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This article was downloaded by: [Eindhoven Technical University] On: 18 November 2014, At: 20:04 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Central Asian Survey Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/ccas20 Moyen-Orient, Caucase et Asie centrale: Des concepts geo´politiques a ¤ construire et a ¤ reconstruire? Mohammad-Reza Djalili & Thierry Kellner Published online: 01 Jul 2010. To cite this article: Mohammad-Reza Djalili & Thierry Kellner (2000) Moyen- Orient, Caucase et Asie centrale: Des concepts geo´politiques a ¤ construire et a ¤ reconstruire?, Central Asian Survey, 19:1, 117-140, DOI: 10.1080/713656176 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/713656176 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content.

Moyen-Orient, Caucase et Asie centrale: Des concepts geo´politiques a ¤ construire et a ¤ reconstruire?

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This article was downloaded by: [Eindhoven Technical University]On: 18 November 2014, At: 20:04Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number:1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street,London W1T 3JH, UK

Central Asian SurveyPublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/ccas20

Moyen-Orient, Caucaseet Asie centrale: Desconcepts geo´politiquesa ¤ construire et a ¤reconstruire?Mohammad-Reza Djalili & Thierry KellnerPublished online: 01 Jul 2010.

To cite this article: Mohammad-Reza Djalili & Thierry Kellner (2000) Moyen-Orient, Caucase et Asie centrale: Des concepts geo´politiques a ¤ construire et a¤ reconstruire?, Central Asian Survey, 19:1, 117-140, DOI: 10.1080/713656176

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Central Asian Survey (2000), 19(1), 117–140

Moyen-Orient, Caucase et Asiecentrale: des concepts geopolitiquesa construire et a reconstruire?

MOHAMMAD-REZA DJALILI and THIERRY KELLNER

“Il y a le nom et la chose; le nom, c’est une voix qui remerque et signi� e la chose; lenom, ce n’est pas une partie de la chose ny de la substance, c’est une piece estrangerejoincte a la chose, et hors d’elle.”1

A l’origine, les concepts geopolitiques de ‘Moyen-Orient’, d’ ‘Asie centrale’ etdans une bien moindre mesure de ‘Caucase’, sont des creations de la rationalit eoccidentale, forges dans le contexte speci� que d’une epoque—� n du XIXeme etdebut du XXeme siecle—ou les Puissances europeennes etaient engagees dansune politique imperialiste. Au moment de leur creation, ces constructionsspatiales n’etaient pas le produit de representations de l’espace emanant despeuples directement concernes vivant dans la region mais exprimaient aucontraire une conception du monde eurocentree. Ils repondaient a des analysesvisant a des objectifs strategiques propres aux Puissances occidentales. Au-jourd’hui, avec la � n de la guerre froide et la disparition de l’Union sovietique,le systeme international est entre dans une periode de transformation et derecomposition geopolitiques profondes dont il est dif� cile de mesurer la duree.Dans un contexte post-guerre froide offrant des perspectives de recompositioninedite du fait de l’emergence de dynamiques pre-sovietiques mais aussi dusurgissement de phenomenes totalement originaux, on peut se demander si desconstructions comme celles de ‘Moyen-Orient’, de ‘Caucase’ ou de ‘Asiecentrale’ sont pertinentes ou au contraire si elles n’ont pas perdu leur caractereoperatoire eventuel. La � n de la periode de guerre froide qui constitue lecontexte historique dans lequel certaines se sont structurees, mais egalementl’entrecroisement de dynamiques anciennes et de processus entierement nou-veaux, n’appellent-ils pas a un reexamen de ces constructions? Du fait de lavaleur que ces expressions ont acquises par la sedimentation du langage dans letemps, de nombreux analystes continuent de les utiliser sans se poser la questionde leur contenu ni de leur adequation a la realite. D’autres auteurs commencentpour leur part a proposer de nouvelles etiquettes pour rendre compte des realites

Mohammad-Reza Djalili and Thierry Kellner from Graduate Institute of International Studies, InstitutUniversitaire de Hautes Etudes Internationales, Geneva, Switzerland. [email protected]

ISSN 0263-4937 print; 1465-3354 online/00/010117-24 Ó 2000 Central Asian Survey

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en voie de formation. Nous examinerons dans un premier temps ces anciennesconstructions geopolitiques avant de rendre compte des nouvelles propositions etd’evaluer leur pertinence.

Qu’est-ce que le ‘Moyen-Orient’?

L’idee de ‘Moyen-Orient’ revele une representation de l’espace eurocentree. Eneffet, quel est donc cet espace geographique situee au ‘centre’ d’un ‘Orient’,lui-meme produit de l’imaginaire europeen?2 La terminologie et le conceptutilises resultent d’une rationalite et d’un imaginaire strategique totalementetrangers a la region geographique sur laquelle ils s’appliquent pourtant.L’origine du terme ‘Moyen-Orient’ est europeenne et son utilisation est recente.3

En effet, bien que le terme ‘Moyen-Orient (Middle East)’ ait peut-etre eteemploye par l’administration britannique, en l’occurrence l’India Of� ce,4 des laseconde partie du XIXeme siecle, il est plus generalement admis qu’il trouve sonorigine dans un article intitule ‘The Persian Gulf and International Relations’publie en septembre 1902 dans la National Review de Londres par le celebregeopoliticien americain Alfred T. Mahan. Dans ce texte, le ‘Moyen-Orient’correspondait a la region du golfe Persique qui vue d’Europe n’appartenait ni au‘Proche-Orient (Near East)’, ni a ‘l’Extreme-Orient (Far East)’, conceptsgeopolitiques deja en usage.5 La logique de Mahan reposait sur l’importancestrategique de la region du golfe Persique pour l’Angleterre dans le cadre de laprotection des routes maritimes conduisant a l’Extreme-Orient, region quiprenait aux yeux du promoteur de la puissance maritime un interet croissant.6 Laterminologie utilisee par Mahan n’etait cependant pas totalement originale.L’Europe connaissait a la meme epoque le terme de ‘Near East (Proche-Orient)’.En 1896, il etait meme devenu courant. Un archeologue britannique, D. G.Hogarth, en avait donne une de� nition en 1902, l’annee meme de la parution del’article de Mahan. Pour lui, le ‘Near East (Proche-Orient)’ en tant que regiongeographique regroupait les territories de l’Albanie, du Montenegro, de laBulgarie, de la Grece, de l’Egypte, du sud de la Serbie ainsi que l’ensemble desterritoires de l’Empire Ottoman y compris la totalite de la peninsule arabique eten� n les deux tiers de l’Iran.7 Avec la disparition de l’Empire Ottoman, ce termetombera peu a peu en desuetude. II disparaitra de l’usage of� ciel en Angleterreau debut des annees 1950 et aux Etats-Unis, en 1956,8 au pro� t du terme‘Moyen-Orient (Middle East)’. Alors que l’expression survit principalement dansles domaines de la philologie et de l’histoire antique9, certains auteurs, notam-ment francophones, continuent cependant de l’utiliser dans un contexte strate-gique contemporain soit a la place de ‘Moyen-Orient’,10 soit pour quali� er unespace geographique distinct.11 Illustration de l’imprecision terminologique , enFrance, le Petit Robert semble toujours preferer la denomination de ‘Proche-Orient’ a celle de ‘Moyen-Orient’ tout en signalant que cette designation estcontestee et qu’elle s’applique en outre a une ‘region egalement connue sous lenom de Levant’.12 Sur le plan de l’imprecision geographique, on relevera que leDictionnaire des noms de lieux, edite par le Robert, ne comporte pas non plus

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d’entree ‘Moyen-Orient’ mais qu’on y trouve une de� nition du ‘Proche-Orient’qui ne correspond pas a celle donnee dans le Petit Robert.13 Dans la traditiongeographique francaise, les territoires qui s’etendent de l’Atlantique au bassin del’Indus n’ont en fait pas recu de denomination commune.14

Pour en revenir a l’expression ‘Moyen-Orient’, a la suite de l’analyse deMahan, a la mi-octobre 1902, le prestigieux journal anglais The Times, editait ason tour une serie de reportages rediges par le tres in� uent journaliste britan-nique Valentine Ignatus Chirol. Son premier article titrait: ‘The Middle EasternQuestion’, Cette celebre serie de reportages sera regroupee en 1903 dans un livreintitule The Middle East Question or Some Problems of Indian Defence. A ladifference de Mahan, le ‘Moyen-Orient’ de Chirol ne s’etendait pas seulementau golfe Persique et aux regions adjacentes. II integrait en fait les territoirescontrolant les approches de l’Inde, c’est-a-dire la Perse, le golfe Persique, lescotes de l’Arabie, l’Irak, l’Afghanistan et le Tibet. La vision de Chirols’inscrivait en realite dans la rivalite imperiale qui opposait a l’epoquel’Angleterre a la Russie.15 Suite aux avancees russes en Asie, Londress’inquietait de la menace croissante que cette expansion de l’Empire des Tsarsfaisait peser sur la securite du joyau de la Couronne britannique qu’etait l’Inde.Chirol avait par le passe deja mis en garde l’opinion britannique contre le dangerrusse dans un livre datant de 1896 et intitule The Far Eastern Question. Danssa serie d’articles consacres a la question moyen-orientale, Chirol ne mentionnaitcurieusement pas encore l’importance du canal de Suez pour les interetsbritanniques.16 II faudra attendre que Winston Churchill17 devienne Secretaired’Etat aux Colonies en 1921 puis etablisse le ‘Middle Eastern Department’ ausein du Colonial Of� ce pour que le terme ‘Moyen-Orient’ recouvre en outre lesterritoires de la Palestine, le Sina õ , la peninsule Arabique et le canal de Suez.18

Malgre les tentatives francaises de privilegier l’expression ‘Levant’ durant laperiode de l’entre-deux-guerres, le terme ‘Moyen-Orient’ va s’imposer progres-sivement. C’est avec la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle lesBritanniques installeront au Caire le ‘Middle East Command’ pour la directiondes activites militaires sur un theatre d’operation qui comprenait l’Ethiopie, leSomaliland et l’Erythree, la Libye, la Grece et la Crete, l’Irak et l’Iran, que leterme devient veritablement populaire en Europe et aux Etats-Unis.19 En 1948,les Nations unies, dans le cadre de la constitution d’une Commissioneconomique pour le Moyen-Orient, imagineront une de� nition du ‘Moyen-Orient’ dont l’extension geographique comprendra l’Afghanistan, l’Iran, l’Irak,la Syrie, le Liban, la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Yemen, l’Ethiopie et laGrece. Vers la � n des annees 1950, dans le contexte de la guerre froide, le termepenetrera graduellement dans la terminologie de l’administration americaine.20 Ilfait desormais partie d’un vocabulaire universellement admis21 et employe sansque le locuteur ne sache toujours ce qu’il recouvre exactement, ni ne prenneconscience du contenu semantique dont l’histoire l’a charge. La preuve en estque les pays situes par les auteurs dans l’aire geographique designee parl’expression ‘Moyen-Orient’ n’ont pas propose de formule de remplacement. Ona simplement traduit le terme ‘Middle East’ en arabe al Sharq al-Awsat, en turc

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Orta Dogu et en persan Khavar-e mian-e.22 Les Russes, les Africains et lesIndiens utilisent egalement ce vocabulaire alors que la region est situee pour euxau sud, au nord ou a l’est23 de leur territoire. En Chine egalement, dans levocabulaire courant, on utilise l’expression Zhong Dong pour parler du ‘Moyen-Orient’, ce qui est la traduction litterale de ce terme, alors que geographique-ment, les regions du ‘Moyen-Orient’ sont situees a l’ouest du territoire chinois!

