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72 QUALITÉ CONSTRUCTION N° 158 SEPTEMBRE / OCTOBRE 2016 PRESCRIPTION Tour d’horizon de l’intérêt du BIM au moment de la conception grâce à l’exemple de deux bâtiments tertiaires très différents, le Pavillon 52 à Lyon et l’hôpital d’Ajaccio. TEXTE : PASCAL POGGI PHOTOS & ILLUSTRATIONS: ABVENT, ATELIER NOMADES ARCHITECTURES, CARDINAL GROUPE plus de temps que prévu pour identifier des opéra- tions BIM exemplaires en logements collectifs et suffisamment avancées pour que nous puissions raconter leur développement, de la conception à la livraison, en quelques épisodes de notre feuilleton consacré au BIM. Nous commençons donc par deux opérations ter- tiaires: le Pavillon 52, un immeuble de bureaux conçu par Rudy Ricciotti dans le quartier Confluence à Lyon (69) pour le compte du Groupe Cardinal, et le nouveau Centre hospitalier d’Ajaccio (2A). Nous suivrons ces deux opérations de la conception à la livraison, en examinant à chaque étape l’apport du BIM et les contraintes rencontrées. S’agissant de deux exemples seulement et de bâtiments très spécifiques, l’objectif n’est pas de tirer de ces ar- ticles des règles générales mais de montrer l’état de développement du BIM et de son appropriation par les acteurs du bâtiment en 2013, début de la conception de ces deux opérations. L’appel d’offres pour la conception-construction de l’hôpital d’Ajaccio date de 2013, sa livraison est prévue pour 2017. Le début de l’opération Pavillon 52 date également de 2013, et le bâtiment a été livré le 29 avril 2016. Au moment de leur conception, pre- mier épisode de notre feuilleton, deux questions se posent: pourquoi avoir choisi le BIM et comment s’y sont pris les acteurs? N ous entamons une enquête sur la manière dont le BIM est utilisé aujourd’hui dans l’univers de la construction, en nous ap- puyant sur de vrais projets de bâtiments menés. Il faut conserver à l’esprit que le BIM, bien qu’on en parle énormément, est arrivé assez récemment dans la pratique. Si certains logi- ciels de CAO sont compatibles avec le format de fi- chier .IFC depuis 10 ans, sur le terrain les premières opérations ont été conçues en BIM depuis seulement 3 ou 4 ans. Ces opérations vraiment conçues en BIM sont d’ailleurs encore relativement peu nombreuses. La « conception BIM » ne signifie pas seulement que les architectes dessinent en 3D dans Revit ou dans ArchiCAD ; au-delà du dessin 3D, une conception BIM englobe un aspect collaboratif entre les acteurs, fondé sur l’échange d’informations numériques dans des formats de fichiers ouverts et l’emploi d’outils spécifiques pour gérer cette collaboration. Deux opérations tertiaires Pour l’instant, nous n’avons identifié que deux opé- rations tertiaires significatives dans lesquelles les acteurs ont vraiment utilisé le BIM et acceptent d’en parler. Nous imaginions trouver assez facilement des projets de logements collectifs menés en BIM. Clai- rement, ce n’est pas si simple. Nous n’abandonnons pas cette idée, mais il nous faudra manifestement www “Il faut conserver à l’esprit que le BIM, bien qu’on en parle énormément, est arrivé assez récemment dans la pratique” POURQUOI ET COMMENT L’UTILISER EN PHASE CONCEPTION ? POURQUOI ET COMMENT L’UTILISER EN PHASE CONCEPTION ? BIM BIM

Ndont le BIM est utilisé aujourd’hui dans · sur toute la toiture: le bâtiment a été ... de 450 mantilles, de 4800 lames en BFUP, avec 6 rayons de courbures différents. Ces

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Page 1: Ndont le BIM est utilisé aujourd’hui dans · sur toute la toiture: le bâtiment a été ... de 450 mantilles, de 4800 lames en BFUP, avec 6 rayons de courbures différents. Ces

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PRESCRIPTION

Tour d’horizon de l’intérêt du BIM au moment de laconception grâce à l’exemple de deux bâtiments tertiaires

très différents, le Pavillon 52 à Lyon et l’hôpital d’Ajaccio.

