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1 Mardi 18 septembre 2012 ÉVÉNEMENT / EVENT LE GOûT DE L’ANTIQUE UN ÉCRIVAIN, UN JOUR / A WRITER, A DAY OSER éCRIRE Benoît Sapiro, passionné par les artistes russes de la première moitié du xx e siècle, évoque son métier, en quête d’exception et présente ses trois coups de cœur de la Biennale. Benoît Sapiro, who has a passion for russian artists from the first half of the 20 th century talks about his craft and his search for exception and shares three personal favorite works showcased at the Biennale. p. 6 INTERVIEW Benoît Sapiro Archéologie, art d’Asie, mobilier et objets d’art Haute époque, sculptures… Des dessins de la galerie ALFA signés Morandi, Matisse, et jouxtant un chien de Tom Wesselmann, à la sublime Shiva vue chez Christophe Hioco, l’art et la vie fêtent leurs noces splendides et discrètes. Pas moins de douze spécia- lités sont représentées au cœur du Salon d’Honneur du Grand Palais. Inauguré à l’occasion de l’Exposi- tion universelle de 1900, ce magnifique espace de 1 200 m 2 , ferma ses portes en 1937. Sept décennies et trois ans de travaux plus tard, le Salon d’Hon- neur retrouve son éclat, magnifié par la présence de ces œuvres d’art réparties dans 36 stands, et qu’il faut aller regarder, admirer, une à une. Certains y accèdent directement, d’autres préfèrent emprunter l’escalier de fer forgé qui permet d’avoir une vision panoramique de la Biennale. Le charme est là, à l’image de la fenêtre indienne baroque XVIII e d’Alexis Renard derrière laquelle un soleil artificiel se lève toutes les quarante secondes. « L’idée était de recréer le lever du jour, dans mon petit palais de 18 m 2 », affirme l’expert, pratiquant à ses heures perdues la montgolfière, « pour aller croquer les nuages ». Archaeology, Asian art, Haute Epoque furniture and arti- facts, sculptures .... From the Morandi and Matisse draw- ings at Galerie ALFA, that are showcased next to a dog by Tom Wesselmann, to the sublime Shiva at Christophe Hioco’s, art and life are celebrating their beautiful and discreet union. No less than twelve specialties are repre- sented in the heart of the Grand Palais’ Salon d’Honneur. Inaugurated on the occasion of the Universal Exhibition of 1900, this magnificent space of 1,200m² closed its doors in 1937. Seven decades and three years of work later, the Salon d’Honneur has regained its radiance, glorified by the presence of these works of art showcased across 36 stands, that one must go observe, admire, one by one. Some access it directly; others prefer to take the wrought iron staircase which provides a panoramic view of the Biennale. Enchantment is all around, mirrored in the 18 th century Indian baroque window at Alexis Fox, behind which an artificial sun rises every forty seconds. “The idea was to recreate the sunrise in my little 18m² palace” says the expert who in his spare time likes to ride hot air balloons, “to go bite the clouds”. L.B. Édito N°5 LE SALON D’HONNEUR EN LUMIÈRE Le Quotidien de la Biennale Un rare bureau de dame du xviii e siècle commen- té par Jakuta Alikavazovic, qui publie cet automne La Blonde et le Bunker (éditions de L’Olivier), comme une invitation à calligraphier ses rêves. A rare lady’s desk from the 18 th century commented by Jakuta Alikavazovic, who publishes The Blonde and The Bunker (Édi- tions de L’Olivier) this autumn, an invitation to calligraph ones dreams. « C’est un retour à l’esthé- tique classique. Un sen- timent de grandeur qui tranche avec le quotidien de la télé-réalité », assure Sabine Bourgey, qui présente cent cinquante objets à la Biennale. Un retour aux sources célé- bré par les exposants de la Biennale… “This is a return to clas- sical aesthetic. A sense of grandeur which contrasts with daily reality TV”, says Sabine Bourgey, who showcases one hundred fifty objects at the Biennale.A re- turn to the basics celebrated by the exhibitors of the Bien- nale… p. 2-3 To Dare to Write A Taste for the Ancient Marc Chagall, gouache sur papier, 1924. Marc Chagall, gouache on paper, 1924. GALERIE LE MINOTAURE, STAND N34 Pièce romaine Julia Domna (196-211) Aureus. Roman coin, Julia Domna (196-211) Aureus. SABINE BOURGEY, STAND N29 Bureau de dame, par Pierre IV Migeon et les Frères Martin, France, 1735. Lady’s desk, by Pierre IV Migeon and the Martin brothers, France, 1735. GALERIE MONIN, STAND S22 Highlighting the Salon d’Honneur Le salon d’Honneur de la Biennale, photo J Piatti

N°5 Le Quotidien de la Biennale-Paris 2012

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N°5 18 septembre 2012 Réalisé par Stiletto 26° Biennale des Antiquaires Grand Palais , Paris 2012

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Mardi 18 septembre 2012

événeMent / event

Le goût de L’antique

un écrivain, un jour / A writer, A dAy

oser écrire

Benoît sapiro, passionné par les artistes russes de la première moitié du xxe siècle, évoque son métier, en quête d’exception et présente ses trois coups de cœur de la Biennale.

