoudre le problème d’opti-
misation que nous avons développé dans la section 2.3.4.
29
Chapitre 3
Résolution avec une subvention constante
3.1 Programme d’EÉ unique
Le modèle de participation que nous venons de développer possède une implication très impor-
tante quant à la façon de résoudre le problème d’optimisation présenté dans la section 2.3.4. Le fait de
supposer que la participation est le fruit d’une différence de saturation (saturation représentée par une
fonction de répartition appliquée à un certain paramètre) sous-entend qu’il n’est pas pertinent d’ana-
lyser le problème en faisant varier αt pour t ∈ {1,T}. En effet, comme la participation ne peut pas
être négative et qu’elle dépend principalement de l’évolution de l’utilité individuelle, il devient alors
optimal pour le distributeur d’annuler l’ensemble des subventions offertes pour toutes les périodes
entre t = 1 et t = Q− 1 et d’augmenter drastiquement la subvention offerte en t = Q seulement.
Cela ferait ainsi chuter la demande de pointe juste avant que celle-ci dépasse la limite de capacité,
permettant ainsi au distributeur de capter l’ensemble des bénéfices liés à l’EÉ, tout en annulant ses
coûts de programme entre les périodes où t = 1 et où t = Q−1.
Toutefois, une telle situation, bien qu’optimale théoriquement, est difficilement applicable en
réalité, notamment parce qu’aucun régulateur n’accepterait une telle approche de la part des distri-
buteurs. Aussi, cela ferait peser un risque important sur la sécurité d’approvisionnement des réseaux
ciblés, car les distributeurs n’auraient que peu de temps afin de s’ajuster si la demande de pointe ne
diminuait pas assez pour respecter la contrainte de capacité. Pour cette raison, nous allons plutôt ana-
lyser la situation selon laquelle le montant de subvention offert pour un même programme varie une
fois au début du report actif et une autre fois lorsque cette stratégie est terminée. En d’autres termes,
cela signifie que αT = αT−1 = ... = α1 et qu’en dehors du délai couvrant les périodes allant de
t = 1 jusqu’à t = T , le montant de subvention est automatiquement ramené à α0, soit la subvention
initiale. En fixant arbitrairement la dernière période t, il est alors possible de résoudre globalement
le programme d’optimisation. Nous pouvons ensuite suivre l’évolution de l’objectif en fonction de la
dernière période t afin de déterminer le temps d’arrêt optimal selon la condition énoncée en (2.7).
Dans le cas où αT = αT−1 = ... = α1, l’optimisation ne porte plus que sur deux variables, soit
30
α1 et T . 1 Comme l’optimisation sur T dépend de la condition d’arrêt développée dans la section 2.3.3,
il devient alors utile d’optimiser seulement sur α1 et de calculer la valeur de l’objectif pour différentes
valeurs de T . Il est ensuite relativement simple de sélectionner un T ∗ qui maximise l’objectif en
fonction de α∗1 . Si nous mettons de côté la condition d’arrêt et l’optimisation sur T dans un premier
temps, le programme d’optimisation se réécrit de la façon suivante :
maxα1
bRQ−bRT +T
∑t=1
[RtN(St −St−1)(ezR̃−α1− k)], (3.1)
sous contraintes : 0≤ St ≤ 1, (3.2)
St −St−1 ≥ 0, (3.3)
N(St −St−1)≥g+ pt−1− c
e f. (3.4)
Nous analysons maintenant chacune de ces trois contraintes afin de sélectionner lesquelles sont per-
tinentes afin de résoudre le problème d’optimisation et aussi afin de déterminer quel(s) impact(s)
possède(nt) chacune de ces contraintes sur la solution.
- Contrainte physique de la saturation (3.2)
La contrainte (3.2) implique que la saturation est comprise entre 0 et 1 en tout temps. Nous
pouvons traiter cette contrainte en deux parties distinctes, la première correspondant au fait St ≥ 0 et
la deuxième correspondant au fait que St ≤ 1. La première partie est inutile en regard de la contrainte
(3.3), car la contrainte (3.3) implique que la saturation à la période t doit toujours être supérieure à la
saturation à la période t− 1. Mais comme la saturation au temps t = 0 est nécessairement positive,
la contrainte (3.3) est nécessairement toujours plus serrante que la partie St ≥ 0 de la contrainte (3.2).
Considérant cela, nous pouvons mettre tout de suite de côté la première partie de la contrainte (3.2).
La deuxième partie de la contrainte (3.2), soit que St ≤ 1, nous indique que la saturation doit
toujours être égale ou inférieure à 100 %. Dans le cas où cette contrainte serait serrante à l’optimum,
nous obtenons que St = 1, ce qui implique que le programme d’EÉ n’est plus utile à partir de la
période où cette contrainte devient serrante pour la première fois. Comme nous avons postulé que la
saturation ne diminuait jamais au fil du temps, le programme n’est plus utile parce que la saturation
de la mesure dans le marché est totale, ce qui signifie que toute la clientèle éligible au programme a
effectivement implanté la mesure ciblée par ce programme. Si cette contrainte est serrante en t, cela
possède un impact direct sur la participation présente et future, car cela fait en sorte que ηt = 1−St−1
et que ηi = 0 pour tout i ∈ {t +1,∞}. La participation au temps t est donc égale au nombre de clients
éligibles restants dans le marché et la participation ultérieure devient automatiquement nulle.
Quant à la subvention, l’impact de la contrainte (3.2) sur cette dernière est variable. Si la contrainte
(3.2) est serrante en t = 1, il est alors pertinent de déterminer α1 à l’aide de l’égalité 1 = S1, ce qui
1. À partir de maintenant, nous utiliserons la terminologie α1 et α0 afin de désigner respectivement la subventionofferte pendant la durée du report actif et la subvention offerte à tout autre moment.
31
nous donnera un montant de subvention permettant tout juste l’atteinte d’une saturation maximale du
programme d’EÉ dès la première période. Si la contrainte (3.2) est serrante ailleurs qu’en t = 1, cette
dernière n’a pas d’impact sur la détermination du montant de subvention à octroyer, mais seulement
sur la participation (selon ce qui a été écrit dans le paragraphe précédent). Comme cette contrainte
possède un impact sur la variable de contrôle α1 seulement en t = 1, nous la mettrons de côté lors de
la résolution du problème d’optimisation, mais nous en tiendrons compte lorsque nous appliquerons
la présente méthodologie à un cas réel (voir la fin de la section 3.1.3 et le chapitre 4 pour plus de
détails).
- Contrainte de croissance de la saturation (3.3)
La contrainte (3.3) implique que St ≥ St−1, soit que la saturation ne diminue jamais avec le temps.
Étant donné que αi = α j pour tout i, j ∈ {1,T}, cette contrainte est serrante seulement si α1 < α0,
car la saturation augmente naturellement avec l’utilité ut . Une telle situation signifie que le report actif
est trop coûteux et qu’il est plus efficace d’investir rapidement dans l’augmentation de la capacité de
distribution du réseau et de « désinvestir » de l’EÉ, que ce soit en partie ou en totalité. Cette condition
peut aussi être serrante à la période T + 1, soit lorsque le niveau de subvention « redescend » à α0.
Toutefois, comme nous ne nous préoccupons pas de ce qui arrive une fois l’investissement en T&D
réalisé, nous nous intéresserons exclusivement aux situations où t ≤ T , ce qui exclut donc ce deuxième
cas de figure.
Si nous observons effectivement que α1 < α0, il est donc possible que St = St−1, ce qui dépend
de la valeur de α1 comparativement à α0. Si la contrainte est serrante à l’optimum, cela fait en sorte
que la participation ηt sera nulle pour l’année courante et pourra aussi l’être pour les années suivantes.
La participation pourra éventuellement être différente de zéro après un certain temps, ce qui dépend
de l’évolution naturelle de l’utilité de la clientèle. Une telle situation est analysée un peu plus bas (voir
la section 3.1.3).
- Contrainte de capacité (3.4)
La contrainte (3.4), quant à elle, est toujours pertinente parce qu’elle provient directement de
la condition de réalisabilité physique. Elle peut être serrante ou non en T , mais n’est jamais serrante
pour tous les autres périodes t ∈ {1,T −1}. En effet, cette contrainte est serrante seulement lorsque la
demande de pointe se rapproche suffisamment de la limite de capacité, ce qui n’est pas possible pour
les périodes antérieures à T , la marge de manoeuvre du réseau étant assez grande afin de supporter
la croissance de la demande de pointe pour ces années. Cela exclut donc toute possibilité que cette
condition soit serrante ailleurs qu’en T . D’ailleurs, cette contrainte n’enlève pas la pertinence de la
contrainte (3.3), car le terme à droite de l’inégalité présentée en (3.4) peut facilement être négatif : il
suffit que la pointe pt−1 soit assez faible comparativement à la limite de capacité du réseau c pour que
la contrainte (3.3) soit plus serrante que la contrainte (3.4).