TEXTE : PASCAL POGGI PHOTOS & ILLUSTRATIONS : ABVENT,ATELIER NOMADES ARCHITECTURES,CARDINAL GROUPE

plus de temps que prévu pour identifier des opéra-tions BIM exemplaires en logements collectifs et suffisamment avancées pour que nous puissions raconter leur développement, de la conception à lalivraison, en quelques épisodes de notre feuilletonconsacré au BIM. Nous commençons donc par deux opérations ter-tiaires : le Pavillon 52, un immeuble de bureauxconçu par Rudy Ricciotti dans le quartier Confluenceà Lyon (69) pour le compte du Groupe Cardinal, etle nouveau Centre hospitalier d’Ajaccio (2A). Noussuivrons ces deux opérations de la conception à lalivraison, en examinant à chaque étape l’apport duBIM et les contraintes rencontrées. S’agissant dedeux exemples seulement et de bâtiments trèsspécifiques, l’objectif n’est pas de tirer de ces ar-ticles des règles générales mais de montrer l’étatde développement du BIM et de son appropriationpar les acteurs du bâtiment en 2013, début de laconception de ces deux opérations. L’appel d’offres pour la conception-construction del’hôpital d’Ajaccio date de 2013, sa livraison est prévue pour 2017. Le début de l’opération Pavillon 52 dateégalement de 2013, et le bâtiment a été livré le29 avril 2016. Au moment de leur conception, pre-mier épisode de notre feuilleton, deux questionsse posent: pourquoi avoir choisi le BIM et comments’y sont pris les acteurs?

Nous entamons une enquête sur la manièredont le BIM est utilisé aujourd’hui dansl’univers de la construction, en nous ap-puyant sur de vrais projets de bâtimentsmenés. Il faut conserver à l’esprit que le

BIM, bien qu’on en parle énormément, est arrivé assez récemment dans la pratique. Si certains logi-ciels de CAO sont compatibles avec le format de fi-chier .IFC depuis 10 ans, sur le terrain les premièresopérations ont été conçues en BIM depuis seulement3 ou 4 ans. Ces opérations vraiment conçues en BIMsont d’ailleurs encore relativement peu nombreuses.La «conception BIM» ne signifie pas seulement queles architectes dessinent en 3D dans Revit ou dansArchiCAD; au-delà du dessin 3D, une conception BIMenglobe un aspect collaboratif entre les acteurs,fondé sur l’échange d’informations numériques dansdes formats de fichiers ouverts et l’emploi d’outilsspécifiques pour gérer cette collaboration.

Deux opérations tertiairesPour l’instant, nous n’avons identifié que deux opé-rations tertiaires significatives dans lesquelles lesacteurs ont vraiment utilisé le BIM et acceptent d’enparler. Nous imaginions trouver assez facilement desprojets de logements collectifs menés en BIM. Clai-rement, ce n’est pas si simple. Nous n’abandonnonspas cette idée, mais il nous faudra manifestement www

“Il fautconserverà l’esprit quele BIM, bienqu’on en parleénormément,est arrivé assezrécemmentdans lapratique”

POURQUOIET COMMENTL’UTILISER EN PHASECONCEPTION?

POURQUOIET COMMENTL’UTILISER EN PHASECONCEPTION?

BIMBIM

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Photo ci-dessus : Le Pavillon 52, conçu par Rudy Ricciotti, fait appel à16 km de mantilles en Béton fibré ultra-haute performance (BFUP),montées sur les façades. Cette complexité a conduit à utiliser le BIM pourmener à bien leur fabrication, sans risque d’erreur.

Photo ci-contre : L’objectif du maître d’ouvrage du nouvel hôpital d’Ajaccioest d’utiliser la maquette numérique du bâtiment pour faciliter et fiabiliser lamaintenance et l’implantation de la GTB.

