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Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique Partie 1 : Les déséquilibres macroéconomiques et financiers Chapitre 1 : Inflation et déflation 1. L’évolution du niveau général des prix : survol historique Document 1 : définitions L’inflation est généralement définie comme une hausse du niveau général des prix. Pour mesurer l’évolution des prix, on calcule des indices des prix. L’indice des prix le plus utilisé est l’indice des prix à la consommation. En France, l’indice des prix à la consommation est publié par l’Insee qui, par convention, le calcule sur la base de 110 000 produits dont les prix sont relevés dans des agglomérations de plus de 2 000 habitants. Cet indice, dit « indice pondéré des prix à la consommation » (IPC), repose sur la stabilité des caractéristiques des produits. Le taux d’inflation mesure l’augmentation en pourcentage du niveau général des prix au cours d’une période donnée. La désinflation correspond au ralentissement du rythme de croissance de la hausse du niveau général des prix. Il y a toujours inflation mais à un taux de plus en plus faible. La déflation constitue une baisse du niveau général des prix. 1.1 Jusqu’au 18 ième siècle Document 2 : Durant l’Empire romain L’Empire romain d’Occident traverse au 3ième siècle une période de forte inflation, conséquence d’une raréfaction de l’or et l’argent remplacés par des métaux de moindre valeur comme le cuivre, l’étain ou le plomb. En 301, cette inflation pousse l’empereur Dioclétien à promulguer l’édit du maximum : il prévoit la peine de mort à tous les commerçants qui augmentent abusivement leur prix ! Document 3: à partir du Moyen-âge Les guerres continuelles, les croisades, le commerce avec l’Orient provoquent une pénurie de métaux précieux et une longue période déflationniste dont le pic est atteint à la fin du 14ième siècle. Les monarques (Angleterre, France, Espagne) instaurent alors un système monétaire dual dans lequel cohabitent des unités de comptes abstraites et des moyens de règlement métalliques. « Louis IX frappa l’écu d’or et le gros d’argent. Il fixa souverainement la valeur des pièces en livre tournois dans laquelle les dettes étaient exprimées. Aucun nombre n’était inscrit sur les pièces. Il offrait ainsi à ses successeurs l’opportunité de décréter des mutations monétaires sans avoir à remodeler les poids et les titres des pièces en circulation » (Aglietta Monnaie. Entre dettes et souveraineté, 2016). Lorsque la monnaie devient rare, le souverain manipule la valeur faciale des pièces, afin qu’elles se ESH – ECE 2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2016-2017 1

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Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publiquePartie 1 : Les déséquilibres macroéconomiques et financiers

Chapitre 1 : Inflation et déflation

1. L’évolution du niveau général des prix : survol historique

Document 1 : définitions L’inflation est généralement définie comme une hausse du niveau général des prix. Pour mesurer l’évolution des prix, on calcule des indices des prix. L’indice des prix le plus utilisé est l’indice des prix à la consommation. En France, l’indice des prix à la consommation est publié par l’Insee qui, par convention, le calcule sur la base de 110 000 produits dont les prix sont relevés dans des agglomérations de plus de 2 000 habitants. Cet indice, dit « indice pondéré des prix à la consommation » (IPC), repose sur la stabilité des caractéristiques des produits. Le taux d’inflation mesure l’augmentation en pourcentage du niveau général des prix au cours d’une période donnée.La désinflation correspond au ralentissement du rythme de croissance de la hausse du niveau général des prix. Il y a toujours inflation mais à un taux de plus en plus faible. La déflation constitue une baisse du niveau général des prix.

1.1 Jusqu’au 18ième siècle

Document 2 : Durant l’Empire romainL’Empire romain d’Occident traverse au 3ième siècle une période de forte inflation, conséquence d’une raréfaction de l’or et l’argent remplacés par des métaux de moindre valeur comme le cuivre, l’étain ou le plomb. En 301, cette inflation pousse l’empereur Dioclétien à promulguer l’édit du maximum : il prévoit la peine de mort à tous les commerçants qui augmentent abusivement leur prix !

Document 3: à partir du Moyen-âgeLes guerres continuelles, les croisades, le commerce avec l’Orient provoquent une pénurie de métaux précieux et une longue période déflationniste dont le pic est atteint à la fin du 14ième siècle. Les monarques (Angleterre, France, Espagne) instaurent alors un système monétaire dual dans lequel cohabitent des unités de comptes abstraites et des moyens de règlement métalliques. « Louis IX frappa l’écu d’or et le gros d’argent. Il fixa souverainement la valeur des pièces en livre tournois dans laquelle les dettes étaient exprimées. Aucun nombre n’était inscrit sur les pièces. Il offrait ainsi à ses successeurs l’opportunité de décréter des mutations monétaires sans avoir à remodeler les poids et les titres des pièces en circulation » (Aglietta Monnaie. Entre dettes et souveraineté, 2016). Lorsque la monnaie devient rare, le souverain manipule la valeur faciale des pièces, afin qu’elles se remettent à circuler et, d’éviter la déflation. Mais lorsque l’Europe est «  inondée » d’or des mines d’Amérique du Sud au 16ième siècle, les systèmes dualistes basculent irrésistiblement dans l’inflation. La hausse des prix est d’environ 400% entre 1500 et 1600. Dans un système de monnaie métallique, l’inflation fait donc diverger la valeur déclarée des pièces et la valeur commerciale des métaux précieux qui constituent ces pièces. Les agents économiques cherchent alors à conserver les pièces pour la valeur commerciale du métal qu’elles contiennent et non plus pour leur fonction monétaire. Les pièces fabriquées dans les métaux les moins chères continuent à circuler. Ce que Nicolas Oresme résumera deux siècles avant la loi de Gresham par «  la mauvaise monnaie chasse la bonne ».

1.2 Depuis l’avènement de la société industrielle

1.2.1 Jusqu’en 1945

Document 4 : le 19ième siècle et les cycles économiques D’une façon générale, les prix industriels tendent à baisser au 19 ième siècle, sauf durant la période de guerre internationale, de la guerre civile américaine, et du boom des chemins de fer au milieu du siècle. Cela peut s’expliquer par deux facteur essentiels : le premier est l’intégration croissante des nouvelles techniques de

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production qui réduisent les coûts unitaires en augmentant les quantités produites ; le second est l’existence de débouchés limités qui rendent vive la concurrence entre producteurs. Si l’on envisage la période 1790-1890, on observe une multitude d’oscillations des prix et de la production, autour de plusieurs grands cycles longs débordant sur le 20 ième siècle. Chacun comprend une phase d’expansion et une phase de dépression. La France connaît au 19ième siècle, au même titre que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, le même mouvement de baisse des prix de gros et le même renversement de tendance au milieu des années 1890 qui conduira à l’explosion inflationniste du 20ième siècle.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

Document 5 : une succession de cycles des affairesDurant la première phase du cycle des affaires, les investissements et la demande progressent, provoquant une tension sur le niveau général des prix. Mais rapidement cette hausse des capacités de production se heurte à une insuffisance structurelle de la demande (les classes moyennes n’apparaîtront qu’à la fin du 19ième siècle dans les sociétés industrielles), ce qui produit une crise de surproduction qui s’achève en déflation. De cette succession de crises économiques et financières naissent les banques centrales et la première forme de politique monétaire  : l’intervention du prêteur en dernier ressort (W.Bagehot Lombard Street, 1873)

Document 6

Source : Pierre Bezbakh Inflation et désinflation (2006)

Document 7 : la période de l’entre-deux-guerres, des roaring twenties jusqu’à la grande crise Après l’inflation de pénurie, caractéristique des années de guerre, le retour de la paix en Europe permit un redémarrage de la production et une croissance plus modérée des prix, sauf en Allemagne où sévit une « hyperinflation » spectaculaire. (…) La corrélation entre fluctuations de l’activité et des prix apparaît avec netteté  : croissance et hausse des prix en 1919-1920, puis de 1920 à 1926 et en 1928-1929 ; baisse des prix et de la production en1921, 1927-1928 et après 1929.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

Document 8 : retour à l’étalon or et déflation en Grande BretagnePourtant, la déflation ne disparaît pas dans ce 20ième siècle. Tout d’abord en raison du système monétaire fondé sur l’or. La volonté de retourner à l’étalon or en Angleterre avec les parités d’avant-guerre produit une déflation en 1925 et 1926. A partir de 1929, le système de l’étalon-or empêche les Etats d’utiliser des dévaluations compétitives pour stimuler leurs exportations et provoque un choc de demande négatif mondial. Les pays à excédents commerciaux stérilisent les entrées d’or pour éviter l’inflation (et la perte de compétitivité prix qui en découle), tandis que les pays à déficits commerciaux s’appuient sur une dévaluation interne pour améliorer leurs performances commerciales.. Ces comportements non coopératifs produisent un choc de demande négatif qui prolonge les effets de la crise de 1929 sur les prix (Barry Eichengreen Un privilège exorbitant, 2011).

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Document  9 : la crise des années 1930, la grande dépressionC’est bien sûr l’effondrement des prix et de l’activité durant les années 1930 qui constitue le phénomène marquant de cette période. La baisse des prix, très forte de 1929 à 1934-1935, entraîna un effondrement des profits et un blocage de l’investissement, car elle était plus forte que celle des coûts de production, et des salaires en particulier. Cela constituait un facteur d’atténuation de la dépression et favorisa la reprise à moyen terme. Mais la relance n’intervient vraiment qu’à partir de 1936, par le biais conjugué des hausses de salaires et du développement de l’investissement public. On assista alors à une reprise sensible de la production industrielle et à une remontée des prix.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

Document 10 : l’hyperinflation allemandeQuelques années après la fin de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne connut une flambée des prix exceptionnelle par son ampleur et unique dans l'histoire des pays industrialisés : en novembre 1923, un dollar valait 4 200 milliards de marks, contre 60 marks en 1921 et 4,2 en 1914. Un reichsmark de 1922 équivalait à 20 milliards de marks fin 1923 et un kilogramme de pain coûtait 600 milliards de marks ! Durant cette période la masse monétaire passa de 81 milliards de marks fin 1920 à 116000 milliards au milieu de 1923, masse dérisoire à la fin de l'année par rapport à la valeur exorbitante des transactions exprimées en marks.

Source : P. Bezbakh, « Inflation et désinflation », La découverte, 2011

Document 11 : la seconde guerre mondiale, une période de vive inflationLes années de guerre relancèrent une inflation due à l’énorme ponction sur la production nationale effectuée par l’occupant allemand. (…) Les destructions causées par les combats et les bombardements alliés allaient encore aggraver la désorganisation de l’économie et la raréfaction de l’offre. (…)

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

Document 12 : l’hyperinflation En situation d’hyperinflation, les prix augmentent de plusieurs centaines, voire milliers, voire millions de pourcents par an ! Les prix doublaient toutes les 49h en Allemagne en 1923, toutes les 28 heures en Grèce sous l’occupation allemande de 1941-1944, toutes les heures en Hongrie au cours de la même période d’occupation !

Source : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf, 2010, p.224

1.2.2 A partir de 1945

Document 13 : de l’inflation rampante à l’inflation galopanteDans un contexte de construction des sociétés salariales et des Etats Providence, l’inflation se stabilise, mais ne disparaît pas, avec une moyenne d’environ 3% sur la période 1953-1968. Cette inflation qualifiée de « rampante » devient « galopante » à partir de la fin des années 1960 jusqu’au début des années 1980. Aux Etats-Unis, elle passe de 2,4% en 1968 à 10,4% en 1981, en France de 4% en 1968 à 13,3% en 1980, au Royaume-Uni de 3,7% en 1968 à 16,2% en 1980. Seuls le Japon et l’Allemagne connaissent une accélération du niveau général des prix plus modérée.

Document 14 : la période 1950-1974, l’inflation rampanteLes années qui suivirent la fin de la seconde guerre mondiale furent marquées par l’inévitable tension sur les prix provoquée par une situation de pénurie (…). Puis, du début des années 1950 à la fin des années 1960, s’affirma un phénomène nouveau dans l’histoire des économies industrialisées : la hausse des prix, bien que relativement modérée (environ 3% par an en moyenne), devint permanente, et tendit à augmenter légèrement à la fin de la période. Elle s’accéléra ensuite fortement à la suite des deux chocs pétroliers de 1973-1974 et de 1979. En 1970, alors que l’on était encore loin des taux d’inflation « à deux chiffres » des années suivantes, l’OCDE publiait un rapport intitulé « l’Inflation, le problème actuel ». Les auteurs s’inquiétait d’un taux d’inflation dépassant 5% l’an et reflétant – selon eux – une situation de surchauffe généralisée de l’économie mondiale. (…) Ainsi, le PIB augmenta—t-il d’environ 5% par an dans l’ensemble des pays de l’OCDE durant les années 1960, ce qui représente un doublement de la richesse nationale en quinze ans. Dans ces conditions, la volonté des salariés, entrant dans l’ère de la consommation de masse, de bénéficier des avantages d’une croissance rapide et le comportement des chefs d’entreprise portés vers l’élargissement de leur capacité de production firent passer au second plan l’objectif de stabilisation des prix. Les politiques anti-inflationnistes ne furent donc jamais draconiennes et les années 1968-1973 furent marquées par une tension plus forte sur les coûts, y compris dans le secteur industriel, qui avait jusque-là exercé un effet modérateur sur les hausses de prix entraînées principalement ESH – ECE 2 Camille VernetNicolas Danglade 2016-2017

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par les services. (…) En 1973, allait se produire une forte tension sur les prix, provoquée par de fortes hausses des coûts avant même, « l’explosion » du prix du pétrole.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

Document 15 : la décennie 1970, l’inflation galopante

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

Document 16 : l’entrée dans la stagflation

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

Document 17 : mais les trajectoires d’inflation divergent dans les PDEMDurant les derniers mois de 1973 et l’année 1974, le quadruplement du prix du pétrole allait amplifier le phénomène, alors que se poursuivait la hausse des rémunérations nominales (les salaires industriels augmentaient de 19% par an en France). Dans la plupart des pays, le taux d’inflation atteindra son maximum en 1974. (…) Mais dès 1976, le taux d’inflation se réduisait (sauf en Italie et en Espagne), retombant à environ 8% en moyenne dans les 7 grands pays de l’OCDE, contre 14% en 1974. Cette stabilisation du rythme de l’inflation allait de pair avec celle du prix de l’énergie et avec la décélération de la hausse des coûts salariaux. (…) Mais durant ces années apparut une différenciation très nette entre les pays connaissant une sensible désinflation (Allemagne, Japon) et ceux où l’inflation restait relativement élevée (France, Grande Bretagne, Italie). Cette opposition allait s’accentuer quand se produisit le second choc pétrolier. Du début de 1979 au début de 191, le prix du pétrole passa d’environ 13 dollars le baril à environ 35 dollars. (…) Si cette hausse du prix du pétrole en dollars devait bientôt prendre fin, l’appréciation de la devise américaine allait entretenir des tensions inflationnistes importées dans les pays à monnaie « faible ». (…) La remontée de l’inflation en 1979 devait être moins forte et plus inégale qu’en 1974. La hausse des prix en RFA resta comprise entre 4% et 6%, tandis qu’elle fut de l’ordre de 13% en France en 1980-1981 et atteignit 20% en Italie en 1980.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

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Document 18 : les années 1980, période de désinflation

Document 19 : l’entrée dans la Grande ModérationLe début des années 1980 marque l’entrée dans une période de désinflation généralisée dans les PDEM. Malgré quelques soubresauts inflationnistes, la tendance est désormais à une inflation durablement faible, c’est la période dite de la Grande modération.

