6
la lettre février 2010 - n° 6 Les hommes, cœur des démarches collectives AOP L’Assemblée Générale 2010 du CNAOL aura lieu les 23 et 24 septembre 2010 au cœur du Terroir de l’AOP Ossau Iraty. L’importance des hommes dans les démarches collectives: la comparaison des IG Téquila et Comté Plus de 150 personnes étaient rassemblées à l’Espace Malraux à Tours à l’occasion de l’Assemblée Générale du CNAOL, les 10 et 11 septembre derniers. Nous adressons un amical remerciement aux filières d’AOC qui ont durement travaillé pour la réussite de ces journées… Merci aux ODG du Crottin de Chavignol, Pouligny-Saint-Pierre, Sainte-Maure de Touraine, Selles-sur-Cher et Valençay. Nous remercions le Conseil Régional du Centre, la Mairie de Tours, le Conseil Général d’Indre et Loire qui ont contribué aux financements de ces journées ainsi que la Fédération des Appellations d’Origine Caprine du Centre et le CRIEL Centre. De chaleureux remerciements aux professionnels des filières viticoles qui nous ont offert leurs produits (et tout particulièrement au Bureau interprofessionnel des Vins du Centre et à l’Union Viticole Sancerroise). Ces deux journées furent… belles… délicieuses, et riches en échanges. Des impacts divergents malgré des similitudes importantes La Téquila comme le Comté sont présentés comme des modèles de réussite respectivement au Mexique et en France. Tous deux sont une source majeure de revenus pour leur région. Et pourtant, les « effets » de la protection des indications géographiques sont très différents : la population locale ne profite pas des retombées économiques de la Téquila et les impacts environnementaux sont plutôt négatifs. A l’inverse, le Comté a des effets positifs pour la région et l’environnement local. L’industrie de la Téquila est incontournable pour l’économie locale. Cependant, la durabilité à long terme de la filière et de la région, tant d’un point de vue écologique qu’économique, est menacée par les conflits Sarah Bowen tire de riches enseignements de son étude comparative de deux Indications Géographiques, Téquila et Comté. Elle a étudié les facteurs contribuant au développement durable et équitable des produits. Pour ce faire, elle a rencontré une cinquantaine d’acteurs de chaque filière. Sarah Bowen est professeur de Sociologie à l’Université de Caroline du Nord (USA)

n 6 AG 2009 - fromages-aop.com · mesurables et vérifiables, et qui servent à protéger les puissants acteurs de la filière. En permettant l’utilisation de méthodes industrielles,

  • Upload
    others

  • View
    6

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: n 6 AG 2009 - fromages-aop.com · mesurables et vérifiables, et qui servent à protéger les puissants acteurs de la filière. En permettant l’utilisation de méthodes industrielles,

la lettre février 2010 - n° 6

Les hommes, cœur des démarches collectives AOP

L’Assemblée Générale 2010 du CNAOL aura lieu

les 23 et 24 septembre 2010

au cœur du Terroir

de l’AOP Ossau Iraty.

L’importance des hommes dans les démarches

collectives: la comparaison des IG

Téquila et Comté

Plus de 150 personnes étaient rassemblées à l’Espace Malraux à Tours à l’occasion de l’Assemblée Générale du CNAOL, les 10 et 11 septembre derniers. Nous adressons un amical remerciement aux filières d’AOC qui ont durement travaillé pour la réussite de ces journées… Merci aux ODG du Crottin de Chavignol, Pouligny-Saint-Pierre, Sainte-Maure de Touraine, Selles-sur-Cher et Valençay.

Nous remercions le Conseil Régional du Centre, la Mairie de Tours, le Conseil Général d’Indre et L o i r e q u i o n t c o n t r i b u é a u x

financements de ces journées ainsi que la Fédération des Appellations d’Origine Caprine du Centre et le CRIEL Centre.

De chaleureux remerciements aux professionnels des filières viticoles qui nous

ont offert leurs produits (et tout particulièrement au Bureau interprofessionnel des Vins du Centre et à l’Union Viticole Sancerroise).

Ces deux journées furent… belles… délicieuses, et riches en échanges.

