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C.Vernet ECE 2 ESH 2015-2016 N.Danglade 1 Module 3 Partie 2. La dynamique de la mondialisation financière Chapitre 2. L’évolution du système monétaire international depuis le XIX ième siècle Introduction : qu’est-ce qu’un système monétaire international ? Document 1 : régime monétaire international et système monétaire international Les économies nationales réalisent des échanges commerciaux ou de capitaux, mais elles sont dotées de monnaies différentes. Elles doivent donc décider de la manière dont elles les organisent. Cela implique que les Etats se mettent d’accord sur : - les modalités de convertibilité des monnaies. On parle de convertibilité du compte courant lorsqu’il est possible de réaliser des échanges commerciaux et de convertibilité du compte financier lorsqu’il est possible de réaliser des échanges de capitaux ; - les régimes de change utilisés, c’est-à-dire les cadres juridiques qui organisent les paiements internationaux ; - la fourniture de la liquidité internationale en cas de besoin ; - les formes de la coopération et de surveillance monétaire. L’ensemble de ces fonctions est réalisé dans le cadre d’un « régime » monétaire international. Le terme de « système » monétaire international est alors utilisé pour exprimer un point de vue normatif : un SMI est un régime monétaire international qui remplit correctement ces/ses fonctions. Il y a non-système monétaire international quand le régime monétaire international est au contraire dans l’incapacité de réaliser ces/ses tâches. En résumé, un Système monétaire international permet la convertibilité des monnaies, le fonctionnement des régimes de change, la fourniture de la liquidité internationale. Il se caractérise par une coopération entre Etats permettant d’assurer son bon fonctionnement. Document 2 : le choix du SMI à partir du triangle des incompatibilités L’économie mondiale s’est développée depuis le 19 ième siècle en adoptant une large variété de SMI. Pour comprendre les principales différences entre ces systèmes, ainsi que les facteurs économiques, politiques et sociaux qui ont poussé les pays à adopter un système plutôt qu’un autre, nous nous appuierons sur un cadre d’analyse simple. En économie ouverte, les décideurs politiques font immanquablement face à un trilemme : celui-ci est incontournable dans le choix du régime monétaire qui convient le mieux pour atteindre les objectifs internes et externes de la politique macroéconomique. (…) Un pays est dans l’impossibilité d’atteindre simultanément les trois objectifs suivants : 1) la stabilité du taux de change ; 2) une politique monétaire orientée vers des objectifs nationaux ; 3) la liberté des mouvements de capitaux internationaux. Il s’agit d’un trilemme car ces trois objectifs sont chacun désirables pour eux-mêmes : mais seuls deux parmi les trois peuvent être conciliés. Ce trilemme mis en évidence par R.Mundell et T.Padoa-Schioppa est couramment représenté sous la forme d’un « triangle d’incompatibilité ». Seules trois options sont envisageables, qui chacune correspond à un côté du triangle (A,B ou C) suivant : Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, P.562

Module 3 Partie 2. La dynamique de la mondialisation

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Module 3 Partie 2. La dynamique de la mondialisation financière

Chapitre 2. L’évolution du système monétaire international depuis le XIXième siècle

Introduction : qu’est-ce qu’un système monétaire international ?

Document 1 : régime monétaire international et système monétaire international

Les économies nationales réalisent des échanges commerciaux ou de capitaux, mais elles sont dotées de monnaies différentes. Elles doivent donc décider de la manière dont elles les organisent. Cela implique que les Etats se mettent d’accord sur : - les modalités de convertibilité des monnaies. On parle de convertibilité du compte courant lorsqu’il est possible de réaliser des échanges commerciaux et de convertibilité du compte financier lorsqu’il est possible de réaliser des échanges de capitaux ; - les régimes de change utilisés, c’est-à-dire les cadres juridiques qui organisent les paiements internationaux ; - la fourniture de la liquidité internationale en cas de besoin ; - les formes de la coopération et de surveillance monétaire. L’ensemble de ces fonctions est réalisé dans le cadre d’un « régime » monétaire international. Le terme de « système » monétaire international est alors utilisé pour exprimer un point de vue normatif : un SMI est un régime monétaire international qui remplit correctement ces/ses fonctions. Il y a non-système monétaire international quand le régime monétaire international est au contraire dans l’incapacité de réaliser ces/ses tâches. En résumé, un Système monétaire international permet la convertibilité des monnaies, le fonctionnement des régimes de change, la fourniture de la liquidité internationale. Il se caractérise par une coopération entre Etats permettant d’assurer son bon fonctionnement.

Document 2 : le choix du SMI à partir du triangle des incompatibilités L’économie mondiale s’est développée depuis le 19ième siècle en adoptant une large variété de SMI. Pour comprendre les principales différences entre ces systèmes, ainsi que les facteurs économiques, politiques et sociaux qui ont poussé les pays à adopter un système plutôt qu’un autre, nous nous appuierons sur un cadre d’analyse simple. En économie ouverte, les décideurs politiques font immanquablement face à un trilemme : celui-ci est incontournable dans le choix du régime monétaire qui convient le mieux pour atteindre les objectifs internes et externes de la politique macroéconomique. (…) Un pays est dans l’impossibilité d’atteindre simultanément les trois objectifs suivants :

1) la stabilité du taux de change ; 2) une politique monétaire orientée vers des objectifs nationaux ; 3) la liberté des mouvements de capitaux internationaux.

Il s’agit d’un trilemme car ces trois objectifs sont chacun désirables pour eux-mêmes : mais seuls deux parmi les trois peuvent être conciliés. Ce trilemme mis en évidence par R.Mundell et T.Padoa-Schioppa est couramment représenté sous la forme d’un « triangle d’incompatibilité ». Seules trois options sont envisageables, qui chacune correspond à un côté du triangle (A,B ou C) suivant :

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale »,

9ième édition, Pearson, 2013, P.562

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Question : Le SMI s’appuiera sur

Première solution/possibilité Deuxième solution/possibilité Si l’objectif des gouvernements est de s’appuyer sur une politique monétaire efficace pour lutter contre les déséquilibres internes de l’économie

Si l’objectif des gouvernements est d’assurer une libre circulation des capitaux afin de permettre les investissements à l’étranger à travers le monde

1. Le SMI : du système de l’étalon-or au système de l’étalon de change or

1.1 Le système de l’étalon-or (1821-1931)

1.1.1 L’adoption du système de l’étalon-or

Document 3: du moyen âge à l’étalon-or

Au moyen âge, l’essentiel du commerce était réglé en pièces d’or et autres métaux précieux. Ce système est progressivement apparu peu adapté, ne serait-ce qu’en raison des risques liés au transport de métal précieux. Sous l’impulsion des orfèvres qui travaillaient et conservaient ces métaux précieux, les marchands ont alors utilisé du papier-monnaie et des lettres de commerce ; (mais) la confiance dans cette monnaie était toujours liée à sa convertibilité en métal précieux. Le système de l’étalon-or, dans lequel la valeur de chaque monnaie nationale est fixée par un certain poids d’or, a été généralisé à toutes les grandes économies dans les années 1880 et jusqu’à la Première Guerre mondiale. Il a contribué, dans la seconde moitié du 19ième, à une expansion sans précédent des échanges, au développement des pays neufs vers lesquels se dirigeait l’épargne européenne et accessoirement, à la fortune de l’Angleterre. (…) Le système de l’étalon-or impliquait, par construction, des taux de change fixes entre les monnaies nationales elles-mêmes, et donc une grande stabilité des prix relatifs, favorable aux échanges.

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.48-49 Questions :

1) dans le système de l’étalon-or, quelle est la règle de convertibilité « interne » des monnaies ? 2) dans le système de l’étalon-or, quelle est la règle de convertibilité « externe » des monnaies ?

Document 4 : chronologie de l’adoption de l’étalon or

Source : J.B. Gosse « Le cycle britannique des déséquilibres financiers internationaux (XVIème siècle - 1944) », 2008

1.1.2 Le fonctionnement « théorique » du système de l’étalon-or : un mécanisme d’auto-

régulation de la balance commerciale

Document 5 : le fonctionnement « théorique » du système de l’étalon-or Dans ce système d’étalon-or, la plupart des pays ont des monnaies convertibles directement en or : 0,29032 pour le franc français, 7,32 pour la livre sterling, 1,5 pour le dollar des Etats-Unis. On en déduit les parités entre ces monnaies : une livre sterling vaut 4,88 dollars et un peu plus de 25,21 francs français. Dans ce système de l’étalon-or, les échanges peuvent se régler en devises ou en or. Dans quel cas, les agents économiques vont-ils choisir d’utiliser de l’or plutôt que de changer des devises pour régler les échanges internationaux ?

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La première possibilité consiste à passer par le marché de l’or. Par exemple, un importateur français de produits anglais change du franc en or en France, puis change cet or en livre sterling en Angleterre. Sur le marché de l’or, les valeurs de chaque monnaie exprimées en or sont fixes, donc les valeurs relatives de chaque monnaie exprimée par rapport à l’autre le sont aussi. La seconde possibilité consiste à directement échanger le franc contre de la livre sur le marché des changes. Sur ce marché bilatéral des devises, le prix relatif du franc en livre dépend de la demande et l’offre de francs contre des livres. Sur ce marché, la valeur du franc n’est donc pas fixe puisqu’elle dépend de l’offre et de la demande. Comment maintenir la cohérence du système puisque les prix relatifs sont fixes sur le marché de l’or mais, qu’ils évoluent sur le marché des changes ? Il existe un coût de conversion sur le marché de l’or qui rend la transaction plus coûteuse que sur le marché des changes. Si le taux de change est égal sur les deux marchés, les agents vont alors choisir de passer par le marché des changes. Par exemple, les importateurs français vont demander des livres contre des francs, le cours de la livre va s’apprécier et, inversement, le franc se déprécie : les importateurs français vont donc obtenir de moins en moins de livres avec la même quantité de francs. Ils accepteront de subir les effets de cette dépréciation tant que le coût induit par celle-ci est inférieur au coût de transaction sur le marché de l’or. Au-delà, ils vont choisir de passer par le marché de l’or. Cela a deux conséquences : la première est que la quantité d’or détenue en France va diminuer. La seconde est que la demande de livres sur le marché des changes va diminuer, ce qui provoque une appréciation du franc. Le fait de « délaisser» le marché des changes au profit du marché de l’or conduit la valeur du franc sur le marché des changes à revenir à celle déterminée sur le marché de l’or. Dès lors que les agents choisissent d’utiliser l’or pour régler leurs échanges internationaux, les prix relatifs des monnaies par le marché de l’or ou sur le marché des changes convergent.

Document 6 : Définitions Etalon-or : système monétaire dans lequel la valeur de chaque unité monétaire est définie en référence à un poids fixe en or, et chaque monnaie nationale est librement convertible en or (Banque de France). Point de sortie de l’or : les agents importateurs changent leur monnaie domestique en or plutôt qu’en devise étrangère. Le stock d’or dans l’économie domestique diminue. Point de l’entrée de l’or : les agents exportateurs se font payer en or plutôt qu’en devises. Le stock d’or dans l’économie domestique augmente.

Document 7: le système de l’étalon or produit un mécanisme auto-régulateur de la balance commerciale

Cette utilisation de l’or pour régler les échanges internationaux modifie alors la quantité de monnaie en circulation dans l’économie. Ce qui a des conséquences sur l’évolution des prix internes et conduit au retour à l’équilibre de la balance courante. La relation quantité de monnaie / niveau général des prix renvoie à la théorie quantitative de la monnaie. Par exemple, en cas de déficit commercial français, les flux de dépenses des importateurs sont supérieurs aux flux de recettes des exportateurs. Il y a donc une sortie d’or, qui réduit la quantité d’or en France ; cette réduction de la masse monétaire se traduit par une baisse des prix ; cette baisse des prix restaure la compétitivité des exportateurs français (relativement aux britanniques, qui eux voit l’inflation augmentée en raison de l’entrée d’or, et donc de la hausse de la masse monétaire). Cette compétitivité retrouvée permet un regain des exportations et un rétablissement de la balance commerciale. Conclusion : la variation de la balance commerciale entraîne une variation de la quantité d’or, qui entraîne une variation de la quantité de monnaie et des prix, qui entraîne une variation en sens contraire de la balance commerciale (une balance déficitaire ou une balance excédentaire reviennent à zéro). Questions :

1) quel déficit, le système de l’étalon-or est-il sensé réguler ? 2) remplir tableau :

Déficit commercial Excédent commercial Entrée ou sortie d’or Augmentation ou baisse de la quantité d’or

Augmentation ou baisse de la masse monétaire

Augmentation ou baisse des prix des productions domestiques

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Amélioration ou dégradation de la balance commerciale

Document 8 : schéma récapitulatif

Source : cité par J.P.Delas « Economie contemporaine. Volume 4 », 1992

1.1.3 Le fonctionnement « concret » du système de l’étalon-or : puissance hégémonique,

monnaie internationale et déséquilibre durable de la balance commerciale

Document 9 : l’étalon-or dans les faits et la particularité de la situation britannique

La croissance des investissements à l’étranger a permis une croissance des déséquilibres courants car le solde des déséquilibres n’était plus réglé uniquement par des mouvements d’or et de devises. Les déséquilibres courants modernes étaient nés avec, dans le haut de la balance des paiements, des déséquilibres commerciaux et des flux de revenus d’avoirs étrangers et, dans le bas de la balance, en contrepartie, des variations des réserves et des flux d’investissements à l’étranger.

Source : Jean-Baptiste Gosse « Le cycle britannique des déséquilibres financiers internationaux (XVIème siècle - 1944) », 2008

Document 10 : La Grande Bretagne, une balance commerciale durablement déficitaire Barry Eichengreen rappelle dans « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI » (2011) comment Londres devient au 19ième siècle la première place financière mondiale. En 1914, le stock britannique d’avoirs étrangers représente 41% du stock mondial. Les marchés des matières premières et les services liés aux échanges commerciaux (assurance, fret) sont localisés en Grande-Bretagne et les échanges

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se font en livre sterling : marché du coton à Manchester, marché du blé à Liverpool, marché de l’or à Londres. 60% du commerce mondial est facturé et réglé en livres sterling. La livre sterling devient la monnaie internationale, et elle remplace l’or dans les règlements internationaux et comme réserve de valeur. L’Angleterre assure alors la fourniture de cette liquidité au reste du monde. Cette position hégémonique procure un avantage aux britanniques : un déficit commercial ne conduit pas à une sortie d’or et il n’a pas d’impact déflationniste sur les prix et l’activité. Mais il impose a contrario une contrainte à la politique monétaire anglaise : la livre pouvant se convertir en or, tout agent résident ou non-résident, est en mesure de demander cette conversion auprès de la Banque d’Angleterre. Il peut donc y avoir un décalage croissant entre la masse monétaire libellée en livres sterling dans le monde (les « balances sterling ») et la quantité d’or détenue par la Banque d’Angleterre. Celle-ci est donc contrainte de pratiquer une politique monétaire restrictive lorsque le décalage devient trop important afin d’être toujours en mesure de convertir les livres en or. La position hégémonique de l’Angleterre a donc aussi un coût. Selon l’expression de J.M.Keynes, la Banque d’Angleterre joue alors le rôle de « Chef d’orchestre » du système monétaire international. La stabilité du SMI de l’étalon-or n’est finalement pas le résultat « automatique » des forces du marché qui équilibreraient en permanence les balances des paiements mais celui de l’hégémonie de l’économie britannique qui bénéfice des avantages de l’émetteur de la liquidité internationale tout en en assumant les contraintes. Charles Kindleberger (1973) résume cela par la notion de « stabilité hégémonique ».

Document 11 : déséquilibres courants et circulation transnationale des capitaux Au cours de cette période (1870-1913), (…) le club des pays excédentaires s’élargit. La Grande-Bretagne est rejoint par la France, l’Allemagne puis les États-Unis. La balance des paiements de la France témoigne de la mise en place d’une boucle excédent courant - investissements à l’étranger - revenus.

Source : Jean-Baptiste Gosse « Le cycle britannique des déséquilibres financiers internationaux (XVIème siècle -

1944) », 2008

Document 12 : étalon-or et « stabilité hégémonique » Les succès économiques britanniques au 19ième reposent sur l’enchaînement d’atouts industriels et commerciaux puis financiers. (…) L’étalon-or, une fois établi, a assuré pendant plusieurs décennies la stabilité de l’économie mondiale ; il a fait fonctionner harmonieusement l’horlogerie des taux de change et des balances des paiements. (…) La description la plus communément acceptée du fonctionnement de l’étalon-or se résume par l’expression de « stabilité hégémonique » (le terme fut introduit par R.Keohane en 1980 pour résumer les thèses antérieures de C.Kindleberger). Kindleberger (…) a soutenu que la stabilité du système au 19ième siècle n’était pas le résultat automatique des forces de marché, mais plutôt de sa gestion efficace par la Banque d’Angleterre exerçant une influence hégémonique. (…) Face à des chocs, lorsque les ajustements de marché n’étaient plus suffisants, une intervention coordonnée des banques centrales étaient nécessaires ; la Banque d’Angleterre, l’acteur le plus important, modifiait alors son taux d’intérêt et définissait ainsi la référence à laquelle s’ajustaient les autres banques centrales. L’intervention de la Banque d’Angleterre n’était pas celle d’un régulateur central, mais plutôt, suivant la célèbre formule de Keynes, celle d’un « chef d’orchestre ».

Source : Jacques Mistral « Guerre et paix entre les monnaies », Fayard, 2014, p.79-80

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Document 13 : tableau de synthèse SMI Système de l’étalon-or

Convertibilité monnaie Régime de change Flux de capitaux Liquidité internationale (monnaie internationale)

Surveillance / coopération

Document 14 : distinction étalon-or « théorique » et étalon-or « concret » (on se placera du point de vue de l’économie leader, la Grande Bretagne)

Etalon-or « théorique » Etalon-or concret Régime de convertibilité et régime de change

Convertibilité or + changes fixes

Convertibilité or + changes fixes

Balance des paiements Importance du « haut » de la BP : Mécanisme autoéquilibrant de la balance commerciale par modification des quantités d’or détenues par la BC (point de sortie et d’entrée d’or) ; Conséquence : la balance commerciale est toujours à l’équilibre

Importance du « bas » de la BP : Les revenus générés par les flux internationaux de capitaux (sens N/S) équilibrent la balance courante quand la balance commerciale est déficitaire ; Conséquence : la balance commerciale peut rester durablement déficitaire ;

Fonctionnement de la politique monétaire

La politique monétaire dépend avant tout de l’évolution du stock d’or, qui dépend lui-même du solde de la balance commerciale; l’action de la Banque centrale ne peut donc pas chercher à atteindre des objectifs internes de croissance ou d’emploi, mais elle est entièrement orientée vers un objectif extérieur (l’équilibre de la balance commerciale) ;

La Banque Centrale du pays qui possède l’hégémonie (Angleterre) cherche à conserver ses stocks d’or (pour éviter des impacts trop importants sur la quantité de monnaie en circulation) en laissant circuler la livre sterling comme monnaie internationale ; En manipulant les taux d’intérêt, la Banque d’Angleterre régule la quantité de livres sterling en circulation. Les banques centrales des autres pays s’adaptent aux orientations « du chef d’orchestre » qu’est la Banque d’Angleterre.

Conséquence des déficits commerciaux sur l’activité économique

Tout déficit commercial a un impact immédiat sur le niveau d’activité ; les cycles économiques sont très marqués ;

Les déséquilibres de la balance commerciale ont donc des effets limités sur le niveau général des prix ;

Politique monétaire contrainte ou autonome ?

La politique monétaire n’est pas autonome ; elle est contrainte par le solde de la balance commerciale.

Davantage d’autonomie dans la politique monétaire mais pour les monnaies « internationales », la contrainte de convertibilité pèse quand même sur les choix de la politique monétaire

Conclusion L’objectif de la politique monétaire est d’assurer la stabilité du système de convertibilité or et de changes fixes, afin que cette stabilité permette le développement des échanges internationaux de marchandises et de capitaux. Cette stabilité est considérée comme essentielle pour la dynamique de mondialisation en œuvre qui assure la croissance économique des pays qui y participent.

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1.2 La période de l’entre-deux-guerres

1.2.1 Les conséquences de la guerre et les conditions du retour à l’étalon-or

Document 15 : l’affaiblissement de la position britannique dès la fin du 19ième siècle La balance courante britannique devient moins robuste et reflète l’évolution vers un monde multipolaire. (…) Les chocs financiers se répètent et s’aggravent. (…) L’un des plus marquants intervint en 1890 quand la banque Barings Brothers se trouva en faillite après avoir imprudemment prêté à l’Argentine. Pour éviter cette issue, et pour jouer son rôle de prêteur en dernier ressort, la Banque d’Angleterre du se tourner vers la Banque de France et lui emprunter 3 millions de livres d’or. (…) Pour la première fois, la place financière se trouvait face à un risque qui aurait pu mettre en doute la sécurité des dépôts à Londres et par conséquence mettre en péril l’édifice de l’étalon-or tout entier. (…) Le doute a été instillé sur la capacité de la Banque d’Angleterre d’être simultanément le prêteur en dernier ressort vis-à-vis de l’industrie bancaire britannique et le gardien de l’étalon-or.

