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•• ••••••••••••• Pratique Neurologique - FMC 2015;6:131-137 Syndromes parkinsoniens atypiques et rares 1 Syndromes parkinsoniens rares de CrossMark causes héréditaires Rare hereditary parkinsonism diseases SefVice de neurologie, unité des pathologies du mouvement, hôpital de Hautepierre, 1, avenue Moliére, 67000 Strasbourg, France RÉSUMÉ Un syndrome parkinsonien isolé ou le plus souvent associé à d'autres signes neurologiques, peut révéler de nombreuses maladies héréditaires rares. Les antécédents familiaux Ou la notion de consanguinité, le jeune âge des patients, l'existence de certains signes neurologiques associés (spasticité, dystonie, ophtalmoplégie, ataxie, troubles cognitifs), la présence d'ano- malies neuroradiologiques (dépôts de fer, calcifications, atrophie cérébelleuse ou du corps calleux... ), l'absence de réponse à la L-Dopa, ou l'apparition précoce de complications de la L-dopa sont des éléments qui vont orienter le diagnostic étiologique. Les objectifs de cette enquête sont de ne pas méconnaître une maladie potentiellement traitable (Maladie de Wilson, dystonie dopa-sensible, xanthomatose cérébrotendineuse, maladie de Niemann-Pick C, mala- die de Gaucher, hypermanganésémie ... ), de permettre un conseil génétique adapté et d'appor- ter des éléments de pronostic. ©2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. ABSTRACT Parkinsonism has been found in numerous hereditary metabolic or rare diseases. Familial his/ory young age of onse!, associated neurological signs (spasticity, dystonia, ophtalmoplegia, alaxia, cognitive decfine.. .), neuroradiological abnormalities (metal/ic deposits, calcifications, cerebellaratrophy. . .), dopa-resistance orearly dopa-intolerance, can lead to the diagnosis. The main objectives are to detect treatable diseases (Wilson disease, cerebrotendinous xanthoma- losis, Niemann-Pick disease, Gaucher disease, hypermanganesemia .. .), sa genetic and prognostic advice can be proposed. 2015 Elsevier Masson SAS. Ali rights reserved. L es causes rares de syndromes parkin- jeune âge des patients, l'existence de certains soniens sont paradoxalement nom- signes neurologiques non parkinsoniens breuses. À côté des exceptionnelles associés, la présence éventuelle d'anomalies causes lésionnelles (lésions frontales, hydro- neuroradiologiques. l'absence de réponse à la céphalie chronique de l'adulte), infectieuses L-Dopa ou l'apparition précoce de complica- (encéphalites), traumatiques (hématomes tions de la L-Dopa. Aucun de ces éléments, sous·duraux, syndromes parkinsoniens post- isolé, n'est en principe suffisant pour aboutir Illlumatiques), ont été individualisées, notam- au diagnostic, et c'est leur analyse combinée ment chez les sujets jeunes, grâce aux pro- qui permet d'orienter le diagnostic génétique. grès de la génétique, de plus en plus de Les enjeux de ce diagnostic sont de plusieurs causes héréditaires qui font l'objet de cette ordres: traitement spécifique éventuel, prèsentalion. conseil génétique et avis pronostic. Sont Les drapeaux rouges qui peuvent orienter exclues de cette revue les formes génétiques vers ces diagnostics sont: les antécédents de maladie de Parkinson typique de transmis- familiaux ou la notion de consanguinité, le sion autosomique dominante (gènes de 005 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. c. Tranchant Mots clés Parkinson Parkinson juvénile Génétique Dystonie Spasticité Démence Keywords Rare parkinsonism Juvenile parkinsonism Genetic Dystonia Spasticity Oementia Adresse e-mail : christine.tranchant@chru- strasbourg. fr 131

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• •• ••••••••••••• Pratique Neurologique - FMC 2015;6:131-137 Syndromes parkinsoniens atypiques et rares 1

Syndromes parkinsoniens rares de CrossMarkcauses héréditaires

Rare hereditary parkinsonism diseases

SefVice de neurologie, unité des pathologies du mouvement, hôpital de Hautepierre, 1, avenue Moliére, 67000 Strasbourg, France