32
Compte tenu des derniers aspects mentionnés, nous pouvons maintenant écrire la fonction de
Lagrange associée au problème d’optimisation : 2
L = bRQ−bRT +T
∑t=1
[RtN(St −St−1)(E−α1)]−λ1(St −St−1)−λ2
(N(ST −ST−1)−
g+ pT−1− ce f
),
où E = ezR̃− k. Les conditions de Kuhn-Tucker associées à ce problème sont les suivantes :
∂L (α1,λ1,λ2)
∂α1= 0, (3.5)
∂L (α1,λ1,λ2)
∂λ1≥ 0,
∂L (α1,λ1,λ2)
∂λ1·λ1 = 0, λ1 ≥ 0, (3.6)
∂L (α1,λ1,λ2)
∂λ2≥ 0,
∂L (α1,λ1,λ2)
∂λ2·λ2 = 0, λ2 ≥ 0. (3.7)
Chacune des deux conditions (3.6) et (3.7) peuvent être serrantes ou non à l’optimum. Lors-
qu’elles ne le sont pas, leur multiplicateur λ respectif devient nul et nous pouvons ne pas tenir compte
de ces contraintes dans la condition d’optimalité (3.5). À l’inverse, si une de ces deux contraintes est
serrante à l’optimum, son multiplicateur respectif est non-nul et la contrainte détermine à elle seule
le montant de subvention à octroyer. La condition (3.6), qui correspond à la contrainte de croissance
de la saturation, fait en sorte que St = St−1 lorsqu’elle serrante à l’optimum (λ1 6= 0), ce que nous
avons déjà expliqué un peu plus haut. Finalement, la condition (3.7), qui correspond à la contrainte de
capacité, peut être serrante ou non à l’optimum, ce qui engendre des résultats différents pour chacun
des deux cas. Graphiquement, nous pouvons représenter le problème du distributeur comme la maxi-
misation d’une fonction de profit concave en α1 dont les courbes de niveau augmentent avec T . À cela
s’ajoute la contrainte de capacité qui impose une limite inférieure à α1(T ), limite qui varie en fonction
de T . Cette limite est représentée, pour diverses valeurs de T , par les différents αS1 présents dans la
figure 3.1 (avec un « S » pour « Serrant »). Par souci de simplification, la contrainte de croissance de
la saturation n’est pas présentée dans la figure 3.1.
Cette figure présente un cas hypothétique où le temps d’arrêt optimal serait celui où t = n+ 2
et où la subvention optimale serait égale à αS1 (n+ 2). En effet, pour t = n+ 1, le profit maximal
correspond à α∗1 (n+ 1), soit le résultat de l’optimisation sur α1 effectuée sans tenir compte de la
contrainte de capacité pour une valeur de T égale à n+1. Cependant, même si la contrainte de capacité
est serrante en t = n+ 2, le profit maximal obtenu dans ce cas est supérieur à celui obtenu lorsque
t = n+ 1. Il est donc pertinent d’augmenter le report actif d’une année supplémentaire. Finalement,
lorsque t = n+ 3, la contrainte de capacité devient très exigeante et le profit maximal obtenu est
nettement en deçà de celui obtenu lorsque t = n+ 2. Dans ce cas, la durée optimale du report actif
correspond donc à n+2 années.
Les prochaines sections de ce chapitre sont dédiées à la résolution analytique du problème d’op-
timisation présenté ci-haut. Dans un premier temps, nous analyserons chacun des deux cas de figure
2. Afin de conserver la totalité de l’équation suivante sur une même ligne, nous utilisons la notation L dans l’écriturede la fonction de Lagrange au lieu de L (α1,λ1,λ2), tel que présenté dans les équations (3.5) à (3.7). Notez que cette doubleécriture n’a aucun impact sur les développements ultérieurs.
33
α1($)
π ($)
αS1 (n) αS
1 (n+1) αS1 (n+2) αS
1 (n+3)
t = n
t = n+1
t = n+2
t = n+3
FIGURE 3.1 – Représentation graphique du problème de maximisation des profits du distributeur
permis par la contrainte de capacité, soit lorsqu’elle est serrante à l’optimum et lorsqu’elle ne l’est
pas (sections 3.1.1 et 3.1.2 respectivement). Ces deux sections solutionnent le problème de façon gé-
nérale, sans aucune hypothèse ne soit formulée quant à la distribution du coût inobservé ε . Cela nous
amène, dans un second temps, à résoudre complètement le problème d’optimisation en supposant que
ce coût inobservé suit une distribution uniforme sur l’intervalle continu [a0,a1]. Ce développement
est présenté à la section 3.1.3. Dans cette section, nous présentons aussi les solutions anaytiques du
problème d’optimisation lorsque chacune des contraintes (les équations (3.2) à (3.4)) est serrante à
l’optimum. Bien que les résultats développés dans cette section soient utiles lors de l’étude de cas
présenté au chapitre 4, ces résultats sont de nature théorique et cette section peut être omise pour
ceux et celles qui sont rebutés par les développements techniques. Finalement, la section 3.2 de ce
chapitre s’attarde à la solution du problème d’optimisation lorsque le distributeur étudié possède plus
d’un programme d’EÉ, en supposant toujours une distribution uniforme du coût inobservé ε . Encore
une fois, des résultats sont présentés pour chacun des deux cas de figure permis par la contrainte de
capacité (sections 3.2.1 et 3.2.2). Les résultats présentés dans ces deux dernières sections seront très
utiles lors de l’étude de cas présenté au chapitre 4.
3.1.1 Contrainte de capacité serrante à l’optimum
Dans le cas où la contrainte de capacité serait serrante à l’optimum, cette contrainte détermine
à elle seule le montant de subvention α1 à octroyer. En effet, comme il n’y a qu’une seule variable
de contrôle pour chaque temps d’arrêt T potentiel et que la contrainte de capacité doit nécessairement
être respectée pour chacun de ces temps d’arrêt, la subvention αS1 est obtenue en résolvant la contrainte
de capacité lorsque cette dernière est serrante à l’optimum, soit lorsque
N(ST −ST−1) =g+ pT−1− c
e f. (3.8)
Comme la demande de pointe peut s’exprimer en fonction de la pointe précédente selon l’équation
pt = pt−1 + g − e f ηt , nous pouvons remplacer le terme pT−1 par son développement récursif. Nous
34
obtenons alors que :
pT−1 = p0 +(T −1)g− e fT−1
∑i=1
ηi,
ce qui nous permet de réécrire l’équation (3.8) de la façon suivante :
N(ST −ST−1) =g+ p0 +(T −1)g− e f ∑
T−1i=1 ηi− c
e f.
En remplaçant la participation ηi par sa définition présentée en (2.5), nous obtenons que
N(ST −ST−1) =p0 +T g− c
e f−
T−1
∑t=1
N(St −St−1),
ce qui se simplifie ainsi :
ST −S0 =p0 +T g− c
Ne f.
En utilisant l’équation de la saturation présentée en (2.13) (où αt prend la valeur α1 ou α0 selon
la période t correspondante), nous pouvons remplacer le terme ST présent à gauche de l’égalité, ce qui
nous donne :
F [ε ≤ uT θ − k+α1] =p0 +T g− c
Ne f+S0,
expression à partir de laquelle nous isolons αS1 , soit le montant de subvention déterminé par la contrainte
de capacité lorsque cette dernière est serrante à l’optimum
αS1 (T ) = F−1
[p0 +T g− c
Ne f+S0
]−uT θ + k = F−1[ψT ]−uT θ + k. (3.9)
Nous utilisons la notation αS1 (T ) afin de montrer que ce montant dépend effectivement du temps
d’arrêt T de la stratégie de report actif. La fonction F−1 représente la fonction cumulative inverse de la
distribution utilisée. L’argument de cette fonction inverse, argument représenté par la variable ψT , doit
nécessairement être une probabilité située entre 0 et 1, autrement il n’est pas possible de déterminer
un montant de subvention αS1 (T ). Pour cette raison, nous ajustons la valeur de ψT à la baisse si celle-ci
est supérieure à 1 et inversement si celle-ci est inférieure à 0 afin de nous assurer que l’argument de la
fonction F−1 soit toujours situé entre 0 et 1 inclusivement.
En intégrant l’équation (3.9) dans la fonction de profit développée en (2.4), il est possible de
calculer les profits du distributeur générés par un montant de subvention équivalent à αS1 (T ), ce qui
nous donne :
πS(T ) = Λ
(bRQ−bRT +N(ezR̃−F−1[ψT ]+uT θ −2k)
T
∑t=1
Rt(St −St−1)
),
35
où la notation πS(T ) est utilisée pour montrer qu’il s’agit du résultat serrant et non d’un optimum
« libre ». Nous remarquons que le coût incrémental k de la mesure d’EÉ est soustrait deux fois plutôt
qu’une dans les profits du distributeur, ce qui s’explique par le fait que ce coût incrémental est pris en
compte une première fois dans la définition des bénéfices sociaux nets et une deuxième fois dans la
modélisation de la participation (voir les sections 2.2 et 2.4).
Une règle d’arrêt optimal ne peut pas être obtenue directement à partir d’une telle équation, car
il n’est pas possible de dériver directement cette équation par rapport au temps d’arrêt T . Nous pou-
vons cependant procéder à des simulations en utilisant des valeurs prédéterminées pour les différents
paramètres du problème d’optimisation, ce qui sera fait dans le cadre du chapitre 4. Nous pouvons
toutefois analyser le cas où la contrainte de capacité ne serait pas serrante à l’optimum.
3.1.2 Contrainte de capacité non serrante à l’optimum
Dans le cas où la contrainte de capacité (3.7) ne serait pas serrante à l’optimum en T , le multipli-
cateur λ2 est alors égal à zéro et la solution au programme d’optimisation est définie simplement par
la condition d’optimalité (3.5) avec λ1 = λ2 = 0. Pour les besoins de cette section, nous supposons
aussi que λ1 = 0, ce qui implique que la contrainte de croissance de la saturation n’est pas serrante
à l’optimum non plus. La situation contraire où λ1 6= 0 est analysée un peu plus bas. La condition
d’optimalité (3.5) peut dès lors se réécrire de la façon suivante :
∂L (α1)
∂α1= 0 =
∂[bRQ−bRT +∑
Tt=1[R
tN(St −St−1)(E−α1)]]
∂α1.
