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Université de Nantes Faculté des Sciences économiques et de gestion DESS Économie du développement local et de l’emploi MUTATIONS INDUSTRIELLES ET NOUVEAUX MODES D’ACTION TERRITORIALE L’exemple de la Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais Mémoire réalisé sous la direction de Lionel Prouteau, maître de conférences en sciences économiques à l’Université de Nantes Jeanne Bourel ([email protected] ) octobre 2004

Mutations industrielles corrige - Orientation Pays de la Loire

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Université de Nantes Faculté des Sciences économiques et de gestion

DESS Économie du développement local et de l’emploi

MUTATIONS INDUSTRIELLES ET NOUVEAUX MODES D’ACTION TERRITORIALE

L’exemple de la Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais

Mémoire réalisé sous la direction de Lionel Prouteau, maître de conférences en sciences économiques à l’Université de Nantes

Jeanne Bourel ([email protected]) octobre 2004

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MUTATIONS INDUSTRIELLES ET NOUVEAUX MODES D’ACTION TERRITORIALE

L’exemple de la Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais

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Couverture Photos Ouest-France (http://www.cholet.maville.com/) *Atelier de fabrication du groupe Pindière à Saint-Macaire-en-Mauges (28/04/2004) *Le Comité de pilotage de l’économie choletaise lors de sa réunion du 15 juillet 2004 (19/07/2004) *Information collective à destination des salariés licenciés de l’entreprise GEP (17/08/2004) *Les salariés du groupe Pindière avant l’annonce du dernier plan social (11/09/2004)

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Je tiens à adresser ici mes sincères remerciements à l’ensemble des personnes qui ont rendu possible cette expérience au sein de la Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais et m’ont accompagnée durant ces derniers mois, notamment : Messieurs Hy et Coatrieux, respectivement président et directeur du Comité d’expansion des Mauges ; Pierre Emeriau et Jacques Sautour, co-animateurs de la Plate-forme, les partenaires locaux associés au fonctionnement du dispositif, l’équipe du Comité d’expansion et de l’Observatoire du Pays des Mauges.

Tous mes remerciements enfin à Lionel Prouteau, directeur de ce mémoire, ainsi qu’à l’ensemble des intervenants du DESS Economie du développement local et de l’emploi.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ..........................................................................................................................................08

PREMIÈRE PARTIE LA PLATE-FORME DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE DU CHOLETAIS : UNE RÉPONSE LOCALE ORIGINALE À LA CRISE DE LA FILIÈRE MODE .......................12

CHAPITRE I : LA CRISE D’UNE INDUSTRIE LOCALE EMBLÉMATIQUE : LA MODE .............14

Section 1 : Le Choletais et les industries de la mode .........................................................................14

§ 1 : Les fondements historiques de la filière mode ...........................................................................15 § 2 : Les mutations de la filière mode au XXè siècle ..........................................................................16

Section 2 : La crise de la fin des années 90 .........................................................................................20

§ 1 : Une hémorragie sociale sans précédent ....................................................................................20 § 2 : Une réalité économique contrastée ............................................................................................23

CHAPITRE II : L’ÉMERGENCE D’UNE RIPOSTE TERRITORIALE ................................................25

Section 1 : Une mobilisation locale tous azimuts ................................................................................25

§ 1 : Le cri d’alarme des élus locaux ..................................................................................................26 § 2 : Des initiatives multiples en ordre dispersé .................................................................................27

Section 2 : Une stratégie durable de reconversion territoriale ...........................................................29

§ 1 : Le Comité de pilotage pour le développement de l’économie choletaise ..................................29 § 2 : Le plan d’action pour le développement de l’économie choletaise ............................................30

CHAPITRE III : L’INVENTION DE NOUVEAUX MODES D’ACTION DANS LE CHAMP DU RECLASSEMENT ET DE LA RECONVERSION PROFESSIONNELLE .........................................32

Section 1 : Le cadre général d’intervention ..........................................................................................32

§ 1 : Sens et enjeux du dispositif ........................................................................................................33 § 2 : Mission et principes de fonctionnement du dispositif .................................................................34

Section 2 : Les modalités concrètes d’intervention ............................................................................36

§ 1 : Un rôle d’intermédiation sur le marché du travail local ...............................................................36 § 2 : Un rôle de coordination et d’animation du réseau partenarial.....................................................39

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DEUXIÈME PARTIE LA PLATE-FORME DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE DU CHOLETAIS : UNE RÉFÉRENCE EN MATIÈRE DE GESTION TERRITORIALE DES MUTATIONS INDUSTRIELLES ...............................................................................................................43

CHAPITRE IV : L’ÉVALUATION : UNE INÉVITABLE CONSTRUCTION D’ARGUMENTAIRES (PRÉCISIONS MÉTHODOLOGIQUES) .........................................................44

Section 1 : Les difficultés méthodologiques liées à l’évaluation .......................................................44

§ 1 : La mesure de l’efficacité du dispositif .........................................................................................45 § 2 : La mesure de l’efficience du dispositif ........................................................................................46

Section 2 : La démarche d’évaluation ...................................................................................................48

§ 1 : L’axe quantitatif ...........................................................................................................................48 § 2 : L’axe qualitatif .............................................................................................................................50

CHAPITRE V : LA PLUS-VALUE DU DISPOSITIF PLATE-FORME ...............................................51

Section 1 : Reclassement et reconversion, quelques éléments de bilan chiffrés ............................51

§ 1 : Le résultat des opérations de reclassement ...............................................................................52 § 2 : Le "plus formation" ......................................................................................................................54

Section 2 : "Le petit plus qui fait la différence" (analyse qualitative) ................................................56

§ 1 : Un trait d’union entre les cellules et le système institutionnel local ............................................57 § 2 : Une banque de résolution de cas ...............................................................................................58

CHAPITRE VI : LES LEÇONS DE L’EXPÉRIENCE CHOLETAISE .................................................61

Section 1 : Les clefs du succès choletais .............................................................................................61

§ 1 : Une subtile alchimie locale .........................................................................................................62 § 2 : L’enclenchement d’une dynamique territoriale vertueuse ..........................................................63

Section 2 : La question de la transférabilité de l’expérience ..............................................................65

§ 1 : L’inopportunité d’un "copier-coller" organisationnel ...................................................................66 § 2 : Trois principes pour guider l’action sur les territoires en crise ...................................................67

CONCLUSION .................................................................................................................................................70

TABLE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS ............................................................................................72

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................73

ANNEXES .........................................................................................................................................................75

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Rien n’est permanent, sauf le changement. Héraclite d’Ephèse

« Des regrets ? Ah si, ne pas l’avoir fait plus tôt ! J’aurais dû, je n’ai jamais osé… Parce que la chaussure, vous savez… Quand j’ai su que j’étais sur la liste, moi aussi j’ai cru que tout était fini, je ne me sentais pas capable de recommencer autre chose. C’était une catastrophe pour nous… Mais aujourd’hui, je sais qu’en fait, c’est la meilleure chose qui me soit arrivée ! »

Une ex-ouvrière de la chaussure aujourd’hui aide-soignante

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INTRODUCTION

Délocalisations, restructurations et depuis peu "chantage à l’emploi"1 alimentent aujourd’hui le débat public dans un climat particulièrement anxiogène. En s’accompagnant de sa litanie de plans sociaux, la récession a en effet fait ressurgir la question du traitement en amont et en aval des conséquences des restructurations industrielles2. Métaleurop, Air-Lib, Péchiney ou Arcelor l’année passée. JVC, Alstom, Bosch ou Tati plus récemment, et d’autres sont à venir… Le rythme des annonces ne décélère plus depuis le printemps 2002 et les emplois sont détruits par milliers.

Les restructurations ne constituent pas des phénomènes nouveaux. Elles ont été particulièrement dures, notamment à partir du milieu des années soixante-dix, dans des secteurs en déclin comme le textile, les chantiers navals ou les mines. Jusqu’à la fin des années quatre-vingt, elles étaient plutôt considérées comme des processus douloureux mais nécessaires pour moderniser l’industrie et préserver ainsi la compétitivité de l’économie française. Dans ces restructurations à l’ancienne, l’Etat, souvent actionnaire, est intervenu de façon massive tant sur le plan industriel (à travers des schémas de formation-reconversion notamment) que social, faisant jouer à plein le mécanisme des préretraites.

La situation actuelle est toute autre. A cet égard, comme le soulignent F. Aggeri et F. Pallez, l’irruption du terme de mutation économique, au côté de celui de restructuration, n’est pas anodine. Elle dénote un changement de nature des questions à traiter. Il ne s’agit plus de phénomènes localisés et structurels – quoique des problématiques de filières subsistent aujourd’hui – mais plutôt de processus diffus et permanents d’adaptation des entreprises à des marchés toujours plus instables, une concurrence plus vive et sans cesse renouvelée.

1 Le "chantage à l’emploi" – pratique consistant pour une entreprise à imposer à ses salariés une baisse ou un gel des salaires sous peine de voir celle-ci délocaliser sa production à l’étranger – est un argument que de plus en plus d’entreprises se montrent prêtes à utiliser pour réduire leur masse salariale et assurer leur pérennité. Le dernier exemple en date concerne l’entreprise Sediver, numéro un mondial de l’isolation électrique, qui, après s’être vue refuser la baisse de salaire de 30 % "proposée" à ses 300 salariés de l’usine de Saint-Yorre dans l’Allier, a annoncé début septembre la délocalisation du site de production. 2 Le dossier souffre très clairement depuis de nombreuses années – depuis le « Lip c’est fini » scandé en 1973 ? – de deux syndromes : "la patate chaude" et le traitement en urgence. Dès que la conjoncture s’améliore, on enterre le sujet, dès qu’elle se dégrade, on s’agite mais souvent trop tard…

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Le terme de mutation évoque par ailleurs et peut–être surtout, un élargissement du champ d’analyse dans l’espace et le temps : "La mutation ne s’arrête plus aux portes de l’entreprise et à la fin du plan de restructuration, elle implique in fine une multiplicité de parties prenantes (élus locaux, administrations diverses, familles, sous-traitants) et se déroule désormais sur le temps long (jusqu’à la fin de la revitalisation des territoires économiques sinistrés)."1

Face à ces changements, la position de l’Etat apparaît de plus en plus ambiguë : Le colbertisme, où l’Etat central se substituait à l’entreprise, n’est plus de mise dans une économie ouverte et mondialisée, et les marges de manœuvre des gouvernements successifs apparaissent fortement réduites. Dans un contexte de vieillissement démographique et de réformes du système des retraites, les mesures d’âge – consensuelles chez les salariés comme chez les entreprises – atteignent leurs limites tandis que les politiques d’emploi butent de plus en plus, face à la montée du chômage, sur des contingences budgétaires2. Certes l’Etat peut encore intervenir à travers les appareils législatif et administratif. Mais la production de règles de droit visant à encadrer les rapports sociaux et la négociation collective des plans sociaux ne suffit plus face à la multiplication des débordements (troubles à l’ordre public, irruption du politique, etc.) et à l’imbrication des registres (politique, économique, industriel, social et territorial). Ce recul de l’Etat n’est pas sans créer un certain malentendu chez les citoyens qui continuent d’attendre que ce dernier soit protecteur là où il ne peut plus être, au mieux, qu’incitateur. Et les situations de blocage, de conflits larvés, se multiplient sur le terrain, largement relayées par les médias.

On assiste dans ce contexte au développement, en marge du droit, de nouveaux modes de gestion de ces crises, moins centralisés et impliquant très largement les acteurs locaux, symptomatiques des évolutions actuelles de l’action publique, en ce qu’elle tend à privilégier une approche partenariale et territoriale. La nature de ces formes émergentes d’action publique est très variable en fonction des contextes locaux : simples missions de médiation, action de reclassement ou de requalification du personnel, reconversion des sites industriels et redynamisation des bassins d’emploi, etc. Les modalités de mise en œuvre de ces actions sont elles aussi diverses : médiateurs, groupes-projet ou dispositifs ad-hoc parmi lesquels les plate-formes dites "de services"3 dont le principe recueille l’adhésion d’acteurs et de territoires, toujours plus nombreux depuis le début des années 2000.

1 F. Aggeri et F. Pallez, "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", Cahier de recherche du Centre de Gestion Scientifique de l’Ecole des Mines de Paris, n°20, juin 2002, p. 9. 2 Le robinet des préretraites s’est progressivement tari du fait de leur coût prohibitif pour les finances publiques. Leur nombre est ainsi passé de 700 000 en 1983 à 78 000 en 1999. Se référer pour plus de précisions à ce sujet à : F. Cordier, "L’Accompagnement social des restructurations " in T. Lemasle et P-E Tixier (dir.), Des Restructurations et des hommes, Paris, Dunod, 2000, p. 154. 3 Dénomination générique de la DGEFP.

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On en recense aujourd’hui une dizaine, réparties sur l’ensemble du territoire. Les intitulés diffèrent d’un bassin à l’autre – Cellule globale de reclassement à Lille, Pôle de ressources emploi-formation interentreprises à Lannion dans les Côtes-d’Armor, Plate-forme de coordination de l’offre de services en ressources humaines à Romorantin dans le Loir-et-Cher – de même que les objectifs et modalités concrètes de mise en œuvre. Ces structures expérimentales ont néanmoins en commun d’offrir un cadre partenarial et territorial au traitement et au suivi de la crise, de mutualiser les compétences et les moyens, humains et financiers, des parties prenantes au niveau du territoire (services publics de l’emploi, collectivités locales, etc.), de présenter, enfin, une offre de services globale tout en s’adossant généralement aux dispositifs de droit commun et notamment aux cellules de reclassement en activité sur le bassin.

Dans le contexte actuel, l’intérêt de l’Etat à l’égard de telles structures et initiatives est manifeste, d’autant plus que les premiers échos et bilans les concernant leur sont globalement favorables. L’enjeu consiste donc aujourd’hui à recenser, analyser et capitaliser les pratiques dans une logique de mutualisation et de reproduction éventuelle. "Des solutions innovantes et fort intéressantes se développent sur le terrain [en réponse à des crises sociales et territoriales], elles doivent être évaluées, diffusées et éventuellement démultipliées"1 annonçait ainsi Jean-Pierre Aubert peu de temps après sa nomination à la tête de la Mission interministérielle sur les mutations économiques2 (MIME). Lui-même déplorait dans un imposant rapport sur les mutations économiques, remis au gouvernement un an auparavant, "l’insuffisante diffusion des méthodes et pratiques […] amenant les acteurs à repartir de zéro à chaque restructuration"3.

C’est précisément dans cette perspective globale de capitalisation des pratiques que doit être appréhendée la présente étude, consacrée à l’expérience inédite menée dans le Choletais en réponse à la crise de l’une de ses industries emblématiques, la mode4. Une expérience qu’il m’a été donné d’apprécier durant trois mois de stage sur le terrain.

1 Propos retranscrits dans Le Monde du 06/09/2003 : "Entretien avec… Jean-Pierre Aubert" (interview). Notons qu’un groupe de travail réunissant au niveau national les différentes composantes du SPE (DGEFP, ANPE et AFPA) a été constitué dans ce but (recensement et capitalisation des pratiques) au début de l’année 2004. Les résultats de leurs investigations devraient être publiés dans les mois à venir. 2 La MIME a été créée en janvier 2003 dans un contexte d’annonce de plans de restructuration en cascade (Daewoo-Orion, Air-Lib, et Métaleurop pour ne citer que les plus conséquentes… et médiatiques). Jean-Pierre Aubert, délégué interministériel aux restructurations de la défense et expert aux prises avec ces questions depuis plus de trente ans – il a débuté avec le dossier Lip en 1973 – en a pris la direction quelque mois plus tard, remplaçant Claude Viet, initialement chargé de l’animation de cette Mission. Pour plus de précisions sur le rôle et les attributions de la MIME, se référer à : C. Viet, Rapport de synthèse de la mission interministérielle sur l’accompagnement des mutations économiques, janvier 2003. 3 Extrait du rapport remis par Jean-Pierre Aubert au gouvernement Raffarin fin octobre 2002, cité dans Les Echos du 19/10/2002 : "Restructurations : un rapport remis au Premier ministre regrette que l’Etat soit trop compartimenté". 4 Le bassin choletais (Maine-et-Loire) a perdu plus de 4 000 emplois dans le secteur mode ces dix dernières années dont près de la moitié sur la période 2000-2004.

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Créée au début de l’année 2000, la Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais est considérée comme la première représentante – et donc le chef de file – de ces nouveaux modes de gestion, territoriaux1, des mutations industrielles. Après quatre ans d’activité et plus de 1 600 personnes suivies, elle fait l’objet d’un consensus, tant au niveau local que national, au point de faire aujourd’hui figure de cas d’école en la matière2.

Il s’agira donc ici, à travers une certaine forme de "retour d’expérience", d’expliquer les raisons de cet engouement collectif, d’analyser les pratiques au regard du contexte, des enjeux et du "système d’action local"3, de rendre compte, enfin, des effets ("plus-value") du dispositif choletais. Ceci afin d’en extraire in fine quelques principes généraux (et reconductibles) pouvant guider l’action publique sur des territoires en crise et participer ainsi à préciser les contours d’une nouvelle "ingénierie des mutations industrielles".

Les développements qui suivent accordent une importance égale au récit et à l’analyse, registres indissociables dans le cadre de telles capitalisations d’expériences. Les dispositifs organisationnels ne peuvent en effet être appréciés indépendamment du contexte dans lequel ils ont été développés. Le récit joue ainsi un rôle essentiel dans la mesure où c’est la reconstitution d’une histoire à chaque fois singulière qui permet réellement d’évaluer les modalités et effets de l’action mise en œuvre et d’enrichir ainsi les pratiques collectives. "La réussite est dans les détails"4 résument F. Aggeri et F. Pallez. Force est de constater qu’en effet, elle dépasse souvent rationalité et entendement pour rallier le champ de l’humain, de l’expérience collective…

La réflexion esquissée ici s’organisera en deux temps. Une première partie fera l’objet d’une présentation et d’une mise en perspective – au regard de l’histoire et du contexte local – du dispositif conçu dans le Choletais, en réponse à la crise de la filière mode. La seconde partie, produit de mon stage sur la Plate-forme, consistera pour sa part en une évaluation de la pertinence d'un tel dispositif au regard de ses effets directs (tant quantitatifs que qualitatifs) et de la satisfaction de ses principaux partenaires.

1 Territoriaux au sens où l’ensemble des actions est défini et mis en œuvre à l’initiative d’acteurs locaux, sur la base d’un diagnostic partagé (démarche ascendante ou "bottom-up")… à la différence des politiques territorialisées. Pour un exposé complet de la distinction désormais classique entre actions territoriales et actions territorialisées, se référer à : M. Autes, "Les Sens du territoire", Recherches et Prévisions, n°39, 1995, pp. 57-71. 2 A titre d’exemple, l’analyse du cas choletais (enjeux, pratiques, facteurs de succès) constitue l’un des modules du séminaire de formation sur "l’accompagnement des mutations industrielles" organisé par la DGEFP à destination des services de l’Etat concernés et des collectivités locales. 3 Formule de M. Grossetti renvoyant à un système d’organisations et d’acteurs individuels en interdépendance, concentré sur une aire géographique donnée, et dont le degré d’intégration varie selon les configurations locales. C. Beslay et M. Grossetti, "La Construction des politiques locales de reconversion industrielle", Revue d’économie régionale et urbaine, n°1, 1999, p. 65. 4 F. Aggeri et F. Pallez, "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", art. cit. p. 20.

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PREMIÈRE PARTIE

LA PLATE-FORME DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE DU CHOLETAIS : UNE RÉPONSE LOCALE ORIGINALE À LA CRISE DE LA FILIÈRE MODE

L’industrie de la mode est confrontée en France, depuis de nombreuses années, à d’importantes difficultés économiques, liées notamment à la concurrence internationale, qui ont conduit à des fermetures d’entreprises et réductions d’effectifs en cascade.

La région du Choletais1, dans le Maine-et-Loire, qui abrite de longue date l’une des principales filières de production française, subit de plein fouet cette crise qui prend une tournure exceptionnelle à la fin des années 1990 avec les dépôts de bilan successifs de plusieurs géants locaux de la chaussure. Malgré l’ampleur de cette crise, sa médiatisation s’avère très faible – du moins les premières années – et c’est essentiellement au niveau du territoire que des réponses spécifiques et originales vont être conçues, modelées sur la situation et ses enjeux par les partenaires locaux réunis pour l’occasion.

Parmi ces réponses, la plus symbolique et médiatisée d’entre elles est très certainement la Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode. Un "produit local né d’un effort collectif consécutif à une situation de crise" qu’il s’agira ici de présenter dans les détails après l’avoir néanmoins resituée dans son contexte d’origine (étapes de la constitution de la filière mode choletaise et crise de la fin des années 90)2.

1 Le Choletais, territoire doté d’une forte identité forgée au cours de l’histoire, est situé dans la partie sud-ouest du Maine-et-Loire à la limite de la Vendée et des Deux-Sèvres. Quoiqu’il fasse l’objet d’autres définitions spatiales, notamment celle du géographe Alain Chauvet basée sur des références historiques, culturelles et économiques, il correspond, selon l’acception la plus courante au territoire de l’arrondissement de Cholet (ville de Cholet, cantons de Cholet et cantons ruraux du Pays des Mauges). Voir carte 1.1 et chiffres-clés page suivante. 2 Une grande importance a effectivement été réservée dans cette première partie au contexte et aux enjeux de la mise en place de la Plate-forme dans la mesure où celle-ci ne peut s’entendre indépendamment de l’environnement culturel, politique, économique et social – y compris sous ses facettes historiques – dont elle a émergé. C’est l’un des principaux enseignements que je retire de mon expérience au sein de la Plate-forme du Choletais.

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Carte 1.1 Le Choletais dans l’espace régional (carte de l’Observatoire du Pays des Mauges)

Les chiffres-clés du Choletais (1999)

Superficie : 1 646 km2

Population: 183 478 hbts (+0,06 % depuis 1990) Densité de population : 111 hbts au km2 Population active : 86 779 actifs Taux d’activité des 15-60 ans : 75 % Taux de chômage : 6,5 % Emplois au lieu de travail : 78 628 emplois Part de l’industrie (en nombre d’emplois) : 1/3

Contours administratifs : ⇒ arrondissement de Cholet : -Cholet ville (29,5 % de la population totale) -3 cantons de Cholet (13,7 %) -6 cantons ruraux : Beaupréau (14 %), Champtoceaux (6,7 %), Chemillé (7,8 %), Montfaucon (12 %), Montrevault (7,6 %) et Saint-Florent-le-Vieil (8,7 %) ⇒ 79 communes (1 de plus de 50 000 hbts, Cholet et 20 de plus de 2 000 hbts)

Source : INSEE, RGP 1999

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CHAPITRE I LA CRISE D’UNE INDUSTRIE LOCALE EMBLÉMATIQUE : LA MODE

La compréhension de la nature et des implications de la crise de la filière mode choletaise requiert de procéder à certains éclairages socio-historiques du territoire considéré. Véritable "micro-monde" – au sens défini par Yvon Minvielle1 – fermé et traditionnellement hostile au pouvoir central2, le Choletais a vu se développer au fil des générations un sens particulier de l’autonomie et de la solidarité locale dépassant, au profit de la paix sociale, les clivages traditionnels. Les structures politiques, économiques et sociales s’y sont construites à partir d’un système de valeurs partagées basé sur la famille, la religion, le travail, et la foi en l’avenir "au pays". Ce système, qui perdure encore aujourd’hui sous certains aspects, est à l’origine d’un modèle de développement spécifique (avec notamment ses usines à la campagne et son élite politico-économique issue du crû), le miracle choletais souvent décrit par les économistes reposant très largement sur l’essor d’une mono-industrie emblématique : la mode.

Section 1 : Le Choletais et les industries de la mode

Selon l’acception la plus courante, les industries de la mode recouvrent au total quatre grands secteurs industriels ayant en commun la parure de la personne : le textile-habillement3, le cuir (chaussure et maroquinerie), la parfumerie et la bijouterie4.

La filière mode choletaise s’est développée au cours des derniers siècles autour de deux de ces activités : le textile (culture et transformation du lin et du chanvre) implanté de longue date dans les campagnes, puis, à partir du début du XXe siècle, la chaussure qui occupe aujourd’hui la grande majorité des effectifs de la filière. Un bref détour par l’histoire de cette industrie emblématique – intimement liée à l’histoire économique et sociale du Choletais – est nécessaire pour en comprendre les caractéristiques actuelles.

1 Y. Minvielle, "L’Approche des compétences par un territoire", dans Y. Minvielle et J. Gauter (dir.), Territoires et compétences, Paris, Edition du GREP (revue POUR), 1998, pp. 35-42. 2 Le Choletais fut notamment le principal théâtre des guerres de Vendée. 3 L’industrie textile recouvre des activités de filature, de tissage et d’ennoblissement. Elle se distingue de l’industrie de l’habillement – dont elle constitue le secteur amont dans la filière textile habillement – organisée pour sa part autour des activités de conception, fabrication et commercialisation de vêtements. 4 Définition proposée par le SESSI (service de la Direction générale de l’Industrie, des technologies de l’information et des postes – Ministère de l’Economie, des finances et de l’industrie).

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§ 1 : Les fondements historiques de la filière mode

L’industrie textile remonterait dans le Choletais au XIe siècle. C’est toutefois dans les années 1680 qu’elle prend un réel essor sous l’influence de Colbert, acheteur du Marquisat de Cholet. La production est alors assurée par de petits artisans travaillant à domicile dans les campagnes maugeoises, la commercialisation l’étant quant à elle par quelques gros négociants établis à Cholet. En 1789, cette industrie de renommée internationale1 emploie dans le Choletais près de 30 000 personnes.

Les premiers métiers à tisser mécaniques apparaissent dans les ateliers choletais au début du XIXe siècle, au lendemain de la Révolution et des guerres de Vendée. Ils vont transformer sur un siècle un mode de production manufacturier et dispersé en un mode de production industriel et concentré. Sous l’effet de la mécanisation de l’activité, les besoins en main d’œuvre du secteur chutent de manière importante. Dès 1850, les gros ateliers mécanisés construits à Cholet accaparent la majeure partie de la production, le travail à domicile disparaît2 et les conditions sociales s’effondrent dans les campagnes qui connaissent un chômage important.

Le spectacle de la misère, la peur du désordre social et de la désertification des campagnes poussent alors le clergé local, associés à certains notables, à entreprendre dans un secteur en développement : la chaussure3. La première tentative, en 1880 à Saint-Macaire-en-Mauges, est couronnée de succès. Elle inaugure un remarquable processus endogène de reconversion industrielle. Les ateliers de fabrication de pantoufles se multiplient sur l’ensemble du territoire, réemployant la main d’œuvre locale laissée pour compte par l’industrie textile. Une quarantaine de fabriques voient ainsi le jour dans les Mauges entre 1880 et 1900, le plus souvent créées par d’anciens artisans-tisserands encouragés et soutenus par les curés4 et les notables (notamment en termes financiers), mais aussi par les entrepreneurs des communes voisines et l’ensemble de la population locale.

1 La production choletaise – les mouchoirs dont la réputation se répand dans toute l’Europe, mais aussi des flanelles et des toiles pour la table – est exportée dans toute la France, en Espagne, aux Pays-Bas, aux Antilles et en Amérique. 2 Le nombre de tisserands à la main passe ainsi de 40 000 en 1870 à 2 300 en 1877. 3 Les premiers entrepreneurs n’avaient aucune tradition de savoir-faire dans la profession mais le secteur, alors en plein développement au niveau national, est apparu proche de celui du textile. Les premiers ateliers fabriqueront d’ailleurs des pantoufles conçues à partir de fibres textiles et selon des procédés identiques à ceux utilisés en confection. Le travail du cuir n’est apparu que plus tard, avec une technicité importée, en complément des pantoufles. 4 Les cas sont nombreux d’aide directe du curé de la paroisse dans les créations d’entreprise (recherche d’un entrepreneur, de fonds, etc.). Les exemples les plus fréquemment cités sont ceux de La Société anonyme des Chaussures (SAC), créée en 1883 à Saint-Macaire-en-Mauges, et de la maison Morinière et Ripoche créée en 1901 à Saint-André-de-la-Marche. Se référer à ce sujet à : R. Chéné, Les Débuts du commerce et de l’industrie de la chaussure dans la région de Cholet, Maulévrier, Hérault Editions, 1980, pp. 52-54.

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Le Choletais présente ainsi, au début du XXe siècle, une géographie industrielle tout à fait spécifique marquée par une forte concentration textile dans la ville-centre (Cholet) et un début de dissémination de la chaussure dans les campagnes (Mauges). Le secteur mode représente alors près de 80 % de l’emploi industriel du bassin choletais.

§ 2 : Les mutations de la filière mode au XXe siècle

A - L’essor de la chaussure et de la confection (1900-1945)

La première moitié du XXe siècle marque le déclin progressif de l’industrie textile au profit de la chaussure et, quoique dans une moindre mesure, de la confection (tableau 1.1).

Tableau 1.1 Evolution de l’emploi industriel par branche (arrondissement de Cholet, 1906-1961)

1906 1961 Effectif % Effectif % Métallurgie 1 318 6,7 1 511 7,5 Bâtiment travaux publics 1 218 6,2 2 250 11,2 Industrie alimentaire 1 632 8,4 462 2,3 Textile-habillement 13 387 68,5 5 231 25,9 Cuir (chaussure) 1 539 7,9 8 759 43,4 Industries diverses 445 2,3 1 949 9,7 TOTAL 19 539 100,0 20 162 100,0

Source : Assedic Atlantique-Anjou (1982), citée par G. Minguet, Le développement industriel du Choletais, Thèse pour le doctorat de troisième cycle de sociologie, IEP Paris, 1983.

L’industrie textile entre en récession dès les années 20 – quoique le phénomène ait été masqué par la nouvelle dénomination "textile-habillement" – subissant notamment la concurrence des centres de production du Lyonnais, du Nord et des Vosges. De nombreux établissements disparaissent durant la période 1920-1950, parfois reconvertis en ateliers de confection. Ces derniers se multiplient à Cholet, mais aussi dans les campagnes environnantes, se spécialisant notamment dans la confection de vêtements de travail.

Dans le même temps, l’industrie de la chaussure prend un réel essor. Il se crée en moyenne au début du siècle deux entreprises par an dans ce secteur et le taux d’échec est très faible (3 ou 4 faillites recensées sur l’arrondissement entre 1890 et 1920). Les Mauges comptaient 40 fabriques en 1900, 90 en 1940 et 170 en 1950. Chaque village, même le plus restreint ou reculé a son ou ses usines1 autour desquelles se construit la vie sociale locale, sous la houlette bienveillante des chefs d’entreprise.

1 Les bourgs de plus de 2 000 habitants placés sur une voie de communication (Saint-Macaire-en-Mauges, le May-sur-Evre, etc.) ont entre 5 et 6 fabriques. Les communes plus restreintes en comptent au moins une voire deux.