Source : Jacques Mistral « Guerre et paix entre les monnaies », Fayard, 2014, p.95-96

Document 16 : les conséquences de la guerre La Grande Guerre a marqué la fin d’un monde, celui dans lequel l’Europe dominait la planète et y assurait une certaine stabilité économique et politique. Les conséquences de la guerre diffèrent cependant beaucoup d’un pays à l’autre, ce qui contribuera aux déséquilibres et aux malentendus des années 1920 puis à la crise des années 1930. Les pays belligérants sortent très appauvris de la guerre. Les pertes humaines sont considérables (…). Ces pertes affectent le potentiel de développement économique futur. Les destructions matérielles sont particulièrement lourdes dans les pays où ont eu lieu les combats, ce qui épargne largement l’Allemagne et la Grande-Bretagne. (…) Pendant la guerre, les Alliés liquident une partie de leurs créances sur le reste du monde pour payer les importations nécessaires à la conduite de la guerre. Les actifs nets des puissances européennes sur l’extérieur baissent fortement (de moitié dans le cas français, d’un quart pour la Grande Bretagne), tandis que les Etats-Unis ancien débiteurs, deviennent créanciers nets. Durant la guerre, la solidarité financière entre Alliés conduit à la naissance de très fortes dettes interalliées, principalement envers les Etats-Unis, qui deviennent le grand créancier international. Ces dettes de guerre jouent un rôle important durant tout l’entre-deux-guerres en provoquant des tensions entre les alliés de la veille. (…) Pendant la guerre, tous les pays belligérants suspendent la libre convertibilité en or de leurs monnaies et établissent des formes de contrôle des changes. Rétablir l’étalon-or – en qui les contemporains voient le garant de la stabilité des prix et de la libre circulation des capitaux – est une priorité pour tous les pays à la fin des hostilités. L’équilibre budgétaire l’est également : parce qu’il risque d’être monétisé, il peut empêcher la stabilisation monétaire. Ces objectifs sont difficiles à atteindre du fait des déséquilibres issus de la guerre. La guerre bouleverse les finances publiques. (…) Au lendemain de la guerre, l’équilibre budgétaire est vite rétabli en Grande-Bretagne au prix de fortes hausses d’impôts. Il ne peut pas l’être avant 1924 en France, où la dette accumulée est plus élevée et où les pensions de guerre et la reconstruction coûte cher. (…) Le retour à l’équilibre budgétaire est une condition de la stabilité monétaire, c’est-à-dire à l’époque, du retour à l’étalon-or. Il n’est pas la seule. Comme l’explique une note de 1928 de P.Quesnay, directeur de la Banque de France et futur directeur de la Banque des règlements internationaux, un retour réussi à l’étalon-or suppose la détention de réserves suffisantes par la banque centrale et une parité qui permette, à terme, un équilibre de la balance des paiements. Les choix de parité donne lieu à des erreurs dénoncées dès l’époque par Keynes dans le cas anglais.

Source : Pierre-Cyril Hautcoeur « La crise de 1929 », La découverte, 2009, p.14

Document 17 : les problèmes rencontrées par la Grande Bretagne au lendemain du premier conflit mondial

Situation de l’Angleterre Balance commerciale Position extérieure :

créances détenues sur l’étranger

Niveau général des prix Evolution du stock d’or

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Document 18 : le retour à l’étalon-or en Angleterre Dès 1919, le gouvernement anglais annonce sous la pression de la City que le rétablissement de la convertibilité de la livre à sa valeur d’avant guerre est un objectif prioritaire. Ceci implique le retour au taux de change antérieur avec le dollar (qui est de nouveau convertible en 1919) et donc une baisse des prix anglais jusqu’au niveau des prix américains. Grâce à une politique d’austérité radicale en Grande-Bretagne, la convertibilité de la livre est rétablie en 1925 avec une baisse des prix d’un tiers, au prix d’une stagnation économique, d’un chômage massif et d’une répression sociale (celle de la grève des mineurs de 1921 et de la grève générale de 1926 en particulier). La livre reste d’ailleurs encore surévaluée. Un certain nombre de pays de la zone d’influence de l’Angleterre la suivent sur ce retour à la parité-or d’avant guerre (Irlande, pays scandinaves sauf Finlande, Suisse). Les coûts sont pour eux beaucoup plus faibles car ils n’ont pas encouru les coûts de la guerre et n’ont pas connu d’inflation excessive.

Source : Pierre-Cyril Hautcoeur « La crise de 1929 », La découverte, 2009, p.14

Document 19 : les conséquences du retour à l’étalon-or en Angleterre Le monde de 1919 a bien peu à voir avec celui de 1914. La Grande Bretagne n’est plus seulement soumise à la concurrence des émergents, elle se trouve pour la première fois face à un immense problème financier externe : rembourser la dette contractée auprès des Etats-Unis et assurer la stabilité des balances sterlings détenues à l’étranger. (…) Les positions commerciales ont été sérieusement érodées (…) et le pays est confronté à un déficit extérieur qu’aucun flux de capitaux spontané ne vient financer. L’obsession britannique, dans ce contexte, est de revenir aux paramètres et aux mécanismes qui ont assuré sa prééminence au siècle précédent, et d’abord de restaurer la parité-or de la livre, dont dépendra, pense-t-on à Londres, le retour de la confiance et le reflux des capitaux. Mais pour effacer l’inflation de la guerre, il faut une politique de déflation qui fasse baisser les prix et les salaires : cette politique reste associée au nom de Winston Churchill et donne lieu au premier combat politique de J.M.Keynes. L’étalon-or est rétabli en 1925, mais à quel prix ! Le taux de change étant revenu à son niveau ancien plus rapidement que les prix, la livre est surévaluée ; les exportations, la croissance et le chômage en subissent les conséquences.

Source : Jacques Mistral « Guerre et paix entre les monnaies », Fayard, 2014, p.100

Document 20 : le retour à l’étalon-or en France En France, l’équilibre budgétaire est atteint en 1924, mais la stabilisation monétaire échoue du fait des craintes suscitées par les projets fiscaux du Cartel des gauches (qui arrive au pouvoir en mai). ; ceci conduit à une dépréciation supplémentaire du franc et à une stabilisation à une parité réduite de 80% par rapport à l’avant-guerre. C’est le « franc de 4 sous » ou franc Poincaré. L’inflation du début des années 1920 a ruiné les rentiers et réduit les salaires réels mais facilité l’investissement et une forte croissance. la stabilisation est coûteuse à court terme (…) mais elle démontre rapidement des effets favorables : les taux d’intérêt bas et la croissance du crédit permettent une vive croissance à la fin des années 1920. (…) Lorsque l’étalon-or est rétabli formellement en France en juin 1928 tous les principaux pays sont de nouveaux réunis dans un même système monétaire, ce qui crée un sentiment d’euphorie générale. (…)

Source : Pierre-Cyril Hautcoeur « La crise de 1929 », La découverte, 2009, p.14

Document 21 : en résumé, un retour difficile à la convertibilité or des monnaies Durant la première guerre mondiale, les principaux belligérants suspendent la convertibilité or de leur monnaie et contrôlent la circulation des capitaux. Une fois le conflit terminé, les Etats se fixent alors comme priorité le retour à la convertibilité-or des monnaies. Le dollar américain redevient convertible en 1919. Mais pour les autres économies, le retour à l’étalon-or pose de sérieuses difficultés. Les économies européennes sortent de la guerre avec moins d’or, moins de revenus des actifs détenus à l’étranger, des balances commerciales déficitaires et plus d’inflation. Les anglais, sous l’impulsion de Winston Churchill, choisissent le retour à la convertibilité d’avant-guerre considérant que cela va redonner confiance aux investisseurs étrangers et attirer de nouveaux les capitaux à Londres. Pour respecter la convertibilité d’avant-guerre avec un stock d’or inférieur, ils pratiquent une dévaluation interne : les prix baissent d’un tiers, entraînant une chute des salaires nominaux. Le retour à la convertibilité or, réalisé en 1925, s’accompagne alors d’une explosion du chômage et de troubles sociaux (grève générale de 1926). C’est contre ce « remède de cheval » que J.M.Keynes mènera un de ces premiers combats politiques contre Winston Churchill et qualifiera l’or de « vieille relique barbare ». La France choisit une stratégie différente : l’inflation réduit le poids réel de la dette, facilite les investissements et le retour à la croissance. La convertibilité-or du franc est rétablie en 1928 mais avec une

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parité réduite de 80% par rapport à l’avant-guerre ; c’est pourquoi on parlera à l’époque de « franc de 4 sous » ou de franc Poincaré.

1.2.2 Les tentatives pour fonder un nouveau système monétaire international

Document 22 : le « problème de l’or » et la mise en place d’un étalon de change or Le niveau mondial des prix est sensiblement plus élevé qu’en 1913. Ce qui serait sans importance dans un système de changes fixes non ancré à l’or, va créer en étalon-or un risque de pression à la baisse sur les prix mondiaux, car la quantité d’or détenu en réserve par les banques centrales est trop faible relativement à la quantité de monnaies qu’elles ont créée. Ce « problème de l’or » est discuté aux conférences monétaires de Bruxelles (1921) et de Gênes (1922) mais n’est pas vraiment réglé. Il tend à se résoudre peu à peu dans les années 1920 (la quantité d’or monétaire augmente et le niveau mondial des prix tend à baisser) (…). La solution proposée par l’Angleterre, l’étalon de change or, se met en place de facto. Elle consiste à distinguer deux catégories de banques centrales et deux catégories de réserves : les banques centrales de premier rang (celles des Etats-Unis et d’Angleterre) n’auraient que de l’or en réserve, tandis que celles de second rang pourraient avoir comme réserve des dépôts dans les banques de premier rang. En d’autres termes, les banques de premier rang deviendraient les banques centrales des autres, selon le même principe qui établit dans chaque pays les banques centrales comme émetteurs de la monnaie de réserve des banques ordinaires. (…) Avoir une banque centrale de second rang est clairement perçu dans les années 1920 comme un signe de souveraineté imparfaite. (…) Cela mène à une concurrence entre la France et l’Angleterre pour convaincre les nouveaux pays d’Europe centrale d’ancrer leurs monnaies sur la leur (…). Tout ceci fait du SMI un lieu de concurrence politique entre pays, alors mêmes que les interdépendances sont renforcées.

Source : Pierre-Cyril Hautcoeur « La crise de 1929 », La découverte, 2009, p.17

Document 23 : l’absence de leadership international Parallèlement, le Royaume-Uni lance un effort de reconstruction du système et organise la conférence monétaire de Gênes en 1922. Il s’agit de relancer la coopération entre banques centrales. (…) L’objectif britannique est d’écarter le risque d’une concurrence visant à attirer les capitaux dont chaque pays a un besoin pressant et éviter les demandes de conversion de réserves en or.

Source : Jacques Mistral « Guerre et paix entre les monnaies », Fayard, 2014, p.100

Document 24 : de l’étalon or à l’étalon de change or, la solution proposée à la Conférence de Gênes (1922)

Réponses Situation après guerre : le problème de l’or

Solution proposée pour contourner la pénurie d’or

Monnaies internationales ? Pays qui ont le leadership ? Quel pays conteste cette nouvelle configuration de la coopération internationale ? que va-t-il alors chercher à faire ?

1.2.3 Le retour de l’étalon or : un facteur aggravant de la crise des années 1930

Document 25

La montée des tensions géopolitiques peut cependant être considérée comme la conséquence de la crise, si l’on considère que celle-ci résulte du blocage que l’étalon-or oppose à toute autonomie des politiques économiques nationales, ainsi que de ses caractéristiques intrinsèquement déflationnistes. Selon Eichengreen (1992) et Temin (1989), l’étalon-or est ainsi la cause fondamentale non seulement de la crise de l’été 1931, mais aussi de l’enchaînement déflationniste qui caractérise l’ensemble de la plongée dans la dépression de 1929 à 1933. Leur thèse découle de l’observation de l’écart entre le fonctionnement théorique de l’étalon-or et son fonctionnement réel.

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En théorie, pour tout pays déficitaire forcé de mettre en place une politique déflationniste existe un pays excédentaire qui va pouvoir mener une politique expansionniste, de sorte que les effets mondiaux s’annulent. En réalité, l’étalon-or comporte une asymétrie fondamentale : lorsque des capitaux entrent dans un pays, accroissent les réserves de la banque centrale, celle-ci peut stériliser ce mouvement en réduisant en proportion les crédits à l’économie ; il n’y a pas de limite à ce comportement. En revanche, lorsque les capitaux sortent, (…) un pays doté de fortes réserves peut stériliser des sorties d’or, mais un pays qui n’en a pas (ou plus) beaucoup ne peut plus le faire, et doit adopter une politique monétaire restrictive. (…) Les possibilités asymétriques de stérilisation conduisent à une tendance mondiale à la déflation. Ce serait le mécanisme à l’œuvre à partir de 1929 : les pays déficitaires (Amérique latine, Europe centrale) sont forcés de mettre en place des politiques restrictives alors que les pays receveurs n’accroissent pas (dans le même temps et symétriquement) leur quantité de monnaie. L’accusation est-elle justifiée ? Aux Etats-Unis, qui accumulent dans les années 1920 des excédents de balance des paiements importants, la Fed en stérilise entièrement l’impact sur la masse monétaire (…). Entre juin 1928 et juin 1931, celle-ci stagne alors que les réserves d’or augmentent de 21%. (…) Comme le reconnaît B.Bernanke, la Banque de France joue beaucoup plus selon les règles : entre juin 1928 et juin 1931, elle accroît sa base monétaire de 13% quand ses réserves s’accroissent de 19%. (…) Pourtant, la France exerce un effet déflationniste presque aussi puissant que les Etats-Unis parce qu’elle transforme ses réserves en or. (…) Conformément à sa loi monétaire de 1928, elle rétablit un étalon-or strict, refusant de détenir des réserves en devises. (…) Autant que la logique déflationniste de l’étalon-or, c’est donc la logique politique de l’étalon de change or qui est au cœur de la dépression. En l’absence de puissance hégémonique capable d’imposer la coopération et d’en payer les coûts (non sans gains de contrepartie), ou de puissantes instances de coopération internationale, l’étalon de change or est un mécanisme très fragile face aux conflits politiques et capables de provoquer de véritables déflagrations monétaires.

Source : Pierre-Cyril Hautcoeur « La crise de 1929 », La découverte, 2009, p.67-68

Document 26 : Les conséquences déflationnistes sur l’économie mondiale du retour à l’étalon-or

Les pays qui accueillent les capitaux Stérilisent / ne stérilisent pas les entrées de capitaux grâce à leur politique monétaire ; cela permet d’éviter inflation / déflation

Les pays d’où sortent les capitaux Stérilisent / ne stérilisent pas grâce à leur politique monétaire ; cela permet d’éviter inflation / déflation

Asymétrie fondamentale de l’étalon-or Au niveau mondial, les politiques monétaires expansionnistes compensent / ne compensent pas les politiques monétaires restrictives : La quantité de monnaie mondiale augmente/baisse ;

1.2.4 La disparition progressive de l’étalon-or

Document 27 : le nouveau paysage monétaire mondial à la fin de l’été 1931 Alors qu’une timide reprise a lieu entre la fin 1930 et le printemps 1931, une crise financière et monétaire de grande ampleur dévaste une grande partie de l’Europe à partir du mois de mai et relance la dépression. (…) Les quatre principaux pays débiteurs du continent (Allemagne, Grande-Bretagne, Hongrie et Autriche) voient leurs monnaies et parfois leurs systèmes bancaires emportés par une crise qui détruit le SMI mis en place péniblement dans les années 1920. (…) La même séquence qu’en Autriche (crise bancaire, tentative de sauvetage par la banque centrale, sorties de capitaux, prêt international insuffisant, contrôle des changes) a lieu dans la foulée en Allemagne et en Hongrie. A partir de juillet (1931), les sorties de capitaux touchent la Grande-Bretagne dont le gouvernement choisit de suspendre la convertibilité de la livre sterling le 21 septembre 1931. La suspension de la convertibilité de la livre frappe le monde de stupeur et marque la véritable fin de l’étalon-or comme système monétaire international. Au terme de cet été 1931(…), le paysage monétaire mondial est bouleversé : la Grande-Bretagne et plusieurs pays d’Europe de son orbite traditionnelle (pays scandinaves, Irlande, Portugal …) ont désormais des taux de change flottants, de même que le Japon et un certain nombre de pays de l’Empire britannique et d’Amérique latine. A l’inverse, une grande partie de l’Europe centrale, mais aussi le Brésil suivent l’Allemagne dans le contrôle des changes et la gestion administrée des paiements internationaux. L’étalon-or n’est plus respecté

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que par les Etats-Unis et une minorité de pays principalement européens, autour de la France (le Bloc-or). (…)

Source : Pierre-Cyril Hautcoeur « La crise de 1929 », La découverte, 2009, p.67-68 Question : 1931 : le (début) de la fin de l’étalon-or

Circulation des capitaux et convertibilité or

Conséquence sur les régimes de change

Pays Europe centrale + Grande Bretagne

Etats-Unis et Bloc-or (France)

Document 28 : des choix différents pour répondre au trilemme du triangle des incompatibilités De nombreux pays réagissent à la crise économique en renonçant à l’étalon-or et en laissant flotter leur monnaie. Face à l’augmentation du chômage, l’objectif de stabilité du change finit par passer au second plan : c’est un autre côté du triangle qui est privilégié. Les Etats-Unis abandonnent ainsi la convertibilité-or en 1933 et 1934 et augmentent le prix officiel de l’or de 20,67 à 35 dollars l’once. En abandonnant, même provisoirement, les changes fixes, ces pays retrouvent la liberté de mener des politiques monétaires expansionnistes, qui limitent (ou empêchent) la déflation et la récession. Il en va différemment de ceux qui s’accrochent obstinément à l’étalon-or sans dévaluer comme la France, la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas ou la Pologne. Pour faire face à la crise nombre de pays prennent des mesures visant à restreindre le commerce et les paiements internationaux. Ces politiques protectionnistes sont motivées par la volonté de soutenir le produit intérieur brut en limitant les importations, et de contrôler les sorties de capitaux. C’est aussi une autre façon de répondre au trilemme. Toutefois, ces mesures sont dommageables pour les autres pays qui n’ont souvent d’autres choix que de les appliquer en retour. (…) Au début des années 1930, l’économie mondiale se désintègre en unités nationales autarciques. Cette vague protectionniste très coûteuse pour l’économie mondiale et empêche une reprise économique rapide (…). Les pays se trouveraient dans une meilleure situation si le commerce international avait été plus libre et si une coopération internationale avait aidé chacun d’eux à préserver son équilibre externe et sa stabilité financière sans sacrifier ses objectifs internes. C’est cette dernière idée qui inspire le système monétaire international de l’après-guerre fruit des accords de Bretton Woods.

Source : P P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 566-567

Document 29 : dévaluation du dollar et désintégration du Bloc-or

La désintégration du SMI ne s’arrête pas avec la dépréciation de la livre. Désormais, plus aucune monnaie n’est au-dessus des soupçons. (…) Plus que la contrainte que représente l’étalon-or sur la politique monétaire américaine, plus que les attaques spéculatives sur le dollar, ce sont les conflits internationaux qui conduisent les Etats-unis à suspendre la convertibilité le 19 avril 1933. Après l’annulation des réparations à Lausanne à l’été 1932, France, Pologne et Grande Bretagne cessent le paiement des dettes de guerre, ce qui pousse les Etats-Unis à l’isolationnisme. Celui-ci s’est manifesté par le refus de Roosevelt de participer à la conférence de Londres de 1933, prévue pour rétablir un ordre monétaire international stable. Dès la suspension de sa convertibilité, le dollar baisse rapidement ; une nouvelle parité est fixée en début 1935, entraînant une dévaluation de 41% (à 35 dollars l’once d’or). La priorité des Etats-Unis n’est pas la stabilité monétaire internationale. Après la dévaluation du dollars, seuls quelques pays restent fidèles à l’étalon-or : principalement autour de la France, la Belgique, l’Italie, les Pays-bas et la Pologne. Ils constituent le Bloc-or. Soumis à de fortes pressions déflationnistes du fait de la dépréciation des autres monnaies (qui abaisse les prix de leurs concurrents), ils tentent d’ajuster leurs prix par des politiques budgétaires et monétaires restrictives, au prix de fortes tensions sociales. (…) Le Bloc or disparaît avec la dévaluation du Franc en 1936. Pourquoi ces pays sont-ils restés si longtemps attachés à l’étalon-or ? Sans doute parce que les groupes d’intérêt (les rentiers) les plus hostiles à toute dépréciation monétaire y sont restés puissants. Mais aussi parce que ces économies ouvertes ont besoin de la stabilité du taux de change avec leurs principaux partenaires commerciaux, donc d’un système monétaire international qui assure cette stabilité et définisse les politiques légitimes. Ceci les conduit à refuser obstinément de dévaluer en dehors d’une coopération internationale rétablissant un ensemble de parités viables et généralement acceptées. Leur espoir d’une telle solution renaît quand, en 1935, Roosevelt réoriente sa politique économique vers la stabilité externe. Grande-Bretagne et Etats-Unis acceptent alors l’idée d’une dévaluation du franc et des monnaies du Bloc or en général, dont le taux modéré

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signerait la fin des dévaluations compétitives. (…) (En 1937), la coopération internationale reprend doucement (…). On commence à imaginer Bretton Woods.