En effectuant la dérivation par rapport à α1 et en regroupant les sommations obtenues selon leur
coefficient respectif, nous obtenons l’égalité
0 = E
(T
∑t=1
RtS′t −T
∑t=1
RtS′t−1
)−
(T
∑t=1
RtSt −T
∑t=1
RtSt−1
)−α1
(T
∑t=1
RtS′t −T
∑t=1
RtS′t−1
),
où S′t et S′t−1 correspondent respectivement à la dérivée première de la saturation aux périodes t et t−1
par rapport à α1. Cette expression nous permet d’isoler α1, ce qui nous donne :
α1 = E− ∑Tt=1 Rt(St −St−1)
∑Tt=1 Rt(S′t −S′t−1)
. (3.10)
Comme la saturation est fonction du montant de subvention α1, l’équation (3.10) représente une
formulation implicite de α1. Afin de calculer les profits associés à un tel montant de subvention, il
est nécessaire de posséder une expression explicite de α1, ce qui est le cas avec l’équation (3.9). Afin
d’obtenir une telle forme explicite lorsque la contrainte de capacité n’est pas serrante à l’optimum,
nous devons mieux définir la forme que prend la saturation St . C’est ce que nous ferons dans la section
suivante.
36
3.1.3 Coût inobservé avec distribution uniforme
Bien que la dynamique de saturation soit principalement une question de nature empirique, une
forme attrayante et particulièrement simple à manipuler est celle où la distribution du coût inobservé
ε suit une loi uniforme sur l’intervalle continu [a0,a1]. Une telle distribution du coût inobservé ε
nous permet de calculer facilement la saturation St et la dérivée première de la saturation S′t pour tout
t ∈ {0,T}, ce qui nous donne les quatre équations suivantes :
St =utθ − k+α1−a0
a1−a0∀t ∈ {1,T}, (3.11)
S0 =u0θ − k+α0−a0
a1−a0, (3.12)
S′t =1
a1−a0∀t ∈ {1,T}, (3.13)
S′0 = 0. (3.14)
En introduisant ces différents résultats dans les équations de subventions (3.9) et (3.10) développées
plus haut, nous pouvons obtenir des expressions de αS1 et de α∗1 qui sont comparables entre elles, α∗1
représentant la forme explicite de la subvention optimale obtenue lorsque la contrainte de capacité
n’est pas serrante à l’optimum.
- Contrainte de capacité serrante à l’optimum
En substituant la définition de S0 présentée en (3.12) dans l’argument de la fonction F−1 de
l’équation (3.9), nous obtenons l’expression suivante :
αS1 = F−1
[p0 +T g− c
Ne f+
u0θ − k+α0−a0
a1−a0
]−uT θ + k,
ce qui se simplifie ainsi grâce à la définition de la fonction cumulative inverse de la distribution uni-
forme d’intervalle [a0,a1] :
αS1 =
(a1−a0)(p0 +T g− c)Ne f
+u0θ −uT θ +α0. (3.15)
Cette équation décrit la forme simplifiée de αS1 lorsque ε suit une distribution uniforme d’in-
tervalle [a0,a1]. Nous pouvons aussi développer la dynamique de la demande de pointe à l’aide de
l’expression de αS1 obtenue en (3.15). La demande de pointe s’exprime d’abord de la façon suivante :
pt = p0 + tg− e f N(St −S0).
En utilisant les équations (3.11) et (3.12) pour remplacer respectivement St et S0 dans l’expression de
pt , nous obtenons
pt = p0 + tg− e f N(
utθ −u0θ +α1−α0
a1−a0
),
37
où nous pouvons remplacer α1 par le résultat obtenu en (3.15). Après plusieurs simplifications, nous
obtenons la forme finale suivante :
pSt = g(t−T )+ c− Ne f (ut −uT )θ
a1−a0,
ce qui correspond à la dynamique de la demande de pointe lorsque la contrainte de capacité est serrante
à l’optimum et lorsque le coût inobservé ε suit une distribution uniforme d’intervalle [a0,a1].
Nous constatons alors que, si t = T , nous obtenons que pST = c, ce qui montre que la contrainte
de capacité est effectivement serrante. Nous constatons aussi que la pointe ne croît pas tout à fait au
taux g, car l’augmentation de la participation, grâce à l’évolution naturelle de l’utilité ut , réduit la
croissance de la demande de pointe par rapport à la croissance qui serait observée sans EÉ (soit une
croissance linéaire de facteur g).
- Contrainte de capacité non serrante à l’optimum
En substituant les équations (3.11) à (3.14) dans la forme implicite de α1 présentée en (3.10)
et en simplifiant les sommations présentes dans le dénominateur de l’équation, l’expression de α1 se
réécrit ainsi :
α1 = E−∑
Tt=2[R
t(ut θ−ut−1θ
a1−a0)]+R(u1θ+α1−u0θ−α0
a1−a0)
Ra1−a0
,
expression que nous pouvons simplifier davantage en éliminant le dénominateur a1−a0 et en divisant
chaque terme au numérateur par R. Cela nous donne l’expression (plus digeste) suivante :
α1 = E−T
∑t=2
[Rt−1(utθ −ut−1θ)]−u1θ −α1 +u0θ +α0,
expression qui peut encore se simplifier en utilisant l’équivalence ut = ut−1(1+ τc), en regroupant
toutes les utilités ut dans la même sommation et en isolant α1. Cela nous donne l’expression de α∗1finale suivante :
α∗1 =
12
(E− τcθ
T−1
∑t=0
[Rtut ]+α0
). (3.16)
Les profits associés à ce montant de subvention sont obtenus en remplaçant α1 par α∗1 dans la
fonction de profit (2.4), ce qui nous donne :
π∗(T ) = Λ
(bRQ−bRT +
N2
(E + τcθ
T−1
∑t=0
[Rtut ]−α0
)T
∑t=1
[Rt(St −St−1)]
).
Afin que le montant α∗1 défini par l’équation (3.16) puisse réellement nous permettre de respecter
la contrainte de capacité, ce montant doit être supérieur au montant αS1 obtenu grâce à l’équation
38
(3.15). Dans le cas contraire, αS1 serait alors le montant de subvention qui devrait être offert afin de
respecter la contrainte de capacité et les profits du distributeur corresponderaient à ceux présentés
dans la section 3.1.1. Cette logique nous permet alors de formuler une condition de sélection, soit une
condition qui identifie si la solution au problème d’optimisation présentée en (3.1) est α∗1 au lieu de
αS1 . Si cela est le cas, alors le montant de subvention optimal α∗1 doit nécessairement être supérieur à
αS1 , ce que nous pouvons écrire ainsi grâce aux équations (3.15) et (3.16) :
12
(E− τcθ
T−1
∑t=0
[Rtut ]+α0
)≥ (a1−a0)(p0 +T g− c)
Ne f+α0−uT θ +u0θ ,
où nous pouvons isoler la variable E du côté gauche de l’inégalité afin d’obtenir :
E ≥ 2(a1−a0)(p0 +T g− c)Ne f
+α0−2uT θ +2u0θ + τcθ
T−1
∑t=0
[Rtut ].
La variable E, qui est égale à l’expression ezR̃− k, représente la valeur totale des autres coûts
évités générés par la mesure d’EÉ sur sa durée de vie, nette du coût incrémental d’implantation de la
mesure (k). Cette variable peut très bien être inférieure à l’expression présente à droite de l’inégalité.
Il importe donc de vérifier si cette condition est respectée lorsque nous tentons de déterminer si la
solution au problème d’optimisation est une solution intérieure ou une solution de coin. D’autres
distributions peuvent aussi être utilisées afin de modéliser l’hétérogénéité du coût inobservé ε , mais
les calculs peuvent devenir laborieux très rapidement.
La dynamique de la demande de pointe peut aussi être développée dans le cas où la contrainte de
capacité ne serait pas serrante à l’optimum. Pour ce faire, nous utilisons l’équation de la demande de
pointe présentée en (3.16), équation dans laquelle nous remplaçons α1 par l’équation de α∗1 obtenue
en (3.17). Cela nous donne l’expression de p∗t suivante :
p∗t = p0 + tg− e f N
(utθ −u0θ + 1
2
(E− τcθ ∑
T−1t=0 [Rtut ]−α0
)a1−a0
),
expression qui ne se simplifie pas davantage et qui ne dépend pas de la limite de capacité c, contraire-
ment à pSt .
- Contrainte de croissance de la saturation serrante à l’optimum
Nous analysons maintenant le cas particulier où la contrainte de croissance de la saturation, soit
l’équation (3.3) (représentée par l’inégalité St − St−1 ≥ 0), est serrante à l’optimum. Cela se produit
seulement lorsque α1 < α0, tel que cela a été mentionné plus haut. De plus, cette contrainte est
serrante seulement pour certaines valeurs de t particulières. En effet, le fait que α1 < α0 implique
que la participation tombe nécessairement à zéro pendant quelques périodes lors du passage de α0 à
α1. Lorsque ces périodes sont écoulées, la participation augmente ensuite en fonction de l’évolution
naturelle de l’utilité ut . Dans le cas où le coût inobservé ε suit une distribution uniforme d’intervalle
39
[a0,a1], le montant de subvention α1 qui annule la participation lors de la période t = 1 doit nous
assurer l’égalité entre S1 et S0. De façon analogue, la subvention α1 qui annule la participation en
t = 1 et en t = 2 doit assurer l’égalité entre S2, S1 et S0. Le premier des deux cas mentionnés nous
permet de postuler l’égalité suivante :
u0θ − k+α0−a0
a1−a0=
u0(1+ τc)θ − k+α1−a0
a1−a0,
ce qui se simplifie afin de donner l’expression explicite de α1 suivante :
α1 = α0−u0θτc.