Document 20: la Grande Modération La phase la plus spectaculaire de la désinflation était donc terminée dans la plupart des grands pays au milieu des années 1980. Mais l’inflation connut pourtant des soubresauts à la fin des années 1980 et au début des années 1990. (…) Une nouvelle phase de désinflation se produisit durant la première partie des années 1990, ramenant le taux d’inflation à des niveaux inférieurs ou égaux à 2,5% dans tous les pays à partir des années 1994-95. Mais cette fois, les taux d’inflation resteront généralement à ce niveau réduit durant la dizaine d’années suivantes, un pays comme le Japon connaissant même six années consécutives de baisse des prix (1999-2004). (…) En France, comme dans la plupart des pays de la zone euro, la faiblesse des taux d’inflation durant cette dernière dizaine d’années laisse penser que le phénomène de l’inflation est bien maîtrisé. Mais cette inflation réduite est, surtout en Europe, combinée à un taux de croissance qui atteint rarement 2,5% par an, taux jugé insuffisant pour résoudre le problème du chômage. (…) La question se pose de savoir si ce phénomène d’inflation faible est définitif, s’il prépare le passage à la déflation, ou si au contraire il ne constitue qu’un épisode historique qui, comme tous ceux du passé est éphémère ; il pourrait alors être suivi par une remontée de l’inflation.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.6-24

Document 21 : les économies à la porte de la déflationMais depuis le double choc de la crise des subprimes (2008) et de la crise de l’euro, l’évolution du niveau général des prix dans les principaux PDEM semble connaître une nouvelle inflexion : les PDEM pays seraient désormais « à la porte » de la déflation. La situation que connaît le Japon depuis les années 1990 fait craindre aux autres économies développées l’entrée dans une longue période stagnation économique.

Document 22: le retour de la déflation au début des années 2000Le thème de la déflation est réapparu depuis le début des années 2000. En comptabilisant le nombre de mois pendant lesquels on a pu constater une déflation dans les 35 principales économies (PDEM et pays émergents), le FMI (2003) relève une augmentation significative de l’incidence de la déflation au tournant des années 1990-2000. (…) Un choc négatif sur la demande globale, lié à un retournement cyclique de forte ampleur, à l’éclatement d’une bulle des prix d’actifs ou encore à une politique restrictive qui débouche sur une récession, creuse un output gap négatif qui entraîne une baisse du niveau général des prix et une baisse du taux d’intérêt réel lorsque le taux nominal bute sur le plancher du taux zéro. En cas de choc négatif sur la demande, un excès d’offre apparaît et exerce une pression baissière sur les prix. La hausse du taux d’intérêt réel qui en découle pèse à son tour sur la demande, ce qui accentue la pression baissière sur les prix et la hausse du taux réel.

Source : Philippe d’Arvisenet « Les politiques monétaires dans la tempête », Economica, 2014, p. 104

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Document 23 : taux d’inflation sous-jacente en zone euro (1997-2015)

source : bnpparisbas-ip.com

Document 24 : taux d’inflation zone euro

Document 25 : l’inflation aux Etats-Unis depuis le début du 20ième siècle

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Document 26 : définitionsInflation : augmentation soutenue et durable du niveau général des prix.Hyperinflation : accélération exponentielle de la hausse du niveau général des prix. Désinflation : ralentissement de l’augmentation du niveau général des prix.Grande modération : maintien durable d’un taux d’inflation faibleDéflation : baisse du niveau général des prix. Stagflation : combinaison d’une hausse du niveau général des prix et d’un chômage élevé Inflation sous-jacente : inflation mesurée sans tenir compte de l’évolution des prix des biens soumis à l’intervention de l’Etat (électricité, tabac, gaz …) ou des produits dont les prix sont très volatils (pétrole, produits laitiers, viandes …). Pour l’INSEE, cette mesure « permet de dégager une tendance de fond de l’évolution des prix » .

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2. Expliquer l’inflation 

2.1 Les déterminants fondamentaux de l’inflation

2.1.1 Inflation et création monétaire : à partir de la théorie quantitative de la monnaie

Document 27 : l’offre de monnaie se répercute sur le niveau général des prix Au 16ième siècle, Jean Bodin fait de l’afflux d’or et d’argent espagnol en Europe la cause de « la cherté de toutes choses ». Cette explication est ensuite reprise par David Hume qui, dans une fable, explique que si la quantité de monnaie doublait miraculeusement durant la nuit, cela provoquerait un doublement des prix le lendemain matin. L’approche quantitative de la monnaie consiste à relier causalement l’augmentation des prix nominaux des biens à l’augmentation de la masse monétaire. Irving Fisher formalise cette relation à l’aide de l’expression suivante : M.V=P.Toù M, la masse monétaire ; V, la vitesse de circulation ; T, le volume des transactions ; P, le niveau général des prix. On peut aussi écrire que (M.V) / T = PCe qui signifie que dans la théorie quantitative de la monnaie :

- toutes choses égales par ailleurs, une hausse de la masse monétaire (M) fait augmenter le niveau général des prix (P) ;

- A vitesse de circulation de la monnaie constante, toute augmentation de M, plus que proportionnelle à celle de T, produit de l’inflation (P) ;

- la masse monétaire a un effet sur le niveau général des prix mais pas sur le volume de transaction  : le fait de faire augmenter M ne fait pas augmenter T. La monnaie est considérée comme « neutre » : il n’y a pas d’impact d’une variation de la masse monétaire sur les quantités produites et échangées. On retrouve ici ce que Joseph Schumpeter a appelé la « monnaie voile ». Il y a dichotomie entre la sphère monétaire et la sphère réelle. la création monétaire a comme unique conséquence d’augmenter les prix nominaux de tous les biens en même temps.

2.1.2 L’inflation par la demande

Document  28 : lorsque l’augmentation de la demande vient buter à court terme sur une offre rigideA court terme, lorsque la demande excède l’offre, l’ajustement ne peut se faire par augmentation de la quantité offerte mais uniquement par le prix. On attribue généralement à J.M.Keynes, l’idée du concept d’excès de demande. A partir de l’étude d’une économie de guerre, qui produit des biens militaires et des biens civils, il montre comment, plus la part des biens militaires augmente dans la production totale, plus les revenus distribués dans l’économie alimentent un excès de demande de biens civils (qui sont insuffisamment produits). La transposition de ce raisonnement aux économies de paix permet de montrer selon Keynes qu’une hausse de la demande n’est pas inflationniste tant que l’offre n’a pas atteint le niveau maximal de production. Pour le dire dans un langage économique contemporain l’impact inflationniste d’une hausse de la demande apparaît quand le PIB réel dépasse le PIB potentiel. Par exemple, après 1989, la réunification allemande a permis un accès au crédit aux ménages est-allemand qui a stimulé la consommation alors que la capacité productrice de l’économie est-allemande s’effondrait. L’économie allemande s’est retrouvée en surchauffe et le décalage offre/demande a généré de l’inflation sur la période 1991/1993. Il existe une autre manière d’appréhender l’inflation par la demande. Dans ce cas, il faut partir d’un secteur où l’excès de demande fait monter les prix. Comment la hausse du prix relatif des produits de ce secteur provoque-t-elle une hausse du niveau général des prix dans l’ensemble de l’économie ? Les tensions sur l’offre conduisent les entreprises à investir, mais ces investissements ne permettent pas une augmentation immédiate des quantités offertes (on parle de « dépenses à effets productifs différés »). Elles se traduisent néanmoins par des nouveaux revenus distribués. Cette hausse des revenus renforce alors à court terme les tensions produites par la demande, qui stimule de nouveaux investissements, etc … Selon les travaux de J.Marczewski, cités par Pierre Bezbakh (Inflation et désinflation, 2006), ce mécanisme permettrait d’expliquer l’accélération de l’inflation en France sur la période 1966-1976.

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2.1.3 Inflation par les coûts

Document 29 : l’inflation de productivité L’inflation de productivité a pour origine une croissance de la rémunération des facteurs de production supérieure à celle de leur productivité. C’est par exemple ce que l’on a observé dans la zone euro à partir de 2000. Les pays du Sud de l’Europe (Espagne, France, Grèce, Italie, Portugal) ont vu les salaires augmenter en moyenne de 40% sur la période 1998-2013 alors que la productivité n’a, elle, augmenté que de 7%. Lorsque la rémunération du travail augmente plus vite que les gains de productivité, les entreprises cherchent à conserver leurs marges en augmentant leur prix, ce qui crée une inflation par les coûts. L’inflation de productivité dépend de la combinaison de trois éléments : tout d’abord, comme nous venons de le voir, la capacité des entreprises à pouvoir restaurer leurs marges en augmentant leurs prix lorsque le coût du travail augmente, ensuite la capacité des salariés à pouvoir négocier leurs salaires, et enfin le fonctionnement des institutions du marché du travail.Lorsque que le pouvoir de négociation salariale est élevé, que le chômage est faible, et que la faiblesse de la concurrence internationale permet aux entreprises de compenser la hausse des coûts par une hausse des prix, alors on s’attend à une dynamique d’inflation de productivité. C’est ce qui s’est passé durant les trente glorieuses. Selon les économistes de l’école de la régulation, le passage de l’inflation « rampante » à l’inflation « galopante » correspond au moment où les salaires ont continué à progresser au même rythme alors que les gains de productivité avaient tendance à fléchir à partir de 1967.

Document 30 : une conséquence de la tertiarisation de l’économieL’inflation de productivité découle également de la tertiarisation de l’économie. Pour W.Baumol et William Bowen (Performing Arts : the economic dilemma, 1966), les gains de productivité entre secteurs ne sont pas les mêmes alors que la progression des salaires réels est homogène : la hausse des salaires obtenus dans les secteurs à gains de productivité élevée (industrie) se diffuse dans les secteurs à gains de productivité faibles (services). Cet alignement des salaires entre les secteurs est donc source d’inflation par les coûts.

Document 31 : l’inflation importée L’inflation importée peut provenir d’une hausse du prix relatif des biens importés, mais elle peut aussi provenir d’une dévaluation ou d’une dépréciation de la devise nationale qui renchérit automatiquement le coût des importations. Si la demande nationale ne réagit pas aux variations du coût des importations, alors l’inflation importée progresse et la balance commerciale se détériore. Cette situation peut d’autant plus arriver qu’une économie ne produit pas certains biens et doit nécessairement les importer (ressources énergétiques pour des PDEM ; biens manufacturés pour les PVD). Dans le cas des pays les moins développés, une dynamique perverse peut alors se mettre en place : une dévaluation entraîne une hausse du coût des importations, qui dégrade la balance commerciale et conduit à une nouvelle dévaluation, qui dégrade à son tour la balance commerciale … jusqu’à ce que le déséquilibres du compte courant entraîne une crise de la balance des paiements. Dans ce cas, finalement, la dévaluation ne profite pas aux exportations (car l’économie est dépourvue d’industrie exportatrice ou de service comme le tourisme) et ne fait que rendre les importations plus chères.

Document 32 : évolution du taux de chômage et impact sur l’inflation, la courbe de Phillips En 1958, A.W.Phillips publie une étude statistique portant sur la Grande-Bretagne de 1861 à 1957. Il fait apparaître une corrélation inverse entre l’évolution des salaires nominaux et l’évolution du taux de chômage : pour un taux de chômage qui augmente et s’éloigne de 5%, les salaires nominaux ont tendance à peu progresser (voire baisser durant certaines périodes) ; pour un taux de chômage qui baisse au-dessous de 5%, la hausse des salaires nominaux a tendance à s’accélérer ; pour un taux de chômage égal à 5%, l’évolution des salaires nominaux est stable. La « relation de Phillips » s’appuie sur un raisonnement sous-jacent : lorsque la demande de travail par les entreprises augmente, le chômage baisse et le pouvoir de négociation des salariés augmente, ce qui fait accélérer la hausse des salaires. Il existe donc une valeur spécifique du taux de chômage autour de laquelle se jouent la dynamique des salaires nominaux : le NAWRU (non accelerating wage rate of unemployment). L’approche, plutôt empirique, de Phillips ouvre la voie à des travaux qui se veulent davantage théoriques et qui cherchent à relier causalement chômage et inflation. Paul Samuelson et Robert Solow présentent en 1959 ce qui va devenir « la courbe de Phillips ». Ils remplacent la variation du taux des salaires nominaux par la variation du niveau général des prix car ils considèrent que l’évolution des salaires est la principale source d’évolution des coûts de production et donc des prix. Dès que la hausse des salaires est supérieure aux gains de productivité, les prix et, donc, l’inflation augmente. La courbe de Phillips représente une relation décroissante entre le taux de chômage et le taux d’inflation. Samuelson et Solow font de cette courbe un outil de politique économique en proposant de mesurer ce que chaque niveau de chômage implique comme taux d’inflation (et inversement). La courbe de Phillips

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fournit un éclairage sur l’arbitrage de la politique conjoncturelle entre inflation/chômage. En évaluant, à l’époque, la productivité du travail à 2,5% aux Etats-Unis, les auteurs considèrent qu’une hausse équivalente des salaires nominaux s’accompagne d’une inflation nulle et d’un taux de chômage d’environ 5% à 6%. Ce taux de chômage est également appelé le NAIRU (non accelerating inflation rate of unemployment). Ils en déduisent que pour réduire le taux de chômage à 3%, il est nécessaire d’accepter une inflation d’environ 4% à 5% par an.

Document 33 : la relation de Phillips

Document 34: la courbe de Phillips

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Document 35 : inflation par les coûts

Document 36 : l’explication de l’inflation, choc d’offre et choc de demandeChoc de demande Choc d’offre

Choc positif ou négatif ? Expliquer la hausse du niveau général des prix :

2.1.4 L’explication monétariste de l’inflation

Document 37 : le rôle des anticipations et la courbe de Phillips augmentée des anticipationsEn 1968, Milton Friedman propose une lecture de la courbe de Phillips « augmentée des anticipations ». Il postule que les agents économiques anticipent l’inflation et ses effets, mais que cette anticipation se construit par une découverte progressive, car ils sont donc victimes d’illusion monétaire (notion introduite par J.M.Keynes). A court terme, les salariés confondent évolution des salaires nominaux et évolution des salaires réels. Tant que dure cette période d’illusion monétaire, les salariés demandent des hausses de salaires inférieures à l’inflation, ce qui a pour conséquence de réduire le taux de salaire réel (puisque la hausse du salaire nominal est inférieure à celle des prix). Le coût du travail diminue, la production augmente, le taux de chômage baisse. Durant cette phase de court terme, l’accélération de l’inflation réduit donc le taux de chômage, comme le postule la courbe de Phillips. Mais cette baisse est momentanée : progressivement, les salariés ajustent leurs anticipations. Ils réclament et obtiennent une hausse de leurs salaires nominaux qui vient augmenter le coût du travail et va réduire la demande de travail des entreprises : le taux de chômage repart à la hausse et retrouve ce que M.Friedman appelle le taux de chômage « naturel », c’est-à-dire le taux vers lequel tend le marché du travail lorsque les fluctuations de court terme disparaissent.