Source : Pierre-Cyril Hautcoeur « La crise de 1929 », La découverte, 2009, p.72

Document 30 : en résumé L’emballement de la crise internationale à partir de l’été 1931 touche l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Hongrie et l’Autriche. La réponse de l’Angleterre est de laisser flotter sa monnaie, le 21 septembre 1931. Elle fait donc le choix de ne plus se préoccuper de la convertibilité or de sa monnaie : c’est la fin du système de l’étalon-or. Laisser flotter sa monnaie, lui permet d’adopter une politique monétaire expansionniste, qu’elle espère efficace pour lutter contre la hausse du chômage. Elle préfère atteindre un objectif interne (chômage) qu’externe (convertibilité or de la livre sterling). D’autres pays, comme l’Allemagne, réagissent en mettant en place un contrôle des changes. Un troisième groupe de pays choisit de maintenir le système de l’étalon-or tout en cherchant des réponses à la montée du chômage. Les Etats-Unis suspendent un temps la convertibilité entre 1933 et 1934, puis la rétablissent, mais augmentant le prix de l’or de 20,67 dollars à 35 dollars l’once ; ce qui revient à pratiquer une dévaluation compétitive. Les pays du Bloc de l’or, composé de la France, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et la Pologne conservent le système de l’étalon-or. Mais pour « défendre » leurs balances commerciales, ils utilisent des politiques commerciales protectionnistes et des politiques de « dévaluation interne » en compressant les dépenses et les salaires ce qui suscite une forte contestation sociale. En 1936, le bloc de l’or se disloque quand la France décide à son tour de dévaluer sa monnaie et d’abandonner l’étalon-or. Finalement, le SMI basé sur l’étalon-or disparaît car les contraintes qu’il impose aux pays ne sont plus acceptées. Mais le contrôle des capitaux, les dépréciations et les dévaluations monétaires, les politiques commerciales protectionnistes éloignent le régime monétaire international de toute forme coopérative capable de favoriser les échanges. Au contraire, ils alimentent un cercle vicieux de rétorsions commerciales internationales. Les « égoïsmes sacrés » des années 1930 sont à l’origine d’une véritable période de « démondialisation ». Il n’y a plus de pays capable d’imposer une cohérence aux pratiques monétaires de chacun. Le régime monétaire international n’assure plus correctement ses fonctions, nous sommes dans une période de non-système monétaire international.

Document 31 : l’échec de la gouvernance de la mondialisation durant l’entre-deux-guerres Dans les années 1920, les grandes puissances prétendent faire le choix d’un retour à une mondialisation mieux organisée et concertée. Elles créent la Société des Nations (SDN) pour poser les règles du jeu des relations internationales. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) doit édicter des normes qui régulent la concurrence et veiller à la concertation en matière migratoire. L’étalon de change-or (Conférence de Gênes de 1922) doit avoir les beautés de l’étalon-or sans ses coûts, en permettant d’éviter la déflation redoutée. En 1930, la Banque des Règlements Internationaux vise à l’action concertée des banques centrales face à la crise. Mais ces institutions ont peu d’expériences et de moyens, sans doute à cause de l’absence d’une véritable volonté de coopération de la part des Etats. Les Etats-Unis en particulier, évitent de s’y engager. Les grandes puissances et leurs banques centrales mènent leur politique sans véritable concertation et sans respect des règles internationales.

Source : P.C.Hautcoeur « La crise de 1929 », La découverte, 2009 , p.61

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1.3 Le système de Bretton Woods (système de l’étalon de change or)

1.3.1 La mise en place d’un nouveau SMI après la seconde guerre mondiale, sous hégémonie américaine

Document 32 : les objectifs de la gouvernance mondiale d’après guerre

En 1944, les représentants de 44 pays réunis à Bretton Woods, dans le New Hampshire, aux Etats-Unis, donnent naissance au Fonds Monétaire International (FMI). Les dirigeants des pays alliés gardent à l’esprit les désastres économiques de l’entre-deux-guerres. Ils espèrent mettre en place un système monétaire international, capable de promouvoir le plein emploi et la stabilité des prix, tout en permettant aux pays d’atteindre individuellement l’équilibre externe sans restreindre le commerce international. Cette même conférence de Bretton Woods donne naissance à la Banque Mondiale, dont l’objectif est d’aider les pays ayant participé à la guerre à reconstruire leur économie, et les anciennes colonies à se développer. Le Gatt est mis en place en 1947, afin d’organiser la réduction multilatérale des barrières au commerce international.

Source : P P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 567-568

Question : 1) remplir tableau

Objectifs du système monétaire international initié à Bretton Woods Objectifs « internes » à atteindre Objectifs « externes » à atteindre

Document 33 : le régime de l’étalon de change or Les accords de Bretton Woods créent un régime de changes fixes, avec pour référence le dollar américain. Ce dernier est à son tour ancré à l’or, au prix officiel de 35 dollars l’once. Les Etats membres détiennent une large part de leurs réserves officielles internationales sous forme d’or ou de dollars, qu’ils peuvent ensuite échanger contre de l’or au prix officiel auprès de la Réserve fédérale américaine. Il s’agit donc d’un régime de changes fixe basé sur l’or, avec comme principale monnaie de réserve le dollar. (…) Les Etats-Unis sont responsables en théorie du prix de l’or en dollars. Ils interviennent rarement sur les marchés des changes étrangers.

Source : P P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 567-568

Document 34 : définition

Etalon de change-or : système monétaire dans lequel chaque pays déclare la parité de sa monnaie en or mais où seule une monnaie est convertible en or. Dans le système de Bretton Woods, le dollar est convertible en or au prix de 35 dollars l’once.

Document 35 : la division des rôles entre les Etats-Unis et les autres pays Le but de la conférence de Bretton Woods est de poser les bases d’un système monétaire qui assurerait la convertibilité des monnaies (condition indispensable à tout régime de libre-échange) et qui éviterait les dévaluations concurrentielles. En insistant sur la nécessité de se protéger contre les crises monétaires, les participants ont tous en tête les dévaluations en chaîne qui avaient conduit à une forte contraction des échanges au cours des années 1930. (…) L’article 4 des statuts du Fonds monétaire international stipule « la parité de la monnaie de chaque Etat membre sera exprimée en termes d’or … ou en dollars des Etats-Unis d’Amérique du poids et du titre en vigueur le 01 juillet 1944 ». Ces deux expressions sont équivalentes étant donné que le prix du dollar en or est donné une fois pour toutes : 35 dollars = 1 once d’or. Les monnaies sont définies en termes d’or, ce qui ne signifie pas que l’intervention des Banques centrales se fasse nécessairement dans ce métal précieux. (…) Les Etats-Unis ont été les seuls à déclarer officiellement leur intention d’intervenir sur le marché de l’or en achetant ou en vendant des dollars. Dès lors, tous les autres pays peuvent maintenir indirectement la fixité de leur taux de change en termes d’or, en achetant ou en vendant des dollars contre leur monnaie en vue de respecter les marges de flexibilités (+/- 1%). La fixité du principe du dollar en termes d’or assure la fixité indirecte des prix des autres monnaies en or et donc des différentes monnaies entre elles.

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Il y a finalement un partage des tâches : - tous les pays (à l’exception des Etats-Unis) interviennent en dollars pour soutenir leur propre

monnaie ; - seuls les Etats-Unis interviennent sur le marché de l’or (puisqu’ils sont les seuls à s’être engagés à

défendre la parité-or de leur monnaie). En conséquence, le dollar devient la principale monnaie de réserve mondiale ;

L’or conserve un statut ambigu, comme le note Raymond Aron dans ses Mémoires « A l’intérieur des pays, la valeur de la monnaie ne dépend plus de la quantité d’or enfouie dans les caves de la banque centrale …. L’or, par l’intermédiaire de la convertibilité du dollar, demeurait sur le papier le fondement du système monétaire international ; découronné, il continuait à régner ». (…) Pendant une période transitoire après la seconde guerre mondiale, les contrôles des changes sont maintenus, le temps que les économies déstabilisées par la guerre se redressent et que le commerce international reprenne de l’ampleur. Amorcé par l’Union Européenne des Paiements, le retour à la convertibilité externe des monnaies européennes se fera en 1958. De sorte que le système monétaire international issu des accords de Bretton Woods fonctionnera comme système de paiements multilatéraux à peine pendant une quinzaine d’années : de 1958 à 1973.

Source : Frédéric Teulon « La nouvelle économie mondiale », Puf, 2008, p.20-21

Document 36 : les contraintes du système de l’étalon de change or Le FMI est créé afin d’éviter que les années difficiles de l’entre-deux-guerres ne se reproduisent, en proposant un système mêlant discipline et souplesse. Du point de vue de la politique monétaire, le principal élément de discipline est le taux de change fixe entre les monnaies étrangères et le dollar, ce dernier étant lié à l’or. Si une banque centrale, autre que la Fed, poursuit une politique trop expansionniste, elle finira par perdre ses réserves internationales et sera incapable de maintenir le taux de change fixe. La Fed est également contrainte de surveiller sa politique monétaire, car elle a l’obligation d’échanger les dollars contre de l’or, lorsque les banques centrales étrangères le lui demandent. Elle ne peut donc pas se permettre d’en imprimer à l’excès. Le prix officiel de 35 dollars l’once d’or constitue un second frein à la politique monétaire américaine, car si trop de dollars sont créés, ce prix finira par augmenter. (…) Les taux de change fixes sont perçus comme une fin en soi (…) A tort ou à raison, les architectes du FMI sont convaincus sue, durant l’entre-deux-guerres, les taux de change flottants ont été déstabilisants, et qu’ils sont nuisibles au commerce international.

Source : P P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 567-568

Question : remplir tableau Contraintes imposées par le système de l’étalon de change or

Pour les Etats-Unis Pour les autres pays Première contrainte Deuxième contrainte Une contrainte

Document 37 : la souplesse du système de l’étalon de change or La période d’entre-deux-guerres démontre également que les autorités ne sont pas prêtes à maintenir à la fois le commerce international et des taux de change fixes au prix d’un chômage de long terme. Depuis la Grande dépression, les Etats sont en général tenus responsables du maintien du plein emploi. Le FMI tente donc d’offrir aux pays une flexibilité suffisante pour atteindre l’équilibre externe de façon raisonnée, sans sacrifier ni leurs objectifs internes, ni les taux de change fixes. Deux caractéristiques essentielles des accords de Bretton Woods permettent de mettre en place cette flexibilité externe. D’abord, les membres du FMI constituent un pool de ressources financières, en mettant en commun leur monnaie et leur or afin de les prêter, le cas échéant, aux pays qui en ont besoin. Ensuite, bien que les taux de change avec le dollar soient fixes, ils peuvent être ajustés en cas de besoin, avec l’accord du FMI. De telles dévaluations et réévaluations doivent être peu fréquentes et avoir lieu seulement si l’économie se trouve en déséquilibre fondamental. Bien que cette notion ne soit définie nulle part dans les accords du FMI, elle désigne les pays qui, ayant subi une baisse permanente de la demande, devraient faire face à une longue période de chômage et de déficit extérieur s’ils n’avaient pas recours à une dévaluation. Toutefois, le dollar américain du système de Bretton Woods ne bénéficie pas de cette possibilité d’ajuster son taux de change.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 567-568

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Question : remplir tableau Souplesse du système de l’étalon de change or

Venir en aide aux pays déficitaires Possibilité de dévaluation Comment ? Dans quel cas ?

Document 38 : en résumé Le système de Bretton Woods était basé sur l’idée qu’il était possible de limiter les mouvements de capitaux internationaux, de façon à assurer une certaine indépendance de la politique monétaire. Ce système était donc diamétralement opposé à celui de l’étalon-or où la politique monétaire était subordonnée à des objectifs externes. (…) Après la douloureuse expérience du chômage de masse de l’entre deux guerres, les architectes du système de Bretton Woods souhaitaient que les pays n’aient plus à adopter des politiques monétaires restrictives en période de crise dans le but d’équilibrer la balance courante. La priorité étant donnée au plein emploi, il fallait mettre en place des mesures permettant une gestion « ordonnée » des taux de change en cas de déséquilibre persistant. En théorie, les autorités étaient en mesure de modifier les parités, sans avoir à subir la pression des attaques spéculatives. Le système a bien fonctionné au départ.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 567-568

Question : 1) où se situe le SMI de Bretton Woods dans le triangle des incompatibilités ?

Document 39 : rappel, le triangle des incompatibilités (Robert Mundell (Prix Nobel 1999))

Il n’est pas possible d’avoir simultanément un régime de change fixe, une politique monétaire autonome et une liberté de circulation des capitaux. Un pays A dont la monnaie est ancrée sur celle d’un pays B, décide pour lutter contre une montée du chômage de baisser son taux d’intérêt. Si la circulation des capitaux est libre entre les deux pays, cela va entraîner une fuite des capitaux vers les pays B. La fixité du régime de change nécessite alors l’intervention des autorités monétaires du pays A qui doivent « défendre » la stabilité de leur monnaie. Si leurs réserves de change ne sont pas suffisantes, ces autorités devront alors augmenter leur taux d’intérêt pour attirer des capitaux et empêcher la dévaluation. La politique monétaire est alors opposée à celle menée au départ : l’objectif de stabilité du taux de change l’emporte, l’autonomie de la politique monétaire du pays A a donc disparu.

Document 40 : tableau de synthèse SMI Système de l’étalon de change or (« dollar as good as gold »)

Convertibilité monnaie Régime de change Flux de capitaux Liquidité internationale (monnaie internationale)

Surveillance / coopération

Document 41 : quel régime monétaire international entre 1945 et 1959 ? La convertibilité des monnaies de la plupart des pays européens, dont la France, prévue pour 1951 sera réalisée fin 1958, et celle du Japon en 1964. Le système de Bretton Woods ne va donc se mettre à fonctionner qu’à partir de la fin des années 1950. Comment les échanges internationaux ont-ils pu se régler avant ? Malgré les aides fournies dans l’immédiate après guerre, les économies européennes ne repartent pas. L’absence d’exportations empêche ces pays d’obtenir des dollars et donc de pouvoir importer. Les américains considèrent que ces difficultés économiques font le jeu des soviétiques. Ils adoptent alors la doctrine Truman : le développement économique de l’Europe et du Japon va contrer l’influence grandissante de l’URSS. Les prêts internationaux de la Banque mondiale, les plans Marshall (à destination de l’Europe) et Dodge (à destination du Japon) et les investissements directs de firmes américaines apportent les dollars qui manquent. La convertibilité des monnaies est réalisée et le système de Bretton-Woods mis en œuvre en 1959.

Document 42 : la pénurie de monnaie internationale durant les années 1950 A Bretton Woods, les pays signataires s’étaient engagés à rétablir dès 1951 la liberté des changes et la convertibilité externe de leur monnaie. Mais le délabrement né de la guerre avait été sous-estimé : les besoins de la reconstruction conduisent en effet à un profond déséquilibre des échanges ; les Etats-Unis dégagent un

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énorme excédent de leur balance commerciale, ce qui affaiblit un peu plus les réserves étrangères et fait du dollar une monnaie aussi rare que recherchée. Pour éviter le retour à une crise comparable à celle de 1921 et éviter une paralysie de leurs exportations, les Etats-Unis ont dû accepter des modalités imprévues : une aide américaine massive est distribuée à l’étranger (Plan Marshall), des dévaluations sont autorisées par le FMI pour les pays les plus affaiblis (France, Royaume-Uni), le retour à la liberté des changes et à la convertibilité monétaire est repoussée (1959). De fait de 1950 à 1959 a lieu un rééquilibrage progressif. Progressivement, les pays étrangers commencent à « gagner des dollars » car la balance américaine commence à devenir déficitaire. Ces pays étrangers peuvent reconstituer leurs réserves, ce qui facilite le retour généralisé à la convertibilité monétaire en 1959 et la stabilisation des taux de change. Le déficit américain ne suscite alors aucune inquiétude : le dollar reste convertible en or. Le système de Bretton Woods semble donc fonctionner enfin correctement à la fin des années 1950, mais il s’agit là d’un hasard heureux. (…) Cette coïncidence satisfaisante entre les intérêts américains et les besoins monétaires mondiaux disparaît dès le début des années 1960.

Source : R.Bénichi et M.Nouschi « Histoire économique contemporaine », Ellipses, 1987, p.270

1.3.2 Les difficultés rencontrées par le SMI de Bretton Woods

Document 43 : le dilemme de Triffin En 1947, l’économiste d’origine belge Robert Triffin présente ce qui sera appelé plus tard le « dilemme de Triffin ». Ce dilemme se résume ainsi : d’un côté, les Etats-Unis, émetteur de la monnaie internationale, doivent fournir cette liquidité au reste du monde, faute de quoi la pénurie de dollar est un frein aux échanges internationaux et au développement économique. D’un autre côté, le dollar américain est convertible en or au prix fixe de 35 dollar l’once. Les Etats-Unis doivent donc être en mesure d’assurer à tout moment la conversion en or des dollars qui leur sont présentés. Sinon la parité or du dollar ne tient plus, et le dollar n’est plus « as good as gold ». Les Etats-Unis doivent donc réaliser deux objectifs contradictoires: assurer le rôle de monnaie internationale du dollar et assurer la convertibilité or du dollar. Pour Triffin, le SMI issu des accords de Bretton Woods ne peut donc pas être durable. La situation des Etats-Unis au début des années 1960 n’est plus celle de 1945. Bien que les Etats-unis conservent une balance commerciale excédentaire cette dernière ne compense pas les sorties de dollars, c’est-à-dire l’augmentation de la liquidité internationale en dollars. Ce qui pose évidemment la question de la capacité des Etats-Unis à assurer les demandes de conversion du dollar en or. Comme le rappel Barry Eichengreen « les Etats-Unis étaient sous la menace de l’équivalent d’une panique bancaire si jamais les détenteurs étrangers se précipitaient tous pour échanger leurs créances en dollars contre de l’or au guichet du Trésor américain familièrement appelé gold window ». Document 44 : la hausse de la quantité de dollars détenus par des non-résidents produit la création des

euro-marchés Le numéraire de l’économie mondiale est en fait constitué par les balances-dollars issues du déficit américain. (…) L’accumulation des balances-dollars fait naître les euro-marchés (les euro-dollars correspondent à des dépôts libellés en dollars sur un compte bancaire situé en dehors des Etats-Unis), l’économie internationale d’endettement (H.Bourguinat) est sur orbite. Au début des années 1960, plusieurs phénomènes convergent pour susciter de nouvelles liquidités. Les dollars acquis par les non-résidents vont pouvoir rester à l’étranger sans être présentés au marché des changes.

Source : J.P.Delas « Economie contemporaine. Volume 4 », 1992, p.131

Document 45 : une première solution, constituer le pool de l’or La première solution trouvée par les Etats-Unis en 1961 consiste à associer les huit plus grandes banques centrales au sein du Pool de l’or. Il a pour fonction d’intervenir sur le marché de l’or pour défendre la parité du dollar. Ce dispositif fait peser sur les autres pays la contrainte que devrait assumer la puissance hégémonique émettrice de la monnaie internationale. A partir de 1965, les interventions du Pool de l’or se multiplient ce qui suscite le mécontentement de certains pays membres. De Gaulle qualifie alors le système de Bretton Woods « d’abusif et dangereux ». En signe de protestation, il choisit en 1967 de retirer la France du Pool de l’or.

Document 46 : une seconde solution, la création des droits de tirage spéciaux

La seconde solution trouvée est la création des droits de tirage spéciaux (DTS). Un Etat ayant un besoin de liquidité internationale peut se voir prêter par le FMI des DTS plutôt que des dollars. Les DTS sont liés à l’or

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pour une valeur égale à un dollar. Mais il faudra attendre 1970 pour qu’un accord définissant les conditions d’utilisation des DTS soit obtenu, rendant finalement cette solution inefficace à court terme.