La subvention α1, dans ce cas de figure particulier, est effectivement plus petite que α0, car le
terme u0θτc est nécessairement strictement positif. Une telle subvention α1 permet à la saturation S1
d’être équivalente à celle observée au temps t = 0, alors que la saturation au temps t = 2 leur est
forcément différente. En effet, si nous désirons que S2 = S1 = S0, nous devons plutôt développer
l’égalité S2 = S0, ce qui nous donne :
u0θ − k+α0−a0
a1−a0=
u0(1+ τc)2θ − k+α1−a0
a1−a0,
ce qui nous permet d’obtenir l’expression de α1 suivante :
α1 = α0 +u0θ(1− (1+ τc)2).
Dans ce dernier cas, la subvention α1 obtenue permet d’annuler la participation pour t = 1 et
t = 2, la participation étant à nouveau strictement positive en t = 3. En généralisant les deux dernières
équations de α1, nous obtenons l’expression suivante :
α1 = α0 +u0θ(1− (1+ τc)t),
où nous pouvons isoler t afin de déterminer le nombre de périodes durant lesquelles la participation
serait nulle pour un montant de subvention α1 inférieur à α0. Nous obtenons alors que
t =ln(
α0−α1+u0θ
u0θ
)ln(1+ τc)
.
En utilisant l’entier inférieur le plus proche de t, nous obtenons la dernière période à partir de
laquelle la participation est effectivement nulle. Dans le cas où la contrainte de croissance de la sa-
turation serait serrante à l’optimum, il est donc important de s’assurer que la participation soit nulle
pour la durée appropriée.
- Contrainte physique de la saturation serrante à l’optimum
40
Finalement, si le coût inobservé ε suit une distribution uniforme d’intervalle [a0,a1], il est pro-
bable que la contrainte physique de la saturation soit serrante à l’optimum. Comme il a déjà été men-
tionné dans la section 3.1, une telle contrainte possède un impact sur le montant de subvention à offrir
seulement si cette dernière est serrante en t = 1. Nous déterminons alors le montant de subvention
optimale en utilisant l’égalité S1 = 1, ce qui nous permet d’obtenir le résultat suivant :
1 =u1θ − k+α1−a0
a1−a0,
où l’on isole facilement α1 afin d’obtenir :
α1 = a1−u1θ + k.
Ce montant de subvention permet d’atteindre une saturation maximale dès la première pé-
riode t = 1, ce qu’aurait certainement permis une subvention plus élevée, mais à des coûts plus élevés
pour le distributeur sans que cela ne génère de bénéfices supplémentaires. Aussi, il se peut fort bien
que malgré une saturation totale de 100 % dans le programme étudié, l’impact d’un tel niveau de satu-
ration sur la demande de pointe ne soit pas suffisant afin de générer du report actif. Cela signifie que le
programme d’EÉ présentement étudié ne permet pas, à lui seul, de réduire suffisamment la demande
de pointe afin de reporter les besoins d’investissement en T&D. L’incorporation de plusieurs autres
programmes d’EÉ dans le problème d’optimisation peut toutefois générer du report actif sur plusieurs
années, même si chaque programme analysé individuellement ne le permet pas. C’est ce que nous
analyserons dans la prochaine section.
3.2 Programmes d’EÉ multiples
La plupart des distributeurs énergétiques possèdent un portefeuille de programmes d’EÉ com-
posé de plusieurs programmes qui possèdent tous des caractéristiques différentes. La modélisation
effectuée plus haut avec un seul programme ne permet pas de considérer le meilleur mix de pro-
grammes et de subventions à offrir afin d’implanter une stratégie optimale de report actif au sein d’un
distributeur. Au lieu d’analyser seulement quelques scénarios possibles quant à la combinaison des
programmes et des montants de subventions à offrir, nous utilisons les résultats développés dans la
section précédente afin d’obtenir les résultats inhérents au cas des programmes multiples.
Si le distributeur que nous analysons possède un portefeuille contenant m programmes d’EÉ, la
contrainte de capacité se réécrit alors de la façon suivante :
pt = pt−1 +g− f ∑m
emηt,m ≤ c,
où il est possible d’extraire la participation au programme i de la façon suivante :
pt−1 +g− f ∑m6=i
emηt,m− f eiηt,i ≤ c.
41
En isolant la participation au programme i dans l’inégalité, nous obtenons la contrainte de parti-
cipation suivante :
ηt,i ≥pt−1 +g− f ∑m 6=i emηt,m− c
ei f. (3.17)
Nous constatons alors que la contrainte de participation pour le programme i est fonction de la parti-
cipation à tous les autres programmes. Cela aura un impact important lors des développements ulté-
rieurs.
Le facteur de conversion de pointe f est conservé identique pour chaque programme afin de sim-
plifier la résolution du problème. Cela permet aussi de sélectionner un facteur de conversion relative-
ment « conservateur » qui constitue une estimation minimale de l’impact des différents programmes
d’EÉ sur la demande de pointe. De plus, comme l’impact de l’EÉ sur la demande de pointe est un su-
jet technique relativement complexe, nous préférons nous en tenir à un estimé commun conservateur
applicable à l’ensemble des programmes.
3.2.1 Contrainte de capacité serrante à l’optimum
Si la contrainte pour le programme i est serrante en T , nous développons alors la condition de
participation présentée en (3.17) comme cela a été fait plus haut afin d’obtenir la subvention αS1 dans
le cas du programme unique. En remplaçant la participation ηt,i par Ni(St,i− ST−1,i), nous obtenons
l’égalité
Ni(ST,i−ST−1,i) =pT−1 +g− f ∑m 6=i emηT,m− c
ei f,
où nous utilisons la dynamique de la demande de pointe pt = pt−1 + g − f ∑m emηt,m afin d’obtenir :
Ni(ST,i−ST−1,i) =p0 +T g− f ∑m em ∑
T−1j=1 η j,m− f ∑m 6=i emηT,m− c
ei f.
En remplaçant les participations η j,m et ηT,m par leur définition respective et en annulant les
termes intermédiaires dans la sommation sur le terme j, nous obtenons l’expression suivante :
Ni(ST,i−ST−1,i) =p0 +T g− f ∑m emNm(ST−1,m−S0,m)− f ∑m6=i emNm(ST,m−ST−1,m)− c
ei f,
expression que nous pouvons simplifier en annulant les saturations à la période T − 1 afin d’extraire
le terme indicé par i, ce qui nous donne :
Ni(ST,i−ST−1,i) =p0 +T g− f ∑m 6=i emNm(ST,m−S0,m)− c
ei f−Ni(ST−1,i−S0,i).
Finalement, en simplifiant les saturations du programme i à la période T − 1 et en utilisant la
définition de la saturation présentée en (2.13), nous obtenons l’expression αS1,i suivante :
αS1,i = F−1
i
[p0 +T g− f ∑m6=i emNm(ST,m−S0,m)− c
Niei f+S0,i
]−uT,iθ + ki = F−1
i [ψT,i]−uT,iθ + ki.
42
où nous supposons que θ ne varie pas selon le programme d’EÉ considéré. Cela implique que nous
supposons que les clients valorisent et escomptent la valeur des économies d’énergie de façon iden-
tique, peu importe d’où ces économies proviennent. Nous constatons que la subvention offerte αS1,i
diminue lorsque la participation aux autres programmes augmente, ce qui est tout à fait cohérent avec
le fait qu’il s’agit d’une subvention « serrante ».
Pour obtenir une expression explicite de αS1,i, nous procédons comme nous l’avons fait dans la
section 3.1.3, en supposant une distribution uniforme d’intervalle [a0,i,a1,i] pour le coût inobservé εi,
ce qui nous donne l’expression finale suivante :
αS1,i =
(a1,i−a0,i)(
p0 +T g− f ∑m 6=i emNm(ST,m−S0,m)− c)
Niei f+u0,iθ −uT,iθ +α0,i, (3.18)
ce qui correspond à l’analogue de l’équation (3.15) dans le cadre d’un distributeur possédant m diffé-
rents programmes d’EÉ.
3.2.2 Contrainte de capacité non serrante à l’optimum
Dans le cas où la contrainte de capacité ne serait pas serrante en T , la subvention optimale α∗1,is’obtient en dérivant la fonction de profit par rapport à α1,i, comme cela a été fait dans la section 3.1.2.
