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Mondialisation, villes et territoires : L’économie d’archipel I. Description générale de l’ouvrage Veltz Pierre. Mondialisation, villes et territoires : l’économie d’archipel. Paris : Presses Universitaires de France. 2004 (première édition en 1996) L’ouvrage présente une bibliographie extrêmement riche, faisant appel à des historiens connus (Ph. Ariès), à des sociologues et urbanistes de renom (Fr. Ascher), à des économistes célèbres (P. Krugman, Nobel 2008 ; S. Sassen, Fr. Perroux) et surtout à des spécialistes de la géographie économique (P. Beckouche, D. Pumain) L’un des atouts de ce livre est son sommaire très détaillé qui permet de bien retrouver les thèmes traités ; l’ouvrage gagnerait cependant à avoir un index thématique, un index des lieux et un index des personnes. Le livre contient deux schémas conceptuels, deux graphiques et cinq tableaux. Le livre n’est pas une collection de documents et ces derniers servent bien à illustrer l’argumentation ; malgré tout, il serait appréciable qu’il y en ait plus, surtout dans la seconde moitié du livre (les documents sont concentrés au début). L’auteur n’est pas vraiment un géographe (voir II. Les auteurs), aussi comprend-on l’absence de cartes, même en noir et blanc. Cela nuit beaucoup à l’utilisation d’un livre où dès la première page de la préface (édition de 2005) son auteur emploie le mot « géoéconomie ». II. L’auteur Pierre Veltz (1945-) est un sociologue, ingénieur de formation (Ecole polytechnique puis Ecole Nationale des Ponts et Chaussées). Il a travaillé dans l’aménagement (Direction départementale de l’Équipement du Nord, Datar) et a dirigé la rechercher à l’ENPC dont il a été directeur de 1999 à 2003. Entre 2004 et 2008, il a été directeur de l'Institut des Hautes Études de Développement et d’Aménagement des Territoires Européens. Membre du conseil d’administration de l’ENA depuis 2007, il est en 2010 à la tête la Mission d'aménagement de la région capitale au sein de Secrétariat d'État au développement de la Région Capitale. Enseignant à Sciences Po Paris, c’est un spécialiste de l'organisation des entreprises et des dynamiques territoriales. Il est l’un des pionnier de la mondialisation, ce que l’on voit bien le livre. Codirecteur de Les nouveaux espaces de l'entreprise (DATAR. Editions de l’Aube, 1993), il est l’auteur de Le nouveau monde industriel (Gallimard, 2000) et de Des lieux et des liens. Le territoire français à l’heure de la mondialisation (Editions de l’Aube, 2002). III. Le contenu Si cet ouvrage a fait date, ce n’est pas seulement parce que son auteur est l’un des pionniers de l’étude de la mondialisation. C’est aussi parce qu’il s’attache aux paradoxes du phénomène. Le principal aspect qui aboutit à la création d’ « archipels », îlots de développement connecté entre eux est le fait que la mondialisation concilie fragmentation et concentration (agglomération permise par une mobilité accrue et qui permet des économies d’échelle) des activités. P. Veltz a réédité son livre en 2004, gage de qualité. Il analyse les biais de son livre et s’auto-critique (réduction des villes à des « super-entreprises », faible place accordée aux Etats et organes supranationaux, concentration sur les pays industrialisés, …), gage d’un travail scientifique. Veltz commence par dresser un historique, s’attachant aux liens entre la logique d’Etat et celle des industries, à partir de l’exemple de la déconcentration (fausse car la majorité des emplois de direction sont toujours créés à Paris ; il insiste sur la force de la méthode coercitive et développe le cas de l’industrie automobile) et de la métropolisation en France. Après une comparaison avec le Japon et la Grande-Bretagne qui une histoire bien différente mais un résultat proche, il nuance le concept des délocalisations : les pays développés concentrent les IDE et flux de capitaux. Il appelle à la prise en compte de l’influence de l’histoire et des facteurs culturels dans l’économie. Il refuse de se concentrer sur les grands groupes ou les PME mais veut voir « comment le global, en permanence, se nourrit du local en le transformant ».

Mondialisation, villes et territoires ; l'économie d'archipel, Pierre Veltz

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Mondialisation, villes et territoires   : L’économie d’archipel

I. Description générale de l’ouvrage Veltz Pierre. Mondialisation, villes et territoires : l’économie d’archipel. Paris : Presses Universitaires de France. 2004 (première

édition en 1996) L’ouvrage présente une bibliographie extrêmement riche, faisant appel à des historiens connus (Ph. Ariès), à des sociologues et

urbanistes de renom (Fr. Ascher), à des économistes célèbres (P. Krugman, Nobel 2008 ; S. Sassen, Fr. Perroux) et surtout à des spécialistes de la géographie économique (P. Beckouche, D. Pumain)

L’un des atouts de ce livre est son sommaire très détaillé qui permet de bien retrouver les thèmes traités ; l’ouvrage gagnerait cependant à avoir un index thématique, un index des lieux et un index des personnes.

Le livre contient deux schémas conceptuels, deux graphiques et cinq tableaux. Le livre n’est pas une collection de documents et ces derniers servent bien à illustrer l’argumentation ; malgré tout, il serait appréciable qu’il y en ait plus, surtout dans la seconde moitié du livre (les documents sont concentrés au début). L’auteur n’est pas vraiment un géographe (voir II. Les auteurs), aussi comprend-on l’absence de cartes, même en noir et blanc. Cela nuit beaucoup à l’utilisation d’un livre où dès la première page de la préface (édition de 2005) son auteur emploie le mot « géoéconomie ».

