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jeudi 15 décembre 14h et 20h30 Une cArMen en Turakie musique, marionnettes dès 8 ans cie Turak Théâtre 03 29 79 73 47 acb, 20 rue Theuriet Bar-le-Duc www.acbscene.com

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jeudi 15 décembre 14h et 20h30

Une cArMen en Turakiemusique, marionnettes dès 8 ans

cie Turak Théâtre

03 29 79 73 47 acb, 20 rue Theuriet Bar-le-Duc www.acbscene.com

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Une cArMen en Turakie

écriture, mise en scène et scénographie Michel Laubuen complicité avec Emili Hufnagel

Bande son d'après l'oeuvre de Georges Bizet et réalisation vidéo Laurent Vichard

avec Michel Laubu, Marie-Pierre Pirson, Emili Hufnagel, Ma-gali Jacquot, Patrick Murys, Laurent Vichard

durée 1h25 environ

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Nathalie HAMEN Décembre 2016Professeur de LettresProfesseur-relais auprès de l’acbBAR-LE-DUC

FICHE DÉCOUVERTE

Une cArMen en Turakied'après l'opéra de Georges Bizet

Une Carmen en Turakie est une réécriture ludique et décalée de l’opéra de Bizet.Afin que les enfants, les moyens et les grands appréhendent mieux le travail parodique, ingénieux et loufoque de Michel Laubu, rappelons le « modèle » : la Carmen de Mérimée de 1845 puis déclinons les principaux avatars de cette mythique histoire de Carmen ; revenons au « pattern » afin de mieux apprécier les propositions autour de cette tragique et si populaire histoire d’amour d’une bohémienne flamboyante qui embrase « tous les hommes à la ronde » et perd ceux qui la regardent, façon Lorelei.

I La nouvelle de Mérimée, 1845 : une bohémienne endiablée

1) Carmen est d’abord un nom !

Un prénom espagnol : L’action de la nouvelle se situe en Andalousie, que Mérimée connaît bien grâce à ses nom-breux séjours en Espagne. Dans sa Carmen, il mentionne des coutumes précises, emprunte des mots es-pagnols et tziganes (calé, payllo, romi…), ajoute à son texte des notes très détaillées sur la langue, la pro-nonciation, les modes de vie ; cet ancrage exotique correspond à un goût de l’époque (Hugo et Musset ont également séjourné en Espagne et écrit, l’un Ruy Blas, l’autre Contes d’Espagne et d’ Italie) mais c’est surtout le cadre idéal, selon les clichés hispanisants, pour y faire vivre sa sulfureuse Carmen, forcément brune, aux yeux de braise et au fort tempérament. Une sorcière, le diable ! : « Bah ! mon garçon, crois-moi, tu en es quitte à bon compte. Tu as rencontré le diable ; oui, le diable ; il n’est pas toujours noir, et il ne t’a pas tordu le cou […] Allons, adieu encore une fois. Ne pense plus à Carmencita ou elle te ferait épouser une veuve à jambes de bois. (La potence, qui est veuve du dernier pendu. Note de Mérimée) », tels sont les paroles de Carmen à Don José. Dans cette annonce prédictive, elle s’autodésigne sous la figure du diable.

Un prénom espagnol mais dont l’origine étymologique caractérise la femme qui le porte. En latin, « carmen » désignait, à l’origine, une formule magique avant de désigner le chant. Et Carmen est bien celle qui chante, charme et envoûte tous les hommes croisant son chemin (« j’étais comme ivre », dit don José face à Carmen, et plus loin « j’étais si faible devant cette créature que j obéissais à tous ses caprices ») ; Carmen utilise également des charmes au sens propre (marc de café, plomb fondu… Carmen est une bohémienne qui sait lire et prédire l’avenir :« J’ai toujours pensé que tu me tuerais. La première fois que je t’ai vu, je venais de rencontrer un prêtre à la porte de ma maison. Et cette nuit, en sortant de Cordoue, n’as-tu rien vu ? Un lièvre a traversé le chemin entre les pieds de ton cheval. C’est écrit. »

Carmen incarne donc l'archétype de la femme espagnole bouillonnante, de la gitane dangereuse (elle ment, vole, pousse au crime…) et plus largement de la femme fatale, séduisante, provocante et au destin sombrement écrit.