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Dès les années 30, on assiste à un véritable développement industriel de la chaussure avec notamment l’apparition, précoce par rapport à d’autres régions concurrentes, des premières chaînes de production. Une main d’œuvre locale abondante et peu revendicative (essentiellement féminine), les bas salaires qui en découlent, favorisent le développement rapide de l’activité. A la veille de la Deuxième Guerre mondiale, la chaussure devient le premier secteur industriel choletais devant le textile-habillement.

B - La période faste (1950-1970)

S’ouvre à partir des années 50 une période de forte expansion dans un contexte d’explosion de la demande, tant dans la confection que dans la chaussure, les deux secteurs en pointe. La naissance du prêt-à-porter modifie considérablement l’organisation de la production dans les anciens ateliers de confection1, mais aussi le rythme et le marché d’un produit désormais influencé par les saisons et les modes. Les usines de confection et de façonnage se multiplient dans les campagnes. On compte ainsi en 1970 une centaine d’établissements répartis sur l’ensemble du bassin choletais et ayant abandonné le créneau du vêtement de travail au profit du prêt-à-porter féminin et du vêtement pour enfant. Des groupes comme Jacques Jaunet (NEWMAN), Jacques Pernet ou Gaston Jaunet acquièrent une large renommée et deviennent à la fin des années 60 les fers de lance d’un secteur qui pèse pour 10 % de la production nationale.

L’industrie de la chaussure connaît dans le même temps un essor décisif. Accaparant le créneau rémunérateur – quoique largement délaissé par les autres régions françaises – de la chaussure de milieu et bas de gamme, le Choletais voit se consolider nombre d’établissements préexistants et se développer de nouvelles unités de production. Les effectifs doublent sur la période pour atteindre les 12 000 salariés au début des années 70 (chiffre maximum atteint par l’industrie de la chaussure dans le bassin2). A lui seul, le Choletais assure alors le quart de la production nationale. Il s’appuie sur la réussite d’entreprises familiales de taille moyenne – le groupe ERAM (Saint-Pierre-Montlimart) qui compte 2 000 salariés en 1960 fait figure d’exception – relayées par tout un tissu de fournisseurs (moules, semelles, lacets, etc.) et de sous-traitants venus s’établir dans la région, constituant de fait un véritable pôle localisé de production3.

1 Les stades de fabrication (conception, fabrication et commercialisation) vont notamment être différenciés et l’on voit ainsi se développer à la fin des 60 des usines de façonnage travaillant pour des donneurs d’ordre (confectionneurs) multiples. 2 Celui-ci ne cessera de décliner par la suite (voir graphique infra). 3 Outre l’installation de sous-traitants et fournisseurs, la période a vu la création dans le Choletais de nombreuses institutions dédiées aux industries de la mode, caractéristiques de ces pôles localisés de production : centres de formation (AFPIC, Association de formation professionnelle des industries du cuir, notamment), associations de promotion de la profession, groupements professionnels, etc. Notons d’ores et déjà qu’un SPL (Système productif localisé) a été créé dans le Choletais autour de la filière mode en 1998 sous l’égide de la Chambre de commerce et d’industrie de Cholet.

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6 9507 735

8 475

9 940

10 87511 375

2 7753 3663 448

4 4354 1303 940

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

1975 1980 1985 1990 1995 1999

Nom

bre

d'em

ploi

s

Cuir-chaussureTextile-habillement

C - Le début du déclin (1970-1990)

Les années 70-80 vont marquer un tournant pour les industries de la mode choletaises. Celles-ci vont devoir faire face brutalement à des évolutions structurelles lourdes affectant simultanément la demande (éclatement des grands modèles de consommation au profit d’une demande erratique, fragmentée par classe d’âge et catégorie socio-culturelle), le marché mondial (afflux sur le marché national de produits d’importation en provenance d’Europe du sud et de l’est) et les modes de distribution (déclin du commerce de détail au profit du succursalisme et de la grande distribution1). La pression sur les coûts exercés par les opérateurs des nouveaux canaux de distribution et la concurrence des pays à faible coût de main d’œuvre incitent les industriels à délocaliser une partie de leur production (la découpe et la piqûre notamment) dans les pays de l’Est ou du Maghreb. La délocalisation, bien qu’abaissant leurs prix de revient industriels, s’avère insuffisante pour enrayer la baisse des ventes et maintenir le niveau d’emploi local. Les effectifs vont ainsi baisser sans discontinuer à partir de 1975 au rythme moyen de 200 à 300 suppressions d’emplois par an (graphique 1.1).

Graphique 1.1 Evolution des effectifs dans le secteur mode (arrondissement de Cholet, 1975-1999)

Source : Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais, 2004 (d’après données INSEE et Comité d’Expansion des Mauges)

Divers industriels vont alors tenter de constituer des groupes de taille plus importante devant permettre la réalisation d’économies d’échelle, le développement d’une gamme de produits plus vaste et l’accès à de nouveaux marchés. Les groupes POLYGONE, SAC, GEP-LA FOURMI et PINDIERE se lancent ainsi dans une logique de volume – en cherchant notamment à pénétrer la grande distribution – et dans une "guerre des prix meurtrière"2

1 La part du commerce de détail – principal débouché des PME choletaises, notamment dans la chaussure – est tombée de 70 % en 1970, à moins de 25 % à la fin des années 90, laissant la part belle aux succursalistes (40 % du marché en 1999), aux magasins de sport (17 %) et à la grande distribution (10 %). Statistiques 1999 de la Fédération française de la chaussure citées dans : F. Aggeri et F. Pallez, Gestion territoriale des mutations industrielles : Le cas du secteur de la chaussure dans le Choletais, rapport d’étude du Centre de Gestion Scientifique de l’École des Mines de Paris, 2001, p. 46. 2 F. Aggeri et F. Pallez, Gestion territoriale des mutations industrielles : Le cas du secteur de la chaussure dans le Choletais, art. cit. p. 46.

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Quoiqu’elle ait perdu plus d’un tiers de ses effectifs sur la dernière période considérée, la filière mode choletaise constitue toujours à la fin des années 90 un pan majeur et emblématique de l’économie locale. Les 9 725 emplois salariés de la filière pèsent encore pour un gros tiers des emplois industriels du bassin choletais et la mode reste la mono-industrie dans un nombre non négligeable de petites communes des Mauges (carte 1.2).

Carte 1.2 La part de l’industrie de la mode dans l’emploi total par commune en 1999 (arrondissement de Cholet)

Source : INSEE (RGP 1999), Comité d’expansion des Mauges.

Légende

Source : Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais, 2004 (d’après données INSEE, RGP 1999)

Moins de 5%

De 5% à 15%

De 15% à 40%

Plus de 40%

La-Chapelle- du-Genêt

Villedieu

Jallais

La-Jubaudière

Le-May-sur-Evre

Chanteloup-les-Bois

St-Germain-sur-Moine

St-Macaire-en-Mauges

La-Chaussaire

St-Pierre-Montlimart

La-Chapelle-St-Florent

CHOLET

La-Seguinière

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Section 2 : La crise de la fin des années 90

Alors que le Choletais apparaissait mieux résister que d’autres régions françaises à la concurrence des pays à bas coût salarial1, la fin des années 90 voit se succéder dans la chaussure les restructurations, dépôts de bilan et licenciements économiques à un rythme sans commune mesure avec l’hémorragie douce mais inéluctable des vingt dernières années. Près de 1 200 emplois sur les 7 000 recensés en 1998/1999 dans le secteur sont supprimés en moins d’un an.

Tragique sur le plan social, ce bilan recouvre une réalité économique très disparate et difficilement appréciable. Car la crise n’affecte pas toutes les entreprises de la même façon, et les cas sont nombreux de PME, souvent positionnées sur des créneaux spécifiques (la chaussure pour enfant et le haut de gamme féminin notamment) affichant des résultats positifs à la fin de l’année 19992. En fait, la crise a d’abord touché les groupes récemment constitués (PINDIERE, SAC, GEP-LA FOURMI et POLYGONE) : deux d’entre eux ont déposé le bilan, les deux autres sont dans une situation critique et amorcent un important virage stratégique.

§ 1 : Une hémorragie sociale sans précédent

Le groupe PINDIERE (deuxième groupe de chaussure français derrière ERAM, 1 700 salariés en 1998) est le premier à faire les frais de la stratégie de concentration lancée par les entrepreneurs choletais au début des années 90. Fragilisé financièrement suite aux dernières acquisitions de sociétés réalisées par l’équipe dirigeante de l’époque (INOVA et VIRONA, Vendée, 1995), il résiste mal à l’intensification de la concurrence asiatique et européenne sur le marché français et connaît dès 1997 d’importantes difficultés financières. La dette à long terme est trop importante, la rentabilité insuffisante et le groupe enregistre pour la première fois de son histoire des pertes comptables significatives. Dans un contexte général plus que morose – marqué notamment par les débuts médiocres de la saison automne-hiver 1998-1999 et les inquiétudes des professionnels du secteur liées à la

1 Les effectifs du secteur de la chaussure ont chuté de 60 % au niveau national entre 1978 et 1998 et de seulement 35 % dans le Choletais sur la même période. L’existence d’une filière complète de production au sein du bassin est le facteur le plus couramment avancé pour expliquer cette résistance particulière du Choletais face à la crise de la chaussure. Une part de l’explication réside sans doute aussi dans le succès stratégique des groupes ERAM et PINDIERE (du moins jusqu’en 1998) qui pèsent lourdement dans l’emploi total de la filière choletaise. Cabinet LMA, Avenir de la filière mode dans le Choletais, rapport d’étude, novembre 1999, p. 14. 2 De même, ERAM qui contrôle la distribution grâce à son réseau de franchisés a beaucoup moins souffert que d’autres de l’évolution du marché. L’entreprise affiche en 1999 un chiffre d’affaires de 7 milliards de francs (1,07 milliards d’euros) et confirme son rang de premier fabricant européen. Certes ses effectifs diminuent (de 2 500 en 1975 à 1 500 en 1999), mais elle n’a jamais licencié pour motifs économiques. Elle a délocalisé une partie de ses activités afin de réduire ses coûts de revient et a réussi en parallèle à maintenir un niveau de production stable dans ses usines.

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question du remboursement des aides Borotra1 – la direction du groupe entreprend à la fin de l’année 1998 un premier recentrage de ses activités qui débouche inévitablement sur des fermetures d’usines et réductions d’effectifs. Au total, malgré la signature d’un accord sur la réduction et l’aménagement du temps de travail, près de 250 emplois sont supprimés fin 98 répartis sur l’ensemble des entreprises du groupe (voir carte 1.3 page suivante).

Suit, dès janvier 1999, l’annonce par le groupe SAC (troisième fabricant de chaussures français, 1 300 salariés) du dépôt de bilan de ses trois filiales choletaises2. Le constat est proche de celui tiré dans le cas de PINDIERE : fragilité financière liée à la politique de développement du groupe par croissance externe, stratégies de repositionnement commercial et de délocalisation mal maîtrisées, rentabilité trop faible… Mais la SAC, détenue depuis 1993 par une société de capital risque américaine, subit en outre les aléas d’une gestion financière. Malgré les atouts des sites concernés – notamment de la SACAIR à Saint-Macaire-en-Mauges qui produit sous licence pour des marques telles que Elisabeth Stuart3, Kenzo ou Infinitif – les actionnaires américains se retirent du capital. Le groupe sera finalement démantelé suite à la reprise, en octobre 1999, de deux des sociétés (la SACAIR et DELY) par un consortium italien. 386 emplois (sur 920) sont ainsi supprimés entre avril et novembre 1999.

Le groupe GEP-LA FOURMI, autre mastodonte local, va connaître à peine quelques mois plus tard le même sort que la SAC. Début 1999, le groupe affiche des résultats décevants : le redéploiement commercial de LA FOURMI, leader européen de la pantoufle racheté par GEP-PASQUIER en 1995, est très en deçà des plans établis par la direction quelques années plus tôt. Les ventes sont en recul et les pertes d’exploitation atteignent un niveau significatif. Un plan social faisant état de 320 suppressions de postes est présenté par la direction du groupe en juillet 1999. Les négociations avec les partenaires sociaux, plusieurs fois repoussées, n’auront finalement pas lieu : les trois filiales françaises du groupe, toutes implantées dans le Choletais, déposent le bilan en novembre de la même année. Le groupe sera démantelé quelques mois plus tard, 404 emplois sont supprimés soit 40 % de l’effectif initial4

1 Ces allègements de charges patronales sur les salaires les plus bas (du nom du ministre de l’Industrie d’Alain Juppé) ont été accordées aux entreprises du secteur mode par le gouvernement français en 1996. Un an plus tard elles étaient dénoncées par la Commission Européenne (au nom du principe de libre concurrence) qui en réclamait le remboursement. 2 Seules deux entreprises du groupe échapperont à la procédure de redressement judiciaire, l’une située en région parisienne, l’autre dans la Vienne. 3 La licence de production pour la marque Elisabeth Stuart a constitué un atout commercial de poids dans la recherche de nouveaux partenaires financiers. Ce créneau haut de gamme et à forte valeur ajoutée représentait en 1998 un volume annuel de production de 600 000 paires de chaussures pour un chiffre d’affaires de 130 millions de francs (près de 20 millions d’euros) soit la moitié du CA global de la SACAIR. 4 Ce bilan sera alourdi suite à la reprise de GEP par un groupe de financiers au cours de l’année 2000 (87 emplois seront à nouveau supprimés).

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Groupe PINDIERE

(1 800 salariés, 850 millions de francs de CA en 1997) 250 suppressions d’emplois réparties sur l’ensemble des établissements 1. Pierre Chupin/ Carline

Saint-Macaire-en-Mauges 2. Kervian

Villedieu-la-Blouère 3. Samson

Saint-Léger-sous-Cholet 4. Barbault La Tessouale 5. Chupin-Batardière Andrezé 6. Virona La Verrie – 85 7. Inova La Verrie – 85 Hors carte : Chupin-Batardière Saint-Laurent-de-la-Plaine - 49 (fermeture) Virona Montcoutant – 79 (fermeture)

Le Groupe POLYGONE (750 salariés, sous contrôle financier américain) vient enfin parachever la vague de licenciements retentissante de 1999 en annonçant, en décembre, la réorganisation de ses sites de production (centralisation d’activités, notamment des services commerciaux et des bureaux d’études, augmentation de la part de production délocalisée…) et donc la suppression de 157 emplois répartis sur ses 4 filiales.

Carte 1.3 Les sites touchés par la crise de 1999 (arrondissement de Cholet)

Source : Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais, 2004.

. Au total, 1 200 emplois sont détruits en moins d’un an dans la filière mode choletaise dont plus des ¾ dans un rayon de 20 kms. Le Choletais doit faire face à une crise sociale sans précédent. Comment expliquer la soudaineté de ces défaillances spectaculaires ?

Groupe SAC

(1 300 salariés, 560 millions de francs de CA en 1998) 386 suppressions d’emplois réparties sur 4 sites 8. SACAIR Saint-Macaire-en-

Mauges, 220 salariés en 1998 9. SACAIR Villedieu-la-Blouère,

110 salariés en 1998 (fermeture) 10. Dely Vieillevigne – 44 11. Rivabel Le Pallet – 44

(fermeture)

Groupe GEP-La FOURMI (1 000 salariés, 387 millions de francs de CA en 1998) 404 suppressions d’emplois réparties sur 4 sites 12. GEP Saint-Germain-sur- Moine, 476 salariés en 1998 13. La Fourmi La Jubaudière, 362 salariés en 1998 14. La Fourmi Jallais, 90 salariés en 1998 (fermeture) 15. La Sitac La Tessouale, 70 salariés (fermeture)

Groupe POLYGONE 157 suppressions d’emplois 16. Chéné-Pouplard Saint- Florent-le-Vieil, 200 salariés 17. Francelor Le Fuilet, 300 salariés 18. Chupin-Penot Le May-sur- Evre, 200 salariés 19. Chupin Penot La Tourlandry 20 salariés (fermeture) Hors carte : FRT La Ferté-Macé (61) 30 salariés (fermeture)

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Cholet

Ancenis

Loire-Atlantique

Vendée Deux-Sèvres

Maine-et-Loire

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§ 2 : Une réalité économique contrastée

Tragique sur le plan social, la situation s’avère en revanche plus contrastée au niveau économique car, si les géants locaux de la chaussure trébuchent, un certain nombre de PME, positionnées elles aussi sur des niches commerciales (la chaussure pour enfant notamment) résistent bien, affichant même des résultats très encourageants à la fin de l’année 1999. A tel point que le groupement patronal – comme d’ailleurs les syndicats – se refuse à tout bilan ou prise de position sectoriels.

« La situation des entreprises de la chaussure est excessivement contrastée. Certaines sont en difficulté, d’autres se portent bien. C’est pourquoi nous condamnons toute analyse ou discours sectoriels. On peut avoir un discours global à propos du coût du travail, des délocalisations ou de la concurrence des pays tiers, mais on ne peut pas tenir de discours global dès lors qu’on analyse la situation économique de l’entreprise. »1

Au-delà des facteurs structurels de mutation (concurrence des pays à bas salaire, consommation en baisse, pression sur les coûts, etc.) martelés dans le Choletais depuis près de 20 ans pour expliquer la baisse continue des effectifs dans le secteur mode, les premières analyses se sont donc focalisées sur les difficultés spécifiques des groupes défaillants. Obsession du gigantisme, erreurs stratégiques, rôle néfaste des financiers… Les critiques sont allées bon train. Il semble néanmoins acquis aujourd’hui que la chute de ces sociétés ait été effectivement précipitée par l’échec des stratégies de volume mises en œuvre au début des années 90. Les causes de cet échec apparaissent multiples. Les économies d’échelles en production se sont tout d’abord révélées limitées. A la différence de l’industrie lourde, les frais généraux dans la chaussure sont relativement faibles (à peine un tiers du prix de revient2) et les entrepreneurs n’ont que très peu misé sur la mise en synergie des marques et entreprises du même groupe. Autre difficulté soulignée notamment par F. Aggeri et F. Pallez3, les allongements de délais et surcoûts liés à une mauvaise maîtrise des processus de délocalisation (notamment du cycle logistique de retour de sous-traitance) et de montée en gammes (multiplication des références et complexification de la gestion de la production). Enfin, la réorganisation des entreprises achetées et leur redéploiement commercial se sont avérés quelque peu tardifs. Ces erreurs stratégiques semblent ainsi avoir eu raison, sur un temps très court, des groupes tout juste constitués, par ailleurs fragilisés financièrement par leurs dernières extensions.

1 Propos tenus par M. Browne de Kilmaine, délégué général du Groupement de l’industrie de la chaussure des Pays-de-la-Loire et vice-président de la fédération nationale, à l’occasion du MIDEC (salon professionnel) en septembre 1999. Source : Courrier de l’Ouest, Edition de Cholet, 21/09/1999. 2 La main d’œuvre et les matières premières en représentant les deux autres tiers. 3 F. Aggeri et F. Pallez, Gestion territoriale des mutations industrielles : Le cas du secteur de la chaussure dans le Choletais, art. cit. p. 47.

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Les analyses de portée stratégique ont quelque peu occulté, dans un premier temps, des facteurs conjoncturels défavorables au secteur dans son ensemble et pourtant non négligeables : le remboursement des aides Borotra – qui dans le Choletais a concerné une centaine d’entreprises pour des sommes allant, hors intérêts, de 60 000 à 6 millions de francs1 – et surtout les dévaluations monétaires successives opérées à la fin des années 90 par certains pays d’Europe du sud et d’Asie du sud-est à l’origine d’une intensification de la concurrence sur le marché français2. Quoiqu’il soit encore aujourd’hui difficile d’en mesurer l’impact, ces facteurs conjoncturels ont probablement participé à la chute des géants de la chaussure et, au-delà, affaiblit durablement l’ensemble du secteur.

En effet, l’année 1999 ne va pas constituer – comme tendaient à le prédire certaines analyses3 – une inflexion exceptionnelle (et ponctuelle) dans la courbe d’évolution des effectifs du secteur mode. Elle préfigure en fait une accélération durable du rythme des défaillances, fermetures d’entreprises et licenciements économiques. Près de 2 000 emplois vont ainsi être supprimés sur la période 2000-2004 qui voit disparaître les plus grosses entreprises du secteur, notamment dans la chaussure4. Véritable séisme social, cette année noire pour le Choletais va en revanche provoquer une prise de conscience des élus locaux qui s’emploient dès lors à mettre sur pied un véritable dispositif de crise à l’échelle du territoire.

1 Que ce soit dans le secteur de la chaussure ou de l’habillement, toutes les entreprises du Choletais ont bénéficié du Plan Borotra. Toutefois seules celles de plus de 50 salariés ont été contraintes de rembourser (accord entre la Commission Européenne et l’Etat français de mai 1999). Ce plan avait généré pour les entreprises choletaises des bonus allant de 60 000 à plus de 6 millions de francs, leur permettant d’afficher de légers excédents à la fin des exercices 97 et 98. Même étalé sur 3 ans, le remboursement des sommes perçues s’est révélé être une charge énorme – parfois même insurmontable – pour nombre d’entreprises du secteur. 2 Les dévaluations en Asie du sud-est sont liées à la crise asiatique de 1997, celles en Europe du sud (et notamment en Italie) sont purement compétitives dans un contexte monétaire précédant la mise en place de l’euro. Ces phénomènes monétaires ont provoqué un recul durable de la compétitivité des producteurs français sur le marché mondial et inévitablement une dégradation de leur part sur le marché intérieur français. 3 Parmi lesquelles le rapport du Cabinet LMA, Avenir de la filière mode dans le Choletais, novembre 1999. 4 Le groupe Polygone est démantelé peu de temps après l’annonce par la direction de son premier plan social, trois de ses filiales (sur quatre) disparaissent en 2001. La Fourmi et la Sacair (devenue Sacair. I) sont liquidées en 2002, l’entreprise Chupin-Penot, dernière filiale du groupe polygone, en 2003. Deux des sociétés restantes du groupe Pindière sont en redressement judiciaire depuis avril 2004, tout comme Gep reprise en 2000 par un groupe de financiers…

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CHAPITRE II L’ÉMERGENCE D’UNE RIPOSTE TERRITORIALE

Bien que les difficultés du secteur mode soient d’actualité dans le Choletais depuis plus de 20 ans, elles n’ont pas suscité, avant la fin des années 90, de mobilisation particulière des acteurs institutionnels et politiques locaux. Ainsi que le soulignent F. Aggeri et F. Pallez, des licenciements diffus par petits flux réguliers, la faible conflictualité sociale observée à ces occasions et surtout le contexte économique prospère de la région – le Choletais affiche l’un des taux de chômage les plus faibles en France (6 %)1 – ont contribué pendant des années à masquer l’importance de la crise et émoussé les velléités d’action de certains élus locaux2.

Dans ce contexte, les dépôts de bilan retentissants des groupes SAC et GEP-LA FOURMI

suscitent un véritable choc dans la région. La mobilisation sur le terrain est immédiate, très forte notamment chez les élus locaux. Des initiatives multiples vont être lancées, tant par les collectivités locales que par les services déconcentrés de l’Etat – chacun cherchant à marquer son engagement en faveur des industries de la mode – qui vont peu à peu prendre un sens global dans l’émergence d’un véritable projet de territoire.

Section 1 : Une mobilisation locale tous azimuts

L’intervention publique consécutive à la crise des industries de la mode tient plus, dans le Choletais, aux capacités de mobilisation collective démontrées par les élus locaux (pression politique) qu’à la combativité des salariés privés de leur emploi (pression de la rue). En termes sociaux, l’ampleur des licenciements n’a pas suscité en effet les réactions auxquelles on aurait pu s’attendre. Il n’y a guère eu de mouvements de masse ni de manifestations de force menaçant l’ordre public et la crise est restée de fait très peu médiatisée3.

1 De nombreux secteurs industriels se sont développés dans le Choletais dans les années 80-90 (notamment l’agroalimentaire avec l’implantation des groupes CHARAL et PASQUIER, mais aussi la plasturgie, le travail des métaux, l’électronique, etc.). Les créations d’emplois dans ces secteurs ont plus que compensé les pertes dans la mode et la situation globale sur le marché du travail durant toutes les années 90 est plutôt celle d’une pénurie de main d’œuvre. Les taux de chômage et d’activité sont ainsi restés relativement stables sur la période, malgré la baisse continue des effectifs dans le secteur mode. On a enregistré sur la période 1990/1998 des taux de chômage compris entre 5.5 et 7 % et des taux d’activité (population active/population âgée de 15 à 60 ans) compris entre 72 et 76 %. 2 F. Aggeri et F. Pallez, Gestion territoriale des mutations industrielles : Le cas du secteur de la chaussure dans le Choletais, art. cit. p. 50-51. 3 Cette faible conflictualité locale s’explique principalement par une faible influence des syndicats, un public rural, essentiellement féminin et traditionnellement peu enclin à la communication hors de son milieu, mais aussi par un certain fatalisme, un sentiment de lassitude et d’attentisme des salariés face à une crise de la mode qui dure depuis plus de vingt ans. Se référer à ce sujet à : F. Aggeri et F. Pallez, Gestion territoriale des mutations industrielles : Le cas du secteur de la chaussure dans le Choletais, art. cit. p. 49.

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En revanche, les élus locaux, acquis à l’idée de traiter le problème de manière globale, à l’échelle territoriale, vont faire preuve d’une grande force de persuasion politique, ralliant finalement à leur cause l’ensemble des acteurs politiques économiques et sociaux impliqués dans le développement du territoire.

§ 1 : Le cri d’alarme des élus locaux

La crise de 1999 va faire l’effet d’un véritable raz-de-marée politique au niveau local. Touchant l’un après l’autre les principaux berceaux de l’industrialisation choletaise (Saint-Macaire-en-Mauges, Saint-Germain-sur-Moine, Le May-sur-Evre), elle ravive les solidarités territoriales1 et suscite la création d’un front uni chez les élus de l’arrondissement. Devant l’impact social mais aussi territorial2 de la chute successive des groupes SAC et GEP-LA FOURMI, ceux-ci vont alors s’employer à relayer sur le terrain politique les organisations syndicales3, jouant à plein leur rôle de caisse de résonance auprès des instances supra-locales. Un large effort de sensibilisation à la cause des industries de la mode est lancé tous azimuts vers les assemblées départementale et régionale, le gouvernement et les services déconcentrés de l’Etat (sous-préfecture, SPE, etc.). Les élus locaux, très unis, multiplient les tribunes de presse et les entrevues à tout niveau. Ils organisent en parallèle des visites d’usines, des rencontres avec les chefs d’entreprises et les partenaires sociaux qui suscitent un intérêt réel chez les participants (surtout des conseillers généraux et régionaux). Ils cherchent ainsi à interpeller les pouvoirs publics sur les difficultés de reclassement particulières des salariés licenciés et sur les besoins de redynamisation économique du territoire.

Les licenciements ont donné lieu à la mise en œuvre, dans chaque entreprise concernée par un plan social, de la panoplie classique de mesures d’aide à la reconversion : cellule de reclassement, mesures d’âge (préretraites), conventions de conversion4, etc.

1 Produit d’une histoire, la solidarité territoriale est une valeur traditionnellement partagée par les élus du Choletais. Il est intéressant de constater à ce sujet que c’est précisément dans le Choletais, notamment dans les Mauges, qu’ont été créées les premières structures intercommunales (milieu des années 70 pour le Syndicat mixte du Pays des Mauges), structures qui bénéficient aujourd’hui d’un dynamisme remarquable et d’une légitimité incontestée. 2 Les suppressions d’emplois et fermetures d’usines représentent, au-delà de l’aspect social, une menace pour l’équilibre (économique, financier, démographique, etc.) du territoire. A titre d’exemple, la société La Fourmi représentait, en 1998 pour la commune de La Jubaudière, 80 % des bases de taxe professionnelle et 75 % des emplois salariés. Par ailleurs, près de 80 foyers sur les 400 que comptait alors la commune tiraient exclusivement leurs ressources de cette entreprise. 3 Notamment l’intersyndicale du groupe GEP-LA FOURMI qui va méticuleusement battre le terrain dans les mois qui suivent l’annonce du plan social et dont l’action a très certainement participé à l’attribution de fonds spéciaux pour la filière mode choletaise. 4 Conçue pour favoriser une reconversion rapide, cette mesure consiste en une prise en charge immédiate et individualisée du salarié licencié par les équipes techniques de reclassement (ETR) durant une période de 6 mois. Le contrat de travail est alors rompu mais le salarié n’est pas inscrit comme demandeur d’emploi. Il reçoit par ailleurs durant ces 6 mois une allocation spécifique, supérieure à l’allocation d’assurance chômage qu’il aurait touchée en n’adhérant pas à cette convention. Cette mesure a été supprimée dans le cadre de la mise en place du PARE en juillet 2001.

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Mais le profil et l’employabilité présumée du public laissent craindre une certaine insuffisance de ces mesures de droit commun cantonnées aux minima légaux1– comme c’est le cas quand l’Etat est contraint de se substituer à l’entreprise – et leur pouvoir limité sur les aspects de reconversion.

La question du réemploi des licenciés de la mode s’avère en effet quelque peu délicate. Il s’agit d’un public essentiellement féminin (70 % de femmes), plutôt âgé (45 ans de moyenne), faiblement qualifié, n’ayant souvent connu qu’une seule entreprise et qui plus est peu ou pas mobile. En outre, le déficit de reconnaissance sociale et professionnelle dont on a fait preuve à leur égard – le secteur de la mode entretient, au sus de tous, une culture du moindre coût, de la pression du rendement et du contrôle peu valorisante pour les salariés – renforce la segmentation du marché de l’emploi et "l’inavouable a priori qu’une piqueuse ne peut être que piqueuse"2.

Conscients du handicap que représentent de telles caractéristiques sur le marché du travail, les organisations syndicales et les élus locaux réclament donc le financement de mesures dérogatoires qui viendraient se surajouter aux dispositifs de droit commun : prolongement exceptionnel des cellules de reclassement, aides à la mobilité, aides à la formation, aides spécifiques pour les personnes les plus en difficulté… au-delà du traitement des facettes sociales de la crise, ils sollicitent en outre les moyens de soutenir l’évolution future de la filière mode et d’engager une démarche de diversification du tissu industriel choletais3.

§ 2 : Des initiatives multiples en ordre dispersé

Ces revendications vont être assez vite suivies d’effet. Car outre l’audience nationale dont bénéficient certains de ses élus locaux4, le Choletais a un atout de poids par rapport à d’autres zones confrontées à de telles crises industrielles : l’identification par l’ensemble des acteurs institutionnels, y compris les pouvoirs publics, d’un territoire d’action bien délimité géographiquement – il correspond, fait assez rare pour être signalé, à une circonscription administrative de l’Etat – et doté d’une identité forte forgée au cours de l’histoire.

