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10™ ANNÉE — N° 514 LE NUMERO 5O CENTIMES Dimanche 17 Septembre 1882 LES JOURNAL DES ALPES-MARITIMES Politique, Littérature, Beaux-Arts, Agriculture, Commerce, industrie, Liste des Étrangers, Annonces Commerciales et Judiciaires MONITEUR DES ÉTRANGERS ABONNEMENTS 6 mois 3 mois Cannes ot dépt. voisins 12 > 6,50 4.utrès départements 13 > 1 > Étranger, frais de poste en sus PRIX DES ANNONCES la ligne Avis divers et réclamas 50 c. Annonces légales 25 » ordinaires 20 > Réduction pour les Annonces répétées PARAIT TOUS 1 LES DIMANCHES M. Ferdinand Jacob, Avocat, Directeur-Gérant Les Abonnements partout du 1" et du 16 de chaque mois RÉDACTION & O-ÉRANCT CANNES 18, — Bue d'Antibes, 18 (Affranchir) BUREAUX D'ABONNEMENTS CANNES.—- Imprimerie, rue d'Antibee, 3 Rotauiy, libraire, r. d'Antibes NICE. — Agence Daïgoutte. UNE QUESTION DE PRINCIPE Parmi les délibérations du Con- seil municipal qui ont été prises durant mon absence, il en est une qui, à monavis, contient une viola- tion si flagrante de la liberté d'as- sociation et de la liberté de cons- cience que nous ne pouvons moins i, faire de la reproduire ici in extenso et d'en critiquer la fâcheuse et mal- adroite conclusion. Voici d'abord, copiée textuelle- ment sur le registre des délibéra- tions du Conseil municipal, la déli- bération donl il s'agit : Séance du 27 Juillet Demande de reconnaissance légale for- mée par la maison de patronage et orphelinat de la Ste Famille. Le Maire donne lecture d'une lettre de M.le Sous-Préfet, en date du 12 juillet, in- citant le Conseil municipal à se prononcer sur la demande de reconnaissance légale formée en faveur de la maison de patrona- ge et orphelinat de la Sto Famille à Cannes. Une commission spéciale a été chargée de l'examen du dossier. M. Millet, rappor- teur, a rédigé le rapport suivant : Messieurs. J'ai l'honneur de vous présenter un rap- port sur l'avis à donner par le Conseil à la •^ demande en reconnaissance légale en fa- veur de la maison de patronage et orphe- linat de la Ste Famille de Cannes, formu- lée par M. Barbe curé-doyen de la Ville de Cannes. Cet orphelinat a été fondé à Cannes en 1868 par M. Barbe, curé, avec le concours de personnes habitast Cannes et dirigéde- puis par des religieuses de St Thomas de Villeneuve ( congrégation autorisée ). Les conditions d'admission sont d'être orpheline de père ou de mère seulement,ou être délaissée matériellement ou morale- ment ; pour le patronage il suffit de cons- tater que des parents pauvres ont besoin, dans leur emploi ou occupation, d'être suppléés pour l'éducation de leurs filles, mais dans l'un ou l'autre mode d'admis- sion, on exige l'acte de naissance, le certi- ficat de baptême et celui de vaccination. L'admission gratuite ou sans pension mensuelle, est accordée aux orphelines et filles délaissées sans ressources; dans les autres cas ou 1*aito de gré à gré avec les parents pour une pension réduite en s'ins- pirant de l'âge et des aptitudes de la jeune fille et des ressources de la famille. Le but de l'oeuvre est l'éducation morale des jeunes filles du peuple. Pour atteindre ce but on a le travail des mains pour la r couture et repassage, l'instruction primai- ' re et l'éducation chrétienne,dans la simpli- ** cité pratique de ses procédés. Le Conseil d'administration est composé du Curé, directeur, de deux admistrateurs du Conseil de fabrique, de 4 patronesses ot de la supérieure des religieuses de l'établis- sement. Les ressources de l'établissement sont ; Le travail des enfants ; ^ Les pensions des jeune filles patronnées ; L'asistanceaux enterrements ; La quête annuelle de St Joseph ; Et les offrandes spontanées des fidèles. De 1869 à 1880,il est entre dans l'établis- sement 105 jeunes filles, 43 sont encore présentes à la maison , 37 ont été marnes, placées, retournées chez leurs parents ou mortes. 