2) Rappelons l’intrigue de la nouvelle :

La nouvelle s’organise en deux récits enchâssés puisque l’histoire de Carmen proprement dite est recueillie oralement par un archéologue au cours de son voyage en Andalousie. Voici l’histoire de don José et de sa Carmen (chapitre III de la nouvelle) :

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Don José, jeune brigadier, est de garde à la manufacture de tabac de Séville. Il voit passer les ouvrières se rendant au travail. Carmen, « la gitanilla » est l’une d’elle. Elle l’apostrophe et lui lance une fleur de cassie (« En prenant la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche, elle me la lança, d’un mouvement du pouce, juste entre les deux yeux. Monsieur, cela me fit l’effet d’une balle qui m’arrivait… »), épisode fondateur de la passion fatale de don José qui sera repris dans un air célèbre de l’opéra de Bizet (« La fleur que tu m’avais jetée… » ; lors d’une rixe entre cigarières, Carmen balafre une de ses compagnes de travail et don José doit l’arrêter. Carmen le persuade de la laisser s’enfuir. Don José est dégradé et emprisonné. Désormais il est sous le joug de Carmen qui l’enrôle dans sa bande de contrebandiers. A cause d’elle, il aura tué son lieutenant puis il tuera encore par jalousie le« rom » de Carmen (son mari). Carmen s’éprend d’un picador ce qui met don José hors de lui. Il somme Carmen de le suivre en Amérique. Elle refuse : elle ne l’aime plus et le lui dit, affrontant son destin fatal. Il la tue et se constitue prisonnier.

Le succès de Carmen ne fut pas immédiat, peut être que, à la fois de facture « classique » et d’inspiration « romantique », elle a gêné les critiques et le public englués dans ces préventions d’ « école », assez tenaces au 19ème siècle.

II L’opéra de Bizet, 1875 : scandaleuse Carmen

Encore pire sera l’accueil de l’opéra de Bizet qui s’est adjoint, pour écrire le livret de sa Carmen inspirée de Mérimée, le concours du plus fameux duo de librettistes, Henri Meilhac et Ludovic Halévy, chers à Offenbach. Ils introduisent le personnage de Micaëla, la vertueuse promise de don José et le célèbre « toréador », mot crée par eux, remplace le picador Lucas. Exit le « rom », de Carmen, Garcia le Borgne.

La création de Carmen le 3 mars 1875 à l’Opéra-Comique est froidement accueillie (le quatrième acte se joue dans un climat « glacial, de la première à la dernière scène », au dire de Ludovic Halévy lui-même !). Dès le lendemain, raconte le compositeur Vincent d’Indy, « tout le monde tournait le dos à Bizet, depuis le directeur jusqu’au concierge » ! Peu après cela, le vent tourna et vint le succès. Georges Bizet, toutefois, n’en sut rien. Il meurt brutalement le 3 juin, trois mois plus tard !

L’opéra tiendra l’affiche jusqu’au bout malgré une critique assassine. Si la musique dérange par son audace, c’est le propos même de l’opéra qui fait scandale. Carmen est une femme dangereuse, sans attaches ni respect pour l’ordre établi, passant d’un amant à l’autre, avec pour seule morale et seules règles sa liberté et son bon plaisir ! Carmen est « la véritable prostituée de la bourbe et du caniveau, la fille dans la plus révoltante acception du mot », écrit le journal La Patrie ; et Le Siècle épingle « une Carmen littéralement et absolument enragée. […]Il faudrait pour le bon ordre social et la sécurité des impressionnables dragons et toréadors qui entourent cette demoiselle la bâillonner et mettre un terme à ses coups de hanches effrénés, en l’enfermant dans une camisole de force après l’avoir rafraîchie d’un pot à eau versée sur sa tête ». Quant à la critique de la musique, le directeur de l’Opéra Comique lui-même, Camille du Locle, écrit : « C’est de la musique cochinchinoise ; on n’y comprend rien ! ».