Avec plus d’un programme d’EÉ, la fonction de profit se réécrit de la façon suivante :
π({α1,m},T ) = Λ
(bRQ−bRT +∑
m
[T
∑t=1
[RtNm(St,m−St−1,m)(emzmR̃m−α1,m− km)
]])où R̃m = 1−Rdm+1
1−R et où dm correspond à la durée de vie de la mesure m. Comme les m subventions ne
sont pas dépendantes entre elles pour un temps d’arrêt T fixé, les éléments m 6= i n’interviennent pas
dans le calcul de α∗1,i. Nous développons la condition d’optimalité en dérivant directement la fonction
de profit par rapport à α1,i, ce qui donne un résultat équivalent à la méthode de Lagrange considérant
le fait que λ1 = λ2 = 0 dans le cas étudié. En posant Ei = eiziR̃i− ki, cette dérivation nous donne la
condition d’optimalité suivante :
0 = Ei
T
∑t=1
RtS′t,i−Ei
T
∑t=1
RtS′t−1,i−α1,i
T
∑t=1
RtS′t,i−T
∑t=1
RtSt,i +α1,i
T
∑t=1
RtS′t−1,i +T
∑t=1
RtSt−1,i,
condition dans laquelle il est possible d’isoler α1,i comme nous l’avons fait dans la section 3.1.2, ce
qui nous donne :
α1,i = Ei−∑
Tt=1 Rt(St,i−St−1,i)
∑Tt=1 Rt(S′t,i−S′t−1,i)
. (3.19)
Ce résultat correspond à la même équation que l’équation (3.10), à la différence que celle-ci
est propre à chaque programme d’EÉ. Les développements ultérieurs avec une distribution uniforme
du coût inobservé εi pour chacun des programmes se font de façon identique à ce qui a été fait dans
la section 3.1.3, développements que nous ne présenterons pas ici pour des fins de concision. Ces
développements sont toutefois nécessaires afin d’obtenir une forme explicite de la subvention optimale
α∗1,i.
43
3.2.3 Algorithme de résolution
Dans le cas des programmes multiples, l’enjeu principal consiste en l’identification des pro-
grammes dont la subvention est déterminée par la seule contrainte de capacité. Tel que cela a été
mentionné dans les sections précédentes, les subventions qui ne sont pas contraintes par la limite de
capacité doivent nécessairement être supérieures aux subventions qui sont contraintes par cette limite.
Nous développons alors la condition de sélection suivante (qui est l’analogue de celle développée à la
section 3.1.3) :
α∗1,i ≥ α
S1,i. (3.20)
Le problème principal avec une telle condition est que le terme à droite de l’inégalité dépend
de toutes les subventions qui sont octroyées pour chacun des m programmes, ce qui ne permet pas de
déterminer séparément si chaque subvention α∗1,i respecte ou non cette condition. Il est donc nécessaire
de procéder par étape afin de s’assurer que cette condition soit bien respectée lorsque la contrainte de
capacité n’est pas serrante pour une ou pour plusieurs des m subventions.
La première étape consiste dans le calcul de la solution intérieure pour chaque programme m,
soit de calculer chaque subvention sans tenir compte de la contrainte de capacité. En faisant cela, nous
obtenons m séries de subventions α∗1,i(T ) (qui sont fonction de T ) et m valeurs de α∗1,i(T∗) qu’on peut
reconnaître facilement à l’intérieur de chaque série en calculant les profits qui sont associés à chacune
de ces subventions.
Deuxièmement, nous calculons les m séries de subventions serrantes αS1,i(T ) en utilisant les sub-
ventions α∗1, j(T ) obtenues lors de la première étape en s’assurant que j 6= i. En effet, pour calculer
αS1,i(T ), nous avons besoin des montants de subvention offerts dans les autres programmes car αS
1,i
dépend de la saturation des autres mesures d’EÉ. Ensuite, nous comparons les différentes séries obte-
nues pour chaque programme. Si une seule subvention optimale α∗1, j(T∗) est inférieure à son montant
analogue αS1, j(T
∗), nous « ajustons » à la hausse le niveau de subvention α∗1, j(T∗) jusqu’à ce qu’il
égalise αS1, j(T
∗). Cet ajustement devrait donner le « mix » optimal final de subvention qui respecte la
contrainte de capacité.
Si plus d’une subvention α∗1,i(T∗) est inférieure à son analogue αS
1,i(T∗), il est alors nécessaire
de les ajuster successivement afin de déterminer quelle(s) subvention(s), lorsqu’augmentée(s) à leur
niveau « serrant », permet aux autres subventions α∗1,i(T∗) de respecter l’inégalité (3.20). Afin de
déterminer quelle(s) subvention(s) il est optimal d’ajuster à la hausse, il peut être utile de comparer
les valeurs données par la fonction de profit chaque fois qu’une subvention est amenée à son niveau
« serrant ». Une telle procédure est donnée en exemple dans le chapitre suivant.
44
Chapitre 4
Application au réseau gazier de l’Abitibi
Maintenant que nous avons obtenu plusieurs résultats théoriques pertinents, nous pouvons mettre
en application ces résultats à l’aide des données du Plan global en efficacité énergétique (PGEÉ) de
Gaz Métro, principal distributeur gazier québécois.
4.1 Le Plan global en efficacité énergétique de Gaz Métro
Le PGEÉ de Gaz Métro contient l’ensemble des paramètres réels et projetés (sur trois ans)
concernant les différents programmes administrés par le distributeur, paramètres qui ont été utili-
sés pour développer les modèles théoriques présentés dans les chapitres précédentes. Le PGEÉ sert de
document de référence lors des causes tarifaires afin d’évaluer l’efficacité des différents programmes
d’EÉ offerts par le distributeur. Pour ce faire, Gaz Métro présente différents tests de rentabilité dans le
PGEÉ, soit le TCTR (tel que mentionné dans la section 1.3), le test de neutralité tarifaire (TNT) et le
test du participant (TP). Le TNT détermine si l’existence du programme d’EÉ possède un quelconque
impact sur les tarifs énergétiques payés par l’ensemble de la clientèle alors que le TP détermine la
rentabilité du programme du seul point de vue du participant. Ce dernier test est réalisé en opposant le
coût incrémental de la mesure d’EÉ à la valeur des économies totales générées par celle-ci sur toute
sa durée de vie.
Le plus récent PGEÉ de Gaz Métro a été déposé à la Régie de l’énergie du Québec le 29 avril
2016 (Gaz Métro, 2016). Ce PGEÉ compte au total vingt programmes d’acquisition de ressources et
cinq programmes de transformation de marché. Parmi les programmes d’acquisition de ressources,
quatre d’entre eux sont destinés à la clientèle résidentielle, treize à la clientèle commerciale, indus-
trielle et institutionnelle (CII) et trois sont destinés aux grandes entreprises (GE), soit des entreprises
qui ont des contrats d’approvisionnement particulier et dont la consommation annuelle dépasse géné-
ralement 10 millions de mètres cubes (Mm3). Comme les GE sont peu nombreuses dans la clientèle de
Gaz Métro et que le secteur résidentiel compte pour une faible proportion des ventes du distributeur,
nous nous concentrerons spécifiquement sur les programmes ciblant la clientèle CII.
45
Programmes Économies Coût incré- Coûts évités Durée dee (m3/an) mental k ($) z ($/m3) vie d (ans)
PE202 - Chaudières intermédiaires 6 111 9 837 0,2921 20PE207 - Études de faisabilité 17 932 16 264 0,2901 9PE208 - Aide à l’implantation 84 823 110 011 0,2891 15PE210 - Chaudières à condensation 3 560 12 404 0,2911 20PE212 - Chauffe-eau à condensation 2 562 6 687 0,2281 15PE215 - Infrarouge 2 293 696 0,3211 17PE224 - Hotte à débit variable 6 752 18 184 0,3211 15PE225 - Aérotherme à condensation 650 2 575 0,3211 20PE226 - Recommissioning 20 079 36 227 0,2861 5
TABLEAU 4.1 – Caractéristiques des neuf programmes d’EÉ ciblant la clientèle CII de Gaz Métropour l’année 2016-2017
De ces treize programmes ciblant la clientèle CII, neuf d’entre eux offrent la documentation né-
cessaire concernant la participation et la saturation afin de les modéliser adéquatement. Les différents
paramètres techniques propres à chacun de ces neuf programmes sont présentés dans le tableau 4.1.
Toutes ces valeurs sont tirées du PGEÉ Horizon 2017-2019 et représentent les valeurs moyennes pro-
jetées au mois d’avril 2016 pour les programmes du PGEÉ en vigueur lors de l’année 2016-2017. 1
Les coûts évités présentés sont comptabilisés en éliminant la portion qui est attribuable au renforce-
ment du réseau de distribution (soit les coûts évités moyens en T&D qui correspondent à une moyenne
de 0,9$parmillierdem3 de gaz naturel distribué). Ces paramètres seront utilisés afin de simuler une
stratégie de report actif dans le réseau gazier de l’Abitibi.
4.2 Caractérisation de la saturation
La saturation est calculée pour les années 2014 et 2015 pour chacun des neuf programmes à
l’aide des données de la firme Extract Recherche Marketing, entreprise spécialisée dans les sondages
et la collecte de données, et des données du PGEÉ Horizon 2017-2019 (B.-Couture et Dupuis, 2014;
Gaz Métro, 2016). Ce sont les données les plus récentes disponibles sur le sujet.
Lorsque le coût inobservé ε suit une distribution uniforme d’intervalle [a0,m, a1,m], nous savons
que la saturation St pour le programme m s’exprime ainsi :
St,m =u0,m(1+ τc)
tθ − km +αt,m−a0,m
a1,m−a0,m.
En posant un coût inobservé centré à zéro et symétrique autour de zéro, nous pouvons définir les deux
1. Pour des fins de cohérence temporelle, nous considérerons que l’année 2016-2017 couvre la période allant de lademande de pointe observée en 2016 jusqu’à la demande de pointe observée en 2017, même si cela ne correspond pas toutà fait à la réalité du distributeur présentement étudié.