70.000 II ressort de l'état des recettes et des dé- penses que les premières ont toujours ex- cédé les secondes de façon que l'orphelinat a toujours fait face à ses besoins. Le Capital immeuble s'évalue ainsi : Terrain 25.000 Constructions prin- cipales 38.000 Bâtiments, etc 7.000 IN"est pas compris le mobilier qui s'élève à 9,010 fr. Sur cette somme il ne reste que 8,300 h M.Agànd, entrepreneur. Voilà, Messieurs, le bilan de la maison. 11 présente un véritable état de prospérité bien que ne marchant qu'avec ses ressour- ces primitives. Votre Commission ne peut que louer un des buts de l'OEuvre, celui d'élever des jeu- nes filles sans ressources ou sans famille. C'est là un des côtés philanthropiques do l'oeuvre qui mérite toute sa sympathie. Mais là où elle ne peut l'y porter, c'est dans la considération du caractère éminem- ment confessionnel de l'oeuvre. Complète- ment catholique, puisque l'admission com- porte rigoureusement l'exhibition du cer- tificat de baptême, présidée et dirigée par un prêtre catholique et des religieuses do ce culte, elle revêt un caractère frappé d'ex- clusivisme par rapport aux enfants orpho- lins ou malheureux appartenant aux au- tres croyances. Considérant que l'oeuvre vit parfaite- ment et se développe avec ses ressources constitutives, qu'elle a progressé et pro- gresse actuellement, qu'une sanction supé- rieure l'assimilant à la société civile ne lui est donc pas indispensable pour exister ; Que cette sanction demandée aujourd'hui n'est pas compatible avec l'esprit libéral qui anime la société et pourrait, en agran- dissant démesurément les oeuvres issues et dirigées par une vue exclusive, aller à la rencontre et se mettre en lutte avec les as. pirations libérales ; Profondément pénétrée des principes qui régissent la société moderne dont un des traits principaux est l'exercice de la Phi- lanthropie, sans considération de l'état re- ligieux ou non, à la caste des malheureux à secourir. Considérant que l'orphelinat de la Ste- Famllle dans les conditions où il vit, fait en quelque sorte une oeuvre de parti, vo- tre commission refuse de donner un avis favorable à sa reconnaissance. Le Conseil, à l'unanimité, approuve le rapport ci-dessus. Si nous analysons le texte du l'apport dressé par M. Millet on ne peut s'empêcher de reconnaître et de constater sa déférence envers la maison de patronage et l'orphe- linat de la Sainte Famille, II a étu- dié cette association religieuse toute de bienfaisance; il en a analysé les statuts, fait ressortir la situation financière qui est excellente, les nombreux services qu'elle rend aux familles pauvres dont elle élève les enfants, bref il se complaît à lui décerner tous ses éloges. Mais, voi- le chiendent, pour me servir d'une expression populaire et forte- ment caractéristique, cette associa- tion de bienfaisance est une insti- tution catholique; clic a à sa tète l'honorable curé do la paroisse ot ce sont des dames catholiques de no- tre ville qui la patronnent ; c'est le Conseil de fabrique de l'église paroissiale qui l'administre; on exige des enfants que l'on veut secourir, aider, protéger, leur acte de baptême, et le rapporteur, se souvenant tout • à - coup qu'il est républicain, qu'il fait partie d'un Conseil municipal républicain, que Gambetta a jeté le cri : guerre au cléricalisme, demande au Conseil municipal de se refuser à donner