Document 38 : la stagflation selon M.Friedman (la courbe de Philipps est verticale à LT)

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Hausse des salaires > hausse de la productivité

Hausse des coûts unitaires de production

Choc d’offre négatif

Dépréciation/dévaluation devise domestique : hausse

coût des importations

Hausse prix énergie / matières premières

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Document 39 : les erreurs de politique monétaireComment alors expliquer l’accélération de l’inflation ? Le point de départ du raisonnement de Friedman est de considérer que les pouvoirs publics vont chercher à « utiliser » cette période d’illusion monétaire pour faire baisser temporairement le taux de chômage. Pour cela, ils utilisent une politique monétaire expansionniste. La création monétaire produit de l’inflation (puisqu’à court terme la masse monétaire progresse plus vite que la production). Cette inflation est mal anticipée par les salariés mais correctement observée par les employeurs : alors que le taux de salaire réel diminue, l’offre de travail des premiers ne bouge pas, tandis que la demande de travail des seconds augmente. En conséquence, le taux de chômage diminue. La fin de l’illusion monétaire fait converger le taux de chômage vers son niveau naturel. Mais si le taux de chômage atteint est jugé trop élevé par les autorités monétaires - ou si les autorités monétaires se trompent dans l’évaluation du taux de chômage naturel en le sous-estimant - une nouvelle politique monétaire expansionniste est mise en oeuvre. Au final, l’accumulation des politiques monétaires par les pouvoirs publics se traduit par des périodes de reflux temporaires du chômage au-dessous du taux de chômage naturel, mais qui se paient d’une augmentation progressive du taux d’inflation. La conclusion de la théorie monétariste de l’inflation est qu’à long terme, toute politique monétaire expansionniste qui vise à faire baisser le taux de chômage au-dessous de son niveau «naturel ». Ce que Friedman résume par: « Il n’y a aucune relation à long terme entre croissance monétaire et croissance réelle : les variations de la PIB en volume ne dépendent pas, en moyenne et à long terme, des variations de la monnaie ». Cette politique est donc inefficace, et en outre, elle est nuisible puisqu’elle ne fait que générer une accélération de l’inflation. Pour M.Friedman, la courbe de Phillips augmentée des anticipations est donc verticale à long terme. Il n’existe pas d’arbitrage inflation/ chômage et le seul objectif de la politique monétaire consiste à éviter l’accélération de l’inflation. L’équation quantitative revisitée par les monétaristes est la suivante : M + V = P + Y Avec M : taux de croissance de la masse monétaire ; V: taux de variation de la vitesse de circulation ; P : taux de variation du NGP ; Y : taux de variation du produit intérieurOn peut écrire : M + V – Y = PLes monétaristes font l’hypothèse d’une stabilité de la vitesse de circulation de la monnaie et considèrent l’offre de biens et services comme fixe à court terme, ce qui signifie donc que tout augmentation de M fait augmenter P. Pour Friedman, « la cause immédiate de l’inflation est toujours et partout la même : un accroissement anormalement rapide de la quantité de monnaie par rapport au volume de production ». A long terme, l’offre évolue et peut donc augmenter. L’inflation constatée sur le long terme signifie simplement que l’augmentation de l’offre de monnaie sur chaque période de court terme a dépassé celle du volume de la production. C’est pourquoi, vouloir lutter contre l’inflation consiste à rétablir la correspondance entre l’évolution de la masse monétaire et celle de la production. Les autorités monétaires doivent donc agir sur la base monétaire (émission de monnaie centrale), qui affecte à son tour la masse monétaire (M3, par le biais du multiplicateur de crédit) puis le niveau général des prix. C’est le sens de la politique menée par Paul Volker entre octobre 1979 et août 1982 aux Etats-Unis.

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Document 40 : synthèse approche monétariste de l’inflation

2.1.5 Une approche synthétique de l’inflation par les nouveaux keynésiens

Document 41Frederic Mishkin dans « Monnaie, banque et marchés financiers » (2013) propose un cadre synthétique des théories de l’inflation. Il reprend les explications de l’inflation par les coûts et l’inflation par la demande et montre qu’elles ne peuvent avoir un effet durable sur les prix, et donc générer de l’inflation, que si elles s’accompagnent de l’explication de l’inflation par la monnaie. Cette approche s’inscrit dans le cadre de la nouvelle économie keynésienne qui associe présence de rigidités de court terme et anticipations rationnelles des agents. Cela signifie qu’à court terme, l’économie fonctionne de manière « keynésienne » mais qu’à long terme, elle fonctionne de manière « classique ». Quelles sont les conséquences de ces hypothèses sur la théorie de l’inflation ? A court terme, l’inflation a deux origines : une inflation par les coûts et une inflation par la demande. L’inflation par les coûts est à l’origine celle que l’on retrouve dans la courbe de Phillips  : lorsque le chômage diminue, les tensions sur le marché du travail apparaissent et provoquent une accélération de l’augmentation des salaires et du niveau général des prix. Mais l’introduction de l’hypothèse d’anticipation rationnelle permet de compléter ce raisonnement : une boucle inflation/salaire se met alors en place, puisque les agents économiques parfaitement informés anticipent les conséquences de l’inflation sur leur futur pouvoir d’achat et cherchent à le défendre en demandant des hausses de salaires, qu’ils obtiendront plus facilement si le marché du travail est au plein emploi. L’inflation par la demande s’explique de la manière suivante : la hausse de l’inflation fait baisser le taux d’intérêt réel et stimule le cycle financier, mais la hausse de la demande se heurte à court terme à une offre qui est rigide et n’a pas encore augmentée. Mais ces deux mécanismes ne peuvent affecter le niveau général des prix de long terme si, et seulement si, la politique monétaire est durablement trop laxiste. L’inflation par les coûts n’apparaît que si les anticipations d’inflation des agents ne sont pas maîtrisées et, l’inflation par la demande, qui si l’inflation fait baisser le taux d’intérêt réel. Pour F.Mishkin, sans « largesse » des autorités monétaires, les situations d’inflation par les coûts ou d’inflation par la demande ne pourraient être durables. Finalement, c’est bien la création monétaire qui devient la source explicative première de l’évolution du niveau général des prix.F.Mishkin illustre cette hiérarchie des facteurs explicatifs de l’inflation à partir de l’exemple américain. La période 1967-1973 est marquée par une inflation par la demande et à partir de 1975, l’inflation a pour source une hausse des coûts de production. Mais ces deux déterminants de l’inflation sont alimentés par une politique monétaire expansionniste dont l’objectif est de faire baisser un taux de chômage jugé trop élevé.

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Facteurs de production  : travail + capitalTechnologie : PGF

Ils déterminent la croissance potentielle de l’économie

A long terme l’économie utilise tous ses facteurs pleinement : pas d’écart de production

Détermination d’un volume de transaction et de son évolution(donc détermination de la demande de monnaie)

Si le volume de monnaie créée (ie, offre de monnaie) est équivalent à la hausse du

volume des transactions (demande de monnaie) : pas d’impact sur le niveau

général des prix

Si le volume de monnaie créée (ie, offre de monnaie) est supérieur à la hausse du volume des transactions (demande de monnaie) : hausse du

niveau général des prix

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Document 42

Source : F.Mishkin, « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007, 8ième édition,

Document 43 : l’inflation n’est durable que si elle est d’origine monétaire

Document 44 : la politique monétaire ne vise pas que le contrôle de l’inflation S’il est acquis que l’inflation ne présente aucun avantage intrinsèque, et qu’une croissance monétaire rapide n’a rien d’un événement spontané, c’est donc que les gouvernements, en essayant d’atteindre d’autres objectifs, sont à l’origine d’une croissance rapide de l’offre de monnaie et donc une forte inflation. (…) La recherche d’un haut niveau d’emploi est souvent le premier objectif, générateur d’inflation, poursuivi par les gouvernants. Ainsi aux Etats-Unis, la loi (Employment Act de 1946 et Humprey-Hawkins Act de 1978) confie au gouvernement fédéral la mission de promouvoir le plein-emploi. Même si cet objectif reste compatible avec la ESH – ECE 2 Camille VernetNicolas Danglade 2016-2017

Politique monétaire expansionniste

Augmentation de la quantité de monnaie

Les agents anticipent l’inflation

Demande rattrapage du pouvoir d’achat par hausse des salaires

Inflation

Baisse taux d’intérêt réel

Hausse de la demande dans un contexte d’offre rigide

Politique conjoncturelleLa puissance publique cherche à réduire

le taux de chômage

Inflation par les coûts : choc d’offre négatif

Inflation par la demande : choc de demande positif Effets temporaires

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stabilité des prix, en pratique, les gouvernements ont souvent poursuivi un objectif de plein-emploi trop ambitieux sans trop se soucier des conséquences inflationnistes de leur politique. Ce fut notamment le cas de 1965 à la fin des années 1970 quand le gouvernement se mit à chercher activement à stabiliser le chômage.Les politiques interventionnistes visant à atteindre un haut niveau d’emploi peuvent entraîner des poussées inflationnistes de deux types : l’inflation par les coûts et l’inflation par la demande. L’inflation par les coûts survient à la suite de chocs d’offre ou d’augmentations excessives de salaires. De l’autre l’inflation par la demande est le fruit de politiques interventionnistes déplaçant la courbe de demande globale vers la droite.

Source : F.Mishkin, « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007, 8ième édition, p.838-839

Document 45 : la politique monétaire en réponse au choc d’offre négatif L’inflation n’est possible qu’à la condition d’un déplacement continu de la courbe de demande globale vers la droite. Dans l’optique keynésienne, le déplacement initial de la courbe de demande globale en AD2 est dû à une augmentation ponctuelle des dépenses publiques, ou à une réduction ponctuelle des impôts. Mais pourquoi la courbe de demande globale se déplace-t-elle en AD3, tout d’abord, puis en AD4 ? Les contraintes naturelles limitant le montant maximal des dépenses publiques et le montant minimal des impôts empêchent en effet la poursuite sur le très long terme de ce type de politique budgétaire laxiste. Par conséquent, cette dernière ne peut être utilisée indéfiniment pour déplacer la courbe de demande globale vers la droite. En revanche, ce déplacement de la courbe de demande globale peut être dû à une hausse continue de l’offre de monnaie, c’est-à-dire à une accélération de la croissance monétaire. Par conséquent, une inflation par les coûts est en réalité un phénomène monétaire, car elle n’est pas possible sans une politique monétaire accommodante permettant une croissance plus rapide de l’offre de monnaie.

Source : F.Mishkin, « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007, 8ième édition, p.838-839

Document 46 : l’explication monétariste de l’inflation à l’aide du modèle Offre globale / Demande globale Nous pouvons examiner dans le cadre monétariste les conséquences de la croissance durable de l’offre de monnaie. L’économie se situe initialement au point 1 (intersection des courbes d’offre globale AS1 et de demande globale AD1).

Si l’offre de monnaie croît régulièrement au cours de l’année, la courbe de demande globale se déplace vers la droite (dans le modèle monétariste, la hausse de l’offre de monnaie se traduit par une hausse de la demande à court terme). (…) Le produit s’élève alors en Y’ qui est au dessus de son niveau « naturel » (la production réelle dépasse donc la production potentielle) ; mais la diminution du taux de chômage qui suit cette augmentation du produit pousse les salaires à la hausse, déplaçant ainsi rapidement la courbe d’offre globale vers la gauche  ; ce mouvement ne cesse que lorsque l’offre globale a rejoint AS2, où le produit à retrouver son niveau d’équilibre sur le courbe d’offre globale de long terme. Le nouvel équilibre au point 2 est caractérisé par une hausse du niveau des prix de P1 à P2. Si l’offre de monnaie s’accroît de nouveau l’année suivante, la courbe de demande globale va connaître un nouveau déplacement à droite, qui l’amène en AD3, tandis que la courbe d’offre globale se déplace de AS2 en AS3. L’économie se déplace temporairement au point 2’, avant de se stabiliser au point 3 auquel le niveau des prix a

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augmenté jusqu’à P3. Si l’offre de monnaie continue à augmenter les années suivantes, l’économie perdure tant que l’offre de monnaie croît, ce qui génère de l’inflation. Les monétaristes ne laissent donc aucune place à un facteur autre que la croissance de l’offre de monnaie pour expliquer une croissance continue du niveau des prix. (…) L’approche monétariste estime donc qu’une inflation élevée trouve son origine uniquement dans une croissance rapide de l’offre de monnaie.

Source : F.Mishkin, « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007, 8ième édition, p. 831-832

2.2 Expliquer l’hyperinflation 2.2.1 L’hyperinflation expliquée par un déterminant fondamental : la création monétaire

Document 47 : l’hyperinflation allemande et l’impôt « inflationniste »En 1921, la nécessaire reconstruction de l’économie allemande après la première guerre mondiale a conduit l’Etat allemand à dépenser des sommes bien supérieures à ses recettes budgétaires. Le gouvernement aurait pu collecter des ressources supplémentaires en augmentant les impôts, mais cette solution était, comme toujours, politiquement impopulaire et difficile à mettre en place. Il aurait pu également financer ces dépenses par l’emprunt auprès de la population, mais les sommes nécessaires dépassaient largement sa capacité d’endettement. Il ne restait donc qu’une voie ouverte : la planche à billets. L’Etat allemand avait en effet la possibilité de financer ses dépenses simplement en imprimant de la monnaie supplémentaire (ce qui en accroissait de fait l’offre) qui servirait à rétribuer les agents lui fournissant des biens et services. En 1923, la situation budgétaire du gouvernement allemand montra des signes de détérioration supplémentaires. Quelques temps plus tôt, la France avait envahi la Ruhr, l’Allemagne n’ayant pas versé les indemnités de réparation. Un mouvement de grève générale fut alors lancé dans la région afin de protester contre l’invasion française, et le gouvernement allemand apporta son soutien financier à cette résistance passive. Les dépenses publiques s’envolèrent alors à un rythme encore plus soutenu, poussant le gouvernement à faire imprimer encore davantage de monnaie afin de financer des dépenses nouvelles. Le résultat de cette explosion de l’offre de monnaie fut une croissance exponentielle du niveau des prix, qui s’accrut de 1 million de % pour la seule année 1923. (…) L’hyperinflation allemande vérifie tous les critères empiriques permettant de légitimer l’affirmation de Friedman selon laquelle l’inflation est un phénomène monétaire.