Document 47 : la spéculation sur les marchés des changes en régime de changes fixes Ce retour à la convertibilité n’entraîne pas une intégration financière internationale immédiate et complète. (…) Mais avec l’augmentation de la mobilité des flux de capitaux privés, les déficits et les excédents courants prennent de l’importance. Selon les statuts du FMI, un pays souffrant d’un déficit courant important et continu peut être sujet à un déséquilibre fondamental, et donc être candidat à une dévaluation de sa monnaie. Une telle possibilité peut à son tour provoquer une crise de la balance des paiements. Tous ceux, par exemple, qui possèdent des dépôts en livres sterling au moment d’une dévaluation de la livre enregistrent une perte, car la valeur en monnaie étrangère des actifs en libre diminue alors brutalement du montant de la dévaluation. Dès que la Grande-Bretagne a un déficit courant jugé excessif, ceux qui détiennent des livres cherchent alors à convertir leurs avoirs. Pour maintenir fixe son taux de change par rapport au dollar, la Banque d’Angleterre doit acheter des livres et fournir les actifs en monnaies étrangères que les agents souhaitent acquérir. Si la perte d’actifs étrangers par la Banque d’Angleterre est trop importante, elle peut conduire à une dévaluation (en privant la banque centrale des ressources nécessaires pour soutenir le taux de change). De même, les pays qui ont de forts excédents courants peuvent être considérés comme candidats à la réévaluation de leur monnaie. En cas d’excédents à répétition, la banque centrale doit vendre sa propre monnaie afin d’éviter une réévaluation, ce qui peut provoquer une augmentation du niveau des prix et rompre l’équilibre interne. Les crises de balance des paiements sont de plus en plus violentes et fréquentes dans les années 1960 et 1970. Le déficit record du commerce extérieur britannique en 1964 marque le début d’une période de spéculation contre la livre, ce qui complique la tâche de la politique économique jusqu’à dévaluation en novembre 1967. Le Franc doit être dévalué et le Deutsch Mark réévalué en 1969, suite aux attaques spéculatives similaires. Au début des années 1970, ces crises deviennent si importantes qu’elles conduisent finalement à l’abandon du système de changes fixes. Les possibilités accrues de crises de balance de paiements conduisent les autorités à accorder toujours plus d’importance à l’objectif externe.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale » Question : remplir tableau en barrant les réponses fausses : La défense du taux de change en régime de change fixe peut provoquer de la spéculation sur le marché des changes

Cas 1 : Pays déficit commercial important et durable

Cas 2 : Pays excédent commercial important et durable

Les agents financiers anticipent un changement de parité de la monnaie

Ils anticipent une dévaluation/réévaluation

Ils anticipent une dévaluation/réévaluation

Les agents financiers Ils vendent/achètent les actifs en monnaie domestique contre actifs en monnaie étrangère

Ils vendent/achètent les actifs en monnaie domestique contre des actifs en monnaie étrangère

Conséquence sur le marché des changes

L’offre de livres sterling dépasse la demande

La demande de livres sterling dépasse l’offre

La Banque centrale pour maintenir le taux de change fixe doit :

Faire augmenter la demande : elle doit donc vendre/acheter des livres sterling; Comment ? la BC vend des actifs en devises étrangères qu’elle détient contre des livres ;

Faire augmenter l’offre : elle doit vendre/acheter des livres sterling ; Comment ? La BC vend des titres libellés en monnaie domestique ;

Conséquence de l’action de la BC :

Les réserves en devises étrangères chutent et peuvent devenir insuffisantes pour défendre la parité en vigueur ;

La quantité de monnaie domestique en circulation augmente ; l’inflation domestique augmente

Le changement de parité permettrait alors :

de ne plus se préoccuper de la défense du taux de change ;

d’arrêter l’inflation ;

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Document 48 : la défiance vis-à-vis du dollar grandit Le fonctionnement chaotique du système conduit certains pays, qui souhaitent défendre leur indépendance économique, à ne plus respecter les règles du jeu et à se méfier du dollar. Au cours de la seconde moitié des années 1960, la France et la RFA convertissent une partie de leurs réserves en dollars en or, ce qui accentue l’érosion du stock d’or américain. Ainsi, les réserves métalliques de la Banque de France passent de 510 tonnes en 1958 à 4650 tonnes en 1966.

Source : Frédéric Teulon « La nouvelle économie mondiale », Puf, 2008, p.25

Document 49 : la convention du « dollar as good as gold » remise en cause L’étalon-or était encore très présent dans les esprits en 1945 ; personne n’imaginait qu’une monnaie puisse ne pas être définie par sa « valeur internationale ». Un pas en avant révolutionnaire avait été fait en considérant que chaque monnaie nationale serait définie par rapport au dollar. Quant au dollar, sa « valeur » avait précisément été déterminée à Bretton Woods en fixant le prix de l’or à 35 $/once. Pour cette raison, ce système monétaire est souvent appelé « l’étalon de change-or », expression plus parlante si on la traduit en bon français : « le dollar est aussi solide que l’or ». Cette dernière formule a aussi le mérite de suggérer que le système durerait ce que durerait l’adage, autrement dit aussi longtemps que le prix de l’or resterait effectivement égal à 35 dollars l’once. (…) Les conditions dramatiques de l’après-guerre avaient rapidement changé, la pénurie de dollars alors redoutée avait disparu, le commerce mondial progressait à vive allure, les anciennes puissances avaient reconstitué leur potentiel industriel et commençaient pour certaines à engranger d’importants surplus extérieurs, les firmes américaines investissaient à l’extérieur et payaient en dollars. (…) Le montant des réserves détenues en dollars par les autres nations dépassa au début des années 1960 le montant des réserves en or des Etats-Unis. En termes d’économie bancaire, cela signifiait que le Trésor des Etats-Unis était désormais exposé au risque de voir les créditeurs étrangers demander la conversion de leurs dollars en or. (…) A l’initiative de la Fed, les huit principales banques centrales (réunies dans ce qu’il est convenu d’appeler le « pool de l’or ») définirent en 1961 une stratégie commune qui visait à régulariser le marché par des interventions dont seule la moitié serait effectuée par les Etats-Unis. Concrètement en cas de hausse du prix de l’or, c’est-à-dire face à une dépréciation anticipée du dollar, des ventes d’or officielles étaient nécessaires pour ramener le prix à 35 dollars ; la moitié des quantités nécessaires serait fournie par la Fed, le reste par les sept autres banques. (…) La France se retira du pool de l’or en 1967. (…) En novembre 1967, le pool de l’or avait dû mettre sur le marché plus de 1000 tonnes d’or . (…) En mars 1968, les ventes d’or atteignirent deux cents tonnes par jour, la situation était devenue incontrôlable.

Source : Jacques Mistral « Guerre et paix entre les monnaies », Fayard, 2014, p.114-116

Document 50 : la fin du système de Bretton Woods, les Etats-Unis ne veulent pas assumer les contraintes de l’émetteur de la monnaie internationale

Les craintes d’une crise du dollar sont accentuées par la dévaluation britannique de la livre en 1967. La valeur de l’or s’envole conduisant le pool de l’or à intervenir : durant l’année 1967, 1000 tonnes d’or sont vendues, mais en mars 1968, ce sont deux cents tonnes qui sont vendues par jour. La situation devient intenable. Le marché de l’or est fermé pendant deux semaines. Face à une inflation galopante qui pénalise les exportations, creuse le déficit commercial et le déficit courant, ce qui inonde le monde de dollars, les autorités américaines ne veulent pas augmenter les taux d’intérêt pour ne pas pénaliser la croissance et l’emploi. Ils ne veulent donc pas assumer les contraintes de la puissance hégémonique. Richard Nixon, élu en 1968, nomme John Connally secrétaire au Trésor. Ce dernier déclare à la conférence de Munich en mai 1971 « Le dollar, c’est notre monnaie mais votre problème ». Cette stratégie non coopérative des Etats-Unis pousse les anglais à demander le 13 août 1971 une conversion de dollars en or. Le 15 août 1971, les Etats-Unis mettent fin à la convertibilité en or du dollar, signant là la fin de l’étalon de change-or issu des accords de Bretton Woods. Le régime de change fixe est cependant maintenu avec le dollar comme monnaie d’ancrage. En décembre 1971 à la Conférence du Smithsonian Institute le dollar est dévalué, les bandes de fluctuations élargies (à +/- 2,25% au lieu de 1%). En mars 1973, les banques centrales européennes refusent de soutenir davantage le dollar, ce qui conduit alors au flottement généralisé des monnaies.

Document 51 : conséquence de l’inflation sur les taux de change réel Sur le plan monétaire, les Etats-Unis ont mené une politique égoïste de « douce négligence » (benign neglect) ne donnant jamais la priorité à la survie des accords de change négociés à Bretton Woods. Les Etats-Unis ont mis en œuvre la fameuse maxime énoncée par Maxime Connally, secrétaire d’Etat au Trésor sous

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Nixon : « le dollar, c’est notre monnaie, votre problème ». Or les changes fixes nécessitaient l’acceptation d’une discipline collective, ils étaient condamnés d’avance.

Source : Frédéric Teulon « La nouvelle économie mondiale », Puf, 2008, p.25

Document 52 : l’exercice du leadership des Etats-Unis est différent de celui de l’Angleterre Il y avait peu de prédictions économiques qui aient été formulées aussi clairement que celle de Triffin et qui se soient concrétisées aussi rapidement. (…) Il est tentant d’imaginer une trajectoire différente où la politique américaine se serait saisie de ce dilemme, assumant son leadership en matière de gestion de l’étalon monétaire international, évitant les rigidités de l’étalon-or en assurant une offre de liquidités adéquate, mais s’appliquant simultanément avec souplesse les disciplines que le FMI imposait aux pays déficitaires tout en évitant les ajustements brutaux que l’étalon-or imposait antérieurement à la Grande-Bretagne elle-même. (…) Si les concepteurs du système, au premier rang desquels le Trésor américain, avaient voulu fixer de manière stable et pérenne le prix de l’or, ce qui en économie de marché est une aberration, il fallait dire comment, c’est-à-dire définir la discipline à laquelle devrait se soumettre le pays émetteur de la monnaie nationale « aussi solide que l’or ». (…) Or, le milieu du 20ième siècle est une période marquée par la prédominance des critères nationaux dans la conduite des politiques économiques, y compris, si ce n’est surtout, aux Etats-Unis, très vite confrontés à leurs propres défis, et par le sentiment que l’Amérique n’avait de toute façon rien à redouter sur le plan économique et monétaire, des évolutions pouvant intervenir dans le reste du monde, ce qui allait être rapidement confirmé. Cette ligne politique fut incarnée avec éclat par le secrétaire au Trésor Connally, dont la formule « Le dollar, notre monnaie, votre problème » reste dans les mémoires. Tout est dit ! Connally choisit l’épreuve de force avec les Européens en explicitant sa politique à Munich en mai 1971 ; constatant le divorce entre les Etats-Unis et les banquiers centraux des autres pays, les marchés réagirent rapidement à la tempête qui menaçait à nouveau, les demandes de conversion de dollars en or reprirent de plus belle et aboutirent à ce que la Grande-Bretagne demande en août la conversion d’une partie de ses réserves ; ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Fondamentalement, « l’indifférence bénigne » qui a constamment régné à Washington, repoussant sur les « alliés » le poids de tout ajustement en refusant de l’assumer, contrairement à la Grande Bretagne précédemment, la responsabilité liée à son rôle comme pivot du système monétaire international, est clairement la cause ultime des dérèglements qui mirent fin au système de Bretton Woods quand le président Nixon décida en août 1971 de rendre le dollar inconvertible.

Source : Jacques Mistral « Guerre et paix entre les monnaies », Fayard, 2014, p.68

Document 53

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Document 54 : la fin du système de Bretton Woods Ce système (de l’étalon de change or de Bretton Woods) portait en lui une contradiction structurelle, relevée par Triffin (1960) et Rueff (1961) : pour répondre à la demande de liquidité internationale, il fallait émettre beaucoup de dollars ; mais pour maintenir la confiance dans la monnaie américaine, il fallait limiter l’émission de dollars par rapport aux réserves d’or de la Réserve fédérale américaine. Face aux besoins des pays en reconstruction, puis, dans les années 1960, pour financer la guerre du Vietnam et l’expansion des investissements américains directs à l’étranger, les Etats-Unis émirent des quantités croissantes de dollars, détruisant d’autant plus rapidement la confiance dans la parité dollar-or que l’inflation était importante dans ce pays. Le 15 août 1971, la convertibilité du dollar en or fut suspendue de façon unilatérale par le Président Nixon. Deux ans plus tard, le système de Bretton Woods était définitivement abandonné et les principales monnaies (dollar, yen, livre sterling, Deutschmark, francs français …) se mettaient à flotter – un flottement entériné en janvier 1976 par les accords de la Jamaïque.

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.48-49

Document 55 : le dilemme de Triffin et la remise en cause du système de Bretton Woods (barrer les réponses fausses et remplir les cases vides)

Dollar monnaie internationale et seule monnaie du système d’étalon de change or à être convertible en or

Fourniture de la liquidité internationale

Si le dollar est rare (pénurie mondiale de dollar)

Si le dollar est abondant (excédent mondial de dollar)

Dans quelles situations pour les Etats Unis ?

Balance commerciale excédentaire ou déficitaire Flux de capitaux entrants ou sortants

Balance commerciale excédentaire ou déficitaire Flux de capitaux entrants ou sortants

Conséquences Les agents ne peuvent pas échanger

La quantité de dollars en circulation augmente ; développement des marchés des euro-dollars

Objectifs / contraintes du système de Bretton Woods qui ne sont pas respectée

Le SMI ne permet pas _____ Le SMI ne permet pas _______

Objectifs / contraintes du SMI de Bretton Woods qui sont respectées

Le SMI permet _______ Le SMI permet _________

Document 56 : la doctrine américaine est centrée sur les objectifs économiques internes

Les raisons de l’inconvertibilité du dollar sont multiples mais elles tiennent d’abord à l’attitude américaine. Les négociateurs de Bretton Woods supposaient tacitement que les Etats-Unis mèneraient délibérément une politique permettant d’assurer à long terme la convertibilité en or de leur monnaie, comme la Grande Bretagne l’avait fait avant la première guerre mondiale, on sait à quel prix. En faite, les Etats-Unis n’ont jamais accepté de soumettre leur politique économique nationale à des impératifs d’équilibre international, alors même que leur monnaie était utilisée par le monde. Ils ont toujours préféré la croissance de leur économie, à l’équilibre de leur balance des paiements. Une telle attitude plonge ses racines très loin. Le Federal Reserve Act de 1913 a créé le Système de la Réserve fédérale (…) mais il n’est pas question d’assurer l’équilibre des transactions extérieures ni la stabilité de la valeur externe du dollar. (…) L’Employment Act de 1946 a donné au gouvernement fédéral tous les moyens pour promouvoir l’emploi, la production et le pouvoir d’achat. La création de dollars est au service de la politique économique américaine. Son impact sur les relations monétaires internationales n’est pas pris en compte.

Source : Michel Lelart « Le système monétaire international », La découverte, 2007, p.48

Document 57 : en résumé, les facteurs de disparition du système de Bretton Woods Les problèmes posés par le fonctionnement du système de Bretton Woods

Les Etats dont la monnaie n’est pas convertible en or doivent en permanence assurer le respect de la fixité de leur taux de change

Les Etats-Unis dont la monnaie est la liquidité internationale font face au dilemme de Triffin

Les Etats-Unis sont responsables de la liquidité internationale, mais n’assurent pas leur leadership

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2. Le système monétaire international après Bretton-Woods : sommes-nous aujourd’hui dans un non-système monétaire international ?

2.1 La caractéristique du SMI depuis 1976 (Accords de la Jamaïque) : un régime hybride

2.1.1 Une pluralité de régimes de change

Document 58 : à la recherche de la stabilité du système

Les Etats-Unis qui avaient imposé des changes fixes à Bretton Woods voulaient légaliser les changes flottants (…) compatibles avec leur inquiétude devant la compétitivité des économies européennes et japonaise. La France tenait au contraire à ce que les monnaies restent stables. (…) La réunion de Rambouillet en novembre 1975 fut le point culminant de négociations laborieuses. (…) A la signature des accords de la Jamaïque (1976), l’article 4 du FMI commence par rappeler que l’objectif essentiel du système monétaire international est de faciliter les échanges de biens, de services et de capitaux, de favoriser une croissance économique saine, et d’assurer les conditions de base nécessaire à la stabilité économique et financière. (…) Tous les pays membres ont alors l’obligation de collaborer avec le Fonds et entre eux pour « promouvoir un système stable de taux de change ». Cette stabilité – qui n’est pas celle des taux eux-mêmes, mais seulement du système, la nuance est de taille – peut être obtenue par la politique monétaire et financière. (…) Les taux de change ne sont plus une donnée qui s’impose à chaque pays, mais un but vers lequel il doit tendre. (…) Cette obligation est une obligation de moyens pas de résultats. Elle laisse aux pays une très grande latitude sur le respect de leurs engagements. (…) Les pays membres du FMI jouissent ainsi d’une grande liberté. (…) Un pays peut ainsi choisir de définir et de stabiliser sa monnaie par rapport (…) à une autre monnaie, à plusieurs monnaies … ou de la laisser flotter plus ou moins librement. (…) La seule limitation est l’interdiction formelle de toute référence à l’or. Une fois son choix effectué, le pays doit s’y tenir et appliquer le système choisi. (…) Les choix effectués par chacun des pays membres du Fonds sont d’une extrême diversité.

Source : Michel Lelart « Le système monétaire international », La découverte, 2007, p.75

Document 59 : la pluralité des choix

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.187

Document 60 : Les régimes de change de facto et leur évolution depuis 1980

La classification officielle des régimes de change ne reflète cependant pas toujours les pratiques des banques centrales à travers le monde. En particulier, les régimes de change fixe sont beaucoup plus fréquents de facto que de jure, tandis que les régimes de flottement libre et administré sont moins répandus. Cette différence entre régimes de change de jure et de facto est importante lorsqu’il s’agit d’évaluer les mérites comparés des différents régimes.

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Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p72

Document 61 : en résumé

Le régime actuel se caractérise ainsi par : - une convertibilité presque universelle du compte courant, une généralisation graduelle de la convertibilité du compte financier et des capitaux de plus en plus mobiles entre les pays avancés et les pays émergents, à l’exception notable de la Chine ; - un flottement presque général des monnaies dans les pays avancés mais la persistance d’une « peur du flottement » dans beaucoup d’économies émergentes ou en développement, à l’exception de l’Amérique latine et de certains pays européens ; - une fourniture de liquidités en cas d’urgence assurée par les différentes facilités de financement du FMI mais aussi par les accords de swap bilatéraux et les accords régionaux (en particulier l’Initiative de Chiang Mai en Asie). (…) ; - une surveillance et une coopération monétaire au niveau régional (Union européenne) ou multilatéral (FMI, G20), dont l’efficacité est cependant contestable.

Source : rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 11

2.1.2 Pourquoi adopter un régime de change flottant ?

Document 62 Le passage au flottement des monnaies apparaît comme une réponse aux dévaluations successives des années 1960/1970: en laissant flotter la monnaie, un déséquilibre de la balance commerciale provoque une variation du taux de change qui assure le réajustement automatique de la balance des paiements en supprimant ce déséquilibre. Ainsi après l’apparition d’un excédent de la balance commerciale, on assiste à une hausse de la demande de monnaie sur le marché des changes, une appréciation taux de change, un freinage des exportations et une stimulation des importations, et un rééquilibrage de la balance commerciale. Dans le cas d’un régime de change fixe, les déséquilibres courants nécessitent l’intervention de la banque centrale sur le marché des changes pour maintenir la parité. Mais cela peut entraîner une spéculation sur sa capacité à maintenir cette stratégie, épuisant les réserves et conduisant à une inévitable dévaluation. Le gouvernement peut aussi mettre en place une dévaluation « interne », c’est-à-dire une politique visant à faire baisser les prix et les salaires, mais cette politique va se répercuter négativement sur la demande globale, la croissance et l’emploi. Le régime de change flottant apparaît donc comme la réponse optimale aux problèmes de balance de paiements rencontrés de plus en plus fréquemment à partir des années 1960 par les PDEM. Elle doit permettre d’éliminer les comportements spéculatifs sur la monnaie et les politiques de dévaluation interne. Ce sont là les arguments défendus par Milton Friedman dès 1969 dans Inflation et systèmes monétaires. A partir des années 1980-1990, avec l’essor des flux de capitaux internationaux, l’adoption d’un régime de change flottant s’appuie sur deux autres arguments :

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- lorsque les capitaux sont libres de circuler et que les Etats veulent conserver l’autonomie de leur politique monétaire, ils doivent abandonner tout fixité du taux de change – c’est ce qu’enseigne le triangle des incompatibilités ; - il existe un lien entre politique monétaire et taux de change : une politique monétaire expansionniste s’appuyant sur une baisse des taux d’intérêt stimule les sorties de capitaux et provoque une dépréciation de la monnaie, qui se répercute alors sur les échanges commerciaux et, au final, sur la demande globale et l’inflation. La variation du taux de change devient donc le canal par lequel la politique monétaire cherche à atteindre des objectifs internes. L’évolution à la baisse de l’euro depuis 2014 illustre parfaitement la volonté de la BCE d’utiliser le taux de change pour faire repartir la demande globale en zone euro (par les exportations) mais aussi l’inflation (par l’inflation importée).

Document 63 : pourquoi adopter des changes flottants ? Un système de changes fluctuants élimine complètement le problème de la balance des paiements – exactement de la même manière que sur un marché libre, il ne peut y avoir de pénurie ou d’excédent (…). Le prix peut connaître des fluctuations, mais ne peut entraîner de pénurie ou d’excédent suffisamment fort pour provoquer une crise des échanges extérieurs. Les taux de change fluctuants mettraient fin aux graves problèmes qui exigent que les secrétaires d’Etat au Trésor et les gouverneurs se réunissent de plus en plus souvent, pour tenter de mettre sur pied des réformes radicales. (…) En réalité ceci constitue précisément la raison pour laquelle on se déclare généralement opposé aux taux de change fluctuants ?

Source : M.Friedman « Inflation et systèmes monétaires » 1969

Document 64 : politique monétaire et canal du taux de change Le lien entre politique monétaire et politique de change est particulièrement étroit dans un environnement de mobilité internationale des capitaux tel que celui de la zone euro : en l’absence de barrières aux mouvements de capitaux, la BCE ne peut à la fois contrôler le niveau des prix (son objectif premier) et le niveau du taux de change. Par exemple, à taux directeur américain inchangé, une baisse de taux d’intérêt dans la zone euro entraîne une dépréciation de l’euro par rapport au dollar car les investisseurs réallouent leurs portefeuilles en faveur du dollar, mieux rémunéré. Le taux de change est ainsi déterminé par la politique monétaire observée et anticipée dans les deux pays, de sorte qu’il n’y a pas de place pour une politique de change indépendante. L’ajustement du taux de change en réponse aux évolutions relatives des politiques monétaires de deux pays renforce en principe l’impact de la politique monétaire. Dans l’exemple précédent, la baisse du taux d’intérêt de la zone euro soutient la hausse des prix à la fois parce qu’elle encourage la consommation et l’investissement (canal interne) et parce que l’euro se déprécie (canal externe). La dépréciation de l’euro relance les exportations par une meilleure compétitivité-prix, tout en nourrissant l’inflation par renchérissement des biens importés. L’expérience du Japon, dont la monnaie s’est fortement dépréciée depuis la fin 2012, suite à l’annonce d’une politique monétaire violemment expansionniste, illustre le lien entre politique monétaire et taux de change, alors que la politique de la BCE est restée plus timide durant cette période. Dès lors, le taux de change est un canal de transmission de la politique monétaire et non un objectif de la banque centrale : la monnaie d’une économie tend à se déprécier lorsque la banque centrale du pays assouplit ou annonce qu’elle va assouplir sa politique monétaire ; la dépréciation concourt alors à l’objectif de redressement du taux d’inflation ou de soutien de la demande.