Benoît Sapiro, who has a passion for russian artists from the first half of the 20th century talks about his craft and his search for exception and shares three personal favorite works showcased at the Biennale. p. 6

interview

Benoît sapiro

archéologie, art d’asie, mobilier et objets d’art Haute époque, sculptures… des dessins de la galerie aLFa signés Morandi, Matisse, et jouxtant un chien de tom Wesselmann, à la sublime shiva vue chez christophe Hioco, l’art et la vie fêtent leurs noces splendides et discrètes. Pas moins de douze spécia-lités sont représentées au cœur du salon d’Honneur du grand Palais. inauguré à l’occasion de l’exposi-tion universelle de 1900, ce magnifique espace de 1 200 m2, ferma ses portes en 1937. sept décennies et trois ans de travaux plus tard, le salon d’Hon-neur retrouve son éclat, magnifié par la présence de ces œuvres d’art réparties dans 36 stands, et qu’il faut aller regarder, admirer, une à une. certains y accèdent directement, d’autres préfèrent emprunter l’escalier de fer forgé qui permet d’avoir une vision panoramique de la Biennale. Le charme est là, à l’image de la fenêtre indienne baroque XViiie d’alexis renard derrière laquelle un soleil artificiel se lève toutes les quarante secondes. « L’idée était de recréer le lever du jour, dans mon petit palais de 18 m2 », affirme l’expert, pratiquant à ses heures perdues la montgolfière, « pour aller croquer les nuages ».

Archaeology, Asian art, Haute Epoque furniture and arti-facts, sculptures .... From the Morandi and Matisse draw-ings at Galerie ALFA, that are showcased next to a dog by Tom Wesselmann, to the sublime Shiva at Christophe Hioco’s, art and life are celebrating their beautiful and discreet union. No less than twelve specialties are repre-sented in the heart of the Grand Palais’ Salon d’Honneur. Inaugurated on the occasion of the Universal Exhibition of 1900, this magnificent space of 1,200m² closed its doors in 1937. Seven decades and three years of work later, the Salon d’Honneur has regained its radiance, glorified by the presence of these works of art showcased across 36 stands, that one must go observe, admire, one by one. Some access it directly; others prefer to take the wrought iron staircase which provides a panoramic view of the Biennale. Enchantment is all around, mirrored in the 18th century Indian baroque window at Alexis Fox, behind which an artificial sun rises every forty seconds. “the idea was to recreate the sunrise in my little 18m² palace” says the expert who in his spare time likes to ride hot air balloons, “to go bite the clouds”. L. B.

édito

N°5

Le saLon d’Honneur en LuMiÈre

Le Quotidien de la Biennale

un rare bureau de dame du xviiie siècle commen-té par Jakuta alikavazovic, qui publie cet automne La Blonde et le Bunker (éditions de L’olivier), comme une invitation à calligraphier ses rêves.

A rare lady’s desk from the 18th century commented by Jakuta Alikavazovic, who publishes the Blonde and the Bunker (Édi-tions de L’Olivier) this autumn, an invitation to calligraph ones dreams.

« C’est un retour à l’esthé-tique classique. Un sen-timent de grandeur qui tranche avec le quotidien de la télé-réalité », assure sabine Bourgey, qui présente cent cinquante objets à la Biennale. un retour aux sources célé-bré par les exposants de la Biennale… “this is a return to clas-sical aesthetic. a sense of grandeur which contrasts with daily reality tV”, says Sabine Bourgey, who showcases one hundred fifty objects at the Biennale. A re-turn to the basics celebrated by the exhibitors of the Bien-nale… p. 2-3

To Dare to WriteA Taste for the Ancient

Marc chagall, gouache sur papier, 1924.

Marc Chagall, gouache on paper, 1924.

galerie le MiNotaure, staNd N34

Pièce romaine Julia domna (196-211) aureus.

Roman coin, Julia Domna (196-211) Aureus.

sabiNe bourgey, staNd N29

Bureau de dame, par Pierre IV Migeon et les Frères Martin, France, 1735.

Lady’s desk, by Pierre IV Migeon and the Martin brothers, France, 1735.galerie MoNiN, staNd s22

Highlighting the Salon d’Honneur

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Le goût de L’antiquePompeian Lights

Focus événeMent

I n the 19th century, objects of art inspired by antiquity, and that were indifferently qualifi ed as either neo-Greek, neo-Pompeian or neo-Etruscan partake in a scholarly eclecticism.

The style combines multiple references to Antiquity, as for example of this bronze patina lamp created by the Chiurazzi foundry in Naples. The fi xture is composed of a central ronde-bossed character representing Silenus (which was itself inspired by an antique preserved in the Archaeological Museum of Naples), four winged sphinxes and four oil lamps. L. B.

