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12- ANNÉE — N° 6O2 LE NUMERO 5O CENTIMES Dimanche 2O Juillet 1884 LES LLQUÛ JJJLi ET DU CANNET Politique, Littérature, Beaux-Arts. Agriculture. Commerce. Industrie,. Liste des Étrangers. Aniionc-es (lommereiale et Judiciaires MONITEUR DES ÉTRANGERS ABONNEMENTS 6 mois 3 mois Cannes et dépt. voisins . . . 12 > fi,50 Autres départements 13» 7 > Etranger, frais de posle en sus. PRIX DES ANNONCES la ligne Avis divers et réclames ÔO c. Annonces légales 25 > ordinaires 20 > PARAIT TOUS LES DIMANCHES M. Ferdinand Jacob, Avocat, Directeur-Gérant Les Abonnements partent du 1 er et du 16 de chaque mois REDACTION & GERANCE C A N N K S 82, — B u e d'Antibôn, — 82 (.iffrunchir) BUREAUX DABONHEJfENTS CANNES.— Imprimerie, rue d'Autibee, 13, Robaudy, libraire, r. d'Antilles. NICE. — Agoncô Dalgoutt*. FAILLITE DE LA BANQUE BIGAL Première réunion des Créanciers Ce fut le lundi lu mai, premier jour des Rogations, que se fit la ^fermeture des guichets de la banque Rigal. Nous avons relaté, dans notre _ ivaméro du 25 mai, dans quelles otirconstances M. A Rigal avait dû se résigner à prendre cette doulou- reuse déterminai ion, et la panique que causa dans toute notre contrée la fermeturo de cette banque que 1 on croyait assise sur les bases les plus solides. Bien convaincu de ne rien faire perdre à ses créanciers., si la liqui- dation de sa maison de banque se faisait avec prudence,M. Rigal avait chargé de cette liquidation MM. Gazagnaire, Vestennann et Ay- naud, tous irois notaires à Cannes, M Baron, architecte, M. Loubet, négociant et M. Joseph Roubaud, avocat, à Grasse. La juste notoriété dont jouissaient ces six personnes inspira, de prime abord, à tous les créanciers la confiance la plus en- tière et nous n'eûmes à signaler, à la fermeture de cette banque aucun fait digne d'être mentionné. Dès qu'ils furent investis de leurs • fonctions, les liquidateurs se mirent à l'oeuvre, compulsèrent les livres, étudièrent la situation et, finale- ment, à la date du 30 mai, ils crurent devoir conseiller à M. Rigal de déposer son bilan et de se déclarer en état de faillite. -Û,u bilan déposé par M Rigal le dit jour 30 mai, il résultait que son actif s'élevait au chiffre d'envi- ron dix-huit millions et demi — < 18,500,000 fr. — et que son passif atteignait la somme d'environ qua- torze millions ci —1-1,000,000. La situation, en apparence du moins, semblait donc rassurante : l'actif devait dépasser le passif d'en- viron quatre millions et demi. Le dit jour 30 mai, la faillite fut déclarée; M. Morel Lautier, juge au tribunal de commerce do Grasse, t' t investi des fonctions de juge '.oramissaire ; M. Guerby, ancien professeur au collège de Grasse, fut nommé syndic provisoire. Si nous nous référons à l'article 462 du code de commerce, M le juge commissaire aurait dû, dans ((• juinzaine du jugement de dé- claration de la faillite, réunir les créanciers présumés et les consul- ter sur la nomination de nouveaux syndics, dresser procés-verbal de leurs diverses observations qui se- rait représenté au tribunal lequel nommerait enfin les syndics défini- tifs qui auraient la mission spéciale de conduire, concuremment entre eux, toutes les opérations de la faillite. ; Cette procédure édictée par l'arti- j cle 4G2 aurait pu, selon nous, être I suivie avec d'autant plus de facilité que le syndic provisoire nommé avait dû trouver, en entrant en fonctions, un état à peu près com- plet de la situation de la banque Rigal et, notamment, la liste à peu j près complète de tous les créanciers, ! le tout dressé par MM. les liquida- teurs amiables qui avaient été nom- més par M. Rigal, lesquels durant les dix jours qu'ils étaient restés en fonctions, avaient dressé cet état, et avaient dû, sous ce rapport, sin- gulièrement faciliter la tâche du juge commissaire et du syndic pro- visoire. Mais il parait que ces derniers avaient, dans ce moment bien d'autres préoccupations. La banque Rigal avait, dopuis longtemps un fondé de pouvoirs spécial, M. Signoret, qui était l'àme de la banque ; qui s'était, disait-on, livré personnellement à des spécu- lations de terrain et avait même eu l'idée de se qualifier du titre de banquier dans certains actes. M. le juge commissaire et le syndic provisoire, se croyant parfaitement en droit de se dispenser des pres- criptions de l'article 4G2, laissent tranquillement passer ce délai de quinzaine durant lequel ils devaient convoquer les créanciers et faire confirmer la nomination du syndic provisoire en syndic définitif, pré- férant se subtituer aux droits des créanciers et, de leur autorité pri- vée, assignèrent M. Signoret en dé- claration de faillite. 