L’opéra de Bizet deviendra l’un des plus populaires de l’histoire de la musique. Le nombre de ses représenta-tions talonnerait celles de La Traviata. C’est la revanche des femmes réprouvées !

III Les adaptations de Carmen au cinéma :

Le personnage de Carmen a inspiré de nombreux cinéastes et produit des œuvres européennes comme la Carmen de L’Espagnol Carlos Saura (1983) ou Prénom Carmen de Jean –Luc Godard, la même année, mais aussi des réalisations américaines comme la Carmen Jones d’Otto Preminger (1954), et plus récemment, un film africain, Karmen du Sénégalais Joseph Gaï Ramaka (2001). L’histoire de Carmen est devenue un mythe puisqu’elle a traversé les époques, les frontières et les cultures. La nouvelle de Mérimée a produit dans son sillon une abondance de films : rappelons que Peter Brook a filmé sa Tragédie de Carmen, issue de représentations au théâtre, en trois films avec trois distributions différentes !

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IV « L’amour est enfant de bohême » : de Bizet, 1875, à Stromae, 2013

Tout le monde connaît le fameux air de « la Habanera », la cigarière :

« L’amour est enfant de bohême, il n’a jamais connu de loi… » Fort de cette popularité, il peut donc se prêter à la parodie, qui, pour qu’elle opère, doit s’appuyer sur un support archi connu. Il y a une utilisation maligne de la part de Stromae de l’air est des paroles de Carmen : il utilise et détourne la profession de foi de Carmen qui proclame sa radicalité et sa liberté absolue dans le champ de l’amour pour l’appliquer à la passion addictive des réseaux sociaux sur la toile. La parodie est le signe de la santé et de la célébrité d’une œuvre.

V Tous les genres utilisés pour raconter Carmen

Tous les genres se sont emparés du mythe de Carmen : Après la nouvelle de Mérimée, l’opéra de Bizet, lui-même filmé par Francesco Rosi en 1983 et d’autres : la version chorégraphiée de Carlos Saura (1983) ; la version « western » de Carmen de l’Italien Luiggi Bazoni (1967) ; celle du film d’Otto Preminger (1954) est une comédie musicale « black » (Carmen Jones, dans laquelle la boxe remplace la tauromachie). Godard transpose sa Carmen en fait divers policier.

Au théâtre, on retiendra la très belle mise en scène de Peter Brook, au théâtre des Bouffes du Nord (1981), La Tragédie de Carmen, et le théâtre d’objets avec Michel Laubu en 2015 !

VI Pistes pédagogiques

1) En amont du spectacle :Raconter aux élèves l’histoire de Carmen (Mérimée, Bizet…) et sa popularité qui permet un traitement parodique (Une Carmen en Turakie, Carmen de Stromae…).

On peut faire lire aux élèves de 5 ème, dans le cadre de la thématique « héros, héroïne », la nouvelle de Mérimée en ne leur conseillant de lire que le chapitre III, c’est-à-dire le récit de don José et en laissant de côté le récit cadre, trop ardu peut-être.

Dresser avec les élèves le portrait de Carmen, femme fatale, radicale et libre ; femme « sorcière », qui envoûte au sens propre et au sens figuré ; leur expliquer l’origine étymologique de son nom, « carmen », envoûtement magique.