F. chiurazzi, lustre néopompéien, naples, vers

1870. Bronze à patine verte.

F. Chiurazzi, Néo-Pompéien lamp, Naples, circa 1870.Bronze with green patina.

LuMiÈresPoMPéiennes

A Taste for the Ancient

galerie steiNitZ, N03

a u xixe siècle, les objets d’art inspirés de l’antiquité, et qu’on qualifi a indifféremment de néogrecs, de néopompéiens ou de néoétrusques, relèvent d’un

éclectisme savant. Le style concilie des références multiples à l’antiquité, à l’image de ce lustre en bronze patiné créé par la fonderie chiurazzi à naples. Le luminaire est composé d’un personnage central en ronde-bosse représentant silène qui est inspiré d’un antique conservé au Musée archéologique de naples, de quatre sphinges ailées et de quatre lampes à huile.

L a fi gure de jeune femme est drapée d’un chiton retenu par une fi bule. elle semble juste se poser au sol. chez Phoenix ancient art (s02), cette statuette byzantine en calcédoine représentant niké (ve siècle apr. J.-c.) transcende les siècles

d’un pas ailé. tout se passe comme si la fi lle des titans Pallas et styx – qui aurait été une compagne de jeu d’athéna –, gardait, sculptée, la grâce de son mouvement. La beauté est là, qui domine tout en silence, messagère céleste de l’idéal. La tête de statue romaine représentant Vénus en marbre blanc (ier-iie siècle) ainsi présentée chez david ghezelbash archéologie (Ms 07-08) est encore une nouvelle invitation à franchir les limites du temps. retour aux sources ? initié par la renaissance, grâce aux fouilles archéologiques menées à partir du xve siècle à rome, le goût de l’antique se réinterprète au fi l des époques. c’est à la fi n du xve siècle que le groupe des Trois Grâces et l’Apollon du Belvédère sont découverts, marquant le culte que s’approprieront les néoclassiques dès 1720, avant que les romantiques, puis les artistes des années trente ne jurent à leur tour que par l’antiquité retrouvée. expositions (Madame grès, actuellement à anvers) et beaux livres témoignent de cet attrait pour un idéal esthétique préconisé par Leon Battista alberti : « Choisir dans la diversité des objets de la nature ce qu’il y a toujours de plus beau. » c’est ainsi qu’il comparait les plis de la statue aux rameaux de l’arbre : « Les plis doivent être parcourus d’une vie ininterrompue, de sorte qu’aucune partie ne soit privée de mouvement. » À la Biennale des antiquaires, toutes ces infl uences se télescopent, comme si l’événement, unique au monde, permettait de faire correspondre un meuble d’appui sauvrezy aux silènes grimaçants, 1865 (Marc Maison, s10), et une tête de caryatide sculptée entre 1550 et 1560 (galerie sismann, g13). appuyée sur une colonne, une Vénus à demi-nue de dos, tient une pomme, la silhouette gravée sur une pièce est proposée par sabine Bourgey, expert numismate (n29). un objet à 9 500 euros, à s’offrir comme un talisman, chez cette maison parisienne, présente à la Biennale depuis 1962, date de sa première édition. laurence benaïm

tête de statue représentant la déesse Vénus,marbre blanc, art romain, ier-iie siècle.

Head of the goddess Venus. White marble. Roman, 1st-2nd century A.D.daVid gHeZelbasH arCHÉologie, staNd Ms07-08

torse représentant le dieu sylvanus, travail impérial

romain, ier-iie siècle apr. J.-c., marbre sculpté.

torso representing the god sylvanus, roman empire

work, 1st-2nd centuries ad, sculptured marble.

galerie CHeNel, staNd Ms11

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CHiFFres ClÉs

1962 : la Biennale des antiquaires fête sa première édition au grand Palais. / 1962: The Biennale des Antiquaires celebrates its fi rst edition at the Grand Palais.

16 jours de montage ont été nécessaires en 2012, avec plus de 400 personnes mobilisées. / 16 days of installation were required in 2012, with more than 400 people rallied.

7 saphirs taille coussin totalisant 33,73 carats lestent le collier sept étoiles en platine de Van cleef & arpels. / 7 cushion cut sapphires totaling 33.73 carats adorn the Seven Stars platinum necklace by Van Cleef & Arpels.

existe-t-il un dénominateur commun entre des amateurs de bas-reliefs égyp-tiens, de marbres gréco-romains ou de bronzes étrusques ?

S’ils ont souvent un réel intérêt pour l’histoire et les civilisations anciennes, chaque collectionneur observe un schéma d’acqui-sition qui lui est propre, avec des tendances communes quelques fois : le goût des formes intemporelles, une attirance pour certains matériaux et l’aspect physique ou symbolique des œuvres.

Quelles sont aujourd’hui les icônes de l’art antique ?Les idoles cycladiques, car elles font le lien avec l’art moderne et contemporain. Les torses gréco-romains en marbre, masculins ou représentant Vénus, parce qu’ils caractérisent un goût classique et néoclassique de l’Antiquité. Et l’art égyptien, notamment la sculpture animalière (la déesse chatte Bastet, l’ibis, le scarabée…).

au-delà de sa beauté esthétique, qu’apprécie-t-on dans l’art de l’antiquité ?La relation avec le temps joue un rôle important chez quasiment tous les collectionneurs d’antiques, en quête d’une meilleure connaissance de leur passé.