Source : F.Mishkin, « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007, 8ième édition, p.829

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2.2.2 La critique régulationniste : l’hyperinflation est une spirale auto-entretenue qui détruit le système monétaire

Document 48 : l’hyperinflation est une crise monétaire « pure » Michel Aglietta s’oppose à cette explication de l’hyperinflation. A partir d’un certain stade, l’inflation s’auto-entretient et s’autonomise des déterminants « fondamentaux » qui poussent à la hausse du niveau général des prix. En ce sens, elle devient, une crise monétaire « pure » (selon l’expression de M.Aglietta). Pourquoi cette dynamique s’enclenche-t-elle ? Lorsque la hausse du niveau général des prix s’accélère les rôles d’unité de compte et de réserve de valeur de la monnaie sont endommagés. En conséquence, les acteurs privés cherchent des alternatives pour conserver leur richesse. La première consiste à utiliser un référent de valeur extérieur à l’économie (par exemple une devise étrangère, ce que l’on appelle la dollarisation de l’économie), ou à utiliser un bien réel comme monnaie de substitution. M.Aglietta cite l’exemple de la monnaie-cigarettes en Allemagne en 1945. La seconde alternative entraîne l’économie dans l’hyperinflation. Lorsque les offreurs de biens n’anticipent pas suffisamment l’évolution des coûts de production, ils cherchent à « récupérer » ce qu’ils pensent avoir perdu en augmentant leur prix. Comme tous les offreurs de biens réagissent de la même façon, le niveau général des prix augmente. Mais les biens vendus peuvent aussi être des biens intermédiaires (utilisés dans la production d’autres biens), ce qui entraîne un nouvel ajustement d’offreurs qui s’estiment à leur tour lésés par l’inflation. Finalement, le mouvement des prix devient à la fois la cause et la conséquence d’une spirale auto-entretenue : les prix augmentent parce que les prix augmentent, jusqu’au moment où le système monétaire disparaît. Tel un incendie, l’hyperinflation consume la monnaie jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Cette approche s’oppose à celle défendue par les monétaristes, M.Aglietta écrit « l’affirmation de Milton Friedman, selon qui l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire, au sens quantitativiste de la relation entre monnaie et inflation, est une contrevérité. Le processus autoentretenu de l’hyperinflation proprement dite, dans laquelle les prix divergent jusqu’à la destruction de l’unité de compte, est une phase au cours de laquelle l’inflation s’accélère jusqu’à l’infini si elle n’est pas stoppée par une réforme monétaire radicale. Elle n’a plus aucun lien avec quelque cause fondamentale que ce soit ». La présentation de l’hyperinflation allemande par Michel Aglietta est la suivante. Entre 1920 à l’été 1922, une série d’événements politiques dégradent la confiance dans la monnaie. A partir de juin 1922 à juin 1923, les entreprises et municipalités utilisent des monnaies de substitution pour payer leurs salariés, ces derniers s’en servent ensuite pour échanger des biens. Durant l’été 1922, les effets commerciaux détenus par les entreprises sont transférés directement à la banque centrale et les dettes privées systématiquement refinancées. La création monétaire débridée conduit alors à une accélération de l’inflation. Les agents économiques, notamment ceux en lien avec le commerce international, se mettent à conserver des dollars plutôt que des marks. Et c’est en juin 1923, que le mécanisme auto-référentiel de l’inflation se déclenche : l’inflation est telle que, tout individu qui est incapable d’indexer ses revenus sur les anticipations d’inflation se voit immédiatement ruiné !

2.3 L’inflation : un phénomène qui s’inscrit dans la diversité des modes de régulation du capitalisme

Document 49 : l’inflation n’est pas une maladie mais l’expression du fonctionnement du capitalisme Pierre Bezbakh, dans « Inflation et désinflation » (2006), présente les travaux de l’école de la régulation selon laquelle l’inflation est « un phénomène lié aux structures du capitalisme mondial et de ses composantes nationales (…) et non (…) une maladie dont on pourrait guérir en prenant un remède approprié ». Dans Economie politique des capitalismes (2015), Robert Boyer distingue plusieurs formes de régulation du régime capitaliste : une régulation à l’ancienne jusqu’à la fin du 18ième siècle, une régulation concurrentielle typique du 19ième siècle, un temps du changement long durant l’entre-deux-guerres, et une régulation monopoliste durant les trente glorieuses. Chacune de ces formes s’accompagne d’un schéma explicatif propre de l’inflation.

2.3.1 Inflation et régulation à l’ancienne

Document 50 : inflation et crise frumentaireLa régulation « à l’ancienne » est caractéristique d’une économie rurale dans laquelle l’activité économique dépend de l’activité agricole. L’inflation est associée ici aux crises « frumentaires ». Lors des mauvaises récoltes, les prix des produits agricoles flambent et cette hausse se transmet aux autres biens, la demande se contracte et les salaires nominaux chutent.

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2.3.2 Inflation et régulation concurrentielle au 19ième siècle

Document 51 : inflation, déflation et cycle des affaires La caractéristique de cette période du début du 19ième siècle est le passage d’une économie agricole à une économie industrielle : les cycles économiques deviennent des cycles des affaires. Que se passe-t-il dans une phase d’accélération de l’activité ? Durant cette phase, les coûts de production augmentent car les investissements progressent, ainsi que les taux d’intérêt et le prix des matières premières. L’inflation fait augmenter le coût de la vie. Les salaires nominaux augmentent, mais leur hausse n’est pas suffisante pour compenser les effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ouvriers. Par contre ces hausses de salaires provoquent une substitution du travail par du capital. Les capacités de production continuent donc de progresser dans un contexte où les salaires nominaux restent encore une variable d’ajustement et ne permettent pas l’installation d’une consommation de masse. Les crises de surproduction arrivent donc fatalement, le cycle des affaires se retourne. L’activité bascule dans la dépression, les entreprises qui ont constitué des stocks doivent baisser leur prix. Mais les salaires nominaux baissent moins que les prix, ce qui permet de maintenir une demande et de faire repartir le cycle une fois « purger » le surplus de production antérieur. En résumé, les mécanismes d’ajustement de l’économie passent désormais par les prix des biens et services, ce qui se traduit par l’alternance de périodes d’inflation et de déflation.

Document 52 : évolution du NGP durant la période de « régulation concurrentielle » (je mets en gras l’idée essentielle de la thèse régulationniste)

Les explications de l’inflation par la monnaie, la demande et les coûts (…) représentent l’inconvénient de ne pas situer l’inflation dans le contexte de l’évolution du système économique dans lequel elle apparaît. (…) L’inflation apparaîtra ainsi non comme le produit de dérèglements passagers d’une économie (…), ni comme le fruit d’une mauvaise gestion des autorités monétaires, mais comme un phénomène lié aux structures du capitalisme mondial et de ses composantes nationales. Le 19ième siècle et l’entre-deux-guerres auraient été caractérisés par une « régulation concurrentielle » du capitalisme en développement, c’est-à-dire par des mécanismes de fonctionnement et d’ajustement du système productif reposant sur la flexibilité des prix et des revenus. (…) La régulation concurrentielle est caractérisée par une grande flexibilité des salaires nominaux et de l’emploi, devenant très sensibles aux variations de la production industrielle. Celle-ci tendit à dépendre du mouvement des prix (…). Ainsi, les hausses des prix favorisaient l’essor de la production, qui provoquait une demande accrue de travail et la hausse des salaires nominaux. Inversement, la baisse des prix déprimait les profits et la production, ce qui entraînait une réduction de l’emploi et des salaires. (…)

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.46-60

2.3.3 Inflation et régulation monopoliste durant les trente-glorieuses

Document 53 : avec le compromis salarial fordiste, la déflation disparaît mais l’inflation devient rampanteDans les régimes de régulation monopoliste, qui se met définitivement en place après 1945, le fonctionnement des sociétés capitalistes change : les prix et les salaires nominaux ne jouent plus le même rôle. Les innovations organisationnelles et technologiques font augmenter la productivité du travail, tandis que la hausse de la taille des marchés permet de réaliser d’importantes économies d’échelle. Syndicats et patronat deviennent des partenaires sociaux qui négocient les relations de travail sous l’œil de l’Etat. Les gains de productivité sont répartis entre hausse des salaires, hausse des profits et baisse des prix. Une dynamique « vertueuse » se met en marge : d’un côté, la hausse des revenus et du pouvoir d’achat des salariés permet la consommation de masse, de l’autre côté, la hausse des profits permet l’accumulation du capital physique. Le cycle inflation/déflation disparaît au profit d’une succession de périodes d’inflation et de désinflation. Dès que les hausses de salaire dépassent celles des gains de productivité, l’inflation par les coûts s’accélère. Dans ce régime de régulation, l’inflation devient un élément inhérent du fonctionnement de l’économie. D’une part, l’augmentation des revenus réels est considérée comme une condition de progrès social et de bien-être et, d’autre part, la plupart des groupes sociaux ont la capacité d’obtenir cette amélioration de leurs revenus réels en déplaçant sur les autres groupes les coûts de cette amélioration. La régulation monopoliste a pour conséquence de diffuser dans l’ensemble des secteurs économiques l’objectif de hausse des salaires, même lorsque les gains de productivité y sont faibles. Les augmentations de salaires dans les secteurs les plus performants deviennent la référence nominale à atteindre pour tous les autres secteurs. Peu à peu apparaît une déconnexion entre l’évolution des salaires et la situation sur le marché de l’emploi. L’inflation rampante des années 1960 devient galopante dans les années 1970. La conséquence de cette déconnexion est que la hausse des salaires devient indépendante des évolutions du marché du travail et notamment se poursuit alors que le

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chômage progresse dès la fin des années 1960. On sort ainsi du cadre de la courbe de Phillips : salaire, prix et chômage peuvent augmenter en même temps. La théorie de la régulation fournit donc une analyse alternative à la théorie monétariste pour expliquer la stagflation.

Document 54 : évolution du NGP et période de « régulation monopoliste »Le terme de « régulation monopoliste » ne signifie pas que l’évolution historique aboutit autour des années 1950 à la domination tyrannique des grands monopoles contrôlant totalement le mécanisme des prix. (…) Il signifie que le fonctionnement des économies capitalistes développées tendit à obéir à des règles différentes de celles qui régissaient ces mêmes sociétés avant la seconde guerre mondiale. (…) Cette régulation monopoliste correspond à une situation dominée par deux éléments fondamentaux et étroitement liés : d’une part, la capacité de la plupart des groupes sociaux à obtenir le maintien ou l’amélioration de leurs revenus réels et à déplacer vers les autres les coûts supportés ; d’autre part, la croyance en l’idée que la croissance continue du niveau de vie de tous les membres de la communauté nationale est possible et assurée par une politique appropriée de l’Etat, garantissant une hausse des rémunération nominales, d’autant plus forte que s’élève le coût de la vie. (…) Il existe un dualisme entre un « secteur moteur » dynamique constitué des grandes firmes où la productivité est élevée et la main d’œuvre qualifiée et des entreprises peu concentrées, souvent moins productives, utilisant une main d’œuvre moins organisée et moins qualifiée. Mais il se produit un effet de diffusion du taux d’accroissement des rémunérations salariales à l’ensemble de l’économie, sans relation directe avec les gains de productivité spécifiques à chaque entreprise. Cette généralisation des hausses de salaires s’effectue particulièrement en période de croissance plus forte, et de climat inflationniste plus prononcé, ce facteur contribuant à créer ou à amplifier le processus inflationniste. (…) Mais ce dualisme entre « secteur moteur » et « secteur entraîné » provoque une segmentation du marché du travail. Non seulement les salariés du premier secteur sont mieux rémunérés, mais ils sont aussi mieux protégés du chômage par leurs conventions collectives propres. (…) En revanche, dans le second secteur, une période de récession provoque des problèmes parfois insolubles et peut accélérer le déclin d’entreprises vouées à termes à la disparition. (…) L’alignement sur le niveau de rémunération du premier secteur peut avoir pour effet d’accentuer leurs difficultés.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.46-60

Document 55 : l’explication « régulationniste » de la stagflationOn comprend donc que soit possible simultanément une montée du chômage et une persistance de l’inflation, contrairement à l’hypothèse keynésienne et aux observations de Phillips, selon lesquelles l’inflation ne se développe qu’en plein emploi. Il se produit une déconnexion entre les procédures de détermination des salaires et la situation sur le marché de l’emploi : alors que dans un régime de « régulation concurrentielle », les salaires nominaux dépendent largement de la confrontation entre l’offre et la demande globale de travail, la « régulation monopoliste » se caractérise par le fait que les salaires nominaux s’établissent par référence aux gains de productivité réalisés et anticipés dans les secteurs les plus performants, sans que soit immédiatement pris en compte l’éventuel déséquilibre sur le marché du travail. (…) Le second grand facteur de transformation du mode de régulation fut constitué par l’extension de l’intervention de l’Etat dans le fonctionnement de l’économie. (…) Cette intervention étatique joue un rôle prépondérant dans la législation concernant le monde du travail (droit social, conditions de licenciement, normes de rémunération, procédures de négociations collectives). (…) L’évolution des coûts salariaux et des prix était le résultat d’une négociation tripartite mettant aux prises le patronat, les syndicats, et le gouvernement  ; l’issue de celle-ci dépendait du rapport de force conjoncturel entre les trois parties. (…) Cette intervention étatique joue aussi sur la demande globale à travers le montant des dépenses publiques. (…) Enfin, la politique monétaire menée par les gouvernants a bouleversé les conditions du financement de l’économie. L’abandon définitif de la référence à un stock de métal et à une valeur-or des monnaies a permis de libérer la création de moyens de paiements. (…) La levée de la contrainte monétaire qui freinait au 19ième siècle l’expansion du crédit à la production et à la consommation permet d’atténuer l’amplitude des cycles économiques, mais constitue aussi une condition permissive de l’inflation.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.46-60

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2.4 Expliquer la « Grande modération » : une inflation durablement faible à partir de la fin des années 1980

2.4.1 L’inflation devient durablement faible

Document 56 : évolution de l’inflation mondiale

Source : Natixis Flash Eco n°77, 27 janvier 2014

Document 57 : distinguer inflation et inflation sous-jacente

Source : Natixis Flash Eco n°1285, 25 novembre 2016

Document 58 : l’écart inflation/inflation sous jacente est du la hausse du prix des matières premières

Source : Natixis Flash Eco n°334, 29 avril 2014

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Document 59 : une nouvelle période du capitalismeDans un discours au FMI en 2013, Larry Summers (The new secular stagnation hypothesis) explique que les économies des PDEM ont retrouvé progressivement depuis les années 1980 des rythmes de croissance proches de ceux du 19ième siècle. Les explications de ce fléchissement sont nombreuses (progrès technique moins important, vieillissement de la population, baisse de la rentabilité du capital) mais L.Summers insiste sur la place que tient désormais le cycle financier. Dans une lecture régulationniste, M.Aglietta (La monnaie. Entre dettes et souveraineté, 2016) rejoint cette analyse. Désormais le cycle économique découle non plus du cycle des affaires mais du cycle financier : le cycle financier produit des variations du prix des actifs financiers ; cette variation génère des effets de richesse qui se répercutent à leur tour sur la demande des agents non financiers et, au final, sur l’activité réelle. Les cycles économiques suivent les cycles financiers. Cela a une conséquence importante sur l’inflation : dans cette finance libéralisée, c’est la variation des prix des actifs qui indique la position dans le cycle, lorsque le cycle se retourne, une crise financière se déclenche, et le prix des actifs financiers chute. L’inflation réagit donc moins à la conjoncture, comme elle pouvait le faire durant les Trente glorieuses. Et l’inflation durablement faible que l’on observe depuis les années 1980 n’est pas le signe d’une économie en « bonne santé ». En outre, cette situation pose un problème à la politique monétaire puisque le déroulement du cycle financier « ne se voit pas » à travers l’évolution de l’inflation. Enfin, lorsque le cycle financier se retourne et que la crise financière éclate, les dettes accumulées durant la phase haussière du cycle produisent un effet de déflation par la dette. En résumé, des périodes d’inflation stables et basses et d’inflation quasi-nulle ou de déflation se succèdent les unes aux autres. L.Summers insiste sur le fait que désormais les cycles réels dépendent des cycles financiers et que la déflation est une situation attendue lors du retournement du cycle.

2.4.2 La crédibilité retrouvée des politiques

Document 60 : le rôle des déterminants fondamentaux Certains auteurs considèrent que la désinflation de la fin des années 1980, puis le maintien d’une inflation basse et stable, est le résultat de l’efficacité des politiques monétaires qui ont réussi à maîtriser les anticipations inflationnistes des agents. Cette efficacité découle de la crédibilité acquise par les banques centrales dans la lutte contre l’inflation au début des années 1980. L’explication de la Grande modération est donc ici d’origine monétaire.