Etudier la figure de la « bohémienne » et ses clichés dans la littérature et les arts (Esmeralda de Victor Hugo, Sangarre de Jules Verne, Carmen de Mérimée, La tzigane d’Apollinaire, La Gitane de Kees Van Dongen…).cf. Annexes

2) En aval du spectacle :Qu’a retenu Michel Laubu, comme points saillants du récit de Carmen, dans sa réécriture ?Sur quels registres a- t il le plus joué ? (dramatique, comique ?...)Demander aux élèves d’expliquer, à quelqu’un qui n’en aurait jamais vu, ce qu’est le théâtre d’objets ?Quelle est la particularité du théâtre d’objets et de l’univers de Michel Laubu ?(bricolage poétique, objets trouvés et recyclés, objets abandonnés et détournés, bouts de ficelles et jeux d’enfants, miniaturisation… Exemples pour illustrer les propos…)Décrire le travail musical (instruments, voix, films d’animation et vidéos en direct pour représenter les orchestres de crabes et de crevettes…) et en déduire les effets jubilatoires sur le spectateur.Expliquer le déplacement géographique de l’Andalousie à la Bretagne ? (Ar–men signifie la « pierre » en breton ; de là la question de Michel Laubu : C’Ar-Men ? Un cœur de pierre qui déchaîne les passions amoureuses les plus dangereuses et les plus spectaculaires ?

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VII BibliographieCarmen, Mérimée, 1845 ; existe de nombreuses éditions de poche, peu coûteuses (Librio, « Etonnants Classiques », GF Flammarion)

VIII Filmographie

Carmen, Ernst Lubitsch, 1918, avec Pola NegriCarmen, Christian-Jaque, 1942, avec Viviane Romance et Jean MaraisLes Amours de Carmen, Charles Vidor, 1946, avec Rita HayworthCarmen Jones, Otto Preminger, 1954, avec Dorothy DandridgeL’Homme, l’orgueil et la vengeance, Luigi Bazzoni, 1967Carmen, Francesco Rosi, 1953, avec Julia Mingenes, Placido Domingo, Ruggero RaimondiPrénom Carmen, Jean-Luc Godard, 1983, avec Maruschka DetmersLa Tragédie de Carmen,Peter Brook, 1983Carmen nue, Alberto Lopez, 1984Karmen, Joseph Gaï Ramaka, 2001

IX Annexes 1) Esméralda : Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831, livre II, ch. 3 2) Carmen : Mérimée, Carmen, 1845 3) Sangarre : Jules Verne, Michel Strogoff, 1876, partie I, ch .8 4) L’air de « La Habanera », (la cigarière) : L’amour est un oiseau rebelle… Georges Bizet, Carmen, opéra de 1875 5) « Carmen » : L’amour est comme l’oiseau de Tweeter… Stromae, album Racine carrée, 2013 6) « La tzigane » : Apollinaire, Alcools, 1913 7) Tableau de Kees Van Dongen : La Gitane, 1910 8) Affiche du film Carmen de Carlos Saura, 1983 9) Affiche du film Carmen de Francesco Rosi, 198410) « Bad first date » : Slinkatchu, Little people in the city, 2008

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La figure de la bohémienne, de la tzigane apparaît à de nombreuses reprises dans la littérature du XIXè ou du XXè siècle. Elle fascine et effraie tout à la fois et devient parfois mythe avec des héroïnes aussi célèbres que Carmen ou Esméralda.

1) Esméralda Comme Carmen, Esméralda, l’héroïne du roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris (1831), incarne un type de femme fatale, passionnément aimée des hommes qui peuvent à peine résister à sa beauté ensorcelante.

" Si cette jeune fille était un être humain, ou une fée, ou un ange, c’est ce que Gringoire, tout philosophe sceptique, tout poète ironique qu’il était, ne put décider dans le premier moment, tant il fut fasciné par cette éblouissante vision.

