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Modélisation du potentiel de rentabilité pour un distributeur énergétique d’une stratégie de report actif en efficacité énergétique Mémoire Raphaël Langevin Maîtrise en économique Maître ès arts (M.A.) Québec, Canada © Raphaël Langevin, 2017

Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

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Modélisation du potentiel de rentabilité pour undistributeur énergétique d’une stratégie de report

actif en efficacité énergétique

Mémoire

Raphaël Langevin

Maîtrise en économiqueMaître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Raphaël Langevin, 2017

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Modélisation du potentiel de rentabilité pour undistributeur énergétique d’une stratégie de report

actif en efficacité énergétique

Mémoire

Raphaël Langevin

Sous la direction de:

Markus Herrmann, directeur de recherchePatrick González, codirecteur de recherche

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Résumé

Les distributeurs énergétiques comme Gaz Métro et Hydro-Québec doivent s’assurer que la ca-

pacité de leur réseau suffit à satisfaire les besoins de ses clients. Lorsque les réseaux de distribution

sont employés à pleine capacité et que la demande d’énergie augmente, ces entreprises ont le choix

d’investir pour augmenter leur capacité ou inciter leurs clients à consommer moins. Il est possible

de reporter des investissements en offrant aux clients des programmes d’efficacité énergétique qui

abaissent la demande. Historiquement, les deux distributeurs québécois et la Régie de l’énergie qui

les supervisent ont préféré accroître la capacité de leur réseau respectif afin de sécuriser l’approvi-

sionnement de leur clientèle, notamment parce qu’ils ne leur semblaient pas possibles de contrôler

adéquatement la demande énergétique. De plus, comme les revenus des entreprises augmentent avec

la demande, ces entreprises ne sont pas incitées à tenter de la réduire. Dans ce mémoire, je propose

une méthode d’estimation de la rentabilité d’une stratégie de report actif d’un investissement visant à

augmenter la capacité des réseaux de distrubution couplée à un mécanisme incitatif. Ma méthode com-

bine l’évaluation actualisée des coûts et bénéfices de l’investissement à un modèle de comportement

du consommateur.

iii

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Abstract

Energy utilities such as Gaz Métro and Hydro-Québec must ensure that the capacity of their

network is sufficient to satisfy the needs of its customers. When the distribution networks are used

at full capacity and the demand for energy increases, these companies have the choice of investing to

increase their capacity or encourage their customers to consume less. Investments can be deferred by

offering customers energy efficiency programs that reduce demand. Historically, the two distributors

and the Régie de l’énergie who supervised them preferred to increase the capacity of their respective

networks in order to secure the supply of their customers, especially because they felt like it was

not possible to adequately control energy demand. Moreover, as business incomes increase with

demand, these firms have no incentive to attempt to reduce it. In this paper, I propose a method for

estimating the profitability of an active deferral strategy for an investment aimed at increasing the

capacity of distrubution networks coupled with an incentive mechanism. My method combines the

updated assessment of the costs and benefits of the investment with a pattern of consumer behavior.

iv

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Table des matières

Résumé iii

Abstract iv

Table des matières v

Liste des tableaux vi

Liste des figures vii

Introduction 1

1 Recension des écrits 31.1 Définition des concepts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 L’importance du contexte réglementaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.3 La caractérisation des coûts et bénéfices de l’efficacité énergétique . . . . . . . . 10

2 Développement de la méthodologie 132.1 Objectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.2 Définition des coûts et bénéfices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142.3 Construction du programme d’optimisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222.4 Modélisation de la participation et de la saturation . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

3 Résolution avec une subvention constante 303.1 Programme d’EÉ unique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303.2 Programmes d’EÉ multiples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

4 Application au réseau gazier de l’Abitibi 454.1 Le Plan global en efficacité énergétique de Gaz Métro . . . . . . . . . . . . . . . 454.2 Caractérisation de la saturation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464.3 Le réseau gazier de l’Abitibi-Témiscamingue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484.4 Contrainte de capacité non serrante à l’optimum . . . . . . . . . . . . . . . . . . 494.5 Contrainte de capacité serrante à l’optimum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

Conclusion 58

Bibliographie 60

v

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Liste des tableaux

4.1 Caractéristiques des neuf programmes d’EÉ ciblant la clientèle CII de Gaz Métro pourl’année 2016-2017 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

4.2 Paramètres supplémentaires pertinents pour les neuf programmes d’EÉ ciblant la clien-tèle CII de Gaz Métro pour l’année 2016-2017 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

4.3 Résultats de l’optimisation pour chaque programme d’EÉ analysé . . . . . . . . . . 534.4 Caractéristiques des montants de subvention permettant de respecter la contrainte de

capacité à T = 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 544.5 Profits associés aux différentes combinaisons de subventions permettant de faire res-

pecter la contrainte de capacité en T = 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554.6 Résultats de l’optimisation pour chaque programme d’EÉ analysé avec temps d’arrêt

optimal à T ∗ = 14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

vi

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Liste des figures

1.1 Équilibres microéconomiques pour un distributeur énergétique en situation de mono-pole réglementé et non réglementé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

1.2 Évolution des profits du distributeur pour un mécanisme incitatif quelconque . . . . 9

2.1 Représentation graphique de l’évolution temporelle anuelle de plusieurs demandes depointe selon leur niveau initial (p0) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

3.1 Représentation graphique du problème de maximisation des profits du distributeur . . 34

4.1 Carte du réseau gazier de l’Abitibi-Témiscamingue . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484.2 Évolution de la clientèle CII dans le réseau gazier abitibien . . . . . . . . . . . . . . 494.3 Évolution projetée de la demande de pointe du réseau gazier abitibien . . . . . . . . 504.4 Bénéfices générés avec et sans implantation d’une stratégie de report actif . . . . . . 514.5 Trajectoire prévue de la demande de pointe avec et sans implantation d’une stratégie

de report actif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 524.6 Bénéfices générés avec et sans implantation d’une stratégie de report actif lorsque la

contrainte de capacité est serrante en T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

vii

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À Andrée-Anne, sans qui je ne seraipas où j’en suis maintenant.

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Introduction

La hausse de la consommation énergétique mondiale vient généralement de pair avec une hausse

de la capacité de transport des ressources énergétiques et une pression grandissante sur les réseaux de

distribution énergétique. En effet, dans la plupart des pays occidentaux, le transport et la distribution

de l’énergie électrique et du gaz naturel sont sous la responsabilité d’entreprises réglementées qui

ont comme mandat premier de subvenir en tout temps aux besoins énergétiques de leur clientèle. Le

transport et la distribution d’électricité et de gaz naturel nécessitent cependant l’utilisation de réseaux

de transport et de réseaux de distribution, ces réseaux générant des structures de monopoles naturels

(Train, 1991; Künneke, 1999). Le transport énergétique correspond à l’acheminement de l’énergie à

partir de l’unité de génération (centrale, champs pétroliers, etc.) vers le poste de distribution géré par

le distributeur tandis que la distribution correspond à l’acheminement de l’énergie du poste de dis-

tribution vers la clientèle consommatrice. La réglementation entourant l’industrie énergétique fait en

sorte que pour une zone géographique donnée (appelé un réseau de distribution), un seul distributeur

est autorisé à fournir une forme d’énergie quelconque à la clientèle présente dans cette même zone.

Lorsque la garantie d’approvisionnement de la clientèle est menacée dans un réseau de distri-

bution particulier en raison d’une prévision de la demande de pointe trop élevée, la réglementation

en vigueur peut faire en sorte d’inciter les distributeurs à privilégier une simple augmentation de la

capacité de distribution, même si cette option n’est pas la plus efficace pour le distributeur et sa clien-

tèle (Bachrach et collab., 2004). En effet, l’augmentation de l’offre énergétique, notamment réalisée

grâce à des investissements massifs en augmentation de la capacité de distribution, pousse les tarifs

énergétiques à la hausse en plus de ne créer aucun incitatif physique pour les consommateurs afin que

ces derniers utilisent plus efficacement l’énergie distribuée.

À l’inverse, la réduction de la demande de pointe réduit les frais d’exploitation des distributeurs

en leur permettant de reporter à plus tard l’implantation de nouvelles infrastructures de distribution

énergétique dans les réseaux étant jugés à risque de ne pas pouvoir répondre prochainement aux be-

soins de la clientèle. Plus généralement, la réduction de la demande énergétique génère des bénéfices

qui sont peu pris en compte par les distributeurs énergétiques et les instances réglementaires lorsque

vient le temps de planifier les montants à investir en efficacité énergétique et en gestion de la de-

mande énergétique. Le contexte réglementaire dans lequel évoluent les distributeurs et les multiples

difficultés concernant la caractérisation des bénéfices de l’efficacité énergétique sont deux éléments

1

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qui expliquent pourquoi les distributeurs sont souvent réticents à investir massivement en efficacité

énergétique. Le premier élément a déjà été largement étudié dans la littérature économique alors que

le deuxième n’a été analysé que de manière sporadique jusqu’à maintenant.

Le présent mémoire vise donc à combler cette lacune en développant une méthodologie per-

mettant d’estimer l’ensemble des bénéfices nets générés par les programmes d’efficacité énergétique

offerts par les distributeurs énergétiques. Pour ce faire, ces bénéfices sont séparés en deux parties dis-

tinctes, soit les bénéfices reliés au report des investissements prévus en transport et distribution (T&D)

et les autres bénéfices qui n’y sont pas directement reliés. Une calibration du modèle est ensuite réali-

sée à l’aide des données d’un des réseaux de distribution de Gaz Métro, le principal distributeur gazier

sur le territoire québécois. Finalement, la réglementation énergétique québécoise est brièvement ana-

lysée afin de cibler les éléments qui nuisent à l’établissement de meilleures pratiques en efficacité

énergétique.

2

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Chapitre 1

Recension des écrits

Dans le présent chapitre, nous commençons par définir les différents concepts liés à l’efficacité

énergétique (EÉ), à la réglementation énergétique et aux coûts et bénéfices potentiellement générés par

l’EÉ. Dans un second temps, nous analyserons plus en profondeur les implications de différents mé-

canismes réglementaires pour finalement terminer avec une présentation des méthodes généralement

employées afin de caractériser les différents coûts et bénéfices de l’EÉ.

1.1 Définition des concepts

La plupart des distributeurs énergétiques occidentaux administrent différents programmes d’EÉ

qui leur permettent d’offrir des aides financières à la partie de leur clientèle qui implante la mesure

visée par ledit programme. Ces mesures sont de diverses natures : le remplacement d’un équipement

énergivore par un nouvel appareil plus efficace, la rénovation d’un bâtiment afin d’en améliorer l’iso-

lation ou l’analyse d’un procédé par une équipe d’ingénieurs spécialisés en énergie font généralement

partie des types de mesures que l’on retrouve dans l’éventail de programmes offerts par les distribu-

teurs. Plus un programme d’EÉ offre une aide financière élevée par rapport au coût d’implantation de

la mesure, plus ce programme est dit agressif. Lorsque la fixation des aides financières tient compte

explicitement des enjeux de capacité dans les différents réseaux de distribution, le distributeur suit

alors ce qui est appelé une stratégie de report actif (Neme et Sedano, 2012). Autrement dit, le report

actif correspond à la modulation de l’agressivité des programmes d’EÉ afin de maximiser les bénéfices

provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou

de distribution particulier.

Comme la plupart des distributeurs occidentaux réalisent leurs opérations dans un cadre régle-

menté où un même emplacement géographique ne peut être desservi par plus d’un distributeur pour

une même forme d’énergie (gaz et électricité), le concept de report actif devient un concept pertinent,

car la demande de pointe est assurée par une seule et même entreprise qui détient et opère à la fois

le réseau de distribution. Ce concept, mis en pratique depuis le début des années 1990 (mais défini

formellement par Neme et Sedano (2012)), vise aussi à mieux reconnaître les différents bénéfices

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qui sont générés par les programmes d’EÉ, ces bénéfices profitant tout autant au distributeur qu’à sa

clientèle et au reste de la société en général (Lazar et Colburn, 2013).

Malgré ses bénéfices multiples, peu de distributeurs énergétiques ont, jusqu’à maintenant, tenté

de mettre en place une telle stratégie, ceci principalement pour trois raisons. En premier lieu, l’EÉ ne

permet pas de fournir la même « garantie » que la simple augmentation de la limite de capacité d’un

réseau de transport énergétique. En effet, il est plutôt difficile d’estimer les réductions de demande de

pointe générées par l’EÉ, plusieurs méthodes étant documentées et ayant chacune plusieurs lacunes

importantes (York et collab., 2007). Dans un contexte où les instances réglementaires (aussi appelés les

« régulateurs ») ont généralement pour mandat de veiller à ce que la sécurité d’approvisionnement des

consommateurs énergétiques soit garantie en tout temps, plusieurs distributeurs ne veulent pas prendre

le risque de ne pas investir dans l’augmentation de leur capacité de distribution lorsque la demande

de pointe d’un réseau s’approche de son niveau critique. La demande énergétique est donc considérée

comme quelque chose de complètement exogène alors que l’offre énergétique est considérée comme

la seule vraie variable endogène par les acteurs du secteur énergétique (Hungerford et collab., 2015).

Le deuxième élément correspond au contexte réglementaire entourant la profitabilité des dis-

tributeurs. En tant qu’industrie réglementée, les distributeurs énergétiques ne peuvent pas fixer eux-

mêmes le prix de leur marchandise ; c’est le régulateur public qui fixe les tarifs énergétiques en fonc-

tion des coûts d’approvisionnement et d’opération de chaque distributeur, en plus d’inclure une marge

bénéficiaire. Cette marge bénéficiaire peut être calculée de différentes façons, certaines d’entre elles

incitant les distributeurs à investir en EÉ tandis que d’autres mécanismes, plus traditionnels, lient di-

rectement les profits du distributeur au volume d’énergie distribuée. 1 Nous discutons plus en détail de

cet élément dans le prochain chapitre. Troisièmement, les distributeurs et les régulateurs ont souvent

de la difficulté à bien quantifier les bénéfices réels générés par l’EÉ, ce qui fait en sorte que l’efficacité

économique de l’EÉ se compare difficilement à celle des autres sources d’approvisionnement et de

projets en gestion de la demande (Hirst et Goldman, 1990). Cet élément est abordé spécifiquement

dans la section 2.2.

Les chapitres 1, 2 et 3 présentent le développement d’une méthode d’analyse coûts-bénéfices qui

permet la prise en compte des problématiques soulevées par le contexte règlementaire et la quantifi-

cation des bénéfices générés par l’EÉ. Le chapitre 4 de ce mémoire présente une application de cette

méthodologie dans le cadre du réseau de distribution gazier de l’Abitibi-Témiscamingue, réseau dont

la demande de pointe s’approche dangereusement de sa limite de capacité. Finalement, je conclus en

utilisant les résultats obtenus dans ce mémoire afin de formuler certaines recommandations de nature

réglementaire pour le contexte québécois actuel.

1. Plusieurs régulateurs permettent une « tarification de pointe », soit une modulation des tarifs énergétiques quoti-diens en fonction du moment de la journée où survient la demande de pointe. Cette modulation est justifiée par le fait qu’uneréduction suffsante de la demande de pointe permet alors d’éviter des hausses futures de tarif causées par des investisse-ments coûteux en T&D. Cependant, cette stratégie n’est pas analysée dans le cadre de ce mémoire, mais a permis de générerune abondante littérature économique.

4

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1.2 L’importance du contexte réglementaire

Un des éléments importants (voire le plus important) qui est pris en compte par un distributeur

lorsqu’il décide d’implanter ou non une stratégie de report actif est le contexte réglementaire dans

lequel il opère au quotidien. En tant qu’industrie réglementée, les tarifs énergétiques sont fixés par

les régulateurs en fonction des frais d’exploitation des distributeurs et des volumes d’énergie que ces

derniers prévoient distribuer. Une marge bénéficiaire (aussi appelé « taux de retour ») considérée rai-

sonnable par le régulateur est ajoutée aux frais d’exploitation du distributeur, ce qui lui permet d’offrir

un dividende aux investisseurs privés ou publics détenant des parts dans l’entreprise. Toutefois, un tel

mécanisme tarifaire n’encourage que très peu les investissements en EÉ et, ultimement, l’utilisation

efficace de l’énergie par les consommateurs. Cela a d’ailleurs contribué à exacerber les impacts néga-

tifs de la crise énergétique des années soixante-dix, les programmes d’EÉ étant très peu développés

à cette époque, les consommateurs étant alors considérés comme les seuls agents « responsables »

d’utiliser efficacement l’énergie distribuée (Stoft et Gilbert, 1994).

Au lendemain de la crise, cette responsabilité a quitté progressivement les épaules des consom-

mateurs pour aller se poser sur celles des distributeurs. Toutefois, si ces distributeurs en question sont

capables d’influencer le marché, les programmes d’EÉ peuvent leur faire perdre des revenus sub-

stantiels, sans que cela augmente forcément leur part de marché. Comme les distributeurs disposent

souvent de capacités excédentaires et que leurs revenus dépendent des quantités qu’ils distribuent, ils

n’ont pas intérêt à inciter leur clientèle à réduire leur consommation. Cette réalité a fait en sorte de

relativier la place que prenait l’EÉ au sein des différentes préoccupations des distributeurs occiden-

taux lors des années quatre-vingt, ce qui a ensuite amené plusieurs États à considérer des formules

tarifaires qui valorisent directement la réduction de la consommation énergétique, contrairement aux

mécanismes tarifaires plus traditionnels (Eto et collab., 1998b).

Il existe principalement deux types de mécanismes tarifaires permettant de contrer le désintérêt

naturel que les distributeurs possèdent envers l’EÉ (Kushler et collab., 2006). Le premier mécanisme

s’appelle le découplage. Le principe est très simple. Comme il a été expliqué plus haut, dans un méca-

nisme tarifaire traditionnel, les régulateurs déterminent le tarif énergétique en divisant la somme des

frais d’exploitation du distributeur (incluant le taux de retour) par la prévision du volume d’énergie

distribuée pour la période analysée (Lazar et collab., 2011). La somme des revenus qu’un distributeur

doit obtenir afin de couvrir l’ensemble de ces frais d’exploitation est appelée une « exigence de re-

venu ». Cette exigence de revenu est généralement déterminée sur une base annuelle lors des causes

tarifaires organisées entre le distributeur et le régulateur. Une cause tarifaire consiste en un proces-

sus administratif où le distributeur justifie, auprès du régulateur, l’ensemble des coûts qu’il prévoit

défrayer pour respecter ses obligations légales lors de la prochaine année.

Dans un mécanisme tarifaire traditionnel, les tarifs sont fixés lors de chaque cause tarifaire et ne

peuvent pas bouger entre deux causes tarifaires. Or, si le volume d’énergie distribuée augmente entre

deux causes tarifaires, les profits du distributeur augmenteront en conséquence si le coût marginal

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Quantité d’énergie consommée0

Tarif énergétique ($)

PR

QR

Demande

Offre du monopole réglementé

Offre du monopole non réglementé

PNR

QNR

FIGURE 1.1 – Équilibres microéconomiques pour un distributeur énergétique en situation de monopoleréglementé et non réglementé

de distribution est inférieur au tarif énergétique. L’efficacité énergétique ne devient alors intéressante

que si le coût marginal de distribution énergétique dépasse le tarif déterminé par le régulateur, ce qui

survient, entre autres, lorsque l’évolution prévue de la demande de pointe implique que le distributeur

doit bientôt investir dans l’augmentation de la capacité de ses différents réseaux de distribution.