2.4.3 Le résultat de la mondialisation commerciale, productive et financière

Document 61Pour Kenneth Rogoff (2003), c’est davantage vers la mondialisation économique qu’il faut se tourner pour comprendre la Grande modération. L’intégration croissante des économies nationales fait converger les prix des biens et le coût du travail. Ce phénomène est accentué par l’entrée dans le commerce mondial des grandes économies asiatiques et l’approfondissement de la division internationale du processus de production. Selon D.Rodrik (Nations et mondialisation, 2008), cette intégration plus importante des économies a également pour conséquence de faire reculer la capacité des Etats-nations à mener des politiques autonomes en faveur des salaires et de la redistribution des revenus. Pour J.Stiglitz (Le prix de l’inégalité, 2012), la mondialisation « lamine » le pouvoir de négociation des syndicats. En résumé, la mondialisation a pour conséquence de limiter le risque d’inflation par les coûts ou par la demande.

Document 62- la croissance très faible des salaires : cette croissance très faible des salaires s’explique, d’une part, par les

politiques de désinflation compétitive qui ont conduit à ralentir la hausse des salaires. Elle s’explique, d’autre part, par la pression sur les salaires que la mondialisation produit. Pour Freeman, l’entrée dans la mondialisation de la Chine et de l’Inde a fait doubler la population active concernée par la mondialisation, ce qui a pesé sur les salaires des ouvriers non qualifiés des PDEM. Pour Rogoff, cette mondialisation a fragilisé la position des « insiders » sur les marchés du travail et donc à freiner leur capacité à faire défendre les hausses de salaires. Troisième argument : cette inflexion du rythme de croissance des salaires associée à une hausse des gains de productivité, pourrait provoquer une baisse des coûts unitaires de production (si les gains de productivité augmentent plus vite que les salaires) et donc une baisse des coûts de production ;

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- l’inflation sous jacente est très faible : L'inflation sous-jacente est l'évolution du niveau général des prix débarrassée de sa composante conjoncturelle. En effet, la désinflation est en partie conjoncturelle avec la baisse du prix des produits énergétiques et la plupart des autres matières premières sur les marchés mondiaux. Une fois que l’on a enlevé cette dimension conjoncturelle, on observe que le maintien d’un chômage de masse (tout particulièrement en Europe) empêche la formation de tendance inflationniste sur les salaires (cf courbe de Phillips) ; dit autrement, le chômage freine l’augmentation des prix ;

- Des politiques indirectement déflationnistes menées au nom de la recherche de compétitivité  : les conséquences des politiques de désinflation compétitive non-coopérative. On pense bien sûr à l’exemple de l’Allemagne avec les lois Hartz (à partir de 2003/04)  : ces réformes s’appuient sur une modération salariale, avec pour objectif de garder les excédents commerciaux dans un contexte d’inflation très faible (déflation salariale) ; mais la contrepartie de cette politique est la compression de la demande interne et l’envolée du taux d’épargne. Cette politique peut être jugée non coopérative car elle implique que les autres pays de l’UE absorbent les excédents de production allemands (c’est-à-dire qu’ils soient, eux, structurellement en déficit et qu’ils n’appliquent donc pas la même politique que l’Allemagne) ; mais cela ne peut fonctionner que si les pays ne rencontrent pas de difficultés pour se financer – ce que la crise des dettes souveraines à remis en cause.

2.4.4 Un symptôme de la stagnation séculaire 

Document 63 : le vieillissement de la population

Source : Natixis Flash Eco n°77, 27 janvier 2014

Document 64 : l’évolution de la profitabilité des entreprises depuis 1999

La hausse de la profitabilité des entreprises, au niveau mondial (la hausse de la productivité plus rapide que celle des salaires réels, graphique 8), est normalement annonciatrice de désinflation, puisque les entreprises n’ont pas besoin d’accroître leurs prix pour restaurer leurs profits.

Source : Natixis Flash Eco n°77, 27 janvier 2014

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2.4.5 Une désinflation accentuée par le choc de demande négatif de 2008 (qui pousse les économies à la porte de la déflation)

Document 65 : le chômage affecte l’évolution du salaire nominal et du coût salarial unitaire (monde)

Source : Natixis Flash Eco n°77, 27 janvier 2014

Document 66 : une croissance mondiale en baisse, trop faible pour faire remonter le prix des matières premières

Source : Natixis Flash Eco n°77, 27 janvier 2014

Document 67 : une baisse de la productivité par tête et donc de la croissance potentielle

Source : Natixis Flash Eco n°77, 27 janvier 2014

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Document 68 : les mécanismes de diffusion de la déflation en France

http://www.xerficanal-economie.com/emission/Deflation-la-contamination_1796.html

Document 69 : des anticipations déflationnistes qui s’installentLorsque les entreprises anticipent un recul ou une stagnation de l’activité, elles peuvent en déduire que les prix vont baisser ; or, en anticipant une baisse des prix, elles vont décider de transférer dans le temps leurs investissements car elles associent déflation/baisse du chiffre d’affaire et baisse des profits. En conséquence, les investissements et l’emploi sont pénalisés. Du côté des consommateurs, ceux-ci peuvent confondre baisse des prix relatifs et baisse du niveau général des prix et attendre que les prix baissent davantage pour procéder à des achats coûteux (immobilier).

Document 70 : la baisse de l’inflation anticipée

Source : Natixis Flash Eco n°1012, 18 décembre 2015Document 71 : la zone euro à la porte de la déflation

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Mécanisme auto-entretenu : baisse des prix / baisse des marges / baisse des coûts / baisse de la demande globale

Depuis fin 2012, les anticipations déflationnistes augmentent (baisse des anticipations d’inflation)

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3. La déflation

3.1 Distinguer plusieurs types de déflation : the good, the bad and the ugly

Document 72: bonne, mauvaise et affreuse déflation Si l’on a coutume de présenter le 19ième siècle comme un siècle déflationniste, il ne faut pas se méprendre sur le sens que l’on donne à ce terme. Les périodes de déflation n’empêchent pas la croissance de long terme. C’est la déflation des années 1930 aux Etats-Unis qui change la perception que l’on a aujourd’hui sur ce phénomène. Car cette fois, entre 1929 et 1933, la baisse des prix de 25% s’accompagne d’une chute de la production de 30% et d’une hausse du taux de chômage à 25%. Dit autrement, la baisse des prix n’apparaît plus comme un élément « normal » du fonctionnement de l’économie mais plus comme une pathologie qu’il faut combattre et éviter. Les travaux de Bordo et Filardo (2005) proposent ainsi de distinguer trois types de déflation ; en détournant le titre du western spaghetti « The Good, The bad and the Ugly » (Sergio Leone, 1966). Les « bonnes » déflations (The Good) : elles proviennent de chocs d’offre positifs (concurrence internationale, gains de productivité) qui provoquent un recul modéré des prix (exemple : Etats-Unis, 1921-1929) ;Les « mauvaises » déflations (The Bad) : elles proviennent d’une faiblesse de la demande et s’accompagnent d’une récession (exemples : 1837-1843 / 1919-1921 / 1937-1938 / 1948-1949) ; Les « affreuses » déflations (The Ugly) : elles se caractérisent par une chute importante des prix et une forte contraction de l’activité, c’est-à-dire une dépression (exemples : 1929-1933 / 2008-2011) Les travaux de Bordo et Filardo sont cités dans Philippe d’Arvisenet « Les politiques monétaires dans la tempête », Economica, 2014.

Déflation The good The bad The uglyCaractéristique : recul ou hausse de l’activité Origine ? Exemples historiques

3.2 Expliquer la déflation

3.2.1 Les chocs d’offre positifs et la « bonne » déflation

Document 73 : la « bonne » déflation et les chocs d’offre positifs Dans le cas de la « bonne » déflation, on assiste à des chocs d’offre positifs. L’ouverture internationale fait augmenter la concurrence et permet d’éliminer les entreprises les moins performantes. La réallocation des facteurs de production produit les mêmes effets sur les prix que le progrès technique. Celui-ci découle des innovations de produits ou procédés, mais également des innovations organisationnelles. Par exemple, le développement du travail à la chaîne aux Etats-Unis à partir du début du 20ième siècle va accélérer la croissance durant la décennie 1920. Les chocs d’offre positifs se traduisent par une baisse du niveau général des prix accompagnant la croissance économique.

Document 74: les limites de la politique de dévaluation interne On pourrait néanmoins penser que si l’inflation est néfaste pour la balance commerciale, notamment en handicapant les exportations, alors la déflation aurait l’effet inverse. Cela peut fonctionner effectivement dans certains cas (Espagne 2014) : la déflation fait augmenter la compétitivité prix et stimule les exportations. La déflation renchérit les importations et conduit à les limiter (effet de substitution) : la déflation aurait donc la capacité à rétablir la balance commerciale. Mais ses effets peuvent être illusoires : d’une part, comme pour les dévaluations, cela ne marche que si les autres pays n’entrent pas à leur tour dans une guerre des prix qui annule les effets de la déflation salariale (si tout le monde pratique une déflation en même temps, personne n’en sort gagnant) ; si ce type de stratégie collective se met en œuvre, le risque est d’assister à une grave contraction des échanges (années 1930) qui renforce encore davantage la dépression économique. Par ailleurs, la déflation fait baisser le rendement des investissements et cela peut conduire à une fuite des capitaux, notamment les IDE.

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3.2.2 Les chocs de demande négatifs et la « mauvaise » ou « affreuse » déflation

Document 75: les cycles des affaires dans le mode de régulation concurrentielleDans une perspective régulationniste, M.Aglietta montre dans « Monnaie. Entre dettes et souveraineté » (2016) que les déterminants de la déflation doivent être associés aux différentes formes de capitalisme qui se succèdent dans le temps. Les périodes de déflation du 19ième siècle ne se comprennent qu’en raison de l’existence d’un régime de régulation concurrentiel dans lequel les salaires sont fixés à un niveau minimal  : ils augmentent peu mais ne baissent pas. Lorsque la production augmente, l’offre vient alors buter sur la demande qui est insuffisante, et lorsque la déflation fait baisser le prix des biens, comme les salaires, eux, baissent peu, le pouvoir d’achat des salariés augmente et stimule la consommation. Cette formation des revenus ne prévaut plus au 20ième siècle, ce qui éloigne ce type de cause des explications de la déflation.

Document 76 : choc de demande négatif et erreur de politique monétaire, l’explication monétaristePour les monétaristes, la « mauvaise » déflation provient d’une erreur de politique monétaire : tout comme l’inflation provient d’une création monétaire trop importante, la déflation provient d’une création monétaire insuffisante. Dans « Histoire monétaire des Etats-Unis » (1963), Milton Friedman et Anna Schwartz insistent sur l’idée qu’au moment de la crise de 1929, la baisse de la masse monétaire liée aux faillites bancaires n’a pas été compensée par l’action de la Fed. La contraction de la masse monétaire a alors provoqué une déflation car elle s’est répercutée sur la demande globale.

Document 77 : le mécanisme de déflation par la dette (I.Fisher) et le cycle financier La déflation des années 1930 est l’occasion d’enrichir l’analyse de la déflation en y intégrant les conséquences de l’endettement des agents et du fonctionnement du cycle financier. Durant les phases optimistes des cycles financiers, l’offre de financement augmente, l’endettement des agents augmente, les prix des actifs grimpent, ce qui génère un effet de richesse. Durant cette période d’euphorie, des agents de plus en plus fragiles s’endettent. C’est une situation typique du paradoxe de la tranquillité (H.Minsky, 1982). Peu à peu les premières défaillances des agents apparaissent, et le climat d’optimisme se fissure. Les banques commencent à freiner l’accès au crédit, ce qui ralentit l’activité économique. Comment alors bascule-t-on dans la déflation ? Avec le retournement du cycle, les revenus cessent de croître, et mécaniquement le ratio d’endettement (qui mesure le rapport dettes/revenus) des agents augmente : ils doivent donc consacrer une part plus importante de leur revenu à rembourser leurs dettes. Ils cherchent donc à s’en débarrasser en vendant leurs actifs. Lorsque ces ventes sont massives, les prix chutent, la valeur du patrimoine des agents s’effondre. Les ménages qui ne peuvent faire face au remboursement de leurs dettes font défaut, les entreprises font faillites. Ces défauts des ménages et faillites des entreprises poussent les banques à encore resserrer les conditions d’accès au crédit. Le credit crunch qui en découle produit un choc de demande négatif, renforcé par le comportement des agents. La valeur de leur patrimoine ayant chuté, ils cherchent à le reconstituer en augmentant leur effort d’épargne, donc en sacrifiant leur consommation. Le choc de demande négatif a pour conséquence de faire baisser le niveau général des prix : c’est le mécanisme de déflation par la dette présenté par Irvin Fisher (The Debt deflation theory of great depressions, 1933). Une des caractéristique du système financier est d’être pro-cyclique : durant la phase de croissance, les agents s’endettent, ce qui renforce la croissance ; durant la phase de dépression, les agents se désendettent, ce qui renforce la dépression. On reconnaît là, la conclusion des travaux d’Hyman Minsky (Can « it » happen again ? Essays on Instability and Finance, 1982).

Document 78 : mécanisme de la déflation par la dette (Irvin Fischer)Déflation

Conséquence sur le prix des actifs acheté par

emprunt

Baisse/augmente

Evolution du ratio Valeur Dette/ valeur ActifsComportement des AE, ils

cherchent à S’endetter davantage / se

désendetter Conséquence du

comportement des AE sur le prix des actifs

Baisse / augmente

Conséquence sur le niveau général des prix

Baisse / augmente

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Document 79 : le retour de la déflation au début des années 2000Un choc négatif sur la demande globale, lié à un retournement cyclique de forte ampleur, à l’éclatement d’une bulle des prix d’actifs ou encore à une politique restrictive qui débouche sur une récession, creuse un output gap négatif qui entraîne une baisse du niveau général des prix et une baisse du taux d’intérêt réel lorsque le taux nominal bute sur le plancher du taux zéro. En cas de choc négatif sur la demande, un excès d’offre apparaît et exerce une pression baissière sur les prix. La hausse du taux d’intérêt réel qui en découle pèse à son tour sur la demande, ce qui accentue la pression baissière sur les prix et la hausse du taux réel.

Source : Philippe d’Arvisenet « Les politiques monétaires dans la tempête », Economica, 2014, p. 104

Document 80 : la conséquence de la déflation sur le taux d’intérêt réel alimente le choc de demande négatif Lorsque le niveau général des prix baisse cela a un impact sur le taux d’intérêt réel, qui toutes choses égales par ailleurs augmente. cette situation peut être contrecarrée par la politique monétaire en faisant baisser le taux d’intérêt nominal du marché monétaire. mais cette politique a une limite : il n’est pas possible de baisser le taux d’intérêt nominal au dessous de zéro. En conséquence, lorsque la politique monétaire arrive à cette limite du taux zéro et que les prix continuent de baisser, cela fait croître le taux d’intérêt réel. Cette hausse du coût du capital pénalise les investissement et renforce le choc de demande négatif, qui alimente la baisse du niveau général des prix.