1 Le législateur s’est attaché ces dernières années à encadrer la responsabilité des entreprises dans le traitement des conséquences sociales des licenciements économiques. Un contenu minimal a ainsi été fixé pour tout plan social. Lorsque la situation financière de l’entreprise ne lui permet pas d’assurer seule ces minima à ses ex-salariés – ce qui est le cas en ce qui nous concerne –, celle-ci bénéficie d’aides spécifiques accordées par la Direction du travail dans le cadre de conventions dites de coopération. L’Etat contribue ainsi pour tout ou partie d’un plan social dès lors réduit au minimum légal. 2 Expression de l’une de mes interlocutrices, consultante en reclassement. 3 A ce titre, les élus réclament notamment le rétablissement de la PAT (prime d’aménagement du territoire) et des fonds Feder, partiellement supprimés dans les Mauges au début de l’année 1999. 4 Monsieur De Charette, ancien ministre, député-maire de Saint-Florent-le-Vieil et vice-président du Conseil Régional des Pays-de-la-Loire au moment des faits, a notamment joué un rôle de premier ordre dans la médiatisation de la crise.

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Diverses initiatives vont ainsi être lancées dans le courant de l’année 1999 par des acteurs variés, agissant seuls ou de concert, en fonction de leurs moyens, attributions et compétences respectives. Une mission d’étude sur "l’avenir de la filière mode dans le Choletais" est confiée dès le mois de juin par les pouvoirs publics (cofinancement Etat, Région, Département) à un cabinet-conseil. Mais le dépôt de bilan retentissant du groupe GEP-LA FOURMI et les pressions diverses qui s’ensuivent hâtent encore le processus décisionnel : avant même que les conclusions de l’étude ne soient remises, les assemblées départementale et régionale actent leur soutien aux industries de la mode.

La Région des Pays-de-la-Loire est la première à s’engager en ce sens. Elle annonce à la mi-décembre, par la voix de Hervé de Charette, la mise en œuvre dans le Choletais d’un certain nombre de mesures à caractère industriel, mais aussi social, en faveur du secteur mode dont le coût est évalué sur trois ans à 18 millions de francs. Parmi celles-ci : un programme de communication à l’international, une mission de veille stratégique commerciale et technologique, et la création, en partenariat avec la BDPME (Banque du développement des PME), d’un fonds de garantie sectoriel pour le pan industriel ; la constitution d’un "fonds d’aide au reclassement"1 (700 000 francs) pour le pan social. Quelques jours plus tard, le Département du Maine-et-Loire, s’alignant sur le plan d’action régional, annonce le vote d’une nouvelle enveloppe de 700 000 francs "dédiée au reclassement des licenciés de la mode du Choletais".

Dans le même temps, les services de l’Etat, tout autant interpellés que les collectivités locales par leur environnement institutionnel et civil, travaillent chacun à leur niveau, à la recherche de solutions innovantes pouvant venir compléter tant en matière économique que sociale les dispositifs préexistants. Le Service public de l’emploi (DDTEFP, AFPA, ANPE) affiche ainsi sa volonté d’aller plus loin dans le processus de reclassement des salariés et la DRIRE engage, dans le cadre du contrat de plan Etat-Région 2000-2006, un dispositif de soutien aux industries de la mode. Enfin, au niveau national cette fois, le ministère de l’Industrie confie à la SODIE2 une mission de réindustrialisation du bassin choletais (objectif de 900 emplois programmés sur la période 2000-2004 par soutien au développement industriel endogène et exogène).

1 Les affectations précises de ce "fonds d’aide au reclassement" n’ont été réellement envisagées que dans un second temps ce qui a conduit notamment à une certaine confusion quant aux destinataires de ces aides. Initialement prévues, semble-t’ il, pour les salariés du groupe GEP-LA FOURMI, elles ont été étendues par la suite à l’ensemble des licenciés du secteur mode. 2 La Sodie est historiquement la filiale d’Usinor créée pour gérer ses propres problèmes de reconversion. Elle est aujourd’hui devenue la plus grosse société de reconversion industrielle française et l’auxiliaire de l’Etat en matière de réindustrialisation.

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Section 2 : Une stratégie durable de reconversion territoriale

Face à cette mobilisation collective, l’impression dominante est celle d’un morcellement des mesures, d’un empilement des moyens, d’une concertation lacunaire voire d’une certaine concurrence entre les acteurs du territoire. Les initiatives mentionnées précédemment ont effectivement été lancées sans réelle coordination, chacun cherchant en premier lieu à indiquer son implication et son engagement dans la crise des industries de la mode. Mais derrière cette panoplie de mesures hétéroclites, une démarche plus globale et concertée va peu à peu se profiler sous la houlette du comité de pilotage "pour le développement de l’économie choletaise", une instance de travail informelle et multilatérale créée au début de l’année 2000.

§ 1 : Le Comité de pilotage pour le développement de l’économie choletaise

L’idée de la création d’un tel groupe de travail, ou "groupe de suivi", a été émise par plusieurs acteurs politiques locaux dès la fin de l’année 1999, afin notamment de "gérer au mieux l’affectation des fonds régionaux et départementaux dédiés au reclassement des salariés victimes de la crise"1. Mais des conflits d’intérêt et (ou ?) des clivages institutionnels ont, semble-t-il, entravé les premières initiatives en ce sens. Et ce n’est qu’au printemps de l’année 2000, sous l’égide du sous-préfet de Cholet2, qu’émerge un véritable groupe de travail élargi, au-delà des acteurs politiques, à l’ensemble des institutions impliquées dans le développement du territoire : services déconcentrés de l’Etat (SPE, DRIRE, SGAR), services techniques des collectivités locales (Communauté d’agglomération de Cholet, Communautés de communes), chambres consulaires, comité d’expansion économique, etc.3. Une quarantaine de personnes au total, dont une forte proportion d’élus, composent ainsi ce comité établi officiellement en avril 2000 et coprésidé par l’Etat (représenté par la préfecture ou sous-préfecture), la Région et le Département.

Conçu dans un premier temps comme une cellule de crise affectée à la mise en œuvre de réponses adaptées aux besoins ponctuels du territoire, ce comité va prendre peu à peu la forme d’une instance durable de concertation et d’action collective dédiée à l’amélioration de

1 Propos du président du Syndicat mixte du Pays des Mauges retranscrits dans la presse locale à la fin du mois de décembre 1999. 2 L’émergence d’un leader (chef de projet) est une difficulté récurrente dans la mise en œuvre des projets de territoire car il n’est pas à ce niveau – notamment quand des moyens multipartites sont mobilisés sans qu’il n’y ait prépondérance de l’un des partenaires – d’autorité naturelle incontestable qui puisse d’emblée prendre en main la situation et coordonner l’ensemble des travaux. La position de neutralité de la préfecture et les capacités de médiation personnelle du sous-préfet semblent, dans le cas choletais, s’être révélées déterminantes pour dépasser les conflits d’intérêt, assurer la constitution et la cohésion de ce groupe de travail. 3 Notons l’absence, caractéristique en France, des organisations syndicales qui ont pourtant, pour certaines, témoigné à plusieurs reprises leur volonté d’être associées à ce comité.

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la situation de l’emploi et nécessairement au développement territorial. Il s’apparente ainsi, à de multiples égards, aux comités de bassin d’emploi1.

Ce comité s’est constitué progressivement autour de trois logiques d’action principales :

• la stimulation d’une vision partagée du territoire et de ses besoins : phase permanente du diagnostic local où il s’agit de rassembler les éléments d’information disponibles et d’approfondir ces données en partenariat afin que les projets de territoire se construisent de façon concertée.

• la mise en cohérence – par intégration dans une stratégie globale de reconversion territoriale – des initiatives lancées et conduites par des acteurs variés et soucieux de leurs prérogatives : élaboration d’un "plan d’action pour le développement de l’économie choletaise" qui met en commun les ressources, expériences et compétences de chacun à travers un système complexe de "bricolage institutionnel".

• l’évaluation de ces initiatives au regard de l’évolution de la situation de l’emploi sur le bassin local.

Dépassant la simple logique de réparation à court terme au profit d’un schéma global de développement territorial, ce comité rétablit ainsi une vision intégrée et prospective qui semble nécessaire au traitement des situations de mutation économique.

§ 2 : Le plan d’action pour le développement de l’économie choletaise

Le plan d’action global mis en œuvre par ce comité, en réponse, à la crise de la filière mode, est rendu public au cours de l’année 2000. Il s’articule autour de deux volets : l’un, économique, visant au soutien des industries de la mode et à la diversification du tissu industriel choletais ; l’autre, social, destiné à favoriser le reclassement des salariés victimes de la crise.

Ce plan, largement inspiré des préconisations du cabinet-conseil missionné par les pouvoirs publics, intègre dans un souci de cohérence les différentes initiatives lancées individuellement (sans coordination) lors de la période paroxystique de la crise, à la fin de l’année 1999. Sa mise en oeuvre relève ainsi, en fonction des actions, de l’Etat, des collectivités locales, d’organismes spécialisés (publics ou privés) voire de dispositifs ad hoc spécialement créés pour l’occasion. Le Comité de pilotage se charge quant à lui de la désignation des responsables de projet, du plan de financement des opérations, de leur suivi et évaluation.

1 S’il existait de longue date dans le Choletais de nombreux réseaux informels entre les acteurs du développement territorial, aucune instance ne les avait tous réunis autour d’une même table avant l’année 2000. C’est selon plusieurs de mes interlocuteurs, le principal mérite du Comité de pilotage de l’économie choletaise.

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A - Le volet économique

Le premier axe économique décliné par ce plan d’action, le "soutien local aux adaptations des industries de la mode"1, vise essentiellement, au-delà des mesures relevant du dispositif régional (contrats d’appui à la performance, création d’un fonds de garantie, etc.), à promouvoir et renforcer le système productif localisé des industries de la mode2. Les actions mises en œuvre dans ce cadre sont orientées vers les pratiques marketing, l’organisation de la filière (travaux actuels autour d’un "pôle enfant"), l’innovation (adoption de nouvelles technologies informatiques pour la découpe des tissus, recherche en collaboration avec l’INRA sur de nouvelles fibres, etc.) avec, toujours, le souci de susciter des coopérations entre les entreprises du secteur et de stimuler l’émergence d’idées nouvelles. La "diversification du tissu industriel choletais" est le second axe économique de ce plan d’action. Il vise à favoriser, par la conjonction des efforts de l’ensemble des partenaires, le soutien aux projets de développement endogènes ou exogènes des entreprises. Diverses actions sont menées en ce sens depuis 2000 qui concernent à la fois le développement et l’amélioration des infrastructures d’accueil (immobilier industriel, réseau haut-débit, etc.), la prospection pour la création d’activités nouvelles – la mission de la SODIE se situe dans ce cadre – et la promotion du territoire.

B - Le volet social

Le volet social de ce plan d’action vise enfin à "favoriser un reclassement pérenne et rapide des salariés licenciés des industries de la mode, notamment vers des secteurs déficitaires en main d’œuvre". Sa mise en œuvre est confiée au SPE qui lance, avec les concours financiers de l’Etat, de la Région et du Département3, un dispositif original et inédit, modelé sur le contexte et les enjeux locaux : la Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais. Initialement conçue comme un sous-système temporaire du Comité de pilotage de l’économie choletaise, celle-ci va s’imposer au fil des années dans le paysage institutionnel local au point de symboliser à elle seule – y compris, et peut être surtout au niveau national – l’investissement et le succès des acteurs Choletais dans la gestion de la mutation industrielle à l’œuvre sur leur territoire4. 1 Les conclusions de l’étude sur "l’avenir de la filière mode dans le Choletais" ont largement attiré l’attention des acteurs locaux sur la nécessité, pour les entreprises du secteur mode, de "s’adapter pour survivre", en évitant la compétition par les prix au profit de stratégies fondées sur de nouvelles variables (distribution, marketing, innovation, etc.). Cabinet LMA, Avenir de la filière mode dans le Choletais, rapport d’étude, novembre 1999. 2 Le SPL des industries de la mode a été créé avant même le déclenchement de la crise, en 1998, sous l’égide de la CCI de Cholet (aujourd’hui maître-d’œuvre). Labellisé dès sa première année, il donne lieu depuis à des financements de la Région et de la DATAR. 3 Le dispositif est financé à parts égales par l’Etat, le Conseil Régional et le Conseil Général. Une convention-cadre en précise la répartition prestation par prestation (voir annexe 1). Au-delà des frais de fonctionnement du dispositif, les collectivités territoriales ont en outre mis en place des formules d’aide à la formation et à la mobilité à destination des licenciés de la filière mode choletaise. 4 Les confusions relatives à l’identité et aux champs d’intervention respectifs du Comité de pilotage de l’économie choletaise et de la Plate-forme de reconversion semblent relativement courantes…y compris dans la presse locale !

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CHAPITRE III L’INVENTION DE NOUVEAUX MODES D’ACTION DANS LE CHAMP DU RECLASSEMENT ET DE LA RECONVERSION PROFESSIONNELLE

Le dispositif territorial mis en œuvre dans le Choletais en réponse à la crise des industries de la mode constitue une véritable innovation dans le champ du reclassement et de la reconversion professionnelle. Car l’Etat, quoique de plus en plus en retrait, est encore l’opérateur central en la matière et, quand les acteurs locaux cherchent à s’associer à son action, c’est plutôt à travers une mobilisation des réseaux de développement économique autour du bassin et des activités touchés par les restructurations en cours. En matière sociale, rien ne prévoit ni n’organise alors une quelconque mobilisation territoriale. Tout reste à inventer. "On est parti de rien" explique ainsi Pierre Emeriau, co-animateur du dispositif, "on a tout inventé de toute pièce sans avoir ni bornes ni filet de sécurité. Et puis ça s’est fait en marchant, petit à petit, par tâtonnements, chacun détenant en fait une partie de la réponse…"

La Plate-forme de reconversion des industries de la mode doit être appréhendée ainsi comme le fruit d’un mélange éclectique entre opportunité et inventivité, conçu puis porté par un petit nombre d’acteurs dotés d’un double professionnalisme, social et territorial. Les principes généraux de fonctionnement ont dans un premier temps été fixés par les partenaires institutionnels, réunis autour des services publics de l’emploi, avant d’être adaptés et enrichis sur le terrain par l’équipe chargée de l’animation du dispositif.

Section 1 : Le cadre général d’intervention

Le dispositif a été conçu par le SPE dans une logique de subsidiarité vis-à-vis des dispositifs de droit commun. Car si ces derniers ont le mérite de fournir un cadre de base au traitement social des restructurations, ils présentent un certain nombre de limites liées notamment à l’absence d'ajustement contextuel des mesures. Il n’est ainsi tenu compte ni du profil général des salariés licenciés, ni de la problématique propre au territoire touché par la restructuration (dans le cas qui nous intéresse ici, la reconversion). Il s’agissait donc pour les partenaires choletais, liés par une forte attente sociale, d’aller plus loin dans le processus de reclassement de la population mode, de faire du sur-mesure sans pour autant réduire l’autonomie et les prérogatives des opérateurs déjà présents sur le terrain.

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§ 1 : Sens et enjeux du dispositif

"On a cherché à mettre au point une solution de bon sens qui colle au contexte et réponde aux besoins spécifiques du public licencié et du territoire. Les données fines du problème étaient ici, si j’ose dire, relativement simples : on avait d’un côté un excédent de main d’œuvre, structurel, dans la chaussure et le textile, de l’autre un déficit de main d’œuvre réel dans certains secteurs comme l’agroalimentaire […], la mécanique, la logistique1, etc. Il s’agissait donc de favoriser un transfert entre ces secteurs excédentaires et déficitaires au niveau du bassin d’emploi."2

Tel est effectivement le sens général et premier de la mission de la Plate-forme du Choletais qui transparaît ainsi en tant que tel dans la convention-cadre actant la création du dispositif3. Le principe, caractéristique des zones en mutation, est simple : rapprocher l’offre et la demande sur le marché du travail local. Mais l’enjeu, en revanche, est de taille tant l’écart entre qualifications acquises et qualifications requises semble important et les compétences de la population-mode, pointues et spécifiques au secteur, difficiles à valoriser sur le bassin local. En outre, un certain nombre de freins existent de part et d’autre.

Côté employeurs, tout d’abord, le secteur mode, traditionnellement peu enclin à la communication hors de son milieu et refermé sur lui-même, souffre d’une image peu favorable qui n’est pas sans entacher les représentations collectives liées aux compétences du personnel issu de ce secteur. Conséquence directe : le sentiment le plus communément partagé, notamment dans les secteurs typiquement masculins (construction navale, mécanique générale, etc.) est celui d’une quasi inemployabilité de la population mode.

Côté candidats, ensuite, l’âge élevé du public concerné (45 ans de moyenne) associé à une forte ancienneté, des qualifications et une culture spécifiques à la filière (voir graphiques 1.2 et 1.3 page suivante) induisent un certain nombre de réticences à admettre et vivre une reconversion subie : sentiment d’incapacité – le récurrent "je ne saurai jamais rien faire d’autre…"– lié à un déficit évident de reconnaissance professionnelle de leur secteur d’origine, blocages culturels liés aux représentations du changement et aux bouleversements des habitudes professionnelles mais aussi sociales induites par une réorientation, freins à l’entrée dans un dispositif formatif4, etc.

1 Le bassin choletais a vu se développer ces dernières années de nouvelles activités fortement créatrices d’emplois qui ont en partie compensé les pertes récurrentes du secteur mode (voir supra). Le cas de l’essor des métiers de la logistique est à mettre en perspective dans la mesure où il apparaît (en partie) lié aux délocalisations de la production dans le secteur mode. Le recours à la sous-traitance étrangère s’est en effet traduit pour l’ensemble des entreprises du secteur par le déploiement d’importants moyens logistiques (implantation de plate-formes de stockage notamment) dans la mesure où les industriels locaux ont systématiquement fait le choix de rapatrier et stocker leur production en France. 2 Propos de l’un des partenaires institutionnels associés à la mise en œuvre du dispositif. 3 Convention-cadre, article 1, alinéa 1 (voir annexe 1). 4 La formation représente pour un tel public un monde dont le système de valeurs lui est totalement étranger et qui l’inquiète. Les salariés n’en ont pour la plupart qu’une faible expérience, d’adaptation au poste de travail – la formation continue est on ne peut plus limitée dans la filière mode – et d’apprentissage scolaire. La formation en centre est ainsi perçue par eux comme un "retour à l’école" vécu comme une déqualification et s’opposant de fait à un retour à l’emploi.

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Graphique 1.2 Ancienneté des licenciés de la mode (dans leur entreprise d’origine)

Graphique 1.3 Niveau de qualification des licenciés de la mode

Données établies à partir d’un échantillon représentatif de 300 personnes Source : Plate-forme de reconversion professionnelle des industries de la mode du Choletais, 2004

Ces enjeux, face auxquels les dispositifs et mesures de droit commun s’avèrent traditionnellement peu adaptés dans les faits, ou tout au moins insuffisants1, constituent le socle de la mission de la Plate-forme du Choletais. Cette structure a ainsi été conçue comme une structure pilote, d’intermédiation sur le marché du travail local, destinée à relayer les dispositifs de droit commun, et notamment les cellules de reclassement, sur le champ exclusif de la reconversion professionnelle2.

§ 2 : Mission et principes de fonctionnement du dispositif

La mission de la Plate-forme est précisée dans la convention-cadre actant sa mise en œuvre. Il s’agit de "construire des parcours de formation spécifiques, adaptés aux besoins des entreprises, à partir de l’évaluation des compétences transférables des salariés licenciés et de l’analyse des postes de travail correspondant aux emplois déficitaires identifiés"3. Celle-ci n’a donc pas vocation à recevoir individuellement les salariés licenciés qui, selon la procédure classique et dans le respect du principe de subsidiarité instauré par les initiateurs du dispositif, sont suivis par les cellules de reclassement4 et les services compétents

1 Parmi les difficultés communément identifiées : un accompagnement des cellules de reclassement limité à 9 mois et donc souvent insuffisant pour mener à terme un projet de reconversion professionnelle ; et surtout des conditions d’accès extrêmement réductrices aux financements de formations dans le cadre des dispositifs de droit commun (80 % de rejets de dossiers dans le cadre Assedic/Région). 2 Il est nécessaire pour la bonne compréhension de la suite de cette étude de distinguer dans la forme reconversion professionnelle et reclassement. Les deux termes renvoient l’un et l’autre à la sanction d’un processus de transition professionnelle pour un individu privé de son emploi. Mais contrairement au reclassement, entendu ici au sens général de "retour à l’emploi", la reconversion traduit une réorientation professionnelle (changement de métier) impliquant généralement le suivi préalable d’une formation qualifiante. Se référer pour plus de précisions sur le sujet à : M-C. Villeval, Mutations industrielles et reconversion des salariés, Paris, L’Harmattan, 1992, pp. 287-291. 3 Convention-cadre, article 1, alinéa 2 (voir annexe 1). 4 Le rôle d’une cellule de reclassement consiste à accompagner au quotidien les salariés licenciés dans leurs recherches d’emploi (bilan personnel, définition d’un projet professionnel, initiation aux techniques de recherche d’emploi, mises en relation, etc.), à les épauler dans leurs démarches administratives et enfin à organiser sur le bassin local une prospection ciblée sur des offres concordant à leurs compétences, attentes et contraintes personnelles (notamment les problèmes de mobilité géographique). Un comité de suivi rassemblant, selon les configurations, la DDTEFP, la direction de l’entreprise (ou le mandataire judiciaire), les représentants du personnel et l’ASSEDIC est organisé toutes les 5 à 6 semaines durant les 9 mois d’intervention de la cellule.

21,7% 30,5% 32,5% 15,3%

26,5% 31,9% 29,6% 12%

20,0% 30,0% 33,5% 16,5%Femmes

Hommes

Ensemble

- 10 ans 10-20 ans 21-30 ans + 30 ans

58% 34% 8%

52% 37% 11%

60% 33% 7%Femmes

Hommes

Ensemble

Fin scolarité obligatoire CAP-BEP Bac et +

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de l’ANPE. Elle travaille en revanche en étroite collaboration avec ces organismes, intervenant notamment en appui sur toutes les questions relatives à la mise en œuvre d’actions de reconversion (validation de projet, construction de parcours de formation spécifiques, etc.). Sa mission se situe en fait plus en amont, essentiellement axée sur des problématiques d’ajustement de compétences, de requalification, de trajectoires professionnelles, etc. Elle se décline en filigrane dans le texte fondateur, la convention-cadre, en trois axes principaux : repérage et analyse des besoins de main d’œuvre dans les secteurs en tension, évaluation des compétences et habiletés transférables de la population mode, enfin construction et ingénierie globale des parcours de reconversion, ce pour quoi elle dispose de fonds spécifiques d’aide à la formation et à la mobilité apportés par la Région et le Département1.

Délégataire de cette mission, la Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais apparaît sous la forme d’une structure atypique, sans statut, existence juridique ou ligne budgétaire propres, tenant de fait plus du "groupe projet", tel un sous-système du Comité de pilotage pour le développement de l’économie choletaise. Deux professionnels des services publics de l’emploi y sont affectés. Détachés l’un par l’ANPE (à temps complet), l’autre par l’AFPA (à temps partiel), ils bénéficient d’une totale autonomie d’action pour conduire l’expérimentation sous la responsabilité de la Direction du Travail. "On a surtout voulu éviter de monter une usine à gaz comme il en existe tant d’autres", explique ainsi l’un des partenaires institutionnels associés à la mise en œuvre du dispositif. "Nous, on voulait une structure souple, informelle, avec de grandes marges de manœuvre et qui échappe, pour plus de réactivité, à la rationalité et au formalisme administratif."

Subsidiarité – "la Plate-forme est un plus, pas une base"2 – ,autonomie, et souplesse d’action, tels sont les grands principes de fonctionnement définis par les initiateurs du dispositif. La ligne stratégique affichée n’est pas ainsi de faire plus, mais bien de faire mieux, en mutualisant moyens et compétences, en remédiant aux défauts d’ajustement entre outils et dispositifs, en incitant enfin à une plus forte concertation entre les différents acteurs impliqués dans le champ du reclassement, de la formation et la reconversion professionnelle.

1 La Région des Pays-de-la-Loire s’est engagée à prendre en charge les frais de formation non couverts par les dispositions de droit commun, quels que soient le type et le coût du cursus envisagé si celui-ci est préalablement validé par la Plate-forme. Cela assure donc aux licenciés de la mode la gratuité de l’accès à tout parcours de reconversion. Le Département du Maine-et-Loire a pour sa part mis en place une formule d’aide à la mobilité géographique pour les personnes acceptant un poste à plus de 20 kms de leur domicile, de même que pour certains stagiaires de formation professionnelle. Ces aides – dont les modalités concrètes figurent en annexe de la convention cadre – constituent les principales affectations des enveloppes de 700 000 francs chacune votées à la fin de l’année 1999 par le Conseil Régional et le Conseil Général (cf. supra). 2 Formule de l’un des partenaires institutionnels associés à la mise en œuvre du dispositif.

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Section 2 : Les modalités concrètes d’intervention

Au-delà de ce cadre général d’intervention (objectif et principes de fonctionnement), les modalités concrètes d’action sur le terrain restaient à la libre appréciation des deux professionnels désignés pour mettre en œuvre le dispositif. Aucun cahier des charges précis ne leur a en effet été remis quant à la manière dont ils devaient coordonner leur action au quotidien avec les cellules de reclassement, les entreprises, les partenaires financiers, etc1.

Au fil du temps et des expériences singulières sur le terrain, ils ont donc dû définir ensemble des pratiques et modes de fonctionnement spécifiques. Ils ont notamment clarifié leurs champs d’intervention respectifs – prospection entreprise et relations partenariales (Assedic, Région, Département, etc.) pour le conseiller ANPE ; validation et construction des cursus de reconversion via formation qualifiante pour le psychologue de l’AFPA – et formalisé leurs relations avec l’environnement civil et institutionnel local2. Très vite enfin, quoique cela n’ait pas été fixé initialement, ils se sont imposés naturellement comme les animateurs/coordinateurs du réseau de partenaires locaux impliqués dans le reclassement de la population mode.

§ 1 : Un rôle d’intermédiation sur le marché du travail local

Dans le cadre de leur mission première, "d’intermédiation sur le marché du travail" (cf. supra), les animateurs de la Plate-forme ont développé une méthode globale de rapprochement de l’offre et la demande qui rappelle à bien des égards la méthode IOD (Intervention sur l’offre et la demande)3. Celle-ci se décline concrètement par des actions ciblées en direction des entreprises locales, principalement celles en tension sur la problématique recrutement, et en direction des salariés licenciés des industries de la mode4.

1 Des fiches de poste existent aujourd’hui mais elles ont été conçues plus d’un an après la mise en place du dispositif et sur la base du contenu préalablement défini par ses deux animateurs. 2 On retrouve ici des caractéristiques communes à beaucoup de ces dispositifs ad-hoc créés par les pouvoirs publics : absence de formalisation initiale des actions à mettre en œuvre, importance du rôle et de la personnalité des individus porteurs de l’expérience dans la définition des sens, orientation et contenu du dispositif. Il semble intéressant de préciser à ce sujet que Pierre Emeriau, avant d’être conseiller ANPE, a exercé durant plusieurs années le métier de commercial dont il a gardé une grande aisance relationnelle et le goût du contact direct avec les industriels. 3 La méthode IOD part du principe que l’employabilité (à fortiori la reconvertibilité) ne renvoie pas seulement aux caractéristiques, profil ou compétences des candidats mais également aux critères et pratiques d’embauche des entreprises qui débouchent sur une stigmatisation et une exclusion de certains publics du marché du travail. Dans ce cadre d’analyse, l’employabilité n’est donc pas seulement l’affaire du candidat mais aussi celle de l’employeur, d’où la nécessité de mener conjointement des actions ciblées en direction de l’un et de l’autre : travail sur compétences avec le candidat à l’embauche, travail sur pratiques de recrutement et représentations culturelles avec l’employeur. 4 Ces dernières actions sont menées en étroite collaboration avec les cellules de reclassement qui, y compris en matière d’évaluation et de définition des parcours de formation, restent les interlocuteurs principaux des salariés licenciés.

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A – Actions en direction des entreprises

"Notre rôle, explique Pierre Emeriau, c’est d’apporter de nouvelles pistes de reclassement aux salariés. En terme de prospection, les cellules partent des envies et des contraintes des candidats, nous, on a la démarche inverse, on part des besoins des entreprises du bassin."

Les partenariats établis avec les différents acteurs économiques du territoire (Comité d’expansion, CCI, etc.) permettent à la Plate-forme d’exercer une veille permanente sur le bassin d’emploi : identification des secteurs ou emplois en développement (ou inversement en recul1), détection des projets de création d’entreprise, repérage des secteurs en tension sur la problématique recrutement, etc. Ces informations orientent les actions de prospection en entreprise menées par le conseiller ANPE. Aucun secteur d’activité n’est a priori écarté sur la base d’une inadaptabilité présumée de la population mode. Car ainsi que l’explique Pierre Emeriau, une visite sur site, un échange avec l’entrepreneur peut permettre dans certaines occasions de recadrer des exigences infondées voire de faire émerger des besoins en personnel durables, profitables à l’entreprise et non identifiés par elle jusqu’alors2. Chaque visite donne lieu à un examen attentif des postes à pourvoir – analyse des gestes professionnels mis en œuvre, des compétences3 requises et des modalités d’adaptation au poste de travail – de manière à évaluer rapidement le potentiel d’adéquation entre les exigences du poste et le profil des candidats à la reconversion.

C’est aussi l’occasion pour les animateurs de la Plate-forme de sensibiliser les employeurs aux habiletés et savoir-faire transférables de la population mode et notamment des femmes (cadences horaires, méthodes de travail, rigueur et précision, etc.). Il s’agit bien là de faire sauter les résistances éventuelles à l’intégration de nouveaux publics et profils professionnels, de "convaincre qu’une piqueuse de 50 ans peut devenir une excellente ouvrière en mécanique"4. Pour lever les ultimes réticences, la Plate-forme dispose de la palette classique des mesures d’accompagnement à l’embauche parmi lesquelles l’essai en milieu de travail – au terme duquel l’employeur évalue lui même le candidat – et l’action de formation préalable à l’embauche (AFPE) négociées au cas par cas avec chaque entreprise. 1 Une analyse prospective sur les besoins en personnel, à court et moyen terme, des entreprises de transport vient par exemple d’être lancée à l’initiative de la Plate-forme. Celle-ci craint en effet une prochaine baisse d’activité dans ce secteur qui attire un grand nombre de candidats à la reconversion (le transport routier est depuis 2000 le premier secteur de reconversion chez les hommes licenciés des industries de la mode). 2 Un exemple est fréquemment cité par la Plate-forme pour justifier une telle pratique. Lors de la visite d’une entreprise qui recherchait un menuisier qualifié, l’un des animateurs Plate-forme a appris en discutant avec un employé occupé à des tâches subalternes que ce dernier était menuisier. La solution a été alors proposée à l‘entreprise de confier le poste vacant – après une période d’adaptation et de remise à niveau –à cet employé et de trouver un candidat pour occuper son poste, plus accessible pour un public en reconversion. 3 On retiendra pour ce terme la définition de l’ADEP selon laquelle une compétence professionnelle englobe non seulement la capacité requise pour l’exercice d’une activité professionnelle, mais encore l’ensemble des comportements et facultés d’analyse, de prise de décision et de transmission d’information nécessaires pour la totale maîtrise de l’activité. Une compétence correspond donc à un savoir-faire en situation, relatif à une situation déterminée. 4 Formule de Pierre Emeriau qui s’appuie entre autre sur l’exemple des chantiers navals Jeanneau en Vendée qui embauchent régulièrement des femmes issues du secteur de l’habillement, leur habileté à lire un patron les aidant à lire les plans de fabrication de bateaux.