Source : notes du CAE n°11 « L’euro dans la « guerre des monnaies » », janvier 2014

2.1.3 Pourquoi adopter un régime de change fixe ou intermédiaire ?

Document 65 Dans Economie monétaire internationale (2014) Agnès Bénassy-Quéré recense trois arguments : - certaines variables clés d’une économie sont libellées en monnaie étrangère. Un Etat peut s’endetter dans une monnaie étrangère ou bien une économie est dépendante d’une ressource vendue sur le marché mondial dans une monnaie qui n’est pas la sienne. Lorsque les monnaies flottent, une dépréciation a pour conséquence d’alourdir le poids de la dette ou de diminuer les recettes tirées des exportations. Ce qui provoque une véritable « peur du flottement » ou « fear of floating » (Calvo et Reinhart, 2002). - l’ancrage monétaire permet de lutter contre l’inflation. L’absence de crédibilité des autorités monétaires est source d’anticipations inflationnistes. L’adoption d’un régime de change fixe permet alors à une autorité monétaire d’annoncer que le taux de change nominal ne bougera pas et qu’il est de la responsabilité des agents économiques de contenir l’évolution des prix et donc le taux de change réel. On

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retrouve ici le cas français de la politique du franc fort. La lutte contre l’hyperinflation peut aussi conduire à la mise en place de régimes de change fixe durs comme la caisse d’émission ou la dollarisation. - les effets bénéfiques sur les échanges commerciaux de la stabilité du taux de change. C’est l’argument que l’on retrouve pour expliquer le lien entre étalon-or et première mondialisation. Il est aussi caractéristique de la volonté européenne de maintenir un régime de change fixe lors de la crise du système de Bretton Woods avec la mise en œuvre du serpent monétaire européen, puis après les accords de la Jamaïque avec la création du système monétaire européen. La création de l’euro marque une étape décisive dans la fixité du régime de change en passant de l’ancrage à un régime de change fixe dur.

Document 66 : pourquoi maintenir un régime de change fixe ou intermédiaire ? Le modèle de Mundell-Fleming fournit un cadre analytique simple pour le choix d’un régime de change, qui dépend du régime de mobilité des capitaux et des besoins en matière de stabilisation. En particulier, l’unification monétaire ne peut se faire qu’entre des pays connaissant des besoins similaires en matière de stabilisation. D’après ce modèle, en situation de parfaite mobilité des capitaux, un pays ne peut utiliser la politique monétaire de manière indépendante, pour réagir à des chocs de demande, s’il pratique un régime de change fixe. Le pays dispose d’une autonomie de politique monétaire seulement dans deux cas : s’il conserve des restrictions aux mouvements de capitaux, ou s’il pratique un régime de change flexible. C’est ainsi que l’on peut construire à partir du modèle de Mundell-Fleming, un triangle d’incompatibilité entre : taux de change fixe ; parfaite mobilité des capitaux ; politique monétaire indépendante. (…) La première étape du raisonnement consiste à se demander pourquoi un pays peut souhaiter stabiliser son taux de change nominal. Les raisons sont de trois ordres : - favoriser les échanges (biens, services et capitaux) avec le pays ou la zone ancre ; - stabiliser la contre-valeur, en monnaie nationale, de certaines variables libellées en monnaie étrangère (dettes extérieures, matières premières) qui ont un impact important sur l’économie ; - ancrer les anticipations d’inflation de manière à en réduire le rythme ; Le premier motif fait référence à la théorie des ZMO. Le deuxième fait référence à la peur du flottement. Enfin, le troisième motif a trait à la crédibilité de la lutte anti-inflation : les caractéristiques stabilisatrices de la politique monétaire repose sur une communication crédible. Or, cette crédibilité n’est pas toujours assurée en raison de l’accumulation d’erreurs de politique économique dans le passé (par exemple hyperinflation latino-américaines des années 1980) ou d’une absence d’expérience et donc de réputation (pays en transition, en particulier de l’ex-URSS). L’ancrage nominal externe est alors un substitut à la crédibilité institutionnelle interne : en annonçant que le taux de change nominal ne bougera pas, la banque centrale incite les entreprises et les salariés à modérer les hausses de prix et de salaires, ce qui justifie a posteriori la fixité du taux de change. (…) Les études de cas semblent confirmer que le ciblage du taux de change nominal peut être un outil efficace de lutte contre l’inflation (politique du franc fort et ancrage du FF sur le DM ; caisse d’émission en argentine). (…) Mais les crises de change des années 1990-2000 ont cependant rappelé que l’ancrage monétaire externe ne peut durablement se substituer à la crédibilité interne des institutions. Le cas argentin est éloquent : après un succès initial, la caisse d’émission a finalement du être abandonnée à la fin 2001, dans un climat de crise économique, sociale et politique. Le dérapage des finances publiques rendait son maintien insoutenable.

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.187 Question : Remplir tableau : Choisir un régime de change fixe ou intermédiaire Trois grands motifs Echanges au sein d’une

ZMO Stabiliser la valeur de la dette extérieure ou des exportations : « la peur du flottement »

Casser les anticipations d’inflation

Type de régime de change fixe dur

Exemples

Document 67 : les caisses d’émission, le cas Argentin Le principal avantage de l’étalon-or est d’ancrer plus efficacement les politiques monétaires et, donc, les anticipations d’inflation. Le système de l’étalon-or permet de lier les mains des gouvernements par des « menottes en or », selon les termes d’Eichengreen. En adhérant à l’étalon-or, les pays s’engagent à respecter

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les strictes règles du jeu. Rompre l’engagement est toujours possible, mais politiquement très coûteux et vécu comme un échec. Les agents économiques ont donc toutes les raisons de penser qu’il sera respecté, ce qui assure la crédibilité de la politique monétaire. C’est pour cette raison que certains pays ont adopté des régimes de change dont le fonctionnement se rapproche fortement de l’étalon-or. Il s’agit des “currency boards” dans lesquels la quantité de monnaie nationale émise à tout moment correspond strictement au montant des réserves de change et le pays maintient un taux de change fixe vis-à-vis d’une grande monnaie. Comme pour l’étalon-or, chaque unité de monnaie nationale est donc couverte par une quantité équivalente d’une réserve de valeur étrangère. Comme pour l’étalon-or, la quantité de monnaie nationale évolue avec la balance des paiements. Enfin, comme pour l’étalon-or, le pays se prive délibérément de toute liberté monétaire, ce qui assure une grande crédibilité. L’Argentine dans les années 1990, la Bulgarie ou l’Estonie aujourd’hui, ont adopté ce régime monétaire.

Source : Banque de France « Qu’est que l’étalon-or ? », Focus 22 novembre 2010

Document 68 : caisse d’émission et inflation en Argentine

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.48

2.2 Le dollar reste la monnaie internationale dans un monde qui devient multipolaire

2.2.1 La position dominante du dollar

Document 69 : la position centrale du dollar Plusieurs monnaies (le dollar, l’euro, la livre sterling, le yen, le franc suisse) jouent un rôle international, mais une seule (le dollar) est dominante dans l’ensemble des fonctions internationale de la monnaie. (…) Malgré un certain déclin, le rôle clé du dollar en tant que moyen de paiement et en tant que réserve de valeur reste clair. Dans un contexte d’intégration très étroite des systèmes financiers européens et américain, la crise a également mis au jour l’importance des positions en dollars des banques non américaines, notamment en Europe, et leur dépendance à l’égard d’un accès continu aux financements en dollars. C’est ce qui a conduit la Réserve Fédérale à jouer un rôle central dans la fourniture de liquidités aux banques étrangères durant la crise, à travers ses accords de swap. Le dollar demeure aussi la principale unité de compte internationale, notamment sur les marchés des matières premières et énergie, même si c’est moins le cas pour les produits manufacturés. Le dollar reste également la monnaie de référence pour l’ancrage monétaire. Bénassy-Quéré, Coeuré et Mignon (2006) ont par exemple estimé que, sur un échantillon de 59 monnaies entre 1999 et 2004, 92% des monnaies étaient de fait ancrées sur une autre devise. Dans 56% des cas, la monnaie d’ancrage était le dollar, contre 14% pour l’euro et 22% pour les paniers de devises. Pour l’année 2007, Goldberg (2010) trouve que, sur un échantillon total de 207 économies, 96 étaient dollarisées ou avaient leur monnaie ancrée sur le dollar, et huit autres étaient en régime de flottement administré rapport à la monnaie américaine. Ainsi, l’ensemble des économies dont la monnaie est reliée au dollar représentait, en 2007, 36% du PIB mondial hors Etats-Unis. Si l’on ajoute la part des Etats-Unis dans le PIB mondial (25% en 2007), on aboutit ainsi à une « zone dollar » pesant plus de 60% de l’économie mondiale.Au total, le dollar demeure la monnaie dominante (mais non unique) pour les trois fonctions monétaires internationales : moyen de paiement, unité de compte et réserve de valeur.

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Certes, un groupe de pays avancés et de pays émergents ont, dans les années 2000, rompu le lien avec le dollar (…). Cependant, ces mêmes pays se sont montrés dépendants vis-à-vis de la Réserve Fédérale pour la fourniture de liquidités lors de la crise, malgré les accords régionaux et l’extension des facilités de financement du FMI : quelque peu délaissé par temps calme, le dollar a retrouvé sa place centrale au moment de la crise, prouvant par là qu’il était toujours la clé de voûte du système.

Source : CEPII , document de travail, n°2011-04 « Quel système monétaire international pour une économie mondiale en mutation ? »

Document 70 : le coût d’utilisation du dollar

Le marché des changes est aujourd’hui très concentré sur un petit nombre de couples de monnaies échangées. (…) On constate que la majorité des échanges entre l’euro et le yen se font de manière indirecte, en passant par le dollar : le dollar est dit monnaie véhiculaire. Une autre manière de voir ce phénomène est de constater que seules 13% des transactions de change dans le monde ne font pas intervenir le dollar d’un côté ou de l’autre de la transaction. Pourquoi cette suprématie du dollar dans les transactions ? Avant tout pour des raisons de coût. Les coûts de transaction sur le marché des changes se matérialisent par des différences de prix entre le cours d’une monnaie à l’achat et à la vente. (…) Cet écart est plus faible pour les échanges avec le dollar que pour les échanges avec les autres monnaies. La raison est simple : plus une monnaie est échangée, plus les coûts fixes liés à son échange peuvent être amortis sur un grand nombre de transaction. Ainsi, l’avantage du dollar en termes de coût s’auto-entretient : plus le dollar est utilisé dans les transactions, plus faibles sont les coûts de transaction, et donc, plus il est intéressant de l’utiliser comme monnaie véhiculaire. Notons que cela n’a rien à voir avec la valeur du dollar : depuis qu’il a supplanté la livre sterling, après la Seconde guerre mondiale, le dollar a été une monnaie alternativement forte et faible, sans que cela ne remette en cause sa fonction de monnaie véhiculaire. La place dominante du dollar sur le marché des changes est cohérente avec le rôle du dollar comme monnaie internationale. Une monnaie internationale est une monnaie qui remplit les trois fonctions monétaires traditionnelles (unité de compte, moyen d’échange, réserve de valeur) dans un contexte non pas seulement national, mais aussi international.

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.51

Document 71 : les émissions d’actifs sur les marchés américains Comment expliquer la dominance continue du dollar comme monnaie de réserve ? Elle tient à deux facteurs. Le premier est la profondeur des marchés de bons du Trésor américains, en particulier des Treasury bills (T-bills). Le marché des obligations en zone euro, le seul ayant une taille potentielle comparable, n’est pas intégré en raison de la souveraineté budgétaire des États européens. Le second facteur est lié à la sûreté ou fiabilité (perçues) des bons du Trésor américains. Le risque d’érosion de leur valeur par l’inflation, la dévaluation du dollar ou par un défaut de l’émetteur est jugé faible. Ces caractéristiques de sûreté sont directement liées à la qualité institutionnelle perçue des États-Unis et à la capacité budgétaire de l’État américain dont la solvabilité n’est pas, pour le moment du moins, remise en question. Cette solvabilité de l’économie américaine – la plus large du monde – est la condition sine qua non qui permet d’assurer la liquidité internationale des bons du Trésor américains. Elle est d’autant plus importante en temps de crise systémique, où les bons du Trésor américains contribuent à protéger leurs détenteurs des chocs globaux.

Source : rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 38

Document 72 Il existe aujourd’hui environ 150 marchés des changes. En absence de monnaie internationale, la nécessité d’avoir un taux de change bilatéral pour chaque devise conduirait à plus de 11 000 marchés des changes. En réduisant le nombre de marchés des changes, le volume échangé sur chaque marché de change augmente, et les coûts de transaction diminuent. L’avantage du dollar en termes de coût s’autoentretient : plus le dollar est utilisé, plus les coûts de transaction sont faibles, plus le dollar est utilisé … on qualifie cela d’effet de réseau. En outre, les marchés des capitaux des Etats-Unis sont les plus profonds et les liquides au monde, ce qui implique une demande d’actifs libellés en dollar par les agents privés non-résidents et le poids qu’occupe le dollar américain dans les réserves de change des banques centrales.

Document 73 : part du dollar dans les fonctions de monnaie internationale Le dollar apparaît dominant pour toutes les fonctions monétaires internationales, et plus particulièrement dans le secteur bancaire (prêts et dépôts internationaux, réserves des banques centrales). Néanmoins, l’euro représente le quart des encours de prêts et d’obligations internationales, loin devant le yen dont la place dans

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le SMI n’a cessé de reculer depuis les années 1990. L’euro est utilisé comme monnaie de diversification par les grands investisseurs privés (fonds de pension, assurances …) et publics (banques centrales) : détenir des actifs en euros permet d’améliorer le couple risque-rendement du portefeuille.

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.52

Document 74

Le dollar tient le rôle de monnaie internationale pour les agents privés mais aussi pour les banques centrales. Une monnaie internationale remplit les trois fonctions traditionnelles d’une monnaie au niveau national et niveau international. Dollar Fonction d’unité de

compte Fonction d’intermédiaire des échanges

Fonction de réserve de valeur

Pour les agents privés Le dollar est la principale unité de compte des échanges internationaux en particulier sur les marchés des matières premières et de l’énergie

Le dollar est utilisé dans 87% des transactions commerciales

Le dollar est la monnaie de libellé de nombreux investissements

Pour les banques centrales

Le dollar sert de monnaie d’ancrage (81% des monnaies ancrées) ; il est également utilisé dans les régimes de caisses d’émission et de dollarisation ; Les monnaies reliées au dollar représentent 37% du PIB mondial (hors Etats-Unis) ; la « zone dollar » correspond à environ 60% du pib mondial

Les banques centrales se servent du dollar pour intervenir sur les marchés des changes

Le dollar est utilisé dans 61% des réserves officielles des banques centrales

Document 75: le privilège exorbitant de l’émetteur de la monnaie internationale

L’expression de « privilège exorbitant » a été utilisée en 1964 par Valery Giscard D’Estaing, alors ministre des Finances, pour caractériser les avantages que procure la monnaie internationale à son émetteur, à l’époque les Etats-Unis. depuis cette « notion » a évoluée, et elle peut avoir plusieurs significations :

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- Lorsque l’émetteur de la monnaie internationale emprunte auprès d’agents non-résidents, il ne court pas le risque de change puisqu’il emprunte dans sa propre monnaie ; - Lorsque l’Etat cherche à financer son déficit public, les titres émis peuvent être achetés par la Banque centrale. Cette monétisation de la dette publique a un inconvénient : engendrer de l’inflation. Mais lorsque les titres publics sont émis en dollar des agents non-résidents souhaitent les acquérir comme actifs de réserve. Le déficit public devient donc un « déficit sans pleurs », pour reprendre l’expression de Jacques Rueff, car il se fait sans inflation. - Les Etats-Unis empruntent des capitaux, mais investissent aussi à l’étranger. Or, la rémunération du capital dû par les Etats-Unis est inférieure à la rémunération du capital dû aux Etats-Unis car les taux d’intérêt aux Etats-Unis sont inférieurs aux autres taux dans le monde. Les flux entrants de revenus du capital sont supérieurs aux flux sortants de revenus du capital. Cette situation conduit à relativiser l’importance de l’endettement extérieur des Etats-Unis (Gourinchas et Rey, Eichengreen). - Lorsque les agents résidents américains s’endettent en dollars pour financer des investissements réalisés dans d’autres devises, la dépréciation du dollar fait automatiquement augmenter la rémunération de leurs investissements à l’étranger. Lorsque le dollar se déprécie, cela n’affecte donc pas le poids de la dette (absence de risque de change) mais cela fait augmenter la rémunération des créances américaines détenues à l’étranger.

2.2.2 La concurrence de l’euro et du yuan reste pour l’instant limitée

Document 76: la concurrence de l’euro et du yuan reste pour l’instant limitée Le premier concurrent du dollar est l’euro créé en 1999. L’euro se retrouve dans un tiers des transactions de change et pèse environ 30% des réserves de change. C’est la monnaie de la première zone économique mondiale. Pourtant l’euro est une monnaie incomplète (M.Aglietta). En effet, il n’existe pas d’émission de dette publique européenne libellée en euro (il existe une émission de dettes publiques française, allemande … libellées en euros), et les marchés de capitaux européens sont moins développés qu’aux Etats-Unis. La capacité de l’euro à devenir une monnaie de réserve est donc limitée en comparaison du dollar qui s’appuie sur l’émission de titres du Trésor américain et un volume de capitalisation boursière deux fois supérieur à celui de la zone euro. Enfin, il n’existe pas de volonté politique de promouvoir l’euro. La portée de l’euro comme monnaie internationale est donc plus régionale que mondiale. Le second concurrent du dollar est le yuan chinois (ou renminbi : monnaie du peuple). Les autorités chinoises développent, quant à elles, une politique d’internationalisation du yuan en favorisant progressivement son utilisation en dehors des frontières de la Chine. Ainsi, la part du commerce mondial effectuée en yuan est passée de 0% en 2010 à 10% en 2012. La Banque populaire de Chine a conclu des swaps de devises avec des banques centrales étrangères afin de leur fournir de la liquidité en renminibi pour régler des importations provenant de Chine. Les autorités chinoises ouvrent progressivement le compte financier (assouplissent le contrôle des capitaux) en permettant à des investisseurs étrangers de réaliser des opérations en renminbi sur le marché financier chinois depuis Honk Kong. Mc Donald’s a par exemple émis des obligations en renminbi. Néanmoins, l’achat de titres chinois par des non-résidents reste encore très contrôlé, ce qui limite le poids que le yuan peut prendre comme monnaie internationale.

Document 6 La critique du SMI est particulièrement virulente en Chine. En 2009, le gouverneur de la banque centrale chinoise a prononcé un discours remarqué, soulignant la nécessité de faire émerger une alternative au dollar. Outre le développement de l’euro comme monnaie internationale, deux axes peuvent être envisagés : un développement du Droit de tirage spécial (DTS), instrument de liquidité internationale émis et géré par le FMI, et le développement de la monnaie chinoise comme monnaie internationale. La Chine a entamé en 2009 un processus d’internationalisation de sa monnaie – le renminbi (monnaie du peuple). En juillet 2009, un projet de pilote a été mise en place dans cinq villes chinoises pour leur permettre de réaliser leur commerce en renminbi avec Hong Kong, Macao et les pays de l’ASEAN. Ce dispositif a ensuite été étendu, et des accords de swap ont été passés entre la banque centrale de Chine et un certain nombre de banques centrales étrangères afin que ces dernières puissent fournir de la liquidité en renminbi pour financer les importations dans cette monnaie. Parti de zéro en 2009, le commerce en renminbi représentait déjà 8% du commerce total chinois en 2011. Par ailleurs, la réglementation sur les dépôts en renminbi dans des banques situées à Hong Kong a été considérablement assouplie à partir de juillet 2010 et les banques hongkongaises ont été autorisées à offrir des produits d’épargne en renminbi. Les entreprises étrangères ont aussi été

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autorisées à émettre des obligations en renminbi à Hong Kong. L’internationalisation de la monnaie chinoise est retardée par sa convertibilité encore limitée. Pour voir sa monnaie circuler à l’étranger, la Chine doit vendre à des non-résidents des actifs en renminbi. Or les achats d’actifs chinois sont largement contrôlés par le gouvernement et (…) nécessitent une refonte du mode de financement de l’économie dans ce pays. (…) A l’horizon 2025, le renminbi pourrait bien être devenu une véritable monnaie internationale aux côtés du dollar et- si sa crise est surmontée – de l’euro. En bref, 40 ans après l’abandon du régime d’étalon dollar-or, la monnaie américaine continue de jouer un rôle clé, en particulier comme moyen d’échange et comme monnaie de financement des banques. Une diversification est en cours au travers de l’euro et de l’émergence très progressive de la monnaie chinoise. Cette tendance est cohérente avec la multi-polarisation de l’économie mondiale.