Une fois la terminologie universellement acceptee, encore fallait-il de� nirprecisement quel espace geographique elle recouvrait exactement. Or, comme leremarquent les auteurs du Cambridge Atlas of the Middle East, il n’existe pas dede� nition geographique standard de la region du ‘Moyen-Orient’.24 JacquesThobie a ainsi releve que l’on pouvait lui attribuer au moins neufs delimitationsdifferentes.25 De maniere generale, deux interpretations de l’etendue ge-ographique du ‘Moyen-Orient’ peuvent etre opposees: une interpretation mini-maliste et une interpretation maximaliste. La delimitation geographique du‘Moyen-Orient’ dans l’interpretation minimaliste comprendrait trois elements:l’Orient arabe (le Machrek), la Turquie et l’Iran. Les maximalistes etendent pourleur part la de� nition du ‘Moyen Orient’ vers l’Afrique, le Maghreb et lesous-continent indien. Etzel Pearcy notait en 1959, ‘(a)t its maximum the MiddleEast is said to extend from Morocco on the Atlantic to East Pakistan on the Bayof Bengal’.26 Pour Bernard Lewis, le ‘Moyen-Orient’ regroupe la Turquie, laPerse et peut etre l’Afghanistan, l’Irak et la peninsule arabique, la Syrie, laLiban, Israel, la Jordanie et l’Egypte avec differentes extensions vers le sud etl’ouest de l’Afrique arabophone. La limite nord du ‘Moyen-Orient’, � xee a lafrontiere sovietique, etait pour cet auteur intenable du point de vue geographiqueet historique.27 Sur le plan de la delimitation geographique, se pose egalement laquestion des Etats limites. Ou classer l’Egypte? Au Moyen-Orient, en Afrique duNord, en Afrique? De meme pour la Turquie. Ou doit-elle etre situee? AuMoyen-Orient ou plutot en Europe? Quelque soit la delimitation geographiqueque l’on privilegie, le concept geopolitique de ‘Moyen-Orient’ pose donc desproblemes. Sur un autre plan, le ‘Moyen-Orient’ tel qu’on le presente generale-ment souleve egalement une question importante, celle de la logique sous-jacente dans cette construction. Des auteurs francais notent que ce sont leselements ‘culturel et religieux’ qui faconnent cette region qu’ils quali� ent parailleurs de ‘bloc dur’, de ‘centre de l’islam’.28 Cette derniere logique relevesemble-t-il d’une vision essentialiste qui fait de l’Islam l’essence commune detoutes les societes musulmanes et qui masque en realite leur heterogeneite ainsique les fractures qui les parcourent.29 Pendant la periode de guerre froide, leconcept de ‘Moyen-Orient’ soulevait donc deja de nombreuses questions. Etait-ce moins delicat pour le Caucase et l’Asie centrale?

Qu’en est-il du ‘Caucase’?

Le terme ‘Caucase’ s’applique a une region geographique plus restreinte etmieux de� nie que le ‘Moyen-Orient’ ou l’ ‘Asie centrale’. Il s’agit d’uneconstruction moins arti� cielle que les deux autres. Sur le plan terminologique , par

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l’intermediaire des auteurs grecs comme Eschyle (Veme siecle avant J-C) dansson Promethee enchaine ou Herodote dans ses Histoires, le mot ‘Caucase’ maisaussi la region qu’il quali� e sont en fait present dans l’imaginaire europeendepuis une epoque reculee. A travers la mythologie grecque ou la Bible, denombreuses legendes liees au ‘Caucase’ habitent l’imaginaire europeen. Ainsi,Saturne, poursuivi par les geants se serait refugie dans la region et aurait tue leberger Caucasus dont le nom fut donne a la montagne. Promethee fut enchaineau mont Kazbek pour avoir derobe le feu aux dieux et l’avoir donne auxhommes. Les Amazones auraient occupe la region alors que Jason s’y seraitrendu a la recherche de la Toison d’or. L’Arche de Noe s’y serait echoue etAlexandre de Macedoine y aurait bati les portes de Fer pour contenir les geantsGog et Magog. Dans la longue duree historique, les contacts entre l’Europeoccidentale et cette region furent frequents, notamment par l’intermediaire desmissions chretiennes, du royaume de Georgie, de la diaspora armenienne ou desmarchands italiens. Sur le plan de la terminologie, l’origine du mot ‘Caucase’ aete discutee dans les cercles scienti� ques au siecle dernier. Bochard lui attribuepour racine le mot hebreu Phaleg. Selon lui, la terre de Gog et Magog etait unepartie de la Scythie, situe le long du mont Caucase que les habitants de laGeorgie et les Armeniens appelaient Gog khasan (les forti� cations de Gog). Apartir de ce nom, les Grecs auraient formes le mot Kaukasos d’ou derivent lesmots allemands ‘Kaukasus’ ou ‘Kaukasien’, anglais ‘Caucasus’ ou francais‘Caucase’. Une autre auteur rapproche ‘Caucase’ du mot de Kafsp (origine dunom de la mer Caspienne ou mer d’Hyrcanie pour les Anciens) dont il serait unealteration.30 D’autres interpretations ont ete avancees pour l’origine du mot31

mais la plus probable est celle selon laquelle, ‘Caucase’, al-Kabk en arabe,32

Kapkoh en armenien, Kavkaz en turc et aussi en russe et dans d’autres langues,serait derive du moyen persan Kafkoh, signi� ant la montagne du Kaf. Contraire-ment aux cas du ‘Moyen-Orient’ ou de l’‘Asie centrale’, le terme ‘Caucase’ estproche du vocabulaire des peuples sur lequel s’applique ce concept ge-ographique. Sur le plan de l’imaginaire, le ‘Caucase’ n’est pas seulement presenten Europe. L’imaginaire persan lui menage egalement une place. Ainsi, le‘Caucase’, appele Kouh-e kaf, apparait dans l’epopee nationale iranienne, leLivre des Rois (Shahname ) de Ferdowsi, celebre poete du Xeme siecle. Uneautre oeuvre persane, le Hudud al-alam, ouvrage geographique, donne unedescription topographique relativement detaillee de la region au Xeme siecle.Pour les premiers geographes musulmans, le ‘Caucase’ etait une partie de lachaine du Kaf qui entoure la terre et separe le sud civilise des regions du nord,pays des tenebres et de l’obscurite. Ils regardaient egalement le ‘Caucase’comme le lieu ou Alexandre le Grand avait fait eriger les portes de Fer contreles geants Gog et Magog. Lors de la conquete arabe, des expeditions militairess’aventurerent rapidement dans la region mais il fallut attendre plusieurs cen-taines d’annees avant que la religion islamique ne penetre dans la region, ou ellene parvint pas a vaincre totalement le christianisme et le paganisme qui yregnaient. Des l’epoque medievale, la region etait connue comme le refuge denombreux groupes ethniques et la grande diversite linguistique regionale n’etait

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pas ignoree des auteurs arabes puisqu’au XIVeme siecle, la region est quali� eede Djabal al-alsun, la ‘Montagne des Langues’.33 La region du ‘Caucase’ aparticulierement impregne l’imaginaire russe. Depuis le XVIIIeme siecle, ousous le regne de Catherine II, l’avancee russe dans la region pris de l’ampleur,un ensemble d’oeuvres romanesques, poetiques ou musicales mettant en scene lazone du ‘Caucase’ a puissamment contribue a en forger et a en � xer l’imagedans la conscience russe.34 Des artistes comme Pouchkine dont le critiqueBelinsky dira qu’il a cree le ‘Caucase’,35 Bestuzhev-Marlinsky, Lermontov,Tolstoi, Balakirev, Rimsky-Korsakov, Tchaikovsky ou Moussorsky, pour n’enciter que quelques-uns, ont ainsi puisse dans la region leur source d’inspiration.Leurs oeuvres ont a leur tour faconne l’image du ‘Caucase’ avant de la graverdurablement dans la conscience russe comme terre de mythe, de poesie et delegende. Le voyage en Italie, si present dans la litterature en Europe occidentale,a eu son pendant dans le ‘Caucase’ pour les Russes. La � n du XVIIIeme et ledebut du XIXeme siecle ont vu les avancees russes dans la region se heurter al’Iran et aux peuples montagnards. Le ‘Caucase’ occupe le devant de la scenestrategique pour la Russie alors que d’autres Etats comme l’Angleterre s’yinteresse. Le Grand Dictionnaire Universel, dans son edition de 1867, men-tionne le ‘Caucase’ alors qu’on ne trouve pas trace du ‘Proche-Orient’ ou du‘Moyen-Orient’ et qu’il faut attendre le deuxieme supplement de ce dictionnaire,edite apres 1885, pour decouvrir une reference a l’‘Asie centrale’.36 Le conceptgeopolitique s’est cristallise dans l’imaginaire strategique au moment des con-quetes de la Russie. Les limites de la region geographique sur laquelle ils’applique ont ete relativement stables depuis cette epoque. Les auteurs notentgeneralement que la region se subdivise en deux parties: la ‘Ciscaucasie’ et la‘Transcaucasie’.37 La ‘Ciscaucasie’ designe les territoires qui, vus de Russie,sont en deca de la chaine montagneuse du Caucase alors que la ‘Transcaucasie’quali� e ceux qui s’etendent au-dela. La limite occidentale du ‘Caucase’ est lamer Noire alors que la mer Caspienne forme la bordure orientale de la region.Vers le nord, les � euves Terek, Kouma et Kouban forment generalement lalimite de la zone alors que vers le sud, elle est habituellement � xee sur l’Araxe.38

Il est dif� cle de trouver des de� nitions geographiques de la region ayant entreelles des differences d’une amplitude aussi importante que dans le cas du‘Moyen-Orient’ ou comme nous le verrons de l’‘Asie centrale’. En tant queconcept geopolitique, du fait de la domination sovietique, le ‘Caucase’ etaitquelque peu sorti de l’imaginaire occidental. La disparition de l’Union sovie-tique et des frontieres hermetiques qui isolaient cet espace des regions voisines,ouvrent des perspectives de recomposition sous-regionales qui modi� eront lesinteractions et la cooperation entre Etats. Historiquement, la region n’a pasconnu de constructions etatiques couvrant l’ensemble du territoire du ‘Caucase’sur laquelle pourrait s’appuyer cette recomposition. La Republique autonome desMontagnards cree par les Bolcheviks en janvier 1921, rassemblant Tchetchenie,Ingouchie, Ossetie, Kabardie, Balkarie et Karatchie, sera ainsi reduite des 1922aux seuls Ingouches et Ossetes, avant de disparaitre en 1936. En 1990, le generalDoudaev creera une Confederation des peuples montagnards du Caucase qui n’a

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cependant pas donne lieu a un regroupement des divers peuples sous une memeautorite politique. Les trois Republiques transcaucasiennes actuelles d’Armenie,de Georgie et d’Azerba õ djan ont ete administr ees comme un seul ensemble sousle regime tsariste puis unies peu de temps dans le cadre de la Republiquedemocratique federative de Transcaucasie cree en avril 1918. En 1922, lesBolcheviks devenus maitre de ces trois Republiques les reuniront dans le cadrede la Republique socialiste federative de Transcaucasie qui sera supprimee en1936. Malgre ces bases historiques communes, dans la periode de l’apres-guerrefroide, le ‘Caucase’ a surtout ete marque par la division et les con� icts qui s’ysont deroules.39 La recomposition geopolitique est en cours mais elle n’a pasdebouche sur la formation d’une vision commune de l’espace ni sur la naissanced’un espace commun ou pourrait se developper une cooperation mutuelle.Certains auteurs ont cependant proposes des pistes que nous EXAMIRONS plusloin.