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Les offres ainsi collectées par la Plate-forme sont ensuite transmises aux cellules de reclassement présentes sur le bassin. Celles-ci se chargent de repérer parmi leurs candidats les profils susceptibles de correspondre aux exigences des postes, effectuent les mises en relation, étudient l’opportunité d’une période d’adaptation ou d’un plan de formation1.

B – Actions en direction des licenciés de la mode

La Plate-forme n’a qu’un rôle secondaire vis-à-vis des salariés licenciés de la mode qui sont, on l’a vu, suivis et accompagnés au quotidien dans leurs recherches d’emploi par les cellules de reclassement. Elle a néanmoins développé, en étroite collaboration avec les cellules – le but étant d’apporter un plus et d’éviter les surenchères – des actions ciblées de reconversion leur étant destinées. La première d’entre elles est une action d’information et de sensibilisation relatives aux possibilités et au potentiel de reconversion de la population mode vers de nouveaux secteurs d’activité. "Il s’agit à la fois, détaille Pierre Emeriau, de les revaloriser sur le marché du travail, de leur faire prendre conscience de leur compétences et potentiel d’avenir professionnel et de lever des résistances relatives à certains métiers porteurs mais qui véhiculent une image négative liée à l’activité [l’agroalimentaire notamment] ou aux conditions de travail [travail en équipe, travail de nuit, etc.]". Différentes pratiques ont été développées dans ce but par la Plate-forme et les cellules de reclassement : bilans de compétences, visites d’entreprises avec les candidats, informations collectives sur un secteur d’activité ou une entreprise, témoignages de reconversion réussie par d’anciens salariés de la mode2, etc. Des outils comme l’évaluation en milieu de travail prennent là encore tout leur sens dans la mesure où ils permettent aux candidats de découvrir de nouveaux postes de travail, de s’ouvrir de nouvelles pistes de reclassement en même temps qu’ils lèvent un certain nombre de représentations et résistances au changement. Ce premier type d’intervention vise essentiellement à susciter chez les licenciés de la mode des projets de réorientation professionnelle. Mais le gros de l’action Plate-forme à leur égard se situe plus en aval, quand de tels projets nécessitent, pour atteindre l’objectif emploi, le suivi préalable d’un cursus de formation.

La Plate-forme, en la personne du psychologue de l’AFPA, prend alors le relais de la cellule de reclassement3. Le travail engagé avec le candidat n’est pas centré sur l’analyse de la transférabilité de ses compétences vers d’autres secteurs mais bien plutôt sur ses capacités d’adaptation face à de nouveaux référents, tant sur les plans professionnel (contenu de l’emploi, conditions de travail, culture d’entreprise) que social et familial (habitudes et mode

1 Lorsqu’un besoin de formation (remise à niveau, élargissement de compétences, requalification) est détecté par une cellule, celle-ci renvoie systématiquement le candidat concerné vers la Plate-forme, opérateur référent en la matière (cf. infra). 2 Ces pratiques sont couramment mises en oeuvre par les cellules de la reclassement. Néanmoins, la Plate-forme est amenée à jouer un rôle de coordination entre cellules, intervenant notamment sur d’importantes actions d’information collective auxquelles participent toutes les cellules présentes sur le bassin. L’exemple le plus représentatif est l’information collective organisée sur la société Vuitton (maroquinerie de luxe) suite à l’ouverture par cette dernière d’un nouveau site de production aux Essarts en Vendée. 3 Quel que soit le cadre (reconversion ou non) et le type de formation envisagé (remise à niveau, élargissement de compétences, requalification), toutes les demandes sont validées en dernier lieu par la Plate-forme.

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de vie hors-entreprise). Concrètement, cet appui à la reconversion débute par l’évaluation de la pertinence et l’opportunité du projet au regard du profil du candidat et, le cas échéant, de la situation sur le marché de l’emploi local1. Suit une analyse plus approfondie de l’écart entre les compétences du candidat et celles requises pour occuper le poste visé qui débouche sur la construction d’un parcours de formation sur-mesure, ajusté aux besoins réels du candidat et de l’entreprise2 (si celle-ci est connue). La Plate-forme se charge enfin de monter l’ensemble des dossiers de financement en lien avec les centres de formation et les partenaires financiers, ASSEDIC et Conseil Régional. Cette ingénierie financière et administrative globale, qui nécessite une bonne maîtrise des multiples aides mobilisables, a permis notamment de raccourcir de manière importante les délais d’instruction, de décision et d’entrée en formation des candidats.

§ 2 : Un rôle de coordination et d’animation du réseau partenarial

Les cadrages initiaux négociés par le SPE avec les opérateurs locaux se sont enrichis dans le temps d’une relation de confiance qui s’est construite sur la reconnaissance des compétences des acteurs de la Plate-forme. Et naturellement, ceux-ci ont vu leur mission première évoluer progressivement – le temps pour chacun de trouver ses marques dans un paysage institutionnel bouleversé – vers l’animation-coordination du groupe de partenaires publics et privés impliqués localement dans le reclassement de la population mode.

Très vite, dans le cadre de sa mission d’intermédiation sur le marché du travail, la Plate-forme s’est en effet heurtée à un déficit de concertation et de coordination entre les différents opérateurs agissant sur le terrain3, d’autant plus importante et dommageable qu’à tout instant entre cinq et six cellules de reclassement différentes fonctionnaient en parallèle à quelques kilomètres de distance. Une fois levées les craintes concurrentielles ou de contrôle liées à la place et au rôle du nouveau dispositif4, les animateurs Plate-forme ont ainsi développé progressivement, sur la base d’une bonne connaissance des logiques de fonctionnement mais aussi des contraintes de chaque institution, des actions de médiation et de coordination visant à initier un partenariat opérationnel incluant l’ensemble des acteurs autour de la question du reclassement de la population mode. 1 Ceci vaut pour les cas où le projet de reconversion n’est pas suscité par les actions d’information et de sensibilisation menées par la Plate-forme ou les cellules, mais plus par une envie ou une initiative personnelle. 2 Des formations sont parfois conçues sur-mesure ou adaptées pour la population mode avec le concours des centres de formation locaux. A titre d’exemple, une formation AFPA été conçue de manière spécifique pour des ouvrières de la chaussure qui devait intégrer une entreprise de maroquinerie tout juste implantée dans les Mauges (sous-traitance pour Louis Vuitton). 3 De tels problèmes de coordination entre acteurs, mais aussi entre outils et dispositifs mis en œuvre sur un même territoire, sont récurrents dans le champ – le "millefeuille", selon l’expression de Dominique Thierry – de l’emploi et s’avèrent dans les faits largement dommageables aux demandeurs d’emploi dans leur ensemble. 4 Ces craintes émanaient principalement des cellules de reclassement, soucieuses de préserver leurs prérogatives. Plusieurs mois de coopération "forcée" – la participation de la Plate-forme aux comités de suivi des cellules ayant été imposée par la DDTEFP et formalisée dans le cahier des charges d’intervention des cabinets – ont semble-t-il été nécessaires pour donner une meilleure lisibilité du rôle de la Plate-forme et dissoudre les dernières animosités et ambiguïtés. Mais assez vite, les cellules ont assimilé la Plate-forme à un organe d’appui et de conseil précieux, facilitant à bien des égards leur travail quotidien avec les candidats.

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De telles actions de médiation ont été menées en premier lieu auprès des différentes cellules de reclassement présentes sur le bassin. Leur nombre élevé faisait peser un risque de redondance dans la prospection des emplois et finissait parfois par laisser dans l’ombre des perspectives de reclassement pour les candidats. Les premières tentatives de mutualisation des offres collectées se sont soldées par un échec, les logiques de concurrence demeurant trop importantes entre les différents cabinets1. Les animateurs Plate-forme, à travers leur présence aux différents comités de suivi, se sont en conséquence employés à jouer un rôle d’interface entre cellules, redistribuant à l’ensemble d’entre elles les offres non pourvues. "L’objectif étant, précise Pierre Emeriau, de proposer un maximum d’offres aux candidats et de s’attacher à répondre autant que possible aux besoins des entreprises".

Un deuxième type de médiation est organisé par la Plate-forme, cette fois entre les cellules et les partenaires publics ou para-publics impliqués dans le suivi des demandeurs d’emploi (ANPE, ASSEDIC, ADAPEI, etc.). Là encore, la Plate-forme joue un rôle d’interface, épaulant et relayant les cellules dans la résolution de problèmes administratifs liés à l’inscription, l’indemnisation ou le financement de formation d’un candidat. Concrètement, la Plate-forme a développé, en collaboration avec les acteurs concernés – voire parfois à l’initiative de ces derniers – des pratiques inédites visant à faciliter la concertation et la coordination au bénéfice des salariés licenciés. Parmi celles-ci, les réunions d’information collective animées conjointement par la Plate-forme, la cellule, l’ASSEDIC et l’ANPE, qui réunissent dans les huit jours suivant leur licenciement les salariés d’une même entreprise touchés par un plan social (séance d’information sur les procédures d’inscription à l’ASSEDIC, les prestations offertes par la cellule, l’ANPE ou la Plate-forme, etc.). Toujours dans le même esprit, les réunions de "passage de flambeau" réunissant cette fois en fin de processus, la cellule, la Plate-forme, l’ANPE (éventuellement les services sociaux) avec l’idée d’assurer une continuité de service efficiente et rassurante pour les personnes demeurant sans emploi à la fermeture de la cellule de reclassement.

Ces actions de médiation et de coordination orchestrées par la Plate-forme – voir schéma récapitulatif page suivante – ont suscité au fil du temps une coopération renforcée entre les acteurs et l’émergence d’une forte dynamique de groupe autour du dispositif, source de nouvelles avancées et expérimentations au niveau local. Toute remontée d’information, individuelle ou collective, liée à un problème ou besoin récurrent, fait ainsi désormais l’objet d’une réflexion collective initiée, selon les cas, par la Plate-forme ou l’un de ses partenaires.

1 Quatre ans après cette tentative avortée, certains cabinets semblent aujourd’hui prêts à renouveler l’expérience sous la forme d’une répartition du champ de prospection (par zone géographique ? secteur d’activité ?) assortie d’une mutualisation des offres collectées, le tout orchestré par la Plate-forme. Les cabinets ont beaucoup à gagner d’une telle démarche de mutualisation : gain de temps, d’efficience, de crédibilité vis-à-vis des entreprises prospectées. Mais les logiques de concurrence restent fortes et la mise en œuvre du projet semble compromise malgré la volonté maintes fois réaffirmée de certains consultants.

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LONG TERME

SUIVI-ÉCHANGE (réunions du comité de pilotage)

APPUI-CONSEIL MÉDIATION AVEC ACTEURS INSTITUTIONNELS

MONTAGE DOSSIERS MÉDIATION AVEC CELLULES ET SALARIÉS LICENCIÉS

ECHANGE SUIVI CELLULES

CONSTRUCTION DES PARCOURS DE FORMATION

PROSPECTION (secteurs en tension

COURT TERME

Structure apparentée (lire : "émane de")

Liens Plate-forme/acteurs environnement civil et institutionnel

Liens entre autres acteurs de l’environnement Plate-forme

Légende

Source : D’après schéma réalisé par le CROP Pays-de-la-Loire (AFPA), 2004.

PLACE ET LIENS DE LA PLATE-FORME DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE DU CHOLETAIS DANS SON ENVIRONNEMENT CIVIL ET INSTITUTIONNEL

Comité de pilotage pour le développement de

l’économie choletaise

• Inflexion de l’évolution économique du bassin choletais : - Diversification du tissu

industriel choletais - Soutien aux entreprises

du secteur mode - Reconversion rapide et

pérenne des salariés licenciés du secteur mode

Groupes de projet missionnés par

le comité de pilotage

*Soutien des projets de développement ou de création d’entreprise

*Développement du réseau haut-débit

*Renforcement du SPL mode

*Réflexion sur l’anticipation des besoins en compétences et la prévention des licenciements dans le secteur mode

Comité technique de suivi de la Plate-forme

Plate-forme de reconversion professionnelle des industries

de la mode du Choletais

• Prospection auprès des secteurs déficitaires en main d’œuvre

• Appui à la définition et mise en œuvre des projets de reconversion

• Suivi des cellules de reclassement

• Coordination de l’action des différents acteurs intervenant dans le champ de l’emploi, la formation ou la reconversion professionnelle

• Ingénierie formation et aides à la mobilité

Cellules de reclassement

• Suivi individuel des salariés • Aide à la définition d’un projet

professionnel • Accompagnement dans la

recherche d’emploi • Prospection d’emplois et mises

en relation

SUIVI

Salariés licenciés des industries de la mode

INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES

DDTEFP

ASSEDIC (financement de formations)

Conseil Régional (financement de formations)

Conseil Général (aide à la mobilité)

ANPE (activation des dispositifs d’aide au retour à l’emploi : EMT, AFPE, etc.)

AFPA (appui à l’élaboration de projet, analyse de poste)

Entreprises du bassin local

Organismes de formation

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Acteurs du développement économique territorial

(CCI, Comité d’expansion des Mauges, etc).

PARTENARIAT ÉCHANGE

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Le but étant, comme l’expliquent les animateurs du dispositif, "d’améliorer [les] prestations Plate-forme, de faire plus ou mieux pour les personnes licenciées, d’être source de propositions". Une nouvelle prestation a ainsi été expérimentée récemment par la Plate-forme, en réponse à un besoin identifié collectivement : l’accompagnement individualisé des personnes licenciées de la mode ne relevant pas d’une cellule de reclassement (licenciements "au fil de l’eau"1). A un tout autre niveau, la Plate-forme a suscité la mise en place d’un groupe de réflexion sur la problématique de l’anticipation des licenciements dans la filière mode2, avec l’idée qu’une démarche préventive pourrait engendrer des résultats encore meilleurs et à moindre coût en réduisant nombre d’aspects négatifs (notamment psychologiques) engendrés par un licenciement. Ces réflexions, sur lesquelles nous reviendront ultérieurement, viennent tout récemment de produire leurs premiers résultats tangibles avec la création par la DGEFP de deux nouvelles prestations (diagnostic d’employabilité et appui au projet d’évolution professionnelle) nées des propositions du terrain et à expérimenter notamment dans le Choletais. Le partenariat qui s’est structuré autour de la Plate-forme sur le territoire Choletais s’avère ainsi devenir une force et un levier d’évolution des pratiques, tant sur le plan local que national.

1 Selon l’article L 321-4-1 du Code du Travail, seules les entreprises de plus de 50 salariés, procédant à plus de 10 licenciements pour motif économique sur une même période d’un mois, sont tenus de mettre en œuvre un plan social. Par conséquent, les personnes licenciées par petits flux de moins de 10 salariés ne bénéficient pas d’un accompagnement spécifique par une cellule de reclassement. La Plate-forme joue désormais ce rôle à leur égard dans le Choletais. 2 Ce groupe de réflexion, tout en s’appuyant sur l’expertise Plate-forme, fonctionne désormais en parallèle du dispositif et selon des modalités propres. Il est animé par le directeur du CFPA de Cholet en étroite collaboration avec le directeur du travail du Maine-et-Loire et son adjointe, tous deux très impliqués dans la démarche et qui se sont employés avec succès à relayer les propositions locales au ministère.

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DEUXIÈME PARTIE

LA PLATE-FORME DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE DU CHOLETAIS : UNE RÉFÉRENCE EN MATIÈRE DE GESTION TERRITORIALE DES MUTATIONS INDUSTRIELLES

Initialement conçue comme un dispositif de crise et dans une optique de très court terme

(une année renouvelable selon la Convention-cadre), la Plate-forme a entamé en mai dernier

son cinquième exercice. En quatre ans, elle a vu sa place et son rôle évoluer

considérablement, elle a suscité nombre d’initiatives connexes et acquis, de par une alchimie

subtile, une légitimité incontestable dans le paysage institutionnel choletais.

L’expérience, objet d’un consensus quasi parfait au niveau local1, est également présentée

depuis peu au niveau national comme une référence en matière de gestion territoriale des

crises industrielles… et fait des envieux2.

Il s’agit par conséquent, à travers une certaine forme de retour d’expérience – cette partie

répondant plus particulièrement à la commande qui m’a été faite dans le cadre de mon

stage3 –, d’apprécier les bases tangibles de cet engouement collectif (les "plus" Plate-forme),

d’analyser le succès du dispositif pour en tirer finalement quelques principes d’ordre très

général, susceptibles de guider l’action publique sur des territoires confrontés à de pareilles

crises.

1 Le dispositif est plébiscité, fait relativement surprenant, tant par les employeurs que les partenaires sociaux, les acteurs institutionnels que les professionnels de terrain, les élus que les techniciens ; chacun y trouvant globalement les réponses à ses attentes. 2 Quelques tentatives de duplication ont vu le jour, sans trop de succès jusqu’ici. 3 La commande (l’évaluation globale du dispositif) et la démarche mise en œuvre pour y répondre font l’objet d’un premier chapitre qui doit être appréhendé comme un préambule méthodologique aux développements et analyses à suivre.

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CHAPITRE IV L’ÉVALUATION : UNE INÉVITABLE CONSTRUCTION D’ARGUMENTAIRES (PRÉCISIONS MÉTHODOLOGIQUES)

Suite à la reconduction de la Plate-forme sur les six premiers mois de l’année 2004 et alors que ressurgissaient à cette occasion les questionnements récurrents liés à l’opportunité du renouvellement d’une telle structure1, ses animateurs, en accord avec le directeur du Comité d’Expansion des Mauges, ont souhaité engager une démarche d’évaluation du dispositif. La Plate-forme semblait alors promise à d’inévitables évolutions (sinon à une disparition en tant que telle2), et les finalités de cette démarche s’avéraient de fait multiples. Il s’agissait en premier lieu de rendre compte, devant l’ensemble des partenaires politiques, économiques et sociaux, des actions mises en œuvre et de leurs résultats ("finalité déontologique"3), ceci notamment afin d’engager une réflexion commune sur l’avenir du dispositif ("finalité décisionnelle"). Au-delà de ces visées directement opérationnelles et de court terme, il s’agissait en parallèle de capitaliser, dans une optique de mutualisation et de reproduction éventuelle, les méthodes, pratiques et outils expérimentés avec succès dans le Choletais ("finalité d’apprentissage").

Outre la démarche mise en œuvre pour mener à bien ce projet, seront abordées dans ce chapitre les difficultés d’ordre méthodologique soulevées par une telle évaluation.

Section 1 : Les difficultés méthodologiques liées à l’évaluation

Au-delà des difficultés liées à la valeur normative et subjective de toute évaluation, l’appréciation du dispositif choletais et de ses effets les plus directs suscite au niveau méthodologique des questionnements multiples qui appellent rarement une réponse univoque. Ceux-ci méritent donc d’être retranscrits finement afin que les choix réalisés pour conduire l’évaluation puissent être appréhendés – et débattus le cas échéant – en toute connaissance de cause.

1 Initialement mise en place en avril 2000 pour "une année renouvelable" (Convention-cadre), la Plate-forme a depuis été reconduite à cinq reprises (mai 2001, mai 2002, mai 2003, décembre 2003 et juin 2004). Les dernières reconductions ont donné lieu à d’importants débats entre partenaires institutionnels, particulièrement autour de la question du risque de pérennisation de la structure qui ajouterait, à terme, à l’empilement des dispositifs existants. 2 La Région des Pays-de-la-Loire avait en effet stipulé, à l’occasion de la signature du quatrième avenant à la Convention-cadre (en décembre 2003), qu’elle s’opposerait et ne prendrait pas part à une nouvelle reconduction du dispositif. Le changement de majorité, survenu en mars 2004, a remis en cause cette position, d’autant que d’importants plans de restructuration étaient annoncés dans le Choletais pour le deuxième semestre 2004. Pour ces raisons d’ordre politique, la Plate-forme a été finalement reconduite en juin dernier et le sera de nouveau à la fin de l’année. 3 Classification des finalités de l’évaluation d’après le Conseil National de l’Evaluation.

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§ 1 : La mesure de l’efficacité du dispositif

La mesure de l’efficacité d’un dispositif – objet de toute évaluation micro-économique – renvoie à l’appréciation des effets de celui-ci au regard des objectifs qui lui étaient assignés, en l’occurrence ici : "favoriser la reconversion des salariés licenciés des industries de la mode" (Convention-cadre).

Le sujet soulève à l’étude diverses interrogations, à commencer par celle de la situation de référence par rapport à laquelle il convient d’évaluer les actions mises en œuvre, d’autant qu’aucun objectif quantifié n’a été initialement défini pour le dispositif considéré. Quoique cette question suscite peu de débats, le parti pris n’est pas évident. De manière classique pour un dispositif assimilable à un dispositif d’aide au retour à l’emploi, le principal critère d’évaluation retenu est le taux d’emploi en sortie de dispositif1. Les cellules de reclassement ont adopté cette logique à la demande de la Direction du Travail, la Plate-forme à celle du Comité de pilotage de l’économie choletaise (instance de suivi). Première question délicate à ce sujet : Comment, ou peut-être plus précisément, au regard de quelle base ou référence apprécier ces données quantitatives2 ? A partir de quel taux d’emploi peut-on considérer l’objectif atteint et le dispositif efficace ? Autre question non négligeable : Ne doit-on comptabiliser parmi les retours à l’emploi que les contrats à durée indéterminée ou faut-il prendre en compte (et de quelle manière) les CDD et les missions de travail temporaire qui, de plus en plus et notamment sur le bassin choletais, constituent un sas privilégié vers un emploi pérenne ? La remarque vaut également pour les emplois à temps partiel "subis" dont l’importance ne peut être minorée pour le public féminin.

Plus fondamentalement encore, le critère retenu, le taux d’emploi, peut susciter certaines réserves et interrogations. Il comporte en effet un inconvénient majeur en ce qu’il ne dit rien de la permanence de la situation observée. Avec la difficulté croissante de l’accès à l’emploi et la précarisation des situations professionnelles après une période de chômage, le taux d’emploi ne peut plus être considéré à lui seul comme un indicateur pertinent de l’efficacité d’un dispositif3. En effet l’accès à l’emploi doit être plutôt analysé en référence à un modèle de transition dans lequel les individus connaissent des périodes de grande instabilité professionnelle et où la situation enregistrée à "l’instant t" n’est plus que faiblement prédictive de l’état connu par la suite.

1 Voir à ce sujet : D. Gélot et B. Simonin, "Vingt Ans d’évaluation de la politique de l’emploi. L’évolution des procédures, des questionnements et des méthodes", La Lettre (Centre d’études de l’emploi), n°48, juin 1997. 2 Seuls les bilans annuels sur les dispositifs d’accompagnement des restructurations publiés par la DARES font état de quelques chiffres généraux relatifs à la situation des bénéficiaires de cellules de reclassement en sortie de dispositif. Ceux-ci ne sont pas déclinés à l’échelle infra-nationale et ne constituent qu’une base de comparaison limitée, imparfaite et donc difficilement exploitable. 3 Il est néanmoins délicat, comme le soulignent D. Gélot et B. Simonin, de mettre en œuvre de manière opérationnelle des critères d’évaluation autres que le taux de retour à l’emploi. Une analyse focalisée sur des indicateurs d’accès à l’emploi peut être critiquée pour l’étroitesse de ses critères de jugement, mais si à l’inverse, elle s’oriente vers une diversification des effets recherchés et indicateurs d’efficacité, elle risque de se voir opposer la maîtrise hasardeuse de la mesure de ces effets. D. Gélot et B. Simonin, art. cit., p. 7.

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Autre difficulté issue des appréciations précédentes et également généralisable à toute évaluation micro-économique : à quel horizon se placer pour pouvoir juger des résultats du dispositif ? Selon les individus, leur profil et projet professionnel, les cadres temporels de l’évaluation ne peuvent être objectivement identiques. Certaines actions de requalification impliquent ainsi un engagement dans un cursus formatif de plusieurs années, tandis que d’autres permettent un retour à l’emploi en quelque mois. La difficulté soulevée ici renvoie au problème plus fondamental et là encore très général des évaluations ponctuelles : dispersion des initiatives, absence de formalisation des procédures, manque de suivi, etc. Seule la mise en place d’une procédure d’évaluation continue qui rende compte au cours du temps de la manière dont évolue la situation des bénéficiaires, pourrait permettre de lever de telles difficultés. Mais celle-ci nécessite des investissements conséquents en termes humain, financier voire technique.

Un dernier objet de discussion est soumis par F. Aggeri et F. Pallez à travers la "question de l’observateur"1. Se pose effectivement le problème de savoir quel est le public considéré dans l’évaluation. Car les objectifs et effets des actions menées peuvent être différents voire contradictoires selon les acteurs. Un exemple : le reclassement dans l’agroalimentaire de salariés licenciés de la mode pourra être apprécié comme un effet positif si l’on se place du point de vue des entreprises de ce secteur ou du point de vue des services publics de l’emploi ou bien encore de l’ASSEDIC. L’objectif assigné au dispositif Plate-forme, d’ailleurs, est atteint. L’appréciation sera sans nul doute différente si l’on se place, en revanche, du point de vue des salariés qui, pour la grande majorité d’entre eux en ce qui concerne ce secteur, ont accepté le poste par défaut et auraient préféré une autre évolution professionnelle. "En d’autres termes" concluent F. Aggeri et F. Pallez, "il n’est pas d’intérêt général qui s’imposerait à tous. La mesure de l’efficacité de tels dispositifs est nécessairement complexe et sujette à controverses et discussions"2.

§ 2 : La mesure de l’efficience du dispositif

La notion d’efficience inclut, à la différence de celle d’efficacité à laquelle elle est encore souvent assimilée, une perspective financière, de rendement ou "retour sur investissement". Elle renvoie à la question de l’opportunité du dispositif au regard d’un arbitrage avantages/coûts, répondant en cela à la "finalité gestionnaire"3 de l’évaluation. La mesure de l’efficience du dispositif, qui suscite une certaine attente tout à fait légitime chez certains partenaires, s’est heurtée elle aussi à un certain nombre de difficultés méthodologiques.

1 F. Aggeri et F. Pallez, "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", art. cit. p. 27. 2 Ibid. 3 Classification des finalités de l’évaluation d’après le Conseil National de l’Evaluation.

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La première de ces difficultés renvoie à la volonté exprimée, à diverses reprises et par des acteurs variés, de voir calculer le "plus Plate-forme", ce qui, entendu au sens d’avantage ou effet net1 du dispositif et en termes purement quantitatifs, semble relever de l’illusion2. Le rôle de la Plate-forme, on l’a vu, s’inscrit en complémentarité et renforcement d’acteurs, de dispositifs et d’outils préexistants qu’il s’agit essentiellement de coordonner. Les seuls résultats mesurables en termes quantitatifs, à travers notamment les taux de reclassement des salariés licenciés des industries de la mode, sont donc le fruit d’une action collective et ne peuvent être objectivement imputés pour partie à la Plate-forme, la cellule, le consultant, le conseiller ANPE référent, etc.

Autre question délicate : sur quelles bases chiffrer le coût global du dispositif ? La Convention-cadre, à travers la répartition des charges entre Etat, Région et Département, peut constituer une première référence en la matière mais elle n’est pas non plus sans susciter certaines interrogations et notamment : le poste d’une personne mise à disposition par son organisme de rattachement participe-t-il réellement au coût du dispositif alors qu’aucune embauche n’a été réalisée ? Même question pour les financements de droit commun (formations homologuées ASSEDIC ou Région, prestations de type évaluations en milieu de travail, etc.) affectés dans le cadre de la Plate-forme à la reconversion des licenciés des industries de la mode3. En revanche, les locaux mis à disposition de la Plate-forme par le Syndicat Mixte des Mauges ne devraient-ils pas être valorisés pour obtenir une évaluation plus réaliste ? La réponse à ces questions, qui renvoie aux conventions d’évaluation des coûts, n’est pas univoque et dépend du sujet que l’on cherche à instruire… voire de la qualité de l’observateur qui comptabilise les coûts.

On notera enfin à ce sujet l’intérêt, souligné par plusieurs acteurs au cours de l’enquête, que pourrait présenter une prise en compte, dans une telle analyse avantages/coûts, des économies induites en terme de "coût social" du chômage (indemnisations UNEDIC, prestations des régimes de protection sociale, etc.)4.

Il apparaît, au terme de cet exposé des questionnements soulevés par l’évaluation d’un dispositif tel que la Plate-forme du Choletais, que celle-ci repose inévitablement sur une construction d’argumentaires. Il ne faudrait pas en conclure pour autant qu’elle est sans objet.

1 L’avantage ou effet net d’un dispositif peut être défini comme la différence toutes choses égales par ailleurs, entre la situation provoquée par le passage dans ce dispositif et la situation que l’individu aurait connue si celui-ci n’avait pas existé. D. Gélot et B. Simonin, art. cit., p. 6. 2 L’évaluation du "plus" Plate-forme sera de fait plutôt fondée sur l’analyse fine de la manière dont le dispositif agit directement ou indirectement sur la situation et le devenir des individus ainsi que sur les conditions de son efficacité (analyse qualitative, voir infra.). 3 On entend ici par "financements de droit commun", les mesures d’aide pouvant être accordées à tout demandeur d’emploi, c’est à dire non spécifiques aux bénéficiaires de la Plate-forme. 4 Il s’agit bien évidemment d’une simple piste de réflexion que l’on devra se contenter ici de soulever…

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L’évaluation peut être normative et subjective – d’où l’importance de la soumettre à l’appréciation collective –, elle n’en est pas moins source de connaissance, de réflexion et de progression. Et Aggeri et Pallez de conclure : "Il ne faut pas renoncer, malgré les problèmes méthodologiques posés par ces évaluations, à l’idée de les mettre en œuvre pour progresser dans la construction de représentations communes, mais bien plutôt à celle [l’idée] que l’on peut obtenir une évaluation objective et globale des actions menées."1

Section 2 : La démarche d’évaluation

Devant l’ampleur et le manque de précision de la commande initiale2 – l’évaluation globale du dispositif – celle-ci a dû être "revisitée" et affinée au cours du processus d’évaluation, en intégrant notamment les contraintes méthodologiques donc, mais aussi temporelles et matérielles inhérentes à la situation. Un nouvel objet d’analyse, certes plus restreint mais qui est apparu pouvoir répondre globalement – l’exhaustivité n’étant pas ici de mise – aux finalités attendues de l’évaluation, a ainsi été défini dans la mesure de l’opportunité et la pertinence du dispositif au regard de ses effets directs (tant quantitatifs que qualitatifs) et de la satisfaction de ses principaux partenaires. La démarche a donc été construite autour de la question "fil rouge" suivante : En quoi et sous quelles conditions la structure conçue et expérimentée dans le Choletais apporte un plus aux dispositifs classiques (de droit commun) dans le champ du reclassement des salariés licenciés économiques ?