Des impacts divergents malgré des similitudes importantes La Téquila comme le Comté sont présentés comme des modèles de réussite respectivement au Mexique et en France. Tous deux sont une source majeure de revenus pour leur région. Et pourtant, les « effets » de la protection des indications géographiques sont très différents : la population locale ne profite pas des retombées économiques de la Téquila et les impacts environnementaux sont plutôt négatifs. A l’inverse, le Comté a des effets positifs pour la région et l’environnement local. L’industrie de la Téquila est incontournable pour l’économie locale. Cependant, la durabilité à long terme de la filière et de la région, tant d’un point de vue écologique qu’économique, est menacée par les conflits

Sarah Bowen tire de riches enseignements de son étude comparative de d e u x I n d i c a t i o n s Géographiques, Téquila et Comté. Elle a étudié les facteurs contribuant au développement durable et équi tab le des produits. Pour ce faire, elle a r e n c o n t r é u n e cinquantaine d’acteurs de chaque filière.

Sarah Bowen est professeur de Sociologie à l’Université de Caroline du Nord (USA)

Page 2: n 6 AG 2009 - fromages-aop.com · mesurables et vérifiables, et qui servent à protéger les puissants acteurs de la filière. En permettant l’utilisation de méthodes industrielles,

La gestion des volumes Pour les deux organisations collectives, les questions de maintien des prix et de développement des volumes se posent. Les acteurs de la filière Comté se sont rassemblés autour de ces problématiques. Ce travail collectif contribue à la réussite du Comté, au maintien des prix et des acteurs de la filière. La Téquila vit, quant à elle, des cycles de surproduction et de pénurie d’agave. L’absence de coordination pour gérer les réserves d’agave affecte les agriculteurs. Plutôt que d’établir des stratégies collectives, les distilleries et le CRT insistent sur le besoin d’organisation et de planification chez les producteurs (contrats entre chaque producteur et sa distillerie). Les distilleries blâment les producteurs qui n’ont pas établi de contrats avec elles avant la plantation, alors que dans les faits, celles-ci sont peu disposées à en établir et s’appuient sur les lois de l’offre et de la demande !!!

qui existent entre les agriculteurs et les distilleries ainsi que par des cycles de pénurie et de surproduction de l’agave, principale matière première entrant dans la fabrication de la Téquila. Il s’en suit des fluctuations importantes de prix de l’agave, insupportables pour les agriculteurs et génératrices de concentration des distilleries. De plus, pour répondre aux exigences des entreprises, les pratiques de cultures traditionnelles sont remplacées par des techniques chimiques intensives. En plus des dommages environnementaux, les producteurs sont confrontés à une perte de fertilité des sols et à des problèmes sanitaires sur les cultures. Le Comté présente quant à lui, un prix du lait plus élevé que la moyenne française. Il

a permis de maintenir des petites exploitations et des petites fromageries en limitant la concentration dans la filière. Les impacts sont positifs sur l’emploi et la filière préserve la biodiversité et l’environnement. Comment expliquer ces différences ? Contrairement à la France, le Mexique n’a pas une institution spécifique dédiée aux AOC. Mais il est certain que le contexte institutionnel n’est pas suffisant à lui seul pour expliquer ces différences. Le rôle des acteurs apparaît essentiel. Les deux AOC ont mis en place une structure interprofessionnelle, le Conseil de Réglementation de la Téquila (CRT) et le Comité Interprofessionnel du Gruyère de Comté (CIGC). Bien qu’assurant des missions similaires - définition de la qualité, gestion des volumes et assurance de l'équité au sein des filières - l’influence des deux structures n’a rien de comparable…