Toutefois, comme les tarifs énergétiques incluent d’emblée l’ensemble des coûts liés à l’aug-

mentation prévue de la capacité des différents réseaux, cette considération devient intéressante pour

le distributeur seulement si la demande en énergie est fortement élastique. Dans un tel cas, la hausse

de tarif diminuerait de façon importante les ventes et les revenus du distributeur, ce qui inciterait ce

dernier à privilégier des avenues susceptibles de ne pas faire augmenter trop rapidement les tarifs éner-

gétiques. Il est cependant généralement reconnu que la demande énergétique est très peu élastique, ce

qui fait en sorte d’inciter les distributeurs à vouloir augmenter leur tarif plutôt qu’à les baisser (Laban-

deira et collab., 2017). Cette situation est présentée dans la figure 1.1 où l’on constate que le point qui

permet au distributeur en situation de monopole (non réglementé) de maximiser ses profits correspond

à un tarif énergétique plus élevé que celui permis par la courbe d’offre « réglementaire ». On constate

alors que, dans le cas où la demande en énergie serait complètement inélastique, le distributeur n’au-

rait absolument aucun intérêt à investir en EÉ, mais aurait tout intérêt à faire augmenter ses coûts

d’opération indéfiniement afin de faire augmenter les tarifs en conséquence.

Certaines défaillances de marché (externalités environnementales, myopie des agents, etc.) per-

mettent aussi de justifier un cadre réglementaire qui favorise les investissements en EÉ, dont les méca-

nismes de découplage. Dans un système avec découplage, les tarifs énergétiques sont fixés initialement

de la même façon que dans un système tarifaire traditionnel, à la différence que ces derniers varient

automatiquement afin que les revenus générés par le distributeur soient exactement identiques à l’exi-

gence de revenu déterminée lors de la cause tarifaire (Eto et collab., 1997). Plusieurs mécanismes de

découplage existent et sont présentés en détail par Lazar et collab. (2011) et Moskovitz et Swofford

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(1991). Toutefois, le découplage à lui seul ne permet pas d’éliminer complètement l’aversion naturelle

que possèdent les distributeurs envers l’EÉ. En effet, dans un système avec découplage, le taux de re-

tour est généralement appliqué à une base tarifaire (ou base de tarification) qui est souvent constituée

des investissements en capitaux effectués par le passé (Bachrach et collab., 2004). Dans un tel cas,

le découplage permet de favoriser l’EÉ seulement si cette base de tarification ne change pas. Or, la

hausse du volume distribué est susceptible d’engendrer des investissements en capitaux (par exemple,

un investissement en T&D pour augmenter la limite de capacité d’un réseau) qui affecteront ensuite

directement la profitabilité du distributeur. Un tel mécanisme tarifaire qui incite à un surinvestissement

en capital fixe dans les industries réglementées est connu sous le nom de l’effet Averch-Johnson (Katz,

1983; Train, 1991).

Le deuxième mécanisme tarifaire utilisé pour inciter les distributeurs à investir davantage en

EÉ consiste justement à limiter l’occurrence de l’effet Averch-Johnson, ce qui est réalisé lorsque le

taux de retour des distributeurs s’applique sur des éléments autres que les investissements passés

en capital fixe. Il existe trois variantes documentées de cet « incitatif actionnarial » (shareholder

incentives), soit celui avec « bonus », avec « markup » et avec « économies partagées » (shared

savings) (Stoft et Gilbert, 1994; Eto et collab., 1998b). Un mécanisme avec « bonus » récompense le

distributeur en appliquant le taux de retour sur le total des économies d’énergie qu’il réalise, tandis

qu’un mécanisme avec « markup » récompense le distributeur sur la base de ses dépenses totales en

EÉ et que le mécanisme avec « économies partagées » applique le taux de retour sur les bénéfices

sociaux (nets des coûts sociaux) générés par les programmes d’EÉ du distributeur.

Si l’objectif du régulateur est de maximiser les bénéfices sociaux provenant de l’EÉ, le mé-

canisme incitatif optimal est celui avec « économies partagées » (Stoft et Gilbert, 1994). Sous ce

mécanisme, la façon dont sont comptabilisés les bénéfices sociaux de l’EÉ revêt donc une importance

cruciale afin d’assurer une tarification optimale. La combinaison de ce mécanisme avec du découplage

fait en sorte que la profitabilité du distributeur n’est plus aucunement liée au volume énergétique dis-

tribué, mais bien à l’efficacité économique des programmes d’EÉ administrés par ce dernier. Toute-

fois, comme l’ensemble des bénéfices et coûts sociaux générés par l’EÉ sont relativement difficiles

à chiffrer, cela amène certains auteurs à reconsidérer la pertinence des mécanismes incitatifs basés

sur la performance des programmes d’EÉ (Blumstein, 2010). Néanmoins, l’incitatif actionnarial avec

« économies partagées » conserve tout de même une place très importante chez les régulateurs qui

désirent favoriser le développement de l’EÉ au sein des distributeurs qu’ils réglementent.

Les bénéfices sociaux nets d’un programme d’EÉ sont définis par Stoft et Gilbert (1994) comme

étant l’ensemble des coûts évités générés par le programme d’EÉ dont on soustrait les coûts sociaux

qui lui sont attribués. Ces coûts sociaux correspondent à la somme des coûts de programme du dis-

tributeur, additionnés des coûts de participation (c’est-à-dire les montants payés par les participants

pour implanter la mesure d’EÉ) et des coûts inobservables relatifs à l’administration des programmes

d’EÉ pour chaque distributeur. De plus, si :

1. le mécanisme incitatif employé est celui avec « économies partagées » ;

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2. le taux de retour employé est de 100 %;

3. le régulateur possède un estimé non biaisé des bénéfices nets produits par l’EÉ ;

4. le distributeur connaît ses propres coûts inobservables,

Stoft et Gilbert (1994) montrent que les profits nets du distributeur correspondent aux bénéfices so-

ciaux nets tels que définis plus haut. Autrement dit, avec un tel mécanisme incitatif qui remplit les

conditions mentionnées, les profits du distributeur sont une représentation fidèle des bénéfices sociaux

nets générés par les programmes d’EÉ. En effet, comme les coûts de programme du distributeur sont

remboursés (à l’aide des tarifs) pour être ensuite déduits au sein du mécanisme incitatif, le distributeur

finit par supporter la totalité de ses coûts de programme.

Toutefois, afin d’éviter un trop gros transfert de fonds des clients vers les distributeurs, certains

auteurs jugent qu’il est pertinent de « charger » un montant fixe au distributeur (une pénalité) qui

aurait pour but de récompenser le distributeur seulement lorsque ce dernier aurait généré une certaine

quantité précise de bénéfices sociaux nets (ou d’économies d’énergie ou de dépenses en EÉ) (Stoft et

Gilbert, 1994; Eto et collab., 1998b). Il n’existe cependant aucun régulateur connu qui garantit un taux

de retour aux distributeurs de 100 %, peu importe le mécanisme incitatif employé. Aussi, le résultat de

Stoft et Gilbert (1994) est seulement valide si l’objectif du régulateur est de maximiser les bénéfices

sociaux nets provenant de l’EÉ et qu’il n’existe aucune interaction stratégique entre le distributeur et

le régulateur, ce qui est relativement peu fréquent (Eom, 2008). Si le régulateur autorise un taux de

retour inférieur à 100 %, les bénéfices sociaux nets qui ne sont pas captés par le distributeur sont alors

directement perçus par les consommateurs sous la forme d’une réduction des tarifs énergétiques.

La figure 1.2 montre l’évolution des profits du distributeur selon la performance réalisée (peu

importe le mécanisme incitatif) dans le cas où une pénalité et une profitabilité maximale seraient ap-

pliquées simultanément. La figure 1.2 montre aussi que, lorsqu’une pénalité est instaurée, le régulateur

s’assure qu’une performance minimale sera atteinte par le distributeur si ce dernier ne veut pas subir

de perte. De l’autre côté, un distributeur qui maximise ses profits a intérêt à fournir une performance

qui lui permet tout juste d’atteindre le niveau de profit maximal autorisé par le régulateur. Dans la

situation décrite par la figure 1.2, le taux de retour au distributeur varie selon la performance et cor-

respond au taux de variation instantanée des profits du distributeur par rapport à la performance du

distributeur.

De tels mécanismes incitatifs basés sur les coûts et bénéfices générés par l’EÉ sont souvent

intégrés dans ce qui est communément appelé la planification à moindre coût (least-cost planning)

(Blumstein et collab., 2004). Ce type de stratégie confère une place importante aux programmes d’EÉ

qui sont fondés sur des logiques d’acquisition de ressources, contrairement aux programmes visant

la transformation de marché. L’acquisition de ressources regroupe l’ensemble des programmes et

autres incitatifs qui cible l’achat d’appareils écoénergétiques ou qui encourage la construction et la

rénovation écoénergétique. Ces programmes ciblent avant tout l’implantation d’appareils et de me-

sures d’EÉ générant des économies (de pointe et annuelles) instantanées, leur permettant ainsi d’être

8

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Performance0

Profits ($)

Cible du régulateur

Objectif du distributeur

Pénalité maximale

Profits maximaux

FIGURE 1.2 – Évolution des profits du distributeur pour un mécanisme incitatif quelconque

considérés comme des alternatives crédibles et efficaces à l’augmentation de l’offre énergétique. La

transformation de marché, de son côté, favorise avant tout « les programmes qui mettent l’accent sur

la transformation permanente du marché des produits et services écoénergétiques ou sur la réduction

des obstacles au marché plutôt que sur l’obtention d’économies immédiates ou ciblées envers certains

clients. » (Eto et collab., 1998a)

Historiquement, ces deux types de programmes ont été perçus comme des substituts et non

comme des compléments. Au milieu des années 1990, une vague de restructuration du secteur éner-

gétique aux États-Unis a fait en sorte de minimiser l’importance des programmes d’acquisition de

ressources dans la stratégie énergétique nationale (Kushler et collab., 2006). Cette restructuration

avait pour but, entre autres, de remplacer ces programmes par ceux visant plutôt une transformation

de marché. Toutefois, cette deuxième approche a été fortement remise en question lors de la crise

énergétique californienne de 2000-2001, la réduction du financement pour les programmes d’acquisi-

tion de ressources ayant contribué à faire augmenter rapidement la demande de pointe californienne

(Schwarzenegger, 2003; Kushler et Vine, 2003; Vine et collab., 2004). Depuis ce temps, les deux

approches sont maintenant de plus en plus considérées comme étant des compléments et non des sub-

stituts, la première produisant des économies annuelles et de pointe instantanées et observables alors

que la deuxième permet d’induire des changements dans les habitudes de consommation et dans les

dynamiques de marché sur le long terme (Blumstein et collab., 2004; Blumstein, 2010).

Dans ce contexte, Eto et collab. (1996) soulignent l’importance de l’objectif poursuivi par les

régulateurs lorsqu’ils autorisent le financement des différents programmes d’EÉ. En effet, chaque

objectif peut faire en sorte d’amener le régulateur à privilégier un certain type de programme plutôt

qu’un autre. L’objectif à atteindre est généralement défini par le régulateur et influence ensuite le

type de mécanisme incitatif à implanter. Les auteurs énumèrent les quatre objectifs non mutuellement

exclusifs suivants :

1. la maximisation de la valeur de la ressource ;

9

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2. l’atténuation des conséquences environnementales de la production ;

3. l’élimination des défaillances de marché ;

4. l’expansion de l’industrie privée des produits et des services écoénergétiques.

Lorsque le régulateur souhaite avant tout maximiser la valeur de la ressource, il est courant

d’utiliser le test du coût total des ressources (TCTR) afin d’évaluer la rentabilité du programme d’EÉ

du point de vue du participant et du non-participant (Neme et Kushler, 2010). Bien que l’exactitude

de ce test soit remise en question, il reste le test le plus utilisé par les régulateurs afin d’évaluer la

rentabilité sociale d’un programme d’EÉ. D’ailleurs, ce test intègre l’ensemble des bénéfices et coûts

observables liés à l’administration des programmes d’EÉ, ces coûts et bénéfices étant identiques à

ceux utilisés par Stoft et Gilbert (1994) pour calculer les bénéfices sociaux nets des programmes

d’EÉ.

Une des critiques mises de l’avant par Neme et Kushler (2010) provient du fait que le TCTR ne

permet pas de déterminer réellement la stratégie la plus efficace entre une stratégie de report actif et un

investissement en T&D afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement de la clientèle présente dans un

réseau de distribution quelconque. En effet, selon les auteurs, seuls les programmes d’EÉ sont soumis à

des critères de rentabilité sur la base du TCTR alors que les projets d’investissements en infrastructures

de génération, de transport et de distribution de l’énergie ne le sont pas. C’est dans cette optique qu’il

convient de modifier le TCTR pour qu’il puisse représenter séparément les coûts évités en T&D (et

les coûts évités en génération pour les distributeurs et producteurs intégrés) des autres coûts qui sont

évités grâce à l’EÉ. Une autre critique provient du fait que le TCTR ne tient normalement pas compte

de ce qu’on appelle les bénéfices non énergétiques, soit des bénéfices autres générés par l’EÉ et qui

sont plus difficilement quantifiables (augmentation du confort pour les consommateurs, diminution

du risque de panne des systèmes, diminution de l’incertitude liée à la prévision de la demande, etc.).

Les bénéfices non énergétiques, bien que de plus en plus reconnus comme étant non négligeables, ne

seront pas analysés dans ce mémoire, les méthodes afin de les chiffrer pour les inclure officiellement

dans les tests de rentabilité étant encore matière à débat dans la littérature économique (Skumatz,

2016).

1.3 La caractérisation des coûts et bénéfices de l’efficacité énergétique

Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons exclusivement au mécanisme incitatif avec

« économies partagées », soit le mécanisme qui relie les profits du distributeur aux bénéfices so-

ciaux nets générés par l’EÉ. Ce mécanisme est le seul qui permet de réconcilier pleinement les inté-

rêts du distributeur aux intérêts de la société quant aux décisions d’investissement du distributeur. Il

s’agit aussi du seul mécanisme qui permet de tenir compte de différents types de coûts et bénéfices

éventuellement générés par l’EÉ, comparativement aux deux autres mécanismes qui sont beaucoup

moins flexibles. Habituellement, les bénéfices de l’EÉ sont comptabilisés en multipliant un coût évité

« unitaire » aux économies totales permises par les programmes d’EÉ (Stoft et Gilbert, 1994; Eto

10

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et collab., 1998b). Ce coût évité unitaire correspond à l’ensemble des coûts qui sont supportés par

le distributeur lorsque celui-ci doit distribuer une unité énergétique supplémentaire à un quelconque

client. Il s’agit, en fait, d’un coût marginal global de distribution. Toutefois, il est maintenant bien

connu que les coûts reliés aux investissements en T&D ne varient pas de façon linéaire avec les éco-

nomies d’énergie générées (Woo et collab., 1994; Heffner et collab., 1998). Pour cette raison, il est

pertinent d’extraire des coûts évités totaux la portion qui correspond aux coûts évités en T&D afin de

tenir compte des caractéristiques de chaque réseau de distribution dans le calcul des bénéfices générés

par l’EÉ.

Une telle distinction a déjà été étudiée et employée par le passé au sein du distributeur califor-

nien Pacific Gas and Electric (PG&E), plus grand producteur électrique privé aux États-Unis et aussi

premier distributeur gazier en Californie. Au début des années 1990, le distributeur faisait face à une

demande énergétique de pointe croissante dans un des quartiers résidentiels du nord de la Californie,

ce qui, selon les calculs du distributeur, aurait nécessité un investissement en T&D sur 20 ans d’une

valeur présente nette d’environ 112 M $ (Pupp et collab., 1995). En utilisant une stratégie de report

actif afin de reporter à travers le temps cet investissement, PG&E a réussi à réduire le coût de son plan

d’investissement de 31 % afin de l’amener à 77 M $ en valeur nette actualisée sur 20 ans (Orans et col-

lab., 1994). Cette différence de 35 M $ en valeur actualisée correspond à un bénéfice non négligeable

résultant d’une augmentation temporaire et substantielle de l’agressivité des programmes d’EÉ dans

le réseau de distribution ciblé. Ne pas tenir compte de ces bénéfices dans un mécanisme incitatif avec

« économies partagées » fait en sorte de privilégier systématiquement les investissements en T&D

lorsque la sécurité d’approvisionnement est à risque, alors que cette option n’est pas nécessairement

la plus efficace d’un point de vue économique.

Afin d’estimer convenablement les coûts évités générés par cette approche, Orans et collab.

(1994) utilisent la méthode de la valeur présente (PW method) originalement employée par Orans

(1989) et Mann (1980) pour quantifier la valeur de différents plans d’investissement en capital fixe.

Cette méthode consiste simplement à soustraire la valeur présente du plan d’investissement avec re-

port actif de la valeur présente du plan d’investissement prévu sans report actif. PG&E a ensuite utilisé

différentes techniques d’optimisation dynamique afin de construire le meilleur plan d’investissement

possible, plan combinant à la fois des investissements en EÉ et en T&D (Orans et collab., 1994;

Swisher et Orans, 1995). Cependant, la méthode développée par PG&E est fastidieuse, car l’optimi-

sation dynamique est effectuée de manière itérative selon la rentabilité de chaque programme d’EÉ

pour chaque année où la stratégie est en vigueur. Cette méthode a ensuite été simplifiée par Rahman

et collab. (1996) et Hoff (1998), simplifications qui seront discutées dans le prochain chapitre.

Plusieurs autres projets de report actif ont été expérimentés aux États-Unis et documentés par la

suite. Dans un rapport produit pour le compte du Northeast Energy Efficiency Alliance (NEEP), Neme

et Grevatt (2015) font état d’une dizaine de projets de report actif et en détaillent quatre d’entre eux.

De ces quatre études de cas, seulement deux ont été en mesure de produire de la documentation mé-

thodologique pertinente quant à l’efficacité économique de la stratégie, le premier des deux cas étant

11

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celui de PG&E, cas discuté un peu plus haut. L’autre cas est celui de Consolidated Edison, distributeur

électrique et gazier new-yorkais qui prétend avoir été capable d’économiser près d’un milliard de dol-

lars en 10 ans grâce à sa stratégie de report actif (Gazze et Massarlian, 2011). Une des particularités

de l’approche de Consolidated Edison est qu’elle réside dans l’utilisation d’un mécanisme d’enchères

afin d’obtenir des contrats de réduction de la demande de pointe par des firmes spécialisées en EÉ au

plus bas prix possible. Le distributeur ne gère donc pas directement un portefeuille de programmes

d’EÉ dont il tente de maximiser la valeur ; il fixe plutôt un objectif de réduction de la demande de

pointe dans un réseau particulier et soumet un appel d’offres pour quiconque serait apte à atteindre cet

objectif au plus bas coût possible.

Cette dernière façon de faire n’est pas très répandue, les distributeurs offrant généralement à leur

clientèle des programmes d’EÉ qu’ils élaborent eux-mêmes. Dans ce contexte, il est plus adéquat de

développer une méthode simple qui permet de définir le niveau d’effort optimal à investir dans chacun

des programmes d’EÉ déjà existant au sein d’un distributeur afin de maximiser la valeur nette de la

ressource. C’est ce que le prochain chapitre décrit de façon plus détaillée.

12

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Chapitre 2

Développement de la méthodologie

2.1 Objectif

L’objectif du présent mémoire est de développer une méthodologie relativement simple qui per-

met de maximiser les bénéfices provenant de l’implantation d’une stratégie de report actif, cela autant

du point de vue du distributeur que de la société. Comme les intérêts de ces deux groupes ne sont pas

nécessairement toujours réconciliables, nous posons les hypothèses suivantes (que nous avons émises

au chapitre précédent) :

Hypothèse 1 : le régulateur utilise le découplage et un mécanisme incitatif avec « économies parta-

gées » afin de ne pas lier la profitabilité du distributeur au volume d’énergie distribuée ;

Hypothèse 2 : le taux de retour appliqué par le régulateur est constant et strictement positif, peu im-

porte la performance du distributeur ;

Hypothèse 3 : le distributeur désire maximiser ses profits intertemporels ;

Hypothèse 4 : les coûts évités comptabilisés dans le mécanisme incitatif varient au fil du temps et

selon le réseau de distribution analysé ;

Hypothèse 5 : le distributeur doit garantir une sécurité d’approvisionnement en tout temps pour l’en-

semble de sa clientèle.