Deux axes de travail ont été suivis conjointement, conformément aux attentes exprimées, pour tenter de répondre à cette question. L’un quantitatif, destiné à mesurer – autant que faire se peut – les "résultats" de la Plate-forme ; l’autre qualitatif, devant permettre d’analyser plus finement la manière dont la structure interagit et trouve ses place et raison d’être dans le système d’acteurs et de dispositifs préexistants.

§ 1 : L’axe quantitatif

La Plate-forme s’est vue assigner au début de l’année 2003, lors d’une réunion du Comité de pilotage de l’économie choletaise, une nouvelle mission visant la production de données statistiques générales sur les résultats de reclassement de la population mode. Une base de données a été conçue à cet effet en juillet 2003, date à laquelle a pu débuter un véritable "travail de fourmi" consistant à enregistrer et surtout à actualiser3 la masse d’informations centralisée par la Plate-forme depuis sa création en avril 2000.

1 F. Aggeri et F. Pallez, "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", art. cit. p. 26. 2 Aucun cahier des charges n’ayant été précisément défini. 3 La Plate-forme ne dispose d’aucun moyen de suivi du devenir professionnel des salariés licenciés de la mode au-delà de la période d’activité des cellules de reclassement. Outre la saisie des dossiers individuels et des dossiers de formation, la constitution de la base de données requiert donc de procéder à l’actualisation de la situation professionnelle de personnes parfois sorties du dispositif plusieurs années auparavant.

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La production d’éléments statistiques relatifs aux "résultats" de la Plate-forme a impliqué en premier lieu de progresser dans la mise à jour de cette base de données, celle-ci n’ayant pu qu’être initiée – faute de moyens – au cours de l’année 20031. L’ampleur de la tâche et les contraintes, notamment temporelles, évoquées précédemment impliquaient de procéder à certains choix en matière de traitement des données.

Il a été décidé, au regard de l’objet affiché de l’évaluation, de se consacrer en priorité au recensement des personnes ayant bénéficié, dans le cadre de la Plate-forme, de financements spécifiques pour suivre un cursus formatif. Car le "plus-formation", selon la formule en vigueur dans le sillage de la Plate-forme, effet direct et propre au dispositif s’il en est, est apparu à l’étude aisément quantifiable dans la mesure où, en l’absence de ces financements spécifiques, la plupart des projets de reconversion validés par la Plate-forme n’auraient pu aboutir2. En définitive, les dossiers de près de 500 bénéficiaires de ces financements spécifiques (sur un total de 625)3 ont pu être mis à jour, enregistrés et exploités, servant de base à une analyse relativement fine et chiffrée de ce premier "plus Plate-forme" (profil des bénéficiaires, taux de reclassement et de conformité dans l’emploi en sortie de cursus, coût moyen par bénéficiaire, etc.).

Dans un second temps, et dans la perspective du Comité de pilotage de l’économie choletaise de juillet 2004, nous sommes revenus aux dossiers des autres candidats suivis par la Plate-forme, à commencer par ceux relevant alors d’une cellule de reclassement en activité4. Des premiers éléments de bilan chiffrés plus généraux (profil du public à reclasser, taux de reclassement à 1, 2 et 3 ans, typologie des reclassements, etc.) ont ainsi pu être mis en perspective. Quoique encore très parcellaires, ceux-ci peuvent d’ores et déjà orienter les réflexions sur l’avenir de la Plate-forme et plus généralement sur les dispositifs à mettre en œuvre dans le cadre de mutations territoriales endogènes.

1 La Plate-forme a suivi très exactement 1 690 personnes entre avril 2000 et avril 2004. Un traitement exhaustif de l’ensemble de ces dossiers et leur mise à jour régulière aurait requis une personne à temps complet, sans compter que le processus n’a pas atteint son terme et que le nombre de salariés licenciés de la mode ne cesse d’augmenter. Le travail était et reste donc encore aujourd’hui à poursuivre… 2 On peut considérer, à la vue des résultats de l’analyse, que les fonds spécifiques accordés par la Région en matière d’aide à la formation dans le cadre de la Plate-forme (voir supra) sont utilisés en abondement (cofinancement) dans 70 % des cas et "seuls" dans 30 % des cas. Un exemple : les formations d’aide-soignante (4 000 euros environ, sans compter la préparation au concours) ne donnent lieu à aucun financement de droit commun (Etat, Région, ASSEDIC). "Le demandeur d’emploi lambda n’a pas trop le choix", commente Pierre Emeriau, "soit il peut payer lui-même la totalité des frais de formation, soit il abandonne son projet. Dans le cadre de la Plate-forme, les candidats n’ont pas à se préoccuper de ces questions financières. Si on valide, tout est pris en charge et ils n’ont qu’à se concentrer sur leur projet." 3 Les dossiers mis à jour concernent en majorité des candidats des trois dernières vagues (personnes licenciées et suivies par une cellule de reclassement entre mai 2001 et avril 2004). Les outils de suivi et de traçabilité de l’activité de la Plate-forme – par exemple les dossiers formation – ont en effet été conçus et formalisés au cours de la première année d’existence du dispositif, ce qui explique une certaine déperdition d’information sur les premiers dossiers. 4 Les dossiers de l’ensemble des candidats de la dernière vague (personnes licenciées entre mai 2003 et avril 2004) ainsi qu’une majorité de candidats de la vague précédente (vague III) ont notamment été mis à jour, ce qui s’est avéré compléter de manière opportune les bases de l’enquête réalisée en 2003 (axée essentiellement sur les deux premières vagues).

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§ 2 : L’axe qualitatif

Une démarche plus qualitative, basée sur une vingtaine d’entretiens de face-à-face a été conduite de manière concomitante. Celle-ci devait permettre d’analyser finement, et au-delà des résultats objectifs et quantifiables de l’action de la Plate-forme, la manière dont la structure s’insère dans le système d’action local et améliore l’efficacité des dispositifs d’aide au retour à l’emploi préexistants. Il s’agissait en outre, peut-être plus fondamentalement, d’appréhender, à travers l’analyse croisée des points de vue exprimés, la capacité du dispositif à susciter une dynamique de coopération et d’apprentissage collectif au niveau du territoire. Une attention particulière a ainsi été portée aux phénomènes interactionnels à l’œuvre ainsi qu’à l’état et l’évolution des relations entre acteurs et réseaux interpersonnels locaux.

J’ai de fait cherché à rencontrer en priorité les acteurs institutionnels et de terrain du champ de l’emploi et de la formation professionnelle (composantes du SPE, professionnels du reclassement et la réorientation professionnelle, etc.), les questionnant essentiellement sur leur rapport à la Plate-forme, leurs représentations et perceptions du dispositif, les leçons à tirer − tant au niveau individuel que collectif − de l’expérience. J’ai rencontré, dans un deuxième temps et dans le but de diversifier les modalités d’approche et les points de vue sur le dispositif, des acteurs plus périphériques mais néanmoins concernés voire associés (de manière plus atypique et souvent plus ponctuelle) à l’action de la Plate-forme : élus locaux, représentants d’entreprises (secteur mode et autres) et partenaires sociaux notamment1.

La diversité des approches et mises en perspective du sujet considéré ont requis de mener des entretiens à la fois complémentaires et contradictoires2 sur un mode semi-directif, c'est-à-dire alternant les questions guidées et l’expression libre de l’interlocuteur3. Ceux-ci ont par la suite fait l’objet d’analyses croisées et thématiques. De nombreux extraits viendront ainsi ponctuer et illustrer les développements à suivre.

1 L’idée d’interroger les bénéficiaires directs du dispositif (les salariés licenciés des industries de la mode) quoique initialement retenue a en revanche été rapidement remise en cause, compte tenu des contraintes temporelles mais aussi de l’objectif affiché de l’analyse qualitative. Nous avions pu constater en effet, à travers les retours de questionnaires sur le devenir des licenciés de la mode − les enquêtés sont invités en dernier lieu à donner leur avis sur l’efficacité des dispositifs de reclassement mis en œuvre −, que les rôle et positionnement de la Plate-forme, notamment vis-à-vis de ceux des cellules de reclassement, étaient mal appréhendés par ce public, ce qui rendaient peu pertinents des entretiens qui se voulaient initialement ciblés sur l’aide effective apportée par le dispositif. 2 Complémentaires car certaines informations ne pouvaient être recueillies qu’auprès de certains interlocuteurs et contradictoires parce que recherchant les points de vue croisés, quelques questions récurrentes ont été systématiquement posées à l’ensemble des personnes interrogées. 3 Tous les entretiens ont été menés selon le même schéma : de grands axes de discussion thématiques, ajustés en fonction de l’interlocuteur, assortis de questions sous-jacentes plus précises permettant, le cas échéant, de recadrer l’échange et d’obtenir les renseignements escomptés.

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CHAPITRE V LA PLUS-VALUE DU DISPOSITIF PLATE-FORME

"La plus-value du dispositif ? C’est difficilement chiffrable c’est sûr, mais à notre niveau, c’est un plus incontestable, et incontesté d’ailleurs semble-t-il. Sans l’aide et les avantages de la Plate-forme, ce serait une autre histoire ici et les résultats de reclassement ne seraient sans doute pas à la hauteur de ceux que l’on peut afficher aujourd’hui. Des dispositifs comme celui-là, on rêverait d’en trouver partout où l’on passe, et ce n’est malheureusement pas le cas…"1

En quatre ans, le dispositif expérimental et quelque peu tâtonnant initié dans le Choletais suite aux dépôts de bilan successifs des groupes SAC et GEP-LA FOURMI, s’est imposé comme un acteur clef du paysage institutionnel local. La pertinence, l’efficacité et l’utilité du dispositif font l’objet d’un consensus quasi parfait à tous niveaux (partenaires institutionnels, de terrain, etc.). Il s’agit donc d’apprécier les bases tangibles de cet engouement collectif, la plus-value "effective" du dispositif Plate-forme, au regard notamment des résultats observés en termes de retour à l’emploi (analyse quantitative), et des motifs de satisfaction des principaux acteurs impliqués dans le reclassement de la population mode (analyse qualitative).

Section 1 : Reclassement et reconversion, éléments de bilan chiffrés2

Il n’est pas ici question de chiffrer les effets nets et propres au dispositif (toutes choses égales par ailleurs), idée à laquelle il semblerait qu’il faille d’ailleurs renoncer dans le cas qui nous occupe3. Il s’agit plutôt, dans la mesure du possible et à la vue des objectifs assignés à la structure, de juger des résultats des opérations de reclassement mises en œuvre à destination des licenciés de la mode et conduites, ou tout au moins coordonnées, par la Plate-forme. Le bilan, quoique sujet à certaines difficultés d’interprétation4, apparaît à l’analyse plutôt éloquent.

1 Propos d’une consultante en charge d’une cellule de reclassement sur le bassin choletais. 2 Les éléments d’analyse à suivre reprennent, de manière synthétique et au regard de l’objet spécifique des développements en cours (l’appréciation du "plus" Plate-forme), les résultats du rapport d’activité réalisé au terme du quatrième exercice du dispositif (30/04/2004). Ce rapport, qui prend la forme d’un bilan des opérations de reclassement/reconversion menées depuis quatre ans en direction de la population mode, constitue l’aboutissement de la première phase (quantitative) de la démarche d’évaluation engagée à la demande des animateurs de la Plate-forme. S’y reporter pour une analyse plus détaillée (annexe 3). 3 Voir explications supra (chapitre IV). 4 L’absence de références pertinentes et d’objectifs quantifiés a priori rend notamment difficile l’évaluation rigoureuse de certains résultats (taux de reclassement par exemple) en tant que tels.

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§ 1 : Le résultat des opérations de reclassement

Près de 1 700 personnes ont été prises en charge par des cellules de reclassement – 25 au total, chacune intervenant sur une durée moyenne de 9 mois environ – et suivies de fait par la Plate-forme depuis avril 2000, soit en moyenne plus de 400 personnes par an1.

Les bilans de fin d’antenne, première base objective2 d’appréciation globale des actions de reclassement mises en œuvre (9 mois après licenciement) font état, en moyenne sur les quatre années considérées, de 53 % de personnes en activité – dont la moitié en emploi pérenne ou susceptible d’être pérennisé –, 11 % en formation3 et 25 % en recherche d’emploi à l’issue de l’accompagnement (voir tableau 2.1). Des résultats plutôt satisfaisants au regard des données publiées par la DARES, seules références disponibles, puisqu’au niveau national le taux d’emploi global (CDI, CDD, missions de travail temporaire) en sortie de dispositif ne dépassent pas en moyenne les 55 %, un chiffre ramené à 50 % pour un public ouvrier et à 48 % pour un public féminin4.

Tableau 2.1 Situation des candidats en sortie d’antenne-emploi (9mois après licenciement)

Vague I

2000-2001 Vague II 2001-2002

Vague III 2002-2003

Vague IV 2003-2004 Moyenne

pondérée

Emploi pérenne (CDI, création d'entreprise, assistante maternelle) 22,5% 24% 20% 18,5% 22,5%

CDD longue durée (plus de 6 mois) 20,5% 14% 17% 16% 17%

Emploi précaire (CDD de moins de 6 mois et mission de travail temporaire) 16,5% 6,5% 14,5% 23,5% 13,5%

Formation longue 7,5% 16,5% 13% 8,5% 11%

Situation particulière (Mesure d'âge, congé parental, maladie, etc.) 8,5% 12% 11,5% 9% 11%

Recherche d'emploi 24,5% 27% 24% 24,5% 25%

Source : Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais, 2004

La Plate-forme n’est pas en mesure d’assurer un suivi individuel régulier de l’ensemble des personnes ayant bénéficié de l’appui d’une cellule de reclassement devenue inactive. L’exploitation d’une enquête réalisée au deuxième semestre 2003 auprès d’un échantillon de personnes des vagues I, II et III (c’est à dire licenciées entre janvier 2000 et avril 2003) permet cependant d’avancer quelques éléments d’information sur l’évolution des taux de reclassement, 1, 2 et 3 ans après licenciement (voir graphique 2.1). 1 La Plate-forme a suivi très exactement sur ses quatre premiers exercices, respectivement, 537, 511, 313 et 329 personnes dont 70 % de femmes. 2 Ces bilans font état de la situation précise de l’ensemble de l’effectif licencié au terme des 9 mois d’accompagnement par la cellule de reclassement. 3 La part des personnes en formation en fin d’antenne (11 %) apparaît très significative au regard des chiffres publiés par la DARES (7 % en moyenne au niveau national, 6 % pour un public féminin et 4 % pour un public ouvrier). Il s’agit là d’une première manifestation concrète du "plus Plate-forme" dans la mesure où le dispositif ouvre de larges possibilités en terme de formation et notamment de formation longue (plus de 300 heures). 4 DARES, "Les Dispositifs publics d’accompagnement des restructurations en 2002", Premières synthèses, n° 35.1, août 2003.

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23,5%12%

10%

13,5%5%

20%33,5%

32,5%

16%7%

1%27%

42,5% 56,5%CDI

Contrat de + 6 mois

Contrat de - 6 mois

Formation

Recherche d'emploi

1 an après licenciement 2 ans après licenciement 3 ans après licenciement

Graphique 2.1 Evolution de la situation des candidats (1, 2 et 3 ans après licenciement)

Source : Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais, 2004 Base de calcul : les actifs (hors dispenses de recherches d’emploi, congés parentaux, etc.)

Plusieurs éléments sont à noter qui apparaissent plutôt positifs même si difficilement appréciables en l’absence de références et objectifs initiaux quantifiés, et notamment : la progression continue du taux d’activité global (56 % 1 an après licenciement, 71 % à 2 ans et 83 % à 3 ans) mais aussi du taux d’emploi pérenne (43 % des emplois retrouvés 1 an après licenciement, 51 % à 2 ans et 63 % à 3 ans)1.

Plus intéressant peut-être au regard de l’objet affiché de l’analyse en cours (l’évaluation du "plus" Plate-forme) : la typologie des reclassements. Moins du quart des personnes aujourd’hui en emploi2 est retourné dans son secteur d’origine, la mode3. Les hommes se sont tournés en majorité vers les secteurs du transport-logistique, de la mécanique et du travail des métaux. Les femmes se réorientent de plus en plus nombreuses vers le sanitaire et social – un secteur en fort développement qui offre, notamment après qualification, des emplois pérennes et de proximité, quoique souvent à temps partiel – mais elles ont intégré aussi des secteurs en tension, dont certains traditionnellement plutôt masculins, tels que la plasturgie ou le travail des métaux. Près des trois quarts des personnes en activité travaillent par ailleurs dans l’arrondissement de Cholet, 80 % d’entre elles ayant même retrouvé un emploi à moins de 20 kilomètres de leur domicile. 1 On relèvera également, sur un tout autre plan, la quasi-stagnation de la part des personnes sans emploi après deux ans d’inactivité (effet de seuil classique autour de 10 % dans le Choletais). 2 Analyse basée sur un échantillon de personnes en emploi pérenne (CDI ou CDD avec réelle possibilité de transformation en CDI). Se reporter pour plus de précisions au bilan d’activité de la Plate-forme (annexe 3). 3 Les retours dans le secteur mode – dont la part reste relativement stable en dépit de la conjoncture – concernent aussi bien les hommes que les femmes mais recouvrent selon les cas des situations contrastées. Ainsi chez les femmes, ce sont essentiellement les plus jeunes qui retournent à leur secteur d’origine (40 ans en moyenne et plusieurs enfants à charge). Elles recherchent un reclassement rapide (contraintes financières) ne nécessitant aucune formation (manque de disponibilité). On les retrouve essentiellement en fabrication. Chez les hommes, la situation est un peu différente. La moyenne d’âge est nettement plus élevée (48 ans). Deux cas de figure dominent : le retour au secteur d’origine, sur le même type de poste, chez des hommes proches de la retraite préférant un emploi en terrain connu à une réorientation professionnelle, et le retour au secteur d’origine mais à un poste plus qualifié, après formation qualifiante, chez des hommes un peu plus jeunes (45 ans environ).

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Les résultats sont à la hauteur de l’objectif affiché1 – le rapprochement de l’offre et la demande sur le marché du travail local – et laissent transparaître en filigrane un important travail collectif2 d’accompagnement des salariés licenciés, de sensibilisation des entreprises aux compétences et facultés d’adaptation de ces derniers et, le cas échéant, de construction de parcours d’intégration individualisés dans ces entreprises. Le pari de la reconversion des licenciés de la mode est ainsi jugé gagné, ou tout au moins en voie de l’être, même si un nombre non négligeable de candidats reste encore aujourd’hui "sans solution" tandis que certains secteurs, tels l’agroalimentaire ou le BTP, connaissent d’importantes difficultés de recrutement.

§ 2 : Le "plus formation"

Plus de 600 personnes – soit le tiers de l’effectif licencié jusqu’ici – ont bénéficié, dans le cadre de la Plate-forme, de financements spécifiques pour suivre un cursus de formation leur permettant, pour une grande majorité, de mener à bien un projet de réorientation/reconversion professionnelle3. Le "plus formation", selon la formule en vigueur dans le sillage de la Plate-forme, peut être ainsi considéré comme un effet propre au dispositif et requiert donc ici une attention particulière.

Ces fonds spécifiques accordés par la Région des Pays-de-la-Loire ont été utilisés jusqu’ici en abondement des financements de droit commun (Etat, Région, ASSEDIC) dans 70 % des cas et seuls dans 30 % des cas. Ils apparaissent davantage sollicités, au regard de leur représentativité dans l’effectif global, par les hommes (34 % des bénéficiaires, seulement 26 % de l’effectif global sur le dernier exercice4), les cadres et agents de maîtrise (23 % des bénéficiaires, 15 % de l’effectif global) et les salariés les plus jeunes (42 ans de moyenne d’âge chez les bénéficiaires, 45 ans pour l’effectif global, toujours sur le dernier exercice).

Les cursus construits et validés par la Plate-forme peuvent concerner des domaines de formation divers et variés. Il ressort néanmoins de l’analyse une forte prééminence de la filière transport-manutention-logistique chez les hommes, sanitaire et social – le phénomène est plus récent mais tout aussi conséquent – chez les femmes (voir tableau 2.2).

1 En termes qualitatifs tout au moins, ces objectifs n’ayant pas été quantifiés a priori… 2 Les résultats, ainsi qu’on l’a déjà précisé, ne peuvent être imputés pour partie à la Plate-forme, la cellule de reclassement, etc. 3 Les deux tiers des formations validées dans ce cadre spécifique sont qualifiantes et répondent donc à un réel projet de reconversion. Néanmoins, la Plate-forme valide aussi, essentiellement à destination du personnel administratif, des remises à niveau et élargissements de compétences indispensables pour le repositionnement de ce public sur le marché du travail. 4 La mise à jour de l’ensemble des dossiers des candidats de la vague IV (licenciés entre avril 2003 et avril 2004) a permis de comparer de manière très fine le profil de l’effectif licencié et celui des candidats à la formation. Pour plus de précisions à ce sujet, se reporter au bilan d’activité de la Plate-forme joint en annexe (annexe 3).

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Tableau 2.2 Répartition des stages de formation par filières

Femmes Hommes

2000-2002 2002-2004 2000-2002 2002-2004 Agriculture-horticulture-floriculture 1% 2% 6,5% 2,5% Mécanique générale et travail des métaux 4% 2% 11% 11% Techniques industrielles-automatisme- maintenance 4% 1% 4,5% 5%

Mode (chaussure et maroquinerie) 50%1 8% 5,5% 5% Bâtiment-travaux publics - - 3% 3% Transport-manutention-logistique 8% 10% 49,5% 57% Commerce-restauration 3,5% 7,5% - 1% Sanitaire et social-aide aux personnes 17% 40% - 7% Informatique-bureautique-comptabilité 11,5% 28% 11% 7% Autre 1% 1,5% 9% 1,5%

Source : Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais, 2004 Echantillon représentatif de 300 stages de formation (160 suivis entre 2000 et 2002, 140 entre 2002 et 2004)2

Les abandons et échecs sont relativement rares dans le cadre de la Plate-forme (moins de 5 % des cursus validés3). Les résultats en termes de retour à l’emploi apparaissent par ailleurs, après formation, nettement supérieurs (voir tableau 2.3). Le taux de reclassement global atteint ainsi 75 % moins d’un an après la fin du cursus et dépasse après 2 ans les 90 % (avec 75 % d’emplois en CDI).

Tableau 2.3 Situation des candidats ayant suivi un cursus formatif (au 30/04/2004)

Formations 2000-2001

Formations 2001-2002

Formations 2002-2003

Formations 2003-2004 Période

2000-2004

Total stagiaires 132 195 164 134 625 Base échantillon 52 78 67 53 250

Emploi pérenne 45 64 55 22 74,5% Emploi précaire (CDD, MTT) 3 8 6 19 14,5%

Recherche d’emploi 3 5 6 10 9,5% Situation particulière 1 1 0 2 1,5%

Source : Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais, 2004 Echantillon : 250 candidats ayant suivi un ou plusieurs stages de formation entre 2000 et 20044

1 Au cours des deux premiers exercices, les "formations AFPA Cuir" ont permis à un nombre important de licenciés, essentiellement des femmes, de retourner dans leur secteur d’origine, à un poste plus qualifié ou d’évoluer vers la maroquinerie industrielle qui a connu un développement important en 2000 et 2001 sur le bassin choletais (implantation de plusieurs sites de production). Les débouchés, dans la chaussure comme en maroquinerie sont depuis deux ans beaucoup plus rares d’où la baisse du nombre de demandes, et validations, de formation dans la filière mode-cuir sur la période 2002-2004. 2 L’échantillon a été construit de manière à tenir compte des déperditions d’information relatives aux formations suivies avant janvier 2001 (voir explications supra). 3 Les échecs ou abandons concernent majoritairement trois formations sanctionnées par des titres professionnels : les permis poids lourds, le CCA (certificat de capacité d’ambulancier) et le BEPECASER (brevet pour l’exercice de la profession d’enseignement de la conduite automobile et de la sécurité routière). 4 Il s’agit du même échantillon que celui utilisé dans le cadre de la typologie des formations suivies (tableau 2.2) mais centré sur les stagiaires et non plus sur les stages de formation. Notons que certains candidats sont amenés à suivre plusieurs stages de formation différents pour mener à terme leur projet de reconversion professionnelle.

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Enfin, dernier point soulevé par l’analyse de ces parcours de reconversion via formation, le taux de conformité dans l’emploi1 apparaît proche de 90 % (voir tableau 2.4).

Tableau 2.4 : Taux d’emploi et de conformité dans l’emploi après formation selon la filière choisie

Taux d’emploi Taux de conformité dans l’emploi

Mode-cuir 88% 92% Transport-manutention-logistique 94% 89% Sanitaire et social-aide aux personnes 98% 95% Informatique-bureautique-comptabilité 84% 70% Autres 89% 93%

Source : Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais, 2004 Echantillon : 250 candidats ayant suivi un ou plusieurs stages de formation entre 2000 et 2004

Ces résultats sont le fruit d’une évaluation rigoureuse de la pertinence et l’opportunité des parcours de formation envisagés par les candidats ainsi que d’un accompagnement attentif de ces derniers tout le long du processus de transition professionnelle. Ils montrent qu’un cursus formatif individualisé, adapté à un projet réaliste et réalisable, favorise un reclassement rapide et pérenne pour un coût subsidiaire (hors coût des dispositifs de droit commun) extrêmement modeste – au regard notamment du coût social du chômage – estimé à 1 700 euros2 par bénéficiaire.

Section 2 : "Le petit plus qui fait la différence"3 (analyse qualitative)

Devant la complexité de l’approche quantitative, une toute autre voie, néanmoins complémentaire de la première, a été explorée pour mieux apprécier la valeur ajoutée du dispositif. Elle ne porte plus sur la mesure de résultats mais sur la compréhension fine de la manière dont la structure interagit dans le système préexistant et maximise l’efficacité des dispositifs de droit commun, plus concrètement des cellules de reclassement qui portent traditionnellement seules la charge et la responsabilité de l’accompagnement des salariés licenciés économiques. Il s’agit donc ici de dégager, à travers divers témoignages4 (parfois informels), les apports pratiques et directement opérationnels de la Plate-forme dans le processus de reclassement des licenciés de la mode.

1 Le taux d’emploi (ou de reclassement) correspond à la part des personnes en activité (CDI, CDD, missions de travail temporaire) après formation ; le taux de conformité dans l’emploi à la part des personnes en emploi exerçant une activité en adéquation avec la formation suivie. 2 Cette estimation renvoie au montant moyen des fonds spécifiques mobilisés pour financer la/les formation(s). Il paraît pertinent de tenir compte également des coûts de fonctionnement du dispositif (mise à disposition de personnel, prestations spécifiques AFPA, ANPE, etc.) estimés à 278 euros par personne suivie ; soit un total encore relativement peu conséquent de moins de 2 000 euros par "candidat à la formation". Pour plus de précisions au sujet de l’évaluation du coût global du dispositif, se reporter à l’annexe 2. 3 Formule d’une consultante en charge d’une cellule de reclassement sur le bassin choletais. 4 Ceux des consultants et directeurs de cabinet de reclassement, mais aussi des agents du SPE amenés à travailler de concert avec les cellules et des partenaires sociaux dont certains mesurent parfaitement la valeur ajoutée du dispositif, réclamant son élargissement à l’ensemble des cinq départements des Pays-de-la-Loire.

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§ 1 : Un trait d’union entre les cellules et le système institutionnel local

L’expression du "plus" Plate-forme renvoie en premier lieu et de manière quasi systématique dans les discours à des notions d’articulation, d’intermédiation, de décloisonnement. Le dispositif apparaît ainsi, aux yeux des principaux intéressés, être une réponse pertinente au déficit récurrent de coordination, à la gestion morcelée entre une multiplicité d’acteurs du processus de reclassement. Insérée sur le bassin choletais depuis plus de quatre ans, la Plate-forme ouvre le système ou réseau institutionnel local, dont elle maîtrise parfaitement les logiques de fonctionnement, aux différentes cellules en activité et s’en fait le rapporteur, l’intermédiaire (voir schéma ci-dessous).

"Pour moi, la trouvaille, ce qu’il faut retenir de la Plate-forme, c’est le concept de référent territorial, d’interlocuteur unique1 qui joue un rôle de relais entre des cellules qui ouvrent et ferment régulièrement donc des consultants qui vont et viennent, et le réseau plus stable des acteurs locaux avec qui on est forcément amené à travailler : l’ANPE, l’ASSEDIC, les centres de formation aussi… Quand on arrive sur une antenne, on doit développer des relations avec tout un tas d’institutions, et au-delà des institutions, tout un tas de personnes. Ca demande du temps, de l’énergie et puis c’est aléatoire. On peut avoir de très bons contacts, et puis des fois, il n’y rien à faire, ça ne fonctionne pas… Ici on a un point d’entrée unique, c’est Pierre, lui les contacts il les a, on n’a pas besoin d’aller frapper à trente-six portes pour trouver le bon interlocuteur, et c’est autant de temps de gagné avec nos candidats."2

1 Cette formule d’"interlocuteur unique" recueille l’adhésion d’un grand nombre d’acteurs tant au niveau des cellules de reclassement que des services publics de l’emploi, à tel point que l’ANPE réfléchit actuellement à la possibilité de nommer sur chaque bassin d’emploi un "coordinateur ou chargé de mission mutations économiques" qui jouerait précisément ce rôle de trait d’union avec les différentes cellules de reclassement en activité. 2 Propos d’une consultante en charge d’une cellule de reclassement sur le bassin choletais.

Cellules de reclassement

Plate-forme (interlocuteur

unique)

Système institutionnel local

-ASSEDIC -DDTEFP -ANPE -AFPA -Conseil Régional -Conseil Général -etc

TERRITOIRE

Long terme Moyen terme Court terme (- 1 an) Horizon temporel

La plate-forme, un point d’entrée dans le système institutionnel local

Cellules de reclassement

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La Plate-forme rend immédiate et fluide l’articulation entre les cellules et les acteurs institutionnels locaux, les services publics de l’emploi notamment. L’ajustement du "qui fait quoi" se fait aujourd’hui spontanément, sans doublons et dans des délais très courts. Les candidats ne sont plus ballottés entre différents services et bénéficient d’une plus grande continuité et cohérence dans leur suivi. Les divers outils et pratiques développés dans cette optique par la Plate-forme y participent largement et recueillent de fait l’adhésion de tous.

"Avec la Plate-forme, tout est parfaitement rodé, depuis les réunions collectives de début et fin d’antenne où on est tous présents devant les candidats, jusqu’aux documents de liaison mis en place pour les EMT, les ECCP et les placements1. On y gagne en temps, en efficacité, en crédibilité aussi. C’est important de montrer aux candidats qu’on forme une sorte de front uni, qu’on va dans le même sens, qu’on fonctionne ensemble et pas les uns contre les autres… Pourtant, ce n’est pas partout aussi simple !"2

Le concept de trait d’union ou d’ensemblier, relativement simple à mettre en œuvre3, favorise ainsi une réelle collaboration entre les différents acteurs amenés à intervenir de concert sur ce genre de dossier et accroît, par conséquent, l’efficacité de chacun au bénéfice des salariés licenciés économiques.