… et de l’Asie centrale?

Comme le ‘Moyen-Orient’, l’‘Asie centrale’ est une construction de la rationalit eoccidentale. Le terme s’applique a une region geographique qui est longtempsdemeuree hors d’atteinte pour les Europeens. Les liens entre l’Europe et cetteregion sont historiquement bien plus relaches que ceux avec le ‘Moyen-Orient’ou le ‘Caucase’. L’imaginaire occidental s’eveille bien moins a son evocationqu’a celle du ‘Moyen-Orient’ ou du ‘Caucase’. Sur le plan geopolitique, alorsque le XIXeme siecle l’avait porte a l’avant de la scene avec les conquetesmilitaires russes et les inquietudes paralleles de l’Angleterre, pendant la periodede la guerre froide, le concept d’‘Asie centrale’ avait perdu sa valeur. LeDictionnaire de Geopolitique, edite en 1993, ne le mentionne pas. Son indexrenvoie aux entrees ‘Asie’, ‘Asie du Sud’, ‘Asie du Sud-Est’, ‘Asie Mineure’,‘desert’ et ‘tatar’.40 C’est avec la disparition de l’Union sovietique etl’emergence de nouvelles Republiques independantes qu’il a commence aeffectuer son retour dans l’imaginaire strategique.41

A travers l’Histoire, l’espace geographique quali� e d’‘Asie centrale’ a etedesigne par un grand nombre de denominations dont certaines sont d’originelocale. Chronologiquement , c’est a l’Antiquite qu’il faut remonter pour endecouvrir la premiere appellation. Il s’agit de l’expression grecque ‘Transoxi-ane’, qui s’applique aux territoires situes ‘au-dela de l’Oxus’. Les geographesarabes des VIIIeme et IXeme siecles utiliserent pour designer les pays civilisesconquis par les Arabes et soumis a l’Islam au nord de l’Amu Darya, l’expressionMawarah-al-nahr, qui signi� e ‘ce qui (se trouve) de l’autre cote du � euve’.42

Les limites du Mawarah-al-nahr dans les directions du nord et de l’est setrouvaient la ou cessait la domination de l’Islam. Elles dependaient donc de lasituation politique. Cette expression est passee dans la litterature persane. Ainsiau XVeme siecle, Ha� z i-Abru consacre un chapitre de son ouvrage ge-ographique a cette region. A travers la litterature persane, cette expression apenetre dans le vocabulaire des populations d’‘Asie centrale’ ou elle a eteutilisee jusqu’a l’epoque moderne.

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Dans l’imaginaire perse cette fois, on trouve une autre denomination. Il s’agitde l’expression ‘Touran’ qui s’applique a l’etendue geographique situee au nordde l’Iran. Si ce terme a ete diversement utilise a travers l’Histoire, son premiersens est lie a la mythologie de l’ancien Iran. Il apparait pour la premiere foisdans le Livre des Rois (Shahname ) de Ferdowsi, au chapitre relatif a latripartition du monde par le roi Fereydoun. Le poete relate, ‘(…) Fereydoun � tregner la justice. Il pratiquai t la magie, mais pour le bien. Ayant eprouve lecaractere de ses trois � ls, Salm, Tour et Iradj, il decida de partager entre euxson empire qui embrassait tout l’univers. A Salm, il donna le royaume de l’ouest,le pays des Roum, a Tour celui de l’est, le Turkestan, qu’on appelle depuis leTouran; a Iradj, le plus jeune, il reserva l’Iran, le milieu du monde (…)’.43 Dansce contexte, l’acception du mot ‘Touran’ est geographique.44 Dans le Livre desRois, le ‘Touran’ designe le pays s’etendant au nord-est du centre du monde,c’est-a-dire de l’Iran. Pour Ferdowsi, le ‘Touran’, pays des Turcs et des Chinois,commence au-dela de l’Oxus (l’Amu Darya). Ses limites geographiques sontcependant incertaines. Comme l’observe Minorsky, les auteurs musulmans,arabes, persans et turcs n’ont guere ete consequents dans l’utilisation du terme.45

En Occident, ‘Touran’ apparait pour la premiere fois dans la ‘Bibliothequeorientale d’Herbelot, Paris, 1697, ou on lit que Afrasiyab, Turc de naissancemais descendant de Tur, � ls de Faridun, etait roi de “tout le pays quis’etend au-dela du � euve Oxus … vers l’Orient et le Septentrion; l’on appelaitautrefois ce pays-la Touran, mais il a depuis le nom de Turquestan”.46 C’estcependant au XIXeme siecle que le terme se repandit en Europe grace ason caractere imprecis. Certains, comme le Hongrois Teleki, ont tente de luidonner un contenu geographique plus explicite. Pour cet auteur, le ‘Touran’avait pour limites exterieures la mer Caspienne, le plateau iranien, les montagnesaux sources du Syr Darya et de l’Irtish et le plateau d’Akmolinsk.Minorsky conclut a propos de cette tentative que ‘grosso modo ce “Turan” sansutilite aucune, se substitue au “Turkestan”, dont il ne possede pas la nettete’.47

En Europe existaient en effet d’autres termes pour designer l’espace situeau nord de l’Iran. Chronologiquement , l’expression ‘Tartarie’ precede cependantcelle de ‘Turkestan’ evoquee par Minorsky. Au XVIIeme et XVIIIemesiecles, les cartes geographiques europeennes utilisaient largement cetteexpression pour designer de vastes regions situees au coeur du continentasiatique. Dans l’imaginaire europeen, la ‘Tartarie’ etait consideree comme lereservoir de la barbarie mais aussi comme le berceau des peuples.48 Cetensemble geographique comprenait deux composantes, la Tartarie independanteou Tartarie occidentale et la Tartarie chinoise ou Tartarie orientale, et couvraitplus de la moitie de la super� cie de l’Eurasie. Montesquieu evoque dans l’Espritdes Lois cette ‘grande Tartarie’ qu’il situe au ‘midi de la Siberie’ et quicomprend entre autre les ‘Boucharies, Turkestan et Charisme’ et ‘la Tartariechinoise’.49 Apres les conquetes militaires russe et chinoise du XIXeme siecle,l’expression ‘Tartarie’ va dispara õ tre des cartes geographiques et du vocabu-laire.50 Elle sera supplantee par celle de ‘Turkestan’. Selon l’Atlas des peuplesd’Orient:

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Le nom de Turkestan, d’usage courant jusqu’a la Premiere guerre mondiale, designait unevaste region s’etendant des con� ns de la Mongolie a la mer Caspienne. On distinguait alorsle ‘Turkestan chinois’ (que les Chinois appelaient deja Sinkiang ou Xinjiang) avec le‘Turkestan russe’, denomme a partir de 1920 ‘Asie centrale sovietique’. (…) le Turkestan,litteralement ‘pays des Turcs’, constitute une puissante realite historique.51

Etymologiquement , le mot ‘Turkestan’ trouve son origine dans la langue persaneou il signi� e ‘pays des Turcs’. Pour les Persans, la frontiere de ce ‘pays desTurcs’ dependait des conditions politiques du moment. Ainsi sous la dynastieiranienne des Sassanides, le ‘Turkestan’ commencait immediatement au nord del’Oxus alors qu’apres l’invasion arabe, il s’etendait au nord du territoire designecomme Mawarah-al-nahr.52 Dans la litterature, les auteurs ont fait la plupart dutemps la dictinction entre les Turkestan russe, chinois53 et afghan. Ils se servaientegalement des termes ‘Turkestan occidental’ et ‘Turkestan oriental’. Si certainsconsiderent que l’utilisation du mot ‘Turkestan’ est issu de la langue administrat-ive russe du XIXeme siecle, Barthold note cependant que se sont les Anglais, quisous l’in� uence de l’usage persan et afghan, ont introduit l’expression dans laterminologie scienti� que.54 Pour le Grand Dictionnaire Universel du XIXesiecle, dans son edition de 1876, le territoire du ‘Turkestan’, ‘Tartarie’ ou ‘Asiecentrale’ est borne au nord par la Siberie, a l’est par la Chine, au sud-est par leroyaume de Kashgar, au sud par l’Inde, l’Afghanistan et la Perse, a l’ouest parla mer Caspienne et la Russie d’Europe.55 Pour l’Encyclopaedia Britannica, dansson edition de 1911, le ‘Turkestan’ designe une region qui s’etend entre laSiberie au nord et le Tibet, l’Inde et l’Afghanistan au sud, la mer Caspienne al’ouest et l’est de la Mongolie et le desert de Gobi a l’est.56 En Russie, le terme‘Turkestan’ a designe un espace geographique plus restreint. L’administrationtsariste a decoupe au XIXeme siecle, l’etendue conquise en Asie par lesmilitaires en deux entites regionales distinctes. Au nord, les steppes kazakhesfurent erigees en ‘Territoire des Steppes’ (Stepnoj kraj, aussi Kirgizskij kraj). Ausud, le regime tsariste fonda par un oukase du 11 juillet 1867, le ‘Gouvernoratgeneral du Turkestan’ avec Tashkent comme capitale. En 1886, ce territoiredevint le ‘Territoire du Turkestan’ (Turkestanskij kraj).57 Le pouvoir sovietiquene conserva longtemps ni le terme de ‘Turkestan’, ni l’unite geographique duterritoire designe sous cette expression. Des 1924, les Republiques sovietiquesd’Ouzbekistan et du Turkmenistan furent etablies sur le territoire de l’ancien‘Turkestan’.58 Le Tadjikistan, detache de l’Ouzbekistan, fut erige en Republiqueen 1929. Le Kazakhstan et le Kirghizstan acquirent pour leur part le statut deRepublique en 1936. Pour Barthold, c’est principalement pour des raisonsethnographiques que le mot ‘Turkestan’ est peu a peu sorti de l’usage sovietique.En fait, de puissantes raisons politiques et strategiques ont amene les dirigeantssovietiques a diviser le ‘Turkestan’ en tant qu’unite geographique et a eliminerde leur vocabulaire une expression dangereuse pour le pouvoir.59 Kaganovitchsoulignait des 1923, que l’existence d’une region nommee ‘Turkestan’ etaitimpossible car cela manifestait de maniere eclatante ‘une aspiration grand-turque qui devrait etre rayee au plus tot de la terminologie sovietique’.60 Des la

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� n des annees 20, le terme ‘Turkestan’ disparut donc du vocabulaire sovietiquepour etre supplante par l’expression plus neutre d’‘Asie moyenne’ (SrednjajaAzija). Le vocabulaire of� ciel distinguai t Srednjaja Azija (Asie moyenne), dontle Kazakhstan etait exclu et une Central’naja Azija (Asie centrale chinoise). Unauteur note cependant qu’il existait une certaine latitude dans la terminologiesovietique. Ainsi, selon lui,