Comme le décrivent Stoft et Gilbert (1994), l’hypothèse 1 permet au régulateur de s’assurer que le

distributeur qui suit l’hypothèse 3 maximise aussi, du même coup, les bénéfices sociaux nets prove-

nant de l’EÉ. Il s’agit de la seule situation, en théorie, où les intérêts de la société et du distributeur

sont réconciliés. L’hypothèse 2 nous assure que le distributeur sera toujours incité à améliorer sa per-

formance quant à l’efficacité de ses programmes d’EÉ. Ensuite, l’hypothèse 4 permet de tenir compte

de la critique de Neme et Kushler (2010) dans l’utilisation du TCTR quant à la quantification des

bénéfices de l’EÉ.

Afin de prendre en compte la variabilité des coûts évités, nous utilisons la méthode de la valeur

présente présentée dans le chapitre précédent afin de comptabiliser séparément les coûts évités en

T&D des autres coûts évités. Finalement, l’hypothèse 5 nous permet de concentrer notre analyse sur

13

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la demande de pointe du réseau de distribution analysé afin de calculer les coûts évités en T&D qui

y sont liés. Pour ce faire, Rahman et collab. (1996) et Orans et collab. (1994) utilisent une courbe

de probabilité de perte de capacité (loss-of-load probability) afin d’attribuer une portion des coûts

évités totaux en T&D à chacune des heures de l’année. Cependant, comme l’emploi de ce concept

demande beaucoup de données que nous ne possédons pas et que seule la demande de pointe génère

l’ensemble des besoins en T&D, l’hypothèse 5 nous permet d’affirmer que les coûts évités en T&D

sont uniquement attribuables à la demande de pointe annuelle de chaque réseau de distribution. Cette

demande de pointe correspond à la valeur maximale du flux de demande énergétique observée dans

une période de temps donnée, et ce pour une année donnée et un réseau de distribution donné. Elle

est exprimée en kilowatts (kW ) lorsqu’il est question d’énergie électrique et en m3/h lorsqu’il est

question de gaz naturel. 1 La demande de pointe est donc une caractéristique propre à un réseau de

distribution et chaque mesure d’EÉ possède un impact distinct sur la demande de pointe de chaque

réseau de distribution.

2.2 Définition des coûts et bénéfices

Les bénéfices sociaux nets d’un programme d’EÉ quelconque sont définis par la formule suivante

(Stoft et Gilbert, 1994) :

Bénéfices =Ce +Bne−Cp−Ci−Cc,

où Ce correspond à l’ensemble des coûts évités générés par les programmes d’EÉ, où Bne correspond

aux bénéfices non énergétiques (BNÉ) produits par l’EÉ, où Cc correspond aux coûts d’implantation

de la mesure d’EÉ supportés par le client et où Cp et Ci correspondent respectivement aux coûts de

programme observables et inobservables supportés par le distributeur. Comme les BNÉ et les coûts

inobservables ne sont généralement pas connus du régulateur, le mécanisme incitatif avec « économies

partagées » n’en tient pas compte. Ces deux éléments correspondent respectivement à un bénéfice

et un coût résiduel qui s’ajoute aux profits du distributeur, profits normalement perçus à l’aide du

mécanisme incitatif.

En supposant que l’ensemble des BNÉ sont captés par le distributeur sous forme de bénéfices

résiduels, les profits du distributeur se définissent alors de la façon suivante :

π = Λ(Ce−Cp−Cc)+Bne−Ci,

où Λ correspond au taux de retour (entre 0 et 1) applicable sur les bénéfices sociaux nets de l’EÉ qui

sont observables par le régulateur. Comme il a été mentionné précédemment, il est plutôt difficile de

déterminer précisément les éléments qui composent les BNÉ et les coûts inobservables supportés par

1. Il est possible de convertir une quantité d’énergie électrique, mesurée en kWh, en volume de gaz naturel, me-suré en m3, et vice-versa. Le facteur de conversion utilisé se situe généralement entre 9 et 12,5 kWh/m3 selon lescaractéristiques physico-chimiques du gaz naturel consommé. Voir le site Internet de Gazprom pour plus de détails(https://www.gazprom-energy.fr/gazmagazine/2015/12/unites-mesure-conversion-kwh-m3/).

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le distributeur. Toutefois, il est légitime de supposer que ces deux éléments varient positivement avec

le volume d’énergie non distribuée. Par exemple, Eom (2008) utilise une fonction quadratique posi-

tive afin de décrire la relation entre les coûts inobservables du distributeur et la « productivité » des

programmes d’EÉ (cette productivité correspondant simplement aux économies d’énergie marginales

générées par une hausse du financement des programmes d’EÉ).

Cette logique peut aussi s’appliquer aux BNÉ, car il est tout plausible que la valeur des BNÉ

n’augmente pas proportionnellement avec le volume d’énergie non distribuée. Cela peut facilement

s’expliquer par la diminution de la variabilité associée à la prévision de la demande (Lazar et Colburn,

2013). Dans tous les cas, comme les deux quantités varient « dans le même sens », leur différence fait

en sorte que l’un permet de compenser l’autre, que ce soit partiellement ou totalement. De plus, ces

deux éléments ne représentent pas concrètement des flux monétaires, mais bien des valeurs données

par le distributeur à des éléments qui sont seulement susceptibles d’engendrer certains flux moné-

taires futurs. En ce sens, la modélisation des relations potentielles entre l’agressivité des programmes

d’EÉ, les BNÉ perçus par le distributeur et les coûts inobservables que ce dernier supporte varie se-

lon les distributeurs et n’est pas réellement généralisable. C’est pour ces différentes raisons que nous

supposerons que la différence entre ces deux termes est négligeable, peu importe le niveau de per-

formance du distributeur. Considérant cela, l’expression des profits du distributeur se simplifie de la

façon suivante :

π = Λ(Ce−Cp−Cc),

ce qui implique qu’un distributeur qui désire maximiser ses profits doit simplement maximiser l’ex-

pression entre parenthèses, l’hypothèse 2 nous permettant de ne pas tenir compte du taux de retour Λ

lors de la maximisation.

Dès lors, il importe de rappeler que les trois termes contenus dans la parenthèse sont des quantités

de bénéfices et de coûts théoriques qui doivent être justifiées devant le régulateur. En ce sens, les

profits du distributeur ne dépendent pas des coûts évités, des coûts de programme et des coûts de

participation réels engendrés par les programmes d’EÉ, mais bien de ceux que le distributeur réussit

à faire reconnaître comme valides auprès du régulateur pour la cause tarifaire en cours. Cela fait en

sorte de faciliter la maximisation des profits pour le distributeur, car ces profits évoluent dans un cadre

qui est déterminé par le régulateur, donc beaucoup moins incertain que si les profits du distributeur

dépendaient des bénéfices sociaux nets réels de l’EÉ. Cela nous permet aussi d’employer les méthodes

de calcul utilisées par le régulateur afin de maximiser les profits du distributeur, ce qui élimine le

besoin pour les distributeurs de poser eux-mêmes plusieurs hypothèses quant à la façon de calculer

leur propre rentabilité.

Cependant, comme le mentionnent Stoft et Gilbert (1994), afin de maximiser à la fois les bé-

néfices sociaux et les profits du distributeur, il est nécessaire pour le régulateur de détenir un estimé

non biaisé des bénéfices nets sociaux générés par l’EÉ. Autrement dit, les paramètres et les méthodes

utilisées afin de calculer les bénéfices sociaux nets provenant de l’EÉ doivent être une représentation

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fidèle de la réalité et ne pas systématiquement sous-estimer ou surestimer les bénéfices réels. C’est

pour cette raison qu’il est pertinent de tenir compte de la variabilité des coûts évités totaux en y calcu-

lant séparément les coûts évités en T&D, cette variation pouvant facilement sous-estimer les bénéfices

de l’EÉ dans les réseaux dits « saturés » 2 (Woo et collab., 1994; Heffner et collab., 1998). Les coûts

évités totaux générés par l’EÉ sont alors définis ainsi :

Ce =CT &De +Cautres

e ,

où CT &De correspond aux coûts évités en T&D et où Cautres

e correspond à l’ensemble des autres coûts

évités qui varient linéairement selon le volume d’énergie non distribuée.

Afin de calculer les coûts évités en T&D, nous utilisons la méthode de la valeur présente qui sti-

pule que le bénéfice lié au report de l’investissement en T&D correspond à la différence entre la valeur

présente du coût de l’infrastructure au moment initialement prévu par le distributeur (moment défini

par la variable Q) et la valeur présente du coût de l’infrastructure si nous reportons son implantation

d’un nombre T −Q d’années, T étant le moment d’arrêt de la stratégie de report actif (soit le moment

où l’investissement en T&D est réalisé). Afin de bien calculer la valeur présente de ce coût évité, le

facteur d’escompte utilisé est

R =1+ i1+ r

,

où i est le taux d’inflation observé et où r est le taux d’actualisation nominal utilisé par le distri-

buteur, ces deux paramètres étant supposés constants et exogènes. Ce facteur d’escompte permet de

tenir compte de l’inflation observée dans le coût des infrastructures de distribution énergétique et de

l’évolution des prix des autres composantes de l’économie.

En supposant que l’infrastructure de distribution peut être implantée et fonctionnelle en moins

d’une année et que son coût nominal au moment présent (t = 0) est de b $, les coûts évités en T&D

sont décrits par

CT &De = bRQ−bRT = bRQ(1−RT−Q).

Ce coût évité dépend du moment d’investissement initialement prévu Q et du moment d’arrêt

réel T de la stratégie de report actif, le tout pour un réseau de distribution donné et un coût b donné.

Nous déterminons ces deux moments Q et T en nous basant sur la demande de pointe et les prévisions

de croissance de cette demande.

Toutefois, certains auteurs attribuent les coûts évités en T&D à certaines heures particulières de

l’année, ces heures correspondant aux périodes où la demande de pointe est la plus à risque de dépasser

la limite de capacité du réseau de distribution (Orans et collab., 1994; Osareh et collab., 1996; Rahman

2. La notion de « saturation » est utilisée ici de façon particulière, la saturation étant définie un peu plus loin dans cemémoire comme étant un pourcentage de la clientèle éligible à un certain programme d’EÉ ayant déjà implanté la mesureciblée par ce programme.

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et collab., 1996). Pour ce faire, ils utilisent le concept de probabilité de perte d’approvisionnement

(loss-of-load probability, LOLP) afin d’effectuer l’attribution des coûts évités en T&D à différentes

heures de service durant l’année. Comme cette méthode nécessite une connaissance particulière du

réseau à risque et que les besoins en T&D sont planifiés seulement en fonction de la demande de

pointe, nous calculerons les coûts évités en T&D en les attribuant complètement à la demande de

pointe observée dans le réseau de distribution. Si « plusieurs pointes » sont observables dans un

même réseau, la demande de pointe est définie formellement comme celle qui est la plus élevée parmi

toutes les « pointes » observables, peu importe le moment d’apparition de la pointe « réelle ». 3

En supposant que la période courante correspond à t = 0, que la demande de pointe au moment

présent est de p0, que la limite de capacité du réseau de distribution à risque est de c, que la croissance

prévue de la demande de pointe est de g et que l’infrastructure de distribution nécessite une année

complète afin d’être opérationnelle, le moment initialement prévu Q (sans EÉ) pour l’implantation de

l’infrastructure est défini de la façon suivante :

Q = bc− p0

gc.

L’utilisation de la fonction partie entière par défaut permet de « forcer » l’implantation de l’in-

frastructure de distribution au début de la période où la demande de pointe dépassera la limite de

capacité du réseau. Ce principe est représenté dans la figure 2.1 où plusieurs demandes de pointe

sont présentées conjointement avec leur moment d’investissement en T &D respectif. Chaque point

présenté dans la figure correspond à une demande de pointe annuelle, les droites pointillées servant

simplement à relier les demandes de pointe qui proviennent d’une même demande de pointe initiale

(p0, qui correspond aussi à l’ordonnée à l’origine de chaque scénario). Dans cette figure, nous sup-

posons que la croissance annuelle de la demande de pointe est la même pour chaque scénario chaque

année. De plus, la demande de pointe qui est associé, par exemple, à Q = 0 dans la figure implique

un investissement en T &D lors de l’année 0 parce que la demande de pointe, sans cet investissement,

dépassera la limite de capacité c lors de l’année subséquente (l’année 1). Comme l’implantation de

l’infrastructure en T &D nécessite une année complète pour ce faire, l’investissement doit être réalisé

une année plus tôt, ce qui correspond effectivement à l’année 0 dans ce scénario précisément. Le même

raisonnement peut dès lors être appliqué à chacun des autres scénarios afin de justifier les moments

d’implantation Q initialement prévus. Dès lors, la fonction partie entière nous permet de considérer

seulement les demandes de pointe annuelle et non ce qui survient entre deux pointes successives, ce

qui est précisément l’objectif recherché ici.

Le facteur de croissance g contenu dans l’expression de la variable Q est supposé constant au fil

du temps, ce qui facilite les développements ultérieurs. Cette hypothèse sera toutefois modifiée dans le

chapitre 4. Aussi, ce facteur de croissance exclut tout impact des programmes d’EÉ. Autrement dit, la

3. Le fait de ne pas recourir au LOLP implique que la réduction de la demande de pointe par l’EÉ est susceptiblede réduire aussi la demande au voisinage de cette pointe, limitant ainsi la pertinence d’analyser autre chose que le débitmaximal de pointe, cela indépendamment du moment où ce débit maximal est observé.

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Temps (années)

Demande de pointec

3 421 5 6

Q = 0 Q = 2 Q = 3 Q = 4 Q = 6

FIGURE 2.1 – Représentation graphique de l’évolution temporelle anuelle de plusieurs demandes depointe selon leur niveau initial (p0)

croissance g est celle qui devrait être observée si tous les programmes d’EÉ offerts par le distributeur

étaient abolis. Ultimement, ce facteur peut être ajusté au fur et à mesure que le temps avance et que de

nouvelles informations sont disponibles. Cela constitue en soi une source d’incertitude quant à la durée

réelle du report actif, la croissance de la demande de pointe répondant à une multitude de facteurs

exogènes. Néanmoins, pour des fins de prévision, une croissance prévue linéaire de la demande de

pointe n’est pas irréaliste, cette demande variant surtout selon la croissance de la clientèle. De plus,

la plupart des distributeurs énergétiques modélisent de façon linéaire l’évolution de leur demande

de pointe, ces derniers utilisant des projections dites « extrêmes » de l’évolution de leur clientèle et

de la température hivernale future (ou estivale future selon les caractéristiques du distributeur) afin

d’effectuer leurs propres prévisions (Artelys Optimization Solution, 2015).

Les autres coûts évités (Cautrese ) sont généralement calculés par les régulateurs en multipliant un

coût évité unitaire (en $ par unité de volume énergétique) par le volume total d’économies d’éner-

gie annuelles générées pour un programme d’EÉ en particulier (Stoft et Gilbert, 1994; Eto et collab.,

1998b). Dans le cas des programmes d’acquisition de ressources, le volume total d’économies géné-

rées est facilement calculable, car il s’agit simplement du résultat de la multiplication entre le nombre

de participants au programme et des économies « unitaires » générées pour chaque participant. Bien

que ces économies unitaires soient variables et qu’elles aient tendance à suivre des distributions diffé-

rentes selon le programme étudié, les régulateurs et distributeurs utilisent habituellement une moyenne

des économies générées antérieurement afin d’estimer les économies moyennes futures, économies

qui sont ensuite révisées rétroactivement lors des causes tarifaires. Si le régulateur dispose d’une es-

timation non biaisée des économies générées par la mesure d’EÉ, ce dernier peut calculer les autres

coûts évités générés par cette mesure m pendant l’année t de la façon suivante :

Cautrese,t,m = ηt,memzm,

où ηt,m correspond au nombre de participants observés dans le programme m au temps t, em aux

économies d’énergie unitaires annuelles engendrées par la mesure m et zm aux autres coûts évités

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unitaires dont nous avons préalablement retranché la partie attribuable aux coûts évités en T&D. Les

économies annuelles em et les coûts évités unitaires zm sont supposés constants pour la durée complète

du report actif.

Tout comme nous l’avons mentionné concernant la croissance prévue de la demande de pointe,

ces paramètres ne sont pas réellement constants, mais varient relativement peu d’une année à l’autre.

De plus, supposer que ces paramètres sont constants nous permet d’estimer la rentabilité d’une straté-

gie de report actif sur un horizon temporel supérieur à une année, contrairement à la situation inverse

où l’incertitude sur la valeur future de ces paramètres nous oblige à estimer la rentabilité du report

actif sur une base annuelle. Un tel développement nécessiterait cependant un travail de recherche

supplémentaire, travail qui n’a pas été réalisé dans le cadre de ce mémoire.

Comme il est généralement difficile, voire impossible, d’obtenir de tels paramètres pour les

programmes de transformation de marché, il n’est souvent pas possible d’appliquer un mécanisme

incitatif à ces programmes, à l’exception du mécanisme incitatif avec « markup » qui récompense le

distributeur sur la base de ses dépenses en EÉ. Toutefois, comme nous analysons exclusivement le

mécanisme incitatif avec « économies partagées », nous ne traiterons pas des programmes de trans-

formation de marché, mais plutôt des programmes d’acquisition de ressources qui sont les seuls pro-

grammes capables de fournir des estimations relativement précises des différents paramètres évoqués

plus hauts. Ces programmes sont aussi les seuls reconnus pour avoir un impact direct sur la demande

de pointe, ce qui permet de planifier concrètement une stratégie de report actif.

L’ensemble des coûts évités générés par l’EÉ correspond à la somme des coûts évités en T&D

et des autres coûts évités sur la durée totale du report actif pour chaque programme d’EÉ en vigueur,

ce qui est représenté par l’équation suivante :

Ce =CT &De +Cautres

e = bRQ−bRT +T

∑t=1

∑m

ηt,memzm.

Afin de simplifier la notation et les calculs, nous nous attarderons, dans un premier temps, au cas

d’un distributeur qui ne possède qu’un seul programme d’EÉ, ce qui élimine la sommation sur m dans

l’équation. Nous obtenons alors l’expression

Ce = bRQ−bRT +T

∑t=1

ηtez. (2.1)

L’équation (2.1) est cependant incomplète. En effet, elle ne tient pas compte du fait que, lorsque

la mesure est implantée, celle-ci génèrera des économies annuelles tout au long de sa durée de vie.

Nous utilisons le taux d’actualisation R défini plus haut pour calculer la valeur totale des autres coûts

évités en considérant le fait que la participation lors de l’année t générera des bénéfices pour les

années suivantes jusqu’en t +d, où d correspond à la durée de vie, en nombre d’années, de la mesure

19

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analysée. Les autres coûts évités pour l’année t sont alors représentés par

Cautrese,t = ηte

t+d

∑i=t

(zRi),

expression qui se simplifie à l’aide d’une somme géométrique sur Ri. Cette expression se réécrit

ensuite ainsi :

Cautrese,t = ηtez

(Rt −Rt+d+1

1−R

)= Rt

ηtezR̃, (2.2)

où R̃ = 1−Rd+1

1−R , ce qui correspond au résultat de la somme géométrique sur Ri, pour i allant de t à

t+d. Le total des véritables coûts évités générés par le programme d’EÉ est finalement représenté par

l’équation (2.3), équation qui est obtenue de la même façon que l’équation (2.1), mais en utilisant le

résultat de l’équation (2.2)

Ce = bRQ−bRT +T

∑t=1

RtηtezR̃. (2.3)

Cette équation correspond à la façon la plus simple de calculer l’ensemble des coûts évités

générés par l’EÉ pour un régulateur qui désirerait obtenir une approximation réaliste des bénéfices

bruts directs d’un programme d’EÉ lorsque les différents paramètres propres à ce programme sont

constants. Ces coûts évités sont calculés sur la durée totale du report actif, soit de t = 1 à t = T où T

est déterminé de façon endogène ; nous y reviendrons un peu plus loin.