Photo Cardinal GroupePhoto Cardinal Groupe

Photo Atelier Nomades Architectures

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PAVILLON 52Situé au cœur du Quartier Confluencede Lyon (69), le Pavillon 52 est unbâtiment R+6 conçu par Rudy Ricciottipour le Groupe Cardinal.Il offre une superficie de 7500 m2,répartie entre des commercesen rez-de-chaussée et des bureaux dans les étages de 2,70 m sous plafond,754 m2 de terrasse et 54 places deparking en sous-sol. Livré le 29 avril2016, il accueille le siège d’Acies

Consulting. Sa structure ne fait appelà aucun élément industrialisé:pas de poutres béton pour supporterles planchers mais des dalles épaissesen précontrainte en post-tension, ainsique 16 km de mantilles pare-soleil enBFUP sur les façades. Le chauffageet le rafraîchissement sont assurés par des dalles actives, complétéespar des ventilo-convecteurs intégrés enfaux-plancher en périphérie des étages.

L’ensemble est alimenté par despompes à chaleur sur nappe phréatique.Pas de faux-plafonds, de manière à profiter de l’inertie thermique desdalles de béton pour le confort d’été,ventilation double flux avec récupérationde chaleur, lampadaires avec détectionde présence et panneaux photovoltaïquesur toute la toiture: le bâtiment a étécertifié Breeam niveau Good. ■

• Maître d’ouvrage: Michel Filleul et son équipe – Directiontechnique du centre hospitalier d’Ajaccio.

• BIM Manager maîtrise d’ouvrage: José Antonio CubaSegura – Atelier Nomades Architectures.

• ATMO Mandataire: Rodrigue Zajac – Samop.• Bureau de Contrôle: Socotec.• CSPS: Veritas.• Entreprise mandataire: Inso (Italie).• Cotraitant gros œuvre: TP BA.

• Architecte mandataire: AART Farah Architectes Associés.• Architecte: Dominique Federici.• Bureau d’études structure, cuisines et VRD: Berim.• Bureau d’études techniques hospitalière et réseaux: SNC

Lavallin.• Bureau d’études HQE et STD: Oasiis.• BIM Manager conception – réalisation: CSTB et MBA

Ingénierie. ■

CENTRE HOSPITALIER D’AJACCIO

CHANTIER N° 1

CHANTIER N° 2

Photo Cardinal GroupePhoto Cardinal Groupe

Photo Atelier Nomades ArchitecturesPhoto Atelier Nomades Architectures

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fabrication. Alain Pérazio, dirigeant d’IDBAT, a eu ainsil’idée d’utiliser les fichiers ArchiCAD pour générerune série de fichiers DXF et commander di rec -tement les machines numériques qui fa briquent lesmoules destinés à couler le BFUP des mantilles.Le groupe Cardinal a ensuite décidé d’utiliser lesmêmes fichiers ArchiCAD en phase chantier, pourréconcilier la théorie issue de la conception avecl’ouvrage réellement réalisé. En effet, comme ils’agit de dalles en post-tension, le bâtiment bouge unpeu lorsqu’on enlève les câbles. Or le béton offre destolérances de l’ordre de 2 à 3 cm, tandis que lesmenui series des vitrages en façade et les mantillessont fabriquées avec des tolérances inférieures à1 cm. Il fallait donc vérifier que le gros œuvre per-mettait bien d’implanter les fixations de ces ouvragesaux emplacements prévus. Cardinal Groupe et ID-BAT, comme Monsieur Jourdain et la prose, ont ainsiinitialement fait du BIM sans le savoir.

Comment le BIM ?Une fois l’idée d’une procédure BIM acceptée, il fautla mettre en œuvre. En ce qui concerne l’hôpitald’Ajaccio, avec l’aide de l’ATMO BIM de la maîtrised’ouvrage – Atelier Nomades Architectures – et duCSTB, un appel à candidature orienté BIM a été pu-blié en mai 2013. Dès cette phase de consultation,les candidats sont prévenus qu’une démarche 100 %BIM est exigée; il leur est demandé de s’organiserautour du BIM. Dès la phase concours, un pré-pro-tocole BIM sera demandé et, à chaque étape, lescandidats retenus devront être en mesure de four-nir le projet en deux formats BIM: le format natifde Revit et le format .IFC version 2 x 3. La maquettenumérique dans ces deux formats sera obligatoi-rement associée aux documents légaux,