11 était absolu- ment indispensable, prétendaient- ils de mener les deux faillites de front ; cela faciliterait leurs opé- rations. M. Signoret,nous le comprenons, était, de par les fonctions qu'il avait occupées à la banque Rigal, l'hom- me lige de ce dernier, et il devait se croire à la merci du syndic qui, jusqu'à confirmation de ses pou- voirs provisoires, représentaient la masse des créanciers. Il fut déclaré en faillite comme son patron, M. Rigal. Nous ne voulons pas examiner ici si cette demande en déclaration de faillite contre M. Signoret était fondée en droit et, surtout, si elle était bien nécessaire ; disons seule- ment, en passant, que le jour même où M. Rigal dut fermer ses guichets M. Signoret s'offrit spontanément à abandonner aux créanciers de M. Rigal et à ses créanciers per- sonnels tout ce qu'il, possédait, qu'il signa même un acte contenant cet abandon.at l'on se demande qu'elle pouvait être la portée de sa mise en faillite en présence de cet aban- don spontané de tout ce qu'il possé- dait. Mais il parait que cette mise eu faillite de Signoret ne suffisait pas encore au syndic provisoire pour lui permettre de suivre le cours des opérations de la faillite de la ban- que A. Rigal. Après la faillite de la banque A. Rigal père, après la faillite de Si- gnoret, le fondé de pouvoirs de cette banque,ce fut la faillite de M. Léon Rigal fils, avocat, qui fut demandée et poursuivie à outrance. M. Léon Rigal crut de son devoir de protester contre cette poursuite ; le jeune bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Grasse prit en main la défense de son confrère ; sur la demande de son client, il souleva d'abord, dans la chambre du conseil, un incident qui avait son importance: il contesta a M. | Maurel-Lautier, qui était le juge commissaire de la faillite delà ban- que et sans l'autorisation duquel la poursuite intentée contiv Léon Ri- gal par le syndic de cette faillite n'aurait pu avoir lieu, le droit de siéger parmi les membres du Tri- bunal qui devaient juger cette affaire et, finalement^ ce dernier comprenant que sa dignité ne lui permettait pas d'être tout à la fois juge et partie dans une affaire aus- si délicate, se récusa et l'on sait ce qui arriva : le tribunal déclara non recevable et mal fondée la demande en déclaration do faillite de M. Léon Rigal et condamna le syndic aux dépens. Notons en passant que les motifs qui ont obligé M. Maurel-Lautier à se récuser sur la poursuite intentée contre Léon Rigal, aurait dû déjà l'engager à se récuser sur la pour- suite intentée contre Signoret et que si cette récusation, pour cause desuspicion légitime,s'était produi- te, la demande en déclaration de la faillite Signoret n'aurait peut-être pas été mieux accueillie que la de- mande en déclaration de. faillite de Léon Rigal. Ces divers incidents vidés, il fal- lait pourtant songer à se conformer aux prescriptions del'article 402, et finir par où l'on aurait dû commen- cer, c'est-à-dire convoquer les cré- anciers de la banque Rigal et leur demander leur sentiment sur la question de nomination de syndics définitifs. Tandis que ces procès contre J-'i- gnoret et Rigal Léon se suivaient a Grasse, il se formait, à Cannes, deux courants d'opinions sur la fail- lit,' de la banque A. Rigal. Les uns — et l'on affirme que M. Gazagnai re, notaire et maire, était à leur tète — voulaient la confirmation pure et simple de la nomination de M. Guerby, qui serait passé de l'é- tat de syndic provisoire à l'état de syndic définitif ; les autres préten- dant, à tort ou à raison, que M. Gazagnaire exerçait une prépondan- ce trop accentué sur le syndic pro- visoire M. Guerby, voulaient, au contraire, adjoindre à ce dernier deux autres syndics jouissant d'une indépendance plus complète, et, tandis que l'on rapportait que M. Gazagnaire s'efforçait do concen- trer entre ses mains le plus de pro- curations possible de la part des créanciers, un groupe de créanciers se formait et s'organisait rue Her- mann, sous la présidence de M. Giraud, ancien notaire, et tachait d'attirer à lui fous les créanciers qui voudraient leur donner leur