Bien que les paramètres e et z soient supposés constants dans le présent scénario, cela n’est pas

le cas de la participation ηt . En effet, la participation au programme d’EÉ est une variable qui ne

dépend pas directement du régulateur, mais bien des caractéristiques du programme d’EÉ, du montant

de subvention offert par le distributeur et de la clientèle visée par les différents programmes. La par-

ticipation affecte les bénéfices en augmentant la probabilité de pouvoir augmenter la durée du report

actif d’une année supplémentaire. C’est pour ces deux raisons que nous analysons plus en détail la

participation et les facteurs qui influencent celle-ci dans les prochaines sections.

Contrairement à Hoff (1998), Osareh et collab. (1996) et Rahman et collab. (1996), nous modéli-

sons la participation pour chaque programme d’EÉ en fonction de leurs caractéristiques particulières.

Le modèle employé par le premier auteur incorpore une réduction de la demande de pointe globale qui

n’aborde pas la question de l’impact distinct des différents programmes d’EÉ (ou des autres ressources

disponibles en gestion de la demande). 4 Quant aux deux autres, ces derniers analysent seulement cer-

tains scénarios particuliers de combinaison de ressources, ces ressources combinant à la fois l’EÉ, le

contrôle direct de la demande de pointe ou le service interruptible. 5 Il est donc possible qu’aucun des

4. Hoff (1998) le reconnaît lui-même en mentionnant que « pour être plus précis, il serait nécessaire d’évaluer leseffets techniques de chaque investissement individuellement, de sélectionner le plus efficace, et de répéter l’évaluationensuite. »

5. Toutes ces stratégies de gestion de la demande sont connues sous le vocable DSM pour Demand-Side Management,tandis que le sujet de ce mémoire porte exclusivement sur l’EÉ et plus précisément sur les programmes d’acquisition deressources ; les seuls permettant de planifier une stratégie de report actif qui soit efficace.

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scénarios étudiés par les auteurs ne maximise réellement les bénéfices du distributeur, problématique

à laquelle ce mémoire tente de remédier

Afin d’obtenir les bénéfices nets générés par l’EÉ, il est nécessaire d’intégrer les différents coûts

générés par les programmes d’EÉ et qui sont supportés par le distributeur et les participants. Pour des

fins de simplification, les coûts de programme seront constitués exclusivement par les coûts liés au

versement des subventions pour le (les) programme(s) d’EÉ considéré(s). Ces coûts de programme

correspondent, tout simplement, au montant total offert en subventions chaque année, ce total corres-

pondant à la somme des subventions « unitaires » versées chaque année. Cette subvention « unitaire »

est représentée par la variable αt , chaque participant recevant ce montant lors de sa participation au

programme au courant de l’année t. Il est certain que l’adoption d’une stratégie de report actif par un

distributeur est susceptible de lui faire supporter d’autres coûts (coûts d’administration, promotion,

etc.), mais ces autres coûts sont relativement faibles comparativement au total des subventions ver-

sées. Certains de ces autres coûts sont d’ailleurs compris dans les coûts inobservables du distributeur,

ce dont nous avons discuté un peu plus haut.

Les subventions à verser dans le futur sont rapportées en valeur présente à l’aide du taux d’ac-

tualisation R défini précédemment, car nous supposons que les subventions offertes correspondent à

des montants réels et non nominaux. En supposant que la participation dépend du montant réel de

subvention offerte, le distributeur, s’il désire conserver une participation constante au fil des années,

doit nécessairement ajuster le montant offert en fonction de l’inflation. C’est selon cette logique que

nous appliquons le taux d’actualisation réel R aux coûts de programme afin d’obtenir la définition

suivante :

Cp,t = ηtαtRt .

Quant au coût supporté par le participant, celui-ci correspond simplement au coût incrémental

de la mesure d’EÉ. Le coût incrémental d’une mesure d’EÉ est défini comme étant la différence

entre le coût total d’implantation de la mesure et le coût de ce qui constitue la « base de référence »,

soit l’option qui n’est pas considérée comme efficace sur le plan énergétique et qui est un substitut

(souvent moins coûteux) à la mesure qui est visée par le programme d’EÉ. Nous comptabilisons ce

coût de façon identique à ce que nous avons fait pour les coûts supportés par le distributeur, ce qui

nous donne la définition suivante :

Cc,t = ηtkRt ,

où k correspond au coût incrémental réel de la mesure d’EÉ, coût qui est supposé constant (en termes

réels). L’expression finale des profits du distributeur correspond alors aux coûts évités totaux nets des

coûts supportés par le distributeur et les participants, auxquels nous appliquons ensuite le taux de

retour Λ. Ces profits totaux sont représentés par l’équation (2.4) suivante :

π(T ) = Λ

(bRQ−bRT +

T

∑t=1

[Rtηt(ezR̃−αt − k)]

). (2.4)

21

Page 30: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

2.3 Construction du programme d’optimisation

Si le nombre de participants au programme (ηt) est fonction de la subvention offerte à chaque

période (αt), il est possible de maximiser les profits de l’entreprise à l’aide de l’équation (2.4) dévelop-

pée plus haut. Toutefois, pour ce faire, il importe de mieux caractériser trois éléments fondamentaux :

la participation aux programmes d’EÉ, la dynamique de pointe et la détermination du temps d’arrêt

optimal.

2.3.1 Participation aux programmes d’EÉ

D’abord, nous définissons le nombre de participants ηt comme étant une portion d’une clientèle

admissible à un programme d’EÉ. Nous supposons que cette clientèle admissible, représentée par la

variable N, ne varie pas avec le temps, tout comme la plupart des autres paramètres utilisés jusqu’à

maintenant. La participation au temps t peut dès lors s’écrire

ηt = NΓt ,

où Γt représente le taux de participation observé au courant de l’année t, soit l’année qui est comprise

entre la pointe observée au début de la période t−1 (pt−1) et la pointe observée au début de la période t

(pt).

Si nous définissons la saturation d’une mesure d’EÉ comme étant le pourcentage de clients ayant

déjà implanté ladite mesure par le passé, le taux de participation peut aussi s’exprimer comme étant

la différence entre la saturation observée à la période t et celle observée à la période t−1. Autrement

dit, la participation peut s’écrire ainsi :

ηt = NΓt = N(St(αt)−St−1(αt−1)), (2.5)

où les termes St(αt) et St−1(αt−1) représentent les taux de saturation de la mesure à la période t et à la

période t−1 respectivement. Ces taux peuvent être définis par une fonction de répartition quelconque,

ce sur quoi nous reviendrons un peu plus tard.

Pour l’instant, nous définissons simplement la saturation comme étant une fonction croissante du

niveau de subvention αi, ce qui signifie que ∂Si(αi)∂αi

= S′i(αi)≥ 0. Considérant le fait que Si correspond

à une fonction de répartition, cela implique nécessairement que la saturation se rapprochera de l’unité

si la subvention αi est augmentée de façon importante. La mesure d’EÉ sera donc implantée chez la

quasi-totalité de la clientèle admissible à partir de la période i si αi est très élevé comparativement aux

subventions offertes en dehors de la période i.

Une fois la mesure d’EÉ implantée, les clients n’ont aucune raison apparente afin de retirer cette

mesure, peu importe les subventions futures. Nous supposons alors que la saturation, dans le contexte

d’une clientèle admissible N constante, ne peut pas diminuer au fil du temps ; elle ne peut que stagner

ou augmenter. Autrement dit, la suite {S0,S1, ...,ST} est une suite monotone croissante. Il est possible

de traduire une telle réalité grâce à la participation en spécifiant que la variable ηt ne peut jamais être

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négative pour tout t entre t = 0 et t = T . La saturation, elle aussi, ne peut jamais être négative : une

saturation négative impliquerait qu’un nombre négatif de clients aurait alors déjà implanté la mesure,

ce qui n’a pas de sens. En tant que pourcentage, la saturation ne peut pas être inférieure à zéro et ne

peut pas être supérieure à 1 non plus.

De plus, il importe de préciser que le montant de subvention offert par le distributeur lors de

chaque période constitue notre seule variable de contrôle. Chaque programme d’EÉ offre des subven-

tions qui leur sont attitrés et qui peuvent évoluer librement au fil du temps. D’ailleurs, ces montants

ne sont pas limités par une contrainte autre que celle de la volonté de payer du distributeur ; nous

n’imposerons donc aucune limite supérieure aux montants offerts par le distributeur, la maximisation

des profits du distributeur permettant justement de déterminer les montants optimaux de subvention à

offrir sans que nous ayons besoin de contraindre ces derniers.

2.3.2 Dynamique de la demande de pointe

Il y a deux conditions importantes que nous n’avons pas encore définies, soit une condition

de réalisabilité physique, qui tient compte de la limite de capacité du réseau de distribution, et une

autre condition « d’arrêt » qui permet de déterminer le temps d’arrêt optimal (T ∗). Attardons-nous

cependant à la condition de réalisabilité physique en premier lieu.

La condition de réalisabilité physique est obtenue à partir de l’équation de la dynamique de la

demande de pointe :

pt = pt−1 +g−∆pt ,

où pt correspond à la demande de pointe au début de la période t, g à la croissance linéaire prévue de

la demande de pointe (identique à celle définie plus haut) et ∆pt à la réduction de la demande de pointe

induite par les mesures d’EÉ implantées lors de l’année t. Ces mesures peuvent avoir été implantées

à n’importe quel moment entre la pointe observée en t − 1 et celle observée en t. Compte tenu des

exigences réglementaires en matière de sécurité d’approvisionnement, la demande de pointe ne doit

jamais dépasser la limite de capacité du réseau c, ce qui se traduit par l’inégalité c− pt ≥ 0. En insérant

la dynamique de la demande de pointe dans cette condition, nous obtenons l’inégalité suivante :

c− (pt−1 +g−∆pt)≥ 0,

que nous réécrivons en isolant la croissance de la demande de pointe g :

c− pt−1 +∆pt ≥ g.

Il est aussi possible d’exprimer la réduction de la demande de pointe (∆pt) en utilisant le nombre

de participants au programme (ηt) et les économies d’énergie (e). En effet, la réduction de la demande

de pointe dépend essentiellement de la quantité d’énergie économisée annuellement, quantité à la-

quelle nous appliquons un facteur de conversion f permettant de transformer le total des économies

23

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annuelles en économies de pointe. La réduction de la demande de pointe peut être définie par

∆pt = ηt e f .

Cette formulation de ∆pt implique que la réduction de la demande de pointe ne peut être négative,

soit qu’une hausse de la participation au programme d’EÉ implique nécessairement une réduction

de la demande de pointe. Cela renforce l’idée que la croissance de la demande de pointe (g) est une

croissance brute excluant toute réduction de pointe potentiellement permise par les programmes d’EÉ.

En remplaçant l’expression de ∆pt dans l’inégalité précédente, nous obtenons :

c− pt−1 +ηt e f ≥ g.

En isolant ηt dans cette expression, nous obtenons la condition de réalisabilité physique suivante :

ηt ≥g+ pt−1− c

e f. (2.6)

Nous pouvons maintenant développer une condition d’arrêt optimal, dernier élément nécessaire

afin d’obtenir un programme d’optimisation complet.

2.3.3 Temps d’arrêt optimal

Pour obtenir une condition d’arrêt optimal, nous utilisons la fonction de profit π(T ) que nous

avons définie en (2.4) :

π∗(T ) = Λ

(bRQ−bRT +

T

∑t=1

[Rtη∗t (ezR̃−α

∗t − k)]

),

où π∗(T ) correspond à la trajectoire de profit optimal évaluée en α∗t et en η∗t , ces deux variables

correspondant respectivement au montant optimal de subvention offert à chaque période t et à la

participation annuelle associée à cette subvention optimale. Comme le temps est représenté de façon

discrète et non de façon continue, nous ne pouvons pas directement appliquer une règle de dérivation

en T afin d’obtenir le temps d’arrêt optimal ; nous devons plutôt trouver le temps d’arrêt T qui permet

de satisfaire les deux inégalités suivantes :

π∗(T )≥ π

∗(T −1),

π∗(T )≥ π

∗(T +1).

Ces deux inégalités peuvent se réécrire sous la forme d’une seule condition :

π∗(T +1)π∗(T )

≤ 1≤ π∗(T )π∗(T −1)

, (2.7)

dans quel cas le temps d’arrêt T qui respecte cette double inégalité correspond au temps d’arrêt T ∗

qui permet de maximiser globalement les profits du distributeur.

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Cairns et Davis (2007) font état de deux règles distinctes qui permettent de déterminer le moment

optimal d’investissement dans les projets coûteux qui augmentent la capacité d’exploitation de cer-

taines ressources naturelles. La première règle est bien connue : si le chemin d’extraction est toujours

optimal, le moment d’investissement optimal est celui qui permet d’annuler la dérivée première (par

rapport au temps) de la valeur présente nette des bénéfices futurs. La deuxième règle, analogue à la

première, tient compte du fait que le taux d’intérêt sur le capital (souvent utilisé comme taux d’actua-

lisation) est une variable stochastique ayant un impact significatif sur le coût d’opportunité des choix

d’investissement. En effet, les auteurs montrent qu’il est bénéfique d’investir dans un projet qui aug-

mente la « capacité d’extraction » de la ressource seulement lorsque la valeur à terme du projet (aussi

appelé forward value) croît au taux d’intérêt r. La valeur à terme du projet (notée W (T )) correspond

à la valeur présente du projet au moment de l’investissement, ce qui correspond à la période t dans

notre situation particulière. Nous pouvons dès lors représenter la valeur à terme du projet de report

actif comme étant la valeur présente des profits du distributeur au moment T , ce qui est représenté par

W (T ) = π∗(T )× (1+ r)T . (2.8)

La deuxième règle stipule que le temps d’investissement optimal T ∗ est celui qui permet de faire

croître cette valeur W (T ) au taux d’intérêt r. Comme T ne peut prendre que des valeurs discrètes dans

la situation qui nous intéresse, nous développons une règle d’arrêt optimal analogue à celle établie par

les auteurs en stipulant que le temps d’arrêt optimal T ∗ correspond au temps d’arrêt T qui respecte

cette condition :

W (T +1)−W (T )W (T )

≤ r ≤ W (T )−W (T −1)W (T −1)

,

où les termes de gauche et de droite correspondent respectivement au pourcentage de croissance de

la valeur à terme du projet lors des périodes T +1 et T . En utilisant la définition de la valeur à terme

présentée en (2.8), nous pouvons développer cette condition et obtenir le résultat suivant :

π∗(T +1)π∗(T )

≤ 1≤ π∗(T )π∗(T −1)

,

ce qui est exactement la même condition que nous avons développée en (2.7) de façon heuristique.

En ce sens, nous venons de démontrer que la règle d’arrêt optimal de Cairns et Davis (2007) est aussi

valide lorsque le temps est modélisé de façon discrète. Cela confirme la justesse de la règle d’arrêt

décrite par la double inégalité présentée en (2.7).

2.3.4 Programme d’optimisation final

À l’aide des équations (2.5), (2.6) et (2.7), nous pouvons maintenant construire un programme

d’optimisation dit « complet » qui inclut l’ensemble des conditions que doit satisfaire la solution

25

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optimale :

max{αt}T

t=1

Λ

(bRQ−bRT +

T

∑t=1

[Rtηt(ezR̃−αt − k)]

),

sous contraintes : 0≤ St(αt)≤ 1,

ηt ≥ 0,

ηt = N(St(αt)−St−1(αt−1)),

ηt ≥g+ pt−1− c

e f,

π∗(T ∗+1)π∗(T ∗)

≤ 1≤ π∗(T ∗)π∗(T ∗−1)

.

Nous pouvons simplifier ce problème de deux façons, soit en éliminant le taux de retour Λ de

l’objectif (car ce dernier est strictement positif et constant ; il n’influence donc pas la solution) et en

insérant la définition de la participation ηt dans l’objectif et dans la deuxième et la quatrième inégalité,

ce qui élimine la troisième contrainte du problème. Pour alléger la notation, nous remplaçons aussi les

saturations St(αt) et St−1(αt−1) par St et St−1 respectivement. En effectuant ces modifications, nous

obtenons le programme d’optimisation « simplifié » suivant :

max{αt}T

t=1

bRQ−bRT +T

∑t=1

[RtN(St −St−1)(ezR̃−αt − k)],

sous contraintes : 0≤ St ≤ 1,

St −St−1 ≥ 0,

N(St −St−1)≥g+ pt−1− c

e f,

π∗(T ∗+1)π∗(T ∗)

≤ 1≤ π∗(T ∗)π∗(T ∗−1)

.

Pour simplifier ce problème davantage, il est nécessaire d’analyser les différentes contraintes

individuellement. Toutefois, avant de procéder, nous devons approfondir les notions de participation

et de saturation des programmes d’EÉ.

2.4 Modélisation de la participation et de la saturation

La participation à un programme d’EÉ se fait sur une base volontaire de la part des clients du

distributeur. La relation existant entre la participation et les montants de subvention octroyés par un

distributeur est cependant nébuleuse. Seulement quelques auteurs se sont penchés sur le sujet, dé-

crivant surtout des cas particuliers de programmes de rénovation domiciliaire offerts par différents

gouvernements (Walsh, 1989; Metcalf et Hasset, 1995; Alberini et Bigano, 2015). Si la plupart des

auteurs trouvent que les subventions ont un effet significatif sur la participation, cet effet semble être

relativement faible. Certains auteurs avancent aussi l’idée qu’il est probable que plusieurs clients au-

raient tout de même implanté la mesure d’EÉ ultérieurement, que ce soit avec des montants plus

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faibles ou même sans subvention (Boomhower et Davis, 2014). En effet, une des particularités des

investissements en EÉ réside dans le fait que ces investissements, au fur et à mesure que les tech-

nologies évoluent et que les normes écologiques progressent, deviennent de plus en plus inévitables

pour l’ensemble des consommateurs. Les programmes d’EÉ sont dès lors reconnus afin de devancer

l’implantation des mesures d’EÉ chez les différents clients d’un même distributeur.

Afin de développer un modèle théorique cohérent de la participation, il importe donc d’introduire

une composante temporelle dans la modélisation. Pour ce faire, nous nous basons sur le modèle simple

développé par Allcott et Greenstone (2012), modèle qui stipule que les consommateurs choississent

de participer à un programme lorsque l’utilité procurée par les économies d’énergie est supérieure

aux coûts d’implantation de la mesure. Dans notre cas, cette utilité est définie par la variable ut . Les

coûts d’implantation de la mesure sont composés de deux éléments distincts, soit un coût en capital k

et un coût inobservé ε . Nous supposons ici que le coût en capital k est identique au coût incrémental

utilisé plus haut afin de construire la fonction objectif du programme d’optimisation. Cela implique

que la décision de participer ou non à un programme d’EÉ ne dépend pas vraiment du coût total

d’implantation de la mesure, mais bien de la différence de coût entre l’option dite « efficace » et

l’option dite « de référence ». Nous posons alors une règle de décision simple qui prend la forme

suivante pour la période t :

ut − (k+ ε)≥ 0. (2.9)

Cette règle de participation est certes nécessaire pour observer une participation à la période t,

mais elle n’est pas suffisante. En effet, un client pourrait vouloir attendre et ne pas participer au

programme d’EÉ au temps t afin de maximiser son utilité nette des coûts observé et inobservé. Si

nous postulons, pour un client en particulier, une utilité initiale u0 qui s’accroît au taux τc et qui est

actualisée au taux rc à chaque période (avec rc > τc, rc n’étant pas forcément identique au taux r

utilisé précédemment), le moment où le client investira en EÉ sera déterminé par le moment t∗ qui

permet de maximiser l’expression

φt = δt(u0(1+ τc)

t − (k+ ε)), (2.10)

où δ correspond au taux d’escompte 11+rc

. Toutefois, il n’est pas clair si φt possède réellement un

maximum en s. Afin de savoir si cette expression possède réellement un maximum, nous utilisons les

propositions 1 et 2 suivantes :

Proposition 1. Si φt possède un maximum en t = t∗, alors φt∗ doit nécessairement respecter la condi-

tion φt∗ > φt ∀t ∈ {t∗+1,∞}.