Is there a common denominator between fans of Egyptian reliefs, Greco-Roman marble or Etruscan bronzes?in the art they often have a real interest in history and ancient civilizations, each collector observes a pattern of acquisition of his own, with sometimes common trends such as a taste for timeless forms, an attraction for certain materials and physical or symbolic aspects of works.

What are the current icons of ancient art?the cycladic idols, because they create a link with modern and contemporary art. greco-roman marble torsos, either male representations of Venus, because they characterize a classical and neo-classical taste for antiquity. and egyptian art, including animal sculpture (the cat goddess Bastet, ibis, the beetle...).

Beyond its aesthetic beauty, what does one appreciate inancient art? the relationship with time plays an important role for almost all collectors of such pieces, who are on a search to better understanding their past.

3 Questions À DAVID GHEZELBASH, (STAND MS07-08)

3 questions to David Ghezelbach, (stand Ms07-08)

Key figures

Henri-auguste Fourdinois, crédence à décor de marqueterie en relief, détail, vers 1875. noyer, marqueterie en plein.

Henri-Auguste Fourdinois, credenza with raised marquetry work. Circa 1875. Walnut, fully inlaid with various exotic woods.

galerie MarC MaisoN,staNd s10

T he fi gure of the young woman is draped in a chiton fastened with a fi bula. She seems to have barely touched earth. At Phoenix Ancient Art (S02), the chalcedony Byzantine statuette representing Nike (5th century

AD) transcends centuries in an arial fashion. It’s as if the daughter of Titans Pallas and Styx – who would have been a playmate of Athena –, had kept, sculpted, the grace of her movements. The beauty is present, dominating all in silence, a messenger of the heavenly ideal. The white marble roman statue head of Venus (1st-2nd century), and showcased at David Ghezelbash Archaeology (MS 07-08), is yet another invitation to cross the boundaries of time. Is this a case of back to basics? Initiated by the Renaissance, thanks to archaeological excavations undertaken in Rome from the 15th century, the taste for the ancient is reinterpreted through the ages. It is at the end of the 15th century that the group of the three graces and the Belvedere apollo were discovered, thus initiating the culture of worship which the neo-classics made their own from 1720 onwards, before the Romantics, and artists of the thirties who in turn also swore by rediscovered antiquity. Exhibitions (currently Madame Grès in Antwerp), beautiful books, refl ect this attraction to an aesthetic ideal advocated by Alberti: “choose amongst the diversity of objects of nature that which are always the most beautiful”. Thus he studied the folds in the palms of the tree “uninterrupted life must run though the folds, so that no part is deprived of movement”. At the Biennale des Antiquaires, all these infl uences collide, as if the event, unique in the world, allowed us to match a cabinet with grimacing sileni by Sauvrezi, 1865 (Gallery Marc Maison, S10), and a Caryatid head sculpted between 1550 and 1560 (Gallery Sismann, G13). Leaning on a column, a half-naked Venus with her back turned, is holding an apple, her fi gure engraved on a piece showcased by Sabine Bourgey, numismatist expert (N29). An object priced at 9 500 Euros, to buy for oneself as a talisman at this Parisian gallery, present at the Biennale since 1962, its fi rst edition. L. B.

Tête de Caryatide, pierre calcaire. Paris, vers 1550-1560.

Limestone head of a Cariatide, Paris, 16th Century.

galerie sisMaNN, staNd g13

« rien de plus matériel que la théogonie antique (…). elle donne forme et visage à tout, même aux essences, même aux int elligences. tout chez elle est visible, palpable, charnel. ses dieux ont besoin d’un nuage pour se déro-ber aux yeux. ils boivent, mangent, d orment. »

“Nothing could be more material, indeed, than the ancient theogony […] It ascribes form and features to everything, even to impalpable essences, even to the intelligence. In it everything is visible, tangible, fl eshly. Its gods need a cloud to conceal themselves from men’s eyes. They eat, drink, and sleep.”

victor HuGo

Joseph Paelinck (oostaker 1781 - Bruxelles 1839), Bacchus et ariane, huile sur toile.

Joseph Paelinck (Oostaker 1781 - Brussels 1839), Bacchus and Ariadne, oil on canvas.galerie didier aaroN,staNd s03

sautoir en or et diamants datant

de 1973, serti de six monnaies byzantines

en or. collection elizabeth taylor.