confiance. Lorsque donc le greffier délivra et expédia à tous les créanciers connus de la banque Rigal, des let- tres de convocation pour statuer sur cette importante question Ce nomination de syndics définifs, cha- cun connaissait ces deux courants d'idées et on se demandait ce qui allait se produire. Les lettres de convocation por- taient que la réunion aurait lieu, à Grasse, le jeudi 1T juillet courant, à 9 heures du matin, dans Ja salle ordinaire du tribunal de commerce. A l'heure indiquée, la plupart des créanciers convoqués se trouvèrent réunis, à Grasse, sur l'esplanade qui précède le palais de justice. On s'accorde généralement à dire que ces créanciers étaient au nombre d'environ douze cents ; ils étaient venus de Cannes et de tous les pays circonvoisins : les uns à pied, d'au- tres achevai, d'autres en voitures, d'autres enfin en chemin de 1er, et ils ne tardèrent pas à envahir, les pieds poudreux et 'a sueur au front, la grande salie des pas perdus, les couloirs, voire même la tribune du premier étage. En présence de cette armée de créanciers invités à se trouver dans une salle qui contient tout au plus cent cinquante personnes, on se de- mandait par quel miracle la réunion pourrait s'opérer dans ce local si exigu. Quoi qu'il en soit, à 9 heures pré- cises, les portes de l'audience sont ouvertes ; 150 personnes sur 1200 envahissent la salle ; M. le juge commissaire siège au bureau ayant à ses^côtés M, le greffier du tribu- nal et M. le syndic provisoire. — Mais on ne peut entrer, crie- t-on de toute part ; et, nonobstant ces protestations, M. le juge com- missaire déclare la séance ouverte et donne la parole à M. Guerby. — On n'entend pas, on n'entend pas, répètent en choeur les créan- ciers hors de la salle ; on se pousse on se heurte et, finalement, M. le juge commissaire, qui finit par com- prendre l'imprudence qu'on a eue de convoquer dans une salle aussi étroite tous ces créanciers qui ont le droit incontestable de voir, d'enten- dre et de savoir tout ce qui se passe, lève la séance et convie tous ces créanciers à se rendre à la salle du théâtre. Au Ihéàlre. — La salle du théâ- tre, à Grasse, n'est pas des plus vastes ; en temps ordinaire, elle peut contenir environ 600 person- nes mais, jeudi dernier, chacun s'entassa comme il put et les loges qui, par exemple, ne sont destinées à recevoir que quatre ou six person- nes, étaient bondées de spectateurs. Partout on se tenait debout ; du par- terre au paradis, tout était plein, même les couloirs, C'était vraiment un jour de représentation excep- tion nelle. M. le juge commissaire, le gref- fier, le syndic prennent place sur la scène, devant une table disposée à la hâte ; derrière ces personnages officiels s'installent, d'un côté, MM. les membres du comité d'initiative de la rue Hermann, ayant à leur tête M. Giraud, leur président ; de l'autre côté se tient M. Gazagnaire et quelques personnes appartenant au groupe de créanciers qu'il repré- sente. Bientôt le silence se fait, et M. Maurel-Lautier, juge commissaire, après avoir exposé le but de la réu- nion, donne la parole à M. Guerby, syndic provisoire, pour la lecture de son rapport. Après la lecture de ce rapport, M. le jugo commissaire annonça qu'il donnerait la parole à ceux qui désireraient la prendre. Ce fut M. Giraud, président du comité établi à Cannes, rue Her- mann,et représentant, nous assure- t-on, un groupe imposant d'environ mille créanciers figurant à la failli- te de la banque pour un chiffre de prés de 10 millions, qui demanda, le premier, la parole. M. Giraud lut à haute et intelli- gible voix un avis motivé,rédigé au sein du comité dont il avait la pré- sidence et aux termes du quel ce comité demandait, pour la conti- nuation des opérations de la faillite de la banque Rigal, la nomination, en qualité de syndics, de 1* M. Khabn,comptable émérite de Paris, spécialement recommandé par la grande maison Goudchaux frères de Paris si honorablement connue ; 2° M. Bret, avocat à Nice, ancien pré- sidentdu tribunal civil de Brignoles, et qui passe, à juste titre, pour un des jurisconsultes les plus énnnents de notre région ; 3° et, par déféren- ce pour le tribunal, M. Guerby, qui a rempli, jusqu'à ce jour, les fonc- tions de syndic provisoire. Cette motion de M. Giraud fut accueillie avec un grand enthousias- me ; des applaudissements nom- breux et des bravos réitérés se fi- rent entendre.