Justification. Par définition d’un maximum, chaque valeur qui suit celle obtenue au maximum doit

être inférieure à cette dernière.

Proposition 2. Si φt possède un maximum en t = t∗, alors φt∗ est le maximum global de φt si t∗ = 0

ou si φt∗ > φt ∀t ∈ {0, t∗−1}.

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Justification. Si φt possède un maximum en t = t∗, cela implique soit que t∗ = 0 et que la mesure a

déjà été implantée (ou elle est sur le point de l’être) ou bien que la mesure n’a pas encore été implantée,

ce qui signifie que l’utilité du consommateur continuera à croître dans le futur jusqu’à la période t∗,

car, par définition d’un maximum, les valeurs de φt où t < t∗ seront nécessairement inférieures à la

valeur de φt∗ .

Si l’utilité est maximale en t = 0, la proposition 2 stipule que le client a intérêt à implanter tout

de suite la mesure d’EÉ s’il ne l’a pas déjà fait par le passé. Dans le cas contraire, ce client a intérêt à

attendre à la prochaine période afin de réévaluer l’option d’investir en EÉ ou non. Dans tous les cas,

lorsque l’utilité maximale est atteinte, la valeur de toutes les utilités suivantes est plus faible que celle

observée lorsque l’utilité est maximale, comme le mentionne la proposition 1. En utilisant la définition

de φt présentée en (2.10) et la proposition 1, nous pouvons alors prouver que la fonction φt possède

bien un maximum fini en t∗ grâce à l’inégalité suivante :

δt∗(u0(1+ τc)

t∗− (k+ ε))≥ δt∗+s(u0(1+ τc)

t∗+s− (k+ ε)),

où s ∈ {0,∞}. En isolant les coûts totaux d’implantation de la mesure d’EÉ, nous obtenons le résultat

suivant :

ut∗1−δ s(1+ τc)

s

1−δ s ≥ k+ ε. (2.11)

Le ratio présent dans le côté gauche de l’équation est croissant en s si rc > τc (cela peut se

vérifier analytiquement, mais il est plus simple de vérifier le tout numériquement). Cela signifie que

si l’inégalité est respectée avec s = 1, alors elle l’est aussi pour tout s > 1. Le moment où le client

investira en EÉ est alors déterminé par le moment t∗ qui permet à ut∗ de respecter l’inégalité (2.11)

avec s = 1. Autrement dit, nous déterminons t∗ à la première période où la condition

ut∗1−δ (1+ τc)

1−δ≥ k+ ε,

est respectée. Cette condition se simplifie ainsi :

ut∗θ − k ≥ ε, (2.12)

où θ = rc−τcrc

. Comme nous connaissons le taux de croissance de l’utilité τc et le taux d’actualisation

rc, il ne nous manque que la valeur de l’utilité initiale u0 afin de caractériser complètement le côté

gauche de l’inégalité (2.12). L’hétérogénéité décisionnelle de la clientèle peut dès lors être captée à

l’aide du paramètre ε . En supposant que ce coût inobservé ε suit une distribution quelconque associée

à une fonction de répartition F , le taux de saturation de la mesure en t peut être calculé à l’aide de

l’expression

St = F [ε ≤ utθ − k].

28

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Comme il a été mentionné plus haut, l’introduction de la subvention αt ne fait que réduire le coût

incrémental de la mesure d’EÉ (on abaisse ce coût à k−αt), ce qui resserre l’inégalité (2.12) et permet

de devancer l’implantation de la mesure chez les clients qui y sont admissibles. En supposant que tous

les programmes d’EÉ analysés dans ce mémoire sont déjà opérationnels au sein du distributeur et que

ces programmes continueront à exister après la fin de la stratégie de report actif, nous pouvons écrire

la saturation au temps t comme étant fonction de la subvention αt de la manière suivante :

St(αt) = F [ε ≤ utθ − k+αt ]. (2.13)

Cette expression de la saturation St peut donc être utilisée afin de résoudre le problème d’opti-

misation que nous avons développé dans la section 2.3.4.

29

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Chapitre 3

Résolution avec une subvention constante

3.1 Programme d’EÉ unique

Le modèle de participation que nous venons de développer possède une implication très impor-

tante quant à la façon de résoudre le problème d’optimisation présenté dans la section 2.3.4. Le fait de

supposer que la participation est le fruit d’une différence de saturation (saturation représentée par une

fonction de répartition appliquée à un certain paramètre) sous-entend qu’il n’est pas pertinent d’ana-

lyser le problème en faisant varier αt pour t ∈ {1,T}. En effet, comme la participation ne peut pas

être négative et qu’elle dépend principalement de l’évolution de l’utilité individuelle, il devient alors

optimal pour le distributeur d’annuler l’ensemble des subventions offertes pour toutes les périodes

entre t = 1 et t = Q− 1 et d’augmenter drastiquement la subvention offerte en t = Q seulement.

Cela ferait ainsi chuter la demande de pointe juste avant que celle-ci dépasse la limite de capacité,

permettant ainsi au distributeur de capter l’ensemble des bénéfices liés à l’EÉ, tout en annulant ses

coûts de programme entre les périodes où t = 1 et où t = Q−1.

Toutefois, une telle situation, bien qu’optimale théoriquement, est difficilement applicable en

réalité, notamment parce qu’aucun régulateur n’accepterait une telle approche de la part des distri-

buteurs. Aussi, cela ferait peser un risque important sur la sécurité d’approvisionnement des réseaux

ciblés, car les distributeurs n’auraient que peu de temps afin de s’ajuster si la demande de pointe ne

diminuait pas assez pour respecter la contrainte de capacité. Pour cette raison, nous allons plutôt ana-

lyser la situation selon laquelle le montant de subvention offert pour un même programme varie une

fois au début du report actif et une autre fois lorsque cette stratégie est terminée. En d’autres termes,

cela signifie que αT = αT−1 = ... = α1 et qu’en dehors du délai couvrant les périodes allant de

t = 1 jusqu’à t = T , le montant de subvention est automatiquement ramené à α0, soit la subvention

initiale. En fixant arbitrairement la dernière période t, il est alors possible de résoudre globalement

le programme d’optimisation. Nous pouvons ensuite suivre l’évolution de l’objectif en fonction de la

dernière période t afin de déterminer le temps d’arrêt optimal selon la condition énoncée en (2.7).

Dans le cas où αT = αT−1 = ... = α1, l’optimisation ne porte plus que sur deux variables, soit

30

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α1 et T . 1 Comme l’optimisation sur T dépend de la condition d’arrêt développée dans la section 2.3.3,

il devient alors utile d’optimiser seulement sur α1 et de calculer la valeur de l’objectif pour différentes

valeurs de T . Il est ensuite relativement simple de sélectionner un T ∗ qui maximise l’objectif en

fonction de α∗1 . Si nous mettons de côté la condition d’arrêt et l’optimisation sur T dans un premier

temps, le programme d’optimisation se réécrit de la façon suivante :

maxα1

bRQ−bRT +T

∑t=1

[RtN(St −St−1)(ezR̃−α1− k)], (3.1)

sous contraintes : 0≤ St ≤ 1, (3.2)

St −St−1 ≥ 0, (3.3)

N(St −St−1)≥g+ pt−1− c

e f. (3.4)

Nous analysons maintenant chacune de ces trois contraintes afin de sélectionner lesquelles sont per-

tinentes afin de résoudre le problème d’optimisation et aussi afin de déterminer quel(s) impact(s)

possède(nt) chacune de ces contraintes sur la solution.

- Contrainte physique de la saturation (3.2)

La contrainte (3.2) implique que la saturation est comprise entre 0 et 1 en tout temps. Nous

pouvons traiter cette contrainte en deux parties distinctes, la première correspondant au fait St ≥ 0 et

la deuxième correspondant au fait que St ≤ 1. La première partie est inutile en regard de la contrainte

(3.3), car la contrainte (3.3) implique que la saturation à la période t doit toujours être supérieure à la

saturation à la période t− 1. Mais comme la saturation au temps t = 0 est nécessairement positive,

la contrainte (3.3) est nécessairement toujours plus serrante que la partie St ≥ 0 de la contrainte (3.2).

Considérant cela, nous pouvons mettre tout de suite de côté la première partie de la contrainte (3.2).

La deuxième partie de la contrainte (3.2), soit que St ≤ 1, nous indique que la saturation doit

toujours être égale ou inférieure à 100 %. Dans le cas où cette contrainte serait serrante à l’optimum,

nous obtenons que St = 1, ce qui implique que le programme d’EÉ n’est plus utile à partir de la

période où cette contrainte devient serrante pour la première fois. Comme nous avons postulé que la

saturation ne diminuait jamais au fil du temps, le programme n’est plus utile parce que la saturation

de la mesure dans le marché est totale, ce qui signifie que toute la clientèle éligible au programme a

effectivement implanté la mesure ciblée par ce programme. Si cette contrainte est serrante en t, cela

possède un impact direct sur la participation présente et future, car cela fait en sorte que ηt = 1−St−1

et que ηi = 0 pour tout i ∈ {t +1,∞}. La participation au temps t est donc égale au nombre de clients

éligibles restants dans le marché et la participation ultérieure devient automatiquement nulle.

Quant à la subvention, l’impact de la contrainte (3.2) sur cette dernière est variable. Si la contrainte

(3.2) est serrante en t = 1, il est alors pertinent de déterminer α1 à l’aide de l’égalité 1 = S1, ce qui

1. À partir de maintenant, nous utiliserons la terminologie α1 et α0 afin de désigner respectivement la subventionofferte pendant la durée du report actif et la subvention offerte à tout autre moment.

31

Page 40: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

nous donnera un montant de subvention permettant tout juste l’atteinte d’une saturation maximale du

programme d’EÉ dès la première période. Si la contrainte (3.2) est serrante ailleurs qu’en t = 1, cette

dernière n’a pas d’impact sur la détermination du montant de subvention à octroyer, mais seulement

sur la participation (selon ce qui a été écrit dans le paragraphe précédent). Comme cette contrainte

possède un impact sur la variable de contrôle α1 seulement en t = 1, nous la mettrons de côté lors de

la résolution du problème d’optimisation, mais nous en tiendrons compte lorsque nous appliquerons

la présente méthodologie à un cas réel (voir la fin de la section 3.1.3 et le chapitre 4 pour plus de

détails).

- Contrainte de croissance de la saturation (3.3)

La contrainte (3.3) implique que St ≥ St−1, soit que la saturation ne diminue jamais avec le temps.

Étant donné que αi = α j pour tout i, j ∈ {1,T}, cette contrainte est serrante seulement si α1 < α0,

car la saturation augmente naturellement avec l’utilité ut . Une telle situation signifie que le report actif

est trop coûteux et qu’il est plus efficace d’investir rapidement dans l’augmentation de la capacité de

distribution du réseau et de « désinvestir » de l’EÉ, que ce soit en partie ou en totalité. Cette condition

peut aussi être serrante à la période T + 1, soit lorsque le niveau de subvention « redescend » à α0.

Toutefois, comme nous ne nous préoccupons pas de ce qui arrive une fois l’investissement en T&D

réalisé, nous nous intéresserons exclusivement aux situations où t ≤ T , ce qui exclut donc ce deuxième

cas de figure.

Si nous observons effectivement que α1 < α0, il est donc possible que St = St−1, ce qui dépend

de la valeur de α1 comparativement à α0. Si la contrainte est serrante à l’optimum, cela fait en sorte

que la participation ηt sera nulle pour l’année courante et pourra aussi l’être pour les années suivantes.

La participation pourra éventuellement être différente de zéro après un certain temps, ce qui dépend

de l’évolution naturelle de l’utilité de la clientèle. Une telle situation est analysée un peu plus bas (voir

la section 3.1.3).

- Contrainte de capacité (3.4)

La contrainte (3.4), quant à elle, est toujours pertinente parce qu’elle provient directement de

la condition de réalisabilité physique. Elle peut être serrante ou non en T , mais n’est jamais serrante

pour tous les autres périodes t ∈ {1,T −1}. En effet, cette contrainte est serrante seulement lorsque la

demande de pointe se rapproche suffisamment de la limite de capacité, ce qui n’est pas possible pour

les périodes antérieures à T , la marge de manoeuvre du réseau étant assez grande afin de supporter

la croissance de la demande de pointe pour ces années. Cela exclut donc toute possibilité que cette

condition soit serrante ailleurs qu’en T . D’ailleurs, cette contrainte n’enlève pas la pertinence de la

contrainte (3.3), car le terme à droite de l’inégalité présentée en (3.4) peut facilement être négatif : il

suffit que la pointe pt−1 soit assez faible comparativement à la limite de capacité du réseau c pour que

la contrainte (3.3) soit plus serrante que la contrainte (3.4).

32

Page 41: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Compte tenu des derniers aspects mentionnés, nous pouvons maintenant écrire la fonction de

Lagrange associée au problème d’optimisation : 2

L = bRQ−bRT +T

∑t=1

[RtN(St −St−1)(E−α1)]−λ1(St −St−1)−λ2

(N(ST −ST−1)−

g+ pT−1− ce f

),

où E = ezR̃− k. Les conditions de Kuhn-Tucker associées à ce problème sont les suivantes :

∂L (α1,λ1,λ2)

∂α1= 0, (3.5)

∂L (α1,λ1,λ2)

∂λ1≥ 0,

∂L (α1,λ1,λ2)

∂λ1·λ1 = 0, λ1 ≥ 0, (3.6)

∂L (α1,λ1,λ2)

∂λ2≥ 0,

∂L (α1,λ1,λ2)

∂λ2·λ2 = 0, λ2 ≥ 0. (3.7)

Chacune des deux conditions (3.6) et (3.7) peuvent être serrantes ou non à l’optimum. Lors-

qu’elles ne le sont pas, leur multiplicateur λ respectif devient nul et nous pouvons ne pas tenir compte

de ces contraintes dans la condition d’optimalité (3.5). À l’inverse, si une de ces deux contraintes est

serrante à l’optimum, son multiplicateur respectif est non-nul et la contrainte détermine à elle seule

le montant de subvention à octroyer. La condition (3.6), qui correspond à la contrainte de croissance

de la saturation, fait en sorte que St = St−1 lorsqu’elle serrante à l’optimum (λ1 6= 0), ce que nous

avons déjà expliqué un peu plus haut. Finalement, la condition (3.7), qui correspond à la contrainte de

capacité, peut être serrante ou non à l’optimum, ce qui engendre des résultats différents pour chacun

des deux cas. Graphiquement, nous pouvons représenter le problème du distributeur comme la maxi-

misation d’une fonction de profit concave en α1 dont les courbes de niveau augmentent avec T . À cela

s’ajoute la contrainte de capacité qui impose une limite inférieure à α1(T ), limite qui varie en fonction

de T . Cette limite est représentée, pour diverses valeurs de T , par les différents αS1 présents dans la

figure 3.1 (avec un « S » pour « Serrant »). Par souci de simplification, la contrainte de croissance de

la saturation n’est pas présentée dans la figure 3.1.

Cette figure présente un cas hypothétique où le temps d’arrêt optimal serait celui où t = n+ 2

et où la subvention optimale serait égale à αS1 (n+ 2). En effet, pour t = n+ 1, le profit maximal

correspond à α∗1 (n+ 1), soit le résultat de l’optimisation sur α1 effectuée sans tenir compte de la

contrainte de capacité pour une valeur de T égale à n+1. Cependant, même si la contrainte de capacité

est serrante en t = n+ 2, le profit maximal obtenu dans ce cas est supérieur à celui obtenu lorsque

t = n+ 1. Il est donc pertinent d’augmenter le report actif d’une année supplémentaire. Finalement,

lorsque t = n+ 3, la contrainte de capacité devient très exigeante et le profit maximal obtenu est

nettement en deçà de celui obtenu lorsque t = n+ 2. Dans ce cas, la durée optimale du report actif

correspond donc à n+2 années.

Les prochaines sections de ce chapitre sont dédiées à la résolution analytique du problème d’op-

timisation présenté ci-haut. Dans un premier temps, nous analyserons chacun des deux cas de figure

2. Afin de conserver la totalité de l’équation suivante sur une même ligne, nous utilisons la notation L dans l’écriturede la fonction de Lagrange au lieu de L (α1,λ1,λ2), tel que présenté dans les équations (3.5) à (3.7). Notez que cette doubleécriture n’a aucun impact sur les développements ultérieurs.

33

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α1($)

π ($)

αS1 (n) αS

1 (n+1) αS1 (n+2) αS

1 (n+3)

t = n

t = n+1

t = n+2

t = n+3

FIGURE 3.1 – Représentation graphique du problème de maximisation des profits du distributeur

permis par la contrainte de capacité, soit lorsqu’elle est serrante à l’optimum et lorsqu’elle ne l’est

pas (sections 3.1.1 et 3.1.2 respectivement). Ces deux sections solutionnent le problème de façon gé-

nérale, sans aucune hypothèse ne soit formulée quant à la distribution du coût inobservé ε . Cela nous

amène, dans un second temps, à résoudre complètement le problème d’optimisation en supposant que

ce coût inobservé suit une distribution uniforme sur l’intervalle continu [a0,a1]. Ce développement

est présenté à la section 3.1.3. Dans cette section, nous présentons aussi les solutions anaytiques du

problème d’optimisation lorsque chacune des contraintes (les équations (3.2) à (3.4)) est serrante à

l’optimum. Bien que les résultats développés dans cette section soient utiles lors de l’étude de cas

présenté au chapitre 4, ces résultats sont de nature théorique et cette section peut être omise pour

ceux et celles qui sont rebutés par les développements techniques. Finalement, la section 3.2 de ce

chapitre s’attarde à la solution du problème d’optimisation lorsque le distributeur étudié possède plus

d’un programme d’EÉ, en supposant toujours une distribution uniforme du coût inobservé ε . Encore

une fois, des résultats sont présentés pour chacun des deux cas de figure permis par la contrainte de

capacité (sections 3.2.1 et 3.2.2). Les résultats présentés dans ces deux dernières sections seront très

utiles lors de l’étude de cas présenté au chapitre 4.

3.1.1 Contrainte de capacité serrante à l’optimum

Dans le cas où la contrainte de capacité serait serrante à l’optimum, cette contrainte détermine

à elle seule le montant de subvention α1 à octroyer. En effet, comme il n’y a qu’une seule variable

de contrôle pour chaque temps d’arrêt T potentiel et que la contrainte de capacité doit nécessairement

être respectée pour chacun de ces temps d’arrêt, la subvention αS1 est obtenue en résolvant la contrainte

de capacité lorsque cette dernière est serrante à l’optimum, soit lorsque

N(ST −ST−1) =g+ pT−1− c

e f. (3.8)

Comme la demande de pointe peut s’exprimer en fonction de la pointe précédente selon l’équation

pt = pt−1 + g − e f ηt , nous pouvons remplacer le terme pT−1 par son développement récursif. Nous

34

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obtenons alors que :

pT−1 = p0 +(T −1)g− e fT−1

∑i=1

ηi,

ce qui nous permet de réécrire l’équation (3.8) de la façon suivante :

N(ST −ST−1) =g+ p0 +(T −1)g− e f ∑

T−1i=1 ηi− c

e f.

En remplaçant la participation ηi par sa définition présentée en (2.5), nous obtenons que

N(ST −ST−1) =p0 +T g− c

e f−

T−1

∑t=1

N(St −St−1),

ce qui se simplifie ainsi :

ST −S0 =p0 +T g− c

Ne f.