Sautoir in gold and diamonds with six gold

byzantine coins, ca 1973. Elizabeth

Taylor collection.

bulgari, staNd s18

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Quelle est la spécificité de votre galerie ?Depuis une dizaine d’années, je m’intéresse à l’avant-garde de l’Europe de l’Est de la première moitié du xxe siècle: la première et seconde École de Paris et les artistes ayant émergé à Berlin dans les années 1920. J’ai une autre spécialité, très pointue, qui est l’avant-garde juive dont le peintre Marc Chagall est un des plus illustres représentants. Je propose une relecture de l’histoire de l’art en faisant redécouvrir les artistes qui, bien qu’ayant marqué leur époque, ont été oubliés. J’ai ainsi contribué à remettre en lumière Serge Charchoune qui avait quelque peu été éclipsé, André Lanskoy qui était tombé en disgrâce en France, ainsi que Jean Pougny, auquel j’ai consacré une rétrospective lors de l’ouverture de ma galerie fin 2001 et dont la période parisienne est encore boudée. J’ai également effectué ce travail de reconnaissance pour le sculpteur d’origine hongroise Étienne Beothy, cofondateur du groupe Astraction-Création ; le Russe Boris Aronson qui fut un élève d’Alexandra Exter ou encore pour Théodore Brauner qui, en se concentrant essentiellement sur la photographie et le photogramme, a poursuivi un chemin artistique différent de son frère aîné, le peintre surréaliste d’origine roumaine Victor Brauner.

Qu’est-ce qui vous incite à réhabiliter tous ces artistes ?J’éprouve un sentiment d’injustice que j’ai besoin de réparer. Alors j’achète à contre-courant des œuvres d’artistes restés à tort aux portes de l’histoire de l’art, jusqu’à ce que je réunisse un ensemble significatif pour chacun d’entre eux, dans le but d’organiser une exposition en galerie et avec les musées, accompagnée d’un catalogue bien documenté. Il est important de remettre ces artistes dans le contexte de création de leur époque. La liste de ceux que je souhaite faire connaître est encore très longue. Mais c’est ce qui me passionne dans mon métier de galeriste.

Que dévoilez-vous à la biennale ?J’expose une sélection d’artistes russes venus travailler à Paris, tels que Survage, la baronne d’Oettingen (François Angiboult), Pougny, Exter et surtout Chagall qui est représenté sur le stand par un ensemble d’œuvres d’une très grande qualité dont une très rare sculpture de 1953 en marbre blanc, Les deux Visages ou couple. D’autre part, pour illustrer le foisonnement artistique à Berlin, je montre des œuvres d’artistes constructivistes hongrois comme Kassàk, un travail à la lisière du purisme par Béla Kadar, et d’autres plus expressionnistes par Scheiber ou Marcel Ronay. Ces artistes ont en commun d’avoir gravité ou été exposés à la mythique galerie Der Sturm, dirigée par le célèbre Herwarth Walden.

Interview : Armelle Malvoisin

What is your gallery’s specificity?For about ten years, i have been interested in the eastern european avant-garde of the first half of the 20th century: the 1st and 2nd school of Paris and artists who emerged in Berlin in the 1920’s. i have another highly specialized area of interest which is the Jewish avant-garde of which the painter Marc chagall is one of the most illustrious representatives. i suggest a rereading of art history, that is to say a rediscovery of artists who, although they marked their time, have now been forgotten. i thus contributed to bring back to light serge charchoune who had been somewhat eclipsed, andré Lanskoy who had fallen into disfavor in France and Jean Pougny, whom i have devoted an entire retrospective to at the opening of my gallery in late 2001, and whose Parisian period is still shunned. i have also undertaken this recognition endeavour for Hungarian sculptor étienne Beothy, co-founder of the abstraction-creation group, the russian Boris aronson, who was a student of alexandra exter and also theodore Brauner, who by focusing mainly on photography and photogram, pursued a different artistic path than that of his elder brother, the romanian-born surrealist painter Victor Brauner.

What motivates you to rehabilitate all these artists?i feel a sense of injustice that i need to fix. so, i go against main stream and buy works by artists who have wrongfully been left at the doors of art history, until i manage to gather a significant set of works for each of them, in order to organize gallery or museum exhibitions, accompanied by a well documented catalogue. it is important to place these artists in the creative context of their time. the list of artists i wish to showcase is still very long. But this is precisely what i love about my job as a gallery owner.

How would you say the taste for the period you represent has evolved?i am showcasing a selection of russian artists who came to work in Paris, such as survage, Baroness d’oettingen (François angiboult) Pougny, exter and especially chagall who is represented on the stand by a series of works of a very high quality with a very rare sculpture of white marble from 1953, Les Deux Visages ou Couple (The Two Faces or Couple). on the other hand, to illustrate the artistic profusion in Berlin, i am showcasing works of Hungarian constructivist artists such as Kassàk, a piece on the edge of purism by Béla Kadar, and other more expressionist works by scheiber or Marcel ronay. these artists all have in common the fact that they gravitated around or were exposed at the mythical der sturm gallery, run by the famous Herwarth Walden.

carreau aux courtiers, céramique à décor

en cuerda seca,iran, xviie-xviiie siècle,

dynastie safavide.