Elle n’était pas grande, mais elle le semblait, tant sa fine taille s’élançait hardiment. Elle était brune, mais on devinait que le jour sa peau devait avoir ce beau reflet doré des Andalouses et des Romaines. Son petit pied aussi était andalou, car il était tout ensemble à l’étroit et à l’aise dans sa gracieuse chaussure. Elle dansait, elle tournait, elle tourbillonnait sur un vieux tapis de Perse, jeté négligemment sous ses pieds ; et chaque fois qu’en tournoyant sa rayonnante figure passait devant vous, ses grands yeux noirs vous jetaient un éclair.

Autour d’elle tous les regards étaient fixes, toutes bouches ouvertes ; et en effet, tandis qu’elle dansait ainsi, au bourdonnement du tambour de basque que ses deux bras ronds et purs élevaient au-dessus de sa tête, mince, frêle et vive comme une guêpe, avec son corsage d’or sans pli, sa robe bariolée qui se gonflait, avec ses épaules nues, ses jambes fines que sa jupe découvrait par moments, ses cheveux noirs, ses yeux de flamme, c’était une surnaturelle créature.

- En vérité, pensa Gringoire, c’est une salamandre, c’est une déesse, c’est une bacchante du mont Ménaléen ! " Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831

2) CarmenElle avait un jupon rouge fort court qui laissait voir des bas de soie blancs avec plus d’un trou, et des souliers mignons de maroquin rouge attachés avec des rubans couleur de feu. Elle écartait sa mantille afin de montrer ses épaules et un gros bouquet de cassie qui sortait de sa chemise. Elle avait encore une fleur de cassie dans le coin de la bouche, et elle s’avançait en se balançant sur ses hanches comme une pouliche du haras de Cordoue. Dans mon pays, une femme en ce costume aurait obligé le monde à se signer. A Séville, chacun lui adressait quelque compliment gaillard sur sa tournure ; elle répondait à chacun, faisant les yeux en coulisse, le poing sur la hanche, effrontée comme comme une vraie bohémienne qu’elle était. D’abord elle ne me plut pas, et je repris mon ouvrage ; mais elle, suivant l’usage des femmes et des chats qui ne viennent pas quand on les appelle et qui viennent quand on ne les appelle pas, s’arrêta devant moi et m’adressa la parole :- Compère, me dit-elle à la façon andalouse, veux-tu me donner ta chaîne pour tenir les clefs de mon coffre-fort ?- C’est pour attacher mon épinglette, lui répondis-je.- Ton épinglette ! s’écria-t-elle en riant. Ah ! monsieur fait de la dentelle, puisqu’il a besoin d’épingles !Tout le monde qui était là se mit à rire, et moi je me sentais rougir, et je ne pouvais trouver rien à lui répondre. - Allons, mon cœur, reprit-elle, fais moi sept aunes de dentelle noire pour une mantille, épinglier de mon âme !- Et prenant la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche, elle me la lança, d’un mouvement du pouce, juste entre les deux yeux. Monsieur, cela me fit l’effet d’une balle qui m’arrivait… Je ne savais où me fourrer, je demeurais immobile comme une planche. Quand elle fut entrée dans la manufacture, je vis la fleur de cassie qui était tombée à mes pieds ; je ne sais ce qui me prit, mais je la ramassai sans que mes camarades s’en aperçussent et je la mis précieusement dans ma veste. Première sottise !Mérimée, Carmen, 1845

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3) SangarreDans Michel Strogoff (1876), Jules verne dépeint Sangarre, archétype de la bohémienne.

Près de lui, la tzigane Sangarre, femme de trente ans, brune de peau, grande, bien campée, les yeux magnifiques, les cheveux dorés, se tenait dans une pose superbe.

De ces jeunes danseuses, plusieurs étaient remarquablement jolies, tout en ayant le type franchement accusé de leur race. Les tziganes sont généralement attrayantes, et plus d’un de ces grands seigneurs russes, qui font profession de lutter d’excentricité avec les Anglais, n’a pas hésité à choisir sa femme parmi ces bohémiennes.

L’une d’elles fredonnait une chanson d’un rythme étrange, dont les premiers vers peuvent se traduire ainsi :

Le corail luit sur ma peau brune,L’épingle d’or à mon chignon !