En utilisant l’équation de la saturation présentée en (2.13) (où αt prend la valeur α1 ou α0 selon

la période t correspondante), nous pouvons remplacer le terme ST présent à gauche de l’égalité, ce qui

nous donne :

F [ε ≤ uT θ − k+α1] =p0 +T g− c

Ne f+S0,

expression à partir de laquelle nous isolons αS1 , soit le montant de subvention déterminé par la contrainte

de capacité lorsque cette dernière est serrante à l’optimum

αS1 (T ) = F−1

[p0 +T g− c

Ne f+S0

]−uT θ + k = F−1[ψT ]−uT θ + k. (3.9)

Nous utilisons la notation αS1 (T ) afin de montrer que ce montant dépend effectivement du temps

d’arrêt T de la stratégie de report actif. La fonction F−1 représente la fonction cumulative inverse de la

distribution utilisée. L’argument de cette fonction inverse, argument représenté par la variable ψT , doit

nécessairement être une probabilité située entre 0 et 1, autrement il n’est pas possible de déterminer

un montant de subvention αS1 (T ). Pour cette raison, nous ajustons la valeur de ψT à la baisse si celle-ci

est supérieure à 1 et inversement si celle-ci est inférieure à 0 afin de nous assurer que l’argument de la

fonction F−1 soit toujours situé entre 0 et 1 inclusivement.

En intégrant l’équation (3.9) dans la fonction de profit développée en (2.4), il est possible de

calculer les profits du distributeur générés par un montant de subvention équivalent à αS1 (T ), ce qui

nous donne :

πS(T ) = Λ

(bRQ−bRT +N(ezR̃−F−1[ψT ]+uT θ −2k)

T

∑t=1

Rt(St −St−1)

),

35

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où la notation πS(T ) est utilisée pour montrer qu’il s’agit du résultat serrant et non d’un optimum

« libre ». Nous remarquons que le coût incrémental k de la mesure d’EÉ est soustrait deux fois plutôt

qu’une dans les profits du distributeur, ce qui s’explique par le fait que ce coût incrémental est pris en

compte une première fois dans la définition des bénéfices sociaux nets et une deuxième fois dans la

modélisation de la participation (voir les sections 2.2 et 2.4).

Une règle d’arrêt optimal ne peut pas être obtenue directement à partir d’une telle équation, car

il n’est pas possible de dériver directement cette équation par rapport au temps d’arrêt T . Nous pou-

vons cependant procéder à des simulations en utilisant des valeurs prédéterminées pour les différents

paramètres du problème d’optimisation, ce qui sera fait dans le cadre du chapitre 4. Nous pouvons

toutefois analyser le cas où la contrainte de capacité ne serait pas serrante à l’optimum.

3.1.2 Contrainte de capacité non serrante à l’optimum

Dans le cas où la contrainte de capacité (3.7) ne serait pas serrante à l’optimum en T , le multipli-

cateur λ2 est alors égal à zéro et la solution au programme d’optimisation est définie simplement par

la condition d’optimalité (3.5) avec λ1 = λ2 = 0. Pour les besoins de cette section, nous supposons

aussi que λ1 = 0, ce qui implique que la contrainte de croissance de la saturation n’est pas serrante

à l’optimum non plus. La situation contraire où λ1 6= 0 est analysée un peu plus bas. La condition

d’optimalité (3.5) peut dès lors se réécrire de la façon suivante :

∂L (α1)

∂α1= 0 =

∂[bRQ−bRT +∑

Tt=1[R

tN(St −St−1)(E−α1)]]

∂α1.

En effectuant la dérivation par rapport à α1 et en regroupant les sommations obtenues selon leur

coefficient respectif, nous obtenons l’égalité

0 = E

(T

∑t=1

RtS′t −T

∑t=1

RtS′t−1

)−

(T

∑t=1

RtSt −T

∑t=1

RtSt−1

)−α1

(T

∑t=1

RtS′t −T

∑t=1

RtS′t−1

),

où S′t et S′t−1 correspondent respectivement à la dérivée première de la saturation aux périodes t et t−1

par rapport à α1. Cette expression nous permet d’isoler α1, ce qui nous donne :

α1 = E− ∑Tt=1 Rt(St −St−1)

∑Tt=1 Rt(S′t −S′t−1)

. (3.10)

Comme la saturation est fonction du montant de subvention α1, l’équation (3.10) représente une

formulation implicite de α1. Afin de calculer les profits associés à un tel montant de subvention, il

est nécessaire de posséder une expression explicite de α1, ce qui est le cas avec l’équation (3.9). Afin

d’obtenir une telle forme explicite lorsque la contrainte de capacité n’est pas serrante à l’optimum,

nous devons mieux définir la forme que prend la saturation St . C’est ce que nous ferons dans la section

suivante.

36

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3.1.3 Coût inobservé avec distribution uniforme

Bien que la dynamique de saturation soit principalement une question de nature empirique, une

forme attrayante et particulièrement simple à manipuler est celle où la distribution du coût inobservé

ε suit une loi uniforme sur l’intervalle continu [a0,a1]. Une telle distribution du coût inobservé ε

nous permet de calculer facilement la saturation St et la dérivée première de la saturation S′t pour tout

t ∈ {0,T}, ce qui nous donne les quatre équations suivantes :

St =utθ − k+α1−a0

a1−a0∀t ∈ {1,T}, (3.11)

S0 =u0θ − k+α0−a0

a1−a0, (3.12)

S′t =1

a1−a0∀t ∈ {1,T}, (3.13)

S′0 = 0. (3.14)

En introduisant ces différents résultats dans les équations de subventions (3.9) et (3.10) développées

plus haut, nous pouvons obtenir des expressions de αS1 et de α∗1 qui sont comparables entre elles, α∗1

représentant la forme explicite de la subvention optimale obtenue lorsque la contrainte de capacité

n’est pas serrante à l’optimum.

- Contrainte de capacité serrante à l’optimum

En substituant la définition de S0 présentée en (3.12) dans l’argument de la fonction F−1 de

l’équation (3.9), nous obtenons l’expression suivante :

αS1 = F−1

[p0 +T g− c

Ne f+

u0θ − k+α0−a0

a1−a0

]−uT θ + k,

ce qui se simplifie ainsi grâce à la définition de la fonction cumulative inverse de la distribution uni-

forme d’intervalle [a0,a1] :

αS1 =

(a1−a0)(p0 +T g− c)Ne f

+u0θ −uT θ +α0. (3.15)

Cette équation décrit la forme simplifiée de αS1 lorsque ε suit une distribution uniforme d’in-

tervalle [a0,a1]. Nous pouvons aussi développer la dynamique de la demande de pointe à l’aide de

l’expression de αS1 obtenue en (3.15). La demande de pointe s’exprime d’abord de la façon suivante :

pt = p0 + tg− e f N(St −S0).

En utilisant les équations (3.11) et (3.12) pour remplacer respectivement St et S0 dans l’expression de

pt , nous obtenons

pt = p0 + tg− e f N(

utθ −u0θ +α1−α0

a1−a0

),

37

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où nous pouvons remplacer α1 par le résultat obtenu en (3.15). Après plusieurs simplifications, nous

obtenons la forme finale suivante :

pSt = g(t−T )+ c− Ne f (ut −uT )θ

a1−a0,

ce qui correspond à la dynamique de la demande de pointe lorsque la contrainte de capacité est serrante

à l’optimum et lorsque le coût inobservé ε suit une distribution uniforme d’intervalle [a0,a1].

Nous constatons alors que, si t = T , nous obtenons que pST = c, ce qui montre que la contrainte

de capacité est effectivement serrante. Nous constatons aussi que la pointe ne croît pas tout à fait au

taux g, car l’augmentation de la participation, grâce à l’évolution naturelle de l’utilité ut , réduit la

croissance de la demande de pointe par rapport à la croissance qui serait observée sans EÉ (soit une

croissance linéaire de facteur g).

- Contrainte de capacité non serrante à l’optimum

En substituant les équations (3.11) à (3.14) dans la forme implicite de α1 présentée en (3.10)

et en simplifiant les sommations présentes dans le dénominateur de l’équation, l’expression de α1 se

réécrit ainsi :

α1 = E−∑

Tt=2[R

t(ut θ−ut−1θ

a1−a0)]+R(u1θ+α1−u0θ−α0

a1−a0)

Ra1−a0

,

expression que nous pouvons simplifier davantage en éliminant le dénominateur a1−a0 et en divisant

chaque terme au numérateur par R. Cela nous donne l’expression (plus digeste) suivante :

α1 = E−T

∑t=2

[Rt−1(utθ −ut−1θ)]−u1θ −α1 +u0θ +α0,

expression qui peut encore se simplifier en utilisant l’équivalence ut = ut−1(1+ τc), en regroupant

toutes les utilités ut dans la même sommation et en isolant α1. Cela nous donne l’expression de α∗1finale suivante :

α∗1 =

12

(E− τcθ

T−1

∑t=0

[Rtut ]+α0

). (3.16)

Les profits associés à ce montant de subvention sont obtenus en remplaçant α1 par α∗1 dans la

fonction de profit (2.4), ce qui nous donne :

π∗(T ) = Λ

(bRQ−bRT +

N2

(E + τcθ

T−1

∑t=0

[Rtut ]−α0

)T

∑t=1

[Rt(St −St−1)]

).

Afin que le montant α∗1 défini par l’équation (3.16) puisse réellement nous permettre de respecter

la contrainte de capacité, ce montant doit être supérieur au montant αS1 obtenu grâce à l’équation

38

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(3.15). Dans le cas contraire, αS1 serait alors le montant de subvention qui devrait être offert afin de

respecter la contrainte de capacité et les profits du distributeur corresponderaient à ceux présentés

dans la section 3.1.1. Cette logique nous permet alors de formuler une condition de sélection, soit une

condition qui identifie si la solution au problème d’optimisation présentée en (3.1) est α∗1 au lieu de

αS1 . Si cela est le cas, alors le montant de subvention optimal α∗1 doit nécessairement être supérieur à

αS1 , ce que nous pouvons écrire ainsi grâce aux équations (3.15) et (3.16) :

12

(E− τcθ

T−1

∑t=0

[Rtut ]+α0

)≥ (a1−a0)(p0 +T g− c)

Ne f+α0−uT θ +u0θ ,

où nous pouvons isoler la variable E du côté gauche de l’inégalité afin d’obtenir :

E ≥ 2(a1−a0)(p0 +T g− c)Ne f

+α0−2uT θ +2u0θ + τcθ

T−1

∑t=0

[Rtut ].

La variable E, qui est égale à l’expression ezR̃− k, représente la valeur totale des autres coûts

évités générés par la mesure d’EÉ sur sa durée de vie, nette du coût incrémental d’implantation de la

mesure (k). Cette variable peut très bien être inférieure à l’expression présente à droite de l’inégalité.

Il importe donc de vérifier si cette condition est respectée lorsque nous tentons de déterminer si la

solution au problème d’optimisation est une solution intérieure ou une solution de coin. D’autres

distributions peuvent aussi être utilisées afin de modéliser l’hétérogénéité du coût inobservé ε , mais

les calculs peuvent devenir laborieux très rapidement.

La dynamique de la demande de pointe peut aussi être développée dans le cas où la contrainte de

capacité ne serait pas serrante à l’optimum. Pour ce faire, nous utilisons l’équation de la demande de

pointe présentée en (3.16), équation dans laquelle nous remplaçons α1 par l’équation de α∗1 obtenue

en (3.17). Cela nous donne l’expression de p∗t suivante :

p∗t = p0 + tg− e f N

(utθ −u0θ + 1

2

(E− τcθ ∑

T−1t=0 [Rtut ]−α0

)a1−a0

),

expression qui ne se simplifie pas davantage et qui ne dépend pas de la limite de capacité c, contraire-

ment à pSt .

- Contrainte de croissance de la saturation serrante à l’optimum

Nous analysons maintenant le cas particulier où la contrainte de croissance de la saturation, soit

l’équation (3.3) (représentée par l’inégalité St − St−1 ≥ 0), est serrante à l’optimum. Cela se produit

seulement lorsque α1 < α0, tel que cela a été mentionné plus haut. De plus, cette contrainte est

serrante seulement pour certaines valeurs de t particulières. En effet, le fait que α1 < α0 implique

que la participation tombe nécessairement à zéro pendant quelques périodes lors du passage de α0 à

α1. Lorsque ces périodes sont écoulées, la participation augmente ensuite en fonction de l’évolution

naturelle de l’utilité ut . Dans le cas où le coût inobservé ε suit une distribution uniforme d’intervalle

39

Page 48: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

[a0,a1], le montant de subvention α1 qui annule la participation lors de la période t = 1 doit nous

assurer l’égalité entre S1 et S0. De façon analogue, la subvention α1 qui annule la participation en

t = 1 et en t = 2 doit assurer l’égalité entre S2, S1 et S0. Le premier des deux cas mentionnés nous

permet de postuler l’égalité suivante :

u0θ − k+α0−a0

a1−a0=

u0(1+ τc)θ − k+α1−a0

a1−a0,

ce qui se simplifie afin de donner l’expression explicite de α1 suivante :

α1 = α0−u0θτc.

La subvention α1, dans ce cas de figure particulier, est effectivement plus petite que α0, car le

terme u0θτc est nécessairement strictement positif. Une telle subvention α1 permet à la saturation S1

d’être équivalente à celle observée au temps t = 0, alors que la saturation au temps t = 2 leur est

forcément différente. En effet, si nous désirons que S2 = S1 = S0, nous devons plutôt développer

l’égalité S2 = S0, ce qui nous donne :

u0θ − k+α0−a0

a1−a0=

u0(1+ τc)2θ − k+α1−a0

a1−a0,

ce qui nous permet d’obtenir l’expression de α1 suivante :

α1 = α0 +u0θ(1− (1+ τc)2).

Dans ce dernier cas, la subvention α1 obtenue permet d’annuler la participation pour t = 1 et

t = 2, la participation étant à nouveau strictement positive en t = 3. En généralisant les deux dernières

équations de α1, nous obtenons l’expression suivante :

α1 = α0 +u0θ(1− (1+ τc)t),

où nous pouvons isoler t afin de déterminer le nombre de périodes durant lesquelles la participation

serait nulle pour un montant de subvention α1 inférieur à α0. Nous obtenons alors que

t =ln(

α0−α1+u0θ

u0θ

)ln(1+ τc)

.

En utilisant l’entier inférieur le plus proche de t, nous obtenons la dernière période à partir de

laquelle la participation est effectivement nulle. Dans le cas où la contrainte de croissance de la sa-

turation serait serrante à l’optimum, il est donc important de s’assurer que la participation soit nulle

pour la durée appropriée.

- Contrainte physique de la saturation serrante à l’optimum

40

Page 49: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Finalement, si le coût inobservé ε suit une distribution uniforme d’intervalle [a0,a1], il est pro-

bable que la contrainte physique de la saturation soit serrante à l’optimum. Comme il a déjà été men-

tionné dans la section 3.1, une telle contrainte possède un impact sur le montant de subvention à offrir

seulement si cette dernière est serrante en t = 1. Nous déterminons alors le montant de subvention

optimale en utilisant l’égalité S1 = 1, ce qui nous permet d’obtenir le résultat suivant :

1 =u1θ − k+α1−a0

a1−a0,

où l’on isole facilement α1 afin d’obtenir :

α1 = a1−u1θ + k.

Ce montant de subvention permet d’atteindre une saturation maximale dès la première pé-

riode t = 1, ce qu’aurait certainement permis une subvention plus élevée, mais à des coûts plus élevés

pour le distributeur sans que cela ne génère de bénéfices supplémentaires. Aussi, il se peut fort bien

que malgré une saturation totale de 100 % dans le programme étudié, l’impact d’un tel niveau de satu-

ration sur la demande de pointe ne soit pas suffisant afin de générer du report actif. Cela signifie que le

programme d’EÉ présentement étudié ne permet pas, à lui seul, de réduire suffisamment la demande

de pointe afin de reporter les besoins d’investissement en T&D. L’incorporation de plusieurs autres

programmes d’EÉ dans le problème d’optimisation peut toutefois générer du report actif sur plusieurs

années, même si chaque programme analysé individuellement ne le permet pas. C’est ce que nous

analyserons dans la prochaine section.

3.2 Programmes d’EÉ multiples

La plupart des distributeurs énergétiques possèdent un portefeuille de programmes d’EÉ com-

posé de plusieurs programmes qui possèdent tous des caractéristiques différentes. La modélisation

effectuée plus haut avec un seul programme ne permet pas de considérer le meilleur mix de pro-

grammes et de subventions à offrir afin d’implanter une stratégie optimale de report actif au sein d’un

distributeur. Au lieu d’analyser seulement quelques scénarios possibles quant à la combinaison des

programmes et des montants de subventions à offrir, nous utilisons les résultats développés dans la

section précédente afin d’obtenir les résultats inhérents au cas des programmes multiples.

Si le distributeur que nous analysons possède un portefeuille contenant m programmes d’EÉ, la

contrainte de capacité se réécrit alors de la façon suivante :

pt = pt−1 +g− f ∑m

emηt,m ≤ c,

où il est possible d’extraire la participation au programme i de la façon suivante :

pt−1 +g− f ∑m6=i

emηt,m− f eiηt,i ≤ c.

41

Page 50: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

En isolant la participation au programme i dans l’inégalité, nous obtenons la contrainte de parti-

cipation suivante :

ηt,i ≥pt−1 +g− f ∑m 6=i emηt,m− c

ei f. (3.17)

Nous constatons alors que la contrainte de participation pour le programme i est fonction de la parti-

cipation à tous les autres programmes. Cela aura un impact important lors des développements ulté-

rieurs.

Le facteur de conversion de pointe f est conservé identique pour chaque programme afin de sim-

plifier la résolution du problème. Cela permet aussi de sélectionner un facteur de conversion relative-

ment « conservateur » qui constitue une estimation minimale de l’impact des différents programmes

d’EÉ sur la demande de pointe. De plus, comme l’impact de l’EÉ sur la demande de pointe est un su-

jet technique relativement complexe, nous préférons nous en tenir à un estimé commun conservateur

applicable à l’ensemble des programmes.

3.2.1 Contrainte de capacité serrante à l’optimum

Si la contrainte pour le programme i est serrante en T , nous développons alors la condition de

participation présentée en (3.17) comme cela a été fait plus haut afin d’obtenir la subvention αS1 dans

le cas du programme unique. En remplaçant la participation ηt,i par Ni(St,i− ST−1,i), nous obtenons

l’égalité

Ni(ST,i−ST−1,i) =pT−1 +g− f ∑m 6=i emηT,m− c

ei f,

où nous utilisons la dynamique de la demande de pointe pt = pt−1 + g − f ∑m emηt,m afin d’obtenir :

Ni(ST,i−ST−1,i) =p0 +T g− f ∑m em ∑

T−1j=1 η j,m− f ∑m 6=i emηT,m− c

ei f.

En remplaçant les participations η j,m et ηT,m par leur définition respective et en annulant les

termes intermédiaires dans la sommation sur le terme j, nous obtenons l’expression suivante :

Ni(ST,i−ST−1,i) =p0 +T g− f ∑m emNm(ST−1,m−S0,m)− f ∑m6=i emNm(ST,m−ST−1,m)− c

ei f,

expression que nous pouvons simplifier en annulant les saturations à la période T − 1 afin d’extraire

le terme indicé par i, ce qui nous donne :

Ni(ST,i−ST−1,i) =p0 +T g− f ∑m 6=i emNm(ST,m−S0,m)− c

ei f−Ni(ST−1,i−S0,i).

Finalement, en simplifiant les saturations du programme i à la période T − 1 et en utilisant la

définition de la saturation présentée en (2.13), nous obtenons l’expression αS1,i suivante :

αS1,i = F−1

i

[p0 +T g− f ∑m6=i emNm(ST,m−S0,m)− c

Niei f+S0,i

]−uT,iθ + ki = F−1

i [ψT,i]−uT,iθ + ki.

42

Page 51: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

où nous supposons que θ ne varie pas selon le programme d’EÉ considéré. Cela implique que nous

supposons que les clients valorisent et escomptent la valeur des économies d’énergie de façon iden-

tique, peu importe d’où ces économies proviennent. Nous constatons que la subvention offerte αS1,i

diminue lorsque la participation aux autres programmes augmente, ce qui est tout à fait cohérent avec

le fait qu’il s’agit d’une subvention « serrante ».