II. L’auteur Pierre Veltz (1945-) est un sociologue, ingénieur de formation (Ecole polytechnique puis Ecole Nationale des Ponts et Chaussées). Il a travaillé dans l’aménagement (Direction départementale de l’Équipement du Nord, Datar) et a dirigé la rechercher à l’ENPC dont il a été directeur de 1999 à 2003. Entre 2004 et 2008, il a été directeur de l'Institut des Hautes Études de Développement et d’Aménagement des Territoires Européens. Membre du conseil d’administration de l’ENA depuis 2007, il est en 2010 à la tête la Mission d'aménagement de la région capitale au sein de Secrétariat d'État au développement de la Région Capitale. Enseignant à Sciences Po Paris, c’est un spécialiste de l'organisation des entreprises et des dynamiques territoriales. Il est l’un des pionnier de la mondialisation, ce que l’on voit bien le livre. Codirecteur de Les nouveaux espaces de l'entreprise (DATAR. Editions de l’Aube, 1993), il est l’auteur de Le nouveau monde industriel (Gallimard, 2000) et de Des lieux et des liens. Le territoire français à l’heure de la mondialisation (Editions de l’Aube, 2002).

III. Le contenu Si cet ouvrage a fait date, ce n’est pas seulement parce que son auteur est l’un des pionniers de l’étude de la mondialisation. C’est

aussi parce qu’il s’attache aux paradoxes du phénomène. Le principal aspect qui aboutit à la création d’ « archipels », îlots de développement connecté entre eux est le fait que la mondialisation concilie fragmentation et concentration (agglomération permise par une mobilité accrue et qui permet des économies d’échelle) des activités. P. Veltz a réédité son livre en 2004, gage de qualité. Il analyse les biais de son livre et s’auto-critique (réduction des villes à des « super-entreprises », faible place accordée aux Etats et organes supranationaux, concentration sur les pays industrialisés, …), gage d’un travail scientifique. Veltz commence par dresser un historique, s’attachant aux liens entre la logique d’Etat et celle des industries, à partir de l’exemple de la déconcentration (fausse car la majorité des emplois de direction sont toujours créés à Paris ; il insiste sur la force de la méthode coercitive et développe le cas de l’industrie automobile) et de la métropolisation en France. Après une comparaison avec le Japon et la Grande-Bretagne qui une histoire bien différente mais un résultat proche, il nuance le concept des délocalisations : les pays développés concentrent les IDE et flux de capitaux. Il appelle à la prise en compte de l’influence de l’histoire et des facteurs culturels dans l’économie. Il refuse de se concentrer sur les grands groupes ou les PME mais veut voir « comment le global, en permanence, se nourrit du local en le transformant ».

P. Veltz rejette ensuite, en argumentant, des idées reçues. Il y a eu une hausse de densité presque partout entre 1946 et 1990 en France (pas de « désert français »), la productivité horaire de la France est très élevée, le modèle centre/périphérie ne rend pas compte des découplages totaux et des interdépendances, les modèles s’appuyant sur la distance sont de moins en moins vrais, le phénomène supposé de concentration des entreprises est faux (avec Internet, les FMN peuvent avoir des établissements petits dans le monde entier, plus flexibles), la mondialisation est ancienne (route de la Soie) et moins forte aujourd’hui qu’au début du XXème siècle sur certains points (migrations), le terme PED cache de lourdes disparités, la France reste attractive pour les IDE, … Ceci étant fait, il peut poser son analyse sur la compétitivité des territoires, au coeur du livre. Veltz signale l’importance des diasporas (Chine) et s’attache à la synthèse de la globalisation et de l’explosion de la diversité (glocalisation). On est passé d’une économie de l’offre à une économie de la demande. Il faut donc faire à la fois la qualité et le meilleur prix, séduire le maximum de clients en se démarquant. Ce paradoxe se résout pas un autre paradoxe : plus de qualité peut rimer avec plus de rentabilité (flux tendus, prime au premier entrant). Pour y parvenir, le relationnel est très important.

La mondialisation détruit les relations horizontales et court-circuite la pyramide. De plus en plus, les entreprises font du down-sizing (réduction de la taille des business units) de l’externalisation (production, services informatiques, ventes, voire recherche à cause des coûts élevés). D’où le biais des chiffres tertiaire/secondaire, qui explique la redécouverte de l’économie de services (qui dominaient avant l’industrialisation, exactement comme dans les pays peu développés aujourd’hui). Externaliser donne de la flexibilité mais un excès de flexibilité nuit à la réactivité. Il faut surtout se concentrer sur la logistique (hubs et spokes) mais cela provoque un effet tunnel pour les territoires dont le développement des réseaux est perçu en négatif (s’il y en a, cela n’attire pas les entreprises mais s’il n’y en a pas, c’est rédhibitoire). Les entreprises, de plus en plus confrontées à un découplage entre marché et finance, recherchent une territorialisation (territoire) et non une localisation (espace). Et pour elles comme pour leurs employés, ce sont les métropoles qui donnent la meilleure assurance, se détachant parfois complètement du reste de l’économie du pays. Avec l’effet-tunnel, on arrive à une « économie d’archipel ».

IV. Sélection des passages les plus intéressants dans l’optique du cours Introduction et Conclusion I 2, « la fin du monde bien ordonné par la distance » et I 3, « économies d’échelle, économies externes ». II, 4 commerce et investissement transnational : le tournant des années 1980 ; II, 5 « le moment « industriel » : comment maintenir ou

créer des économies de dimension » et II, 5 : « des stratégies à l’organisation : les dilemmes de la « globalisation maillée » ». III, 6 « la productivité de l’organisation et des interfaces » et III, 7, « économie des services, économie de services »