RÉSUMÉ Un syndrome parkinsonien isolé ou le plus souvent associé à d'autres signes neurologiques, peut révéler de nombreuses maladies héréditaires rares. Les antécédents familiaux Ou la notion de consanguinité, le jeune âge des patients, l'existence de certains signes neurologiques associés (spasticité, dystonie, ophtalmoplégie, ataxie, troubles cognitifs), la présence d'ano­malies neuroradiologiques (dépôts de fer, calcifications, atrophie cérébelleuse ou du corps calleux...), l'absence de réponse à la L-Dopa, ou l'apparition précoce de complications de la L-dopa sont des éléments qui vont orienter le diagnostic étiologique. Les objectifs de cette enquête sont de ne pas méconnaître une maladie potentiellement traitable (Maladie de Wilson, dystonie dopa-sensible, xanthomatose cérébrotendineuse, maladie de Niemann-Pick C, mala­die de Gaucher, hypermanganésémie... ), de permettre un conseil génétique adapté et d'appor­ter des éléments de pronostic.

©2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ABSTRACT Parkinsonism has been found in numerous hereditary metabolic or rare diseases. Familial his/ory young age ofonse!, associated neurological signs (spasticity, dystonia, ophtalmoplegia, alaxia, cognitive decfine .. .), neuroradiological abnormalities (metal/ic deposits, calcifications, cerebellaratrophy. . .), dopa-resistance orearly dopa-intolerance, can lead to the diagnosis. The main objectives are to detect treatable diseases (Wilson disease, cerebrotendinous xanthoma­losis, Niemann-Pick disease, Gaucher disease, hypermanganesemia .. .), sa genetic and prognostic advice can be proposed. ~ 2015 Elsevier Masson SAS. Ali rights reserved.

Les causes rares de syndromes parkin­ jeune âge des patients, l'existence de certains soniens sont paradoxalement nom­ signes neurologiques non parkinsoniens breuses. À côté des exceptionnelles associés, la présence éventuelle d'anomalies

causes lésionnelles (lésions frontales, hydro­ neuroradiologiques. l'absence de réponse à la céphalie chronique de l'adulte), infectieuses L-Dopa ou l'apparition précoce de complica­(encéphalites), traumatiques (hématomes tions de la L-Dopa. Aucun de ces éléments, sous·duraux, syndromes parkinsoniens post­ isolé, n'est en principe suffisant pour aboutir Illlumatiques), ont été individualisées, notam­ au diagnostic, et c'est leur analyse combinée ment chez les sujets jeunes, grâce aux pro­ qui permet d'orienter le diagnostic génétique. grès de la génétique, de plus en plus de Les enjeux de ce diagnostic sont de plusieurs causes héréditaires qui font l'objet de cette ordres: traitement spécifique éventuel, prèsentalion. conseil génétique et avis pronostic. Sont Les drapeaux rouges qui peuvent orienter exclues de cette revue les formes génétiques vers ces diagnostics sont: les antécédents de maladie de Parkinson typique de transmis­familiaux ou la notion de consanguinité, le sion autosomique dominante (gènes de

~Jldldoi.org/10.1016/J.praneu.2015.01 005 ~2C15 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

c. Tranchant

Mots clés Parkinson Parkinson juvénile Génétique Dystonie Spasticité Démence

Keywords Rare parkinsonism Juvenile parkinsonism Genetic Dystonia Spasticity Oementia

Adresse e-mail : christine.tranchant@chru­strasbourg. fr

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C. TranchanlSyndromes parkinsoniens atypiques et rares... .. .-

l'alphasynucléine, LRRK2, VPS35) ou récessive (8arkine, DJ1, PINK1). Le mode de transmission n'étant pas toujours connu, et les formes d'allure sporadique n'étant pas exceptionnelles, une démarche diagnostique prenant en compte les signes neurolo­giques assocès au syndrome parkinsonien (dystonie, spaslicilé, signes ophtalmologiques, troubles cognitifs, troubles psychiatri­ques.) nous semble la plus adaptée à la pratique clinique.