Pour obtenir une expression explicite de αS1,i, nous procédons comme nous l’avons fait dans la

section 3.1.3, en supposant une distribution uniforme d’intervalle [a0,i,a1,i] pour le coût inobservé εi,

ce qui nous donne l’expression finale suivante :

αS1,i =

(a1,i−a0,i)(

p0 +T g− f ∑m 6=i emNm(ST,m−S0,m)− c)

Niei f+u0,iθ −uT,iθ +α0,i, (3.18)

ce qui correspond à l’analogue de l’équation (3.15) dans le cadre d’un distributeur possédant m diffé-

rents programmes d’EÉ.

3.2.2 Contrainte de capacité non serrante à l’optimum

Dans le cas où la contrainte de capacité ne serait pas serrante en T , la subvention optimale α∗1,is’obtient en dérivant la fonction de profit par rapport à α1,i, comme cela a été fait dans la section 3.1.2.

Avec plus d’un programme d’EÉ, la fonction de profit se réécrit de la façon suivante :

π({α1,m},T ) = Λ

(bRQ−bRT +∑

m

[T

∑t=1

[RtNm(St,m−St−1,m)(emzmR̃m−α1,m− km)

]])où R̃m = 1−Rdm+1

1−R et où dm correspond à la durée de vie de la mesure m. Comme les m subventions ne

sont pas dépendantes entre elles pour un temps d’arrêt T fixé, les éléments m 6= i n’interviennent pas

dans le calcul de α∗1,i. Nous développons la condition d’optimalité en dérivant directement la fonction

de profit par rapport à α1,i, ce qui donne un résultat équivalent à la méthode de Lagrange considérant

le fait que λ1 = λ2 = 0 dans le cas étudié. En posant Ei = eiziR̃i− ki, cette dérivation nous donne la

condition d’optimalité suivante :

0 = Ei

T

∑t=1

RtS′t,i−Ei

T

∑t=1

RtS′t−1,i−α1,i

T

∑t=1

RtS′t,i−T

∑t=1

RtSt,i +α1,i

T

∑t=1

RtS′t−1,i +T

∑t=1

RtSt−1,i,

condition dans laquelle il est possible d’isoler α1,i comme nous l’avons fait dans la section 3.1.2, ce

qui nous donne :

α1,i = Ei−∑

Tt=1 Rt(St,i−St−1,i)

∑Tt=1 Rt(S′t,i−S′t−1,i)

. (3.19)

Ce résultat correspond à la même équation que l’équation (3.10), à la différence que celle-ci

est propre à chaque programme d’EÉ. Les développements ultérieurs avec une distribution uniforme

du coût inobservé εi pour chacun des programmes se font de façon identique à ce qui a été fait dans

la section 3.1.3, développements que nous ne présenterons pas ici pour des fins de concision. Ces

développements sont toutefois nécessaires afin d’obtenir une forme explicite de la subvention optimale

α∗1,i.

43

Page 52: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

3.2.3 Algorithme de résolution

Dans le cas des programmes multiples, l’enjeu principal consiste en l’identification des pro-

grammes dont la subvention est déterminée par la seule contrainte de capacité. Tel que cela a été

mentionné dans les sections précédentes, les subventions qui ne sont pas contraintes par la limite de

capacité doivent nécessairement être supérieures aux subventions qui sont contraintes par cette limite.

Nous développons alors la condition de sélection suivante (qui est l’analogue de celle développée à la

section 3.1.3) :

α∗1,i ≥ α

S1,i. (3.20)

Le problème principal avec une telle condition est que le terme à droite de l’inégalité dépend

de toutes les subventions qui sont octroyées pour chacun des m programmes, ce qui ne permet pas de

déterminer séparément si chaque subvention α∗1,i respecte ou non cette condition. Il est donc nécessaire

de procéder par étape afin de s’assurer que cette condition soit bien respectée lorsque la contrainte de

capacité n’est pas serrante pour une ou pour plusieurs des m subventions.

La première étape consiste dans le calcul de la solution intérieure pour chaque programme m,

soit de calculer chaque subvention sans tenir compte de la contrainte de capacité. En faisant cela, nous

obtenons m séries de subventions α∗1,i(T ) (qui sont fonction de T ) et m valeurs de α∗1,i(T∗) qu’on peut

reconnaître facilement à l’intérieur de chaque série en calculant les profits qui sont associés à chacune

de ces subventions.

Deuxièmement, nous calculons les m séries de subventions serrantes αS1,i(T ) en utilisant les sub-

ventions α∗1, j(T ) obtenues lors de la première étape en s’assurant que j 6= i. En effet, pour calculer

αS1,i(T ), nous avons besoin des montants de subvention offerts dans les autres programmes car αS

1,i

dépend de la saturation des autres mesures d’EÉ. Ensuite, nous comparons les différentes séries obte-

nues pour chaque programme. Si une seule subvention optimale α∗1, j(T∗) est inférieure à son montant

analogue αS1, j(T

∗), nous « ajustons » à la hausse le niveau de subvention α∗1, j(T∗) jusqu’à ce qu’il

égalise αS1, j(T

∗). Cet ajustement devrait donner le « mix » optimal final de subvention qui respecte la

contrainte de capacité.

Si plus d’une subvention α∗1,i(T∗) est inférieure à son analogue αS

1,i(T∗), il est alors nécessaire

de les ajuster successivement afin de déterminer quelle(s) subvention(s), lorsqu’augmentée(s) à leur

niveau « serrant », permet aux autres subventions α∗1,i(T∗) de respecter l’inégalité (3.20). Afin de

déterminer quelle(s) subvention(s) il est optimal d’ajuster à la hausse, il peut être utile de comparer

les valeurs données par la fonction de profit chaque fois qu’une subvention est amenée à son niveau

« serrant ». Une telle procédure est donnée en exemple dans le chapitre suivant.

44

Page 53: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Chapitre 4

Application au réseau gazier de l’Abitibi

Maintenant que nous avons obtenu plusieurs résultats théoriques pertinents, nous pouvons mettre

en application ces résultats à l’aide des données du Plan global en efficacité énergétique (PGEÉ) de

Gaz Métro, principal distributeur gazier québécois.

4.1 Le Plan global en efficacité énergétique de Gaz Métro

Le PGEÉ de Gaz Métro contient l’ensemble des paramètres réels et projetés (sur trois ans)

concernant les différents programmes administrés par le distributeur, paramètres qui ont été utili-

sés pour développer les modèles théoriques présentés dans les chapitres précédentes. Le PGEÉ sert de

document de référence lors des causes tarifaires afin d’évaluer l’efficacité des différents programmes

d’EÉ offerts par le distributeur. Pour ce faire, Gaz Métro présente différents tests de rentabilité dans le

PGEÉ, soit le TCTR (tel que mentionné dans la section 1.3), le test de neutralité tarifaire (TNT) et le

test du participant (TP). Le TNT détermine si l’existence du programme d’EÉ possède un quelconque

impact sur les tarifs énergétiques payés par l’ensemble de la clientèle alors que le TP détermine la

rentabilité du programme du seul point de vue du participant. Ce dernier test est réalisé en opposant le

coût incrémental de la mesure d’EÉ à la valeur des économies totales générées par celle-ci sur toute

sa durée de vie.

Le plus récent PGEÉ de Gaz Métro a été déposé à la Régie de l’énergie du Québec le 29 avril

2016 (Gaz Métro, 2016). Ce PGEÉ compte au total vingt programmes d’acquisition de ressources et

cinq programmes de transformation de marché. Parmi les programmes d’acquisition de ressources,

quatre d’entre eux sont destinés à la clientèle résidentielle, treize à la clientèle commerciale, indus-

trielle et institutionnelle (CII) et trois sont destinés aux grandes entreprises (GE), soit des entreprises

qui ont des contrats d’approvisionnement particulier et dont la consommation annuelle dépasse géné-

ralement 10 millions de mètres cubes (Mm3). Comme les GE sont peu nombreuses dans la clientèle de

Gaz Métro et que le secteur résidentiel compte pour une faible proportion des ventes du distributeur,

nous nous concentrerons spécifiquement sur les programmes ciblant la clientèle CII.

45

Page 54: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Programmes Économies Coût incré- Coûts évités Durée dee (m3/an) mental k ($) z ($/m3) vie d (ans)

PE202 - Chaudières intermédiaires 6 111 9 837 0,2921 20PE207 - Études de faisabilité 17 932 16 264 0,2901 9PE208 - Aide à l’implantation 84 823 110 011 0,2891 15PE210 - Chaudières à condensation 3 560 12 404 0,2911 20PE212 - Chauffe-eau à condensation 2 562 6 687 0,2281 15PE215 - Infrarouge 2 293 696 0,3211 17PE224 - Hotte à débit variable 6 752 18 184 0,3211 15PE225 - Aérotherme à condensation 650 2 575 0,3211 20PE226 - Recommissioning 20 079 36 227 0,2861 5

TABLEAU 4.1 – Caractéristiques des neuf programmes d’EÉ ciblant la clientèle CII de Gaz Métropour l’année 2016-2017

De ces treize programmes ciblant la clientèle CII, neuf d’entre eux offrent la documentation né-

cessaire concernant la participation et la saturation afin de les modéliser adéquatement. Les différents

paramètres techniques propres à chacun de ces neuf programmes sont présentés dans le tableau 4.1.

Toutes ces valeurs sont tirées du PGEÉ Horizon 2017-2019 et représentent les valeurs moyennes pro-

jetées au mois d’avril 2016 pour les programmes du PGEÉ en vigueur lors de l’année 2016-2017. 1

Les coûts évités présentés sont comptabilisés en éliminant la portion qui est attribuable au renforce-

ment du réseau de distribution (soit les coûts évités moyens en T&D qui correspondent à une moyenne

de 0,9$parmillierdem3 de gaz naturel distribué). Ces paramètres seront utilisés afin de simuler une

stratégie de report actif dans le réseau gazier de l’Abitibi.

4.2 Caractérisation de la saturation

La saturation est calculée pour les années 2014 et 2015 pour chacun des neuf programmes à

l’aide des données de la firme Extract Recherche Marketing, entreprise spécialisée dans les sondages

et la collecte de données, et des données du PGEÉ Horizon 2017-2019 (B.-Couture et Dupuis, 2014;

Gaz Métro, 2016). Ce sont les données les plus récentes disponibles sur le sujet.

Lorsque le coût inobservé ε suit une distribution uniforme d’intervalle [a0,m, a1,m], nous savons

que la saturation St pour le programme m s’exprime ainsi :

St,m =u0,m(1+ τc)

tθ − km +αt,m−a0,m

a1,m−a0,m.

En posant un coût inobservé centré à zéro et symétrique autour de zéro, nous pouvons définir les deux

1. Pour des fins de cohérence temporelle, nous considérerons que l’année 2016-2017 couvre la période allant de lademande de pointe observée en 2016 jusqu’à la demande de pointe observée en 2017, même si cela ne correspond pas toutà fait à la réalité du distributeur présentement étudié.

46

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Programmes Subvention Taille du coût Utilité Saturation Clientèleinitiale α0 ($) inobervé a1 ($) initiale u0 initiale S0 ( %) admissible N

PE202 4 400 3 727,76 13 517,66 49,60 68PE207 2 500 10 141,32 14 470,65 10,68 75PE208 15 400 64 193,89 125 090,75 15,28 119PE210 4 300 1 921,91 21 980,10 67,90 257PE212 2 380 2 095,78 7 484,38 18,67 303PE215 475 70,32 625,61 70,80 192PE224 7 915 7 757,51 7 997,41 4,43 96PE225 1 150 1 261,50 521,78 1,79 284PE226 30 000 6 126,89 274,52 0,08 933

TABLEAU 4.2 – Paramètres supplémentaires pertinents pour les neuf programmes d’EÉ ciblant laclientèle CII de Gaz Métro pour l’année 2016-2017

saturations suivantes pour les années 2014 et 2015 :

S2014,m =u2014,mθ − km +α0,m +a1,m

2a1,m,

S2015,m =u2014,m(1+ τc)θ − km +α0,m +a1,m

2a1,m.

Le taux d’actualisation rc (propre à la clientèle) contenu dans θ est fixé à 5 %, alors que le taux

de croissance de l’utilité est fixé à 3 %, ce qui nous assure que rc > τc pour tous les programmes. Cela

nous donne une valeur de θ = 0,4. Nous postulons aussi que α0,m = (α2015,m + α2014,m)/2, soit une

moyenne des subventions observées lors des années 2014 et 2015. Nous avons alors deux équations

avec deux inconnus (u2014,m et a1,m) à déterminer pour chaque programme, ce qui se résout facilement

par substitution. Nous obtenons alors les expressions suivantes pour a1,m et u2014,m :

u2014,m =(km−α0,m)(S2015,m−S2014,m)

θ(S2015,m−S2014,m(1+ τc)+0,5τc)), (4.1)

a1,m =u2014,mθ − km +α0,m

2S2014,m−1, (4.2)

où km correspond au coût incrémental présenté dans le tableau 4.1. Le tableau 4.2 présente l’ensemble

des paramètres pertinents supplémentaires obtenus à partir des équations (4.1) et (4.2). Afin d’avoir

une même année de référence pour tous les programmes, la saturation initiale S0 et l’utilité initiale

u0 sont définies comme étant les valeurs calculées pour l’année 2017, soit le moment où la demande

de pointe est observée en 2017. L’utilité en 2017 (u0) est obtenue en appliquant 3 fois le taux de

croissance τc = 3% à l’utilité de l’année 2014 (u2014,m). La saturation en 2017 est calculée à l’aide

de cette utilité initiale et des autres paramètres présentés dans le tableau 4.2. La clientèle admissible

N correspond à une estimation de la clientèle qui peut participer aux différents programmes présentés

dans les tableaux 4.1 et 4.2 et qui sont connectés au réseau gazier de l’Abitibi. Toutefois, avant d’aller

plus loin, il importe de présenter sommairement les caractéristiques de ce réseau.

47

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FIGURE 4.1 – Carte du réseau gazier de l’Abitibi-Témiscamingue

4.3 Le réseau gazier de l’Abitibi-Témiscamingue

Le réseau gazier de l’Abitibi est un réseau qui prend son origine à Earlton en Ontario grâce au

réseau de transport de TransCanada Pipelines. Comme le montre la figure 4.1, le réseau dessert les

villes de Rouyn-Noranda, Malarctic, Val-d’Or, Louvicourt et Amos, en plus de desservir quelques

autres clients le long du réseau, notamment des entreprises minières.

En 2015, le réseau comptait 933 clients CII, dont deux d’entre eux étaient catégorisés comme

étant des GE. La figure 4.2 montre l’évolution de la clientèle CII (sans les GE) dans le réseau gazier

abitibien entre 2008 et 2015. Lorsque nous extrapolons la tendance observée dans cette figure jusqu’en

2017, le nombre estimé de clients CII à l’heure actuelle dans le réseau est de 933, soit le même nombre

de clients CII qu’en 2015. La clientèle admissible N est estimée à partir des données globales de B.-

Couture et Dupuis (2014). En fait, pour obtenir la clientèle admissible spécifique à l’Abitibi pour

chacun des neuf programmes d’EÉ, nous appliquons un taux d’admissibilité globale à la clientèle

ciblée par le programme, taux qui est obtenu à l’aide des données de la firme Extract Recherche

Marketing.

La demande de pointe du réseau de l’Abitibi est problématique par le fait que certains projets

miniers futurs mettent une pression grandissante sur le réseau de distribution, comme le montre la

48

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FIGURE 4.2 – Évolution de la clientèle CII dans le réseau gazier abitibien

figure 4.3. Les données présentées dans la figure 4.3 correspondent à une estimation de la demande de

pointe prévue pour la période 2017-2032. Les données présentée dans cette figure ont été modifiées

de façon à ce que la demande de pointe qui y est présentée ne tienne pas compte de l’impact des pro-

grammes d’EÉ sur la pointe. Nous voyons bien que la croissance de la demande de pointe est inégale

et que cette demande de pointe atteint son maximum en 2021. Autrement dit, si les programmes d’EÉ

étaient capables de réduire la demande de pointe en 2021 sous la barre des 41 000 m3/h, l’infrastruc-

ture de distribution supplémentaire (dont le coût est estimé à 50 M $) ne serait vraisemblablement pas

nécessaire avant environ une vingtaine d’années.

Si nous fixons la période t = 0 au moment de la pointe projetée en 2017 (que nous suppose-

rons réelle et non projetée), la valeur de la variable Q à cet endroit est de zéro car la contrainte de

capacité n’est pas respectée dès l’année prochaine. La méthode de résolution en subvention constante

développée dans le chapitre 3 peut facilement s’appliquer à ce réseau gazier, à l’exception du fait

que la croissance projetée de la pointe g sera modifiée annuellement afin de tenir compte de la varia-

tion présente dans celle-ci. Nous intégrons cette modification dans tous les développements ultérieurs

pertinents.

4.4 Contrainte de capacité non serrante à l’optimum

Afin d’obtenir les montants optimaux de subvention à offrir pour le réseau abitibien, nous em-

ployons la méthode décrite dans la section 3.2.3. Nous calculons d’abord les m subventions α∗1,m à

49

Page 58: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

FIGURE 4.3 – Évolution projetée de la demande de pointe du réseau gazier abitibien

l’aide de l’équation suivante :

α∗1,m(T ) =

12

(emzmR̃m− km− τcθ

T−1

∑t=0

[Rtut,m]+α0,m

),

où l’inflation i est fixé à 2 %, le taux τc est de 3 % et les taux d’escompte rc et r sont tous les deux de

5 %. En utilisant les paramètres présentés dans les tableaux 4.1 et 4.2, nous pouvons calculer chaque

subvention α∗1,m(T ) pour chaque temps d’arrêt T potentiel. Avec les subventions α∗1,m obtenues, nous

calculons ensuite le profit total du distributeur grâce à la fonction de profit correspondante :

π∗(T ) = Λ

(bRQ−bRT +∑

m[

T

∑t=1

[RtNm(St,m−St−1,m)(emzmR̃m−α∗1,m(T )− km)]]

),

où nous supposons que Λ = 1. En nous assurant que toutes les contraintes décrites dans les chapitres

précédents sont respectées, nous calculons les profits optimaux du distributeur pour chaque temps

d’arrêt T potentiel. Les résultats sont présentés dans la figure 4.4. Nous remarquons tout de suite que

le moment d’implantation optimal de l’infrastructure de distribution correspond à T ∗ = 13, soit lors

de l’année 2030. Les profits tombent ensuite à zéro, car la demande de pointe dépasse la limite de

capacité pour les deux années subséquentes et nous prenons en compte seulement les profits optimaux

contenus dans la fenêtre temporelle débutant à la période où t = 1 et finissant à celle où t = T .

Les profits « normaux » sans report actif sont présentés dans la figure 4.4 pour des fins de com-

paraison, ces profits correspondant simplement aux autres coûts évités générés si les subventions des

programmes analysés étaient maintenues à α0,m pour toute la durée du report optimal. Nous consta-

tons qu’après 13 ans, les bénéfices générés par les deux stratégies diffèrent d’environ 23,5 M $. Les

50

Page 59: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

FIGURE 4.4 – Bénéfices générés avec et sans implantation d’une stratégie de report actif

profits totaux avec report actif correspondent à la somme entre les bénéfices nets autres optimaux et

les coûts évités en T&D. Ces profits totalisent 27,827 M $ au temps d’arrêt T = 13, soit le montant

maximum observé sur l’ensemble des courbes présentées dans la figure 4.4.