MONITEUR DES ÉTRANGERSarchivesjournaux.ville-cannes.fr/dossiers/echos/1884/Jx5_Echos_Can… · souleva d'abord, dans la chambre du conseil, un incident qui avait son importance:

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1 2 - ANNÉE — N° 6O2 LE NUMERO 5O CENTIMES Dimanche 2O Juillet 1884

LES L L Q U Û JJJLiET DU CANNET

Politique, Littérature, Beaux-Arts. Agriculture. Commerce. Industrie,. Liste des Étrangers. Aniionc-es (lommereiale et JudiciairesMONITEUR DES ÉTRANGERS

A B O N N E M E N T S

6 mois 3 moisCannes et dépt. voisins . . . 12 > fi,50Aut res dépar tements 13» 7 >

Etranger, frais de posle en sus.

P R I X DES ANNONCES

la ligneAvis divers et réclames ÔO c.Annonces légales 25 >

— ordinaires 20 >

PARAIT TOUS LES DIMANCHESM. Ferdinand Jacob, Avocat, Directeur-Gérant

Les Abonnements partent du 1er et du 16 de chaque mois

REDACTION & GERANCE

C A N N K S

8 2 , — B u e d ' A n t i b ô n , — 82

(.iffrunchir)

BUREAUX DABONHEJfENTS

CANNES.— Imprimerie, rue d'Autibee, 13,

— Robaudy, libraire, r. d'Antilles.

NICE. — Agoncô Dalgoutt*.

FAILLITE DE LA BANQUE BIGALPremière réunion des Créanciers

Ce fut le lundi lu mai, premierjour des Rogations, que se fit la

^fermeture des guichets de la banqueRigal.

Nous avons relaté, dans notre_ ivaméro du 25 mai, dans quelles

otirconstances M. A Rigal avait dûse résigner à prendre cette doulou-reuse déterminai ion, et la paniqueque causa dans toute notre contréela fermeturo de cette banque que1 on croyait assise sur les bases lesplus solides.

Bien convaincu de ne rien faireperdre à ses créanciers., si la liqui-dation de sa maison de banque sefaisait avec prudence,M. Rigal avaitchargé de cette liquidation MM.Gazagnaire, Vestennann et Ay-naud, tous irois notaires à Cannes,M Baron, architecte, M. Loubet,négociant et M. Joseph Roubaud,avocat, à Grasse. La juste notoriétédont jouissaient ces six personnesinspira, de prime abord, à tous lescréanciers la confiance la plus en-tière et nous n'eûmes à signaler, àla fermeture de cette banque aucunfait digne d'être mentionné.