46
Programmes Subvention Taille du coût Utilité Saturation Clientèleinitiale α0 ($) inobervé a1 ($) initiale u0 initiale S0 ( %) admissible N
PE202 4 400 3 727,76 13 517,66 49,60 68PE207 2 500 10 141,32 14 470,65 10,68 75PE208 15 400 64 193,89 125 090,75 15,28 119PE210 4 300 1 921,91 21 980,10 67,90 257PE212 2 380 2 095,78 7 484,38 18,67 303PE215 475 70,32 625,61 70,80 192PE224 7 915 7 757,51 7 997,41 4,43 96PE225 1 150 1 261,50 521,78 1,79 284PE226 30 000 6 126,89 274,52 0,08 933
TABLEAU 4.2 – Paramètres supplémentaires pertinents pour les neuf programmes d’EÉ ciblant laclientèle CII de Gaz Métro pour l’année 2016-2017
saturations suivantes pour les années 2014 et 2015 :
S2014,m =u2014,mθ − km +α0,m +a1,m
2a1,m,
S2015,m =u2014,m(1+ τc)θ − km +α0,m +a1,m
2a1,m.
Le taux d’actualisation rc (propre à la clientèle) contenu dans θ est fixé à 5 %, alors que le taux
de croissance de l’utilité est fixé à 3 %, ce qui nous assure que rc > τc pour tous les programmes. Cela
nous donne une valeur de θ = 0,4. Nous postulons aussi que α0,m = (α2015,m + α2014,m)/2, soit une
moyenne des subventions observées lors des années 2014 et 2015. Nous avons alors deux équations
avec deux inconnus (u2014,m et a1,m) à déterminer pour chaque programme, ce qui se résout facilement
par substitution. Nous obtenons alors les expressions suivantes pour a1,m et u2014,m :
u2014,m =(km−α0,m)(S2015,m−S2014,m)
θ(S2015,m−S2014,m(1+ τc)+0,5τc)), (4.1)
a1,m =u2014,mθ − km +α0,m
2S2014,m−1, (4.2)
où km correspond au coût incrémental présenté dans le tableau 4.1. Le tableau 4.2 présente l’ensemble
des paramètres pertinents supplémentaires obtenus à partir des équations (4.1) et (4.2). Afin d’avoir
une même année de référence pour tous les programmes, la saturation initiale S0 et l’utilité initiale
u0 sont définies comme étant les valeurs calculées pour l’année 2017, soit le moment où la demande
de pointe est observée en 2017. L’utilité en 2017 (u0) est obtenue en appliquant 3 fois le taux de
croissance τc = 3% à l’utilité de l’année 2014 (u2014,m). La saturation en 2017 est calculée à l’aide
de cette utilité initiale et des autres paramètres présentés dans le tableau 4.2. La clientèle admissible
N correspond à une estimation de la clientèle qui peut participer aux différents programmes présentés
dans les tableaux 4.1 et 4.2 et qui sont connectés au réseau gazier de l’Abitibi. Toutefois, avant d’aller
plus loin, il importe de présenter sommairement les caractéristiques de ce réseau.
47
FIGURE 4.1 – Carte du réseau gazier de l’Abitibi-Témiscamingue
4.3 Le réseau gazier de l’Abitibi-Témiscamingue
Le réseau gazier de l’Abitibi est un réseau qui prend son origine à Earlton en Ontario grâce au
réseau de transport de TransCanada Pipelines. Comme le montre la figure 4.1, le réseau dessert les
villes de Rouyn-Noranda, Malarctic, Val-d’Or, Louvicourt et Amos, en plus de desservir quelques
autres clients le long du réseau, notamment des entreprises minières.
En 2015, le réseau comptait 933 clients CII, dont deux d’entre eux étaient catégorisés comme
étant des GE. La figure 4.2 montre l’évolution de la clientèle CII (sans les GE) dans le réseau gazier
abitibien entre 2008 et 2015. Lorsque nous extrapolons la tendance observée dans cette figure jusqu’en
2017, le nombre estimé de clients CII à l’heure actuelle dans le réseau est de 933, soit le même nombre
de clients CII qu’en 2015. La clientèle admissible N est estimée à partir des données globales de B.-
Couture et Dupuis (2014). En fait, pour obtenir la clientèle admissible spécifique à l’Abitibi pour
chacun des neuf programmes d’EÉ, nous appliquons un taux d’admissibilité globale à la clientèle
ciblée par le programme, taux qui est obtenu à l’aide des données de la firme Extract Recherche
Marketing.
La demande de pointe du réseau de l’Abitibi est problématique par le fait que certains projets
miniers futurs mettent une pression grandissante sur le réseau de distribution, comme le montre la
48
FIGURE 4.2 – Évolution de la clientèle CII dans le réseau gazier abitibien
figure 4.3. Les données présentées dans la figure 4.3 correspondent à une estimation de la demande de
pointe prévue pour la période 2017-2032. Les données présentée dans cette figure ont été modifiées
de façon à ce que la demande de pointe qui y est présentée ne tienne pas compte de l’impact des pro-
grammes d’EÉ sur la pointe. Nous voyons bien que la croissance de la demande de pointe est inégale
et que cette demande de pointe atteint son maximum en 2021. Autrement dit, si les programmes d’EÉ
étaient capables de réduire la demande de pointe en 2021 sous la barre des 41 000 m3/h, l’infrastruc-
ture de distribution supplémentaire (dont le coût est estimé à 50 M $) ne serait vraisemblablement pas
nécessaire avant environ une vingtaine d’années.
Si nous fixons la période t = 0 au moment de la pointe projetée en 2017 (que nous suppose-
rons réelle et non projetée), la valeur de la variable Q à cet endroit est de zéro car la contrainte de
capacité n’est pas respectée dès l’année prochaine. La méthode de résolution en subvention constante
développée dans le chapitre 3 peut facilement s’appliquer à ce réseau gazier, à l’exception du fait
que la croissance projetée de la pointe g sera modifiée annuellement afin de tenir compte de la varia-
tion présente dans celle-ci. Nous intégrons cette modification dans tous les développements ultérieurs
pertinents.
4.4 Contrainte de capacité non serrante à l’optimum
Afin d’obtenir les montants optimaux de subvention à offrir pour le réseau abitibien, nous em-
ployons la méthode décrite dans la section 3.2.3. Nous calculons d’abord les m subventions α∗1,m à
49
FIGURE 4.3 – Évolution projetée de la demande de pointe du réseau gazier abitibien
l’aide de l’équation suivante :
α∗1,m(T ) =
12
(emzmR̃m− km− τcθ
T−1
∑t=0
[Rtut,m]+α0,m
),
où l’inflation i est fixé à 2 %, le taux τc est de 3 % et les taux d’escompte rc et r sont tous les deux de
5 %. En utilisant les paramètres présentés dans les tableaux 4.1 et 4.2, nous pouvons calculer chaque
subvention α∗1,m(T ) pour chaque temps d’arrêt T potentiel. Avec les subventions α∗1,m obtenues, nous
calculons ensuite le profit total du distributeur grâce à la fonction de profit correspondante :
π∗(T ) = Λ
(bRQ−bRT +∑
m[
T
∑t=1
[RtNm(St,m−St−1,m)(emzmR̃m−α∗1,m(T )− km)]]
),
où nous supposons que Λ = 1. En nous assurant que toutes les contraintes décrites dans les chapitres
précédents sont respectées, nous calculons les profits optimaux du distributeur pour chaque temps
d’arrêt T potentiel. Les résultats sont présentés dans la figure 4.4. Nous remarquons tout de suite que
le moment d’implantation optimal de l’infrastructure de distribution correspond à T ∗ = 13, soit lors
de l’année 2030. Les profits tombent ensuite à zéro, car la demande de pointe dépasse la limite de
capacité pour les deux années subséquentes et nous prenons en compte seulement les profits optimaux
contenus dans la fenêtre temporelle débutant à la période où t = 1 et finissant à celle où t = T .
Les profits « normaux » sans report actif sont présentés dans la figure 4.4 pour des fins de com-
paraison, ces profits correspondant simplement aux autres coûts évités générés si les subventions des
programmes analysés étaient maintenues à α0,m pour toute la durée du report optimal. Nous consta-
tons qu’après 13 ans, les bénéfices générés par les deux stratégies diffèrent d’environ 23,5 M $. Les
50
FIGURE 4.4 – Bénéfices générés avec et sans implantation d’une stratégie de report actif
profits totaux avec report actif correspondent à la somme entre les bénéfices nets autres optimaux et
les coûts évités en T&D. Ces profits totalisent 27,827 M $ au temps d’arrêt T = 13, soit le montant
maximum observé sur l’ensemble des courbes présentées dans la figure 4.4.
Comment la demande de pointe se comporte-t-elle si une telle stratégie est implantée? Nous
calculons la demande de pointe avec report actif à l’aide de l’équation de la dynamique de pointe
modifiée afin d’intégrer les variations dans la croissance g, ce qui nous donne l’équation suivante :
pt = p0 +t−1
∑i=0
gi− f ∑m
Nmem(St,m−S0,m),
où le facteur de conversion f correspond exactement à 3,5/(365× 24). Ce facteur de conversion
provient du fait que s’il n’y avait pas d’impact particulier de l’EÉ sur la pointe, cette dernière serait
équivalente aux économies annuelles, mais réparties uniformément sur chaque heure de l’année. Cela
nous donnerait un facteur de conversion égal à 1/(365×24). Comme il existe effectivement un impact
de l’EÉ sur la demande de pointe qui est différent de l’impact observé ailleurs au courant de l’année,
un multiplicateur conservateur de 3,5 fois l’impact uniforme est utilisé pour chaque programme d’EÉ
analysé dans ce chapitre. Ce multiplicateur a été estimé à partir des analyses d’impact préparées par
Gaz Métro.
La figure 4.5 présente l’évolution de la demande de pointe avec et sans stratégie de report actif
optimal. Nous voyons bien que la demande de pointe baisse rapidement entre l’année 2017 et 2018, ce
qui est le résultat de l’augmentation des différentes subventions dans les neuf programmes analysés.