3.3 La déflation : un processus auto-entretenu

Document 81 : le rôle des prophéties auto-réalisatrice dans le spirale déflationniste De la même manière que l’inflation peut dégénérer en hyperinflation en s’autonomisant des déterminants « fondamentaux », la déflation peut elle aussi se nourrir d’elle-même à travers un mécanisme auto-référentiel. La question est alors de savoir pourquoi une « mauvaise » déflation se transforme en une « affreuse » déflation ? Lorsque les agents économiques anticipent une baisse des prix, ils vont chercher à s’en prémunir. Les investisseurs vont différer leurs investissements car la baisse des prix est interprétée comme une baisse de la rentabilité des investissements. Les consommateurs, eux, retardent leurs achats afin de bénéficier de prix plus bas plus tard. Les agents sont, en quelque sorte, dans une situation de statu quo. Il existe une préférence de plus en plus grande pour la liquidité qui se concrétise par la disparition de la monnaie de la circulation. On assiste alors à une pénurie de monnaie, qui renforce la baisse des prix, puisque les biens ne peuvent plus être vendus. Les anticipations d’inflation et la préférence pour la liquidité font chuter de la demande globale, les prix baissent, ce qui à son tour agit sur les anticipations d’inflation et la préférence pour la liquidité, … le mécanisme s’auto-entretient. La déflation comme mécanisme auto-référentiel est la deuxième forme de crise monétaire pure avec l’hyperinflation (M.Aglietta, 2016).

Document 82 : l’impact (négatif) de la déflation sur la demande globale et la PGFDéflation

Préférences des AEConsommateurs Entreprises

Préférence pour la liquidité

Décaler les achats Décaler les investissements

baisse de la masse monétaire en circulation

Baisse de la demande Baisse de la PGF

Baisse des prix Baisse de la croissance potentielle

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4. Lutter contre l’inflation et la déflation : vaut-il mieux l’inflation à la déflation ?

4.1 Le coût de la lutte contre l’inflation

Document 83 : mesurer le coût de la lutte contre l’inflation Philippe d’Arvisenet (Les politiques monétaires dans la tempête, 2014) propose de mesurer la perte subie par l’économie lors de la mise en œuvre d’une politique de lutte contre l’inflation à l’aide d’un « ratio de sacrifice ». Il prend l’exemple de la politique menée aux Etats-Unis par P.Volker qui a ramené l’inflation de 14,3% début 1980 à 3,3% fin 1983. Combien a-t-il fallu sacrifier de croissance et d’emplois pour faire baisser l’inflation ? Chaque point d’inflation en moins a fait augmenté l’écart de production (l’output gap mesure l’écart entre croissance potentielle et réelle) de 1,14 point et augmenté le taux de chômage de 0,7 point. La lutte contre l’inflation n’est donc pas indolore : elle se paie par moins de croissance et plus de chômage. Plus l’inflation est élevée, plus ce coût sera important. Ce coût peut devenir politique quand l’inflation devient hyperinflation. Pour rétablir la confiance dans la monnaie, cela passe généralement par une remise en cause de l’autorité monétaire : la dollarisation ou la caisse d’émission font perdre à l’autorité monétaire sa capacité à créer de la monnaie. Dans le cas de l’Allemagne en 1924, il a fallu créer une nouvelle monnaie (le rentenmark) et une nouvelle banque centrale (la rentenbank).

Document 84: les coûts pour se débarrasser de l’inflation sont élevésLorsque l’inflation s’installe, il est coûteux de s’en débarrasser. (…) L’amorce d’une baisse de l’inflation implique que soit menée une politique restrictive provoquant un ralentissement de la demande globale. Le freinage de la croissance et donc des revenus, le moindre recours à l’endettement et un effet de richesse négatif se conjuguent pour exercer in fine une pression modératrice sur les prix, la poussée du chômage venant pour sa part limiter la progression des salaires nominaux. La politique restrictive aura d’abord des effets sur les volumes (croissance, emploi) avant que ne se manifeste un recul de l’inflation, celle-ci étant typiquement une variable retardée du cycle économique. On peut mesurer la perte subie par l’économie réelle au moyen d’un ratio de sacrifice (RS) qui indique le coût en PIB ou en chômage d’une baisse d’un point de l’inflation. La perte de PIB, entre le moment où la politique anti-inflationniste est mise en œuvre et le moment où l’objectif d’inflation est réalisé, est mesurée par le cumul des écarts entre le PIB et le PIB potentiel. Par exemple, la politique anti-inflationniste menée par P.Volcker aux Etats-Unis au début des années 1980 a ramené l’inflation d’un pic de 14,3% au premier trimestre 1980 à 3,3% au quatrième trimestre 1983 (- 11 points). Dans le même temps, l’écart de production négatif cumulé a atteint 12,5 points, d’où un ratio de sacrifice de 12,5/11 = 1,14. Chaque point de recul de l’inflation a eu un coût de 1,14 point d’output gap négatif. Avec le taux de chômage, passé de 6% fin 1979 à 10,7% fin 1983 et à 8,5% fin 1984, le coût en chômage de la politique restrictive, mesuré par l’écart cumulé entre le taux de chômage observé et le taux de chômage structurel, a atteint 7,8 points, le ratio de sacrifice a été de 7,8/11=0,71. La réduction d’un point de taux d’inflation a eu un coût de 0,7 point de taux de chômage.

Source : Philippe d’Arvisenet « Les politiques monétaires dans la tempête », Economica, 2014, p. 6

4.2 Faut-il toujours lutter contre l’inflation ? « Mauvaise » et « affreuse » inflations posent problème

Document 85 : les problèmes posés par l’inflation L’inflation pose problème pour plusieurs raisons :

- elle empêche la monnaie de remplir ses trois fonctions traditionnelles d’unité de compte, de réserve de valeur et d’intermédiaire des échanges. Elle rend difficile les comparaisons dans le temps, fait baisser le pouvoir d’achat de la monnaie et lorsque les agents fuient une monnaie, son utilité en tant qu’intermédiaires des échanges décline ;

- Elle renforce l’incertitude qui entoure les décisions des agents et provoque une hausse des primes de risque qui font augmenter le coût des investissements ;

- Elle pousse les consommateurs à préférer le présent au futur : la circulation de la monnaie s’accélère, on dit que « la monnaie brûle les doigts »

- Elle provoque une détérioration de la compétitivité prix des exportations ainsi que des sorties de capitaux car elle réduit le rendement net des capitaux investis. La dégradation de la balance courante et la sortie des capitaux conduisent alors soit à une dépréciation de la monnaie, soit une dévaluation. Lorsque les agents anticipent l’inflation, les conséquences sont les mêmes.

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En résumé, tant que l’inflation perturbe l’allocation des ressources, elle peut être qualifiée de «  mauvaise » inflation, mais quand elle s’appuie sur un processus auto-entretenu tendant vers l’hyperinflation alors elle devient une « affreuse » inflation.

Document 86 : la monnaie n’assume plus ses fonctions traditionnelles A partir du moment où l’inflation se met à déraper, les taux d’intérêt de marché non seulement répercutent la hausse des prix, mais incorporent en outre une prime de risque inflationniste liée à l’incertitude quand au niveau d’inflation future. Dès lors, les taux d’intérêt réels tendent à augmenter, ce qui est de nature à freiner l’activité et à alourdir la charge de l’endettement. L’inflation s’accompagne de plusieurs types de coûts :

- elle remet en cause la capacité de la monnaie à remplir correctement ses trois fonctions d’unité de compte, d’instrument de transaction et de réserve de valeur. Unité de compte : les prix des biens, des services, des actifs, des dettes … sont libellés dans une même monnaie, ce qui facilite les comparaisons. Instrument de transaction : une monnaie universellement acceptée élimine le troc et facilite les transactions. La monnaie est un bien public, son utilité augmente avec le nombre de ceux qui en acceptent l’usage (un euro ne vaut pour moi que s’il vaut aussi pour mon fournisseur). Réserve de valeur : en cas d’érosion du pouvoir d’achat des actifs monétaires (ou non indexés), le service de liquidité que doit fournir la monnaie n’est plus assurée.

- Les perturbations dans le mécanisme des prix relatifs : une inflation élevée s’accompagne généralement d’une forte volatilité de l’inflation elle-même, mais aussi des prix relatifs. Cela rend la comparaison des prix relatifs difficile, de même que la définition des stratégies à long terme, ce qui débouche sur des décisions erronées, préjudiciables à une bonne allocation des ressources. les incertitudes qui en résultent en matière de rendement des actifs poussent les taux d’intérêt à la hausse du fait du gonflement des primes de risque ;

Source : Philippe d’Arvisenet « Les politiques monétaires dans la tempête », Economica, 2014, p. 6

Document 87 : la monnaie qui brûle les doigts et l’hyperinflationL’inflation peut déboucher sur un processus cumulatif en déclenchant des comportements de fuite en avant devant la monnaie et se transformer en hyperinflation ; L’inflation peut être à l’origine, puis résulter elle-même, d’un processus cumulatif et déboucher sur une situation d’hyperinflation. Les comportements de fuite devant la monnaie alimentent la demande, ce qui attise l’inflation. Ce phénomène peut apparaître lorsque les déficits budgétaires sont financés par la création monétaire. (…) En économie ouverte, cela se traduit par une dépréciation de la monnaie domestique liée aux pertes de compétitivité-prix et aux sorties de capitaux. la dépréciation engendre de l’inflation importée qui alimente l’inflation, qui elle-même entretient la dépréciation. Un cercle vicieux est alors enclenché.

Source : Philippe d’Arvisenet « Les politiques monétaires dans la tempête », Economica, 2014, p. 6

Document 88 : inflation et balance commercialeUn fort différentiel d’inflation entre un pays et ses concurrents commerciaux tend à dégrader le solde de ses échanges extérieurs puisque ses produits deviennent moins attractifs pour les acheteurs étrangers, alors que les consommateurs du pays sont attirés par les produits importés. Le cas de la France est représentatif de cette situation. La France retrouvera un solde positif de ses échanges extérieurs après plusieurs années de faible inflation en 1992-1993.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.61-71

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Document 89 : les effets de l’inflation anticipéeL’inflation est en effet un phénomène auto-réalisateur : en anticipant que les prix seront plus élevés demain, on achète aujourd’hui, ce qui effectivement fait augmenter les prix. Tout le monde préfère ainsi dépenser aujourd’hui (« la monnaie brûle les doigts »). (…) En Yougoslavie, en janvier 1994, les prix ont augmenté en l’espace de quelques mois de plusieurs centaines de milliers de pourcents ! L’expérience la plus récente est celle du Zimbabwe tout au long des années 2000 où le taux d’inflation a atteint jusqu’à 231 millions de pourcents  ! En situation d’hyperinflation, la monnaie finit par perdre toute sa valeur. (…) Quand la monnaie ne vaut plus rien, mieux vaut échanger des biens contre d’autres biens. L’hyperinflation peut ainsi finir par totalement démonétiser l’économie. Ce sont les fondements même de l’économie de marché qui peuvent alors se trouver menacer, (…) la souveraineté de l’Etat du pays concerné se trouve ébranlée.

Sourcel : J.Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Licence Eco, Puf, 2010, p.222-225

Document 90 : inflation processus cumulatif Inflation

Baisse de la charge de la dette Anticipation des AE : inflation future anticipée

Baisse compétitivité prix des exportations domestiques ;

Sortie capitaux

Incitation financement dette publique par création monétaire (la

BC achète des titres publics)

Préférence des consommateurs pour le présent augmente

Dépréciation monnaie

Hausse de la demande Inflation importéeInflation

Document 91 : l’hyperinflation allemandeQuelques années après la fin de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne connut une flambée des prix exceptionnelle par son ampleur et unique dans l'histoire des pays industrialisés : en novembre 1923, un dollar valait 4 200 milliards de marks, contre 60 marks en 1921 et 4,2 en 1914. Un reichsmark de 1922 équivalait à 20 milliards de marks fin 1923 et un kilogramme de pain coûtait 600 milliards de marks ! Durant cette période la masse monétaire passa de 81 milliards de marks fin 1920 à 116000 milliards au milieu de 1923, masse dérisoire à la fin de l'année par rapport à la valeur exorbitante des transactions exprimées en marks.

Source : P. Bezbakh, « Inflation et désinflation », La découverte, 2011

Document 92: les effets de l’inflation non anticipée Les effets indirects de l’inflation non anticipée sont multiples (…). Il est possible d’en distinguer deux. En premier lieu, l’inflation non anticipée entraîne une redistribution des revenus et des richesses. (…) Certains sont gagnants, d’autres sont perdants. (…) Les perdants d’une inflation non anticipée ont plus de chance de se trouver parmi les agents les plus pauvres, moins familiers que les plus riches de l’innovation financière. (…) En deuxième lieu, l’inflation non anticipée est un facteur d’incertitude, ce qui se traduit notamment par les phénomènes suivants  : inclusion d’une prime d’inflation dans les taux d’intérêt à moyen et à long termes, préférence pour les contrats à court terme et pour la détention d’actifs réels et risque de mauvaise allocation des ressources, en particulier si les producteurs prennent les mouvements du niveau général des prix pour des variations de prix relatifs.

Source : F.Drumetz, C.Pfister et J.G Sahuc «  Politique monétaire », 2ième édition, De Boeck, 2015, p. 22

Document 93: les effets redistributifs de l’inflation Les principaux effets de l’inflation se font sentir sur la valeur réelle des créances et des dettes, sur la rentabilité économique et financière des entreprises et sur les échanges extérieures. L’existence d’un endettement important fait apparaître des transferts de revenus entre créanciers et débiteurs qui peuvent devenir considérables en période de montée de l’inflation. Celle-ci diminue en effet le coût réel de l’endettement. (…) D’un côté, les ménages épargnants voient la partie de leur patrimoine constituée de créances liquides ou semi-liquides peu ou non rémunérées érodée par l’inflation ; de l’autre, les entreprises et les ménages endettés peuvent bénéficier de très faibles taux d’intérêt réels, et même parfois de taux négatifs (taux d’intérêt nominaux inférieurs à l’inflation). (…) Jusqu’au début des années 1980, l’effet très positif de l’inflation sur la situation financière des agents structurellement endettés est manifeste. Depuis le début des années 1980, la désinflation a modifié la nature des transferts au profit des prêteurs. En effet, les faibles taux d’inflation ne permettent plus aux emprunteurs d’amortir partiellement leur dette, ce qui est particulièrement important dans le cas des administrations publiques.

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Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.61-71

Document 72: l’inflation modifie la situation des agents (perdants et gagnants de l’inflation)Perdants Gagnants

Hausse inflation Fixation des prix

Commerce extérieur

4.3 La « bonne » inflation

Document 94 : pourtant, il existe aussi une « bonne » inflation. Comment la caractériser ?- La « bonne inflation » est d’abord celle qui tient à distance le spectre de l’inflation galopante (et de l’hyperinflation) et celui la déflation. La « bonne » inflation, c’est donc celle qui est maîtrisée par l’autorité monétaire : les anticipations d’inflation des agents correspondent à la cible d’inflation que se donne la banque centrale. Par exemple, la « bonne » inflation se situe à 2% pour la Banque Centrale Européenne. C’est aussi celle qui minimise les effets néfastes de l’inflation sur l’allocation des ressources. D’une certaine manière, on peut dire que la « bonne » inflation est celle qui fait oublier la monnaie, ce que résume cette formule de M.Friedman : « Rien n’est moins important que la monnaie quand elle est bien gérée ». - Pour les économistes d’inspiration keynésienne, la « bonne » inflation est avant tout celle qui permet le meilleur fonctionnement possible de l’économie monétaire de production. Le financement de l’activité précède l’activité elle-même, l’investissement est un pari sur l’avenir (aussi bien du côté de l’entreprise que de celui de l’agent qui finance) et certains investissements seront nécessairement des échecs. L’inflation est le prix à payer pour que soient réalisés les projets et elle permet de réduire les risques en allégeant le poids de l’endettement. L’inflation a donc pour avantage de mettre de l’huile dans les rouages de l’économie. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’affirmation de Keynes selon laquelle il faut « euthanasier les rentiers » : l’inflation favorise l’emprunteur mais pénalise l’épargnant. - Avec les économistes de la synthèse apparaît durant les années 1950, une autre conception de la «  bonne » inflation, c’est celle qui permet de rapprocher la croissance réelle de la croissance potentielle. A court terme, l’ajustement de l’offre de monnaie permet de réduire les écarts de production. Les autorités monétaires doivent alors ajuster en permanence taux d’inflation et taux de chômage. Nous constatons qu’iI existe plusieurs manières d’appréhender ce qu’est une « bonne » inflation. Qu’est-ce qui sépare alors la bonne inflation d’une mauvaise ou affreuse inflation ? Dès que l’inflation s’inscrit dans une dynamique d’emballement qui interroge sur la capacité des autorités monétaires à la maîtriser, l’inflation bascule du mauvais côté. Mais le risque d’une « bonne » inflation, ce n’est pas uniquement qu’elle s’accélère et deviennent hors contrôle, c’est aussi qu’elle ralentisse, voire que le niveau général des prix chute ! Lorsque l’inflation est trop basse, l’économie est à la porte de la déflation.