Pourquoi le BIM ?Nos deux projets tertiaires sont menés en BIM pourdes raisons tout à fait différentes. L’hôpital d’Ajac-cio est un projet patrimonial. Le nouveau bâtimentsera exploité par les mêmes équipes que l’actuelhôpital. Comme l’indique Michel Filleul, directeurde projet du nouvel hôpital, sa préoccupation porteavant tout sur la maintenance. Il a ainsi «souhaitéintégrer la maquette numérique BIM, dès le stade dela programmation, de façon à ce que nous puissionsdisposer, après la livraison du bâtiment d’une base dedonnées stable, disponible pour les futurs exploitantsdu bâtiment, que ce soient les personnels de l’hôpitalou des entreprises extérieures». Michel Filleul attendune facilitation et une fiabilisation de la maintenancede ce futur hôpital de 36000 m2 Shon. C’est la pro-messe de lier la maquette numérique, renseignéeen grand détail, à son logiciel de GMAO (Gestion etmaintenance assistée par ordinateur) et aux futursoutils de GTB qui a poussé à demander une opé-ration conduite en BIM. Dans le cas du Pavillon 52, l’approche était toutedifférente. Cardinal, le maître d’ouvrage, est trèsféru de technologie mais ce qui a motivé avant toutl’emploi du BIM, ce sont initialement les 16 km derésille en Béton fibré ultra-haute performance(BFUP) imaginées par l’architecte Rudy Ricciottien façade, en guise de protections solaires. Cet ouvrage a été dessiné sous ArchiCAD. Il se composede 450 mantilles, de 4 800 lames en BFUP, avec6 rayons de courbures différents. Ces élémentsdevaient être moulés. Or la réalisation des moulesde manière traditionnelle, à partir des plans des ar-chitectes, présentait un challenge considérable, etl’entreprise IDBat Production, lauréate du marché,ne voulait pas courir de risque d’erreur dans leur www

Cet ouvrage pare-soleil enfaçade rassemble 450 mantilles,4800 lames en BFUHP, avec6 rayons de courbures différents.

Le gros œuvre tout en béton dece bâtiment offre une tolérance del’ordre de 2 à 3 cm. Les mantillessont fabriquées au cm près. Lesmenuiseries des fenêtres affichentdes tolérances inférieures aucentimètre. En phase chantier, denouveaux outils numériques ontcomparé les fichiers ArchiCADet une mesure sur site pour vérifierle placement des fixations desmantilles et des menuiseries.

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Photo Cardinal GroupePhoto Cardinal Groupe 1

Photo Cardinal GroupePhoto Cardinal Groupe 2

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administratifs et de travail. Au cours de l’été 2013,le cahier des charges BIM est intégré au DCE enconception-construction (Dossier de consultationdes entreprises). Suivant ce DCE, les dossiers tech-niques des groupements sont d’abord remis demanière traditionnelle le 15 novembre, puis en ma-quettes BIM .IFC, issues du moteur IFC de Revit,fin novembre. C’est le groupement conduit parl’entreprise générale italienne INSO qui a rem-porté le concours. Le protocole BIM qu’ils présententprécise donc les outils utilisés par chacun des intervenants avec un processus progressif per-mettant d’ajouter de plus en plus de détails dansles maquettes BIM mixées avec les pièces écriteset graphiques traditionnelles (plans, documents techniques et administratifs). Ce protocole couvretoutes les étapes du projet, de la phase APS jusqu’àla livraison de l’hôpital avec son clone virtuel quisera utilisé pour l’exploitation, et offre l’accès auxmaquettes numériques BIM à l’ensemble desacteurs du projet : maîtrise d’ouvrage, bien sûr,mais également bureaux d’études et bureaux decontrôle. Pour les revues de projet, la salle im-mersive Le Corbusier du CSTB de Sophia-Antipolisa été utilisée afin de réunir l’ensemble des équipesde maîtrise d’œuvre et de maîtrise d’ouvrage pourune revue à l’échelle 1 des maquettes BIM. C’estun moment privilégié qui permet de faire res -sortir tous les problèmes potentiels liés à laconception de l’hôpital. Si le protocole BIM mis aupoint par INSO est respecté, notamment la géolo-calisation des maquettes numériques, aucunepréparation particulière n’est nécessaire pour vi-sualiser les maquettes dans la salle immersive. Pour le Pavillon 52, l’emploi du BIM, initialementfortuit, a été beaucoup plus simple. L’entreprise