Après l’année 2018, la demande de pointe suit essentiellement une trajectoire comparable à celle
51
FIGURE 4.5 – Trajectoire prévue de la demande de pointe avec et sans implantation d’une stratégie dereport actif
prévue originalement.
Le tableau 4.3 présente différents résultats provenant de l’optimisation pour chaque programme
analysé. Nous remarquons tout de suite que les programmes PE212, PE225 et PE226 ne sont pas
pertinents dans la stratégie de report actif, leurs bénéfices nets autres étant nuls à T ∗. Cela s’explique
par le fait que les subventions optimales pour ces programmes à T ∗ sont inférieures à leur montant
initial respectif (α0,m). Selon nos résultats, il est plutôt optimal de désinvestir de ces programmes,
quitte à les abolir dans ce réseau particulier pour la durée du report actif.
Nous constatons que le programme PE208 - Aide à l’implantation génère près de 83 % des
économies totales pendant la durée du report actif. En effet, ce programme est celui qui génère les
économies unitaires les plus élevées en moyenne, bien que son coût incrémental soit aussi très élevé.
La subvention optimale offerte pour les programmes PE207 et PE208 correspondent d’ailleurs à plus
de 90 % du coût incrémental de la mesure, alors que les autres subventions optimales correspondent
à moins de 60 % du coût incrémental de la mesure. Le programme PE212 est le seul qui génère des
bénéfices autres nets négatifs. Dans ce cas, il peut être optimal d’abaisser la subvention à zéro afin de
ne pas subir une quelconque perte de bénéfices. Le programme peut toutefois rester utile s’il permet
de générer du report actif supplémentaire, ce que nous analyserons dans la prochaine section de ce
chapitre.
Ces résultats doivent toutefois être considérés avec prudence. Le fait d’utiliser un modèle de
participation théorique se basant sur une distribution uniforme d’un coût inobservé ne correspond pas
52
Programmes Bénéfices nets Saturation à Économies générées Subventionautres à T ∗ ($) T ∗ ( %) sur {0,T ∗} (m3) α∗1,m à T ∗ ($)
PE202 433 663,90 100,00 209 443 5 624,30PE207 771 917,66 85,15 1 001 652 14 894,07PE208 10 221 765,30 100,00 8 551 463 100 724,90PE210 174 525,05 100,00 293 690 1 414,50PE212 -594,75 18,67 0 1 056,01PE215 511 050,82 100,00 128 583 398,83PE224 16 500,08 16,70 79 536 8 319,95PE225 0,00 1,79 0 912,07PE226 0,00 0,08 0 12 913,73Total 12 129 422,82 - 10 264 367 -
TABLEAU 4.3 – Résultats de l’optimisation pour chaque programme d’EÉ analysé
forcément à un modèle réaliste de la participation. La croissance de la diffusion technologique est
généralement reconnue pour suivre une distribution normale alors que le modèle présentement utilisé
implique une croissance exponentielle de la saturation des mesures d’EÉ (Zariffa et Dupuis, 2010).
De plus, le modèle développé ne prend pas en compte les différents effets de distorsion généralement
inclus dans le calcul des bénéfices nets provenant des programmes d’EÉ (B.-Couture et Dupuis, 2014).
Une telle inclusion de ces effets de distorsion (opportunisme, bénévolat et entraînement) dans notre
modélisation est une avenue de recherche intéressante et ayant le pouvoir d’améliorer grandement le
réalisme de la modélisation présentée dans ce mémoire.
Nous considérons aussi que tous les clients possédant une utilité nette positive participeront au
programme d’EÉ alors qu’en réalité, bien des clients implantent eux-mêmes une mesure d’EÉ sans
participer à un quelconque programme. Cette « implantation naturelle » permet au distributeur de
jouir des bénéfices de l’EÉ sans en supporter les coûts, ce qui sous-estime les différents bénéfices
nets estimés dans ce mémoire. Finalement, les différents paramètres utilisés dans la présente section
sont supposés constants au fil du temps alors qu’en réalité, ces derniers sont modifiés annuellement à
chaque cause tarifaire. Une modélisation sur une base annuelle permettrait alors de tenir compte de
cette « variabilité réglementaire ». Une telle approche nécessite cependant un travail supplémentaire
substantiel qui dépasse le cadre de ce mémoire.
4.5 Contrainte de capacité serrante à l’optimum
Avec l’aide des résultats obtenus dans la dernière section, nous analysons maintenant le cas où
la contrainte de capacité est serrante à l’optimum, ce qui peut amener le report actif à être augmenté
d’une année supplémentaire, soit que T ∗ = 14 au lieu que T ∗ = 13. Effectivement, les résultats de la
section précédente supposent qu’il n’est pas optimal de reporter à 2031 l’investissement en T&D, les
montants optimaux de subventions associés à un report actif de 14 ans (α∗1,m(14)) ne permettant pas
de réduire la demande de pointe de façon suffisante. Il peut toutefois être globalement optimal d’aug-
53
Programmes Subvention Saturation Demande de pointe SubventionαS
1,m à T = 14 ($) associée ( %) associée (m3/h) α∗1,m à T = 14 ($)
PE202 5 386,09 100,00 41 142,72 5 386,09PE207 17 650,06 100,00 41 067,39 14 806,60PE208 98 520,50 100,00 41 142,72 98 520,50PE210 1 027,16 100,00 41 142,72 1 027,16PE212 2 939,54 68,63 41 000,00 1 010,77PE215 387,80 100,00 41 142,72 387,80PE224 16 821,76 72,41 41 000,00 8271,61PE225 3 520,80 100,00 41 070,29 908,92PE226 30 177,37 1,99 41 000,00 12 912,07
TABLEAU 4.4 – Caractéristiques des montants de subvention permettant de respecter la contrainte decapacité à T = 14
menter la subvention au-dessus de son niveau α∗1,m(14) afin de permettre une année supplémentaire
de report actif. Une telle chose est possible seulement pour les programmes dont la saturation n’est
pas de 100 % à T = 13. Dans un tel cas, le résultat de la section 3.2.1 s’applique, mais nous modi-
fions la dynamique de pointe afin de tenir compte des variations dans g. Cela nous donne l’expression
suivante :
αS1,i(T ) =
(a1,i−a0,i)(
p0 +∑T−1t=0 gt − f ∑m6=i emNm(ST,m−S0,m)− c
)Niei f
+u0,iθ −uT,iθ +α0,i,
où ST,m−S0,m =uT,m−u0,m+α∗1,m(T )−α0,m
a1,m−a0,m.
Le tableau 4.4 présente les subventions αS1,i(T ) obtenues pour T = 14 ainsi que le taux de satu-
ration et la demande de pointe qui leur sont associés. Les montants optimaux de subvention α∗1,i(T )
pour T = 14 sont aussi présentés pour des fins de comparaison. Nous remarquons d’abord que le taux
de saturation associé à α∗1,i(14) est de 100,00 % pour six programmes sur neuf. Cela signifie que ces
programmes, afin de respecter la contrainte de capacité en T = 14, ne sont pas individuellement suf-
fisants même si la totalité de leur clientèle éligible y participait. Nous confirmons cette interprétation
avec la demande de pointe associée à ces subventions, demande de pointe qui est supérieure à la limite
de capacité pour chacun des six programmes saturés.
Comme nous l’avons mentionné à la fin du chapitre 3, il peut être optimal d’augmenter les
subventions en T = 14 dans les programmes où nous observons que α∗1,i(14) < αS1,i(14), soit les
programmes PE207, PE212, PE224, PE225 et PE226. De ces cinq programmes, nous savons que les
programmes PE207 et PE225 ne sont pas suffisants, à eux seuls, afin de faire respecter la contrainte
de capacité en T = 14. Nous analyserons donc différentes combinaisons de subventions αS1,i(14) à
appliquer afin de faire respecter la contrainte de capacité en T = 14. L’impact de ces différentes com-
binaisons de subventions serrantes sur les profits du distributeur sera calculé afin de déterminer quelle
combinaison de subventions est réellement optimale. Le tableau 4.5 présente le profit total à T = 14
pour les différentes combinaisons possibles de subventions serrantes αS1,i(14). Nous remarquons tout
54
Combinaison de Profits Demande de pointeprogrammes associés (M $) associée à T = 14 (m3/h)Aucune combinaison serrante 27,827 41 142,72PE207 et PE212 28,948 41 000,00PE207 et PE224 28,908 41 000,00PE207 et PE225 28,358 41 000,00PE207 et PE226 28,753 41 000,00PE225 et PE207 28,267 41 000,00PE225 et PE212 28,229 41 000,00PE225 et PE224 28,185 41 000,00PE225 et PE226 28,026 41 000,00PE212 28,776 41 000,00PE224 28,596 41 000,00PE226 28,468 41 000,00
TABLEAU 4.5 – Profits associés aux différentes combinaisons de subventions permettant de faire res-pecter la contrainte de capacité en T = 14
de suite que les profits maximaux sont générés lorsque la subvention liée au programme PE207 est
amenée à son niveau serrant (ce qui permet une saturation de 100 %) suivi du programme PE212.
Dans toutes les combinaisons analysées, la demande de pointe en T = 14 est nécessairement égale
à la limite de capacité, ce qui permet une année supplémentaire de report actif pour chacune de ces
combinaisons.