La lettre n°6 Février 2010 2/6

Vallée d’Amatitán-Tequila, Jalisco, Mexique

La définition de la qualité La filière Comté reconnaît la complexité de la qualité. Un affineur témoigne : «Quand on travaille avec du lait cru, on donne au lait le droit d’exprimer toute sa vie, jusqu’au moment où il devient fromage. Nous n’intervenons pas dans le but de parvenir à un goût précis. En travaillant avec du lait cru, nous savons que nos fromages sont de meilleure qualité, que nous avons quelque chose qui est sublime. » Au travers du cahier des charges, le CIGC préserve les traditions, les liens historiques, le patrimoine. En insistant sur ces dimensions, le CIGC a préservé le Comté de l’industrialisation. La définition de la qualité pour la Téquila est beaucoup plus « étroite ». Pour le directeur d’une distillerie, « les deux éléments les plus importants [qui contribuent à la qualité de la tequila] sont d’utiliser des matières premières (l’agave) qui sont à leur optimum au moment de la récolte, et d’avoir un

processus de production bien contrôlé, qui comprend l’eau qui est utilisée pour fabriquer la tequila ». La qualité est réduite à des principes qui sont facilement mesurables et vérifiables, et qui servent à protéger les puissants acteurs de la filière. En permettant l’utilisation de méthodes industrielles, la typicité de la Téquila a été réduite. Les normes imposées n’ont en revanche pas permis de maintenir tous les agriculteurs en activité et de préserver le patrimoine industriel.

« Le rôle des acteurs apparaît essentiel. »

« Ce travail collectif contribue à la réussite du Comté. »

Page 3: n 6 AG 2009 - fromages-aop.com · mesurables et vérifiables, et qui servent à protéger les puissants acteurs de la filière. En permettant l’utilisation de méthodes industrielles,

La représentation des acteurs des filières Les organisations collectives doivent représenter tous les groupes impliqués dans la filière. Au CIGC, les différents groupes sont "condamnés à se comprendre", ce qui rend le processus de négociation plus

difficile, mais contribue au maintien de la confiance et de la coopération entre les acteurs. Le président d'une fruitière a expliqué, « C’est compliqué de mettre tous ces acteurs autour de la table et de fixer les règles du jeu d’une manière unanime. Mais sans le produit comme « moteur », il serait impossible de trouver un consensus. Les acteurs ont la volonté de construire collectivement le produit et la qualité. » La mise en place de contrats permet une distribution équitable de la valeur ajoutée et préserve les intérêts des producteurs laitiers et des affineurs à travailler ensemble pour maintenir la qualité du Comté. Au niveau du CRT, les agriculteurs sont largement exclus ou représentés par des grands exploitants avec des relations politiques et des ressources financières

importantes. Il n'existe pas de dispositions pour la participation des petits producteurs. L’influence des grandes distilleries et de multinationales est forte et constitue un obstacle pour que le CRT prenne des décisions pour le bien collectif de la filière. Contrairement au Comté, les relations entre les acteurs ne sont pas « normalisées », ce qui ne permet pas une répartition équitable de la valeur ajoutée. L’absence de règles collectives dans la filière Téquila a aggravé les inégalités préexistantes. A l’inverse, l’organisation collective de la filière Comté a développé la confiance entre les acteurs et a contribué à un sentiment d’engagement collectif.

AOC : une histoire d’hommes, L’exemple du Roquefort

Jacques Bernat raconte l’histoire d’un produit, le Roquefort, et celle de son engagement syndical…

L’Appellation d’Origine Roquefort trouve ses débuts dans les années 1920, avec une grave crise dans la filière… Dès 1925, grâce à une loi, les producteurs au même titre que les industriels sont membres du Syndicat d’Appellation. Sa première action est la mise en place de cotisations au litre de lait et au kg de fromage pour demander à l’Etat d’envoyer une brigade de répression des fraudes.

Les acteurs gèrent la filière comme une entité unique où un producteur de lait et un transformateur, doivent s’entendre sur la qualité du lait, sur le moment de livraison, sur le prix... Ce raisonnement collectif dure encore aujourd’hui à Roquefort… Face aux difficultés de commercialisation des industriels, le raisonnement collectif les a conduit à déposer une marque collective, la Brebis rouge.