un avis favorable à la reconnaissance de cette institution de Charité,et le Conseil, à l'unanimité se joint à la demande do M. Millet et approuve son rapport. Kt quels sont les motifs invoqués pour ce refus de reconnaissance ? Le premier m otif invoqué c'esi que l'oeuvre vivant parfaitement et se développant avec ses ressources constitutives, une sanction supé- rieure l'assimilant à la société ci- vile ne lui est pas indispensable pour exister. Examinons, sans parti pris, ce premier motif de refus. Lorsqu'un Mars 1880 intervin- rent les décrets qui ont ordonné la fermeture de toutes les congréga- tions religieuses non autorisées, qu'a voulu l'Etat, qu'a voulu le gouvernement ? Ce que l'Etat, ce que le gouver- nement ont voulu, c'est de ne pas laisser tramer dans l'ombre contre la République des institutions ca- chées, occultes dont il ne connais- sait et nepouvait connaître ni le but ni les tendances. Mais jamais il n'a été question de faire une guerre déloyale aux institutions religieuses, de quelque nature qu'elles fussent, qui avaient étérégulièrement auto- risées ou qui demanderaient à l'être. Sous un gouvernement républi- cain aucune société secrète ne doit être tolérée ; or, c'est précisément parce que le gouvernement consi- dérait, à tort ou à raison, peu im- porte, toutes les congrégations reli- gieuses comme des foyers secrets de conspiration contre lui, qu'il a ren- du les décrets dont nous parlons ordonnant la suppression de toutes les congrégations non autorisées et imposant à celles qui n'avaient pas cette autorisation l'obligation de la demander. Or, voici uneinstitution de bien- faisance qui, jusqu'à ce jour,a fonc- tionné sans autorisation régulière, qui vient aujourd'hui se conformer aux décrets rendus, qui vous sou- met loyalement ses statuts, vous montre les bienfaits qu'elle a accom- plis, vous expose son excellente si- tuation financière, et, sous le pré- texte que cette oeuvre fonctionne bien, qu'elle a progressé et progres- se encore actuellement, vous venez dire qu'une sanction supérieure l'as- similant à la société civile ne lui est pas indispensable pour exister ! Vraiment, je tombe des nues en voyant tout un Conseil municipal se méprendre si étrangemen sur la nature des décrets rendus et en méconnaître à ce point la portée. Ces décrets sont inflexibles et contiennent ce dilemme dont nulle association ne peut éviter les consé- quences: ou toute association reli- gieuse non autorisée sera dissoute de plein droit et au jour et à l'heure qu'il plaira au gouvernement d'opé- rer cette dissolution, ou ces associ- ations se soumettront à la loi et se pourvoieront de cette autorisation En disant donc, comme l'a fait le rapporteur M. Millet et comme l'a décidé tout le conseil municipal qui a approuvé son rapport, que la mai- son de patronnage et orphelinat de la Sainte-Famille n'avait pas besoin pour exister de la sanction supérieu- re de l'Etat, le rapporteur et tout le Conseil municipal ont commis une erreur flagrante de droit, ont fait une fausse et regrettable interpré- tation du décret du 29 Mars 1880, et brisé le principe même de vie de cette oeuvre de bienfaisance puisque, de par ces mêmes décrets, elle est virtuellement et infailliblement frap- pée de mort si elle n'est pas autori- sée, c'est-à-dire si elle ne reçoit pas la sanction de l'autorité administra- tive. Le second motif invoqué par le rap- porteur est celui-ci: Celte sanction demandée aujourd'hui n'est pas compatible avec l'esprit libéral qui anime la société, et pourrait, en agrandissant démesurément les oeuvres issues et dirigées par une vue exclusive, aller à Vencontre