§ 2 : Une banque de résolution de cas

Il est un second point vers lequel convergent invariablement les discours sur la valeur ajoutée du dispositif : les solutions d’ordre technique et financier sorties "comme par magie" de l’escarcelle Plate-forme. Et chacun d’y aller – selon ses références personnelles – de sa métaphore, depuis "la caverne d’Ali Baba" jusqu’à "la hotte du Père-noël" en passant par "le bon génie des antennes"4.

De telles formules renvoient en premier lieu de manière évidente aux leviers que constituent les aides à la formation et, dans une moindre mesure, à la mobilité5, apportées dans le cadre de la Plate-forme par les collectivités territoriales (Conseils Régional et Général, voir supra).

1 Des documents spécifiques – et inédits – ont été initiés par la Plate-forme pour faciliter la circulation de l’information entre les cellules et l’ANPE. Ceux dont il est question ici visent à accélérer le traitement des demandes d’évaluation en milieu de travail (EMT) et d’évaluation des compétences et capacités professionnelles (ECCP). 2 Propos d’une consultante en charge d’une cellule de reclassement sur le bassin choletais. 3 Se pose quand même la question de la légitimité du coordinateur sur laquelle on reviendra ultérieurement. 4 Formules reprises respectivement à deux consultantes et un directeur de cabinet (entretien informel). 5 Les aides à la mobilité apportées par le Conseil Général du Maine-et-Loire sont très peu sollicitées par les licenciés de la mode. A peine 200 demandes ont été enregistrées par la Plate-forme (dont le tiers pour des stagiaires en formation), la grande majorité des salariés reclassés ayant trouvé un emploi à moins de 20 kilomètres de son domicile. Aux yeux des consultants, les incitations financières ne suffisent pas à surmonter les freins à la mobilité géographique qui demeurent l’un des principaux obstacles au reclassement, notamment pour un public féminin.

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Ces aides renforcent en effet de manière assez considérable et au su de tous1, les moyens d’action des cellules, notamment dans le champ de la reconversion.

"Ces crédits spécifiques, c’est une bouffée d’oxygène pour nous, ça élargit considérablement nos marges de manœuvre avec les candidats. Notre principal problème sur les antennes, notamment quand on est face à un public qui n’a pas d’autre choix que de changer de secteur d’activité, c’est le budget formation. On doit tellement souvent dire : « Là, non, je vous arrête tout de suite, cette formation là, elle coûte tant et on ne trouvera personne pour vous la financer ». […] Avec la Plate-forme, si le projet est pertinent et le candidat motivé, on n’a pas ce genre de problème. Ca roule, et en plus la personne rentre en formation tout de suite. Alors c’est clair que ça nous facilite pas mal les choses, mais franchement, heureusement, parce que sans cela…"2

Au-delà de ces moyens financiers, dont tout de même un tiers de l’effectif licencié a pu bénéficier jusqu’ici (voir supra), les cellules valorisent dans leur discours l’expertise technique, spécifique et complémentaire, apportée au quotidien par la Plate-forme. Une expertise largement reconnue tout d’abord en matière d’ingénierie formation, qui renvoie à la connaissance de l’offre de formation locale, à la maîtrise des différentes mesures de financement et au montage des dossiers, activité centralisée par la Plate-forme.

"L’idée de centraliser le montage des dossiers de formation, ça aussi c’est quelque chose à retenir. C’est précieux. Les aides à la formation, c’est vraiment pas simple, en plus, ça change d’un coin à l’autre. Alors en temps normal, on s’en charge, ça fait partie du travail, mais on y passe du temps. On peut passer des heures sur un dossier parfois. Pierre, lui, depuis quatre ans qu’il s’en occupe pour l’ensemble des cellules, il a acquis une sacrée expérience en la matière. Il connaît les trucs, les centres, les interlocuteurs, c’est huilé, c’est simple, pour tout le monde3. Résultat : les délais d’instruction, de décision et même d’entrée en formation sont largement raccourcis, et ça, c’est bon pour la motivation et le moral des candidats."4

Les consultants relèvent enfin, à un tout autre niveau, les bénéfices induits par la collaboration, l’échange d’informations et de points de vue, le partage des responsabilités.

1 Ce sont ces aides, essentiellement, que la branche Hacuitex (Habillement-cuir-textile) de la CFDT voudrait voir généralisées à l’ensemble des départements des Pays-de-la-Loire. Notons par ailleurs qu’une demande similaire a été adressée au Conseil Régional (qui l’a déboutée) par les acteurs du bassin nazairien en vue de favoriser la reconversion d’une partie des salariés des chantiers navals. 2 Propos d’une consultante en charge d’une cellule de reclassement sur le bassin choletais. 3 Le principe de "guichet unique", qui renvoie à l’idée de trait d’union précédemment développée, est effectivement apprécié d’un bout à l’autre de la chaîne (consultants, financeurs, centres de formation). Il est d’autant plus pertinent que les rapports entre acteurs, facilités par l’unicité de l’interlocuteur central, se sont enrichis dans le temps d’une relation de confiance propice à la réactivité. 4 Propos d’une consultante en charge d’une cellule de reclassement sur le bassin choletais.

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La Plate-forme, de par son implication continue auprès des cellules et des licenciés de la mode, permet en effet un regard distancié sur le fonctionnement des antennes, la situation des candidats ou encore la réalité du marché de l’emploi local. Les connaissances générées par l’observation des pratiques des différentes cellules sont capitalisées et mutualisées par le biais du dispositif, apparenté de fait par certains interlocuteurs à une banque de résolution des cas.

"La Plate-forme c’est une référence pour nous. Elle est porteuse de tout ce qui a été fait dans le Choletais depuis quatre ans pour les salariés de la chaussure. On est tous confrontés aux mêmes problèmes avec nos candidats, ça ne sert à rien de vouloir réinventer ce qui a déjà été fait. Ils [les animateurs Plate-forme] n’ont pas toujours la solution, mais au moins on n’est pas seuls à porter la responsabilité de certaines décisions, de certains échecs. On peut compter sur leur appui, pour une entreprise quand on n’a pas le temps d’y aller, un candidat, quand on sent que c’est bloqué… Le fait de se sentir épaulé, ça redonne du punch et ça, ça donne des résultats."1

Après des débuts quelque peu chaotiques – liés notamment à la méfiance des cabinets vis-à-vis d’un dispositif dont le rôle apparaissait confus –, la Plate-forme a acquis auprès des cellules de reclassement une légitimité incontestable. Facilitant leur action au quotidien, elle en maximise l’efficacité au bénéfice des salariés licenciés de la mode. C’est à l’évidence dans cette collaboration et complémentarité d’action que s’affirme, de la manière la plus manifeste, le "plus" Plate-forme.

1 Propos d’une consultante en charge d’une cellule de reclassement sur le bassin choletais.

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CHAPITRE VI LES LEÇONS DE L’EXPÉRIENCE CHOLETAISE

Aux yeux de ses initiateurs et des acteurs associés à son fonctionnement, la Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais est un réel succès. Prolixes au sujet de la pertinence et de la valeur ajoutée du dispositif, les discours apparaissent en revanche plus mesurés sur les conditions de son efficacité. Quant à la question de la reproductibilité de l’expérience, elle laisse sceptique la grande majorité des partenaires choletais, d’autant plus aujourd’hui que l’extension vendéenne du dispositif, opérationnelle depuis début 20041, est l’objet de retours mitigés. Pourtant, le succès de l’opération, relayé entre autres par un séminaire de formation de la DGEFP2, suscite les convoitises de territoires confrontés à de pareilles crises industrielles endogènes. En l’absence de cadre préétabli venant organiser, ou tout au moins guider, l’action publique en de telles occasions, la tentation est grande, en effet, de reproduire un schéma d’action collective ayant fait ses preuves localement. Il s’agit donc ici de tirer les leçons de l’expérience choletaise en analysant finement les conditions du succès et l’éventualité d’une transférabilité du dispositif conçu en réponse à la crise de la filière mode.

Section 1 : Les clefs du succès choletais

"On n’a rien inventé d’extraordinaire avec la Plate-forme, on a juste trouvé une solution susceptible de répondre, à un moment donné, aux problèmes spécifiques du territoire. Après, effectivement, ce genre de partenariat, ça fonctionne plus ou moins bien, on ne sait jamais trop à l’avance, il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en jeu… Là, la réussite, elle tient surtout au portage de l’expérience, c’est essentiellement une histoire de personnes qui fonctionnent bien entre elles. Et puis, il y a dû y avoir aussi une bonne part de hasard, de chance, comme partout…"3

A l’analyse, le succès apparaît effectivement être la résultante d’un faisceau de détails, de la conjonction subtile d’indices complexes et instables tenant plus des interactions systémiques territoire/acteurs/dispositif que des modalités concrètes de mise en œuvre de l’expérience.

1 Le Conseil Général de Vendée a obtenu fin 2003 que soit mise en œuvre, sur l’ensemble du département, une réplique quasi conforme de la Plate-forme du Choletais. 2 Séminaire de formation sur "l’accompagnement des mutations industrielles" (voir supra). 3 Propos d’un des partenaires institutionnels associé à la mise en œuvre du dispositif Plate-forme.

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§ 1 : Une subtile alchimie locale

L’analyse des facteurs clefs de succès de l’opération renvoie en premier lieu à certaines caractéristiques territoriales spécifiques. "Le contexte local était propice à ce type d’action", note ainsi le sous-préfet de Cholet, "il explique déjà rien qu’à lui seul une bonne partie des résultats de la Plate-forme". Premier atout par rapport à d’autres bassins en crise, le Choletais est un territoire relativement restreint, homogène et doté d’une forte identité, correspondant de surcroît à une circonscription administrative de l’Etat. Cela lui vaut d’être aisément reconnu – et retenu – comme territoire de projet par les pouvoirs publics1. Il fait en outre l’objet d’un consensus politique offensif allant de pair avec un principe de solidarité territoriale, traditionnellement érigé en valeur locale. Or l’expérience semble prouver que c’est précisément là où existe au préalable une vision partagée du développement territorial que les crises, lorsqu’elles surgissent, sont le mieux gérées localement2.

Autre facteur d’explication, plus systématiquement mis en avant par les parties prenantes de l’opération, le contexte économique global de la région. Le Choletais est un bassin d’activité extrêmement dynamique, dense et diversifié, capable de créer autant d’emplois qu’il en est détruit. Il a révélé, à maintes reprises, de grandes capacités de réponse face aux secousses de conjoncture liées aux crises à répétition dans le secteur mode. En témoignent l’évolution de l’emploi salarié (+1,5 % par an depuis le début des années 90 sur l’arrondissement de Cholet) et la stabilité du taux de chômage (taux compris entre 5,5 et 6 % sur le bassin d’emploi de Cholet durant cette même période)3. "Le bassin a pu absorber jusqu’ici l’excédent de main d’œuvre renvoyé sur le marché du travail par les industries de la mode", résume ainsi le directeur du CFPA de Cholet, "c’est ce qui nous vaut de pouvoir afficher aujourd’hui de tels résultats de reclassement. Nous ne sommes pas confrontés dans le Choletais à un problème de dynamisme économique − la région est connu pour son esprit industrieux −, mais à un problème de fluidité, de brassage des compétences, ce qui est à l’évidence beaucoup moins problématique…"

Outre ces spécificités territoriales, le succès du dispositif s’avère, sur un tout autre plan, indissociable des individus qui se sont employés, au fil du temps, à lui donner un contenu, un sens et une légitimité. Ce que la directrice adjointe de la DDTEFP du Maine-et-Loire exprime en ces termes : "La Plate-forme, c’est Pierre Emeriau et Jacques Sautour, sans eux, je ne sais pas bien ce qu’il en reste".

1 La concordance du périmètre administratif et de celui des bassin de vie et aire de mobilité professionnelle favorise incontestablement la cohérence et l’homogénéité des actions conduites dans le cadre d’un partenariat associant, entre autres, services déconcentrés de l’Etat et collectivités locales. Voir à ce sujet : M. Autes, "Les Sens du territoire", Recherches et Prévisions, n°39, 1995, pp. 57-71. 2 Voir à ce sujet : C. Beslay et M. Grossetti, "La Construction des politiques locales de reconversion industrielle", Revue d’économie régionale et urbaine, n°1, 1999, p. 63-92. 3Sources : Sous-préfecture de Cholet pour l’évolution de l’emploi salarié et DDTEFP du Maine-et-Loire pour l’évolution du taux de chômage.

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Le dispositif apparaît de fait largement porté par ses animateurs, "tandem gagnant" déterminé par le hasard des choix des responsables de deux des composantes du SPE. Ils s’y sont investis personnellement, débordant très vite des cadres de la mission qui leur était assignée et qu’ils ont contribué, pour une large part, à redéfinir en fonction des besoins spécifiques observés sur le terrain. Leur profil quelque peu atypique, notamment vis-à-vis de leur structure d’origine1 et la posture professionnelle, dans et hors cadre institutionnel2, adoptée par l’un et l’autre leur ont permis de se tailler une place originale dans le paysage choletais et d’y acquérir une certaine légitimité. Ils ont ainsi pu établir de solides relations de confiance, tant avec les cabinets de reclassement qu’avec les partenaires institutionnels, condition sine qua non de leur efficacité en tant que coordinateurs des actions de reclassement menées, à l’échelle du territoire, en faveur de la population mode. L’enjeu fondamental d’un tel dispositif d’intermédiation réside à l’évidence dans la reconnaissance, par des acteurs multiples, de sa légitimité (et de celle de ses animateurs) à assurer la coordination des différentes actions menées en vue d’un seul et même objectif. Cette capacité de nodalité – l’aptitude à opérer des maillages et synergies entre différents acteurs réunis autour d’une même problématique spécifique en cherchant à transgresser les frontières préétablies (public/privé, décisionnel/opérationnel, etc.) – dont ont su faire preuve, au-delà de leurs compétences techniques et qualités relationnelles, les animateurs de la Plate-forme, constitue à l’évidence l’un des facteurs de succès du dispositif.

§ 2 : L’enclenchement d’une dynamique territoriale vertueuse

En poussant un peu plus loin l’analyse, apparaît une toute autre explication du succès de l’expérience choletaise dans l’enclenchement d’une dynamique territoriale féconde et durable qui dépasse aujourd’hui le simple cadre de la Plate-forme. Les intérêts de courte vue – la reconversion de la population mode – en rassemblant les divers acteurs locaux concernés, ont jeté les bases d’un nouveau mode de concertation et collaboration interinstitutionnelle (et interpersonnelle) à l’échelle du territoire. "La crise", analysent ainsi Beslay et Grossetti, "a un effet profondément restructurant sur le système d’action local. Les logiques de fonctionnement et priorités antérieures se trouvent modifiées devant l’importance que prend dans ces circonstances la question de l’emploi et de l’avenir économique.

1 Pierre Emeriau, notamment, présente la particularité d’avoir eu une carrière assez composite (à la fois en entreprise et dans l’administration), ce qui peut permettre une certaine "traduction" et mise en cohérence des différentes logiques en présence dans le cadre d’un partenariat d’une telle ampleur. 2 Quoique mis à disposition par l’AFPA et l’ANPE, ils ne relèvent (et ne se réclament) pas de leur institution d’origine dans le cadre de leur mission sur la Plate-forme. Ils fonctionnent ainsi essentiellement en dehors du cadre institutionnel – ce qui leur permet d’échapper à certaines lourdeurs administratives – tout en sachant, le cas échéant, le mettre à profit, car en connaissant bien les rouages. Ce positionnement original apparaît, à l’analyse, avoir facilité les relations avec un certain nombre de partenaires associés au fonctionnement du dispositif (et notamment avec les cellules de reclassement).

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Les acteurs font l’apprentissage de nouvelles formes d’action collective, acquièrent de nouvelles capacités d’expertise, les alliances évoluent et les réseaux se redéploient."1 La Plate-forme a largement contribué, de par son action, à la construction de cet espace de coopération à l’échelle du Choletais, mais elle bénéficie aussi, en retour, de ses retombées positives, à travers notamment un portage efficace, collectif et consensuel, de l’expérience. D’où l’idée de dynamique vertueuse, simultanément effet et facteur de succès du dispositif.

Sur leur lancée, la Plate-forme de reconversion professionnelle et le Comité de pilotage de l’économie choletaise ont allumé de nouveaux feux, suscitant collaborations et réflexions transversales connexes au sein du système d’action local. On a évoqué précédemment le groupe de travail sur l’anticipation des besoins en compétences et la prévention des licenciements, dont les réflexions viennent tout juste de laisser place aux premières expérimentations sur le bassin choletais2. D’autres initiatives ont vu le jour dans le champ du devenir économique territorial : création de nouvelles zones d’activité, développement du réseau haut-débit, etc. Projet plus conséquent, les travaux et réflexions portés depuis 2002 par la CCI de Cholet en partenariat avec de nombreux acteurs locaux (Comité d’expansion économique, DRIRE, collectivités locales, centres de formation, etc.) autour de la constitution d’un pôle de compétitivité territorial seront également concrétisés à la fin de l’année 2004 avec le lancement officiel du Pôle-enfant3.

Peut-être plus fondamentalement encore, la Plate-forme a suscité, de par son action et ses résultats, une certaine réflexion chez les acteurs locaux du champ de l’emploi et de la formation professionnelle sur les lacunes de l’organisation territoriale et les moyens de remédier aux problèmes d’articulation entre outils et dispositifs à leur disposition. Car, après avoir mis en évidence les dysfonctionnements du système préexistant – non spécifiques au Choletais –, la Plate-forme a initié de nouveaux modes de collaboration, généré de nouvelles compétences et ouvert de fait certaines pistes de réflexion constituant autant de vecteurs de progrès pour l’action publique territoriale.

1 C. Beslay et M. Grossetti, art. cit. p. 86. 2 Une entreprise choletaise de chaussures pour enfants s’est engagée à titre expérimental dans une telle démarche d’anticipation à la fin de l’été 2004, soutenue par l’AFPA et la Direction du travail. La première étape de cette démarche doit aboutir à la réalisation d’un diagnostic des emplois et des compétences des salariés avec un double objectif : en interne, permettre de pourvoir des emplois nouveaux, dans la logistique ou la conception, résultant de la délocalisation éventuelle d’une partie de la production ; en externe, mesurer l’adéquation entre les propositions d’emplois dans les nouvelles industries des Mauges et les compétences des salariés qui seraient amenés à quitter le secteur de la chaussure. 3 Le concept de pôle de compétitivité – promu depuis au rang de nouvel outil des politiques industrielles territoriales par le gouvernement – a été développé par Christian Blanc dans un rapport remis au Premier ministre au début de l’année 2004 ("Pour un écosystème de la croissance"). Il renvoie à la mise en synergie d’un tissu d’entreprises, de capacités de recherche et de formation sur la base d’une vision stratégique partagée du développement d’un territoire et d’un secteur d’activité dominant. Depuis plusieurs années, le Choletais montre l’ambition de faire de l’enfant le vecteur de son redéploiement économique. Cette stratégie, légitimée par l’exceptionnelle densité locale des activités touchant ce marché en forte progression (confection, ameublement, puériculture, jouet, agroalimentaire), s’inscrit de fait pleinement dans la logique des pôles de compétitivité et fera l’objet dans les mois à venir d’un dépôt de dossier auprès des instances gouvernementales et de la DATAR pour que le Pôle-enfant soit reconnu comme tel sur le plan national.

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Après quatre ans de ce régime, les premières tentatives d’internalisation des principes de fonctionnement promus par la Plate-forme se font jour. Une révision du cahier des charges imposé aux cellules de reclassement est ainsi en cours à la Direction du travail du Maine-et-Loire, qui devrait systématiser, sur le département, la présence des différentes composantes du SPE (ANPE et AFPA1) lors des comités de suivi des cellules. Le même type d’évolution semble à l’œuvre au niveau de l’ANPE qui réfléchit à la possibilité de désigner, sur chaque bassin d’emploi, un référent interne "mutations économiques" chargé de la coordination et du suivi des cellules de reclassement. La dynamique territoriale suscitée par la Plate-forme – et parallèlement source de son succès – est ainsi sur le point de la dépasser2, ce qui pose à terme la question de l’opportunité de la pérennisation de la structure, du moins sous sa forme actuelle3...

Section 2 : La question de la transférabilité de l’expérience

Il est un autre sujet ouvert au débat dans le Choletais, celui de la duplication ou transférabilité du dispositif. L’heure est aujourd’hui à la prudence tant sont mitigés les retours suscités par les premières tentatives en ce sens, dont l’une, en Vendée, est encore en cours. Le succès choletais repose, on l’a vu, sur la conjonction subtile d’une multitude de facteurs peu susceptibles de coexister sur un autre territoire et ne pouvant être eux-mêmes dupliqués. Il n’est pas question pour autant de renoncer à l’idée de tirer de l’expérience les enseignements généraux susceptibles de profiter à d’autres régions en crise, toujours plus nombreuses à solliciter les acteurs choletais.

Il s’agit donc ici, pour reprendre les termes d’une consultante en reclassement, de "faire le tri entre ce qu’il faut laisser au Choletais et ce qu’il faut en retenir pour la suite", ce qui est reproductible et ce qui ne l’est pas. Et celle-ci d’expliquer : "Le copier-coller pur et simple de ce genre de dispositif, c’est l’échec assuré, c’est sûr. Parce que ce qui fait que ça marche, ce ne sont pas les techniques mises en oeuvre, c’est surtout une histoire de compatibilité, avec un public, une culture d’entreprise, une histoire… Mais ça ne veut pas dire que la technique en elle-même est mauvaise ! Tout n’est pas à jeter, à oublier, au contraire, ce serait même bien de ne plus voir réinventées des solutions qui existaient déjà ailleurs même sous une forme un peu différente. Non, ce qu’il faut, c’est faire le tri…"

1 La DDTEFP est déjà systématiquement représentée à ces comités de suivi quand des financements étatiques sont mobilisés (conventions de cellule de reclassement). 2 Mais n’était-ce finalement pas le but assigné au dispositif : créer les conditions d’une collaboration étroite entre les différents acteurs du territoire amenés à travailler de concert autour de la problématique de la reconversion de la population mode. Auquel cas la Plate-forme aurait pleinement atteint ses objectifs. 3 Il pourrait être envisagé, notamment, de repositionner la Plate-forme sur le créneau de l’appui à l’évolution et à la mobilité des compétences dans le secteur mode, d’en faire ainsi un (nouveau) pilote, en matière, cette fois, d’anticipation et de prévention des licenciements.

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§ 1 : L’inopportunité d’un "copier-coller" organisationnel

Le premier constat s’imposant effectivement au terme de ces investigations est celui de la non-reproductibilité, en tant que tel, du dispositif mis en œuvre dans le Choletais pour répondre à la crise de la filière mode. Car celui-ci, à l’image d’autres outils ou mesures expérimentés avec succès au niveau local, n’est pas efficace en soi, de par sa définition réglementaire, ses objets, ses principes et son mode de fonctionnement. Sa forme, en quelque sorte, pour reprendre l’expression consacrée de Aggeri et Pallez, "se dissout sous le regard"1. Les conditions de l’efficacité d’un tel dispositif résident bien plutôt dans ses interactions – vertueuses dans le cas choletais – tant avec le territoire que le système d’action local (acteurs).

Or chaque cas, chaque territoire est spécifique. Les problématiques, enjeux, et configurations institutionnelles – ou modes de gouvernance2 – diffèrent de l’un à l’autre, ce qui réfute l’idée qu’il puisse exister une "boîte à outils" des mutations économiques dans laquelle il suffirait de puiser un dispositif ayant préalablement fait ses preuves lors d’une situation jugée similaire. Il n’est pas ainsi de voie unique en matière de gestion des crises industrielles. La solution efficace est celle par laquelle les acteurs trouvent ensemble les spécificités de ce qui doit être fait localement compte tenu des forces et faiblesses du territoire (potentiel d’emploi), des capacités d’action collective (état des relations au sein du système d’action local : coopération, coexistence, concurrence, etc.) et des caractéristiques du public concerné par les restructurations en cours (employabilité).

1 F. Aggeri et F. Pallez, "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", art. cit. p. 25. 2 Ici au sens défini par Y. Minvielle : "processus institutionnel – organisationnel de construction d’une mise en compatibilité de différents modes de coordination entre acteurs d’un même territoire " Notons que cette mise en compatibilité suppose la mise en cohérence, toujours partielle et provisoire – du fait des rapports de force et des conflits qui les opposent –, de compromis plus ou moins stables et affirmés entre acteurs économiques, institutionnels et politiques. Y. Minvielle, art. cit. p. 32.

ACTEURS

• Configuration institutionnelle (mode de gouvernance territoriale)

• Relations interpersonnelles

TERRITOIRE

• Histoire

• Culture

• Spécificités

DISPOSITIF

• Objet

• Mode de fonctionnement

• Moyens

Condition de mise en œuvre du dispositif

(vision partagée du développement territorial)

Condition d’efficacité du dispositif

(légitimité – portage collectif)

Condition de pertinencedu dispositif

(contextualisation)

L’importance des interactions systémiques territoire/acteurs/dispositif

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Le succès résiderait ainsi dans la capacité des acteurs locaux à répondre collectivement à un besoin identifié au regard de la problématique spécifique du territoire. L’idée étant que des dispositifs ainsi conçus, à la différence d’outils "transplantés", aient plus de chance d’être pertinents s’ils bénéficient d’un ancrage local, et légitimes (donc efficaces) s’ils sont l’objet d’un portage reposant sur un travail collectif et continu d’animation territoriale.

Une telle démarche peut ainsi débuter par la réalisation d’un diagnostic local partagé, phase déterminante dans la mise en œuvre d’un projet territorial s’il est compris, et conçu, non comme un exercice théorique d’évaluation des forces et faiblesses du territoire, mais comme un temps de reconnaissance, d’échange et de débat. Autant que le résultat, c’est en effet le processus par lequel on y parvient qui détermine la qualité et durabilité du partenariat et, ainsi, les chances de succès de l’opération. Car seuls les échanges autour des logiques, des contraintes et des enjeux respectifs de chacune des parties prenantes peuvent permettre de créer la confiance et la reconnaissance nécessaires à l’amorce de l’action collective. D’où la nécessité d’une approche concrète et participative dans laquelle le jeu collectif n’est pas considéré comme acquis mais à construire à partir des références propres à chacun et des enjeux perçus sur le territoire1.

§ 2 : Trois principes pour guider l’action sur les territoires en crise

Si le schéma d’action collective conçu dans le Choletais ne peut être pertinemment dupliqué en tant que tel, son analyse n’en est pas pour autant vide de sens ou d’enseignements. De grands principes, certes généraux – mais reproductibles –, émergent au terme de ces réflexions qui pourraient guider la mise en œuvre, sur d’autres territoires en crise, d’actions sur mesure et propres à chaque problématique locale. Outre celui d’ancrage territorial, précédemment développé, trois principes apparaissent devoir être mis en exergue2 : la non-séparabilité des interventions, la subsidiarité de l’action et la non-institutionnalisation de l’outil mis en œuvre.

A – Le principe de non-séparabilité des interventions

Le premier de ces principes renvoie à la nécessité de dépasser les approches verticales et cloisonnées, notamment en termes de catégories d’action pré-construites, pour adopter une vision transversale qui soit source d’innovation et vienne poser les jalons d’une coopération entre une multitude d’acteurs. Le contour des parties prenantes ne doit pas être ainsi fixé a priori ni de manière autoritaire, mais reposer, autant que faire se peut, sur la libre adhésion.

1 Pour plus de précisions à ce sujet, se référer à : P-O. Archer. et D. Thierry (dir.), Emploi : les réponses locales, Paris, Editions d’Organisation, 2002, pp. 110-112. 2 Deux d’entre eux, la non-séparabilité des interventions et la non-institutionnalisation du dispositif sont développés sous une autre forme dans les travaux de Aggeri et Pallez, et repris comme tels dans les rapports interministériels de J.P. Aubert et C. Viet. F. Aggeri et F. Pallez, "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", art. cit. pp.33-35.

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L’association des organisations syndicales et de représentants de la société civile dans la phase de diagnostic et de réflexion sur les solutions susceptibles d’être mises en œuvre pourrait notamment enrichir de manière significative les démarches engagées à l’échelle d’un bassin d’emploi. Et leur apporter de surcroît lisibilité et légitimité auprès de leurs bénéficiaires directs. L’idée finalement poursuivie est celle d’un plus grand partage des enjeux et responsabilités d’une telle opération qui rend nécessaire une certaine recomposition des rôles au niveau territorial.

B – Le principe de subsidiarité

Le second principe vaut pour les cas où la réponse territoriale suscitée par une situation de crise débouche sur la création d’une structure spécifique ad hoc (type Plate-forme de services) venant s’ajouter aux dispositifs préexistants1. Les logiques de concurrence sont particulièrement fortes dans le champ du développement économique et social local du fait du nombre croissant d’opérateurs, notamment depuis une dizaine d’années, et de l’imbrication des périmètres d’action. Tout l’enjeu de la mise en œuvre d’un tel dispositif réside, de fait, dans l’articulation de ses prérogatives avec celles des acteurs déjà présents sur le terrain chez qui l’arrivée d’un "nouveau venu", quel qu’il soit, n’est pas sans susciter diverses craintes concurrentielles ou de contrôle notamment. L’objectif est donc bien la création des conditions d’une collaboration étroite entre les différents acteurs amenés à travailler de concert sur un dossier, et non la création d’un nouveau dispositif en tant que tel qui contribuerait, à terme, à l’encombrement du "mille-feuille de l’emploi" (expression de D. Thierry).

C – Le principe de non-institutionnalisation

La non-institutionnalisation du dispositif mis en œuvre apparaît être enfin une condition fondamentale de son efficacité dans la mesure où elle est source de souplesse et réactivité. Elle laisse en outre le champ libre à l’improvisation ou plus exactement à l’approche au cas par cas des situations individuelles2. La structure doit être ainsi plutôt conçue dans une logique de mission, ce qui renvoie notamment à la mobilisation, sur une durée préalablement déterminée3, d’un petit nombre d’acteurs (idée de l’interlocuteur unique) aux profils complémentaires et disposant d’une certaine autonomie, mais aussi à l’optimisation des ressources et moyens disponibles à l’échelle d’un territoire, et à la définition d’objectifs stratégiques précis4. 1 La réponse à une situation de crise peut aussi prendre d’autres formes, éventuellement amenées à coexister sur un même territoire : l’appel à un acteur extérieur (société de reconversion, mandataire) ou la spécialisation de certains services d’un organisme générique (Sous-préfecture, DRIRE, Comité d’expansion, etc.). Pour plus de précisions à ce sujet, se référer à : C. Beslay, M. Grossetti, art. cit. p. 80. 2 Ce que ne permet pas la rigueur administrative, qui tient certes à des principes déontologiques (égalité des citoyens devant le service public), mais s’avère peu efficace dans ce genre de situation mêlant urgence et incertitude. 3 Ceci afin d’éviter tout risque de pérennisation d’une structure n’ayant plus réellement de raisons d’être (voir supra). 4 La définition a priori de tels objectifs facilite l’évaluation périodique des actions conduites et permet, le cas échéant, de les recadrer.