« C’est tout à fait le type d’image orientale qui a pu influencer la peinture russe postrévolutionnaire des années 1920, en réaction à un art européen jugé réactionnaire et décadent. »

“this is precisely the type of picture that may have influenced russian post-revolutionary painting in the 1920’s, in response to a european art that was deemed reactionary and decadent.”

alexis reNard, staNd H08

Tile with courtiers, ceramic decorated in cuerda seca,Persia, 17th-18th century, safavid dynasty.

Le cHercHeur d’art

GaLeriste

Art Researcher

Benoît sapiro (galerie Le Minotaure, stand n34)

georges Papazoff, Gant rouge

et gant blanc, 1924.

« Artiste proche de Joan Miró et de Max Ernst, Georges Papazoff est tombé dans l’oubli. Empreinte d’une poésie venue de l’Est, cette composition dépouillée et en relief est une œuvre quasi dadaïste, extrêmement osée pour l’époque. »

“an artist close to Joan Miró and Max ernst, georges Papazoff has fallen into oblivion. Like an imprint of a poem from the east, this composition uncluttered and in relief is a quasi-dadaist work extremely daring for its time.”

galerie aNtoiNe laureNtiN, staNd s09

Georges Papazoff, red glove and white glove, 1924.

dame de cour assise, terre cuite émaillée, chine,

dynastie tang, 618-907.

« Comme tous les objets d’art chargés d’histoire, cette figure en terre cuite suscite la curiosité et l’admiration. Tout est rare et exceptionnel chez elle : sa taille, ses couleurs, sa coiffure et même sa position assise dite “à l’européenne”. »

“Like all works of art filled with history, this terracotta figure fosters curiosity and admiration. everything about her is rare and exceptional: her size, her colour, her hairstyle and even her ‘european’ sitting position.”

galerie CHristiaN deydier, staNd s33

Seated court lady, glazed terracotta, China, Tang dynasty, 618-907.

ses 3 coups de cœur

his 3 favorites

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ses 3 coups de cœur

his 3 favorites

c’est un cabinet de clément rousseau, dont la serrure, une fois fermée, devient une mini-lune de nacre et de galuchat, ne laissant aucune chance à une personne autre que son propriétaire pour l’ouvrir (Vallois, s30). c’est cette bague montgol-fi ère en serti Mystérieux de Van cleef & arpels (P04), un procédé de fabrication exclusif du joaillier de la place Vendôme. c’est le garde-temps dit « temple » de Piaget (n19), dont le diamant central permet d’ouvrir une boîte secrète révélant un tourbillon volant : 225 diamants baguette pour un poids total de 34,2 carats. Les œuvres sont là, qui nous regardent, dans une invitation au silence, à la paix de l’âme et du cœur : « Le bon emploi du temps rend le temps plus précieux encore ; et mieux on le met à profi t, moins on en sait trouver à perdre. » une phrase à découvrir dans le manuscrit autographe de la Lettre à d’Alembert de rousseau, présenté dans l’écrin noir de la Librairie thomas-scheler (n16). s’il n’est pas à vendre, d’autres splen-deurs sont là, pour parfaire des voyages imaginaires, à la découverte émue de la première lettre de christophe colomb, du premier atlas en couleur, daté de 1593 et signé Jode, ou encore d’un carnet intime de charles Baudelaire, dans lequel le poète évoque amis, maîtresses, projets en cours. Le quotidien en somme.

It is a Clement Rousseau desk whose lock, when closed, transforms into a mini pearl and shagreen moon, leaving no chance for a person other than its owner, to open it (Vallois, S30). It is this hot-air balloon ring with a Mystère Setting by Van Cleef & Arpels (P04), a patented manufacturing process of the Place Vendome jeweler. It is the timepiece called “Temple” by Piaget (N19), whose central diamond opens a secret compartment revealing a secret fl ying swirl movement: 225 baguette diamonds for a total weight of 34.2 carats. Works of art are thus certainly present, watching us, in an invitation to silence, peace of mind and heart: “good scheduling renders time even more valuable and the better one builds upon it, the less one fi nds how to lose it”. A sentence one can discover in the personal manuscript of the Letter to d’alembert by Rousseau presented in the black casing of the Librairie Thomas-Scheler (N16). Although it is not for sale, there are other wonders to conduct imaginary journeys, such as the moving discovery of Christopher Columbus’ fi rst letter, or the fi rst color atlas, dated 1593 and signed Jode, or a diary of Charles Baudelaire, in which the poet evokes friends, mistresses, current projects. In short, daily life. L. B.

Le restaurant éPHéMÈre

Fils de paysans haut-saônois, il a trouvé sa vocation à l’âge de dix ans. À la tête de La Pyramide à Vienne, arborant deux macarons Michelin depuis 1992, Patrick Henriroux, qui a offi cié chez georges Blanc, exerce une cuisine respectueuse des traditions et des produits de la vallée du rhône, délicatement relevés par des notes d’ailleurs. Pour la Biennale des antiquaires, Patrick Henriroux a opté pour de savoureux mariages : tartare de daurade royale servi avec un moelleux à la moutarde violette, tarte d’escargots et pulpe de persil, selle d’agneau de lait du Limousin, champignons shimeji et chorizo. et pour fi nir, un « intensément chocolat ».