‘Central Asia’ (Tsentral’naya Aziya) is commonly used to portray an area that incorporatesportions of western China along with the Soviet republics of Kazakhstan, Kirgiziya,Uzbekistan, Tadzhikistan, and Turkmeniya. ‘Middle Asia’ (Srednyaya Aziya) is usedprimarily in reference to an area encompassing the Soviet republics of Kirgiziya, Uzbek-istan, Tadzhikistan, and Turkmeniya, which is also consolidated as an economic region. Itis also sometimes used, however, to include southern Kazakhstan.61

A la suite de l’exemple sovietique, dans l’usage courant, le terme ‘Turkestan’ estegalement progressivement tombe en desuetude alors que la region memes’estompait dans l’imaginaire geographique europeen et americain.62 Le terme‘Turkestan’ a disparu de la quinzieme edition de l’Encyclopaedia Britannicadatant de 1985. A sa place, on trouve un chapitre consacre aux arts oul’expression ‘Asie centrale’ apparait.63 L’utilisation de ce terme dans la littera-ture scienti� que remonte au XIXeme siecle Il a d’abord ete utilise commesynonyme de ‘Haute Asie’, de ‘Haute Tartarie’ ou encore d’‘Asie interieure’.Pour la premiere fois, en 1843, Alexander von Humboldt decrit la region commeun ensemble geographique distinct.64 D’autres geographes tenteront par la suitede rede� nir ce concept et de lui donner un contenu geographique plus precis.Dans le courant du XIXeme siecle, Nicolay Khanykoff,65 Ferdinand Richthofen66

ou Ivan Mushketov67 examineront tour a tour la question sans parvenir a unedelimitation geographique rigoureuse et unanime.68 L’etendue que les auteursattribuent a l’‘Asie centrale’ demontre a quel point le concept est demeureimprecis sur le plan geographique jusqu’a aujourd’hui. De maniere generale,dans l’esprit des geographes russes du XIXeme siecle, l’‘Asie centrale’ etaitconsideree comme faisant partie du double continent eurasien. Pour le Generalrusse Snesarev (1865–1937), geographe et orientaliste, auteur d’un ouvragedatant de 1906 intitule Indiia kak glavnyi faktor v sredne-aziatskom voprose(L’Inde comme facteur principal dans la question d’Asie centrale), l’‘Asiecentrale’ recouvrait la region du Turkestan, Khiva, Boukhara, le nord de l’Inde,la Kashgarie (region de Kashgar dans le Turkestan chinois ou Xinjiang),69 lesPamirs, le Tibet, l’Afghanistan, le Balouchistan et la Perse orientale.70 A proposde l’etendue de la region, M. Hauner note:

Si l’on considere plus largement la notion de Grande Asie centrale, autrement dit, sonespace culturel distinct tant du Moyen-Orient que de l’Asie du Sud (…), nous decouvronsune region beaucoup plus vaste s’etendant en latitude de la Mongolie a la mer Caspienneet a la Turquie orientale (…) Son coeur (heartland) est le Turkestan, comprenant troisparties: la Sogdiane (Transoxiana en latin, Mawa ran Nahr en arabe) a laquelle on peutrattacher le Khorezm et le Khorassan, le Yeti Su ou Semiretchie, le Turkestan de l’Est(Xinjiang) ou Kashgarie.71

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Dans une edition recente de l’Encyclopaedia Universalis, Henri-Paul Francfortecrit pour sa part que l’‘Asie centrale’ comprend ‘les territoires des republiquessovietiques du Turkmenistan, de l’Uzbekistan et du Tadjikistan, la provincechinoise du Xinjiang et le nord de l’Afghanistan’72 alors que dans l’introductionde son ouvrage consacre a l’histoire de la region, J-P. Roux remarque que dansson acception la plus etroite, cette aire geographique serait seulement:

ce que nous nommions jadis le Turkestan chinois et qui porte le nom of� ciel de Sin-Kiang(Xinjiang) ou celui ancien et restrictif, de Serinde. Dans un sens plus large et plussatisfaisant, elle correspond a tout l’immense territoire qui s’etend de la Caspienne a laChine historique des Han -bien qu’aujourd’hui, a la suite des Russes, on prefere nommerAsie moyenne l’ancien Turkestan oriental. Nul ne sait exactement s’il faut ou non yenglober le Tibet que l’on tendrait a considerer comme une entite independante ou que l’onrattacherait a un autre ensemble geographique tout aussi imprecis, celui de haute Asie. Lahaute Asie elle-meme est constituee, pour ceux qui en traitent, par les monts et les hautsplateaux qui s’etendent entre la Siberie, la Chine, l’Inde et le Turkestan russe, et inclut lazone depressionnaire du vaste bassin du Tarim. (…) J’entends donc par Asie centrale laMongolie et le sud de la Siberie, l’essentiel de ce qui forme aujourd’hui le Kazakhstan etles quatre autres republiques de la CEI, Uzbekistan, Turkmenistan, Tajikistan et Kirghizis-tan, le nord de l’Afghanistan et le Khorassan iranien lie a Herat comme a Merv (Mary), leTibet, le Sin-kiang (Xinjiang), le Kansou (Gansu). J’aurais pu encore faire entrer dans monsujet, en avancant de solides arguments, le Cachemire et, sinon le Pendjab dans son entier,du moins sa partie septentrionale comme la province nord-ouest du Pakistan: Peshawar alongtemps revendique d’etre le carrefour des routes de l’Asie centrale. Les liens de laSogdiane avec l’Inde qui decoulent de l’antique unite indo-iranienne et de la culturegreco-bactrienne ne cesseront jamais (…).73

Comme le remarquait deja la quinzieme edition de l’Encyclopaedia Britannica,l’‘Asie centrale’ n’a pas de frontieres speci� ques dans un contexte geographique.Les historiens de la culture semblent considerer que le terme recouvre cependantune aire geographique regroupant le Kazakhstan, le Turkmenistan,l’Ouzbekistan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, des morceaux de la provincechinoise du Xinjiang et l’Afghanistan.74 Mais d’autres delimitations ge-ographiques basees egalement sur des criteres culturel et historique ont eteproposees. Ainsi, dans le cadre de la redaction d’une histoire des civilisations del’‘Asie centrale’ entreprise sous l’egide de l’Unesco, une commission d’expertsa ete appelee a se prononcer sur ce qu’il fallait entendre par l’expression ‘Asiecentrale’. Le rapport � nal de la reunion tenue a Paris en octobre 1978, preciseque l’etude consacree a l’‘Asie centrale’ portera sur les civilisationsd’Afghanistan, du nord-est de l’Iran, du Pakistan, du nord de l’Inde, de l’ouestde la Chine, de la Mongolie et de l’Asie centrale sovietique. Pour l’Unesco, ‘theappellation “Central Asia”, (…), refers to this area, which corresponds to aclearly discernible cultural and historical reality’.75 En l’espece, en utilisant unfacteur de delimitation base sur un critere culturel, on aboutit egalementdif� cilement une de� nition unanime de l’aire geographique ‘Asie centrale’. Leterme designe donc un ensemble geographique dont les limites varient consider-ablement selon les criteres geographiques, linguistiques , culturels ou politiques

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que l’on adopte.76 Une tendance semble cependant etre dessinee depuis 1991. Levocabulaire russe designe aujourd’hui comme Central’naja Azija (Asie centrale),les Republiques du Kazakhstan, du Kirghizstan, de l’Ouzbekistan, du Tadjikistanet du Turkmenistan. Un ouvrage geographique francais recent considere egale-ment que l’‘Asie centrale’ recouvre le territoire des cinq Republiques precitees.77

En 1993, les Republiques du Kazakhstan, du Kirghizstan, de l’Ouzbekistan, duTadjikistan et du Turkmenistan ont declare of� ciellement se reconnaitre sous leterme d’‘Asie centrale’78. Sans doute entendaient-elles ne pas etre assimilees au‘Moyen-Orient’. Cela signi� e-t-il que le concept d’‘Asie centrale’ a desormaisacquis une assise geographique invariable, reposant sur des dynamiques ancreesdans une realite vecue par les peuples concernes? Les auteurs de l’apres-guerrefroide ne semblent pas s’accorder et de nouvelles etiquettes ont commence aemerger.

Vers de nouvelles constructions conceptuelles?

La � n de l’Union sovietique pese sur le contenu des constructions conceptuellesque sont le ‘Moyen-Orient’, le ‘Caucase’ et l’‘Asie centrale’. En effet, ladisparition du rideau de fer qui isolait tres hermetiquement les Republiques du‘Caucase’ et de l’‘Asie centrale’ de leur voisins proches remet en cause lacon� guration geopolitique regionale.79 De nouvelles dynamiques dont il faudratenir compte dans l’etablissement de cadres conceptuels operatoires sont ap-parues.

Si par le passe, la delimitation geographique du ‘Moyen-Orient’ ne penetraitpas le territoire de l’Union sovietique, certains auteurs pensent desormais quecette conception doit etre revisee. Ils proposent en quelque sorte d’ouvrir le‘Moyen-Orient’ sur les nouveaux Etats independants issus de la decompositionde l’Union sovietique. Dans certains cas, ils vont jusqu’a envisager une sorte defusion entre les concepts de ‘Caucase’ et d’‘Asie centrale’ et de ‘Moyen-Orient’.L’idee d’un ‘Grand Moyen-Orient’, rassemblant les Republiques meridionales del’ex-Union sovietique et les Etats du ‘Moyen-Orient’, est ainsi apparue danscertaines publications .80 Dans leur etude, Kemp et Harkavy s’interrogent sur ladelimitation geographique de ce ‘Greater Middle East (Grand Moyen-Orient)’.Ils notent,

Which then should be included in our grouping? First the traditional U.S. State Departmentlist for the Near East must be included (Morocco, Algeria, Tunisia, Libya, Egypt, Israel,Syria, Lebanon, Jordan, Iran, Iraq, the GCC states, and Yemen). We believe Sudan,Ethiopia, and Somalia have to be discussed (…). Afghanistan, India, Pakistan, Sudan andTurkey must be included as should the energy-producing countries of the Caspian Basin(Azerbaijan, Kazakstan and Turkmenistan). Given their location Georgia and Armenia mustalso be included (…) (Uzbekistan, Tajikistan and Kyrgyzstan) (…) are shown on our mapof the new Middle East (…).81

Ils poursuivent

one way to think of the greater Middle East region is as a vast quadrilateral, a geographic

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centerpoint and crossroad where Europe, Russia, Asia, and Africa intersect. It is boundedto the west by the Sahara Desert and the Mediterranean Sea, to the north by the Black Sea,the Caucasus Mountains, the Elburz Mountains, and the Hindu Kush, to the East by theplains of India and to the south by the Indian Ocean.82

La pertinence de l’extension geographique de cette proposition de ‘GrandMoyen-Orient’ merite d’etre questionnee. A quelle realite repond-elle? Sur leplan des dynamiques regionales a l’oeuvre, le con� it israelo-palestinien in� ue-t-il reellement sur les choix du Kazakhstan ou de l’Ouzbekistan en matiere derelations exterieures? Un Tadjik et un Egyptien partagent-ils veritablement despreoccupations identiques ou la vision d’un destin commun? L’imaginaire d’unKazakh peut-il s’identi� er avec celui d’un Jordanien ou d’un Yemenite? S’il seveut utile, un concept doit, de maniere generale, posseder une valeur heuristique.La de� nition geographique d’un espace peut revetir une telle � nalite mais onpercoit encore mal en l’espece en quoi la notion de ‘Grand Moyen-Orient’possederait une telle valeur. Une extension aussi large de cet espace ne fait passens. Les dynamiques observees dans la region ainsi de� nie sont extremementheterogenes. Peut-on des lors degager des points de rencontres entre les differ-entes composantes geographiques regroupees sous le terme de ‘Grand Moyen-Orient’? Actuellement, cette expression pourrait au mieux rendre compte d’uneregion ‘imaginaire’ ou devenir une convention de langage permettant d’eviterd’enumerer l’ensemble des Etats auxquels elle renvoie.