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Le principe de contractualisation souple, énoncé par Aggeri et Pallez – qui recouvre globalement la nécessité de construire des compromis équitables assortis d’engagements réciproques et d’une éventuelle procédure d’arbitrage1 – apparaît être le corollaire de celui de non-institutionnalisation et constitue sans doute l’alternative la plus appropriée pour la mise en oeuvre de tels dispositifs de crise.

Ces principes généraux sont ouverts au débat et révisables. Ils ne sont ni indépendants ni autoportants et ne sauraient constituer à eux seuls une doctrine en matière de gestion territoriale des mutations économiques. S’ils renvoient à une certaine vision d’un bien commun, ils doivent, pour obtenir une plus large adhésion et déboucher sur une reconnaissance opératoire, être justifiés par rapport à un diagnostic général des pratiques (bonnes ou mauvaises) expérimentées par d’autres territoires en réponse à de pareilles crises industrielles.

1 F. Aggeri et F. Pallez, "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", art. cit. pp.35-36.

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CONCLUSION

D’autres schémas d’action territoriale, proches (parfois inspirés) du dispositif choletais, se sont développés depuis le début des années 2000 : cellule interentreprises à Angers, pôle de ressources emploi-formation à Lannion, cellule globale de reclassement à Lille, etc. La DGEFP en recense aujourd’hui une dizaine, répartis sur l’ensemble du territoire national et rassemblés sous la dénomination générique de plate-forme de services. Il apparaît essentiel d’analyser finement chacune de ces expériences de manière à enrichir, consolider ou revenir sur les premiers principes esquissés ici et préciser ainsi progressivement les contours d’une certaine forme d’ingénierie territoriale des mutations industrielles. Car nombreux sont les acteurs – au-delà du Choletais – à exprimer aujourd’hui le besoin d’un cadre de référence visant à guider la conduite de telles actions, inédites, au niveau territorial. L’expression d’un tel besoin renvoie aux incertitudes dans lesquelles sont plongés les acteurs confrontés à ces situations de crise, mais aussi à un désir d’équité, de règles communes1. S’il est évident que la solution ne réside pas dans une codification excessive ou la réintégration de telles opérations dans des normes administratives – la non-institutionnalisation de ces dispositifs apparaissant être une condition fondamentale de leur efficacité –, elle pourrait l’être dans la définition d’éléments de doctrine, de principes généraux découlant de l’observation et de l’analyse des pratiques expérimentées avec plus ou moins de succès sur différents territoires. L’Etat semble avoir pris acte de cet appel du terrain. Il s’est engagé, à travers la MIME2, sur la voie de la capitalisation des pratiques en lançant, au début de l’année 2003, un observatoire national des mutations économiques décliné depuis peu au niveau régional3. L’outil apparaît caractéristique des nouvelles formes d’intervention étatique dans la gestion des affaires publiques en ce qu’il renvoie, à terme, à la définition de politiques prescriptives ou constitutives, activées, pour reprendre la formule de Duran et Thoenig, "dans l’espoir qu’à travers elles, se créeront des fenêtres d’opportunité pour une action collective impliquant des acteurs tiers"4.

1 Le but étant notamment de soustraire de telles opérations aux aléas des configurations partisanes et d’éviter, de même, les distorsions de traitement entre territoires. 2 Mission interministérielle sur les mutations économiques (voir précisions supra). 3 Les Pays-de-la-Loire sont d’ailleurs la première région à avoir inauguré leur observatoire régional des mutations économiques à la fin de l’année 2003. 4 P. Duran et J-C. Thoenig, "L’État et la gestion publique territoriale", Revue française de science politique, n°46(4), 1996, pp. 580-623.

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Il est un autre enjeu fondamental dont l’Etat, de la même manière, commence tout juste à se saisir1, celui de l’anticipation et de la prévention des licenciements. Le sujet renvoie à une nécessaire évolution des représentations conceptuelles des processus de mutation économique, ceci afin de substituer une logique préventive à la logique curative actuellement en vigueur. Les représentations suscitées à chaud par de telles crises incitent à raisonner exclusivement en termes d’emploi et d’entreprise : il s’agit, à peu d’exceptions près, de sauver des emplois ou de reclasser des salariés, d’aider ou de créer des entreprises. Si ces objectifs apparaissent légitimes à court terme, ils perdent de leur pertinence lorsque l’on raisonne sur une durée plus longue. Dans cette optique, ainsi que l’expriment Aggeri et Pallez, c’est "la trajectoire de l’individu, comportant une succession d’emplois [voire de métiers] mais aussi, le cas échéant, de formations et de périodes d’inactivité"2 qui devient significative dans un environnement mouvant. C’est de même l’évolution économique d’un territoire que l’action collective doit infléchir et non "la survie d’entreprises dont la pérennité ne doit plus être considérée comme une fin en soi"3.

Il n’est plus possible, dans le cadre d’une économie ouverte et mondialisée, de garantir la stabilité de l’emploi ni même celle du métier. La solution résiderait donc dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, l’anticipation du changement à l’échelle de l’entreprise mais aussi du bassin d’emploi, le développement d’outils d’aide à l’employabilité, la promotion du concept de formation tout au long de la vie... Autant de formules qui pourraient, à terme, permettre d’appréhender autrement – comme une étape et non plus un accident – les mutations économiques. Car ainsi que le souligne D. Thierry, "le vrai drame des plans sociaux n’est pas celui que constituent les suppressions d’emplois, mais le fait de devoir mettre sur le marché du travail des individus qui, à tort ou à raison, se considèrent comme non-reclassables"4. Un drame que les propos de cette salariée de Moulinex qui déclarait à la presse il y a maintenant quelques années "Je travaille depuis trente ans mais je n’ai pas de métier"5 expriment mieux que tout autre discours.

1 Le sujet constitue une autre des priorités de la MIME, et de nouvelles prestations, nées des propositions du terrain – et notamment du Choletais – viennent d’être créées dans cette optique par la DGEFP (voir supra). 2 F. Aggeri et F. Pallez, "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", art. cit. p. 39. 3 Ibid. 4 Propos extraits de l’édito de la revue Chronique (publication de l’association Développement et emploi), n°19, décembre 2001, p. 1. 5 Ibid.

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TABLE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ADEP : Agence nationale pour le développement de l’éducation permanente. AFPA : Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. AFPE : Action de formation préalable à l’embauche (prestation ANPE). ANPE : Agence nationale pour l’emploi. AS-FNE : Allocation spéciale du Fonds national de l’emploi (appelée aussi "convention préretraite-licenciement"). BCA : Bilan de compétences approfondi. BDPME : Banque du développement des petites et moyennes entreprises. CFPA : Centre de formation professionnelle pour adultes (AFPA). CROP : Centre régional d’orientation professionnelle (AFPA). DARES : Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. DATAR : Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale. DDTEFP : Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. DGEFP : Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. DRIRE : Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement. ECCP : Evaluation des compétences et capacités professionnelles (prestation ANPE). EMT : Evaluation en milieu de travail (prestation ANPE). FNE : Fonds national de l’emploi. IOD (méthode) : Intervention sur l’offre et la demande. INRA : Institut national de la recherche agronomique. MIME : Mission interministérielle sur l’accompagnement des mutations économiques. PARE : Plan d’aide au retour à l’emploi. PAP : Plan d’action personnalisé (prestation ANPE). PRFQ : Programme régional des formations qualifiantes. SGAR : Secrétariat général pour les affaires régionales. SPE : Service public de l’emploi. SPL : Système productif spécialisé. UTR : Unité technique de reclassement (ancien service spécialisé de l’ANPE).

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BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

Références générales

• Archer P-O. et Thierry D. (dir.), Emploi : les réponses locales, Paris, Editions d’Organisation, 2002.

• Balme R., Faure A. et Mabileau A. (dir.), Les nouvelles Politiques locales, Paris, Presses de Sciences-Po, 1999.

• Gauter J. et Minvielle Y. (dir.), Territoires et compétences, Paris, Edition du GREP, 1998. • OREF Pays-de-la-Loire, L’Insertion : mots clés et guide des actions, Paris, Syros, 1995.

Mutations et restructurations industrielles

• Lemasle T. et Tixier P-E. (dir.), Des Restructurations et des hommes, Paris, Dunod, 2000. • Villeval M., Mutations industrielles et reconversion des salariés, Paris, L’Harmattan, 1992.

Le Choletais : histoire, identité, actualité économique et sociale

• Belser C., Petite Histoire du Pays des Mauges, La Mothe-Achard, Geste Editions, 2002. • Chéné R., Les Débuts du commerce et de l’industrie de la chaussure dans la région de

Cholet, Maulévrier, Hérault Editions, 1980.

Articles

Références générales

• Autes M., "Les Sens du territoire", Recherches et Prévisions, n°39, 1995, pp. 57-71. • DARES, "1982-2002 : La Territorialisation progressive des politiques de l’emploi",

Premières synthèses, n° 24.2, juin 2002. • Duran P. et Thoenig J-C., "L’État et la gestion publique territoriale", Revue française de

science politique, n°46(4), 1996, pp. 580-623. • Gélot D. et Simonin B., "Vingt Ans d’évaluation de la politique de l’emploi. L’évolution des

procédures, des questionnements et des méthodes", La Lettre (Centre d’études de l’emploi), n°48, juin 1997.

Page 74: Mutations industrielles corrige - Orientation Pays de la Loire

74

Mutations et restructurations industrielles

• Aggeri F. et Pallez F., "Les nouvelles Figures de l’Etat dans les mutations industrielles", Cahier de recherche du Centre de Gestion Scientifique de l’École des Mines de Paris, n°20, juin 2002.

• Beslay C. et Grossetti M., "La Construction des politiques locales de reconversion industrielle", Revue d’économie régionale et urbaine, n°1, 1999, pp. 63-92.

• Campinos-Dubernet M., "Conduire des Restructurations d’entreprise", La Lettre du GIP-MIS, n°12, mars 2002.

• DARES, "Les Dispositifs publics d’accompagnement des restructurations en 2002", Premières synthèses, n° 35.1, août 2003.

• Devillechabrolle V., Du Guerny S., Heulot H. et Rey F., "Reconversion : des bassins d’emploi qui souffrent", Liaisons Sociales Magazine, n° 39, février 2003.

• Karsenty S., "Mutations économiques et plans sociaux", Chronique (publication de l’association Développement et Emploi), n°19, décembre 2001, pp. 2-4.

• Liquet V., "Reclassements : un mythe ?", Stratégies de développement local, n°39, septembre 2004.

Rapports et documents non publiés

Mutations et restructurations industrielles

• Aggeri F. et Pallez F., Gestion territoriale des mutations industrielles : Le cas du secteur de la chaussure dans le Choletais, rapport d’étude du Centre de Gestion Scientifique de l’École des Mines de Paris, 2001.

• Bourel J. (sous la direction de Philippe Garraud), Restructurations, plans sociaux et action publique : Le cas ACT Manufacturing à Angers, mémoire de fin de cycle, IEP Rennes, 2003.

• Viet C., Rapport de synthèse de la mission interministérielle sur l’accompagnement des mutations économiques, janvier 2003.

Le Choletais : histoire, identité, actualité économique et sociale

• Comité d’Expansion des Mauges, Métiers et emplois dans le Choletais, 2004. • Degoulange L., Gourmelen G., Latapy A. et Martinez S., Le Pays des Mauges et la

création d’emplois féminins, diagnostic de territoire sur le Pays des Mauges, 2004. • Cabinet LMA, Avenir de la filière mode dans le Choletais, rapport d’étude, novembre 1999. • Minguet G., Le développement industriel du Choletais, thèse pour le doctorat de troisième

cycle de sociologie, IEP Paris, 1983.

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ANNEXES

• Annexe 1 Convention-cadre pour la mise en place de la Plate-forme du Choletais .......................... 76

• Annexe 2 Evaluation du coût global du dispositif ................................................................................. 82

• Annexe 3 Rapport d’activité de la Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais (avril 2000 - avril 2004) ............................................................................................................. 83

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Annexe 1 Convention-cadre pour la mise en place de la Plate-forme du Choletais

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CONVENTION–CADRE

Entre

l’Etat représenté par le Préfet de Maine-et-Loire,

la Région des Pays de la Loire représentée par le Président du Conseil Régional,

le Département de Maine-et-Loire représenté par le Président du Conseil Général,

le Syndicat Mixte du Pays des Mauges représenté par son Président,

l’ANPE représentée par le Directeur délégué de la délégation départementale de l’ANPE du Maine-et-Loire,

l’AFPA représentée par le Directeur du Centre Régional d’Orientation Professionnelle des Pays de la Loire.

Préambule

Dans un contexte marqué à la fois par un nombre important de licenciements dans certaines entreprises des industries de la mode et un besoin de main-d’œuvre dans des secteurs ou métiers déficitaires en emplois dans le bassin choletais, l’Etat, la Région des Pays de la Loire et le Département de Maine-et-Loire – en complément des dispositifs de droit commun destinés à faciliter le reclassement des personnels concernés – demandent à l’ANPE et à l’AFPA de constituer une équipe dénommée "plate-forme de reconversion professionnelle".

ARTICLE 1

La mission de cette équipe sera de permettre aux salariés licenciés des industries de la mode de se reconvertir vers des métiers déficitaires en main-d’œuvre dans les secteurs notamment de l’agro-alimentaire, du bâtiment et des travaux publics, des métiers de la bouche, des transports, de la menuiserie ou de la navigation de plaisance.

Son rôle sera de construire des parcours de formation spécifiques, adaptés aux besoins des entreprises, à partir de l’évaluation des compétences transférables des salariés licenciés et de l’analyse des postes de travail correspondant aux emplois déficitaires identifiés.

…/…

Plate-forme de reconversion

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77

- 2 -

La plate-forme n’aura pas pour vocation de recevoir individuellement les salariés concernés qui seront accueillis et suivis dans le cadre du dispositif de droit commun par les cellules de reclassement, l’unité technique de reclassement et les services de l’ANPE compétents. Elle sera au service de ces structures et devra travailler en lien étroit avec celles-ci. L’ANPE, en sa qualité de prescripteur, présentera les demandes de formation nécessaires à la Région Pays de la Loire qui en assurera la prise en charge dans le cadre des programmes de formation professionnelle qu’elle met en œuvre.

ARTICLE 2

La plate-forme sera implantée dans les locaux mis a disposition par le Syndicat Mixte du Pays des Mauges à la Loge à BEAUPREAU. Une convention spécifique sera établie entre le Syndicat Mixte, l’ANPE et l’AFPA pour déterminer les conditions de cette mise à disposition.

ARTICLE 3

La plate-forme est une équipe de deux personnes affectées, l’une par l’ANPE, l’autre par l’AFPA, à cette mission.

L’ANPE et l’AFPA demeurent respectivement leurs employeurs selon les règles statuaires ou contractuelles qui leur sont propres.

ARTICLE 4

Les coûts e fonctionnement de ce service complémentaire s’élèvent pour une année à 1 240 000 F. Ils sont pris en charge par les signataires selon les modalités suivantes :

- Etat :

commande publique à l’AFPA : 370 000 F dépense directe de l’ANPE : 40 000 F

- Région : 415 000 F

- Département : 415 000 F

Les modalités de financement feront l’objet de conventions particulières d’application entre ces institutions et la Région d’une part, et le Département d’autre part.

…/…

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- 3 -

La ventilation prévisionnelle des dépenses par action et par prestataire est fixée comme suit :

Coût total

et prestataire Etat Région Département

Appui à l’élaboration de projet (S 2)

(200 prestations)

500 000 F (AFPA)

250 000 F (commande

publique AFPA)

125 000 F

125 000 F

Poste de conseiller accompagnement

340 000 F (ANPE) 170 000 F

170 000 F

Analyse de postes

(60 postes différents – Coût unitaire 6 000 F)

360 000 F (AFPA)

120 000 F (commande

publique AFPA)

120 000 F

120 000 F

Evaluation découverte des métiers en milieu de travail

(pour 200 personnes)

40 000 F (ANPE)

40 000 F (ANPE)

TOTAL 1 240 000 F 410 000 F 415 000 F 415 000 F

ARTICLE 4

Une annexe technique précisera les modalités selon lesquelles pourront être mobilisées pour les salariés licenciés des industries de la mode les actions de formation gérées par la Région Pays de la Loire dans le cadre de ses compétences. Ces modalités s’attacheront à ce que – dans le respect des procédures établies – une réponse rapide puisse être apportée.

…/…

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79

- 4 -

ARTICLE 6

En complément des actions définies aux articles précédents, le Département s’engage à financer un dispositif d’aide à la mobilité géographique à hauteur de 50 000 F.

Une seconde annexe définira le contenu et les modalités d’activation et de gestion de ce dispositif.

ARTICLE 7

Un comité de suivi composé de représentants de l’Etat, des collectivités territoriales signataires et des autres signataires sera mis en place. Il se réunira lors du démarrage de la Plate-forme puis autant que de besoin.

Un compte-rendu d’exécution sera adressé après six mois puis un an de fonctionnement.

La présente convention est conclue pour une durée d’un an à compter de sa signature1.

A Angers, le 14 avril 2000

Pour l’Etat

Le Préfet de Maine-et-Loire

Jean-Michel BERARD

Pour la Région des Pays de la Loire

Le Président du Conseil Régional des Pays de la Loire

François FILLON

Pour le Département de Maine-et-Loire

Le Président du Conseil Général de Maine-et-Loire

André LARDEUX

Pour l’ANPE

Le Directeur délégué de la délégation départementale de

l’ANPE du Maine-et-Loire

Michel DAVID

Pour le Syndicat Mixte du Pays des Mauges

Le Président

Christian GAUDIN

Pour l’AFPA

Le Directeur du Centre Régional d’Orientation Professionnelle

des Pays de la Loire

Guy FOURNIER

1 La convention sera renouvelée 5 fois par la suite, en avril 2001, avril 2002, avril 2003, décembre 2003, et juin 2004. Les contingences budgétaires (programmations annuelles) des différents contributeurs, mais aussi la volonté partagée de ne pas voir pérennisé le dispositif (!) expliquent les limites temporelles de ces engagements.

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REGION DES PAYS DE LA LOIRE DIRECTION DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE & DE L’APPRENTISSAGE

•PLATE-FORME DE RECONVERSION DES INDUSTRIES DE LA MODE SUR LE BASSIN DE CHOLET •ANNEXE A LA CONVENTION-CADRE (I)

La mobilisation des actions de formations gérées par la Région des Pays de la Loire au bénéfice des salariés licenciés des industries de la mode sur le bassin choletais s’effectuera de la façon suivante :

1. Prise en charge pour les personnes en convention de conversion des coûts de formation qui excéderaient le plafond des 20 000 F applicables aux formations effectuées dans ce cadre. Les dossiers des personnes bénéficiaires seront présentés par l’A.N.P.E. à la Région, qui établira une convention spécifique avec les organismes de formation concernés, pour la part de financement à compléter.

2. Accès privilégié à l’ensemble des formations que la Région finance dans le cadre de ses dispositifs. Les demandes seront instruites par l’A.N.P.E. avec le soutien de la plate-forme de reconversion. Elles seront transmises à la Région par l’A.N.P.E.

2.1 Accès aux formations "groupes" conventionnées avec la Région. Si des personnes souhaitent rentrer dans un stage déjà conventionné par la Région dans le cadre du "Programme Régional des Formations Qualifiantes" (PRFQ) ou du programme "AFR Groupe", il leur sera donné une priorité d’accès. Des places conventionnées supplémentaires pourront être créés en tant que de besoin dans la limite des capacités d’accueil des organismes. De plus la Région prendra en charge, à titre dérogatoire, le financement de la part habituellement facturée au stagiaire.

Dans le cas où un nombre suffisant de demandes serait réuni pour une formation particulière, cette formation pourrait être mise en place dans le cadre de la procédure normale des AFR Groupe avec un financement spécifique de la Région.

2.2 Accès "individuel" à des formations non conventionnées avec la Région. L’accès aux stages existant sur le marché de la formation est accessible aux personnes visées par l’accord cadre. Ces accès seront gérés dans le cadre de l’AFR cursus individuel. Les demandes seront instruites par la plate-forme de reconversion à qui il reviendra d’estimer la pertinence de la formation par rapport au projet d’insertion professionnelle de la personne. Cette règle s’appliquera à toutes les formations demandées qu’elles relèvent ou non de secteurs connaissant des difficultés de recrutement.

Les demandes seront présentées à la Région par l’A.N.P.E. Leur financement sera assuré par une ligne spécifique hors quotas.

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DEPARTEMENT DU MAINE ET LOIRE SERVICE DES AFFAIRES ECONOMIQUES ET DU TOURISME

•PLATE-FORME DE RECONVERSION DES INDUSTRIES DE LA MODE SUR LE BASSIN DE CHOLET

•DISPOSITIF D’AIDE A LA MOBILITE GEOGRAPHIQUE •ANNEXE A LA CONVENTION-CADRE (II)

Le Département de Maine-et-Loire met en place de manière expérimentale, un dispositif d’aide à la mobilité géographique destiné aux salariés licenciés des industries de la mode en accompagnement des dispositifs de reclassement mis en œuvre par l’Etat.

Nature de l’aide :

Aide mensuelle accordée pendant 6 mois au plus, aux salariés en reconversion acceptant un emploi éloigné de plus de 20 km de leur domicile.

Elle est calculée forfaitairement sur la base de 0,50 F par kilomètre parcouru sur la base de 20 allers-retours par mois entre le domicile et le lieu de travail, dans la limite de 60 kilomètres par jour.

Bénéficiaires :

Les salariés licenciés par une entreprise du secteur des industries de la mode (chaussure, textile-habillement), bénéficiaires d’un dispositif de reclassement mis en œuvre par l’Etat et retrouvant un emploi salarié, dont la rémunération n’excède pas 1,5 fois la valeur du SMIC.

Modalités de versement :

L’aide est versée mensuellement au bénéficiaire, à compter de la date de prise d’effet du nouveau contrat de travail, au vu d’une demande visée par l’ANPE. Elle s’interrompt automatiquement en cas de rupture du contrat de travail ou en cas de changement de domicile qui ne permettrait plus de respecter les conditions de distance. Les bénéficiaires devront signaler sans délai au Département tout changement dans leur situation.

Cas particuliers :

Le bénéfice de ce dispositif peut être étendu aux personnes devant suivre un stage de formation débouchant sur un emploi salarié permanent. Dans ce cas, le montant maximal pris en charge par le Département pourra, sur décision de la Commission permanente, être limité à 50 % des frais de déplacement (voire d’hébergement) supportés par le stagiaire.

Page 82: Mutations industrielles corrige - Orientation Pays de la Loire

Annexe 2 Evaluation du coût global du dispositif

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PLATE-FORME DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE DU CHOLETAIS VENTILATION DES COÛTS PAR ACTION ET PAR PRESTATAIRE

DU 01/05/2000 AU 31/12/20031

Réalisations prévues dans la Convention-cadre (en euros)

1er exercice

12 mois 2000-20012

2e exercice 12 mois

2001-2002

3e exercice 12 mois

2002-2003

4e exercice 8 mois 2003

TOTAL

Etat 53 845 35 518 17 136 14 215 120 714

Région 49 012 52 213 36 283 24 493 162 001

Département 49 012 52 213 36 283 24 493 162 001

TOTAL 151 869 139 944 89 702 63 201 444 716

Moyenne annuelle : 121 286 euros (27 % Etat, 36,5 % Région et 36,5 % Département) Moyenne par personne suivie : 278 euros (444 716/1 6003)

Réalisations hors Convention-cadre (en euros)

1er exercice 2e exercice 3e exercice 4e exercice TOTAL

Etat (aides à la formation) 117 810 72 749 69 764 54 010 314 333

Région (aides à la formation) 123 555 246 632 195 850 105 545 671 582

Département (aides à la mobilité) 18 374 9 732 14 221 14 867 57 194

TOTAL 259 739 329 113 279 835 174 422 1 043 109

Moyenne annuelle : 284 484 euros (30 % Etat, 64,5 % Région et 5,5 % Département) Moyenne par personne suivie : 652 euros

⇒ "Plus financier" Plate-forme sur les formations : 985 915 euros pour 566 bénéficiaires (soit une moyenne de 1 742 euros par stagiaire)

Total des réalisations (en euros)

1er exercice 2e exercice 3e exercice 4e exercice TOTAL

Etat 171 655 108 267 86 900 68 225 435 047

Région 172 567 298 845 232 133 130 038 833 583

Département 67 386 61 945 50 504 39 360 219 195

TOTAL 411 608 469 057 369 537 237 623 1 487 825

Coût annuel moyen du dispositif: 405 770 euros (29 % Etat, 56 % Région et 15 % Département) Coût moyen par personne suivie : 930 euros

1 Les prestations réalisées (appui à l’élaboration de projet, analyses de postes, EMT, etc.) entre janvier et mai 2004 n’ont pu être chiffrées à ce jour. Ne seront donc considérés ici que les 8 premiers mois de l’exercice 4 de la Plate-forme. 2 Les années de référence de l’activité de la Plate-forme ne correspondent pas avec les années civiles. Elles s’entendent d’avril en avril de l’année suivante. 3 Nous ne comptabilisons ici que les personnes ayant rejoint le dispositif entre mai 2000 et décembre 2003 soit un total de 1 600 bénéficiaires.

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Annexe 3 Rapport d’activité de la Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais (avril 2000 - avril 2004)

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Pays de la Loire

PLATE-FORME DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE DES INDUSTRIES

DE LA MODE DU CHOLETAIS

RAPPORT D’ACTIVITÉ 1er avril 2000 – 30 avril 2004

Jeanne Bourel – Pierre Emeriau Juillet 2004

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SOMMAIRE

PRÉAMBULE : ÉLÉMENTS DE CADRAGE ET PRÉCISIONS MÉTHODOLOGIQUES

I. INCIDENCES DE LA CRISE DE LA FILIÈRE MODE SUR L’EMPLOI

1. Réductions d’effectifs dans le secteur mode (période 2000/2004 - arrondissement de Cholet)

2. Activité de la Plate-forme sur la période 2000-2004

3. Profil des personnes suivies par la Plate-forme

II. RECLASSEMENT DES LICENCIÉS DE LA FILIÈRE MODE

1. Taux de reclassement

- Taux de reclassement en fin d’antenne

- Evolution des taux de reclassement à 1, 2 et 3 ans

2. Typologie des reclassements

- Les secteurs d’activité de reclassement

- Les zones géographiques de reclassement

3. Eléments d’analyse des parcours de reclassement

III. RECONVERSION (VIA FORMATION) DES LICENCIÉS DE LA FILIÈRE MODE

1. Profil des candidats à la formation

2. Typologie des formations suivies

3. Résultats de reclassement après formation

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PRÉAMBULE ÉLÉMENTS DE CADRAGE ET PRÉCISIONS MÉTHODOLOGIQUES

La Plate-forme de reconversion professionnelle du Choletais a été mise en place en avril 2000 pour répondre aux difficultés de reclassement et de reconversion des salariés licenciés de la filière mode. Conçue à l’origine comme un dispositif de crise mis en œuvre sur un an, elle a depuis été renouvelée à plusieurs reprises et a entamé en avril dernier sa cinquième année d’activité.

Alors que resurgissaient à cette occasion les questionnements liés au renouvellement, à la pérennisation ou l’évolution du dispositif, les animateurs de la Plate-forme, en accord avec le Comité d’Expansion des Mauges, ont souhaité engager une démarche d’évaluation de l’expérience et des actions menées depuis avril 2000. L’objectif d’une telle démarche était double :

- Rendre compte, devant l’ensemble des partenaires politiques, économiques et sociaux, des résultats de la plate-forme afin d’engager une réflexion commune sur les formes possibles de pérennisation de l’expérience pour les années à venir.

- Capitaliser, au-delà des individus qui en sont les supports et dans une optique de mutualisation ou reproduction éventuelle, méthodes, pratiques et outils novateurs en matière de gestion territoriale des mutations économiques.

Deux axes de travail ont été suivis conjointement pour mener à bien cette étude : l’un statistique ou quantitatif (enrichissement, actualisation et exploitation de la base de données propre au dispositif), l’autre qualitatif (enquête auprès des principaux partenaires publics et privés associés au fonctionnement du dispositif1).

Ce rapport prend la forme d’un bilan chiffré des quatre années d’activité de la Plate-forme et constitue l’aboutissement de la première phase, quantitative, de la démarche d’évaluation engagée.

1 Une trentaine de personnes au total (partenaires institutionnels, partenaires sociaux, professionnels du reclassement, de la formation ou de la reconversion professionnelle, représentants d’entreprises locales) ont été consultées au cours de ces trois derniers mois. Principales questions abordées : les "plues-values" du dispositif, les raisons de son succès, son avenir, les "leçons" à tirer de l’expérience, etc.

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METHODOLOGIE EMPLOYEE

La Plate-forme a accompagné depuis sa création 1 690 salariés licenciés de la filière mode. Il a été matériellement impossible en trois mois – quoique la base ait été déjà alimentée au cours de l’année 2003 – de retracer, d’actualiser et de saisir sur informatique le parcours de reclassement de l’ensemble de ces personnes : le travail est donc à poursuivre… Pour l’heure, des choix ont été faits en matière de traitement des données pour mener à bien cette étude, et les priorités ont été ainsi hiérarchisées :

1/ Recenser les personnes ayant bénéficié de financements spécifiques pour suivre une ou plusieurs formations dans le cadre de la Plate-forme1 (saisie du dossier individuel et du dossier formation, actualisation de la situation professionnelle de l’intéressé). ⇒ 500 dossiers mis à jour au 30/04/04.

2/ Recenser les personnes suivies par les cellules de reclassement en activité (saisie du dossier individuel et actualisation de la situation professionnelle des intéressés à l’aide de bilans réalisés régulièrement par les cellules). ⇒ 150 dossiers mis à jour au 30/04/04.

3/ Recensement des autres licenciés de la filière mode en remontant dans le temps jusqu’en mai 2000 (saisie et actualisation de la situation professionnelle des licenciés des vagues I à IV, notamment ceux dont les dossiers avaient été rentrés dans la base à l’occasion de l’enquête réalisée en 2003). ⇒ 250 dossiers mis à jour au 30/04/04 (essentiellement issus des vagues III et IV).

L’enquête 2004 s’appuie donc en définitive sur une base de près de 800 dossiers issus des quatre exercices de la Plate-forme et à partir desquels ont été construits les différents échantillons utilisés dans la suite de ce rapport2. Des éléments de l’enquête réalisée en 2003 ont également été intégrés aux développements à suivre.

Ce rapport, quoique prenant la forme d’un bilan statistique, ne doit pas être appréhendé comme un document comptable, mais bien plutôt comme un document d’orientation, support d’une réflexion collective à engager sur l’avenir de la Plate-forme et, de manière plus générale, sur les dispositifs à mettre en œuvre dans le cadre de mutations industrielles.