et se mettre en lutte avec les aspira- tions libérales. Cet alinéa, qui laisse percer le bout de l'oreille du rédacteur du ra- pport et qui nous laisse deviner le véritable mobile de son refus à con- céder à l'oeuvre de la Sainte-Famil- le l'autorisation de vivre que ses directeurs réclament pour elle, est au moins aussi incorrect, au point de vue des principes de la vraie li- berté et spécialement de la liberté de conscience, qu'au point de vue de son style. Froisser la pureté et la clarté de notre belle langue française cela n'a que fort peu d'importance; mais, d'une main téméraire, porter atteinte au grand principe de la liberté de conscience, voilà, à notre sons, ce qui est grave, très grave et peut avoir de redoutables conséquences. Lo premier fondement de la liber- c'est, de l'avis de tous ceux qui comprenne.it l'importance de ce mot, le respect de la dignité humaine en autrui, c'est le respect de toutes les croyances. Sansiloutonous préférons aux é- troilesses des oeuvresqui se localisent dans les pratiques d'un culte quel- conque: culte catholique, culte pro- testant, culte judaïque, culte ma-ho- métan, indou, persan, etc, les gran- des oeuvres inspirées par le grand souffle de la liberté pour tous, mais de ce que nos préférences sont en faveur de ce grand principe d'indé- pendance, s'en suit-il que nous de- vions empêcher de vivre les oeu- vres qui sont fondées par des citoy- ens qui n'ont pas notre envergure d'idées et qui entendent pratiquer le bien comme cela leur convient? Vous refusez l'autorisation de vi- vre à l'oeuvre de la Sainte Famille parce que c'est une oeuvre catholi- que; que demain on vienne vous demander la même autorisation de vivre pour toute autre oeuvre pro- testante, juive ou émanant de toute autre secte religieuse, vous serez dans l'obligation forcée de refuser encore toute autorisation pour le même motif, car, pour me servir de votre langage, la sanction deman- dée pour toutes ces oeuvres ne sera pas davantage compatible avec l'es- prit libéral qui anime la société. Franchement, messieurs les con- seillers, y avez-vous sérieusement réfléchi? Républicains, no compre- nez-vous pas que vous venez tout-à- coup de vous ériger en despotes en frappant d'interdit une oeuvre dont vous n'avez pu moins faire de recon- naître la valeur morale et huma- nitaire et cela, uniquement, parce que cette oeuvre ne répond pas àvos sentiments républicains? Comprenez-vous la conséquence de votre étrange pratique de la li- berté? Eh bien la voici.- votre véto- prononcé contre la mise en vigueur d'une oeuvre de bienfaisance, c'est un vélo formulé contre toutes les institutions religieuses, contre tou- tes les opinions et contre toutes les croyances qui ne seront par les vô- tres, c'est l'inquisition des cons- ciences et, sans vous en douter, vous reprenez le rôle des Torque- mada de sinistre mémoire. Et ne croyez pas qu'en agissant ainsi, vous trouviez, même auprès du gouvernement de la République, une approbation de votre délibéra- tion; le gouvernement, en promul gnant les décrets du mois de mars 1880,n'a nullement entendu porter, comme vous l'avez fait, une atteinte à la liberté de conscience, il s'est ins- piré de ces paroles de Béranger : A son gré quechacun professe Le culte de sa dèité ; Qu'on puisse aller môme à la messe, Ainsi lo veut laLiberté. Nous aimons donc à croire que M. le Préfet ne donnera pas son appro- bation au vote que vous avez émis et que,biffant d'un trait de plumo votre décision liberticido, il accordera à l'oeuvre humanitaire de la Sainte Famille l'autorisation de vivre qui lui est impérieusement nécessaire. F. JACOB.