IDBAT a demandé aux architectes de lui fournir lesfichiers ArchiCAD 3D des différents composantsdes mantilles de béton. Son outil métier a convertichacun de ces fichiers 3D en une série de fichiersDXF, interprétables par ses machines à commandenumérique. Les fichiers DXF ont été rentrés dansles automates pilotant les machines et celles-ci ontformé les moules destinés à couler le BFUP. L’emploi du BIM et plus généralement des outilsnumériques sur cette opération est plus importanteen phase chantier, pour réconcilier réalité et ma-quette ArchiCAD.

Les avantagesdu BIM en conceptionÀ propos de l’hôpital d’Ajaccio, «ce qui est nouveauen BIM, c’est le travail collaboratif, que nous neconnaissions pas du tout», précise Zbig Kulawik,DSI BIM manager chez AART – Farah ArchitectesAssociés, chargé de l’opération. Pietro Fabiani,chef de projet adjoint chez INSO, l’entreprise gé-nérale chargée de la construction, indique: «C’étaitun grand défi pour tout le monde. Il s’agissait d’unenouvelle expérience. Comme tout ce qui nous fait ga-gner du temps à la fin, forcément cela demande dutravail supplémentaire quand on démarre. Il nous afallu mettre un point un protocole de travail.» SelonÉric Lebègue, chef de division innovations numé-riques pour la construction au CSTB, et AMO BIMpour cette opération, «ce protocole de travail sert àdéfinir comment chacun travaille avec la maquette numérique. Nous avons décidé que chacun tra vaille -rait sur sa propre maquette numérique. Il existe donctrois maquettes numériques pour ce projet: celle desarchitectes, celle du bureau d’études structures et celledes fluides.» «Chacun dépose sa maquette

“Comme toutce qui nousfait gagnerdu temps à lafin, forcémentcela demandedu travailsupplémentairequand ondémarre” www

Trois maquettes numériquesdifférentes sont finalementutilisées pour la conception del’hôpital d’Ajaccio: celle desarchitectes, celle du bureaud’études structures et celledes fluides. Les trois serventnotamment durant la conceptionà visualiser les défauts, de manière à les corriger avantle début des travaux.

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Photo Atelier Nomades ArchitecturesPhoto Atelier Nomades Architectures3

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L’APPLICATION BIM/OFFICE 4EST DISPONIBLELa clef du BIM, c’est la collaborationtout au long de l’opération, depuis laconception jusqu’à la livraison. Il nes’agit pas d’échanger des données demanière statique, mais véritablementde créer les conditions d’un travail encommun, de rassembler les données.Et surtout de gérer un processusà l’aide de règles claires et rigoureuses:qui a le droit de modifier les maquettesnumériques, qui informe les autresacteurs de ces modifications, de quellemanière? Tout au long de ce feuilletonsur le BIM, nous en profiterons pourfaire le point sur le développement desoutils créés pour cela. Nous traitonsdans cet épisode de BIM/Office 4, parudébut juin 2016. C’est la quatrièmeversion du logiciel d’Abvent. Conçu avanttout pour les architectes et les bureauxd’études, BIM/Office 4 est d’abordla base de données de chaque projetet, ensuite, construit peu à peu une basede données des expériences etconnaissances accumulées, projet aprèsprojet. L’outil importe directement les