Dans les années 60, la modernisation agricole amène des volumes supplémentaires qu’il faut gérer. C’est à ce moment que Jacques Bernat s’engage dans le Syndicat. « Quand on arrive à la Confédération, on est confronté aux industriels qui disent ‘’là il n’y a pas de marché, il faut arrêter de produire’’. Une Appellation peut avoir un prix rémunérateur mais uniquement pour la quantité mise en marché. J’ai découvert cela de

La lettre n°6 Février 2010 3/6

Manifestation d’agriculteurs, mai 2006, Guadalajara, Mexique

Jacques Bernat

« Mon engagement m’a permis de connaître des gens, de les apprécier et de les respecter même si nous n’ét ions pas toujours d’accord. Il faut avoir de l’honnêteté, de la franchise... Ce qui n’empêche pas d’avoir de la tactique ! Moi, je crois à l’organisation de la production par produit, par filière, par pays.

Je ne regrette pas mon engagement. Je voudrais dire aux jeunes qu’il faut savoir s’engager dans les démarches collectives. C’est une chance extraordinaire d’avoir pour support un produit pour organiser les relations pérennes entre producteurs, transformateurs et affineurs. Je crois fortement à cette démarche basée sur un produit et un terroir. »

« Je voudrais dire aux jeunes qu’il faut savoir s’engager »

l’intérieur et j’en suis devenu l’apôtre à l’extérieur. C’est l’histoire de Roquefort que j’ai toujours défendue mais il a parfois été difficile de l’expliquer aux éleveurs. On ne peut produire que ce que le marché peut absorber ; il faut l’admettre. »

Page 4: n 6 AG 2009 - fromages-aop.com · mesurables et vérifiables, et qui servent à protéger les puissants acteurs de la filière. En permettant l’utilisation de méthodes industrielles,

Devenir producteur d’AOC, un vrai défi : L’exemple d’un producteur fermier en Selles-sur-Cher

Jean-Pierre Moreau, président de l’Appellation Selles-sur-Cher. « Les jeunes pour s’installer ont de plus en plus de mal à trouver des terres et des sites d’exploitation dans notre zone. L e s c a n d i d a t s à l’installation, même s’ils sont peu nombreux, sont des gens motivés. L’aspect c o m m e r c i a l e s t particulièrement stimulant. L’Appellation est en développement. On a besoin de lait. Et je crois que l’on peut fédérer autour de cette motivation commerciale à la fois des producteurs de lait et de fromages. Les jeunes dernièrement installés sont des témoignages vivants de la réussite de leur exploitation. »

Comment impliquer les jeunes dans les démarches AOC : L’exemple du Beaufort

Philippe Poirier, producteur fermier de Selles-sur-Cher. Philippe Poirier n’est pas de la région : il est originaire de Haute Normandie où il était salarié agricole et éleveur de chèvres, en vente directe. Il s’installe en 1996 dans la zone AOC Selles-sur-Cher ; le Syndicat cherchait de nouveaux producteurs. L’installation ne s’est pas faite toute seule. Philippe Poirier raconte : « La personne qui nous a véritablement aidés, c’est celle qui nous a accueillis, qui nous a cédé une partie de ses terres, vendu une parcelle pour construire la chèvrerie. Du point de vue matériel, l’entraide entre éleveurs a été essentielle (CUMA…). » L’installation a occasionné des rencontres, un GIE a été monté en 1997 : « On a développé une véritable activité commerciale du fromage de chèvres dans la région Centre. On a démarré à 5 producteurs et aujourd’hui on est 18. »

« Un jeune qui veut s’installer, il faut qu’il ait la foi et qu’il ait du courage. Il est possible de vivre de cette activité et nous en sommes la preuve avec d’autres collègues… mais il faut être courageux. »

Bernard Pellicier, Président de l’Appellation Beaufort

Le Beaufort a connu des périodes très difficiles. « Dans les années 1960, le déclin du Beaufort était tel qu’il y avait une menace sur la disparition de ce produit. Les anciens ont vite compris que le seul salut pouvait être le développement d’un signe de qualité. Et cette filière, il a fallu l’animer, lui donner du dynamisme ; un travail parfaitement assumé par les anciens. » « Les « nouveaux » producteurs pourraient considérer que les acquis sont définitifs. Il n’en est rien. Le produit est une construction quotidienne, il faut toujours se remettre en question. Il faut convaincre les gens que les contraintes sont des atouts. » Les responsables professionnels de l’AOC ont souhaité transmettre leur conscience du rôle considérable des producteurs de lait dans la qualité des paysages, dans l’animation, dans le patrimoine culturel, dans le patrimoine gastronomique. Ce transfert est réalisé sous la forme d’une formation des jeunes générations. « L’avenir du Beaufort est en quelque sorte renforcé par cette prise en charge par les plus jeunes qui auront bien compris l’enjeu de rester soudés et solidaires dans ce type de démarche. »