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.55-56

2.2.3 Les limites intrinsèques du dollar

Document : si les Etats-Unis sont, un fois pour toutes, le seul pays qui émet la monnaie de réserve mondiale, il faut que la quantité de monnaie disponible dans le reste du monde soit « convenable ». cela signifie qu’ils doivent accepter de faire croître leur dette extérieure à un rythme compatible avec la demande de dollars dans le reste du monde et donc renoncer du même coup au « seigneuriage » international (capacité à financer sans difficulté son déficit extérieur, ou dit autrement, à acheter des biens au reste du monde en les payant par des actifs en dollars qu’ils émettent eux-mêmes, le privilège de la monnaie de réserve). (…) Le rétablissement de la confiance dans le billet vert imposerait donc théoriquement aux Etats-Unis la mise en place de politiques économiques de nature à réduire le rythme d’accumulation de la dette extérieure (politique monétaire moins expansionniste et politique budgétaire plus économe).

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p. 78-80

Document 11

Les observations précédentes indiquent l’émergence d’une version moderne du dilemme de Triffin. Dans les années soixante, Robert Triffin identifia une faiblesse fondamentale du système de Bretton Woods. (…) La forte croissance de l’économie mondiale stimule la demande d’actifs libellés en dollar. Mais la capacité (…) des États-Unis (à être solvable) a vocation à diminuer par rapport à la taille de l’économie mondiale. Au-delà du régime de taux de change, c’est bien la capacité à fournir la liquidité en période de tensions sur l’économie mondiale qui définit l’émetteur de la monnaie de réserve. Cette capacité dépend de la capacité fiscale. Dans un monde élargi, les États-Unis seront donc amenés inéluctablement à perdre le monopole de la monnaie de réserve. Nous allons donc entrer, plus ou moins rapidement, mais inéluctablement, dans un monde multipolaire.

Source : rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 62

Document 77 : les limites intrinsèques du dollar Si la suprématie du dollar doit reculer c’est sans doute plus en raison de limites intrinsèques qu’en raison de la concurrence de l’euro et du yuan. En contrepartie de la fourniture de la monnaie internationale, les Etats-Unis émettent des actifs et augmentent leur dette vis-à-vis du reste du monde, notamment la dette publique de l’Etat fédéral. Cette situation soulève à terme deux difficultés : la première rappelle le paradoxe de Triffin : les Etats-Unis émetteur de la monnaie internationale sont-ils en mesure de faire face à un endettement extérieure croissant ? la seconde est plus pragmatique : le rythme de creusement du déficit public américain peut-il suivre celui des besoins en dollars de l’économie mondiale ? Dit autrement, la fourniture de la liquidité internationale par les Etats-Unis va se heurter à des limites, nous serions alors face à une « pénurie » de dollars, qui va pousser les agents non-résidents à utiliser d’autres monnaies, en l’occurrence l’euro en Europe et le Yuan en Asie. La régionalisation des échanges depuis 2010 renforce cette hypothèse. Nous nous dirigerions donc vers un monde multipolaire et multimonétaire.

Document 66

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Source : CEPII , document de travail, n°2011-04 « Quel système monétaire international pour une économie mondiale

en mutation ? »

3. Les dysfonctionnements du SMI depuis 1976

3.1 Des crises du SMI qui n’empêchent pas la dynamique des échanges et la

mondialisation de progresser

3.1.1 Volatilité des taux de change et coopération internationale

Document 78 Le premier événement marquant de volatilité des taux de change est celui de la hausse du dollar au début des années 1980, puis son effondrement en 1986. La hausse du dollar (+50% en quatre ans) provoquée par le changement de politique monétaire opéré par Paul Volcker (1979) conduit les banquiers centraux et les ministres des finances du G5 à une action coordonnée : ce sont les accords du Plaza (1985). Mais l’atterrissage du dollar se fait tout sauf en douceur, et il faut un nouvel accord en 1987, celui du Louvre, pour stopper cette fois l’effondrement du billet vert. Le second événement est celui de la chute de l’euro entre 1999 et 2002 qui nécessite elle aussi une action coordonnée des grandes banques centrales. Bien que les régimes de change soient flottants, force est de constater que, dans certaines circonstances, les banques centrales coopèrent pour agir sur le taux de change. Il y a donc une forme de surveillance et de coopération au sein du SMI qui est ponctuelle et pragmatique.

Document 79 : volatilité du cour du dollar

Document 80 : la coopération internationale (le rôle du G7)

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Dans les faits, il n’y a eu de coopération active qu’au milieu des années 1980, au moment où le dollar se trouvait au sommet d’une bulle spéculative qui risquait d’éclater et de provoquer une grave crise de change. C’est dans cette situation que l’accord du Plaza est signé en septembre 1985 à New York par les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des pays du G5. On assiste à un revirement de la part des Etats-Unis qui acceptent pour la première fois, de participer activement à des interventions concertées sur le marché des changes afin de provoquer une baisse graduelle du dollar. Puis lors du sommet de Tokyo en mai 1986, il est décidé qu’une surveillance multilatérale renforcée sera exercée entre les membres du G7 et que celle-ci reposera sur des indicateurs objectifs (balance des paiements, croissance, inflation …). L’accord du Louvre, à Paris en février 1987, a pour objectif cette fois d’enrayer la baisse du dollar. La coopération fait un pas de plus en introduisant la notion de zones-cibles inspirée de la proposition présentée par Williamson en 1983 (théorie du taux de change d’équilibre fondamental). Il s’agissait de fixer une grille de taux de change entre les principales monnaies, les parités ciblées étant entourées par une bande de fluctuation autorisée de 5 % à 10% . Les modifications substantielles subies par les taux de change par la suite montrent que les zones-cibles n’ont guère été respectées. Depuis ces trois sommets qui ont constitué le point d’orgue de la coopération monétaire internationale, une coopération minimal et pragmatique s’est instaurée sur la base de trois principes essentiels :

- tenter d’apporter un remède efficace aux situations extrêmes sur le marché des changes ; à défaut d’un réglage fin des dysfonctionnements, organiser l’intervention d’un « pompier », ce qui fût le rôle du FMI lors des crises du peso mexicain (1994), des monnaies asiatiques (1997), du rouble russe (1998), du réal brésilien (1999) et du peso argentin (2001) ;

- ne pas mettre en danger la liberté des échanges et si possible augmenter celle-ci ; - susciter des politiques de stabilité macroéconomiques chez les grands pays industrialisés.

Source : D.Plihon « Les taux de change », La découverte, 2010, p.110

Document 81 : l’atterrissage du dollar avec les accords du Plaza

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.172

Document 82 : remplir tableau Volatilité du taux de change à court terme

Eléments explicatifs Exemples Objectif de la coordination internationale

3.1.2 Les crises de change

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Document 83

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.204

Document 84 : trois types de crise de change

Il y a crise de change lorsque le taux de change d’une monnaie se déprécie, ou est dévalué, de plus de 15% dans l’année. On distingue trois types de crises de change. Les crises de première génération (ex : Mexique 1994) sont provoquées par un déséquilibre croissant de la balance des paiements qui nécessite l’intervention de la Banque centrale pour défendre une parité fixe. Les réserves de change s’épuisent, la crainte d’une dévaluation se développe, les capitaux quittent le pays ce qui assèche définitivement les réserves de change et conduit à la dévaluation. Les crises de deuxième génération (ex : sortie de la livre sterling du SME en 1992) sont provoquées par la défiance des investisseurs vis-à-vis de la politique monétaire. Lorsque les investisseurs anticipent l’inflation parce qu’ils jugent la politique monétaire trop expansionniste, ils anticipent une dévaluation du taux de change. Un mécanisme autoréalisateur se met alors en marché : anticiper la dévaluation provoque la dévaluation. Les crises de troisième génération (ex : Asie 1997-1998) articulent crise de change et crise bancaire (on parle de crise jumelle). Un reflux soudain d’investissements étrangers (sudden stop) provoque des pressions à la baisse sur le taux de change et une spéculation sur une probable dévaluation. Une fois la dévaluation réalisée, le montant des dettes contractées en devises étrangères (en dollars) explose. Si les emprunteurs sont des banques domestiques cela provoque alors une crise bancaire, qui renforce la défiance envers l’économie.

Document 85 : les conséquences des crises de change Après la seconde guerre mondiale, le SMI connaît une accalmie des crises de change avec le régime de Bretton Woods. Mais les crises de change deviennent très fréquentes dans les années 1980 (en association avec des crises de dettes souveraines notamment en Amérique latine) et 1990 (période de libéralisation des flux de capitaux internationaux). Le début des années 2000 est plus calme, mais la crise financière mondiale de 2008-2009 s’accompagne de nombreuses crises de change. Pourquoi s’intéresser aux crises de change ? Parce qu’elle sont coûteuses, en termes d’activité notamment. (…) Le coût d’une éventuelle crise (…) couvre trois aspects : - Une crise de change est une crise de balance des paiements : les marchés financiers cessent de financer le déficit courant du pays, ou bien ils retirent leurs investissements préalablement réalisés dans ce pays. Cet arrêt des financements (sudden stop) est très coûteux en soi (notamment l’investissement diminue). Il signifie que le solde extérieur courant doit se redresser très rapidement par une combinaison de dévaluation monétaire et de contraction de l’activité ; - La dévaluation de la monnaie provoque une (ou aggrave la) crise de l’endettement : les dettes libellées en monnaies étrangères deviennent plus lourdes par rapport au revenu national exprimé en monnaie nationale. Ceci vaut pour les dettes souveraines (dettes des Etats) mais aussi pour les dettes bancaires, notamment si, comme c’était le cas en Asie de l’Est dans les années 1990, l’actif des banques est libellé en monnaie nationale tandis que le passif est en monnaie étrangère. La crise de change peut alors provoquer une

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crise bancaire très coûteuse dans la mesure où elle stoppe le financement des entreprises (trésorerie, commerce international, investissement) ; - La lutte contre la dévaluation par les interventions de change et la hausse du taux d’intérêt est également coûteuse. Pour faire face à une attaque spéculative, la banque centrale doit fortement relever le taux d’intérêt, ce qui peut contribuer à asphyxier l’économie.

Source : Agnès Benassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Eco., Economica, 2014, p.172 Question :

1) les conséquences d’une crise de change (remplir le tableau) :

Document 86

Source : lettre du Cepii « Pays émergents : quelle protection contre le risque de sudden stop ? » Août 2016

Document 87 : crise de change et intervention du FMI

Crise de la balance des paiements : sudden stop (arrêt brutaux des entrées de capitaux)

Dévaluation interne : comprimer le demande intérieure

Dévaluation externe : stimuler la demande extérieure

Conséquence : rétablir le compte courant pour ne plus être en position de besoin/capacité de financement

Comment ? Comment ?

Conséquences négatives : Conséquences négatives :

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Lorsqu’une crise de change s’accompagne d’un reflux des capitaux, cela provoque une crise de la balance des paiements puisque les entrées de capitaux ne viennent plus compenser le déficit courant. Dans ce cas de figure, le Fonds Monétaire International intervient pour fournir la liquidité internationale. La contrepartie de cette aide est la mise en œuvre de plans structurels visant à éliminer les déséquilibres. Les interventions du FMI se sont inscrites à partir des années 1980 dans ce que Williamson a appelé le Consensus de Washington, en référence aux politiques prônées conjointement par le FMI et la Banque mondiale. Ces réformes mettent l’accent sur la libéralisation des échanges et la dévaluation interne. Mais leurs résultats en terme de croissance sont peu probants. Cela a eu pour conséquence de voir de nombreux pays ayant adopté des régimes de change fixe, comme les pays émergents, se détourner du FMI et chercher à se protéger eux-mêmes contre des crises de change. Ils le font en accumulant des réserves de change, mais aussi en créant une Nouvelle Banque de Développement (NBD ; sommet de Fortaleza, 2014) dont le siège est à Shanghai. Ses missions : financer la croissance des émergents et jouer le rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise de change ; cette NBD est donc un concurrent du Fonds monétaire international. Depuis 2007, on constate néanmoins un changement assez net de d’orientation générale du FMI.

Document 88 : les programmes d’ajustements structurels menés par le FMI La contrepartie de l’aide financière du FMI a été un durcissement du programme d’ajustement basé sur la constitution d’un surplus budgétaire, des politiques de crédit très restrictives et un programme drastique de restructuration du secteur financier (fermeture de banques) et une reprise en main du contrôle de l’ensemble du secteur (contrôle prudentiel, réglementations comptables). (…) Le FMI a fait l’objet de vives critiques pour son action lors des crises des marchés émergents. (…) La contraction budgétaire et la rigueur de la politique monétaire auraient été trop poussées. (…)

Source : H.Bourguinat, J.Teiletche et M.Dupuy « Finance internationale », Dalloz, 2007

Document 89

Source : H.Bourguinat, J.Teiletche et M.Dupuy « Finance internationale », Dalloz, 2007

Document 90 : le développement des réserves de change

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Source : rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 38

Document 91 : les risques de sudden stop réapparaissent depuis 2015

Les crises financières des pays asiatiques en 1997 et 1998 ont révélé l’importance pour les pays émergents d’accumuler des réserves de change, principalement dans le but pour eux de se protéger face à des chocs externes tels que des fuites de capitaux massives (sudden stop). Dès 2015, avec le resserrement de la politique monétaire de la Réserve Fédérale américaine, la tendance à l’accumulation de réserves s’est inversée et l’on observe depuis une baisse de leur niveau global, notamment en Chine. Or la réduction des réserves internationales est l’un des principaux signes avant-coureurs (early warning indicators) des crises financières. Parallèlement, les pays émergents ont accru leur endettement en devises étrangères. Rendus ainsi plus vulnérables, les pays émergents sont d’autant plus sensibles aux annonces de la Réserve Fédérale américaine quant à l’évolution de la politique monétaire, comme en 2013 lorsque la volatilité des flux de capitaux avait subitement augmenté à la suite de la fin annoncée de la politique d’assouplissement monétaire (taper tantrum). (…) Le faible niveau des réserves de change dans les pays émergents les rend particulièrement vulnérables à un risque de sudden stop et accroît le risque de contagion des crises financières.

Source : lettre du Cepii « Pays émergents : quelle protection contre le risque de sudden stop ? » Août 2016

3.1.3 Malgré ces crises, la mondialisation économique et financière progresse

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Document 92

Malgré ces crises, le SMI fonctionne car il permet l’essor des échanges commerciaux et les flux de capitaux entre économies. Les situations de « crises » sont gérées, de manières ponctuelles mais efficaces, dans le cadre d’institutions internationales (FMI, Banque mondiale, Banque des règlements internationaux, OMC) ou dans le cadre du G5 ou du G20. Jusqu’à la fin des années 1990, le SMI n’est donc pas « anomique ». Comme l’écrit Jacques Mistral dans « Guerre et paix entre les monnaies » (2014) « l’affaiblissement du leadership américain, les chocs pétroliers, les crises de la dette dans les pays émergents, le retour de « l’Amérique » et la nouvelle économie, l’effondrement du bloc soviétique, la montée des NPI. Malgré tous ces chocs, l’économie internationale n’a pas cessé d’avancer depuis les années 1970 pour déboucher sur une seconde mondialisation ».

Document 93 : SMI et dynamique de la mondialisation Le système monétaire international en place a favorisé l’expansion phénoménale de l’activité économique, des échanges commerciaux et de l’intégration financière à l’échelle de la planète : depuis 1970, le PIB mondial a crû annuellement de plus de 3 % en moyenne; le commerce entre pays, de près de 6 %; et le montant brut des actifs et passifs extérieurs, de plus de 9 %. Surtout, cette poussée est allée de pair avec l’intégration de la Chine et de l’Inde — qui comptent près du tiers de la population du globe — à l’économie mondiale. Entre 1980 et 2010, l’économie chinoise est passée du douzième au deuxième rang en importance et sa taille a été multipliée par plus de douze. La mondialisation, en particulier le commerce international et les investissements directs étrangers, a permis à la Chine non seulement de bénéficier d’un accès aux marchés, de transferts de technologies et d’une spécialisation accrue, mais aussi de tirer parti de l’avantage comparatif qu’elle possède dans la fabrication de produits à forte intensité de main-d’œuvre. Malgré les crises bancaires, de dette souveraine et de change que le système monétaire international a dû affronter depuis l’abandon des accords de Bretton Woods, il est généralement bien parvenu à appuyer la croissance des échanges commerciaux et des flux de capitaux.

Source : E.Santor et L.Schembri « Le système monétaire international : évaluation et pistes de réforme », revue de la Banque du Canada, automne 2011

Document 94 : un SMI plus instable mais encore régulé

La fin du système de Bretton Woods n’a pas conduit à un « non-système monétaire international ». Il existe bien un système monétaire international, mais il n’est pas organisé de façon systématique dans le cadre d’un accord international. La régulation du système résulte de multiples ajustements entre marchés et institutions (FMI, Banque mondiale, Banque des règlements internationaux ; G5 ou G20 ; comité de Bâle …). (…) Si la situation des paiements internationaux n’est pas anomique, elle est plus instable que dans le système de Bretton Woods et s’accompagne d’une montée du risque systémique.

Source : Dictionnaire de science économique, A.Colin, 2010, p.221

Document 95 : la capacité d’absorption des chocs du SMI jusqu’aux années 1990 Contrairement à une formulation fréquente, il n’est pas exact de résumer le quart de siècle qui suivit la rupture du lien formel entre l’or et le dollar (1971) en parlant d’un « non-système » du moins jusqu’aux années 1990. Les changes flottants ont procuré à l’économie internationale pendant 25 ans une étonnante capacité d’adaptation face à la succession de défis sans précédent : l’affaiblissement du leadership américain, les chocs pétroliers, les crises de la dette dans les pays émergents, le retour de « l’Amérique » et la nouvelle économie, l’effondrement du bloc soviétique, la montée des NPI. Malgré tous ces chocs, l’économie internationale n’a pas cessé d’avancer depuis les années 1970 pour déboucher sur une seconde mondialisation (seconde phase de la seconde mondialisation dans la typologie de S.Berger).

Source : Jacques Mistral « Guerre et paix entre les monnaies », Fayard, 2014, p.68 Question :

1) remplir tableau Le SMI jusqu’au milieu des années 2000 fonctionne 1) Commerce international 2) Circulation mondiale des

capitaux productifs 3) Coopération et coordination internationale

Arguments

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3.2 Depuis le début des années 2000 : le SMI tend à devenir un non-système monétaire international

3.2.1 Un système monétaire doublement hybride qui conduit à des stratégies non-

coopératives

Document 96 : la coexistence des régimes monétaires Le régime actuel n’est déjà plus un système « pur » centré sur le dollar et ne se dirigera sans doute pas vers une multipolarité « pure » à l’avenir. L’observateur est ainsi confronté au fonctionnement de systèmes hybrides. (…) La comparaison de deux systèmes schématiques peut cependant s’avérer fructueuse (…). Nous nous intéressons ainsi à deux systèmes clairement différenciés : 1. Un système hégémonique dans lequel une seule monnaie sert d’ancrage et de réserve de valeur à tous les pays, qui gèrent leur taux de change par rapport à elle. Différents degrés de fixité du change peuvent être considérés dans ce cadre, avec les conséquences que ces politiques impliquent pour la liberté des mouvements de capitaux. Ce système se rapproche du régime dit « Bretton Woods II » (Dooley, Folkerts-Landau et Garber (2004)) ; 2. Un système multipolaire fondé sur la coexistence de plusieurs monnaies-clés en régime de flottement les unes par rapport aux autres, avec parfaite mobilité des capitaux. Les monnaies clés peuvent à leur tour servir d’ancrage régional pour des pays périphériques qui, dans ce cas, maintiennent des contrôles de capitaux pour soutenir leurs régimes de change fixe ou abandonnent leur souveraineté monétaire dans le cadre d’une dollarisation ou d’une participation à une union monétaire. Les pays périphériques peuvent aussi choisir le flottement avec une mobilité des capitaux qui peut être ponctuellement limitée face à une volatilité perçue comme excessive. Le régime actuel emprunte à chacun des deux systèmes : il comporte davantage de flottement que le régime 1 (hégémonique) mais est moins symétrique que le régime 2 (multipolaire).

Source : CEPII , document de travail, n°2011-04 « Quel système monétaire international pour une économie mondiale en mutation ? », p.24

Document 97 : la cohabitation de deux logiques opposées font du SMI un non-système monétaire international (J.Mistral, premier extrait)

(Dans les années 1990) prenaient forme deux changements radicaux : la naissance d’une nouvelle monnaie internationale, l’euro, non pas une rivale du dollar mais offrant une réelle alternative, ce que n’avaient jamais été ni le franc, ni le mark, ni le dollar vis-à-vis de la livre avant 1914, et l’émergence d’une puissance la Chine, pas encore rivale, mais concurrente non seulement sur le terrain économique mais aussi géopolitique. L’état du monde du début du 21ième siècle mérite sur le plan financier et monétaire la caractérisation de « non-système » : dans un monde financiarisé, unifié par des courants commerciaux plus intenses que jamais, mais aussi par des déséquilibres internationaux sans précédent, on voit coexister sur le plan monétaire deux logiques, celle des marchés libres et des changes flottants d’un côté, celle des transactions administrées et des changes fixes de l’autre.