Document 95 : décliner la classification des formes de déflaiton pour l’inflationInflation The good The bad The ugly

Caractéristiques Associée à un choc de demande positif

Inflation qui perturbe calcul des AE et provoque des anticipations inflationnistes

Les anticipations inflationnistes basculent dans l’hyperinflation

4.4 Le piège de la déflation  et les difficultés d’en sortir

Document 96: la spirale déflationniste met la politique monétaire conventionnelle en échecLa crise de 2008 et la situation japonaise ont ravivé les peurs de la déflation dans les PDEM. Comment faire pour lutter contre une déflation qualifiée de « mauvaise », c’est-à-dire une déflation qui s’accompagne d’une baisse de la production, d’une hausse du chômage et d’un affaiblissement de la croissance potentielle ? Est-il possible d’éviter que cette « mauvaise » inflation ne dégénère en « affreuse » déflation emportant le système monétaire avec elle ? La réponse des économistes est généralement emprunt de pessimisme. Constatant l’effondrement de l’activité durant les années 1930, J.M.Keynes a théorisé la situation de trappe à liquidité. Il s’agit d’une situation dans laquelle la politique monétaire qui agit conventionnellement sur le taux d’intérêt devient totalement inefficace : baisser les taux d’intérêt directeurs jusqu’à 0% ne fait pas repartir l’activité, la contraction de l’activité se poursuit. Comment expliquer cela ? Pour Keynes, il s’agit avant tout d’une question

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de psychologie sociale : les investisseurs n’anticipent pas de reprise et ne souhaitent pas, quel que soit le niveau des taux d’intérêt, investir. Dit autrement, « on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif ». Il est possible d’expliquer cette trappe en s’appuyant sur le concept wicksellien de taux d’intérêt naturel. Il y a alors trappe à liquidité lorsque le niveau du taux d’intérêt naturel (celui qui correspond à la rentabilité du capital) passe au-dessous du taux d’intérêt réel et que toute politique monétaire expansionniste devient inefficace. Comment cela est-il possible ? Le taux d’intérêt réel s’obtient de la manière suivante : Taux réel = taux nominal – inflation. On se rappelle que l’inflation est une hausse du niveau général des prix, tandis que la déflation est une baisse. Donc en situation de déflation, le taux d’intérêt réel s’obtient par : taux nominal + déflation. Cela signifie que pour un taux nominal égal à zéro (politique monétaire ultra accommodante), plus la déflation augmente, plus le taux d’intérêt réel augmente ! En conclusion, si le taux d’intérêt naturel se rapproche de zéro, que la déflation s’accélère et que le taux d’intérêt nominal est de 0%, alors le taux d’intérêt réel va dépasser le taux naturel. Par exemple pour un taux d’intérêt naturel = 2%, un taux d’intérêt nominal = 0% et une déflation égale à 3%, alors le taux réel est égale à 3%. Or 3%>2%, donc le taux d’intérêt réel est supérieur à la rentabilité du capital. Les investisseurs ne seront alors pas incités à emprunter. Pour les économistes qui défendent la thèse de la stagnation séculaire cette situation est proche de celle des économies développées : le taux d’intérêt naturel décroît régulièrement depuis 25 ans, lorsqu’un choc déflationniste se produit, la politique monétaire de taux zéro n’est alors plus en mesure de stimuler la reprise. Après une année de déflation en 2009, l’inflation est restée continuellement proche de zéro, c’est-à-dire suffisamment basse pour désinciter à la reprise des investissements.

Document 97: déflation et hausse du ratio d’endettementPar ailleurs, la déflation a pour conséquence d’alourdir mécaniquement le poids de la dette  : lorsqu’on emprunte 100 pour acheter un bien qui vaut 100, on a un ratio d’endettement de 100% ; mais lorsque le bien que l’on achète voit sa valeur baisser par exemple à 50, alors le ratio d’endettement passe à (100/50)=200%. La déflation handicape donc les emprunteurs et peut les conduire à devenir insolvable (entreprises ou consommateurs)  ; ce qui provoque des défauts de paiements, des faillites et une contraction de la demande. C’est le mécanisme mis en avant par Irvin Fisher de la déflation par la dette (debt deflation). La baisse des prix peut concerner les marchés des biens (ou services), les biens immobiliers mais aussi les actifs financiers comme les actions ou les obligations. or, on sait que ces actifs représentent une part importante de l’actif du bilan des banques et des autres intermédiaires financiers. une déflation n’affecte donc pas seulement le bilan des entreprises qui vendent des biens et services, le niveau d’endettement des ménages et des entreprises, mais également le bilan des intermédiaires financiers. C’est donc l’ensemble du système économique qui est touché et fait basculer l’économie dans un choc de demande négatif. Enfin, on peut signaler que comme il y a un frein sur les investissements, les épargnants réorientent leur épargne vers des « valeurs refuges » qui ont une dimension improductive : comme l’or par exemple.

Document 98 : l’inefficacité des politiques monétaires à taux zéroSituation de recul de la demande

Politique monétaire Baisser / augmenter le taux d’intérêt nominal ?Efficacité / inefficacité ? Explications Anticipation des AE (Keynes) Evolution du taux d’intérêt réel

Conclusion : situation de trappe à liquiditéLa liquidité proposée par la Banque Centrale ne conduit pas à une

reprise de l’activité

Document 99 : en résumé, le piège de la déflation

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Déflation

Boucle recul de l’activité / anticipations des AE

Course au désendettement Politique monétaire (conventionnelle) inefficace

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Document 100 : quelle politique conjoncturelle pour sortir de la déflation ?Dans le contexte de la déflation, la politique monétaire conventionnelle montre ses limites et l’action conjoncturelle doit passer par :

1) une politique monétaire non conventionnelle susceptible de faire repartir les anticipations d’inflation. Pour Paul Krugman, dans ce cas de figure l’inflation n’est pas le problème mais la solution. En faisant basculer le niveau général des prix de la baisse vers la hausse, le taux d’intérêt réel va baisser, voire devenir négatif ;

2) une politique monétaire non conventionnelle capable de réduire le poids de l’endettement des agents, en particulier les acteurs du système financier ;

3) associer à la politique monétaire, une politique budgétaire expansionniste pour créer un choc de demande positif : la dépense publique ses substituant à la dépense privée. Mais cette action dépend à son tour de la capacité des Etats à s’endetter, ce qui peut poser problème, comme l’a montré la crise des dettes souveraines qui a secoué l’Europe à partir de 2011. C’est l’argument central des économistes keynésiens qui estime que l’efficacité de la politique budgétaire est supérieure à celle de la politique monétaire à l’approche du taux zéro.

Document 101 : synthèse

Document 102 : conclusion, mieux vaut l’inflation que la déflationEn conclusion, les politiques de lutte contre l’inflation, quoique coûteuses, sont plus efficaces que les politiques de lutte contre la déflation, car elles ne se heurtent pas au piège de la trappe à la liquidité. Les autorités monétaires préfèrent donc avoir à contrôler l’inflation plutôt qu’à lutter contre la déflation. Comme le résume Jézabel Couppey-Soubeyran dans Monnaie, banques, finance (2010) « Rien n’est pire que la déflation, situation symétrique de l’inflation, telle que l’ensemble des prix baissent jusqu’à paralyser totalement l’économie. (…) Raisonnablement, les autorités monétaires estiment donc qu’un niveau positif d’inflation est bénéfique à l’économie. »

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Déflation

Anticipations des AE Hausse du ratio d’endettement

Recul de la demande (consommation et investissement)

Désendettement

Baisse du prix des actifs Baisse du prix des B&S

Impact négatif sur le chiffre d’affaires des entreprises

Le poids de l’endettement augmente chez les agents non financiers

L’actif du bilan des banques et établissements financiers se détériore : crise de solvabilité

Choc de demande négatif

Anticipations déflationnistes

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5. Quelques exemples de politiques économiques visant à agir sur le niveau général des prix

5.1 La politique de désinflation menée par P.Volcker

Document 103: la politique monétaire « retrouvée » avec P.Volcker (1979)A partir du milieu des années 1970, la situation est propice à l’adoption d’une approche différente de l’inflation. Celle-ci se concrétise, notamment par le recours à des objectifs (…) qui engagent les banques centrales vis-à-vis du public et visent à agir sur les anticipations d’inflation. Aux Etats-Unis, le tournant n’est toutefois pris qu’après la nomination de Paul Volcker à la tête de la FED en août 1979 et l’entrée en vigueur de la réforme du 06 octobre 1979. (…) Les années suivantes, voient l’inflation américaine éradiquée au terme d’un processus coûteux, mais beaucoup moins que pronostiqué par les économistes keynésiens : la période qui s’ouvre est marquée par une stabilité des prix. Deux traits caractérisent la nouvelle approche de l’inflation ; elle est vue comme un phénomène monétaire au sens où la politique monétaire peut la contrôler, éventuellement seule ; elle est aussi vue comme un processus dynamique qui fait interagir le secteur privé et la banque centrale, ce qui amène la politique monétaire à être orientée vers l’avenir (forward-looking).

Source : F.Drumetz, C.Pfister et J.G Sahuc «  Politique monétaire », 2ième édition, De Boeck, 2015, p. 26

Document 104: la règle monétaire monétaristePour contenir, l’inflation, il conviendrait alors de contenir l’expansion monétaire à un taux constant et modéré, qui aurait de plus pour effet de stabiliser les anticipations inflationnistes et de faire tendre le système vers un équilibre stable sur tous les marchés. Ce rythme de croissance devrait être le même que celui de la croissance de la production réelle observée dans le long terme, et assurerait un développement économique non-inflationniste.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.26-46

Document 105

Source : F.Mishkin, « Monnaie, banque et marchés financiers », Pearson, 2007, 8ième édition,

5.2 La politique de désinflation compétitive en France

Document 106La situation française du début des année 1980 est typique de la stagflation : la croissance est faible, le chômage élevé ; à cette stagflation s’ajoute le creusement du déficit commercial. En 1983, le gouvernement du Premier ministre Pierre Mauroy choisit de mettre en œuvre la politique dite de « désinflation compétitive ». La hausse des prix doit être freinée afin d’éliminer les effets d’une « mauvaise » inflation sur l’économie, et la désinflation doit permettre de regagner en compétitivité prix et de rétablir l’équilibre de la balance commerciale. La participation au SME empêche la France d’agir sur son taux de change pour dynamiser ses exportations. Elle est donc obliger de passer par une « dévaluation interne » qui consiste à maîtriser la hausse des prix. Pour Jean-Claude Trichet,

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(gouverneur de la Banque de France, puis président de la BCE), cette politique de désinflation compétitive s’appuie sur : a) une politique monétaire davantage restrictive (afin de ralentir la croissance de la masse monétaire en circulation) ; b) une politique budgétaire moins expansionniste (afin de réduire le déficit public et faire baisser les taux d’intérêt) ; c) un ralentissement de la hausse des coûts de production en particulier les salaires (en réalisant la désindexation des salaires sur l’inflation) ; d) une politique structurelle introduisant davantage de flexibilité des prix et de concurrence (afin de faire reculer les prix administrés et les rentes de situation). En résumé, la politique de désinflation compétitive cherche à réduire l’inflation par la monnaie (politique monétaire restrictive) et l’inflation par les coûts (ralentissement de la hausse des salaires, flexibilité des prix, disparition des anticipations d’inflation des agents). Cette politique conduit l’inflation française à rapidement converger vers celle des pays les «  plus vertueux » comme l’Allemagne. L’inflation passe de 13,5% en 1980 à 5% en 1985. La balance commerciale redevient positive en 1993.

5.3 La politique de lutte contre la déflation japonaise

Document 107A la sortie des années 1980, le Japon est présenté comme un modèle de rattrapage économique capable de concurrencer les Etats-Unis. Pourtant en l’espace d’une décennie, l’économie japonaise tombe dans un marasme dont elle a encore du mal à sortir. Entre 1998 et 2004, le niveau général des prix baisse durant 7 années consécutives. La déflation cumulée entre 1997 et 2012 est de 18%. La réaction des autorités japonaises consiste à mener une politique monétaire très accommodante et à utiliser les dépenses publiques pour soutenir la demande globale. Le Premier Ministre Abe (2012) rajoute une politique structurelle dont l’objectif est de faire augmenter la croissance potentielle. Politique monétaire accommodante, politique budgétaire expansionniste et politique structurelle forment « les trois flèches des abenomics ». La politique budgétaire expansionniste et la politique structurelle conduisent à l’envolé du ratio d’endettement public qui passe de 75% du PIB en 1992, à 150% en 2002 puis 250% en 2015. Du côté de la politique monétaire, la Banque centrale du Japon (BoJ) se trouve face à une trappe à la liquidité : la baisse des taux directeurs à 0% n’est pas efficace. Elle inaugure alors des politiques monétaires non conventionnelles (en ce sens, la situation de la Banque centrale du Japon préfigure celle des banques centrales des pays occidentaux après la crise de 2008) en mettant en place un quantitative easing. Entre 2010 et 2015, la base monétaire est multipliée par 3 entre 2010 et 2015. Après une légère amélioration en 2013, ces politiques ne permettent pas au Japon de sortir de cette stagnation. Les revenus des salariés ne progressent pas (depuis 2002, les salaires réels au Japon n’ont augmenté qu’en 2012 et 2013) et cette déformation du partage de la valeur ajoutée conduit les agents économiques à anticiper une déflation, ou une inflation très faible, plutôt que l’accélération de la hausse du niveau général des prix. Or, c’est bien cette absence d’anticipations d’inflation qui empêchent ces politiques d’être efficace malgré les moyens mis en œuvre.