Secrets Revealed

secrets réVéLés

Le BiLLet d’HuMeur

un jour un cHeF

charles Baudelaire, carnet manuscrit autographe, 1861-1863.

Charles Baudelaire, handwritten personal diary, 1861-1863.

librairie tHoMas-sCHeler, staNd N16

The son of farmers from the Haut-Saônois region, he found his calling at ten years old. At the head of the Pyramide in Vienne, awarded two Michelin stars since 1992, Patrick Henriroux, who offi ciated at Georges Blanc, leads a cuisine respectful of traditions and products of the Rhône valley, gently highlighted with hints of faraway places. For the Biennale des Antiquaires, Patrick Henriroux opted for tasty marriages: royal sea bream tartare served with a violet mustard fondant, snail tart with a parsley pulp, saddle of suckling Limousin lamb, Shimeji mushrooms and chorizo. And fi nally, a dessert known as “intensely chocolate”. C. H. A.

réservations : 01 53 23 15 25

PatriCK HeNriroux

Le Quotidien de la Biennale

paris pendant La BiennaLe

« Pour la dernière et pour la première fois », jusqu’au 27 octobre 2012, galerie Perrotin, 76 rue de turenne, 75003. www.perrotin.com

ornement de tête, Marquises, milieu du xxe siècle. « Cheveux chéris : frivolités et trophées », jusqu’au 14 juillet 2013 au musée du quai branly,37, quai branly, 75007. www.quaibranly.fr

20, rue saint-Martin, 75004.tél. : 01 42 72 25 76.

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Le Quotidien de la Biennale est édité par le syndicat national des antiquaires www.sna-france.com conception et réalisation : stiletto éditions www.stiletto.frdirectrice éditoriale : Laurence Benaïmdesign : christophe renard et nathanaël dayimpression : Point 44, France, 2012. tous droits réservés.

Le quotidien de la Biennale is published by the Syndicat National des Antiquaires www.sna-france.com Conception and edition: Stiletto Éditions www.stiletto.frEditor: Laurence BenaïmDesign: Christophe Renard with Nathanaël DayPrinted: Point 44, France, 2012.All rights reserved.

Météo du jourweAtHer OF tHe dAy

Le Musée / tHe MUSeUM

cheveux chérisLa coiffe est un signe de reconnaissance, de coquetterie, un support de mémoire. ava gardner, Brigitte Bardot, isabelle Huppert s’affi chent ainsi comme autant d’images de la métamorphose.

Hairdos are a sign of recognition, coquetry, a memory medium. Ava Gardner, Brigitte Bardot, Isabelle Huppert are showcased as images of metamorphosis.

La GaLerie / tHe GaLLerY

sophie calleLa nouvelle exposition personnelle de sophie calle, constituée d’un ensemble de fi lms récents, Voir la mer, et La Dernière Image, série émouvante réalisée en 2010 à istanbul.

The new exhibition by Sophie Calle, consisting of a series of recent fi lms, to see the sea and the Last image, a moving series shot in 2010 in Istanbul.

Le dÎner / tHe dinner

chez Benoitentre tradition héritée du répertoire lyonnais et évolution bistrotière, sous la houlette d’alain ducasse, Benoit fête ses 100 ans. L’un des rares endroits parisiens où l’on peut encore déguster de la tête de veau sauce ravigote…

Between tradition inherited from the Lyons repertoire and the bistro evolution, under the leadership of Alain Ducasse, Benoit celebrates its 100th anniversary. One of the few places in Paris where you can still enjoy a tête de veau sauce ravigote.

La piÈce de tHéÂtre /tHe pLaY

22h13Pierrick sorin s’invite au théâtre, avec une performance visuelle incrustée de séquences vidéo, à la fois burlesque et poétique.

Pierrick Sorin invites himself to the theater with a visual performance, embedded with movie sequences, both burlesque and poetic.

Karine Porret

rendeZ-vous

c’est en association avec le syndicat national des antiquaires qu’un nouveau salon naît à new York,

the salon : art + design / nY.cinquante-deux des principaux marchands internationaux présenteront pour la première fois leurs plus beaux objets, de 1890 à l’époque contemporaine, après une sélection très rigoureuse du comité. Rendez-vous du 8 au 12 novembre 2012 au

Park Avenue Armory, 67th Street, NYC.

www.sanfordsmith.com

I n conjunction with the Syndicat National des Antiquaires, a new antiques fair has been created in New

York: The Salon: Art+Design/NY.52 of the leading international dealers will be showcasing for the fi rst time their most beautiful objects from 1890 to the present day, after review from a rigorous selection committee. from November 8th to 12th, 2012, at Park avenue

armory, 67th street, NYC. www.sanfordsmith.com

Montre Piaget emperador en or blanc, serti de 779 brillants et 225 diamants baguette, deux cadrans en nacre.

Piaget Emperador watch, white gold, with 779 brillants and 225 baguette-cut diamonds, 2 dials white mother-of-pearl.