Chez d’autres auteurs, c’est au contraire le concept d’‘Asie centrale’ quideborde sur le ‘Moyen-Orient’ classique et sur d’autres regions proches. Ainsi,l’idee de ‘Greater Central Asia’ (Grande Asie centrale) a egalement fait sonapparition dans la litterature scienti� que.83 Pour Robert Can� eld, elle corre-spondrait a la rencontre de l’Asie centrale, de l’Asie du sud et du sud-ouest. Ilnote ailleurs: ‘(a)s new ties are formed between Turkey, Iran, Afghanistan,Pakistan, and the Central Asian Republics, Greater Central Asia will becomestrategic to the formation of a huge economic trading region’.84 Un autre auteurreprenant la meme expression n’attribue pas d’extension geographique precise acette construction. Il analyse dans son article les relations qu’entretiennent lesEtats de l’Asie centrale sovietique stricto sensu avec l’Iran, le Pakistan,l’Afghanistan et la Turquie tout en remarquant au passage le role d’autresacteurs regionaux comme l’Inde et la Chine. Les delimitations geographiques du‘Greater Middle East (Grand Moyen-Orient)’ ou du ‘Greater Central Asia(Grande Asie centrale)’ restent aujourd’hui encore incertaines. De meme, en tantqu’instrument d’analyse, ces nouveaux concepts doivent encore faire la preuvede leur utilite.

D’autres pistes ont ete suggerees. Elles permettront peut-etre dans l’avenir dedegager des concepts susceptibles de rendre compte des nouvelles dynamiquesqui se developpent entre les ex-Republiques sovietiques et leurs voisins. Dans unouvrage recent, Olivier Roy, propose une de� nition geographique interessante del’‘Asie centrale’. Pour lui, cette region couvre le territoire des Republiques duTurkmenistan, de l’Ouzbekistan, du Kirghizstan et du Tadjikistan auquel il

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ajoute le Kazakhstan uni aux quatre autres Etats par une ‘communaute desdestins politiques’. A cet espace, il annexe l’Azerba õ djan, qu’il est ‘dif� ciled’ignorer’ selon ses propres termes, ‘d’autant que le nouvel espace geostrate-gique qui apparait apres la chute de l’URSS, plutot que les steppes quis’etendent de la mer d’Aral a la frontiere chinoise, est celui de la Caspienne(…)’.85 Cette nouvelle ‘Asie centrale’ couvre ce que l’on pourrait de� nir commeun espace geostrategique caspien. Mais l’enjeu autour des questions energetiquesqui sous-tend cette construction et interesse effectivement les Etats riverains dela mer Caspienne, isole cependant le Kirghizstan et le Tadjikistan etant donneleur role marginal dans cette problematique.86 Une telle elaboration repond a uneautre logique. Elle regroupe en effet les Republiques musulmanes des espaces du‘Caucase’ et de l’ ‘Asie centrale’ dont on peut dire qu’elles possedent uneidentite culturelle particuliere, differente de celle des Republiques caucasiennesd’ Armenie ou de Georgie. Cependant, l’Azerbaidjan apparait comme un Etatlimite de cette nouvelle ‘Asie centrale’ dans le sens ou il est est egalementintimement lie aux dynamiques a l’oeuvre dans le ‘Caucase’.

Une autre conceptualisation geopolitique, egalement basee sur un critereenergetique, est apparue aux Etats-Unis. Baptisee par ses concepteurs ‘StrategicEnergy Ellipse’, cette construction regroupe les Etats riverains de la Caspienne(Kazakhstan, Azerbaidjan, Turkmenistan, Iran, Russie) et les Etats du golfePersique (Arabie Saoudite, Irak, Koweit, Emirats Arabes Unis, …).87 Cette‘Ellipse’ contiendrait 70% des reserves mondiales prouvees de petrole et 40%des reserves de gaz de la planete. Une telle creation geopolitique se fondecependant sur le postulat que la region de la Caspienne contient de vastesreserves d’hydrocarbures. Or, il faut rester prudent quant a l’evaluation desressources de ce bassin. Kemp et Harkavy s’appuient sur les chiffres avances parle US Energy Department qui a estime les reserves potentielles recouvrables depetrole de la region de la Caspienne a 200 milliards de barils.88 Cependant, ellespourraient s’averer moins substantielle s que prevu. Une etude de l’InternationalInstitute for Strategic Studies de Londres avance le chiffre de 25 a 35 milliardsde barils de reserves, soit entre un huitieme et un sixieme des estimations del’administration americaine.89 On passerait ainsi de stocks estimes a 16% desreserves mondiales a environ 3%. D’autres sources estiment que les reservespotentielles de la region tournent autour de 80 milliards de barils. Cependant,etant donne le risque que les stocks soient moins importants ou peu exploitablespour des raisons techniques, � nancieres, economiques ou politiques, cette con-struction pourrait se trouver contrefaite a l’origine. Le golfe Persique contient alui seul 63,7% des reserves mondiales prouvees de petrole.90 La constructionproposee privilegie a tel point le Golfe que les riverains de la Caspienne nepeuvent en fait y jouer qu’un role marginal. Un auteur turc a recemment proposed’etablir une distinction entre l’ ‘Asie centrale’ et le ‘Turkestan’.91 Pour lui, le‘Turkestan’ formerait une region homogene. Sa delimitation geographique re-pose sur un critere ethnique, puisqu’il considere le ‘Turkestan’ comme la regionpeuplee par les populations ethniquement turques. Son ‘Turkestan’ couvriraitdonc les territories du Kazakhstan, du Kirghizstan, du Turkmenistan, de

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l’Ouzbekistan et du Turkestan oriental (province chinoise du Xinjiang). Danscette vision pan-turque de l’espace, le Tadjikistan persanophone serait ecarte. Endehors des aspects ideologiques et du ressort de l’imaginaire d’une telleproposition , on peut s’interroger sur le caractere operatoire de cette construction.Repose-t-elle veritablement sur une realite vecue par les populations turques dela region? Ces populations sont-elles liees par des dynamiques communes?partagent-elles reellement une vision comparable de cet espace? En quoi cettevision differe-t-elle de celle des Tadjiks? Autant de questions en suspens pourle moment.

En 1991, Robert Can� eld a publie un ouvrage intitule Turko-Persia inHistorical Perspective. L’interet de cette publication reside dans le rappel del’existence, dans la longue duree historique, d’une communaute culturellepartagee par les mondes turc et persan. Au moment d’etre porte a son apogee parles empires ottoman, safavide et moghol, cet oikoumene turco-persan, s’etendaitd’Istanbul a Delhi. Rappelant la culture commune partagee par cet ensemblependant plusieurs siecles, Can� eld note:

… the Ottoman, Safavid and Mughal empires fostered speci� c variants of a broadly similarTurko-Persian tradition. Across the territories of Western, Central and South Asia there wasa remarkable similarity in culture, particularly among the elite classes. The wealthy andpowerful of these empires affected similar manners and customs, wore similar style ofdress, and enjoyed much the same literature and graphic arts. In building their palaces,mosques, and mausoleums, rulers competed for the services of the same great artisans,artists, and scholars, whose eminence enhanced their reputations. (…) These similarities ofcultural style were perpetuated by poets, artists, architects, artisans, jurists, and scholars,who maintained relations among their peers in the far-� ug cities of the Turko-PersianIslamicate ecumene, from Istanbul to Delhi.92

Apres la rupture des liens entre les composantes de cette aire turco-persane suitea la colonisation russe puis a la domination sovietique, la � n de l’URSS pourraitredonner une vigueur nouvelle a cette communaute culturelle ancienne. Si lescontacts sont effectivement retablis entre les parties de cet oikoumene, il estencore trop tot pour savoir si cette assise culturelle et historique pourra servir desocle a l’etablissement de la cooperation entre les differents peuples de la regionet au developpement d’une vision commune de l’espace geographique. Ladelimitation geographique basee sur le critere culturel propose par Can� eldcorrespond aujourd’hui grosso modo a un espace couvert par une organisationregionale reanimee recemment: l’Organisation de cooperation economique(ECO).93 Sous l’angle geopolitique, cet espace turco-persan pourrait devenirpertinent dans l’avenir. Les regions en question s’inscrivent en effet dans desdynamiques distinctes de celles qui traversent le monde arabe.

D’autres constructions regionales peuvent etre envisagees. Ainsi, si les projetsenergetiques se concretisent, une zone Caspienne regroupant la Russie, leKazakhstan, l’Azerbaidjan, le Turkmenistan et l’Iran, pourrait faire sensdans l’avenir comme nouveau pole de relations internationales. De meme, lamaterialisation de projets regionaux d’integration economique entre les

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Tableau compare du commerce du Kazakhstan avec la Chine,l’Iran, la Turquie et la Russie 1992–199798 (en million de dollars US)

Chine Iran Turquie Russie

Exportations1992 1281993 239 13 39 –1994 149 12 49 14381995 297 49 70 23661996 459 63 52 24841997 442 83 102 2157

Importations1992 245 – – –1993 189 3 74 –1994 70 11 87 12931995 35 14 124 19001996 36 6 151 23251997 47 9 177 1966

Republiques d’Asie centrale ex-sovietique pourraient dans l’avenir donner nais-sance a une vision commune de l’espace geographique. Une zone economiquecommune, baptisee en juillet 1998, Central Asian Economic Union (CAEU), aete fondee le 10 janvier 1994 par le Kazakhstan et l’Ouzbekistan. Le Kirghizstana adhere a cet accord le 16 janvier 1994. Le Tadjikistan a obtenu le statutd’observateur en aout 1995 et est devenu membre en mars 1998. La Russiebene� cie du statut d’observateur depuis aout 1996. Malgre des realisationspratiques,94 cet espace economique commun ne s’est guere materialise dans lesfaits. Si la perspective d’une integration economique parait souhaitable,95 lavolonte politique des Etats d’Asie centrale ne s’est pas encore clairementmanifestee. Pour chaque Republique de la zone, la construction d’une identitenationale et d’un Etat, l’integration interne du pays et la consolidation del’independance apparaissent davantage comme des objectifs prioritaires. Laquestion de l’integration economique passe au second plan devant ces priorites.96

La Central Asian Economic Union n’est pas le seul projet d’integration regionalpropose. Une Union eurasienne, fondee par le traite d’union douaniere du lerjanvier 1995, regroupe le Kazakhstan, la Russie et la Belarus. Elle a ete elargieen mars 1996 au Kirghiztan.97 Cette Union structurera-t-elle l’espace ge-ographique regional? Il est encore trop tot pour le dire.

Si on observe les dynamiques a l’oeuvre, sur le plan economique, vula structure des relations tissees durant la periode sovietique, la Russiecontinue aujourd’hui de dominer les echanges des Etats d’ ‘Asie centrale’ et du‘Caucase’.