5.4 La politique monétaire depuis 2008

5.4.1 La réaction « conventionnelle » de la politique monétaire après le choc de 2008

Document 108: les politiques monétaires face à la crise de 2008Avec la crise financière, les banques centrales ont mené des politiques monétaires exceptionnellement expansionnistes pour soutenir les banques, tenter de faire repartir le crédit, éviter l’effondrement des prix des actifs et l’installation d’une spirale déflationniste toujours dangereuse. En cela, elles ont agi comme une banque centrale agit toujours en pareilles circonstances  : elles ont augmenté considérablement la liquidité en circulation. C’est ce que la Banque du Japon avait tardé à faire, avant de finalement s’y résoudre avec la crise bancaire japonaise de la fin des années 1990. C’est ce que la Réserve fédérale a également décidé à plusieurs reprises avec la crise immobilière du début des années 1990, puis des nouvelles technologies (2001) et à nouveau avec la crise de 2008, ou la Banque d’Angleterre. Cette fois, pour lutter contre la crise la plus dangereuse depuis 1929, les autorités monétaires de la planète ont sorti l’artillerie lourde et pris des mesures d’une nature et d’une ampleur tout à fait inédites. Dès l’été 2007 et les premières secousses, elles ont d’abord puisé dans l’arsenal des moyens d’intervention traditionnels, avant de passer à un dispositif encore nettement plus offensif.

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p.16

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Document 109 : la baisse du taux directeur Dans le registre traditionnel, les banquiers centraux ont très vite dégainé l’arme des taux d’intérêt, afin de limiter les effets de la crise financière sur la croissance. La Fed a amorcé, dès le début de la crise, une longue phase de décélération de son principal taux directeur, passé de 5,25% au début de l’été 2007 à une fourchette de 0% à 0,25% depuis le 16 décembre 2008, soit une baisse de 500 points de base en 18 mois. Quant à la BCE, qui avait augmenté régulièrement le sien jusqu’à l’été 2007, elle a tenu le palier des 4% jusqu’à la mi-2008, avec même une dernière augmentation à 4,25% le 3 juillet 2008, avant d’amorcer à son tour une série de baisses après que la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 ait menacé d’emporter l’ensemble du système bancaire. Le 7 mai 2009, le principal taux directeur de la BCE s’élève à 1%. La Banque d’Angleterre et la Banque du Japon ont bien entendu emprunté le même chemin.

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p.17

Document 110 : évolution taux d’intérêt (zone euro)

Source : Natixis Flash Eco n°859, 03 novembre 2015

Document 111 : l’intervention sur le marché du refinancement interbancaire Les autorités monétaires sont également intervenues massivement dès l’été 2007 pour injecter des liquidités sur le marché interbancaire, principale source de refinancement des banques, dès qu’elles ont constaté que, miné par une grave crise de confiance, celui-ci était menacé d’asphyxie. (…) Les autorités monétaires ont décidé de jouer

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pleinement leur rôle de prêteuses en dernier ressort, en intervenant massivement pour injecter des liquidités dans le système, espérant ainsi réduire les tensions sur le marché monétaire et restaurer la confiance. (…)

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p.18

Document 112 : les politiques monétaires « conventionnelles » mise en œuvre dès le début de la crise des subprimes, quel résultat ?

Instrument Baisse des taux d’intérêtObjectif Faciliter le refinancement auprès

de la banque centraleApporter de la liquidité au marché

interbancaire en crise de confiance

Conséquence attendue Stimuler la création monétaire par les banques commerciales (+ de crédit)

Document 113 : la baisse du repo entre 2008 et 2010 produit une faible stimulation de la base monétaire dans la zone euro

Document 114 : un très faible impact sur le crédit bancaire

Source : Natixis Flash Eco n°859, 03 novembre 2015

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Page 38: Module 4 : D_s_quilibres, r_gulation et action publique · Web viewLa baisse des prix, très forte de 1929 à 1934-1935, entraîna un effondrement des profits et un blocage de l’investissement,

Document 115 : la croissance de la masse monétaire ne suit pas celle de la base monétaire

source : FMI

Document 116 : des politiques conventionnelles inefficaces pour faire redémarrer l’économieCes différentes mesures de politiques monétaires ont été efficaces pour restaurer la liquidité sur les marchés interbancaires et assouplir les conditions de crédit, mais elles n’ont pas pour autant fait redémarrer la machine économique. Un grand classique chaque fois que l’on se trouve confronté à une conjoncture où les emprunteurs veulent à tout prix se désendetter. Or, c’est bien ce que montraient les enquêtes réalisées par les banques centrales à la fin 2008/début 2009 « on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif » dit le proverbe populaire. (…) La baisse des taux d’intérêt et les injections de liquidités ont donc en définitive surtout favorisé la restauration des marges bancaires ainsi que l’accumulation de réserves de liquidités dans leurs bilans.

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p.20

Document 117 : l’économie prise dans la trappe à la liquiditéLorsque les banques accumulent les réserves, tandis que les investisseurs institutionnels comme les ménages privilégient soit les actifs sans risque, soit les liquidités, l’économie n’est pas loin de tomber dans le piège de «  la trappe à la liquidité ». Formule sibylline pour exprimer le fait que, si les taux d’intérêt sont très bas, a fortiori si le taux nominal flirte avec le zéro, les agents économiques sont incités à préférer détenir de la monnaie plutôt que des titres, puisque, dans une telle situation, ils anticipent que les taux d’intérêt ne peuvent qu’augmenter (et donc que le prix des obligations ne peuvent que baisser). Dès lors, il y a de fortes chances pour que toute injection de monnaie supplémentaire soit thésaurisée, que l’excès d’épargne ne soit pas résorbé et que l’économie s’enlise dans la récession. Les perfusions de liquidités, qui ont permis dans un premier temps de rétablir le fonctionnement normal du marché interbancaire, finissent par avoir pour seul effet d’accroître inutilement la liquidité bancaire. (…) Cette situation de « préférence pour la liquidité » est de nature à bloquer le redémarrage du crédit ou des achats d’actifs risqués. Qu’est-ce qu’une déflation en définitive sinon une forte préférence collective pour la liquidité ? Que peut faire une banque centrale lorsque les taux d’intérêt ont été ramenés à un niveau proche de zéro et qu’en définitive, les mesures classiques susceptibles de fluidifier le canal du crédit touchent à leurs limites ?

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p.21

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Document 118: rappel, le piège de la déflation

5.4.2 Le passage aux politiques monétaires non conventionnelles

Document 119 : en période de crise, il faut sortir des stratégies conventionnellesL’une des conclusions de mon étude de la Grande Dépression est que l’on a tendance à considérer que l’orthodoxie est une stratégie sûre. Mais la stratégie doit dépendre de la situation. En période de crise, l’orthodoxie peut s’avérer être une très mauvaise stratégie.

Source : Ben Bernanke, cité par le Financial Times, 5 janvier 2009

Document 120 : Comment sortir de la trappe à la liquidité ? Quelle réponse conjoncturelle à la déflation ?

Document 121 : mise en œuvre d’une politique de money rainA crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Les banques centrales ont globalement mobilisé des moyens inédits par leur nature et par leur ampleur pour tenter de stopper la spirale infernale de la récession-déflation. (…) Une politique qualifiée de money rain où la liquidité coule à flots. La Banque d’Angleterre et la Banque du Japon ont emprunté le même chemin. Cette stratégie était justifiée aux yeux des autorités monétaires par la violence et la profondeur de la crise financière. On a beaucoup comparé, parfois à tort, parfois à raison, la crise actuelle est celle de 1929, mais il est incontestable qu’une des leçons tirées des années 1930, comme d’ailleurs de la déflation japonaise des années 1990, par les autorités politiques et monétaires fut la nécessité d’agir massivement et rapidement, afin de ne pas laisser le système bancaire aller dans le mur et de soutenir autant que possible l’activité pour éviter que la crise ne dégénère en déflation. (…) Lorsque les taux d’intérêt sont devenus quasi nuls, comme c’est le cas aujourd’hui, que peuvent faire les banques centrales pour éviter que les économies ne tombent dans le piège déflationniste et pour favoriser la reprise économique ?

Source : P.Artus et M.P.Virard « La liquidité incontrôlable. Qui va maîtriser la monnaie mondiale ? », Pearson, 2010, p.55

Document 122 : les politiques monétaires dites non conventionnelles (typologie de Bernanke)

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Casser les anticipations déflationnistes ?

Utiliser la politique budgétaire : recherche multiplicateur de la dépense publique

Casser la baisse des prix des biens et des actifs

Utiliser la politique monétaire non conventionnelle

Augmenter la demande globale anticipée

Stimuler les anticipations d’inflation

Déflation

Anticipations déflationnistes des

AE

Désendettement qui accentue la baisse des prix (effet de richesse

négatif)

Politique monétaire (conventionnelle)

inefficace : trappe à la liquidité (l’excès

d’épargne n’est pas résorbé)

Hausse du taux d’intérêt réel quand

taux nominaux à zéro

Recul auto-entretenu de l’activité

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La réponse des banques centrales à la crise s’est parfois traduite par des innovations remarquées du cadre opérationnel de la politique monétaire. Toutefois, la typologie établie il y a quelques années par Bernanke et al. (2004) conserve toute sa validité. Selon ces auteurs, les mesures non conventionnelles de politique monétaire peuvent en effet se classer en trois catégories :

- a) les mesures visant à orienter les anticipations des agents privés relatives à la trajectoire future des taux directeurs ; L’orientation de la politique monétaire ne se résume pas au niveau courant du taux d’intérêt à très court terme. Le fait de venir buter contre le plancher de 0 % pour le taux directeur ou de s’en rapprocher n’empêche pas la banque centrale d’agir sur les anticipations de taux directeurs futurs, afin de les aligner elles aussi sur un niveau très proche de zéro. La façon la plus directe de procéder pour la banque centrale consiste à s’engager, explicitement ou implicitement, à maintenir les taux directeurs à un bas niveau pendant un certain temps. (…)

- b) les mesures visant à augmenter la taille du passif de la banque centrale, donc la base monétaire ; Une autre option consiste à abandonner explicitement la politique de taux d’intérêt et annoncer une cible quantitative en termes de niveau souhaité des réserves excédentaires des banques commerciales. (…) La mesure peut être mise en œuvre concrètement par des achats de titres de diverses maturités et d’émetteurs publics ou privés (…). L’objectif premier de ces opérations d’open market n’est pas d’agir sur le prix relatif des actifs acquis par la banque centrale : il est de saturer la demande de monnaie centrale du système bancaire, au-delà de la quantité requise pour maintenir le taux d’intérêt de très court terme au niveau zéro. (…) S’il y a bien consensus parmi les économistes pour reconnaître un lien de long terme entre monnaie et inflation, il serait curieux qu’un accroissement durable, sinon définitif, de la base monétaire ne se traduise pas in fine par une augmentation du niveau des prix.

- c) enfin, les mesures visant à modifier la composition des actifs de la banque centrale. (…)Le troisième type de mesures non conventionnelles envisageable consiste à acheter des titres dans le but d’agir sur les prix relatifs de ces titres, vis-à-vis de la monnaie ou entre eux, en altérant la composition des actifs de la banque centrale. Ces titres peuvent être publics ou privés. Ils peuvent être achetés auprès des banques, mais aussi auprès d’autres intermédiaires financiers ou non financiers. En l’absence d’opérations simultanées de vente d’autres actifs (stérilisation), de tels achats conduisent habituellement à un gonflement du bilan de la banque centrale et de la base monétaire, tout comme l’assouplissement quantitatif. Cependant, la croissance du passif de la banque centrale, et notamment celle des réserves excédentaires des banques commerciales, n’est pas l’objectif directement visé : la banque centrale cherche avant tout à exercer une pression à la hausse sur le prix des titres qu’elle achète.Sources : Banque de France, « Questions actuelles », Les mesures non conventionnelles de politique monétaire face

à la crise, avril 2009

Document 123 : les politiques monétaires non conventionnellesLa mise en œuvre d’une politique monétaire ultra-accommodante est justifiée suite à l’éclatement d’une crise. L’intervention doit alors être massive et rapide. Elle peut également se justifier contre la menace déflationniste. Au-delà d’une politique de taux, les banques centrales ne sont pas dépourvues d’instruments :

- Elles peuvent influencer les anticipations de taux futurs en s’engageant de façon crédible à maintenir les taux bas (Fed 2003) ;

- Elles peuvent substituer une cible de niveau des prix à l’inflation targeting, avec l’objectif de ramener le niveau général des prix au niveau qu’il aurait atteint si l’inflation n’était pas passée en dessous de l’objectif. Cela conduit à accepter une inflation temporairement supérieure à la cible, la stratégie doit être crédible afin que les anticipations inflationnistes restent ancrées ;

- Elles peuvent modifier la composition du bilan, par exemple en procédant à l’achat d’obligations de façon à altérer la structure par terme des taux d’intérêt, éventuellement en s’engageant à poursuivre ses acquisitions tant qu’un niveau de cible de taux long n’est pas atteint (Fed après la seconde guerre mondiale).

- Elles peuvent augmenter la taille de leur bilan (quantitative easing), les achats de titres et l’augmentation des réserves bancaires au-delà de ce qui est nécessaire pour maintenir le taux de politique monétaire à zéro.

- Au-delà du canal des anticipations, plusieurs canaux sont à considérer : Le canal des portefeuilles : les achats des titres par la banque centrale entraînent une (…) hausse de la valeur des actifs, ce qui débouche sur un effet de richesse positif ; Le canal budgétaire : avec des achats de titres d’Etat, la banque centrale se substitue au secteur privé dans la détention de dette publique ; (…)

Source : Philippe d’Arvisenet « Les politiques monétaires dans la tempête », Economica, 2014, p. 109

Document 124 : les instruments de la politique monétaire conventionnelle et non conventionnelleESH – ECE 2 Camille VernetNicolas Danglade 2016-2017

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Politique monétaire ultra accommodanteConventionnelle Non conventionnelle

Baisser taux d’intérêt à court terme (sur les titres pris en pension sur une durée de quelques jours)

Maintenir taux bas pour une durée longue et indéterminée (augmenter la durée de prise en pension des titres

Acheter des titres (au lieu de simplement les prendre en pension) :

Acheter des titres qui ne sont habituellement pas acceptés par la BC

Exemple les LTRO menés par la BCE dès

2007 (prêts à long terme accordés aux banques,

durée 3 ans)

Exemple les mesures prises depuis début janvier 2015 par la BCE

Utiliser le canal des taux d’intérêt et le canal du crédit bancaire

Modifier les anticipations d’inflation des agents

Faire augmenter le prix des actifs

Modifier la structure des taux d’intérêt :

La hausse de la base monétaire doit générer de l’inflation (théorie quantitative) + Effet de richesse (baisser le ratio d’endettement des agents) = sortir de la déflation par la dette

Faire baisser les taux longs ;Faire baisser la charge de la dette publique qui augmente en période de crise (sortir de la déflation par la dette)

Le bilan de la banque centrale est affecté : il augmente et sa nature change

Document 125 : les politiques de QE dans la zone eurosource : vidéo Xerfi « comprendre le quantitative easing »

http://www.xerficanal-economie.com/emission/Comprendre-le-quantitative-easing_2388.html?IdTis=XTC-FZ0L-ABET2J-DD-D9H8F-AZLM

5.4.3 Des résultats modestes et décevants ESH – ECE 2 Camille VernetNicolas Danglade 2016-2017

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Document 126 : un impact modeste sur le niveau d’activité

Source : Natixis Flash Eco n°1014, 22 décembre 2015

Document 127 : mais une inflation qui reste toujours très faible

Source : Natixis Flash Eco n°1014, 22 décembre 2015

Document 128  : pourquoi cette faiblesse de l’inflation persistante ? La Mondialisation et les politiques monétaires non conventionnelles peuvent renforcer conjointement la

dynamique déflationniste http://www.xerficanal-economie.com/emission/Le-piege-mondial-de-la-deflation_1921.html

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