La filière Selles-sur-Cher rassemble 120 opérateurs : 70 producteurs de lait, 40 producteurs fermiers, 5 transformateurs et 4 affineurs. Depuis 1975, année de reconnaissance en AOC du Selles-sur-Cher, les volumes ont continuellement progressé. Ces dernières années, la croissance était de 6 à 8%, le tonnage atteignant 875t.

« Les « nouveaux » producteurs pourraient considérer que les

acquis sont définitifs. Il n’en est rien. »

I. Gutierrez—RLF

La lettre n°6 Février 2010 4/6

Page 5: n 6 AG 2009 - fromages-aop.com · mesurables et vérifiables, et qui servent à protéger les puissants acteurs de la filière. En permettant l’utilisation de méthodes industrielles,

Louis Gachet, jeune producteur de lait à Beaufort En s’installant, Louis Gachet n’avait pas conscience de l’effort réalisé par les générations précédentes pour défendre le produit et le mettre en valeur. La formation a joué un rôle crucial : « on prend vraiment conscience de la complexité du système et on se rend compte de la nécessité de produire correctement et du rôle de chacun ». Louis Gachet a intégré le Conseil d’Administration du Syndicat du Beaufort en décembre 2008 et retire déjà de riches enseignements : « C’est vrai qu’au début on écoute surtout et on essaie de comprendre les rouages. Ensuite, j’ai fait partie d’un groupe de travail pour la réécriture des textes du cahier des charges, ce qui m’a beaucoup plu. On était environ six personnes ; des techniciens de coopératives, des membres du Conseil d’Administration du Syndicat. « Quand on a des personnes qui sont depuis 30 à 40 ans dans le métier, tout est beaucoup plus compréhensible. Pour un jeune, c’est très motivant. »

Caroline Glise, Directrice de l’ODG Beaufort a mis en place les formations dispensées aux jeunes qui s’installent. La formation se déroule en trois temps. C’est d’abord deux demi journées à la maison du Beaufort. Lors de la première, l’histoire de la filière Beaufort et ses chiffres clés sont partagés. La deuxième est consacrée à des témoignages de professionnels du Beaufort qui ont des responsabilités soit dans l’ODG, soit dans d’autres organisations agricoles. Ils viennent expliquer pourquoi ils ont pris ces responsabilités, l’intérêt qu’ils y trouvent, mais aussi les contraintes (gestion de leur exploitation…) et les solutions qu’ils ont trouvées.

La troisième partie de la formation consiste en une journée en atelier pour découvrir la fabrication du Beaufort. C’est finalement la partie qui intéresse le plus les jeunes : toucher du doigt techniquement ce qui se passe dans un atelier, quelles sont les problématiques de qualité... Il y a une véritable discussion autour des cuves avec les fromagers.

Les hommes, cœur des démarches collectives AOP

Les trois films rappellent que rien n’est définitivement acquis. L’investissement des acteurs reste essentiel. Au cours des échanges, Claude Vermot-Desroches (Président du Comté) insiste sur la nécessité de structuration des filières : elle se fait autour d’un produit. Cependant, une crise est souvent nécessaire pour que la dynamique commune naisse. Ensuite, c’est de la passion et de l’engagement. » Le marché, les crises amènent des conflits ; mais les gens se respectent et ainsi le territoire vit. Christian Moyersoen (Président du Picodon) apporte de la nuance : les territoires sont tous différents. La zone Picodon est très grande ; rassembler les hommes est un défi. Les gens arrivent avec un rêve sur un territoire qui les attire. La difficulté est de les fédérer.