MONITEUR DES ÉTRANGERS - Cannesarchivesjournaux.ville-cannes.fr/dossiers/echos/1882/Jx5_Echos_Can… · des buts de l'Œuvre, celui d'élever des jeu-ne s filles san ressource ou

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Page 1: MONITEUR DES ÉTRANGERS - Cannesarchivesjournaux.ville-cannes.fr/dossiers/echos/1882/Jx5_Echos_Can… · des buts de l'Œuvre, celui d'élever des jeu-ne s filles san ressource ou

10™ ANNÉE — N° 5 1 4 LE NUMERO 5O CENTIMES Dimanche 17 Septembre 1882

LESJOURNAL DES ALPES-MARITIMES

Politique, Littérature, Beaux-Arts, Agriculture, Commerce, industrie, Liste des Étrangers, Annonces Commerciales et Judiciaires

M O N I T E U R D E S É T R A N G E R S

ABONNEMENTS

6 mois 3 moisCannes ot dépt. voisins 12 > 6,504.utrès départements 13 > 1 >

Étranger, frais de poste en sus

PRIX DES ANNONCES

la ligneAvis divers et réclamas 50 c.Annonces légales 25 »

— ordinaires 20 >Réduction pour les Annonces répétées

PARAIT TOUS1 LES DIMANCHES

M. Ferdinand Jacob, Avocat, Directeur-Gérant

Les Abonnements partout du 1" et du 16 de chaque mois

RÉDACTION & O-ÉRANCTCANNES

18, — Bue d'Antibes, — 18(Affranchir)

BUREAUX D'ABONNEMENTS

CANNES.—- Imprimerie, rue d'Antibee, 3— Rotauiy, libraire, r. d'Antibes

NICE. — Agence Daïgoutte.

UNE QUESTION DE PRINCIPE

Parmi les délibérations du Con-seil municipal qui ont été prisesdurant mon absence, il en est unequi, à mon avis, contient une viola-tion si flagrante de la liberté d'as-sociation et de la liberté de cons-cience que nous ne pouvons moins

i, faire de la reproduire ici in extensoet d'en critiquer la fâcheuse et mal-adroite conclusion.

Voici d'abord, copiée textuelle-ment sur le registre des délibéra-tions du Conseil municipal, la déli-bération donl il s'agit :

Séance du 27 JuilletDemande de reconnaissance légale for-

mée par la maison de patronage etorphelinat de la Ste Famille.Le Maire donne lecture d'une lettre de

M.le Sous-Préfet, en date du 12 juillet, in-citant le Conseil municipal à se prononcersur la demande de reconnaissance légaleformée en faveur de la maison de patrona-ge et orphelinat de la Sto Famille à Cannes.

Une commission spéciale a été chargéede l'examen du dossier. M. Millet, rappor-teur, a rédigé le rapport suivant :

Messieurs.

J'ai l'honneur de vous présenter un rap-port sur l'avis à donner par le Conseil à la

• ^ demande en reconnaissance légale en fa-veur de la maison de patronage et orphe-linat de la Ste Famille de Cannes, formu-lée par M. Barbe curé-doyen de la Ville deCannes.

Cet orphelinat a été fondé à Cannes en1868 par M. Barbe, curé, avec le concoursde personnes habitast Cannes et dirigé de-puis par des religieuses de St Thomas deVilleneuve ( congrégation autorisée ).

Les conditions d'admission sont d'êtreorpheline de père ou de mère seulement,ouêtre délaissée matériellement ou morale-ment ; pour le patronage il suffit de cons-tater que des parents pauvres ont besoin,dans leur emploi ou occupation, d'êtresuppléés pour l'éducation de leurs filles,mais dans l'un ou l'autre mode d'admis-sion, on exige l'acte de naissance, le certi-ficat de baptême et celui de vaccination.

L'admission gratuite ou sans pensionmensuelle, est accordée aux orphelines etfilles délaissées sans ressources; dans lesautres cas ou 1*aito de gré à gré avec lesparents pour une pension réduite en s'ins-pirant de l'âge et des aptitudes de la jeunefille et des ressources de la famille.

Le but de l'œuvre est l'éducation moraledes jeunes filles du peuple. Pour atteindrece but on a le travail des mains pour la

•r couture et repassage, l'instruction primai-' re et l'éducation chrétienne,dans la simpli-** cité pratique de ses procédés.