SYNDROME PARKINSONIEN ASSOCIÉ A UN SV DROME PYRAMIDAL

La présence de signes pyramidaux, et notamment d'une marche spastique associée, oriente vers certaines formes autosomiques récessives (AR) de paraplégie spastique héré­ditaire avec atrophie du corps calleux, liées à une mutation soit du gène SPG11 (spatacsin), soit du gène SPG15 (spas­tiz'ln) (Fig. 1). La maladie débute El l'adolescence, des signes parkinsoniens (tremblement de repos notamment), partielle­ment dopasensibles, peuvent apparaître de manière précoce dans l'évolution et il existe une détérioration cognitive asso­ciée [1,2]. Un corps calleux fin, associé à des anomalies de la substance blanche, voire à des dépôts de fer au niveau du pallidum, peut également être observé au cours de SPG35, de transmission AR, liée à des mutations du gène FA2H : le tableau clinique est dominé par la spasticité, mais des signes extrapyramidaux (plutôt une dystonie) et une ataxie cérébel­leuse semblent fréquents [3]. Parmi les autres causes de syndrome pyramido-parkinsonien, citons: • les mutations du gène FBX07 (FBox only protein7), de

transmission AR (PARK15) [4,5]. Le syndrome pyramidal se manifeste par une hyperréflexie ostéotendineuse et des réflexes cutanés plantaires en extension. Une limitation du

l' gum 1 IRM cérébrale. Atrophie du corps calleux chez un patient atteint de paraplégie spaslique SPG15.

regard vers le haut est décrite chez certains patients. Le DAT scan révéle une dénervation dopaminergique tandis que l'IRM cérébrale est en général normale. Il existe une dopasensibilité et des complications motrices et psychiatriques de la L-Dopa précoces;

• le syndrome SENDA (static encephalopathy of chiJdhood with neurodegeneration in adulthood) ou (beta-propeller protein-associated neurodegeneration) BPAN [6], de trans­mission dominante liée à l'X (gène WDR45) caractérisé par une paraparésie spastique et un retard mental stables Jus­qu'à l'âge de 20 ou 30 ans, avant que n'apparaisse un syndrome parkinsonien et une dystonie; l'IRM révèle des hypodensités du pallidum et de la substance noire.

La dystonie dopaserlsible (DYT5) [7] est à la frontière de la dystonie et des syndromes parkinsoniens. Il n'est pas rare que son diagnostic soit retardé et qu'un diagnostic abusif de para­plégie spastique, voire de maladie de Parkinson soit posé. Le diagnostic différentiel de la forme autosomique dominante (AD) liée au gène GCH1 (DYT5a), correspond aux maladies de Parkinson (MP) liées aux gènes de la parkine (PARK2), DJ1 ou PINK1 au cours desquelles une dystonie initiale est possible. DYT5a débute au cours de la première décennie, par une dystonie des membres inférieurs, fluctuante au cours dë la journée, puis peuvent s'installer un syndrome parkinsonien et! ou un tremblement dystonique parfois de début plus tardif et pouvant être au premier plan. Il est important de noter que le DAT scan ne décèle pas de dénervation dopaminergique. Les formes récessives liées soit au gène TH de la tyrosine hydro­xylase (DYT5b), soit au gène de la sepiapterine (DYT5c) sonl à l'origine de tableaux d'encéphalopathie plus diffuse ou des syndromes parkinsoniens débutant avant l'âge de 1 an. Plusieurs affections peuvent se manifester par un syndrome dystonique et parkinsonien, parfois associés à des signes pyramidaux. Les mutations du gène PLA2G6 (PLAN: PLA2G6 associated neurodegeneration), de transmission AR, ont un phénotype variable en fonction de l'âge de début [8]. Les formes de l'adulte jeune peuvent prendre le masque d'une MP classique avec une bonne dopasensibilité et des dyskinésies dopa indui­tes précoces; l'installation est souvent subaiguë ; la présence initiale d'une dystonie (éventuellement dopasensible), de trou­bles cognitifs ou psychiatriques sont classiques. L'IRM esl souvent normale dans les formes de l'adulte. Chez l'enfanl, le tableau est plus sévère correspondant au syndrome de Karak oU INAD (infantile neuroaxonaJ dystophy) avec à l'IRM une atrophie cérébelleuse et des dépôts de fer localisés au pallidum (hyposignaux T2 et T2"). Les mutations du gène PANK2 ou PKAN (pantothenale kinase­associated neurodegeneration) ou NBJA 1 (Neurodegeneralion with brain iron accumulation 1), de transmission AR, sont asso­ciées à l'aspect IRM en « œil de tigre» : hyposignal en T2" du pallidum (dépôts de fer) centré par un hypersignal. La maladie débute le plus souvent vers 3 ans, mais les formes débutant après 20 ans peuvent être révélées par un syndrome parkin­sonien [9] dopasensible. Une dystonie de la langue, un trem­blement d'action, des troubles psychiatriques, une altération cognitive, plus rarement une rétinite pigmentaire ou une atro­phie optique vont compléter le tableau.