Source : Jacques Mistral « Guerre et paix entre les monnaies », Fayard, 2014, p.68

Document 98 : la cohabitation de deux logiques opposées font du SMI un non-système monétaire international (J.Mistral, deuxième extrait)

L’état du monde depuis quinze ans est en effet marqué par l’irruption de la Chine qui a une nouvelle fois changé la donne en nous ayant fait entrer, pour le coup, dans un véritable non-système. L’économie mondiale du XXIième siècle fonctionne, en effet, à ce stade en juxtaposant deux logiques : celle des changes flottants et de la liberté des mouvements de capitaux, d’un côté, et celle de la manipulation du taux de change et de l’accumulation des réserves, de l’autre. Pour ainsi dire, la question du yuan est aujourd’hui l’équivalent de Checkpoint Charlie à l’époque de la confrontation entre l’URSS et l’Occident ; il s’agit bien sûr aujourd’hui d’une confrontation pacifique, mais le yuan est aussi le point de contact de deux logiques bien distinctes, c’est là que se rencontrent l’économie de marché et l’économie contrôlée. Contrairement à Checkpoint Charlie, le yuan n’est pas prêt de disparaître et la Chine, comme chacun sait, pèse d’un poids déterminant dans les affaires monétaires mondiales.

Source : commentaires de Jacques Mistral, rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 117

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3.2.2 Flux financiers internationaux, accroissement de la liquidité aux Etats-Unis et crise financière systémique

Document 99

Depuis le début des années 2000, on observe très clairement le creusement des déséquilibres financiers internationaux et d’important flux de capitaux entre les pays. Or, il existe une économie qui absorbe massivement les capitaux venus du monde entier : il s’agit des Etats-Unis. Les Etats-Unis accueillent les capitaux provenant de PDEM mais aussi la demande privée d’actifs financiers stables des pays émergents dont les ménages ont besoin de pouvoir transférer dans le temps, avec le moindre risque possible, leur pouvoir d’achat pour faire face à des dépenses futures de santé, de retraite, d’éducation. Les économies productrices de matières premières cherchent aussi à recycler des pétrodollars et à constituer un « trésor de guerre » pour les générations futures. Ces pays n’ont pas les systèmes financiers capables d’utiliser ce surplus d’épargne. Le surplus mondial d’épargne s’oriente donc vers les Etats-Unis qui possèdent deux caractéristiques : le plus grand marché mondial des capitaux et la monnaie de réserve internationale. C’est la thèse développée par Ben Bernanke. En conséquence, malgré un déficit commercial abyssal, le dollar ne se déprécie pas car les actifs libellés en dollars sont demandés par des agents non-résidents pour constituer des réserves dans la monnaie internationale. Patrick Artus qualifie cette situation de « Bretton Woods inversé ». Enfin, certains économistes, comme Henri Bourguinat, voient même un « grand arrangement » entre les Etats-Unis et la Chine. La Chine adopte un système de change fixe, ancre sa monnaie sur le dollar, et accumule des réserves de change pour éviter une appréciation du yuan qui handicaperait ses exportations (cet ancrage du yuan sur le dollar conduit Dooley, Folkerts-Landau et Garber (2004) à qualifier cette situation de système « Bretton Woods II »). Ces réserves de change sont libellées en dollar, ce qui permet en contrepartie aux Etats-Unis de financer leur déficit courant extérieur mais aussi de maintenir les taux d’intérêt de long terme très faibles, afin de soutenir la consommation et la demande intérieure. Dans un contexte d’innovations financières, ce surplus d’épargne mondial est recyclé dans le marché des capitaux américains et a provoque l’apparition de cycles financiers. C’est ce que l’on observe très clairement au début des années 2000, avec l’apparition d’un cycle qui s’achève par la crise des subprimes en 2007. Les caractéristiques du SMI contemporain (dollar comme monnaie internationale ; ancrage d’une partie des monnaies sur le dollar ; liberté des mouvements de capitaux ) conduisent à des déséquilibres importants des balances des paiements, qui alimentent à leur tour le dysfonctionnement du système financier international.

Document 100 : la hausse de l’endettement extérieur des Etats-Unis

Source : rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 38

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Document 101 : l’épargne mondiale se dirige vers les Etats-Unis Après 1999, les déséquilibres macroéconomiques mondiaux s’aggravent fortement. Rappelons qu’un solde courant négatif se traduit par une demande nette de capitaux, tandis qu’un solde positif est synonyme d’un excès d’épargne, ce qui signifie que l’épargne intérieure est supérieure à la demande d’investissements intérieure. Au niveau mondial, toutefois, la demande et l’offre de capitaux s’équilibrent. Du côté de la demande, le point essentiel est la forte augmentation du déficit courant américain : la demande d’investissements excède très largement la capacité d’épargne des américains (ménages, entreprises et Etat). (…) Mais de façon assez surprenante, alors que l’augmentation du déficit courant se traduit par une augmentation de la demande nette de capitaux, les taux d’intérêt réels à long terme diminuent, prolongeant la tendance amorcée au début des années 2000, quand l’éclatement de la bulle Internet a réduit les investissements et les perspectives de croissance. (…) Il aurait pourtant été plus naturel que les taux d’intérêt réels augmentent afin de réduire l’investissement et d’encourager l’épargne intérieure. Comment se fait-il donc que les taux aient diminué ? La raison tient en fait à des changements dans les comportements d’épargne et d’investissement des autres pays. Depuis 2000, les excédents courants en Russie, au Moyen-Orient, dans les NPI et surtout en Chine ont fortement progressé. Même l’Afrique dégage un surplus. Les raisons sont âprement discutées. Mais tout le monde s’accorde à mettre l’accent sur la montée en puissance de la Chine, en particulier depuis son adhésion à l’OMC en 2001. La croissance économique y est incroyablement forte depuis au moins une dizaine d’années, ce qui n’est pas sans poser de problèmes de cohésion sociale. Dans ce contexte, les autorités chinoises choisissent la prudence ; d’une certaine manière, ces excédents peuvent s’interpréter comme une forme d’épargne de précaution. En même temps, la croissance aux Etats-Unis est, jusqu’au début 2007, assez forte. On observe aussi de graves tensions sur le marché des matières premières et agricoles. Les pays exportateurs voient donc leurs revenus monter en flèche. (…) Echaudés par les crises à répétition de la fin des années 1990 et du début des années 2000, les pays émergents hésitent à se lancer dans des investissements trop coûteux. En outre, au Japon, en raison de l’incertitude qui pèse sur la reprise économique, les investissements y sont moins élevés. Il en résulte une accumulation de réserves officielles par les pays émergents, dont une grande part est en dollars. En résumé, l’augmentation de l’offre d’épargne, couplée avec une baisse généralisée de la demande d’investissement en dehors des Etats-Unis, fait plus que compenser la hausse du déficit américain, ce qui conduit à une baisse des taux d’intérêt.

Source : Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 595-596

Document 102: demande internationale (provenant des émergents) pour des titres (actifs) sûrs

il faut observer que le développement économique des pays émergents précède souvent leur développement financier. La croissance économique induit naturellement une demande privée d’actifs financiers stables chez les ménages des pays émergents, et ce afin de pouvoir transférer à moindre risque leur pouvoir d’achat dans le temps et subvenir à leurs besoins (retraite, santé, éducation, acquisition de logement). La croissance induit aussi une demande publique d’actifs sans risque dans une perspective intertemporelle, en particulier, chez les pays producteurs de matières premières, afin de lisser leurs recettes et de constituer un « trésor de guerre » pour les générations futures selon un mécanisme bien connu de « recyclage des pétrodollars ». Or, les marchés financiers de nombreux pays émergents offrent peu d’actifs locaux véritablement sans risque, un déficit attribuable en partie à un sous-développement institutionnel. Dans le contexte d’une économie financière globalisée, cet excès de demande d’actifs sûrs se dirige vers les marchés financiers des pays développés et alimente la demande pour les actifs de réserve de la zone dollar.

Source : rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 59

Document 103: le SMI est un « Bretton Woods inversé » A l’origine, le système de Bretton Woods comportait une force de rappel : un pays dont la monnaie s’affaiblissait (avec les déficits extérieurs, les sorties de capitaux) devait impérativement la stabiliser. Dans un premier temps, il pouvait toujours espérer le faire en jetant ses réserves de change dans la bataille, mais, si abondantes soient-elles, les réserves étant pas définition limitées, il était rapidement contraint de prendre des mesures structurelles de rééquilibrage, de mettre en œuvre une politique monétaire restrictive, voire de dévaluer sa monnaie pour obliger les acteurs de l’économie nationale à épargner davantage. Le système a craqué lorsque les Etats-Unis ont refusé précisément de mener une politique monétaire plus restrictive pour stabiliser le dollar après les années 1960-1970. (…) Le système de Bretton Woods imposait un biais restrictif. Il en est mort.

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Le système qui lui a succédé fonctionne dans l’autre sens. Pour cette raison, on l’a baptisé « Bretton Woods inversé ». Lorsque les Etats-Unis affichent un déficit extérieur, les pays excédentaires (émergents, exportateurs de pétrole) achètent des actifs en dollars et engrangent des réserves de change pour soutenir le billet vert. Pekin a ainsi accumulé de fabuleuses réserves de change, les plus importantes du monde, pour un montant de plus de 2100 milliards de dollars, et les pays producteurs de pétrole pour environ 500 milliards de dollars (début 2009). On a parfois entendu qu’il s’agirait là du résultat d’une attraction aussi légitime du capital mondial vers les Etats-Unis (grâce au niveau technologique, au financement de l’innovation , à la profondeur des marchés financiers). Nous pensons surtout qu’il s’agit de l’attraction forcée des flux de capitaux internationaux vers les Etats-Unis afin de stabiliser les taux de change. Un système où le dollar est à la fois monnaie de réserve et monnaie de facturation dominante permet en effet aux Etats-Unis d’utiliser sans complexe le droit de « seigneuriage », autrement dit d’afficher en permanence un déficit extérieur (6% de PIB début 2009) lequel se traduit finalement par une dette importante mais aisément finançable grâce au rôle du billet vert comme monnaie de réserve internationale. La dette extérieure est détenue jusqu’à preuve du contraire sans difficulté particulière soit par des investisseurs privés qui accumulent la monnaie de réserve mondiale, soit par les banques centrales qui engrangent ces actifs en dollars dans leurs réserves de change pour éviter la chute de la monnaie américaine et, du même coup, l’appréciation intempestive de leur propre monnaie.

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p. 78-80

Document 104 : l’arrangement « compétitivité / financement »

Depuis le début du 21ième siècle, la clé de voûte de l’équilibre du SMI s’est déplacée. Elle concerne désormais ce que l’on a aussi appelé un « great deal » entre l’Asie et les Etats-Unis. C’est un accord conclu sur une base de « donnant-donnant », et qui, en cela procure des avantages réciproque aux deux parties non sans toutefois poser de sérieux problèmes au fur et à mesure qu’il perdure. L’Asie s’est entendue avec l’Amérique et lui a proposé un accord en fait fort simple : « garantissez-nous la compétitivité de nos exportation en faisant en sorte que le dollar ne se déprécie pas vis-à-vis de nos monnaies. En contrepartie, nous vous finançons ». Ce qui intéresse en premier lieu les chefs asiatiques, c’est que leurs monnaies ne s’apprécient pas (ou le moins possible) par rapport au dollar. Il y a va de la capacité à maintenir le rythme de croissance de leurs ventes à l’étranger alors qu’ils ont fait le choix décisif d’une croissance « tiré vers l’exportation ». celui-ci s’impose de par l’énorme réserves de main d’œuvre qu’ils transfèrent du secteur rural au secteur urbain et qu’ils ont un besoin impérieux d’employer dans l’industrie. (…) Afin que leurs monnaies ne se réévaluent pas trop rapidement vis-à-vis du dollar, les pays d’Asie ne vont pas hésiter à intervenir massivement sur le marché des changes en achetant du dollar. Il faut dire, que l’accumulation extrêmement rapide des réserves de change en dollars, les y incite puissamment. (…) Cette véritable fringale des créanciers asiatiques qui n’ont ainsi pas hésité à se gorger de titres en dollars pour prévenir ou limiter l’appréciation de leurs monnaies a abouti à un mécanisme de véritable prise en charge du financement du déficit extérieur américain. Ainsi pour une année comme 2003, 64% du déficit courant américain a été couvert par les banques centrales asiatiques sur un total de 76% assurés par l’ensemble des banques centrales au niveau mondial. (…) L’échange de bons procédés « compétitivité contre financement » a bien fonctionné entre 2002 et 2005. Chaque partie y a trouvé un net avantage. (…) Au chapitre des effets positifs, on note que les pays asiatiques en ont retiré des avantages commerciaux considérables. (…) Dans le cas de la Chine notamment, les résultats sont spectaculaires. (…) du côté des Etats-Unis, les bénéfices tirés du deal ont été également forts importants, en particulier sur le plan des taux d’intérêt. Le fait de pouvoir palier l’insuffisance d’épargne interne par celle de l’étranger a joué le plus grand rôle. C’est par ce biais que les Etats-Unis ont pu ne pas avoir à augmenter leurs taux d’intérêt. Tout au long des années 2001-2004, ils ont eu la capacité de faire une politique de taux extrêmement bas. (…) Hors d’une politique d’achat systématique des banques centrales asiatiques, et donc si celles-ci ne s’étaient pas portées acquéreurs des obligations américaines, les autorités américaines n’auraient pas à l’évidence pu éviter d’offrir des taux d’intérêt plus élevés pour tenter de stimuler l’épargne interne.

Source : H.Bourguinat, J.Teiletche et M.Dupuy « Finance internationale », Dalloz, 2007, p.370

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Document 105 : l’afflux de capitaux aux Etats-Unis génère un cycle du crédit et une crise bancaire et financière (qui impacte l’économie « réelle »)

Avec des prévisions de croissance incertaines en Europe et au Japon, la résolution du déficit extérieur américain est un vrai dilemme. Des mesures visant à réduire la consommation et l’épargne, comme une contraction budgétaire, provoqueraient un ralentissement de l’économie américaine, principal moteur de la croissance économique mondiale. Mais, le reste du monde n’est pas disposé à financer éternellement le déficit américain, particulièrement s’il craint une dépréciation du dollar. D’autant que ce déficit est en grande partie financé par les banques centrales asiatiques qui ont ancré leurs monnaies au dollar. Les Etats-Unis se trouvent dans une situation qui, pour beaucoup d’observateurs, apparaît de plus en plus instable. Cette instabilité latente s’est finalement matérialisée au cours de l’été 2007 avec le début de la crise financière mondiale. Cette crise trouve son origine dans le dysfonctionnement du marché des crédits hypothécaires aux Etats-Unis. A noter que contrairement aux crises qui ont émaillé les années 1980-1990, la crise ne concerne pas directement les pays en développement. Un des éléments clés à l’origine de la crise est le niveau anormalement bas (pour une économie en croissance) des taux d’intérêt réels à long terme, qui a alimenté la hausse des prix de l’immobilier aux Etats-Unis, comme dans de nombreux autres pays. (…) Un niveau aussi faible des taux d’intérêt réels ne pouvait pas durer éternellement. (…) Quand les taux d’intérêt commencent à monter après 2005, de nombreux emprunteurs américains sont incapables d’honorer leurs engagements. On assiste alors à une augmentation des défaillances sur les prêts immobiliers. (…) A la fin de l’été 2008, la banque d’affaires Lehman Brothers fait faillite. La panique s’empare des marchés boursiers et la crise atteint son paroxysme. (…) Ainsi la crise a-t-elle changé de nature, on est passé d’une crise immobilière à une crise bancaire, suivie d’une crise boursière, puis une crise économique et sociale ; on est désormais face à une crise de solvabilité des Etats. Les déséquilibres mondiaux des comptes courants se réduisent, mais reste significatifs. Le déficit américain, par exemple, tombe à environ 3% du PIB du fait principalement de la baisse de la consommation des ménages (et ce, en dépit de la forte augmentation du déficit public). La récession mondiale réduit également les exportations chinoises.

Source : Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 598-599

Document 106 : déséquilibres mondiaux et surliquidité mondiale

Depuis l’apparition de la crise, le passage d’un cadre institutionnel international (Bretton Woods I) à un système fragile caractérisé par un équilibre improbable entre les pays à forts excédents et les pays à forts déficits d’épargne (que l’on a baptisé « Bretton Woods inversé ») met plus que jamais en lumière la nécessité d’instaurer une coopération internationale sur la question de la monnaie et des changes. Or, jusqu’à preuve du contraire, on a surtout observé la mise en place de stratégies non coopératives (injections massives de liquidités dans les économies des grands pays occidentaux, régime de change chinois, …) assortis de quelques modestes actions multilatérales (…). Les défauts du SMI sont connus : dès lors que le dollar est de facto la monnaie de réserve (en 2009, 63% des réserves de changes étaient en dollars) et la monnaie de facturation dominante mondiale (49% du commerce mondial en 2005), les Etats-Unis jouent de ce privilège de « seigneuriage » pour s’affranchir des contraintes généralement imposées par le nécessaire rééquilibrage des comptes extérieurs. Ils s’autorisent en permanence un déficit extérieur excessif qui « fabrique » à son tout une dette extérieure importante, mais finançable à des taux d’intérêt défiant toute concurrence grâce au rôle du dollar comme monnaie de réserve internationale et, on l’a assez dit et répété, comme les banques centrales des pays excédentaires jouent un rôle de plus en plus important dans le financement de ce déficit via l’accumulation de réserves de change, la liquidité mondiale augmente trop rapidement. Un cocktail qui ne fut pas pour rien dans le déclenchement de la très grave crise financière dont l’économie n’est pas encore sortie.

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p. 78-80

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3.2.3 Le retour des « guerre des monnaies »

Document 107 : les guerres des monnaies explicites André Cartapanis propose la distinction entre guerre des monnaies explicite et guerre des monnaies implicite. On parle de guerre des monnaies explicite lorsqu’un pays mène des interventions sur le marchés des changes afin de manipuler le cours de sa monnaie. Cette manipulation a pour objectif de profiter à la production et à l’emploi en stimulant les exportations. On distingue la dévaluation compétitive et le mésalignement. La dévaluation compétitive consiste à faire baisser la parité fixe d’une monnaie. On retrouve ce type de stratégie durant la période des « égoïsmes sacrés » des années 1930. Le mésalignement consiste à intervenir sur le taux de change de manière à empêcher son appréciation. Comme le rappel A.Cartapanis, il existerait aujourd’hui une vingtaine de pays « manipulateurs » : certains en régime de change fixe (Chine, Danemark) d’autres en changes flottants (Corée, Israel, Suède, Japon). Ce type de politique provoque une guerre des monnaies puisque par définition le mésalignement, ou la dévaluation compétitive, ne peuvent fonctionner que si les partenaires commerciaux, eux ne réagissent pas ; ils se font donc au détriment des autres. L’argument du mésalignement fait cependant débat : - Dans le cas du yuan, Michel Aglietta considère que le marché intérieur chinois n’étant pas en mesure d’absorber toute la production qui y est réalisée doit se tourner vers les marchés extérieurs. La Chine a nécessairement besoin de produire plus qu’elle ne consomme pour pouvoir absorber les augmentations de la population active et les fortes migrations intérieures des campagnes vers les villes. - Il faut être capable d’évaluer ce que devrait être le « vrai » taux de change, celui qui ne serait pas mésaligné. En première approche, le taux de change non manipulé devrait celui qui permet le retour à l’équilibre de la balance courante. Mais dans une économie mondiale où les capitaux sont de plus en plus mobiles, les pays peuvent durablement maintenir des déséquilibres de balance courante tant que le compte financier équilibre le compte courant. Ce qui est important finalement c’est la soutenabilité dans le temps du déséquilibre. Il est donc possible de déterminer un niveau de déséquilibre (en % du pib) soutenable qui sert de cible, calculer le taux de change qui en découle, que l’on appelle le taux de change d’équilibre fondamentale (FEER), puis le comparer aux taux de change nominal. Dans le cas chinois, on obtient les résultats suivants : Estimations FEER de la sous-évalution du Renminbi

Période étudiée Cibles compte courant chinois en % du PIB

Sous-évaluation vis-à-vis du dollar US

Par Coudert et Couharde

2002/2003 -1,5% -54%

Par Coudert et Couharde

2002/2003 -2,8% -44%

Par Goldstein 2003 -1% de -15% à -30% Par Jeong et Mazier 2000 -1,5% -60%

Source : Bénassy-Quéré, Coeuré, Jacquet et Pisany-Ferry « Politiques économiques », De Boeck, 2009, p.376 L’hétérogénéité des résultats souligne la difficulté de mesurer avec précision le mésalignement du yuan : en 2003, est-il sous-évalué de 15% ou de 54% ?

Document 108 : les guerres des monnaies implicites On parle de guerre des monnaies implicite lorsque un pays en régime de change flottant utilise le canal du taux de change pour atteindre des objectifs internes. Admettons qu’une Banque centrale souhaite stimuler la production et lutter contre la déflation, elle peut baisser les taux d’intérêt, ce qui provoque une sortie de capitaux, produit une dépréciation de la monnaie, stimule les exportations, fait augmenter le coût des importations et donc génère de l’inflation importée. Le canal du taux de change sert deux objectifs internes de la politique monétaire : la croissance et le contrôle du niveau général des prix. Mais la poursuite d’objectifs interne génère des externalités négatives pour les autres pays. Les Etats-Unis ont été accusés par le Brésil en 2010 de se livrer à ce type de guerre des monnaies. Le changement de politique monétaire de la BCE à la fin de l’année 2014 s’inscrit aussi dans cette logique. Comme les guerres des monnaies explicites, celles qui sont implicites sont l’expression de stratégies de cavalier seul qui sont des symptômes de l’absence de coopération internationale en matière monétaire. La dynamique actuelle de régionalisation des échanges et de rééquilibrage des monnaies autour de trois monnaies internationales : le dollar aujourd’hui, l’euro et le yuan progressivement, renforce le risque de voir le SMI de plus en plus marqué par ces conflits de politiques

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monétaires. Et ce, d’autant plus que le rythme de croissance risque de devenir plus faible dans les décennies à venir si l’on suit les arguments de la stagnation séculaire.