Le Conseil d'administration est composédu Curé, directeur, de deux admistrateursdu Conseil de fabrique, de 4 patronesses otde la supérieure des religieuses de l'établis-sement.

Les ressources de l'établissement sont ;Le travail des enfants ;

^ Les pensions des jeune filles patronnées ;L'asistanceaux enterrements ;La quête annuelle de St Joseph ;Et les offrandes spontanées des fidèles.De 1869 à 1880,il est entre dans l'établis-

sement 105 jeunes filles, 43 sont encoreprésentes à la maison , 37 ont été marnes,placées, retournées chez leurs parents oumortes.

70.000

II ressort de l'état des recettes et des dé-penses que les premières ont toujours ex-cédé les secondes de façon que l'orphelinata toujours fait face à ses besoins.

Le Capital immeuble s'évalue ainsi :

Terrain 25.000Constructions prin-

cipales 38.000Bâtiments, etc 7.000

IN"est pas compris le mobilier qui s'élèveà 9,010 fr. Sur cette somme il ne reste dûque 8,300 h M.Agànd, entrepreneur.

Voilà, Messieurs, le bilan de la maison.11 présente un véritable état de prospéritébien que ne marchant qu'avec ses ressour-ces primitives.

Votre Commission ne peut que louer undes buts de l'Œuvre, celui d'élever des jeu-nes filles sans ressources ou sans famille.C'est là un des côtés philanthropiques dol'œuvre qui mérite toute sa sympathie.

Mais là où elle ne peut l'y porter, c'estdans la considération du caractère éminem-ment confessionnel de l'œuvre. Complète-ment catholique, puisque l'admission com-porte rigoureusement l'exhibition du cer-tificat de baptême, présidée et dirigée parun prêtre catholique et des religieuses doce culte, elle revêt un caractère frappé d'ex-clusivisme par rapport aux enfants orpho-lins ou malheureux appartenant aux au-tres croyances.

Considérant que l'œuvre vit parfaite-ment et se développe avec ses ressourcesconstitutives, qu'elle a progressé et pro-gresse actuellement, qu'une sanction supé-rieure l'assimilant à la société civile ne luiest donc pas indispensable pour exister ;

Que cette sanction demandée aujourd'huin'est pas compatible avec l'esprit libéralqui anime la société et pourrait, en agran-dissant démesurément les œuvres issues etdirigées par une vue exclusive, aller à larencontre et se mettre en lutte avec les as.pirations libérales ;

Profondément pénétrée des principes quirégissent la société moderne dont un destraits principaux est l'exercice de la Phi-lanthropie, sans considération de l'état re-ligieux ou non, à la caste des malheureuxà secourir.

Considérant que l'orphelinat de la Ste-Famllle dans les conditions où il vit, faiten quelque sorte une œuvre de parti, vo-tre commission refuse de donner un avisfavorable à sa reconnaissance.

Le Conseil, à l'unanimité, approuve lerapport ci-dessus.

Si nous analysons le texte dul'apport dressé par M. Millet onne peut s'empêcher de reconnaîtreet de constater sa déférence enversla maison de patronage et l'orphe-linat de la Sainte Famille, II a étu-dié cette association religieuse toutede bienfaisance; il en a analysé lesstatuts, fait ressortir la situationfinancière qui est excellente, lesnombreux services qu'elle rend auxfamilles pauvres dont elle élève lesenfants, bref il se complaît à luidécerner tous ses éloges. Mais, voi-là le chiendent, pour me servird'une expression populaire et forte-ment caractéristique, cette associa-tion de bienfaisance est une insti-tution catholique; clic a à sa tètel'honorable curé do la paroisse ot cesont des dames catholiques de no-tre ville qui la patronnent ; c'estle Conseil de fabrique de l'égliseparoissiale qui l'administre; onexige des enfants que l'on veut

secourir, aider, protéger, leur actede baptême, et le rapporteur, sesouvenant tout • à - coup qu'il estrépublicain, qu'il fait partie d'unConseil municipal républicain, queGambetta a jeté le cri : guerre aucléricalisme, demande au Conseilmunicipal de se refuser à donner unavis favorable à la reconnaissancede cette institution de Charité,et leConseil, à l'unanimité se joint à lademande do M. Millet et approuveson rapport.