Je vais chercher fortuneAu pays de…

Jules verne, Michel Strogoff, 1876

4) L'air de "La Habanera", (la cigarière) : L'amour est un oiseau rebelle...Voici l’un des airs les plus connus de l’opéra, celui de « La Habanera » c’est à dire de la cigarière. En effet, les ouvrières sortent de la manufacture de tabac, et Carmen s’apprête à rencontrer don José pour la première fois. Carmen chante.

CARMENL’amour est un oiseau rebelle,Que nul ne peut apprivoiser,

Et ce bien en vain qu’on l’appelle,S’il lui convient de refuser.

Rien n’y fait, menace ou prière,L’un parle bien, le autre se tait ; Et c’est l’autre que je préfère :

I n’a rien dit, mais il me plaît.L’amour ! etc.

CHŒURL’amour est un oiseau rebelle, etc.

CARMENL’amour est enfant de Bohème,

Il n’a jamais, jamais connu de loi ;Si tu ne m’aimes pas, je t’aime ;

Si je t’aime, prends garde à toi ! etc.

CHŒURPrends garde à toi ! etc.

L’amour est enfant de Bohème, etc.

CARMENL’oiseau que tu croyais surprendre

Battit de l’aile et s’envola…

Georges Bizet, Carmen, 1875

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5) « Carmen » de StromaeL’amour est comme l’oiseau de TweeterOn est bleu de lui, seulement pour 48hD’abord on s’affilieEnsuite on se followEn en devient fêléEt on finit solo

Prends garde à toi

Et à tous ceux qui vous likeLes sourires en plastique sont souvent des coups d’hashtags

Prends garde à toi

Ah les amis, les potes ou les followers ?Vous faites erreur, vous avez juste la cote.

(refrain)prends garde à toi, si tu t’aimesgarde à moi si je m’aimegarde à nous, garde à euxgarde à vous et puis chacun pour soi

Et c’est comme ça qu’on s’aime, sème, sème, sèmeComme ça consomme, sommes, sommes, sommes (bis)

L’amour est enfant de la consommationIl voudra toujours, toujours, toujours plus de choixVoulez, voulez-vous des sentiments tombés du camionL’offre et la demande pour unique et seule loiPrends garde à toi

Mais j’en connais déjà les dangers moi.J’ai gardé mon ticket et s’il le faut j’vais l’échanger moi.

Prends garde à toi

Et s’il le faut j’irai m’venger moiCet oiseau d’malheur j’le mets en cage j’le fais chanter moi

(refrain)Prends garde à toi, si tu t’aimesGarde à moi si je m’aimeGarde à nous, garde à euxGarde à vous et puis chacun pour soi

Et c’est comme ça qu’on s’aime, sème, sème, sème, sèmeComme ça consomme, sommes, sommes, sommes (bis)

Un jour t’achètesUn jour tu aimesUn jour tu jettesMais un jour tu paiesUn jour tu verrasOn s’aimeraMais avantOn crèvera tous,Comme des rats

Carmen (textes : Stromae et Oreslan), extrait de l’album Racine Carrée

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6) Apollinaire, « La Tzigane » Alcools (1913)

« La Tzigane » savait d’avanceNos deux vies barrées par les nuitsNous lui dîmes adieu et puisDe ce puits sortit l’Espérance

L’amour lourd comme un ours privéDansa debout quand nous voulûmesEt l’oiseau bleu perdit ses plumesEt les mendiants leurs Ave

On sait très bien que l’on se damneMais l’espoir d’aimer en cheminNous fait penser main dans la mainA ce qu’a prédit la tzigane

tableau de Kees Van Dongen, La Gitane, 1910 affiche du film Carmen de Carlos Saura, 1983

7) 8)

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affiche du film Carmen de Francesco Rosi, 2008

Bad first date, Slinkatchu, Little people in the city, 2008

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10)