Patrice Chassard (Président du Saint Nectaire) explique que le Saint Nectaire a connu des soucis de renouvellement des producteurs fermiers à la fin des années 1990. Aujourd’hui, les tonnages de l’AOC se maintiennent grâce aux productions fermières. L’imbrication entre les hommes, le produit et le territoire est très forte. La mise en place des Déclarations d’Identification est un signal fort pour le producteur pour qui ce document concrétise un engagement.

Jean-Pierre Moreau (Selles-sur-Cher), Claude Vermot-Desroches (Comté), Christian Moyersoen (Picodon), Jacques Bernat (Roquefort), Louis Gachet (Beaufort), Patrice Chassard (Saint Nectaire).

« On prend vraiment conscience de la complexité du

système et on se rend compte du rôle de chacun et de

la nécessité de produire correctement. »

« Le marché, les crises amènent des conflits ; mais les gens se respectent et le territoire vit.»

La lettre n°6 Février 2010 5/6

Page 6: n 6 AG 2009 - fromages-aop.com · mesurables et vérifiables, et qui servent à protéger les puissants acteurs de la filière. En permettant l’utilisation de méthodes industrielles,

Lettre d’information réalisée par Laurent Forray, avec l’appui de Nadine Ballot et Anne Richard .

Avec nos remerciements à Julia De Castro, Sabine Picard.

La méthode d’essaimage

La méthode d'essaimage consiste à diffuser une information, par exemple les fondamentaux de l'AOC, vers un nombre limité de personnes cibles (= les têtes de réseau). Leur revient ensuite la charge de diffuser à leur tour et dans le cadre de leur fonction ces mêmes notions. La transmission se fait donc auprès de « têtes de réseaux » qui relaient à nouveau à une échelle plus locale.

Un groupe d’échange et d’évaluation est constitué. Il se réunit régulièrement et échange sur les actions menées par chacun pour essaimer... Le groupe évalue les projets d’actions d’essaimage de chacun.

Dans le département du Cantal, le Comité Interprofessionnel du Cantal, le Pôle Fromager et les syndicats (cinq AOC sont présentes sur le département) organisent chacun des formations. Ils constituent des têtes de réseau. Les enjeux auxquels sont confrontés les AOC ont permis de rassembler les acteurs agricoles du département. La mise en place de formations a nécessité deux ans. Elles ciblent des publics différents, certaines sont à destination des techniciens, d’autres sont prévues pour les jeunes installés…

Les trois films projetés lors de l’Assemblée Générale ont été très appréciés. Nous remercions toutes les personnes qui ont apporté leur témoignage, Annie et Jacques Bernat, Mme et M Cherouvrier, Renaud Cherouvrier, Benoît Foisnon, Adrien Gachet, Louis Gachet, Caroline Glise, Jean-Pierre Moreau, Gérard Oeuvrade, Bernard Pellicier, Antoine Poirier, Philippe Poirier, Marie Quatrehomme; A la réalisation, Jean-Luc Valteau, Jean-Marc Bêche ; Musique originale : Akimov.

Le travail de transmission se prépare : C’est un des messages de Caroline Glise. Le syndicat prépare les formations pour les jeunes qui s’installent avec la Chambre d’Agriculture de Savoie, à partir des valeurs que les « anciens » souhaitent transmettre et des attentes des jeunes. Des engagements forts de la part des acteurs sont essentiels pour que les produits vivent. Les questions majeures sont celles du renouvellement des producteurs, de la transmission des structures et de la fédération des différents acteurs.

Robert Glandières explique que la filière Roquefort a adopté un système de diffusion des informations original. A l’échelle des cantons, des communes, il existe une centaine d’ « assemblées locales de producteurs ». Au niveau de l’AOC, la Confédération du Roquefort est constituée d’un collège transformateurs et d’un collège producteurs. Les membres de ce dernier collège sont, pour certains, issus des élections syndicales, pour les autres, des élections de représentants des « assemblées locales de producteurs » de lait AOC. « C’est le lien au terroir ». Les assemblées locales se réunissent une à deux fois par an. Les activités du syndicat de l’AOC leur sont présentées.

« Ces réunions sont accessibles à tous les producteurs. Sur les 2 000, plus de 800 y participent. Elles permettent une diffusion

de l’information et une formation ».