Kt quels sont les motifs invoquéspour ce refus de reconnaissance ?

Le premier m otif invoqué c'esi quel'œuvre vivant parfaitement et sedéveloppant avec ses ressourcesconstitutives, une sanction supé-rieure l'assimilant à la société ci-vile ne lui est pas indispensablepour exister.

Examinons, sans parti pris, cepremier motif de refus.

Lorsqu'un Mars 1880 intervin-rent les décrets qui ont ordonné lafermeture de toutes les congréga-tions religieuses non autorisées,qu'a voulu l'Etat, qu'a voulu legouvernement ?

Ce que l'Etat, ce que le gouver-nement ont voulu, c'est de ne paslaisser tramer dans l'ombre contrela République des institutions ca-chées, occultes dont il ne connais-sait et ne pouvait connaître ni le butni les tendances. Mais jamais il n'aété question de faire une guerredéloyale aux institutions religieuses,de quelque nature qu'elles fussent,qui avaient été régulièrement auto-risées ou qui demanderaient à l'être.

Sous un gouvernement républi-cain aucune société secrète ne doitêtre tolérée ; or, c'est précisémentparce que le gouvernement consi-dérait, à tort ou à raison, peu im-porte, toutes les congrégations reli-gieuses comme des foyers secrets deconspiration contre lui, qu'il a ren-du les décrets dont nous parlonsordonnant la suppression de toutesles congrégations non autorisées etimposant à celles qui n'avaient pascette autorisation l'obligation de lademander.

Or, voici une institution de bien-faisance qui, jusqu'à ce jour,a fonc-tionné sans autorisation régulière,qui vient aujourd'hui se conformeraux décrets rendus, qui vous sou-met loyalement ses statuts, vousmontre les bienfaits qu'elle a accom-plis, vous expose son excellente si-tuation financière, et, sous le pré-texte que cette œuvre fonctionnebien, qu'elle a progressé et progres-se encore actuellement, vous venezdire qu'une sanction supérieure l'as-similant à la société civile ne luiest pas indispensable pour exister !

Vraiment, je tombe des nues envoyant tout un Conseil municipalse méprendre si étrangemen sur la

nature des décrets rendus et enméconnaître à ce point la portée.

Ces décrets sont inflexibles etcontiennent ce dilemme dont nulleassociation ne peut éviter les consé-quences: ou toute association reli-gieuse non autorisée sera dissoutede plein droit et au jour et à l'heurequ'il plaira au gouvernement d'opé-rer cette dissolution, ou ces associ-ations se soumettront à la loi et sepourvoieront de cette autorisation

En disant donc, comme l'a fait lerapporteur M. Millet et comme l'adécidé tout le conseil municipal quia approuvé son rapport, que la mai-son de patronnage et orphelinat dela Sainte-Famille n'avait pas besoinpour exister de la sanction supérieu-re de l'Etat, le rapporteur et tout leConseil municipal ont commis uneerreur flagrante de droit, ont faitune fausse et regrettable interpré-tation du décret du 29 Mars 1880, etbrisé le principe même de vie decette œuvre de bienfaisance puisque,de par ces mêmes décrets, elle estvirtuellement et infailliblement frap-pée de mort si elle n'est pas autori-sée, c'est-à-dire si elle ne reçoit pasla sanction de l'autorité administra-tive.