Dès qu'ils furent investis de leurs• fonctions, les liquidateurs se mirent

à l'œuvre, compulsèrent les livres,étudièrent la situation et, finale-ment, à la date du 30 mai, ils crurentdevoir conseiller à M. Rigal dedéposer son bilan et de se déclareren état de faillite.

-Û,u bilan déposé par M Rigal ledit jour 30 mai, il résultait que sonactif s'élevait au chiffre d'envi-ron dix-huit millions et demi —

< 18,500,000 fr. — et que son passifatteignait la somme d'environ qua-torze millions ci —1-1,000,000.

La situation, en apparence dumoins, semblait donc rassurante :l'actif devait dépasser le passif d'en-viron quatre millions et demi.

Le dit jour 30 mai, la faillite futdéclarée; M. Morel Lautier, jugeau tribunal de commerce do Grasse,t' t investi des fonctions de juge'.oramissaire ; M. Guerby, ancienprofesseur au collège de Grasse,fut nommé syndic provisoire.

Si nous nous référons à l'article462 du code de commerce, M lejuge commissaire aurait dû, dans((• juinzaine du jugement de dé-claration de la faillite, réunir lescréanciers présumés et les consul-ter sur la nomination de nouveauxsyndics, dresser procés-verbal deleurs diverses observations qui se-rait représenté au tribunal lequelnommerait enfin les syndics défini-tifs qui auraient la mission spécialede conduire, concuremment entreeux, toutes les opérations de lafaillite.

; Cette procédure édictée par l'arti-j cle 4G2 aurait pu, selon nous, êtreI suivie avec d'autant plus de facilité

que le syndic provisoire nomméavait dû trouver, en entrant enfonctions, un état à peu près com-plet de la situation de la banqueRigal et, notamment, la liste à peu

j près complète de tous les créanciers,! le tout dressé par MM. les liquida-

teurs amiables qui avaient été nom-més par M. Rigal, lesquels durantles dix jours qu'ils étaient restés enfonctions, avaient dressé cet état,et avaient dû, sous ce rapport, sin-gulièrement faciliter la tâche dujuge commissaire et du syndic pro-visoire. Mais il parait que cesderniers avaient, dans ce momentbien d'autres préoccupations.

La banque Rigal avait, dopuislongtemps un fondé de pouvoirsspécial, M. Signoret, qui était l'àmede la banque ; qui s'était, disait-on,livré personnellement à des spécu-lations de terrain et avait mêmeeu l'idée de se qualifier du titre debanquier dans certains actes. M.le juge commissaire et le syndicprovisoire, se croyant parfaitementen droit de se dispenser des pres-criptions de l'article 4G2, laissenttranquillement passer ce délai dequinzaine durant lequel ils devaientconvoquer les créanciers et faireconfirmer la nomination du syndicprovisoire en syndic définitif, pré-férant se subtituer aux droits descréanciers et, de leur autorité pri-vée, assignèrent M. Signoret en dé-claration de faillite. 11 était absolu-ment indispensable, prétendaient-ils de mener les deux faillites defront ; cela faciliterait leurs opé-rations.

M. Signoret,nous le comprenons,était, de par les fonctions qu'il avaitoccupées à la banque Rigal, l'hom-me lige de ce dernier, et il devaitse croire à la merci du syndic qui,jusqu'à confirmation de ses pou-voirs provisoires, représentaient lamasse des créanciers.

Il fut déclaré en faillite commeson patron, M. Rigal.

Nous ne voulons pas examinerici si cette demande en déclarationde faillite contre M. Signoret étaitfondée en droit et, surtout, si elleétait bien nécessaire ; disons seule-ment, en passant, que le jour mêmeoù M. Rigal dut fermer ses guichetsM. Signoret s'offrit spontanémentà abandonner aux créanciers deM. Rigal et à ses créanciers per-sonnels tout ce qu'il, possédait, qu'ilsigna même un acte contenant cetabandon.at l'on se demande qu'ellepouvait être la portée de sa miseen faillite en présence de cet aban-don spontané de tout ce qu'il possé-dait.