Comment la demande de pointe se comporte-t-elle si une telle stratégie est implantée? Nous

calculons la demande de pointe avec report actif à l’aide de l’équation de la dynamique de pointe

modifiée afin d’intégrer les variations dans la croissance g, ce qui nous donne l’équation suivante :

pt = p0 +t−1

∑i=0

gi− f ∑m

Nmem(St,m−S0,m),

où le facteur de conversion f correspond exactement à 3,5/(365× 24). Ce facteur de conversion

provient du fait que s’il n’y avait pas d’impact particulier de l’EÉ sur la pointe, cette dernière serait

équivalente aux économies annuelles, mais réparties uniformément sur chaque heure de l’année. Cela

nous donnerait un facteur de conversion égal à 1/(365×24). Comme il existe effectivement un impact

de l’EÉ sur la demande de pointe qui est différent de l’impact observé ailleurs au courant de l’année,

un multiplicateur conservateur de 3,5 fois l’impact uniforme est utilisé pour chaque programme d’EÉ

analysé dans ce chapitre. Ce multiplicateur a été estimé à partir des analyses d’impact préparées par

Gaz Métro.

La figure 4.5 présente l’évolution de la demande de pointe avec et sans stratégie de report actif

optimal. Nous voyons bien que la demande de pointe baisse rapidement entre l’année 2017 et 2018, ce

qui est le résultat de l’augmentation des différentes subventions dans les neuf programmes analysés.

Après l’année 2018, la demande de pointe suit essentiellement une trajectoire comparable à celle

51

Page 60: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

FIGURE 4.5 – Trajectoire prévue de la demande de pointe avec et sans implantation d’une stratégie dereport actif

prévue originalement.

Le tableau 4.3 présente différents résultats provenant de l’optimisation pour chaque programme

analysé. Nous remarquons tout de suite que les programmes PE212, PE225 et PE226 ne sont pas

pertinents dans la stratégie de report actif, leurs bénéfices nets autres étant nuls à T ∗. Cela s’explique

par le fait que les subventions optimales pour ces programmes à T ∗ sont inférieures à leur montant

initial respectif (α0,m). Selon nos résultats, il est plutôt optimal de désinvestir de ces programmes,

quitte à les abolir dans ce réseau particulier pour la durée du report actif.

Nous constatons que le programme PE208 - Aide à l’implantation génère près de 83 % des

économies totales pendant la durée du report actif. En effet, ce programme est celui qui génère les

économies unitaires les plus élevées en moyenne, bien que son coût incrémental soit aussi très élevé.

La subvention optimale offerte pour les programmes PE207 et PE208 correspondent d’ailleurs à plus

de 90 % du coût incrémental de la mesure, alors que les autres subventions optimales correspondent

à moins de 60 % du coût incrémental de la mesure. Le programme PE212 est le seul qui génère des

bénéfices autres nets négatifs. Dans ce cas, il peut être optimal d’abaisser la subvention à zéro afin de

ne pas subir une quelconque perte de bénéfices. Le programme peut toutefois rester utile s’il permet

de générer du report actif supplémentaire, ce que nous analyserons dans la prochaine section de ce

chapitre.

Ces résultats doivent toutefois être considérés avec prudence. Le fait d’utiliser un modèle de

participation théorique se basant sur une distribution uniforme d’un coût inobservé ne correspond pas

52

Page 61: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Programmes Bénéfices nets Saturation à Économies générées Subventionautres à T ∗ ($) T ∗ ( %) sur {0,T ∗} (m3) α∗1,m à T ∗ ($)

PE202 433 663,90 100,00 209 443 5 624,30PE207 771 917,66 85,15 1 001 652 14 894,07PE208 10 221 765,30 100,00 8 551 463 100 724,90PE210 174 525,05 100,00 293 690 1 414,50PE212 -594,75 18,67 0 1 056,01PE215 511 050,82 100,00 128 583 398,83PE224 16 500,08 16,70 79 536 8 319,95PE225 0,00 1,79 0 912,07PE226 0,00 0,08 0 12 913,73Total 12 129 422,82 - 10 264 367 -

TABLEAU 4.3 – Résultats de l’optimisation pour chaque programme d’EÉ analysé

forcément à un modèle réaliste de la participation. La croissance de la diffusion technologique est

généralement reconnue pour suivre une distribution normale alors que le modèle présentement utilisé

implique une croissance exponentielle de la saturation des mesures d’EÉ (Zariffa et Dupuis, 2010).

De plus, le modèle développé ne prend pas en compte les différents effets de distorsion généralement

inclus dans le calcul des bénéfices nets provenant des programmes d’EÉ (B.-Couture et Dupuis, 2014).

Une telle inclusion de ces effets de distorsion (opportunisme, bénévolat et entraînement) dans notre

modélisation est une avenue de recherche intéressante et ayant le pouvoir d’améliorer grandement le

réalisme de la modélisation présentée dans ce mémoire.

Nous considérons aussi que tous les clients possédant une utilité nette positive participeront au

programme d’EÉ alors qu’en réalité, bien des clients implantent eux-mêmes une mesure d’EÉ sans

participer à un quelconque programme. Cette « implantation naturelle » permet au distributeur de

jouir des bénéfices de l’EÉ sans en supporter les coûts, ce qui sous-estime les différents bénéfices

nets estimés dans ce mémoire. Finalement, les différents paramètres utilisés dans la présente section

sont supposés constants au fil du temps alors qu’en réalité, ces derniers sont modifiés annuellement à

chaque cause tarifaire. Une modélisation sur une base annuelle permettrait alors de tenir compte de

cette « variabilité réglementaire ». Une telle approche nécessite cependant un travail supplémentaire

substantiel qui dépasse le cadre de ce mémoire.

4.5 Contrainte de capacité serrante à l’optimum

Avec l’aide des résultats obtenus dans la dernière section, nous analysons maintenant le cas où

la contrainte de capacité est serrante à l’optimum, ce qui peut amener le report actif à être augmenté

d’une année supplémentaire, soit que T ∗ = 14 au lieu que T ∗ = 13. Effectivement, les résultats de la

section précédente supposent qu’il n’est pas optimal de reporter à 2031 l’investissement en T&D, les

montants optimaux de subventions associés à un report actif de 14 ans (α∗1,m(14)) ne permettant pas

de réduire la demande de pointe de façon suffisante. Il peut toutefois être globalement optimal d’aug-

53

Page 62: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Programmes Subvention Saturation Demande de pointe SubventionαS

1,m à T = 14 ($) associée ( %) associée (m3/h) α∗1,m à T = 14 ($)

PE202 5 386,09 100,00 41 142,72 5 386,09PE207 17 650,06 100,00 41 067,39 14 806,60PE208 98 520,50 100,00 41 142,72 98 520,50PE210 1 027,16 100,00 41 142,72 1 027,16PE212 2 939,54 68,63 41 000,00 1 010,77PE215 387,80 100,00 41 142,72 387,80PE224 16 821,76 72,41 41 000,00 8271,61PE225 3 520,80 100,00 41 070,29 908,92PE226 30 177,37 1,99 41 000,00 12 912,07

TABLEAU 4.4 – Caractéristiques des montants de subvention permettant de respecter la contrainte decapacité à T = 14

menter la subvention au-dessus de son niveau α∗1,m(14) afin de permettre une année supplémentaire

de report actif. Une telle chose est possible seulement pour les programmes dont la saturation n’est

pas de 100 % à T = 13. Dans un tel cas, le résultat de la section 3.2.1 s’applique, mais nous modi-

fions la dynamique de pointe afin de tenir compte des variations dans g. Cela nous donne l’expression

suivante :

αS1,i(T ) =

(a1,i−a0,i)(

p0 +∑T−1t=0 gt − f ∑m6=i emNm(ST,m−S0,m)− c

)Niei f

+u0,iθ −uT,iθ +α0,i,

où ST,m−S0,m =uT,m−u0,m+α∗1,m(T )−α0,m

a1,m−a0,m.

Le tableau 4.4 présente les subventions αS1,i(T ) obtenues pour T = 14 ainsi que le taux de satu-

ration et la demande de pointe qui leur sont associés. Les montants optimaux de subvention α∗1,i(T )

pour T = 14 sont aussi présentés pour des fins de comparaison. Nous remarquons d’abord que le taux

de saturation associé à α∗1,i(14) est de 100,00 % pour six programmes sur neuf. Cela signifie que ces

programmes, afin de respecter la contrainte de capacité en T = 14, ne sont pas individuellement suf-

fisants même si la totalité de leur clientèle éligible y participait. Nous confirmons cette interprétation

avec la demande de pointe associée à ces subventions, demande de pointe qui est supérieure à la limite

de capacité pour chacun des six programmes saturés.

Comme nous l’avons mentionné à la fin du chapitre 3, il peut être optimal d’augmenter les

subventions en T = 14 dans les programmes où nous observons que α∗1,i(14) < αS1,i(14), soit les

programmes PE207, PE212, PE224, PE225 et PE226. De ces cinq programmes, nous savons que les

programmes PE207 et PE225 ne sont pas suffisants, à eux seuls, afin de faire respecter la contrainte

de capacité en T = 14. Nous analyserons donc différentes combinaisons de subventions αS1,i(14) à

appliquer afin de faire respecter la contrainte de capacité en T = 14. L’impact de ces différentes com-

binaisons de subventions serrantes sur les profits du distributeur sera calculé afin de déterminer quelle

combinaison de subventions est réellement optimale. Le tableau 4.5 présente le profit total à T = 14

pour les différentes combinaisons possibles de subventions serrantes αS1,i(14). Nous remarquons tout

54

Page 63: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Combinaison de Profits Demande de pointeprogrammes associés (M $) associée à T = 14 (m3/h)Aucune combinaison serrante 27,827 41 142,72PE207 et PE212 28,948 41 000,00PE207 et PE224 28,908 41 000,00PE207 et PE225 28,358 41 000,00PE207 et PE226 28,753 41 000,00PE225 et PE207 28,267 41 000,00PE225 et PE212 28,229 41 000,00PE225 et PE224 28,185 41 000,00PE225 et PE226 28,026 41 000,00PE212 28,776 41 000,00PE224 28,596 41 000,00PE226 28,468 41 000,00

TABLEAU 4.5 – Profits associés aux différentes combinaisons de subventions permettant de faire res-pecter la contrainte de capacité en T = 14

de suite que les profits maximaux sont générés lorsque la subvention liée au programme PE207 est

amenée à son niveau serrant (ce qui permet une saturation de 100 %) suivi du programme PE212.

Dans toutes les combinaisons analysées, la demande de pointe en T = 14 est nécessairement égale

à la limite de capacité, ce qui permet une année supplémentaire de report actif pour chacune de ces

combinaisons.

Lorsque nous sélectionnons la combinaison optimale pour un temps d’arrêt T = 14, est-il tout

de même possible de reporter d’une autre année l’investissement en T&D? Cela est possible grâce

au programme PE226 qui permet de générer une assez grande quantité d’économies d’énergie afin de

réduire suffisamment la demande de pointe pour que le temps d’arrêt T soit égal à 15. Lorsque nous

augmentons la subvention du programme PE226 pour l’amener à son niveau serrant en T = 15, le

profit total généré est de 28,011 M $, soit 937 000 $ de moins que la combinaison optimale présentée

dans le tableau 4.5. Si nous continuons le même raisonnement pour l’année suivante, soit d’augmenter

suffisamment la subvention du programme PE226 afin de faire respecter la contrainte de capacité en

T = 16, le profit total généré est de 27,476 M $, ce qui confirme la baisse du profit total malgré la

hausse de la durée du report actif.

La figure 4.6 présente les différents bénéfices générés à l’aide des développements présentés

dans cette section. Nous constatons que les bénéfices nets autres optimaux diminuent après le temps

d’arrêt T = 14, car les bénéfices nets autres optimaux générés par le programme PE226 sont négatifs

et réduisent de ce fait les bénéfices totaux. En effet, le programme PE226 fait subir des pertes de

2,21 M $ et de 1,70 M $ au distributeur lorsque le temps d’arrêt T passe de 14 à 15 années et de 15 à 16

années respectivement. Comme les bénéfices nets autres optimaux générés par le programme PE226

diminuent avec l’augmentation du temps d’arrêt T , il est clair que le moment optimal d’implantation

de l’infrastructure en T&D correspond à l’année 2031, soit T = 14. Une telle stratégie génère des

55

Page 64: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

FIGURE 4.6 – Bénéfices générés avec et sans implantation d’une stratégie de report actif lorsque lacontrainte de capacité est serrante en T

Programmes Bénéfices nets Subvention Saturation Économies généréesautres à T ∗ ($) optimale ($) associée ( %) sur {0,T ∗} (m3)

PE202 441 594,94 5 386,09 100,00 209 443PE207 752 114,14 17 650,06 100,00 1 201 305PE208 10 408 825,29 98 520,50 100,00 8 551 463PE210 196 913,63 1 027,16 100,00 293 690PE212 -59 241,63 1 921,49 44,34 199 289PE215 511 651,39 387,80 100,00 128 583PE224 17 476,99 8271,61 17,30 83 405PE225 0,00 908,92 1,79 0PE226 0,00 12 912,08 0,08 0Total 12 669 334,76 - - 10 667 177

TABLEAU 4.6 – Résultats de l’optimisation pour chaque programme d’EÉ analysé avec temps d’arrêtoptimal à T ∗ = 14

bénéfices totaux de 28,948 M $.

Finalement, le tableau 4.6 présente les subventions optimales finales à octroyer pour chaque

programme, en plus des niveaux de saturation propres à chaque programme en T ∗ = 14 et des éco-

nomies totales générées par chaque programme sur la durée du report actif. Nous pouvons constater

que, contrairement à ce qui a été présenté dans le tableau 4.2, le programme PE212 n’est plus inutile

dans la stratégie de report actif. En effet, ce programme permet d’ajouter une année de report actif

supplémentaire comparativement à ce que nous avions obtenu dans la section précédente. Toutefois,

56

Page 65: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

l’inutilité des programmes PE225 et PE226 est confirmée à l’aide des résultats présentés dans le ta-

bleau 4.6. Selon nos résultats, ces programmes pourraient être abolis dans le réseau abitibien et cela

n’aurait aucun impact négatif sur la profitabilité optimale du distributeur dans ce réseau précisément.

La stratégie de report actif permet donc d’augmenter substantiellement les profits du distributeur

tout en générant un peu plus de 10 millions de m3 d’économies de gaz naturel. À l’inverse, le volume

d’économies d’énergie qui aurait été généré sur la même période de temps à l’aide des montants de

subventions α0,m pour chaque programme auraient environné les 3,24 millions de m3, soit près de 3

fois moins que ce que nous devrions observer en cas de report actif optimal. Une telle stratégie permet

donc effectivement de réconcilier les intérêts du distributeur et les intérêts de la société en améliorant

l’efficacité de la consommation énergétique dans le réseau de distribution étudié.

57

Page 66: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Conclusion

L’objectif de ce mémoire était de développer une méthodologie permettant d’estimer la rentabi-

lité d’une stratégie de report actif pour un distributeur énergétique quelconque. Un tel développement

a été réalisé grâce à plusieurs hypothèses quant au contexte réglementaire, à l’objectif du distributeur

et aux méthodes employées afin de comptabiliser les coûts et bénéfices générés par les programmes

d’EÉ gérés par les distributeurs. Les résultats obtenus dans le présent mémoire nous permettent d’affir-

mer qu’une stratégie de report actif est susceptible de générer des économies d’énergie substantielles

chez les différents clients d’un même distributeur, que ce distributeur soit un distributeur gazier ou

électrique. De plus, si le mécanisme incitatif employé par le régulateur est celui avec « économies

partagées », les objectifs du distributeur et de la société sont alors réconciliés et la maximisation des

profits par le distributeur maximise du même coup les bénéfices nets sociaux générés par les pro-

grammes d’EÉ du distributeur.

La méthodologie développée dans ce mémoire présente toutefois plusieurs lacunes. Première-

ment, la participation aux différents programmes d’EÉ est modélisée théoriquement à l’aide d’une

différence de saturation, saturation qui évolue en fonction de la croissance « naturelle » d’une utilité

ut . Cette utilité représente la valeur que les clients attribuent à l’EÉ, ou plus précisément aux éco-

nomies d’énergie. Cependant, comme le mentionnent Anderson et Newell (2003), la valeur accordée

aux économies d’énergie dépend de plusieurs facteurs, dont le prix de l’énergie et le volume d’éco-

nomies d’énergie généré annuellement par la mesure à implanter. En l’occurrence, la modélisation

empirique de la participation à différents programmes d’EÉ à partir de données de participation his-

torique constitue une avenue intéressante à explorer pour le futur. Deuxièmement, plusieurs effets de

distorsion connus des régulateurs et des distributeurs n’ont pas non plus été inclus dans la modélisa-

tion de la participation. Une modélisation empirique adéquate de la participation permettrait aussi de

tenir compte de ces multiples effets, ceux-ci ayant le pouvoir de changer radicalement les résultats

obtenus. Finalement, le fait de modéliser les bénéfices du distributeur sur la durée totale du report

actif évacue les variations annuelles inhérentes aux différents paramètres employés dans les dévelop-

pements antérieurs. La modélisation sur une base annuelle permettrait alors de contourner les enjeux

d’incertitude entourant la valeur de la quasi-totalité des paramètres utilisés lors de la modélisation,

ces valeurs étant déterminées lors d’un processus réglementaire récurrent et bien connu de la part des

distributeurs énergétiques.

58

Page 67: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

Malgré ces lacunes, les fondements méthodologiques employés dans ce mémoire, qui sont rela-

tivement flexibles, demeurent tout de même utiles afin de déterminer si une stratégie de report actif

semble bénéfique ou non pour le distributeur et la société. Au Québec, il est toutefois peu probable que

les deux principaux distributeurs énergétiques, soit Hydro-Québec et Gaz Métro, décident d’adopter

une telle approche au sein de leur administration respective. En effet, la Loi sur la Régie de l’énergie

du Québec est claire : les alinéas 1 et 3 de l’article 49 de la Loi stipulent que la Régie de l’énergie du

Québec doit « établir la base de tarification du transporteur d’électricité ou d’un distributeur de gaz

naturel en tenant compte, notamment, de la juste valeur des actifs qu’elle estime prudemment acquis

et utiles pour l’exploitation du réseau » et que la Régie doit « permettre un rendement raisonnable sur

la base de tarification » (Gouvernement du Québec, 2017). Le contexte réglementaire québécois n’est

donc pas propice à l’implantation de stratégies de report actif au sein des distributeurs, même si l’ali-

néa 4 de la même Loi stipule que la Régie doit « favoriser des mesures ou des mécanismes incitatifs

afin d’améliorer la performance du transporteur d’électricité ou d’un distributeur de gaz naturel et la

satisfaction des besoins des consommateurs ». Il n’est donc pas surprenant que la Régie de l’énergie

ait affirmé, dans une décision rendue le 4 mars 2014, que le « mécanisme de traitement des écarts de

rendement des Demandeurs (sic) ne constitue par un mécanisme de réglementation incitative au sens

de l’article 48.1 de la Loi » (Régie de l’énergie, 2014).

Le dossier R-3897-2014, présentement en cours d’étude à la Régie de l’énergie du Québec, ana-

lyse les différents types de mécanismes incitatifs qui pourraient être mis en place au lieu de la formule

traditionnelle existante. Il est encore trop tôt afin de savoir si un mécanisme avec « économies parta-

gées » est en voie d’être implanté au sein du régulateur québécois. De plus, le présent dossier ne touche

que les divisions « Transport » et « Distribution » d’Hydro-Québec, Gaz Métro étant exclu du dossier.

Afin d’inciter les distributeurs à améliorer leur performance tout en incitant les consommateurs qué-

bécois à utiliser efficacement l’énergie distribuée, il serait cohérent et bénéfique pour l’ensemble de la

société québécoise que la Régie de l’énergie du Québec applique un tel mécanisme pour l’ensemble

des distributeurs énergétiques présents sur le territoire québécois. D’ailleurs, une telle réglementation

pourrait éventuellement éliminer le besoin d’implantation de certains projets d’infrastructure de dis-

tribution ou de transport présentement étudié à la Régie de l’énergie, projets qui ne font pas toujours

l’unanimité au sein de la population.

59

Page 68: Modélisation du potentiel de rentabilité pour un ... · provenant du report intertemporel des investissements prévus en T&D dans un réseau de transport ou de distribution particulier

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