D’autres acteurs ont cependant fait une percee sur ce terrain, elargissant les� ux commerciaux et creant peu a peu une nouvelle realite geo-economique

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DES CONCEPTS GEOPOLITIQUES A CONSTRUIRE ET A RECONSTRUIRE?

Les echanges de la Chine avec les Republiques d’‘Asie centrale’ 1992–1997100 (en million dedollars US)

Kazakhstan Kirghizstan Ouzbekistan Tadjikistan Turkmenistan

Exportations1992 222 10 39 2 41993 172 37 43 6 41994 139 29 51 1 41995 75 107 48 15 111996 95 69 38 8 81997 95 71 62 11 12

Importations1992 141 6 14 1 –1993 263 66 11 6 11994 197 69 82 3 81995 315 124 71 9 61996 364 37 149 4 31997 433 36 140 9 3

regionale. Ainsi, contrairement a ce que pensaient les observateurs au debut desannees 1990, la Republique populaire de Chine est aujourd’hui active dans laregion alors que la Turquie et l’Iran jouent encore pour l’instant un role assezmodeste dans le commerce exterieur des Republiques d’ ‘Asie centrale’. Si enchiffre absolu, les echanges avec ces Republiques ne representent qu’unefraction minime du commerce exterieur chinois,99 ils sont cependant essentielspour la province frontaliere du Xinjiang. Cette province qui partagent des lienshistoriques , culturels, religieux et ethniques importants avec ces pays, a ainsirealise en 1994 environ 70% de son commerce exterieur et de ses echangestechniques avec le Kazakhstan et le Kirghizstan. Elle est appelee a jouer le rolede pivot dans le developpement du commerce sino-centrasiatique .

Malgre l’essor du commerce entre le Xinjiang et ses voisins, comme le montrele tableau ci-dessous, les echanges de la Chine avec certains Etats du ‘Moyen-Orient’ comptent davantage pour Pekin que ses relations avec les Republiquesde l’ex-Union sovietique pourtant geographiquement plus proches.

Les perspectives de developpement des secteurs petroliers et gaziersmodi� eront-elles le role de l’ ‘Asie centrale’ pour Pekin dans le futur? Rien n’estmoins sur. Au contraire, en ce qui concerne le petrole au moins, la dependancede la Chine a l’egard du ‘Moyen-Orient’ pourrait meme croitre dans l’avenir.102

Cependant, dans le processus de recomposition en cours, le developpement de� ux importants entre le Xinjiang et les Republiques asiatiques de l’ex-Unionsovietique, pourrait orienter davantage cette province chinoise vers le centre ducontinent asiatique plutot que vers la Chine, engendrant ainsi une realitegeo-economique originale.

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Les echanges de la Chine avec l’Iran, l’Arabie Saoudite et laTurquie 1992–1997101 (en million de dollars US)

Iran Arabie Saoudite Turquie

Exportations1992 336 444 691993 403 579 1661994 266 674 1841995 278 734 4311996 399 748 4081997 497 855 607

Importations1992 101 127 1091993 310 119 4981994 182 353 4641995 227 553 1441996 386 840 951997 536 825 65

Conclusions

Du fait des transformations profondes du systeme international liees al’effondrement de l’URSS et a la � n de la bipolarit e, des constructions geopoli-tiques comme celles de ‘Moyen-Orient’, de ‘Caucase’ ou d’‘Asie centrale’doivent faire l’objet d’une reevaluation critique a� n de les confronter a lanouvelle realite en voie de formation. Dans la periode actuelle de tatonnementconceptuel, les nouvelles constructions geopolitiques proposees par les auteursde l’apres-guerre froide comme le ‘Grand Moyen-Orient’ ou la ‘Grande Asiecentrale’, ne sont egalement pas a l’abri des critiques. A etendre sans discerne-ment leur extension geographique, on court par exemple le risque de tomberdans des representations globalisantes, sans attaches avec la realite, ou le seulcritere structurant sera l’appartenance des Etats ainsi regroupes a l’Islam. N’enarrive-t-on pas a considerer la ‘Grande Asie centrale’ ou le ‘Grand Moyen-Orient’ comme une sorte d’arc strategique islamique ou de pivot central dumonde islamique? Une telle prise de position releve, comme nous l’avons dejanote, d’une vision essentialiste qui masque en realite la grande diversite dumonde islamique et les profondes fractures qui le traversent. Le monde musul-man est extremement heterogene. L’Islam n’est uni� e que dans la perception decertains analystes occidentaux et aussi paradoxalement dans l’esprit des leadersfondamentalistes. Une telle perception en dit d’ailleurs davantage surl’imaginaire politique de ceux-ci que sur les regions en question. L’Islam en luimeme n’a pas de signi� cation strategique reelle, excepte dans une vision du type‘choc des civilisations’ telle que developpee par S. Huntington ou la rivaliteentre Etats est remplacee par celle opposant des ‘civilisations’ supposeespermanentes et disposant des frontieres biens delimitees.103

De maniere generale, les concepts geopolitiques sont utiles quand ils sont

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DES CONCEPTS GEOPOLITIQUES A CONSTRUIRE ET A RECONSTRUIRE

operatoires, lorsqu’ils permettent d’analyser des dynamiques propres a certainesaires geographiques ou de degager des espaces ayant des af� nites. Ces construc-tions sont ef� caces dans le cadre d’analyses politiques ou economiques et pourdegager des elements de comparaison, de continuit e ou de rupture, entre societespossedant des af� nites.104 Par nature, les concepts geopolitiques sont appeler aevoluer. Ils doivent en effet rendre compte d’une realite en mouvement, produitdes rapports de puissances, des hommes et de leurs organisations, du developpe-ment de leurs systemes de communications, de l’essor des � ux commerciaux,etc., ce qui oblige l’analyste a les adapter sous peine de perdre toute attache aveccette realite et par consequent, toute pertinence analytique. Comme le note G.Parker, ‘the only effective test of the credibility of any proposition or theory hasto be the extent to which it conforms to observed reality’.105 Dans le cas qui nousoccupe, les nouvelles etiquettes proposees ne deviendront veritablement opera-toires que lorsqu’une reelle construction regionale, basee sur des synergies et des� ux reels mais aussi sur la perception d’un espace commun, se sera mise enplace. Or, une telle realite n’est pas encore vecue par les peuples de ces troisespaces, elle ne fait parfois meme pas sens pour les populations vivant al’interieur d’une de ces regions comme par exemple au ‘Moyen-Orient’. Letemps doit encore effectuer son travail avant que la restructuration entre les troisregions ne soit completee. La periode actuelle de transition et de recompositionpourrait donc etre assez longue. Des reajustements geopolitiques ne peuvents’operer du jour au lendemain. Des periodes de retrouvailles, de deception puisde realisme se succederont avant que la situation ne se stabilise et queparallelement, des instruments analytiques, produits d’une vision regionaleancree dans la realite telle qu’elle est vecue par les populations et les Etats lesplus directement concernes, et non plus dictes par l’exterieur, n’emergent.Neanmoins, a ce niveau, la re� exion sur la pertinence de concepts deja construitsou a reconsruire est stimulante pour tenter de comprendre et de rendre comptedes dynamiques en etat de gestation.

Notes and References1. Michel de Montaigne dans les Essais, Livre II, chapitre XVI, ‘De la Gloire’, in Oeuvres completes,

Textes etablis par Albert Thibaudet et Maurice Rat, Bibliotheque de la Pleiade, Paris, Edition NRFGallimard, 1962, p 601.

2. Voir Said, E. L’Orientalisme, L’Orient cree par l’Occident, Paris, Seuil, 1980, 384p; Lewis, M. W.,Wigen, K. E. The Myth of Continent. A Critique of Metageography , Berkeley, London, University ofCalifornia Press, 1997, pp 47–103.

3. Keddie, N. R., ‘Is there a Middle East?’, International Journal of Middle East Studies, 4, 1973, p 257.4. Voir Koppes, C. R., ‘Captain Mahan, General Gordon, and the Origins of the Term “Middle East” ’,

Middle Eastern Studies, 12, 1976, pp 95–98.5. Drysdale, A., Blake, G. H. The Middle East and North Africa. A political geography , Oxford, Oxford

University Press, 1985, pp 10–11.6. Adelson, R., London and the Invention of the Middle East. Money, Power, and War, 1902–1922, New

Haven and London, Yale University Press, 1995, p 22.7. Davison, R. H., ‘Where is the Middle East?’, Foreign Affairs, Vol 38, No 4, 1960, p 667.8. Voir Davison, R. H., ‘Where is the Middle East?’, op cit, p 673.9. Voir Lewis, M. W., Wigen, K. E., The Myth of Continent. A Critique of Metageography , op cit, pp

66–67.

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10. Rondot, P., Destin du Proche-Orient, Paris, Les Editions du Centurion, 1959, 270p.11. Pour G. Corm, le ‘Proche-Orient’ regroupe les ‘pays en bordure orientale de la Mediterranee’,

c’est-a-dire la Syrie, le Liban, la Palestine et l’Egypte in CORM, G., Le Proche-Orient eclate. De Sueza l’invasion du Liban, 1956–1982, Paris, La Decouverte/Maspero, 1983, p 14.

12. Le Petit Robert, Dictionnaire universel des noms propres, alphabetique et analogique, redaction dirigeepar Alain Rey, Paris, Le Robert, 1993, p 1465.

13. Deroy, L., Mulon, M., Dictionnaire des noms de lieux, Paris, Dictionnaires le Robert, 1992, p 391.14. Voir Mutin, G., Durand-Dastes , F., Afrique du Nord. Moyen-Orient, Monde indien, in Geographie

universelle sous la direction de Roger Brunet, Paris, Belin/Reclus, 1996, p 6.15. Voir Gillard, D., The Struggle for Asia, 1828–1914. A study in British and Russian imperialism, London,

Methuen & Co Ltd, 1977, vii–214p; Hopkirk, P., The Great Game. On secret service in High Asia,Oxford, Oxford University Press, 1990, 562p.

16. Adelson, R., London and the Invention of the Middle East. Money, Power, and War, 1902–1922, op cit,p 24.

17. Churchill, promoteur en quelque sorte du terme ‘Middle East’ ecrira cependant apres la Seconde Guerremondiale, ‘I always felt that the name “Middle East” for Egypt, the Levant, Syria, and Turkey wasill-chosen. This was the Near East. Persia and Iraq were the Middle East; India, Burma and Malaya theEast; and China and Japan the Far East’ in Churchill, W., The Hinge of Fate, Boston, Houghton Mif� in,1950, p 460.

18. Adelson, R., London and the Invention of the Middle East, Money, Power, and War, op cit, p 26.19. Etzel Pearcy, G., ‘The Middle East—An Inde� nable Region’, Department of State Bulletin, Vol XL, No

1030, 23 March 1959, p 410.20. Voir Davison, R. H., ‘Where is the Middle East?’, op cit, p 665.21. Bernard Lewis signale qu’en Inde, certains avaient propose sans grand succes de remplacer cette

expression par celle de ‘Western Asia’, in Lewis, B., The Middle East and the West, Bloomington,Indiana University Press, 1964, p 9.

22. Les Arabes utilisent aussi la terminologie traditionelle Maghreb/Machrek mais cette notion n’est valableque pour le monde arabe. Elle laisse par exemple de cote l’Iran et la Turquie.