Mais il parait que cette mise eufaillite de Signoret ne suffisait pas

encore au syndic provisoire pourlui permettre de suivre le cours desopérations de la faillite de la ban-que A. Rigal.

Après la faillite de la banque A.Rigal père, après la faillite de Si-gnoret, le fondé de pouvoirs decette banque,ce fut la faillite de M.Léon Rigal fils, avocat, qui futdemandée et poursuivie à outrance.

M. Léon Rigal crut de son devoirde protester contre cette poursuite ;le jeune bâtonnier de l'ordre desavocats du barreau de Grasse priten main la défense de son confrère ;sur la demande de son client, ilsouleva d'abord, dans la chambredu conseil, un incident qui avaitson importance: il contesta a M.

| Maurel-Lautier, qui était le jugecommissaire de la faillite delà ban-que et sans l'autorisation duquel lapoursuite intentée contiv Léon Ri-gal par le syndic de cette failliten'aurait pu avoir lieu, le droit desiéger parmi les membres du Tri-bunal qui devaient juger cetteaffaire et, finalement^ ce derniercomprenant que sa dignité ne luipermettait pas d'être tout à la foisjuge et partie dans une affaire aus-si délicate, se récusa et l'on sait cequi arriva : le tribunal déclara nonrecevable et mal fondée la demandeen déclaration do faillite de M.Léon Rigal et condamna le syndicaux dépens.

Notons en passant que les motifsqui ont obligé M. Maurel-Lautier àse récuser sur la poursuite intentéecontre Léon Rigal, aurait dû déjàl'engager à se récuser sur la pour-suite intentée contre Signoret etque si cette récusation, pour causedesuspicion légitime,s'était produi-te, la demande en déclaration dela faillite Signoret n'aurait peut-êtrepas été mieux accueillie que la de-mande en déclaration de. faillitede Léon Rigal.

Ces divers incidents vidés, il fal-lait pourtant songer à se conformeraux prescriptions del'article 402, etfinir par où l'on aurait dû commen-cer, c'est-à-dire convoquer les cré-anciers de la banque Rigal et leurdemander leur sentiment sur laquestion de nomination de syndicsdéfinitifs.

Tandis que ces procès contre J-'i-gnoret et Rigal Léon se suivaient aGrasse, il se formait, à Cannes,deux courants d'opinions sur la fail-lit,' de la banque A. Rigal. Les uns— et l'on affirme que M. Gazagnaire, notaire et maire, était à leurtète — voulaient la confirmationpure et simple de la nomination deM. Guerby, qui serait passé de l'é-tat de syndic provisoire à l'état desyndic définitif ; les autres préten-dant, à tort ou à raison, que M.Gazagnaire exerçait une prépondan-ce trop accentué sur le syndic pro-

visoire M. Guerby, voulaient, aucontraire, adjoindre à ce dernierdeux autres syndics jouissant d'uneindépendance plus complète, et,tandis que l'on rapportait que M.Gazagnaire s'efforçait do concen-trer entre ses mains le plus de pro-curations possible de la part descréanciers, un groupe de créanciersse formait et s'organisait rue Her-mann, sous la présidence de M.Giraud, ancien notaire, et tachaitd'attirer à lui fous les créanciersqui voudraient leur donner leurconfiance.

Lorsque donc le greffier délivraet expédia à tous les créanciersconnus de la banque Rigal, des let-tres de convocation pour statuersur cette importante question Cenomination de syndics définifs, cha-cun connaissait ces deux courantsd'idées et on se demandait ce quiallait se produire.

Les lettres de convocation por-taient que la réunion aurait lieu, àGrasse, le jeudi 1T juillet courant,à 9 heures du matin, dans Ja salleordinaire du tribunal de commerce.