Piaget, staNd N19

STIL_QB_18_Mardi_exe.indd 7 17/09/12 18:41

Page 8: N°5  Le Quotidien de la Biennale-Paris 2012

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é crire sur un bureau de femme ; s’y appuyer – mais qui s’y risquerait ? oserait-on poser sur le vernis européen une feuille de papier et y noter, pensive, quelques mots, de crainte que le poids de l’avant-bras sur le meuble ne le corrompe, que la mine du stylo, même au travers

d’un épais buvard protecteur, n’y inscrive des mots fantômes – quel vandalisme exquis ce serait. attention cependant – ce n’est pas le bureau de Pierre iV Migeon qui nous est prêté ; en tant qu’écrivain, c’est l’idée du meuble qu’on nous cède ici, et non l’objet réel. Mais – en tant qu’écrivain – à force d’y penser, on sent presque, désormais, le vernis européen contre son poignet, l’adhésion légère à la peau. on en vient à le convoiter furieusement ; le vol s’impose désormais. comment l’écrivain vole-t-il un meuble ? on voudrait tout savoir, on l’étudie – mais l’unique photographie dont on dispose est celle d’un meuble clos, mais les termes vernis européen, décor or dans le goût de la chine nous sont opaques, nous jouent des tours, résistent de plus en plus à mesure des recherches (et il faut faire vite, quelques phrases : si la seconde est l’unité de base du cambrioleur, le mot est celle de l’écrivain). L’esprit dévale et arpente la pente à toutes faces. on ne sait pas tout, on ne saura jamais tout, pour importer le meuble dans son petit hangar personnel l’écrivain doit devenir faussaire – et tel l’authentique délinquant il est contraint de « modifier [son] modèle, procédé souvent dangereux car ce sont précisément ces petites inventions modernes qui peuvent révéler un faux ». qu’à cela ne tienne : on palliera le manque par l’histoire, on construira au bureau un décor de phrases, un personnage pourra enfin s’y appuyer (ah, la douceur du vernis contre la peau). avec du savoir-faire, le lecteur n’y verra que du feu. La fiction est un vaste exercice de contrebande.

oser écrire

To Dare to Write

Bureau de dame en vernis européen dans le goût de la chine par Pierre iV

Migeon et les frères Martin, France.

Lady’s desk with european enamel in the taste of China by Pierre IV Migeon and the Martin brothers, France.

T o write at a lady’s desk; to lean on it, who would risk it? Would one dare to lay on the “European enamel” a sheet of paper and write, in a pensive mood, a few words on it, lest the weight of the forearm on the piece of furniture should corrupt, lest the pen’s tip, even through a thick protective

blotting paper, should inscribe ghost-like words? – What exquisite vandalism that would be. Be careful however – it is not Pierre IV Migeon’s desk that is lent to us; indeed, as a writer, it is merely the idea of the furniture that was assigned to us that matters, not the actual object. But – as a writer – the more one reflects upon it, the more one almost feels the European enamel against one’s wrist, that slight adhesion to the skin. One is lead to furiously covet it; theft is now required. How does a writer go about stealing a piece of furniture? One would like to know everything about it, one studies it – but the only photograph available is that of a closed cabinet, the words European enamel, gold decora-tion in the Chinese style are opaque to us, play tricks on us, resist us increasingly as our research advances (and one must act quickly, a few sentences: if the second is the burglar’s fundamental unit, then the word is that of the writer). The mind descends and paces the slope on all sides. We do not know everything, we will never know everything, in order to import the piece of furniture into his small personal space the writer must become a forger – and just like an authentic offender he is forced to “change [his] model, an often dangerous process since it is precisely these small modern inventions which can reveal a fake”. Never mind: one will make up for this deficiency with a story, one will build in lieu of the desk a furnishing of sentences upon which a character can finally lean upon (oh the sweetness of enamel against the skin). With know-how, the reader will not even notice. Fiction is but a vast smuggling exercise.

Jakuta Alikavazovic est née en 1979 à Paris. Lauréate de la Fondation Lagardère en 2007 et du prix Goncourt du premier roman en 2008, elle a publié aux Éditions de L’Olivier histoires contre nature (2006), Corps volatils (Points, 2010) et Le Londres-Louxor (Points, 2012). Son nouveau roman La Blonde et le Bunker vient de paraître aux Éditions de L’Olivier. Il est sélectionné pour le prix Wepler.

Jakuta alikavazovic was born in 1979 in Paris. Winner of the Lagardère foundation prize in 2007 and of the Goncourt’s first novel prize in 2008, she published her Stories Against Nature (histoires Contre Nature, Éditions de L’olivier, 2006), Volatile Bodies (Corps volatils, Points, 2010) and The London–Luxor (Le Londres-Louxor, Points, 2012). her new novel, the Blonde and the Bunker (La Blonde et le Bunker) was recently published by Éditions de L’olivier and is selected for the Wepler prize.

un oBjet, un écrivain

par jakuta alikavazovic

aNNe-Marie MoNiN. staNd s22

Coordination : Stéphanie Des Horts

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