23. Lewis, B., The Middle East and the West, op cit, p 9.24. Blake, G., Dewdney, J., Mitchell, J., The Cambridge Atlas of the Middle East and North Africa,

Cambridge, Cambridge University Press, 1987, p 3.25. Thobie, J., Ali et les 40 voleurs. Imperialismes et Moyen-Orient de 1914 a nos jours, Paris, Messidor,

1985, pp 12–13.26. Etzel Pearcy, G., ‘The Middle East-An Inde� nable Region’, op cit, p 411.27. Lewis, B., The Middle East and the West, op cit, p 25.28. Mutin, G., Durand-Dastes , F., Afrique du Nord, Moyen-Orient, Monde indien, op cit, p 6.29. Voir Zubaida, S., ‘Muslim Societies. Unity or Diversity?’, Isim, No 1, October 1998, p 1; ainsi que

Baduel, P. R., Denoix, S., ‘Vers une Revue des mondes musulmans ou la dif� culte de nommer’, Revuedu Monde Musulman et de la Mediterranee, No 77–78, 1995, pp 7–18.

30. Pline disait que le terme Caucasus n’etait pas correct, il fallait plutot selon lui parler de Graucasus quisigni� ait en langue scythe blanchi par la neige. Isidore de Seville pretend que Caspi signi� ait montagneblanche dans la langue des Scythes. D’apres Grand Dictionnaire Universel du XIXe siecle, par M. PierreLarousse, Tome Troisieme, Paris, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1867, p 605.

31. Des auteurs ont ainsi propose des etymologies sanscrites ou irlandaises voir Grand DictionnaireUniversel du XIXe siecle, op cit, Tome Troisieme, p 605.

32. Bosworth, C. E., ‘al-Kabk’, in The Encyclopaedi a of Islam, New Edition, edited by E. van Donzel, B.Lewis and Ch. Pellat, Vol IV, Second impression, Leiden, E. J. Brill, 1990, p 341.

33. D’apres Bosworth, C. E., ‘al-Kabk’, in The Encyclopaedi a of Islam, op cit, p 342.34. Voir Layton, S., ‘The Creation of an Imaginative Caucasian Geography’, Slavic Review, Vol 45, No 3,

Fall 1986, pp 470–485; Hokanson, K., ‘Literary Imperialism, Narodnost’ and Pushkin’s Invention of theCaucasus’, The Russian Review, Vol 53, July 1994, pp 336–352; Layton, S., Russian literature andEmpire. Conquest of the Caucasus from Pushkin to Tolstoy, Cambridge, Cambridge University Press,1994, 354p.

35. Hokanson, K., ‘Literary Imperialism, Narodnost’ and Pushkin’s Invention of the Caucasus’, op cit, p 336.36. D’apres Grand Dictionnaire Universel du XIXe siecle, par M. Pierre Larousse, Tome Dix-Septieme,

Paris, Administration du Grand Dictionnaire Universel, SD, pp 369 et 371. L’edition datant de 1876 dece dictionnaire mentionne cependant le ‘Turkestan’. Voir infra.

37. Par exemple, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siecle, op cit, Tome Troisieme, p 604 egalementDictionnaire de Geopolitique, sous la direction de Yves Lacoste, Paris, Flammarion, 1993, p 386; Sellier,A., Sellier, J, Atlas des peuples d’Orient, Paris, La Decouverte, 1993, p 90.

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38. D’apres Grand Dictionnaire Universel du XIXe siecle, op cit, Tome Troisieme, p 604; Bealby, J. T.,‘Caucasus’ in The Encyclopaedia Britannica. A Dictionary of Arts, Sciences, Literature and GeneralInformation, Eleventh Edition, Vol V, Cambridge at the University Press, 1910, p 546; Dictionnaire deGeopolitique, op cit, p 386.

39. Voir Le Caucase postsovietique: la transition dans le con� it, sous la direction de Mohammad-RezaDjalili, Bruxelles, Bruylant L. G. D. J., Collection Axes Savoir, 1995, 264p; Karam, P., Mourges, T., Lesguerres du Caucase, des Tsars a la Tchetchenie, Paris, Perrin, 1995, 395p.

40. Dictionnaire de Geopolitique, op cit, p 1634.41. Il suf� t de voir le nombre d’ouvrages concernant cette region qui a ete publie apres 1991. Par exemple:

Akiner, S., Central Asia: New arc of crisis?, London, Royal United Services Institute for DefenseStudies, 1993, 79p; Central Asia and the World, edited by Michael Mandelbaum, New-York, Council onForeign Relations Press, 1994, vii-251p; Central Asia Emerging New Order, edited by K. Warikoo,Issued under the auspices of Himalayan Research and Cultural Foundation, New Delhi, Har-AnandPublications, 1995, 352p; Central Asia. Its Strategic Importance and Future Prospects, edited by HafeezMalik, London, Macmillan, 1994, xi-337p; Fuller, G. E., Central Asia, the New Geopolitics, SantaMonica California, Rand Corporation, 1992, 86p; Hiro, D., Between Marx and Muhammad. TheChanging Face of Central Asia, London, HarperCollins Publishers, 1995, xxviii–404p; Hunter, S. T.,Central Asia Since Independence, The Washington Papers, No 168 Published with The Center forStrategic and International Studies Washington, DC, Westport, London, Praeger, 1996, 220p; Manz, B.F. (ed.), Central Asia in Historical Perspective, Boulder, Colorado, Westview Press, for the John M. OlinCritical Issues, Series, Harvard University Russian Research Center, 1994, 245p; Mesbahi, M. (ed.),Central Asia and the Caucasus after the Soviet Union. Domestic and International Dynamics, Gainesville,Florida, University Press of Florida, 1994, 353p; Olcott, M. Brill, Central Asia’s New States. Indepen-dence, Foreign Policy, and Regional Security, Washington, DC, United Institute for Peace Press, 1996,256p; Paskoy, H. B. (ed.), Central Asia Reader: The Rediscovery of History, Armonk, New York, MESharpe, 1994; Rahul, R., Central Asia Major Perspectives, New Delhi, Vikas Publishing House, 1993,132p; Rahul, R., China, Russia, and Central Asia, New Delhi, Vikas Publishing House, 1995, 128p,Rashid, A., The Resurgence of Central Asia. Islam or Nationalism?, Karachi, Oxford University Press,London 1 New Jersey, Zed Books, 1994, viii–278p; Roy, O., La nouvelle Asie centrale ou la fabricationdes nations, Paris, Editions du Seuil, 1997, 326p; Rubinstein, A., Oles Smolensky eds, Regional PowerRivalries in the New Eurasia: Russia, Turkey and Iran, Armonk, ME Sharpe, 1995, 290p; The NewGeopolitics of Central Asia and its Borderlands, edited by Ali Banuazizi and Myron Weiner, Blooming-ton and Indianapolis, Indiana University Press and IB Tauris & Co Ltd, 1994, 284p; The New States ofCentral Asia and Their Neighbours, edited by Peter Ferdinand, The Royal Institute of InternationalAffairs, Council on Foreign Relations Press, New York, 1994, VIII–120p.

42. Voir l’etude de ce terme in Barthold, W., ‘Ma Wara al-Nahr’, in Encyclopedie de l’Islam, Dictionnairegeographique, ethnographique et biographique des peuples musulmans, Premiere Edition, publie par M.Th. Houtsma, A. J. Wensinck, E. Levi-Provencal, H. A. M. Gibb et W. Heffening, Tome III, Leyde, E.J. Brill, Paris, C. Klincksieck, 1934, p 477. Dans le vocable persan, on trouve l’expression Fararud quisigni� e egalement ‘au-dela du � euve’.

43. Ferdowsi, Le Livre des Rois (Shahname), traduit du persan par Jules Mohl, extraits choisis et revus parGilbert Lazard, Paris, Sindbad, 1979, p 34.

44. Il existe egalement une acception linguistique du terme ‘Touran’ visible dans l’expression ‘languestouraniennes’ forgee par l’historien Bunsen en 1854, pour designer les langues d’Asie et d’Europe quin’etaient ni indo-europeennes, ni semitiques. Une autre acception du terme ‘Touran’, sur le plan dumythe, a ete promue par les initiateurs du mouvement ‘pan-touranien ’. Ziya Gok Alp, theoricien du‘turquisme’ ecrira en 1914: ‘La patrie des Turks n’est ni la Turquie, ni le Turkestan, leur patrie est legrand pays eternel, le Turan’ (Turan, 1914), cite in Minorsky, I. V., ‘Turan’, in Encyclopedie de l’Islam,Premiere Edition, Tome IV, op cit, p 928. Concernant le ‘pan-turquisme’ et le ‘pan-touranisme’, voirLandau, J., Pan-Turkism. From Irredentism to Cooperation, 2nd revised ed., London, C. Hurst, 1995,275p.

45. Voir l’etude approfondie de ce terme in Minorsky, I. V., ‘Turan’, in Encyclopedie de l’Islam, op cit, pp924–930.

46. Minorsky, I. V., ‘Turan’, in Encyclopedie de l’Islam, op cit, p 926.47. Minorsky, I. V., ‘Turan’, in Encyclopedie de l’Islam, op cit, p 927.48. Lewis, M. W., Wigen, K. E., The Myth of Continent. A Critique of Metageography, op cit, p 177.49. Montesquieu, De l’Esprit des Lois, chapitre III, Livre XVII, Tome I, Paris, Classiques Garnier, 1961, p

287.50. Dans les annees 30 du XXeme siecle, le Britannique Peter Fleming employera encore le terme de

‘Tartarie’ pour designer les regions qu’il traversera depuis la Chine jusqu’en Union Sovietique en

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compagnie de l’aventuriere suisse Ella Maillart. Voir Fleming, P., Courrier de Tartarie, Paris, Payot,1992, 422p.

51. Sellier, A., Sellier, J, Atlas des peuples d’Orient, op cit, p 148.52. Barthold, W., ‘Turkistan’ in Encyclopedie de l’Islam, Tome IV, op cit, p 942.53. Voir Lattimore, O., ‘Chinese Turkistan’, in Lattimore, O., Studies in Frontier History, Collected papers

1928–1958, London, Oxford University Press, 1962, pp 183–199. L’expression ‘Turkestan chinois’ estemployee in Skrine, C. P., Chinese Central Asia. An account of travels in Northern Kashmir and ChineseTurkestan, Methuen & Co. Ltd, 1926, Reprint Hong Kong/Oxford, Oxford University Press, 1986, 306p.A l’heure actuelle, en Republique populaire de Chine, l’expression ‘Turkestan oriental’ ou ‘Turkestanchinois’ est rejetee par Pekin car, ‘elle implique un rattachement territorial ou culturel a un autreensemble que la Chine et des liens historiques exterieurs qui pourraient remettre en cause lasouverainet e chinoise’ in Jan, M., ‘La politique de Pekin a l’egard de ses populations turcophones’,Cemoti, No 16, juillet-decembre 1993, p 257. En chinois, le terme ‘Turkestan’ est remplace par‘Xinjiang’ (Sinkiang) qui signi� e ‘nouvelles frontieres’.

54. Barthold, W., ‘Turkistan’ in Encyclopedie de l’Islam, op cit, p 942.55. D’apres Grand Dictionnaire Universel du XIXe siecle, par M. Pierre Larousse, Tome Quinzieme, Paris,

Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1876, p 595.56. Bealby, J. T., Kropotkin, P. (Prince), ‘Turkestan’, in The Encyclopaedia Britannica. A Dictionary of Arts,

Sciences, Literature and General Information, Eleventh Edition, vol. XXVII, Cambridge at the UniversityPress, 1911, pp 419–426.