A l'heure indiquée, la plupart descréanciers convoqués se trouvèrentréunis, à Grasse, sur l'esplanadequi précède le palais de justice. Ons'accorde généralement à dire queces créanciers étaient au nombred'environ douze cents ; ils étaientvenus de Cannes et de tous les payscirconvoisins : les uns à pied, d'au-tres achevai, d'autres en voitures,d'autres enfin en chemin de 1er, etils ne tardèrent pas à envahir, lespieds poudreux et 'a sueur au front,la grande salie des pas perdus, lescouloirs, voire même la tribune dupremier étage.

En présence de cette armée decréanciers invités à se trouver dansune salle qui contient tout au pluscent cinquante personnes, on se de-mandait par quel miracle la réunionpourrait s'opérer dans ce local siexigu.

Quoi qu'il en soit, à 9 heures pré-cises, les portes de l'audience sontouvertes ; 150 personnes sur 1200envahissent la salle ; M. le jugecommissaire siège au bureau ayantà ses^côtés M, le greffier du tribu-nal et M. le syndic provisoire.

— Mais on ne peut entrer, crie-t-on de toute part ; et, nonobstantces protestations, M. le juge com-missaire déclare la séance ouverteet donne la parole à M. Guerby.

— On n'entend pas, on n'entendpas, répètent en chœur les créan-ciers hors de la salle ; on se pousseon se heurte et, finalement, M. lejuge commissaire, qui finit par com-prendre l'imprudence qu'on a euede convoquer dans une salle aussiétroite tous ces créanciers qui ont ledroit incontestable de voir, d'enten-

dre et de savoir tout ce qui se passe,lève la séance et convie tous cescréanciers à se rendre à la salle duthéâtre.

Au Ihéàlre. — La salle du théâ-tre, à Grasse, n'est pas des plusvastes ; en temps ordinaire, ellepeut contenir environ 600 person-nes mais, jeudi dernier, chacuns'entassa comme il put et les logesqui, par exemple, ne sont destinéesà recevoir que quatre ou six person-nes, étaient bondées de spectateurs.Partout on se tenait debout ; du par-terre au paradis, tout était plein,même les couloirs, C'était vraimentun jour de représentation excep-tion nelle.

M. le juge commissaire, le gref-fier, le syndic prennent place surla scène, devant une table disposéeà la hâte ; derrière ces personnagesofficiels s'installent, d'un côté, MM.les membres du comité d'initiativede la rue Hermann, ayant à leurtête M. Giraud, leur président ; del'autre côté se tient M. Gazagnaireet quelques personnes appartenantau groupe de créanciers qu'il repré-sente.

Bientôt le silence se fait, et M.Maurel-Lautier, juge commissaire,après avoir exposé le but de la réu-nion, donne la parole à M. Guerby,syndic provisoire, pour la lecturede son rapport.

Après la lecture de ce rapport,M. le jugo commissaire annonçaqu'il donnerait la parole à ceux quidésireraient la prendre.

Ce fut M. Giraud, président ducomité établi à Cannes, rue Her-mann,et représentant, nous assure-t-on, un groupe imposant d'environmille créanciers figurant à la failli-te de la banque pour un chiffre deprés de 10 millions, qui demanda,le premier, la parole.

M. Giraud lut à haute et intelli-gible voix un avis motivé,rédigé ausein du comité dont il avait la pré-sidence et aux termes du quel cecomité demandait, pour la conti-nuation des opérations de la faillitede la banque Rigal, la nomination,en qualité de syndics, de 1* M.Khabn,comptable émérite de Paris,spécialement recommandé par lagrande maison Goudchaux frères deParis si honorablement connue ; 2°M. Bret, avocat à Nice, ancien pré-sidentdu tribunal civil de Brignoles,et qui passe, à juste titre, pour undes jurisconsultes les plus énnnentsde notre région ; 3° et, par déféren-ce pour le tribunal, M. Guerby, quia rempli, jusqu'à ce jour, les fonc-tions de syndic provisoire.

Cette motion de M. Giraud futaccueillie avec un grand enthousias-me ; des applaudissements nom-breux et des bravos réitérés se fi-rent entendre.