Le second motif invoqué par le rap-porteur est celui-ci: Celte sanctiondemandée aujourd'hui n'est pascompatible avec l'esprit libéral quianime la société, et pourrait, enagrandissant démesurément lesœuvres issues et dirigées par unevue exclusive, aller à Vencontre etse mettre en lutte avec les aspira-tions libérales.

Cet alinéa, qui laisse percer lebout de l'oreille du rédacteur du ra-pport et qui nous laisse deviner levéritable mobile de son refus à con-céder à l'œuvre de la Sainte-Famil-le l'autorisation de vivre que sesdirecteurs réclament pour elle, estau moins aussi incorrect, au pointde vue des principes de la vraie li-berté et spécialement de la libertéde conscience, qu'au point de vuede son style.

Froisser la pureté et la clarté denotre belle langue française cela n'aque fort peu d'importance; mais,d'une main téméraire, porter atteinteau grand principe de la liberté deconscience, voilà, à notre sons, cequi est grave, très grave et peutavoir de redoutables conséquences.

Lo premier fondement de la liber-lé c'est, de l'avis de tous ceux quicomprenne.it l'importance de ce mot,le respect de la dignité humaine enautrui, c'est le respect de toutes lescroyances.

Sansiloutonous préférons aux é-troilesses des œuvresqui se localisentdans les pratiques d'un culte quel-conque: culte catholique, culte pro-testant, culte judaïque, culte ma-ho-métan, indou, persan, etc, les gran-

des œuvres inspirées par le grandsouffle de la liberté pour tous, maisde ce que nos préférences sont enfaveur de ce grand principe d'indé-pendance, s'en suit-il que nous de-vions empêcher de vivre les œu-vres qui sont fondées par des citoy-ens qui n'ont pas notre envergured'idées et qui entendent pratiquer lebien comme cela leur convient?

Vous refusez l'autorisation de vi-vre à l'œuvre de la Sainte Familleparce que c'est une œuvre catholi-que; que demain on vienne vousdemander la même autorisation devivre pour toute autre œuvre pro-testante, juive ou émanant de touteautre secte religieuse, vous serezdans l'obligation forcée de refuserencore toute autorisation pour lemême motif, car, pour me servir devotre langage, la sanction deman-dée pour toutes ces œuvres ne serapas davantage compatible avec l'es-prit libéral qui anime la société.

Franchement, messieurs les con-seillers, y avez-vous sérieusementréfléchi? Républicains, no compre-nez-vous pas que vous venez tout-à-coup de vous ériger en despotes enfrappant d'interdit une œuvre dontvous n'avez pu moins faire de recon-naître la valeur morale et huma-nitaire et cela, uniquement, parceque cette œuvre ne répond pas àvossentiments républicains?

Comprenez-vous la conséquencede votre étrange pratique de la li-berté? Eh bien la voici.- votre véto-prononcé contre la mise en vigueurd'une œuvre de bienfaisance, c'estun vélo formulé contre toutes lesinstitutions religieuses, contre tou-tes les opinions et contre toutes lescroyances qui ne seront par les vô-tres, c'est l'inquisition des cons-ciences et, sans vous en douter,vous reprenez le rôle des Torque-mada de sinistre mémoire.

Et ne croyez pas qu'en agissantainsi, vous trouviez, même auprès dugouvernement de la République,une approbation de votre délibéra-tion; le gouvernement, en promulgnant les décrets du mois de mars1880,n'a nullement entendu porter,comme vous l'avez fait, une atteinte àla liberté de conscience, il s'est ins-piré de ces paroles de Béranger :

A son gré que chacun professeLe culte de sa dèité ;Qu'on puisse aller môme à la messe,Ainsi lo veut la Liberté.

Nous aimons donc à croire que M.le Préfet ne donnera pas son appro-bation au vote que vous avez émis etque,biffant d'un trait de plumo votredécision liberticido, il accordera àl'œuvre humanitaire de la SainteFamille l'autorisation de vivre quilui est impérieusement nécessaire.

F. JACOB.