Lorsque nous sélectionnons la combinaison optimale pour un temps d’arrêt T = 14, est-il tout
de même possible de reporter d’une autre année l’investissement en T&D? Cela est possible grâce
au programme PE226 qui permet de générer une assez grande quantité d’économies d’énergie afin de
réduire suffisamment la demande de pointe pour que le temps d’arrêt T soit égal à 15. Lorsque nous
augmentons la subvention du programme PE226 pour l’amener à son niveau serrant en T = 15, le
profit total généré est de 28,011 M $, soit 937 000 $ de moins que la combinaison optimale présentée
dans le tableau 4.5. Si nous continuons le même raisonnement pour l’année suivante, soit d’augmenter
suffisamment la subvention du programme PE226 afin de faire respecter la contrainte de capacité en
T = 16, le profit total généré est de 27,476 M $, ce qui confirme la baisse du profit total malgré la
hausse de la durée du report actif.
La figure 4.6 présente les différents bénéfices générés à l’aide des développements présentés
dans cette section. Nous constatons que les bénéfices nets autres optimaux diminuent après le temps
d’arrêt T = 14, car les bénéfices nets autres optimaux générés par le programme PE226 sont négatifs
et réduisent de ce fait les bénéfices totaux. En effet, le programme PE226 fait subir des pertes de
2,21 M $ et de 1,70 M $ au distributeur lorsque le temps d’arrêt T passe de 14 à 15 années et de 15 à 16
années respectivement. Comme les bénéfices nets autres optimaux générés par le programme PE226
diminuent avec l’augmentation du temps d’arrêt T , il est clair que le moment optimal d’implantation
de l’infrastructure en T&D correspond à l’année 2031, soit T = 14. Une telle stratégie génère des
55
FIGURE 4.6 – Bénéfices générés avec et sans implantation d’une stratégie de report actif lorsque lacontrainte de capacité est serrante en T
Programmes Bénéfices nets Subvention Saturation Économies généréesautres à T ∗ ($) optimale ($) associée ( %) sur {0,T ∗} (m3)
PE202 441 594,94 5 386,09 100,00 209 443PE207 752 114,14 17 650,06 100,00 1 201 305PE208 10 408 825,29 98 520,50 100,00 8 551 463PE210 196 913,63 1 027,16 100,00 293 690PE212 -59 241,63 1 921,49 44,34 199 289PE215 511 651,39 387,80 100,00 128 583PE224 17 476,99 8271,61 17,30 83 405PE225 0,00 908,92 1,79 0PE226 0,00 12 912,08 0,08 0Total 12 669 334,76 - - 10 667 177
TABLEAU 4.6 – Résultats de l’optimisation pour chaque programme d’EÉ analysé avec temps d’arrêtoptimal à T ∗ = 14
bénéfices totaux de 28,948 M $.
Finalement, le tableau 4.6 présente les subventions optimales finales à octroyer pour chaque
programme, en plus des niveaux de saturation propres à chaque programme en T ∗ = 14 et des éco-
nomies totales générées par chaque programme sur la durée du report actif. Nous pouvons constater
que, contrairement à ce qui a été présenté dans le tableau 4.2, le programme PE212 n’est plus inutile
dans la stratégie de report actif. En effet, ce programme permet d’ajouter une année de report actif
supplémentaire comparativement à ce que nous avions obtenu dans la section précédente. Toutefois,
56
l’inutilité des programmes PE225 et PE226 est confirmée à l’aide des résultats présentés dans le ta-
bleau 4.6. Selon nos résultats, ces programmes pourraient être abolis dans le réseau abitibien et cela
n’aurait aucun impact négatif sur la profitabilité optimale du distributeur dans ce réseau précisément.
La stratégie de report actif permet donc d’augmenter substantiellement les profits du distributeur
tout en générant un peu plus de 10 millions de m3 d’économies de gaz naturel. À l’inverse, le volume
d’économies d’énergie qui aurait été généré sur la même période de temps à l’aide des montants de
subventions α0,m pour chaque programme auraient environné les 3,24 millions de m3, soit près de 3
fois moins que ce que nous devrions observer en cas de report actif optimal. Une telle stratégie permet
donc effectivement de réconcilier les intérêts du distributeur et les intérêts de la société en améliorant
l’efficacité de la consommation énergétique dans le réseau de distribution étudié.
57
Conclusion
L’objectif de ce mémoire était de développer une méthodologie permettant d’estimer la rentabi-
lité d’une stratégie de report actif pour un distributeur énergétique quelconque. Un tel développement
a été réalisé grâce à plusieurs hypothèses quant au contexte réglementaire, à l’objectif du distributeur
et aux méthodes employées afin de comptabiliser les coûts et bénéfices générés par les programmes
d’EÉ gérés par les distributeurs. Les résultats obtenus dans le présent mémoire nous permettent d’affir-
mer qu’une stratégie de report actif est susceptible de générer des économies d’énergie substantielles
chez les différents clients d’un même distributeur, que ce distributeur soit un distributeur gazier ou
électrique. De plus, si le mécanisme incitatif employé par le régulateur est celui avec « économies
partagées », les objectifs du distributeur et de la société sont alors réconciliés et la maximisation des
profits par le distributeur maximise du même coup les bénéfices nets sociaux générés par les pro-
grammes d’EÉ du distributeur.
La méthodologie développée dans ce mémoire présente toutefois plusieurs lacunes. Première-
ment, la participation aux différents programmes d’EÉ est modélisée théoriquement à l’aide d’une
différence de saturation, saturation qui évolue en fonction de la croissance « naturelle » d’une utilité
ut . Cette utilité représente la valeur que les clients attribuent à l’EÉ, ou plus précisément aux éco-
nomies d’énergie. Cependant, comme le mentionnent Anderson et Newell (2003), la valeur accordée
aux économies d’énergie dépend de plusieurs facteurs, dont le prix de l’énergie et le volume d’éco-
nomies d’énergie généré annuellement par la mesure à implanter. En l’occurrence, la modélisation
empirique de la participation à différents programmes d’EÉ à partir de données de participation his-
torique constitue une avenue intéressante à explorer pour le futur. Deuxièmement, plusieurs effets de
distorsion connus des régulateurs et des distributeurs n’ont pas non plus été inclus dans la modélisa-
tion de la participation. Une modélisation empirique adéquate de la participation permettrait aussi de
tenir compte de ces multiples effets, ceux-ci ayant le pouvoir de changer radicalement les résultats
obtenus. Finalement, le fait de modéliser les bénéfices du distributeur sur la durée totale du report
actif évacue les variations annuelles inhérentes aux différents paramètres employés dans les dévelop-
pements antérieurs. La modélisation sur une base annuelle permettrait alors de contourner les enjeux
d’incertitude entourant la valeur de la quasi-totalité des paramètres utilisés lors de la modélisation,
ces valeurs étant déterminées lors d’un processus réglementaire récurrent et bien connu de la part des
distributeurs énergétiques.
58
Malgré ces lacunes, les fondements méthodologiques employés dans ce mémoire, qui sont rela-
tivement flexibles, demeurent tout de même utiles afin de déterminer si une stratégie de report actif
semble bénéfique ou non pour le distributeur et la société. Au Québec, il est toutefois peu probable que
les deux principaux distributeurs énergétiques, soit Hydro-Québec et Gaz Métro, décident d’adopter
une telle approche au sein de leur administration respective. En effet, la Loi sur la Régie de l’énergie
du Québec est claire : les alinéas 1 et 3 de l’article 49 de la Loi stipulent que la Régie de l’énergie du
Québec doit « établir la base de tarification du transporteur d’électricité ou d’un distributeur de gaz
naturel en tenant compte, notamment, de la juste valeur des actifs qu’elle estime prudemment acquis
et utiles pour l’exploitation du réseau » et que la Régie doit « permettre un rendement raisonnable sur
la base de tarification » (Gouvernement du Québec, 2017). Le contexte réglementaire québécois n’est
donc pas propice à l’implantation de stratégies de report actif au sein des distributeurs, même si l’ali-
néa 4 de la même Loi stipule que la Régie doit « favoriser des mesures ou des mécanismes incitatifs
afin d’améliorer la performance du transporteur d’électricité ou d’un distributeur de gaz naturel et la
satisfaction des besoins des consommateurs ». Il n’est donc pas surprenant que la Régie de l’énergie
ait affirmé, dans une décision rendue le 4 mars 2014, que le « mécanisme de traitement des écarts de
rendement des Demandeurs (sic) ne constitue par un mécanisme de réglementation incitative au sens
de l’article 48.1 de la Loi » (Régie de l’énergie, 2014).
Le dossier R-3897-2014, présentement en cours d’étude à la Régie de l’énergie du Québec, ana-
lyse les différents types de mécanismes incitatifs qui pourraient être mis en place au lieu de la formule
traditionnelle existante. Il est encore trop tôt afin de savoir si un mécanisme avec « économies parta-
gées » est en voie d’être implanté au sein du régulateur québécois. De plus, le présent dossier ne touche
que les divisions « Transport » et « Distribution » d’Hydro-Québec, Gaz Métro étant exclu du dossier.
Afin d’inciter les distributeurs à améliorer leur performance tout en incitant les consommateurs qué-
bécois à utiliser efficacement l’énergie distribuée, il serait cohérent et bénéfique pour l’ensemble de la
société québécoise que la Régie de l’énergie du Québec applique un tel mécanisme pour l’ensemble
des distributeurs énergétiques présents sur le territoire québécois. D’ailleurs, une telle réglementation
pourrait éventuellement éliminer le besoin d’implantation de certains projets d’infrastructure de dis-
tribution ou de transport présentement étudié à la Régie de l’énergie, projets qui ne font pas toujours
l’unanimité au sein de la population.
59
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