57. Balland, D., ‘Diviser l’indivisible: les frontieres introuvables des Etats centrasiatiques’, Herodote, No 84,2eme trimestre 1997, p 100

58. Voir Sabol, S., ‘The creation of Soviet Central Asia: the 1924 national delimitation’, Central AsianSurvey, Vol 14, No 2, 1995, pp 225–241.

59. Voir les craintes sovietiques a l’egard des populations musulmanes de la region dans les annees 20 inBennigsen, A., Lemercier-Quelquejay, C., Sultan Galiev, Paris, Fayard, 1986, 305p.

60. Carrere d’Encausse, H., Reformes et revolution chez les musulmans de l’Empire russe. Bukhara1867–1924, Cahiers de la fondation nationale des sciences politiques, No 141, Paris, Armand Colin,1966, p 272.

61. Sinnott, P., ‘The Physical Geography of Soviet Central Asia and the Aral Sea Problem’ in GeographicPerspectives on Soviet Central Asia, edited by Robert A. Lewis, London and New York, Routledge,1992, p 74.

62. Le Dictionnaire des noms de lieux signalait cependant en 1992 l’emploi regulier du mot ‘Turkestan’comme terme geographique general in Deroy, L., Mulon, M., Dictionnaire des noms de lieux, op cit, p490.

63. ‘Central Asian Arts’, in The New Encyclopaedia Britannica, 15th Edition, Vol 15, Chicago, 1985, p 732.64. Humboldt, A. von, Asie centrale. Recherches sur les chaines de montagnes et la climatologie comparee,

Vols I–III, Paris, 1843.65. Khanykoff , N. de, Memoire sur la partie meridionale de l’Asie centrale, Paris, 1862.66. Richthofen, F. von, China. Ergebnisse eigener Reisen und darauf gegrunduter Studien, Vol I, Berlin,

1877.67. Mushketov, I. V., Turkestan. Geologicheskoy e i orogra� cheskoye opisanie po dannim, sobrannim vo

vryemya puteshestviy s 1884 do 1880 goda, Vol I, St Petersbourg, 1886.68. Voir Miroshnikov, L. I., ‘A note on the meaning of the term “Central Asia” as used in this book’, in

History of civilizations of Central Asia, Vol I, The dawn of civilization: earliest times to 700 BC, EditorsA. H. Dani, V. M. Masson, France, Unesco Publishing, 1992, pp 477–480.

69. Voir Saguchi, T., ‘Kashgaria’, Acta Asiatica, Vol 34, 1978, pp 61–78.70. Snesarev, A. E., in Hauner, M., ‘Central Asian Geopolitics in the Last Hundred Years: A Critical Survey

from Gorchakov to Gorbachev’, Central Asian Survey, Vol 8, No 1, 1989, pp 3–4.71. Hauner, M., in Vichnevski , A., ‘L’Asie centrale post-sovi etique entre le colonialisme et la modernite’,

Revue d’etudes comparatives Est-Ouest, No 4, 1995, p 101.72. Francfort, H.-P., ‘Asie centrale’, in Encyclopaedia Universalis, Corpus 3, Paris, 1990, p 174.73. Roux, J-P., L’Asie centrale. Histoire et civilisations, Paris, Fayard, 1997, pp 13–14. La de� nition

geographique de l’‘Asie centrale’ donnee par J-P Roux a une extension proche de celle d’‘Inner Asia’utilise dans la Cambridge History of Early Inner Asia. Voir The Cambridge History of Early Inner Asia,Edited by Denis Sinor, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 1990, 518p. Bien que lafrontiere de cette zone soit en fait instable et varie considerablement selon les epoques, la delimitationgeographique de l’‘Inner Asia’ se rapproche du ‘geographica l pivot of history’ de� nit par le celebregeopoliticien anglais Halford J. Mackinder (1861–1947). D’un point de vue geographique , Mackinderentendai t par Heartland , le Nord et l’interieur du continent eurasiatique, de l’Arctique au nord et du

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DES CONCEPTS GEOPOLITIQUES A CONSTRUIRE ET A RECONSTRUIRE

Paci� que a l’Est jusqu’aux deserts de l’‘Asie centrale’. Ses limites occidentales se situaient dans un grandisthme delimite par la mer Caspienne, la mer Noire et la mer Baltique, Comme l’a note Sinor,l’expression ‘Inner Asia’ est davantage un concept cultural que geographique. Concernant les theses etles concepts de Mackinder voir: Mackinder , H. J., ‘The Geographical Pivot of History’, GeographicalJournal , vol. 23, n°4, 1904, pp 421–437 et Hauner, M., What is Asia to Us? Russia’s Asian HeartlandYesterday and Today, London, Routledge, 1992, pp 135–147.

74. ‘Central Asian Arts’, in The New Encyclopaedia Britannica, op cit, p 732.75. Preface signee Federico Mayor in History of civilizations of Central Asia, Vol 1, The dawn of

civilization: earliest times to 700 BC, op cit, p 2.76. Fourniau, V., Histoire de l’Asie centrale, Paris, PUF, 1994, p 3.77. Rey, V., Brunet, R., Europes orientales, Russie, Asie centrale, in Geographie universelle sous la direction

de Roger Brunet, Paris, Belin/Reclus, 1996, p 449. Les auteurs etablissent cependant une distinction entrele Kazakhstan auxquels ils associent la Mongolie et le Xinjiang et les quatre autres Republiques. Seloneux, le Kazakhstan doit etre rapproche de l’‘Asie des steppes’ alors que les quatre autres Republiques seclasseraient plutot dans l’‘Asie des oasis’, c’est-a-dire, selon eux, l’ancien ‘Turkestan’.

78. Olcott, M. Brill, ‘The Myth of “Tsentral’naia Aziia’, Orbis, Vol 38, No 4, Fall 1994, pp 549–565.79. Voir Djalili, M.R., ‘Caucase et Asie centrale: entree en scene et recomposition geostrategique de

l’espace’ , Central Asian Survey, Vol 13, No 1, 1994, pp 7–17; Djalili, M. R., ‘Emergence du Caucaseet de l’Asie centrale, recomposition du paysage regional et interrogation geopolitique’ in Moyen-Orient:migrations, democratisation, mediations, sous la direction de R. Bocco et M.-R. Djalili, Paris, PressesUniversitaires de France, 1994, pp 343–354.

80. L’Institute for National Strategic Studies utilise egalement l’expression ‘Greater Middle East’ pourdesigner l’Afrique du Nord, le Levant, le golfe Persique, l’Asie du sud et l’Asie centrale; de meme, laRand Corporation possede maintenant un Greater Middle East Program. D’apres Kemp, G., Harkavy, R.,Strategic Geography and the Changing Middle East, Carnegie Endowment for International Peace,Washington, Brookings Institution Press, 1997, p 413, note 27.

81. Kemp, G., Harkavy, R., Strategic Geography and the Changing Middle East, op cit, p 15; voir egalementla carte 1 p 14.

82. Kemp, G., Harkavy, R., Strategic Geography and the Changing Middle East, op cit, p 17.83. Can� eld, R. L., ‘The Collision of Evolutionary Process and Islamic Ideology in Greater Central Asia’,

in Afghanistan and the Soviet Union: Collision and Transformation, Milan Hauner and Robert L.Can� eld eds, Boulder, Westview Press, 1989, pp 13–39, Can� eld, R. L., ‘Restructuring in Greater CentralAsia: Changing political con� gurations’, Asian Survey, Vol XXXII, No 10, October 1992, pp 875–887;Belokrenitsky, V. Ya., ‘Russia and Greater Central Asia’, Asian Survey, Vol XXXIV, No 12, December1994, pp 1093–1108.

84. Can� eld, R. L., ‘Restructuring in Greater Central Asia: Changing political con� gurations’, op cit, p 885.85. Roy, O., La nouvelle Asie centrale ou la fabrication des nations, Paris, Editions du Seuil, 1997, p 29.86. Djalili, M. R., Kellner, T., ‘Petrole et gaz de la Caspienne, entre mythe et realite’, Transitions, vol

XXXIX, No 2, 1998.87. Kemp, G., Harkavy, R., Strategic Geography and the Changing Middle East, op cit, p 109–153.88. Kemp, G., Harkavy, R., Strategic Geography and the Changing Middle East, op cit, p 131. En 1998, le

US Energy Department note toujours qu’outre les 16–32 milliards de reserves prouvees, le bassin de laCaspienne pourrait contenir 163 milliards de barils supplementaires. Voir ‘Caspian Sea Region’, UnitedStates Energy Information Administration, December 1998. (par courrier electroniquehttp:;dRwww.eia.doe.gov/emeu/cabs/caspian.html)

89. IISS, Strategic Survey 1997–1998, Oxford University Press, April 1998, p 23.90. BP Statistical Review of World Energy 1998.91. Yalcinkaya, A., ‘The frontiers of Turkestan’, Central Asian Survey, Vol 16, No 3, 1997, p 437.92. Turko-Persia in Historical Perspective, edited by Robert L. Can� eld, Cambridge, Cambridge University

Press, 1991, pp 20–21.93. Hassan-Yari , H., ‘Organisation de la cooperation eeconomique (ECO), un pont strategique entre le

Moyen-Orient et l’Asie centrale’, Revue d’Etudes Internationales, Vol XXVIII, No 1, mars 1997, pp47–71.

94. Gretsky, S., ‘Regional Integration in Central Asia’, Analysis of Current Events, Vol 10, No 9/10,September/October 1998, pp 12–13.

95. Dieter, H., ‘Regional integration in Central Asia: current economic position and prospects’, Central AsianSurvey, Vol 15, No 3/4, 1996, pp 369–386.

96. Voir Kubicek, P., ‘Regionalism, Nationalism and Realpolitik in Central Asia’, Europe-Asia Studies, Vol49, No 4, June 1997, pp 637–655.

97. Traite sur l’approfondissemen t de l’integration dans les domaines economique et humanitaire et sur un

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MOHAMMAD-REZA DJALILI AND THIERRY KELLNER

rapprochement . Bielorussie, Kazakhstan, Kirghizistan, Federation de Russie, Moscou, 29 mars 1996 inDocuments d’acutualite internationale, No 12, 15 juin 1996, pp 468–471.

98. I. M. F., Direction of Trade Statistics Yearbook, Washington, DC, 1998, pp 276–277.99. En 1996, le commerce bilateral sino-centrasiatique atteignaient 0,7 milliard de dollars sur un montant

total d’echanges chinois estime a 290 milliards de dollars.100. I. M. F., Direction of Trade Statistics Yearbook, op cit, pp 158–159.101. I. M. F., Direction of Trade Statistics Yearbook, op cit, pp 158–159.102. Voir Kellner, T., ‘La Chine et le petrole, enjeux strategiques’, Transitions, Vol XXXIX, No 2, 1998.103. Huntington, S., Le choc des civilisations, Paris, Editions Odile Jacob, 1997, 420p.104. Voir le travail comparatif sur l’Asie centrale et le Moyen-Orient in Eickelman, D. F., The Middle East

and Central Asia. An Anthropological Approach, Third Edition, New Jersey, Prentice Hall, 1998, xii–388p.

105. Parker, G., Geopolitics. Past, Present and Future, London and Washington, Pinter, 1998, p 156.

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