1 La consolidation et l’aide à la mise en œuvre des projets de reconversion via formation qualifiante est le principal champ de compétence de la Plate-forme, d’où cette priorité accordée aux bénéficiaires de formations. 2 Ces 800 dossiers n’ont pas pu être utilisés comme base commune à l’ensemble des points abordés par la suite. Nous avons donc construit, dans le souci d’une plus grande lisibilité et d’une meilleure représentativité, des échantillons plus restreints et adaptés à chacune des thématiques traitées. Ceux-ci seront systématiquement présentés en début de paragraphe.

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Champtoceaux2%

Beaupréau30%

Saint Florent Le Vieil

8%Cholet

(3 cantons)11%

Montrevault14%

Chemillé3%

Montfaucon32%

I. INCIDENCES DE LA CRISE DE LA FILIÈRE MODE SUR L’EMPLOI

1. Les réductions d’effectifs enregistrées dans le secteur mode (période 2000/20041 - Arrondissement de Cholet2)

Répartition par branche et par année civile

2000 2001 2002 2003 2004 TOTAL

Cuir 297 531 388 254 74 1 544 Textile 120 61 30 134 16 361

TOTAL 417 592 418 388 90 1 905

Répartition cantonale

Sources : DDTEFP 49 et PFRPIMC

• 1 905 personnes licenciées des industries de la mode entre janvier 2000 et mai

2004. • Des licenciements répartis de manière inégale sur le territoire considéré : les

cantons de Beaupréau et de Montfaucon apparaissent ainsi nettement plus sinistrés, totalisant chacun près du tiers des licenciements.

• 450 emplois détruits en moyenne chaque année sur la période.

• Une accélération du rythme des licenciements annoncée pour le deuxième semestre 2004 : suppressions d’emplois effectives chez Chéné Vincent et Les Chaussures du Pin (juin – 110 licenciements au total), annoncées chez Gep, Pindière et Barbault.

1 Les chiffres de ce rapport ont été arrêtés par convention au 30 avril 2004, date de clôture du 4ème exercice de la Plate-forme. Ce sont ici les années civiles qui sont considérées et non les années de référence d’activité de la Plate-forme, qui elles s’entendent d’avril à avril de l’année suivante. 2 Nous considérons principalement dans ce rapport la zone de l’arrondissement de Cholet, périmètre d’action initialement défini pour la Plate-forme, quoique celle-ci soit également intervenue en Nord-Vendée (notamment chez Virona, entreprise du Groupe Pindière) à la demande de la Direction du travail.

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2. Activité de la Plate-forme sur la période 2000-20041

⇒ La Plate-forme a coordonné l’action de 25 cellules de reclassement et accompagné de fait 1 690 licenciés des industries de la mode2 depuis avril 2000 (date de sa mise en œuvre).

Nombre de cellules et de salariés suivis par année de référence

1er exercice 05/00 – 04/01

2ème exercice 05/01 – 04/02

3ème exercice 05/02 – 04/03

4ème exercice 05/03 – 04/04

TOTAL

Nombre de cellules suivies

6 6 5 8

25

Nombre de salariés accompagnés

537 511 313 329

1 690

Femmes 65% 75% 68% 74% 70% Hommes 35% 25% 32% 26% 30%

Récapitulatif des sites concernés (16 au total)

- ANEL3 (Confection, La Séguinière, novembre 2002, 23 personnes). - CANSELIER (Chaussure, Cholet, mars 2003, 29 personnes). - CHUPIN-PENOT (Chaussure, Le May sur Evre, avril 2001 et janvier 2004,

131 personnes au total). - LA FOURMI (Chaussure, La Jubaudière, janvier et avril 2000 puis avril 2001 et

février 2002, 383 personnes au total). - GASCHET (Chaussure, Chanteloup les Bois, septembre 2003, 12 personnes). - GEP (Chaussure, Saint Germain sur Moine, janvier et mai 2000,

182 personnes au total). - JOL (Chaussure, Le Fuilet, juin 2003, 43 personnes). - MARIE JANE (Confection, Saint Laurent de la Plaine, janvier 2001,

23 personnes). - MULLIEZ (Textile, Le Longeron, mai et novembre 2003 puis avril 2004,

76 personnes au total). - PEIGNE (Chaussure, Saint Pierre Montlimart, juillet 2002, 31 personnes). - PINDIERE (Chaussure, Andrezé et Saint Macaire en Mauges, janvier 2001,

juillet 2002 et octobre 2003, 188 personnes au total). - POLYGONE (Chaussure, Saint Florent le Vieil et Le Fuilet, janvier 2000 et avril

2001, 326 personnes au total). - SACAIR.I (Chaussure, Saint Macaire en Mauges, septembre 2002,

137 personnes). - SITAC (Chaussure, La Tessouale, janvier 2000, 42 personnes). - TURPAULT (Textile, La Tessouale, février 2004, 17 personnes). - ZAPPER’S (Chaussure, Beaupréau, mai 2003, 47 personnes).

1 Sont considérés ici les quatre premiers exercices de la Plate-forme, soit la période allant du 1er mai 2000 au 30 avril 2004 (années de référence Plate-forme). 2 Ce chiffre ne correspond pas exactement au nombre de personnes licenciées sur l’arrondissement de Cholet sur la même période (cf. supra). Cette différence s’explique essentiellement par les départs en préretraite orchestrés par les entreprises à l’occasion des plans sociaux (AS-FNE). Certaines personnes licenciées peuvent aussi faire le choix de ne pas adhérer à la cellule de reclassement et ne sont donc pas comptabilisées ici. Ce phénomène reste néanmoins marginal et ne concerne jamais plus de 5% de l’effectif licencié. 3 Légende : NOM DE L’ENTREPRISE D’ORIGINE (branche, localisation des sites de production, date de mise en place de la cellule de reclassement, nombre de personnes suivies par la cellule de reclassement).

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Répartition géographique des effectifs suivis par la Plate-forme (arrondissement de Cholet – période 2000/2004

⇒ Les 3/4 des effectifs suivis par la Plate-forme depuis 2000 résident dans un rayon de 15 Kms autour de Saint Macaire en Mauges (représenté ci-dessus par un cercle rouge)1.

1 La carte ci-dessus fait état de la répartition des effectifs par site concerné par une restructuration ou fermeture d’ateliers. On a néanmoins pu constater que près de 90% des salariés concernés résidaient à moins de 10 Km de leur lieu de travail…

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58% 34% 8%

52% 37% 11%

60% 33% 7%Femmes

Hommes

Ensemble

Fin scolarité obligatoire CAP-BEP Bac et +

12

60

121

50

4

27 34

21

Femmes (243) Hommes (86)

- 30 ans 30-40 ans 41-50 ans + 50 ans

3. Profil des personnes suivies par la Plate-forme

Note méthodologique L’analyse porte ici sur les licenciés de la "vague IV" (c'est-à-dire ceux qui ont rejoint la Plate-forme entre mai 2003 et avril 2004), soit au total 329 personnes. Les résultats sont néanmoins comparables à ceux des enquêtes réalisées précédemment1.

- Public majoritairement féminin 74% de femmes

- Moyenne d’âge de 45 ans - Plus d’un enfant à charge

moyenne : 1,5

- 10 couples dont mari et femme sont concernés par un licenciement sur la même période

Répartition par âge et par sexe

- Public majoritairement ouvrier ouvriers : 85%, ETAM : 10%, cadres : 5%

- Bas niveau de qualification 58% de personnes sans diplôme, 34% de CAP-BEP essentiellement dans la chaussure (piqûre, montage, etc.)

- Forte ancienneté dans l’entreprise et a fortiori dans le secteur 80% des effectifs ont plus de 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise 50% n’ont connu qu’une seule entreprise

Répartition par niveau de qualification

De manière plus générale, au-delà de l’analyse typologique, il convient de souligner à la fois la précarité (salaire au rendement sur une base SMIC) et la faible mobilité géographique2 (20 Kms en moyenne) des personnes considérées.

⇒ Ces éléments constituent autant de freins au reclassement que ne peut compenser à lui seul, l’attachement, maintes fois prouvé, de ce public à la "valeur-travail".

1 Les caractéristiques des salariés du secteur mode ont fait l’objet de plusieurs études depuis le milieu des années 90, citons notamment celle réalisée par l’AFPA en 2001 sur la base des effectifs du groupe Polygone (239 personnes). 2 Les causes en sont principalement économiques (attractivité salariale insuffisante, les salaires étant trop bas pour compenser les charges de mobilité). Néanmoins les facteurs matériels (pas de permis de conduire, une seule voiture pour le couple déjà utilisée par le conjoint, etc.) mais aussi culturels (rapport à l’espace vécu, peur de l’inconnu, etc.) sont aussi à considérer.

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20% 27%

4%

35% 14%

28% 24% 7% 30% 11%

22,5% 30,5% 11% 25% 11%Industries mode - Choletais (2000-2004)

Moyenne nationale (2002)*

Moyenne nationale "ouvriers" (2002)**

Emploi pérenne CDD/MTT Formation longue Recherche d'emploi Situation particulière

II. RECLASSEMENT DES LICENCIÉS DE LA FILIÈRE MODE

Précision terminologique Le terme de "reclassement" est entendu ici au sens très général de "retour à l’emploi". Il se distingue ainsi de celui de "reconversion" qui sous-entend un passage par un cursus de formation qualifiante et une réorientation professionnelle.

1. Taux de reclassement

Taux de reclassement en fin d’antenne

Les antennes-emploi fournissent régulièrement, durant leur intervention sur site, des chiffres précis sur la situation des personnes accompagnées. Le bilan de fin d’antenne1 constitue ainsi une première base d’appréciation des actions de reclassement mises en place auprès des effectifs licenciés.

Résultats en fin d’antenne (moyenne par vague)

Vague I

(537) Vague II

(511) Vague III

(313) Vague IV

(119)2 Moyenne (vagues I à IV)

Emploi pérenne (CDI, création d'entreprise, assistante maternelle) 22,5% 24% 20% 18,5% 22,5%

CDD longue durée (+ 6 mois) 20,5% 14% 17% 16%

Emploi précaire (CDD - 6 mois et mission de travail temporaire)

16,5% 6,5% 14,5% 23,5% 30,5%

Formation longue 7,5% 16,5% 13% 8,5% 11%

Situation particulière (Mesure d'âge, congé parental, maladie, etc.) 8,5% 12% 11,5% 9% 11%

Recherche d'emploi 24,5% 27% 24% 24,5% 25%

Comparaison avec les taux de reclassement "fin d’antenne" à l’échelle nationale

* Situation des bénéficiaires de cellule de reclassement à la sortie du dispositif (tous publics et toutes qualifications confondus) – moyenne nationale calculée par le Ministère du Travail pour l’année 2002. ** Situation des adhérents ouvriers à la sortie du dispositif – moyenne nationale calculée par le Ministère du Travail pour l’année 20023.

1 Les antennes-emploi accompagnent généralement les personnes licenciées sur une période de 9 mois (qui peut être portée à 12 mois). 2 L’analyse de la vague IV ne porte que sur 3 cellules, les 5 autres étant toujours actives à la date de l’enquête. 3 « Les dispositifs d’accompagnement des restructurations en 2002 », DARES, Premières informations et premières synthèses n°05.1, janvier 2003 (derniers chiffres disponibles).

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23,5%12%

10%

13,5%5%

20%33,5%

32,5%

16%7%

1%27%

42,5% 56,5%CDI

Contrat de + 6 mois

Contrat de - 6 mois

Formation

Recherche d'emploi

1 an après licenciement* 2 ans après licenciement 3 ans après licenciement

• Résultats à peu près stables sur la période considérée (50-60% de personnes en activité et 25% de personnes en recherche d’emploi en fin d’antenne) et plutôt supérieurs à la moyenne nationale de reclassement des publics ouvriers (45-50% de personnes en activité et 35% de personnes en recherche d’emploi en fin d’antenne).

• Baisse sensible sur 4 ans de la part des reclassements en emploi pérenne et augmentation conséquente de la part de l’intérim (caractéristique du bassin choletais en général).

• Importance du nombre de personnes en formation en fin d’antenne, notamment au regard des moyennes nationales (11% pour les licenciés de la mode du Choletais contre 7% pour la moyenne nationale et 4% si l’on considère uniquement les publics ouvriers). ⇒ "Effet Plate-forme" : Le dispositif choletais ouvre de larges possibilités en terme de formation et notamment de formation longue (+ 300 heures). Un nombre important de ces cursus, financés pour les adhérents de la Plate-forme, n’est pas pris en charge dans le cadre des dispositifs de droit commun.

Evolution des taux de reclassement à 1, 2 et 3 ans

La Plate-forme, sous sa forme actuelle, ne peut matériellement pas assurer un suivi individuel et régulier de l’ensemble des personnes ayant bénéficié de l’appui d’une cellule de reclassement devenue inactive. Des enquêtes réalisées ponctuellement auprès d’un petit nombre de bénéficiaires du dispositif permettent cependant d’avancer quelques éléments d’information sur l’évolution des taux de reclassement 1, 2 et 3 ans après les licenciements.

Taux de reclassement 1, 2 et 3 ans après licenciement (30/06/03) Exploitation de l’enquête réalisée en 2003 auprès d’un échantillon de personnes des vagues I, II et III.

*Au 30/06/03, situation des personnes de la vague III ≅ situation 1 an après licenciement,

situation des personnes de la vague II ≅ situation 2 ans après licenciement, etc.

Base de calcul : les actifs (hors dispenses de recherche d’emploi, congés maternité, parental, etc.).

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+ -

Situation des licenciés des vagues I, II et III au 30/06/03 (enquête 2003)

VAGUE I VAGUE II VAGUE III Situation en

fin d’antenne Situation

au 30/06/03 Situation en fin d’antenne

Situation au 30/06/03 Situation en

fin d’antenne Situation

au 30/06/03 Emploi pérenne (CDI, création d'entreprise, assistante maternelle)

22,5% 52% 24% 36,5% 20% 24%

CDD longue durée (+ 6 mois) 20,5% 1% 14% 6% 17% 14%

Emploi précaire (CDD - 6 mois et mission de travail temporaire)

16,5% 30% 6,5% 28,5% 14,5% 18%

Formation longue 7,5% - 16,5% 4,5% 13% 12%

Situation particulière (Mesure d'âge, congé parental, maladie, etc.)

8,5% 8% 12% 14,5% 11,5% 11,5%

Recherche d'emploi 24,5% 9% 27% 10% 24% 20,5%

• Une progression sensible d’année en année du nombre de personnes en emploi : 56% un an après licenciement, 71% à deux ans et 83% à trois ans.

• Un fort taux de pérennisation dans l’emploi : les CDI représentent ainsi 43% des emplois retrouvés un an après licenciement, 51% à deux ans et 63% à trois ans. A noter, une analyse fine de l’évolution de la situation des personnes licenciées de la SACAIR.I, révèle que 1 CDD sur 5 est transformé en CDI un an plus tard.

• Un maintien en emploi précaire d’une part importante de l’effectif (respectivement 28,5% et 30% deux et trois ans après licenciement).

• Une faible diminution de la part des personnes sans emploi après deux ans de chômage (effet de seuil autour de 10%).

99

Page 94: Mutations industrielles corrige - Orientation Pays de la Loire

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2. Typologie des reclassements

Les secteurs d’activité de reclassement

Vagues I et II 2001-2002

Vagues III et IV 2003-2004 Vagues I et II

2001-2002 Vagues III et IV

2003-2004

Femmes Hommes

Agriculture 4% - 3% 6%

Industrie 59,5% 36% 44,5% 47,5%

- Agroalimentaire 7% 4% 4,5% 4%

- Bois et meuble 6% 4% 5% 5%

- Mécanique et travail des métaux 12% 4% 12% 10% - Mode 27% 20% 15% 20% - Plasturgie 7% 3% 8% 5%

- Autre industrie 0,5% 1% - 3,5%

BTP - 2% 2% 10% Transport 8% 1% 40% 20% Distribution, commerce et restauration 2,5% 10% 4% 7,5%

Santé et social 18% 43,5% 2% 5%

Collectivités (mairies, écoles, etc.) 4% 7% 1% 3%

Autre 4% 0,5% 3,5% 1%

• Reclassements à parts égales en industrie et hors industrie. • Reclassements plus diversifiés chez les hommes que chez les femmes (chez les

hommes, les 4 premiers secteurs de reclassement représentent 60% des emplois retrouvés contre 80% chez les femmes).

• Retours importants, malgré la conjoncture, dans le secteur mode (20%)1. • Prééminence du secteur sanitaire et social chez les femmes et du transport et BTP chez

les hommes (secteurs très demandeurs qui offrent, après qualification, des emplois pérennes et de proximité).

1 Les retours dans le secteur mode recouvrent cependant des situations très contrastées. Ainsi, chez les femmes, ce sont souvent les plus jeunes qui retournent à leur secteur d’origine (40 ans en moyenne et plusieurs enfants à charge). Elles recherchent un reclassement rapide (contraintes financières liées aux enfants) ne nécessitant aucune formation (manque de disponibilité). On les retrouve essentiellement en fabrication. Chez les hommes, la situation est un peu différente. La moyenne d’âge est nettement plus élevée (48 ans). Deux cas de figure dominent : le retour au secteur d’origine et sur le même type de poste chez des hommes proches de la retraite préférant un emploi en terrain connu à une réorientation professionnelle et le retour au secteur d’origine mais à un poste plus qualifié (après cursus formation) chez des hommes un peu plus jeunes (45 ans environ). Un paradoxe : les femmes qui se réorientent suite à leur licenciement sont plus âgées que celles qui retournent à leur secteur d’origine (43 ans pour les premières et 40 pour les secondes), chez les hommes c’est exactement l’inverse (48 ans en moyenne pour les retours à la mode et 40 pour les réorientations professionnelles).

Note méthodologique Les analyses à suivre sont basées sur des reclassements en emploi pérenne (CDI ou CDD avec réelles possibilités de transformation en CDI). Echantillon : 400 personnes des vagues I et II en emploi au 31/04/02

150 personnes des vagues III et IV en emploi au 31/04/04

Page 95: Mutations industrielles corrige - Orientation Pays de la Loire

95

52% 26% 12% 10%

33% 45% 14% 8%

2001/2002

2003/2004

Moins de 10 km Entre 11 et 20 kmEntre 21 et 30 km Plus de 30 km

Les zones géographiques de reclassement

Lieux de travail (Base : 150 personnes des vagues III et IV en emploi pérenne au 30/04/04)

Distances domicile-travail (Base : 400 personnes des vagues I et II en emploi au 31/04/02

150 personnes des vagues III et IV en emploi au 31/04/04)

• 75% des personnes aujourd’hui en activité travaillent sur l’arrondissement de Cholet. Le quart restant est réparti sur le reste du Maine et Loire (5%), le sud de la Loire Atlantique (9%), le nord Vendée (7,5%) et les Deux-Sèvres (1%). Seules 4 personnes, (2 hommes et 2 femmes) sur les 150 considérées ont repris une activité en dehors de cette zone1.

• De même, 78% des personnes aujourd’hui en activité travaillent à moins de 20 kms de leur lieu de résidence2. La distance domicile-travail moyenne est de 15 kms chez les femmes et de 20 kms chez les hommes.

⇒ Ces chiffrent témoignent du dynamisme du bassin d’emploi choletais qui a absorbé une grande part des effectifs privés d’emploi par la crise des industries de la mode.

1 Un poste en Ille-et-Vilaine, un en Mayenne, un en Sarthe et un dans les Pyrénées-Atlantiques… 2 Ce chiffre explique que les aides à la mobilité apportées par le Conseil Général aient été peu utilisées (seulement 195 bénéficiaires, soit 11,5% des effectifs, sur les quatre années de fonctionnement de la Plate-forme).

Femmes Hommes Ensemble Maine et Loire 81,5% 75% 79,5% -Arrondissement de Cholet 75% 73% 74,5% -Autre en Maine et Loire 6,5% 2% 5% Départements limitrophes 16,5% 21% 18% -Loire Atlantique 11% 6% 9% -Vendée 5,5% 11,5% 8% -Deux Sèvres - 3,5% 1% Autre 2% 4% 2,5%

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96

85,5%

53%

13%

91,0%

70%

22%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

0 3 mois 9 mois 15 mois 21 mois

FemmesHommes

3. Eléments d’analyse des parcours de reclassement

Le parcours de reclassement des licenciés de la mode suscite un vif intérêt chez un grand nombre de partenaires locaux. L’analyse de cette question se heurte néanmoins à de nombreux obstacles méthodologiques. Il est en effet très difficile de reconstituer — y compris pour un nombre restreint de personnes — la succession des périodes de recherche d’emploi, de formation, de pré-activité, etc. qui caractérise le parcours de reclassement des salariés licenciés. La date de reclassement en emploi pérenne, donnée aisément accessible permet toutefois d’aborder un premier aspect, certes partiel, de la question.

Précisions méthodologiques L’analyse est ici basée sur un échantillon de 150 personnes des vagues III et IV en emploi pérenne au 30/04/04. La date de reclassement considérée est celle de l’embauche en CDI (y compris si la personne occupait déjà auparavant un poste, en CDD par exemple, dans la même entreprise) ou à défaut la date de radiation de l’Assedic. Attention : Les chiffres à suivre sont à considérer avec prudence : Ils se rapportent en effet à la date de reclassement en CDI des seules personnes en emploi pérenne dans les deux ans qui suivent leur licenciement (ce qui à la vue des résultats précédemment exposés ne concerne qu’un gros tiers des effectifs globaux)… 1

Répartition des effectifs par date de reclassement

Femmes Hommes Ensemble Moins d’1 mois après licenciement 6% 10% 7% Entre 1 et 3 mois après licenciement 7% 12% 8,5% Entre 3 et 6 mois après licenciement 18% 19% 18,5% Entre 6 et 9 mois après licenciement 22% 29% 24% Entre 9 et 12 mois après licenciement 27,5% 19% 25% Entre 12 et 18 mois après licenciement 10,5% 6% 9% Plus de 18 mois après licenciement 9% 5% 8%

Progression du taux de reclassement sur deux ans (courbes en valeurs cumulées) • Plus d’une personne sur deux reclassée en emploi pérenne dans les deux ans qui

suivent son licenciement est entrée en poste pendant la période d’activité de l’antenne-emploi.

• Reclassement plus rapide chez les hommes (7 mois et demi en moyenne pour l’effectif considéré) que chez les femmes (9 mois et demi en moyenne ici).

1 Le but n’est pas ici d’apporter des informations de caractère comptable mais bien d’ouvrir des pistes de réflexion sur la question complexe du parcours de reclassement…

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III. RECONVERSION (VIA FORMATION) DES LICENCIÉS DE LA FILIÈRE MODE

Plus d’un tiers des licenciés de la mode (625 personnes au total) ont obtenu des financements spécifiques (hors mesures de droit commun) pour suivre une ou plusieurs formation(s) leur permettant de mener à bien un projet de réorientation/reconversion professionnelle. Il s’agit ici, au-delà des résultats de reclassement, d’analyser plus finement ces parcours de reconversion, via formation qualifiante, construits et financés dans le cadre de la Plate-forme du Choletais.

1. Profil des candidats à la formation

Note méthodologique L’analyse porte ici sur les effectifs de la vague IV pour lesquels la Plate-forme a validé un ou plusieurs projet de formation au cours du 4ème exercice soit au total 104 personnes.

- 66% de femmes et 34% d’hommes (rappel proportion effectif global : 74/26) - 42 ans de moyenne d’âge : 43 ans chez les femmes et 40 ans chez les hommes

(rappel relatif à l’effectif global : 45 ans de moyenne, 46 ans chez les femmes et 44 ans chez les hommes)

- 77% d’ouvriers, 13% d’ETAM et 10% de cadres (rappel proportions effectif global : 85/10/5)

Représentativité par âge et sexe des candidats à la formation (effectifs vague IV) • Sous-représentation des femmes et notamment des plus de 40 ans. • Sur-représentation des plus jeunes (moins de 40 ans). • Sur-représentation des cadres et agents de maîtrise et des personnes avec

qualification.

4%5,5%

18,5%

25,5%

36,5%

28,5%

15%

6,5%

- 30 ans 30-40 ans 41-50 ans + 50 ans

Femmes

1%

3%

8%

12,5%

10,5%

14,5%

7%

4%

- 30 ans 30-40 ans 41-50 ans + 50 ans

Hommes

Part dans effectif global Part dans effectif candidat à la formation

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Note : La Plate-forme a également validé, au cours du 4ème exercice, les projets de formation de 30 personnes licenciées lors des vagues I à III. Plusieurs femmes en fin de congé parental, des personnes toujours en recherche d’emploi ou arrivant au terme d’un contrat à durée déterminée sont notamment concernées par ces demandes de formation plus d’un an après leur licenciement. Répartition des effectifs par date de demande de formation

VA % % (valeur cumulée)

Moins de 3 mois après licenciement 22 16,5% 16,5% Entre 3 et 6 mois après licenciement 36 27% 43,5% Entre 6 et 9 mois après licenciement 33 24,5% 68% Entre 9 et 12 mois après licenciement 13 10% 78% De 1 à 2 ans après licenciement 16 12% 90% De 2 à 3 ans après licenciement 9 6,5% 96,5% Plus de 3 ans après licenciement 5 3,5% 100%

2. Typologie des formations suivies

Note méthodologique L’analyse porte ici sur un échantillon de 300 stages de formation (et 250 stagiaires1) étalés sur la période 2000-2004.

⇒ Près des 2/3 des formations validées par la Plate-forme sont qualifiantes et correspondent en conséquence à un réel projet de reconversion. Les remises à niveau et élargissements de compétences – essentiellement dans le domaine "informatique-bureautique-comptabilité" – représentent respectivement 25% et 10% des projets validés par la Plate-forme. Principales caractéristiques des formations suivies dans le cadre de la Plate-forme % Durée

moyenne Profil des candidats Principales filières

Formations qualifiantes 65% 500 h

- Femmes : 48,5% Hommes : 51,5%

- Ouvriers : 90%, ETAM : 5%, Cadres : 5%

- Sanitaire et social (30%) - Transport-logistique- manutention (20%)

Elargissements de compétences 10% 460 h

- Femmes : 60% Hommes : 40%

- Ouvriers : 26%, ETAM : 33%, Cadres : 41%

- Informatique-bureautique- comptabilité (60%) - Mode (10%)

Remises à niveau 25% 330 h

- Femmes : 90% Hommes : 10%

- Ouvriers : 54%, ETAM : 30%, Cadres : 16%

- Informatique-bureautique- comptabilité (60%) - Préformations multifilières- préparations concours (20%)

1 Certains bénéficiaires sont amenés à suivre plusieurs stages de formation pour mener à bien leur projet de réorientation professionnelle (moyenne : 1,2 stage par bénéficiaires).

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Principales filières de formation Base : 300 stages de formation (160 suivis entre 2000 et 2002, 140 entre 2002 et 2004)

Femmes Hommes

2000-2002 2002-2004 2000-2002 2002-2004

Agriculture-horticulture-floriculture 1% 2% 6,5% 2,5%

Mécanique générale et travail des métaux 4% 2% 11% 11%

Techniques industrielles-automatisme- maintenance 4% 1% 4,5% 5%

Mode (chaussure et maroquinerie) 50% 8% 5,5% 5%

Bâtiment-travaux publics - - 3% 3%

Transport-manutention-logistique 8% 10% 49,5% 57**%

Commerce-restauration 3,5% 7,5% - 1%

Sanitaire et social-aide aux personnes 17% 40%* - 7%

Informatique-bureautique-comptabilité 11,5% 28% 11% 7%

Autre 1% 1,5% 9% 1,5%

*Détail : 14% de formations assistante de vie, 10% de préparations aux concours paramédicaux, 6% de formations aide-soignante, 6% de CAP petite enfance et 4% autre (BEP sanitaire et social, formation AMP, formation sophrologue, etc). **Détail : 30% de formations en logistique-manutention (caces cariste et gestion informatisée des stocks), 25% de permis poids lourds, 2% de permis de transport voyageurs.

• Très nette baisse du nombre de demandes de formation dans le secteur mode-cuir au cours des deux derniers exercices (une seule demande enregistrée depuis mai 2003). Au cours des deux premiers exercices, les formations "AFPA Cuir" avaient permis à un nombre important de personnes, essentiellement des femmes, de retourner dans leur secteur d’origine à un poste plus qualifié ou d’évoluer vers la maroquinerie industrielle.

• Forte progression du nombre de demandes de formation dans le secteur

sanitaire et social chez les femmes mais aussi, quoique dans une moindre mesure, chez les hommes qui commencent à envisager une reconversion dans le secteur (principalement en tant qu’aide-soignant ou ambulancier, mais on compte aussi un assistant de vie, un podo-orthésiste, etc.)

• Confirmation de l’attrait des formations en transport-logistique chez les

hommes. A noter : les formations en logistique ont pris l’avantage ces deux dernières années sur les permis poids lourds…

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3. Résultats de reclassement après formation ⇒ Les abandons ou échecs à une formation sont relativement rares dans le cadre de la Plate-forme1. Les résultats en termes de retour à l’emploi sont nettement supérieurs à la moyenne, enfin, le taux de conformité dans l’emploi après formation est proche de 90%. Une formation adaptée à un projet réaliste et réalisable apparaît ainsi favoriser très nettement un reclassement rapide et pérenne.

Note méthodologique L’analyse porte ici sur 250 personnes ayant suivi un ou plusieurs stage(s) de formation entre mai 2000 et avril 2004. C’est en fait le même échantillon que celui utilisé dans le paragraphe précédent mais centré cette fois sur les stagiaires et non plus sur les stages de formation…

Situation au 30/04/04 des personnes ayant suivi une ou plusieurs formation(s)

Formations 2000-2001

Formations 2001-2002

Formations 2002-2003

Formations 2003-2004 Période

2000-2004

Total stagiaires 132 195 164 134 625 Base échantillon 52 78 67 53 250

Emploi pérenne 45 64 55 22 74,5% Emploi précaire (CDD, MTT) 3 8 6 19 14,5%

Recherche d’emploi 3 5 6 10 9,5% Situation particulière 1 1 0 2 1,5%

Taux d’emploi et taux de conformité dans l’emploi2 après formation selon filière choisie

Taux d’emploi Taux de conformité dans l’emploi

Mode-cuir 88% 92% Transport-manutention-logistique 94% 89% Sanitaire et social-aide aux personnes 98% 95% Informatique-bureautique-comptabilité 84% 70% Autre 89% 93%

• 89% des personnes ayant suivi et terminé un cursus de formation sont aujourd’hui

en activité (75% en CDI). • 90% des personnes aujourd’hui en emploi exercent une activité en adéquation avec

la formation suivie. ⇒ Ces résultats sont le fruit d’une évaluation rigoureuse et attentive par la Plate-forme de la pertinence et l’opportunité des parcours de formation envisagés par les candidats.

1 Un abandon (permis poids lourds) et deux échecs (BEPECASER et Permis poids lourds) enregistrés au cours du 4ème exercice… 2 Taux d’emploi : part des personnes en activité après formation. Taux de conformité dans l’emploi : part des personnes en emploi exerçant une activité en adéquation avec la formation suivie.