maquettes numériques de Revit etd’ArchiCAD, ainsi que tout documentdans les formats Word, Excel, EPS, Tiff,PNG et PDF. À partir d’une bibliothèquede modèles, il génère tous lesdocuments nécessaires à la gestion duprojet, tant juridiques et administratifs(CCTP, propositions de paiement,marchés, contrats, notes d’honoraires…)qu’internes, gère les niveauxd’autorisation, leurs différentes versionset les historiques. BIM/Office 4 estdisponible en version monoposte, mais aussi – et c’est nettement plusintéressant dans le cadre d’un projetBIM – sous forme de client/serveur.Les applications BIM/Office serveur etclient existent pour Mac et PC sousWindows. Ce qui permet de le déployerdans des environnements informatiqueshétérogènes – les Macintosh desarchitectes, les PC des bureaux d’étudestechniques, par exemple – et à traversplusieurs sites, reliés au serveur parInternet. L’atout particulier deBIM/Office 4 est le fait qu’il est relié à

ArchiCAD et à Revit, dans les deux sens(lecture/écriture) en direct et demanière instantanée. Cette liaisonpermet:• une récupération automatique, dans

BIM/Office, des données quantitativeset qualitatives du projet BIM;

• des prises de mesures sur plan,exploitables de la même manière queles quantités issues de la maquettenumérique;

• une conservation de la localisationdes ouvrages dans le projet BIM, avecun lien entre les données BIM/Officedes ouvrages et leur représentationgraphique dans la maquettenumérique;

• une évaluation et un contrôledans BIM/Office des attributs BIM(les objets) et quantités BIM de lamaquette numérique;

• des modifications et l’apport decompléments, en temps réel ou endifféré par lots, des données nongéométriques du projet à partir deBIM/Office. ■

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Photo Abvent

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numérique, poursuit Pietro Fabiani, ce qui permetune détection graphique des incohérences. Le chan-tier pourra se dérouler plus rapidement parce que cespoints auront été détectés et traités très en amont dela construction». «La fameuse “boulette” comme lapoutre qui arrive là où il ne faut pas, développe ZbigKulawik, n’est pas détectée à partir d’une analyse trèstechnique: on la voit, tout simplement. Les difficultésliées à l’échelle du bâtiment disparaissent. Avec lamême maquette numérique, on peut zoomer jusqu’audétail d’un boulon, mais aussi avoir une vue globalede l’insertion du bâtiment dans le site.»La maquette numérique oblige à beaucoup plus derigueur: «Il faut être organisés, renchérit Zbig Kulawik.Nous avons soudain conscience que d’autres per-sonnes vont exploiter nos données, on ne travaille plusseulement pour nous-mêmes. Mais en revanche, ondemande la même chose aux autres.» «Dans l’optique

de la maquette numérique comme premier outil de laGMAO, il faut renseigner tous les objets», indiqueÉric Lebègue. Du coup, selon Pietro Fabiani, «on récupère les quantités exactes directement de la ma-quette numérique. Ce qui permet un calcul plus fiabledes coûts de construction.» Par exemple, poursuitMichel Filleul, «en cliquant sur une vanne, on sait oùon l’a achetée, combien elle coûte, combien de tempselle doit durer. Ce qui nous permet d’anticiper son chan-gement. En cas de panne urgente, en regardant le sec-teur de la panne sur la maquette numérique, on loca-lise les canalisations en cause. Lorsqu’on dépose lefaux-plafond pour accéder au défaut, ce n’est plus ap-proximatif, mais au plus près de la panne à traiter».«L’essence même du processus BIM, conclut ZbigKulawik, c’est la communication.»Concernant les mantilles de la façade du Pavillon 52,l’avantage de la traduction directe des fichiers ArchiCAD en fichiers de commande numérique desmachines est très net. L’entreprise IDBAT y a consa-cré moins d’une heure, au lieu de plusieurs joursde travail, étant donné la complexité des plans demoules à réaliser. ■

“L’essence même du processus BIM, c’est lacommunication”

à L’hôpital d’Ajaccioa été conçu avec Revit d’Autodesk.La maquette finale sous Revit,complètement renseignée, seraimportée par le logiciel de GMAO del’hôpital pour géolocaliser chaqueouvrage, chaque élément dessystèmes techniques.

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