Document 109 : la « guerre des monnaies » On appelle « guerre des monnaies » une situation dans laquelle des pays ou zones monétaires tentent d’affaiblir leur monnaie de manière à gagner des parts de marché au détriment d’autres pays ou zones monétaires. Cette volonté concomitante est arithmétiquement impossible puisque tous les taux de change ne peuvent simultanément se déprécier. Le concept trouve son origine dans la période des années trente, époque marquée par de nombreuses dévaluations compétitives. Certains économistes accusent ainsi la Chine d’avoir durablement maintenu un taux de change sous-évalué du renminbi durant la décennie 2000, notamment durant la période d’ancrage fixe sur le dollar entre 2000 et 2005. Par la suite, lorsque le renminbi s’est déprécié, cette baisse du cour a été jugée insuffisante par rapport au taux de change réel de la monnaie chinoise. Cette notion de « guerre des monnaies » a resurgi lors de la crise financière mondiale de 2008. Mais ici la guerre des monnaies ne repose pas sur le même mécanisme. En régime de change flottant, le taux de change est un canal de transmission de la politique monétaire et non un objectif de la banque centrale : la monnaie d’une économie tend à se déprécier lorsque la banque centrale du pays assouplit ou annonce qu’elle va assouplir sa politique monétaire ; la dépréciation concourt alors à l’objectif de redressement du taux d’inflation ou de soutien de la demande. La « guerre des monnaies » prend la forme d’une confrontation de politiques monétaires indépendantes, suivant des stratégies différentes et avec des doctrines et des contraintes différentes selon les pays. On peut alors plus parler de chocs des politiques monétaires que de guerre des monnaies. Dans un monde où le dollar perdrait sa prédominance et où chaque région économique aurait sa propre devise (dollar/euro/yuan), et où les taux de change seraient flottants, les « guerres des monnaies » pourraient être au cœur de conflits entre les politiques monétaires.

Source : à partir de Notes du CAE n°11 « L’euro dans la « guerre des monnaies » », janvier 2014

Document 110: en conclusion Si les Etats-Unis ne renoncent pas au privilège de la monnaie de réserve (ce qui est très probable), si des monnaies de réserve artificielles ne peuvent être mises en place (ce qui est très probable), si les pays excédentaires gardent des taux de change contrôlés ou fixes vis-à-vis du dollar (ce qui est très probable), et si le recyclage des capitaux vers les Etats-Unis continue à s’effectuer via les banques centrales (ce qui est à nouveau le cas depuis 2009) alors la création monétaire mondiale restera incontrôlable et incontrôlée et on peut déjà parier qu’il y aura d’autres bulles et d’autres crises financières.

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p. 78-80

3.2.4 Des sudden stop qui concernent de plus en plus les PDEM

Document 111 : des risques qui concernent de plus en plus des PDEM dans un monde qui va devenir

multipolaire L’émergence d’un monde multipolaire implique la coexistence d’actifs sûrs libellés dans des monnaies différentes. Pour être sûrs, ces actifs doivent partager un certain nombre de caractéristiques. Autrement dit, ils doivent être perçus comme largement substituables. Un corollaire de cette substituabilité est que de faibles changements dans les fondamentaux, ou dans la perception de ces fondamentaux, peuvent provoquer des mouvements massifs de capitaux. Une mauvaise nouvelle fiscale, par exemple, dans un des pays de réserve pourrait déclencher une fuite des capitaux, et ce d’autant plus facilement que des placements alternatifs existent désormais. Imaginons, pour fixer les idées, un monde où les États-Unis, la Chine et la zone euro coexistent, chacun avec leur monnaie de réserve. Leurs actifs sont considérés comme très substituables du point de vue de leur liquidité, sûreté et rendement. Imaginons maintenant que l’une de ces régions, par exemple la zone euro, connaisse une crise financière nécessitant une intervention budgétaire qui teste la capacité fiscale de la région. Les investisseurs choisiront immédiatement de basculer leur portefeuille en euros sur des actifs libellés en yuans ou en dollars, perçus comme moins risqués. Ce basculement s’accompagnerait de violents mouvements de capitaux et de fluctuations potentiellement importantes de taux de change et de taux d’intérêt. Les répercussions de cet arrêt brutal « sudden stop » sur l’économie de la zone euro pourraient être sévères. De plus, un épisode de ce type aurait pour conséquence de réduire, de façon endogène, l’offre d’actifs sûrs dans l’économie mondiale, accentuant ainsi le dilemme de Triffin.

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De telles crises pourraient aussi trouver leur origine dans des phénomènes auto-réalisateurs, en l’absence de chocs fondamentaux. Le monde multipolaire est susceptible de connaître des périodes de stabilité alternant avec des périodes de crises. Ces crises seront d’autant plus sévères qu’elles activeront des dynamiques de ruées (« run »), chaque investisseur ayant intérêt à anticiper la crise en convertissant ses réserves avant les autres. Ces fragilités pourraient conduire à des biais dans les politiques budgétaires, chaque pays émetteur cherchant à démontrer qu’il est plus vertueux que ses concurrents. On a pu voir certains de ces mécanismes opérer à une échelle moins globale au sein de la zone euro depuis le début de la crise de la dette souveraine. Jusqu’à l’été 2009, les titres de dette d’États européens étaient considérés comme relativement substituables, avec des écarts de taux relativement faibles. Cette perception a volé en éclat avec la crise grecque. On a alors assisté à des réallocations massives de portefeuilles en direction des pays perçus comme sûrs (Allemagne).

Source : rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 62

3.3 Quelles réformes pour le SMI ?

3.3.1 Une réforme ambitieuse : développer les DTS et redéfinir le rôle du FMI

Document 112 : Une réforme ambitieuse, une monnaie internationale qui ne soit la monnaie d’aucun pays

Michel Aglietta ou Jacques Mistral défendent l’idée de la création d’une monnaie internationale qui ne serait pas une monnaie nationale. L’avantage de cette monnaie est triple : il n’est plus nécessaire de constituer des réserves en dollar à la fois monnaie d’ancrage et de réserves, les guerres des monnaies disparaissent, il n’y a plus de « privilèges exorbitants ». On retrouve là le projet de Bancor (1944) de Keynes présenté à Bretton Woods. Cela passe par la création d’un émetteur de la monnaie internationale, une banque centrale mondiale des banques centrales nationales. La monnaie émise pourrait être les DTS, mais cela signifie que le FMI change profondément de nature. Aujourd’hui, les DTS existent, mais il s’agit de prêts du FMI à certains pays réalisés grâce à un fonds alimenté par les pays membres. Il n’y a donc pas de création monétaire.

Document 113 L’économie mondiale a, pendant quinze ans, engrangé les bénéfices tirés du processus de mondialisation : plus de croissance, plus d’échanges, des centaines de millions de personnes sortant de la pauvreté, des ajustements parfois difficiles mais surtout des opportunités insoupçonnées jusque-là. Mais elle a aussi dû en payer le prix : l’amplification des déséquilibres globaux, la création incontrôlée de liquidités, la complémentarité mais aussi la concurrence entre différentes sortes de capitalismes. Nulle part le contraste n’est plus grand qu’en matière monétaire où coexistent un régime de changes flexibles, en particulier entre le dollar et l’euro, et la recherche d’un change stable en particulier pour le yuan. Il est légitime de caractériser cette configuration comme un « non-système » parce qu’elle ne repose sur aucun mécanisme assurant sa régulation, qu’il s’agisse d’ajustements de marché ou de décisions administratives ou politiques. Abandonné aux forces que l’on a vues à l’œuvre, le sort des principales monnaies sera marqué par une volatilité croissante des marchés et par les tensions internationales qui en découleront inévitablement. (…) Les systèmes monétaires internationaux se succèdent selon une logique endogène. Il serait inconséquent et inefficace d’aborder la question sous la forme d’un projet achevé auquel les parties seraient appelées à souscrire, l’heure n’est ni au plan White ni au plan Keynes. Ce qu’il faut imaginer, en tirant les leçons de l’Histoire, c’est une solution répondant, comme on l’a vu pour les précédents, à trois conditions. Il faut d’abord que ce système traduise dans ses institutions et ses mécanismes la logique des forces économiques et financières aujourd’hui à l’œuvre, une logique marquée par une pluralité de systèmes économiques dont il faut organiser les relations. Il lui faut ensuite refléter les réalités géopolitiques de l’heure, prendre en particulier en compte de manière équilibrée le poids et les intérêts des trois principaux acteurs. Il faut enfin un projet en phase avec l’état des idées et doctrines en matière financière, un projet qui exprime une vision, non pas identique mais acceptable par tous, du type d’articulation que connaîtra le début du XXIième siècle entre forces de marché et responsabilités des gouvernements. Une nouvelle gouvernance centrée sur le FMI, la surveillance multilatérale traitée avec sérieux et dotée de moyens plus mordants, une capacité accrue de faire face à de nouveaux chocs, une extension du rôle du DTS et sa possible utilisation pour régulariser les relations de change, cela paraîtra peu à certains, irréaliste à

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d’autres. En tout cas, c’est un paquet qu’il faut aborder de front et c’est peut-être la dernière sortie avant la « guerre des monnaies ».

Source : commentaires de J.Mistral, rapport du CAE « Réformer le SMI », 2011, p. 13

Document 114 : les DTS Le Droit de Tirage Spécial, créé en 1969 par le FMI, n'est pas une monnaie à proprement parlé mais conçu comme un avoir de réserve mondial. C'est une créance potentielle sur les banques centrales des pays membres qui contribuent une quote-part au fonds en l'échange d'une allocation distribuée en proportion. Un pays en besoin de financement sur sa balance des paiements peut obtenir de la monnaie composant le panier contre ses DTS, devenant débiteur du FMI et non directement d'une autre banque centrale. L'allocation totale est fixée par le FMI selon les besoins en réserves, l'idée étant de créer un avoir de réserve qui ne dépende pas d'un pays émetteur. La valeur du panier associe des poids relatifs à celle du dollar, de la livre sterling, du yen et de l'euro, composition révisée tous les 5 ans. L'inclusion d'un nouveau pays dépend notamment de sa forte intégration au commerce mondial, critère rempli par la Chine, mais aussi de la libre convertibilité de sa monnaie et de la taille et de l'ouverture de ses marchés financiers, points plus problématiques pour le renminbi. Le DTS représente une faible part des réserves officielles mondiales, cependant il connait un regain d'intérêt depuis la crise de 2007-2008 qui a fait naître une demande pour une alternative au dollar. En particulier, en 2009, Zhou de la banque centrale de Chine exprimait son opposition au système monétaire actuel dominé par le dollar, et proposait le DTS comme alternative viable. Un écho largement relayé depuis notamment par l'ONU en 2010. Ce regain d'intérêt vis-à-vis du DTS et l'inclusion potentielle du renminbi dans le panier révèle la contradiction entre la multipolarisation de l'économie mondiale et un système monétaire international largement dominé par le dollar, une sorte de nouveau dilemme de Triffin. Il s'agit de l'incompatibilité entre les besoins en monnaie de réserve internationale du SMI et ceux internes du pays émetteur, forcé de contracter un déficit courant pour fournir le reste du monde en liquidités affaiblissant en retour la confiance envers sa monnaie. En résulte d'inévitables déséquilibres (comme le déficit courant américain), et la perte annoncée des Etats-Unis du monopole de la monnaie de réserve mondiale à mesure que leur influence dans un monde multipolaire décroit. On peut donc imagine que le système monétaire international est en passe de s'aligner avec la multi-polarisation de l'économie mondiale, où le dollar ne peut plus être la seule monnaie clé. Le retour du DTS et l'émergence du renminbi peuvent offrir aux investisseurs privés et institutionnels des monnaies de réserve alternatives.

Source : Guillaume Claveres, 8 octobre 2015, http://www.bsi-economics.org/539-renminbi-yuan-monnaie-internationale

3.3.2 Une réforme plus pragmatique : une meilleure coopération internationale

Document 115 : une réforme plus pragmatique, renforcer la coopération entre Etats

D’autres économistes, comme Barry Eichengreen, considèrent que la solution de la monnaie internationale DTS est trop contraignante à mettre en œuvre et donc peu réaliste. Elle implique de changer en profondeur la mission et la gouvernance du FMI qui est encore actuellement dominé par les Etats-Unis, le seul pays à posséder une minorité de blocage des décisions. Elle implique aussi de retirer aux pays émetteurs de monnaies internationales les privilèges exorbitants qui en découlent. Or demain, ces privilèges ne vont pas concerner uniquement les Etats-Unis, mais aussi la zone euro et surtout la Chine. Selon B.Eichengreen, le seul moyen pour éviter les défauts du SMI contemporain dans un monde multidevise est de s’appuyer sur davantage de gouvernance du système monétaire et financier international. Seule cette coopération est en mesure d’éviter les guerres des monnaies. Comme le montre la théorie des jeux, en l’absence de coopération certaines situations produisent des résultats sous-optimaux et deviennent des jeux à somme négative.

Document 116 : la gestion des déséquilibres mondiaux nécessite une coordination internationale De nombreux observateurs estiment que, même réduits, les déséquilibres mondiaux continuent de poser problème et qu’ils nécessitent une réponse coordonnée. Les Etats-Unis, dont la dette progresse dangereusement, pourraient avoir intérêt à appliquer des mesures d’austérité pour conserver la confiance des investisseurs. Mais cela risquerait d’aggraver la récession, tant au niveau national qu’au niveau international. De son côté, la Chine dispose de marge de manœuvre importantes qui lui permettraient de dynamiser sa demande intérieure et de laisser sa monnaie s’apprécier. Il en est de même pour l’Allemagne, qui enregistre

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de forts excédents commerciaux. En favorisant la demande intérieure, ces deux pays pourraient relayer les Etats-Unis comme moteur de la croissance mondiale, et par la même réduire les déséquilibres mondiaux. Malheureusement, ni l’Allemagne, ni la Chine ne semblent désireuses de réduite leur taux d’épargne. cette crise monte, une nouvelle fois que les pressions qui s’exercent sur les pays en déficit sont plus fortes que celles qui s’exercent sur les pays en situation d’excédent.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 598-599

Document 117 : la crise survient lorsque le pays leader n’agit qu’en fonction d’objectifs internes

Le problème de la coordination des politiques internationales et des politiques économiques n’a clairement pas disparu avec le flottement des monnaies. Les déséquilibres mondiaux en sont un bon exemple. En effet, une action unilatérale des pays en déficit pour résorber leur déséquilibre aurait conduit à une déflation généralisée ; les pays qui accumulent des surplus n’ont pas, pour autant, été incités à prendre des mesures susceptibles de stimuler la demande intérieure et l’appréciation de leur monnaie. d’autres exemples montrent de façon encore plus frappante le manque de coordination internationale, dans la mesure où tous les pays auraient à l’évidence gagné à agir de concert. C’est le cas notamment au début des années 1980, durant la période désinflationniste, où les pays industrialisées auraient eu intérêt à se coordonner pour atteindre plus efficacement leurs objectifs macroéconomiques. (…) Au fond, aucun régime de changes ne peut vraiment fonctionner de manière satisfaisante si les pays décident de faire « cavalier seul » ; le système de Bretton Woods a plutôt bien fonctionner jusqu’au moment où les Etats ont adopté, de manière unilatérale, des politiques particulièrement expansionnistes. De même, le flottement des monnaies a connu ses pires difficultés lorsque les pays se sont refusés à adopter des politiques coordonnées. Si les pays décident de coopérer (à noter qu’ils le font déjà dans le cadre des négociations commerciales de l’OMC, au sein du FMI ou de la Banque mondiale), il n’y a pas de raison que les changes flottants ne fonctionnent pas correctement à l’avenir.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p. 603

3.3.3 Lutter contre les sudden stop : contrôler l’endettement en devises étrangère et

contrôler les flux de capitaux

Document 118 : une citation de Dani Rodrik (2016) « Le principe de la libre circulation des capitaux (notamment ceux à court terme) adopté en temps que norme par l'UE, l'OCDE et le FMI a sans doute été la décision la plus catastrophique pour l'économie mondiale depuis des décennies. »

Document 119 : éviter les sudden stop en contrôlant l’endettement en devises étrangères Si le niveau de réserves internationales détenues par les pays émergents est insuffisant pour faire face au risque de sudden stop, il leur faut soit l’augmenter, soit se doter d’autres instruments. Notre analyse empirique suggère deux ensembles d'outils. Le premier rassemble des instruments macro-prudentiels – pouvant affecter à la fois la quantité et la valeur de la dette – permettant de réduire l’endettement du secteur privé en devises étrangères. La mesure la plus stricte consiste à limiter le niveau autorisé de la dette d'un pays en devises étrangères par rapport à la taille de ses banques. Ce type de réglementation doit être appliqué non seulement à la banque maison-mère, mais aussi à ses filiales qui opèrent à l’étranger pour éviter un contournement par des lignes de crédit entre les deux. Par exemple, la Corée a, à partir de 2011, limité l’endettement des banques en devises étrangères au moyen de taxes sur les passifs (…). Le prélèvement fiscal sert à financer l’accumulation de réserves de change et cette mesure a, par conséquent, un double effet préventif contre le risque de sudden stop en réduisant l’endettement des banques en devises étrangères et en augmentant le stock de réserves. Une autre mesure du même type consiste à fixer pour les banques des seuils minimaux de réserves obligatoires différenciés par devise afin de décourager les opérations en devises étrangères. Ces mesures ont été adoptées à plusieurs reprises, notamment en Turquie et au Pérou après la crise financière de 2008. Récemment, l’Australie, la Hongrie, l’Islande et la Suède ont aussi adopté des ratios de liquidité inspirés de ceux de Bâle III (Liquidity Coverage Ratio et Net Stable Funding Ratio), mais ajustés en fonction de la monnaie de libellé des passifs, (…). Ces mesures obligent les banques à détenir des titres plus liquides avec

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un rendement moins élevé. Cela réduit leurs profits et décourage ainsi l’endettement en monnaie étrangère en agissant comme une taxe. Ces mesures macro-prudentielles visant à limiter l’endettement en devises étrangères, qui s’appliquent typiquement au secteur bancaire, pourraient aussi être appliquées au secteur non-financier. Pour le cas des pays émergents tels que la Bulgarie, la Croatie, le Mexique et la Russie, où la part de la dette en devises étrangères dans l’endettement total est la plus importante, la vulnérabilité financière est particulièrement forte. La Banque Centrale d’Indonésie a, par exemple en 2013, renforcé la gestion du risque lié à l’endettement en devises étrangères des entreprises, en leur imposant un ratio de couverture (hedging ratio).

Source : lettre du Cepii « Pays émergents : quelle protection contre le risque de sudden stop ? » Août 2016

Document 120 : éviter les sudden stop en contrôlant les mouvements de capitaux Les mesures de contrôle de capitaux constituent un second type d’outils. D’après nos résultats, ces dispositifs réduisent significativement la probabilité d’occurrence des sudden stops. Il semblerait toutefois que la limitation des flux entrants soit plus efficace que celle des flux sortants. Comme les variables sont retardées, une interprétation possible est que, pour éviter des dynamiques de « boom and bust » dans les flux de capitaux, mieux vaut prévenir et donc intervenir ex-ante sur les flux entrants. En différenciant les contrôles de capitaux par catégorie d’actif, nos résultats indiquent que, à l’exception des restrictions à l’investissement direct et au secteur immobilier, les restrictions sur les flux entrants (actions, obligations, instruments du marché monétaire, investissements collectifs, dérivés, crédits commerciaux, crédits financiers et titres garantis) réduisent significativement la probabilité de sudden stops, en particulier pour les titres garantis et les produits dérivés. Concernant les mesures pour limiter la sortie des capitaux, les plus efficaces seraient les restrictions sur les titres garantis, actions, instruments du marché monétaire, investissements collectifs et investissements directs, tandis que celles sur les obligations, les produits dérivés, les crédits commerciaux, les crédits financiers et immobiliers n’ont pas d’effets significatifs dans nos estimations. Ce résultat empirique gagnerait à faire l’objet d’une étude plus approfondie pour identifier les raisons économiques et financières qui font que l'efficacité de ces restrictions diffère selon les types d’instruments financiers. Ces résultats sont importants dans le cadre du débat actuel sur les effets de l’introduction des contrôles des capitaux qui pourraient aider à préserver la stabilité financière, en particulier lorsque les politiques macro-prudentielles sont insuffisantes ou ne produisent pas d’effets assez rapides. Bien sûr, les autorités nationales doivent aussi prendre en compte le coût des restrictions à la libre mobilité des capitaux et introduire des mesures ciblées, temporaires et proportionnelles au risque d’instabilité financière. La mise en place coordonnée de ces mesures au niveau multilatéral serait toutefois préférable.

Source : lettre du Cepii « Pays émergents : quelle protection contre le risque de sudden stop ? » Août 2016

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