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Les mutations du gène ATP13A2 sont associées au syndrome Kufor-Rakeb (PARK 9) [5,7], de transmission AR. Il débute à l'adolescence, et est dominé par un syndrome akinéto-rigide dopasensible et une ophtalmoplégie supranucléaire. Des spasmes dystoniques oculogyres, un mini myoclonus localisé à la face et aux extrémités, une spasticité (parfois aussi inva­lidante que le syndrome parkinsonien) et des troubles cognitifs complètent le tableau. Le DAT scan montre une dénervation dopaminergique. Les mutations du gène SYNJ1 (PARK20) [10], AR, sont asso­ciées à un tableau débutant par un syndrome parkinsonien et une dystonie au cours de la troisième décennie. Une dysar­thrie est décrite dans tous les cas, une épilepsie eUou un déclin cognitif sont fréquents. Il existe une dénervation dopaminer­gique au DAT scan, une réponse à la L-Dopa mais une into­lérance due à des dyskinésies dopa-induites précoces et invalidantes. Le syndrome dystonie Parkinson de début rapide (DYT12) [11 J, de transmission AD, mais de pénétrance variable, est lié à des mutations du gène ATP1A3. Des formes d'allure sporadique liées à ce gène ont été décrites, mais également des formes familiales sans mutation du gène ATP1A3 (hétérogénéité géno­typique). Le tableau clinique débute entre 4 et 55 ans (moyenne 21), en quelques heures ou quelques jours, par une dystonie généralisée associée à des signes parkinsoniens, de distribu­tion souvent rostra-caudale (prédominant au niveau du visage et de la région bulbaire), non dopasensibles. Des troubles thymiques ou psychiatriques sont décrits dans quelques cas. Un facteur déclenchant est parfois retrouvé (infections, effort physique, alcool, traumatisme crânien bénin). La symptomato­logie est peu évolutive, mais dans quelques cas, un deuxième épisode aigu d'aggravation a été décrit. Le syndrome dystonie parkinsonisme lié à l'X (syndrome de Lubag, DYT3, gène TAF1) [12J est décrit exclusivement dans les familles originaires des îles Philippines. Il débute entre 14 et 48 ans, le plus souvent par une dystonie cranio-faciale, rarement par un tremblement de repos. La dystonie se géné­ralise progressivement, un syndrome parkinsonien peu ou pas dopasensible apparait secondairement. Des formes plus modérées, de début plus tardif et où le syndrome parkinsonien peut être au premier plan, sont décrites chez les femmes porteuses de la mutation. Le syndrome de déficit en transporteur de la dopamine [13], de transmission AR, lié au gène SCL6A3, est dans sa forme classique caractérisé par des mouvements anormaux hyper­kinétiques de la petite enfance évoluant rapidement vers un syndrome parkinsonien sévère. Des formes plus tardives, débutant à l'adolescence et diagnostiquées à l'âge adulte se sont manifestées par un syndrome parkinsonien, une dys­tonie inconstante, un flutter oculaire. Le DAT scan est en règle générale anormal. Il existe une augmentation du rapport HVAI HIAA dans le LCS. Certaines mutations du gène C19orf12 [14] sont responsables d'un syndrome parkinsonien, pyramidal et dystonique, débu­tant dans l'enfance, associé à un retard mental, à une amyo­trophie voire une ataxie, avec à l'IRM cérébrale des dépôts de fer dans le pallidum et la SN, et une atrophie cérébelleuse. La transmission est AR. Dans 20 % des neuroacanthocytoses [15], (AR, gène VPS13) où habituellement des éléments dystoniques et choréiques touchant notamment le visage, associés à une épilepsie, une détérioration intellectuelle sont au premier plan, un syn­drome parkinsonien est présent.

Au cours de DYT16 (gène PRKRA) , de transmission AR caractérisée par une dystonie de début précoce avec atteinte axiale, oro-mandibulaire et laryngée, peuvent survenir des signes parkinsoniens modérés non dopasensibles, associés à une IRM normale [16].

SYNDROME PARKINSONIEN ASSOCIÉ À UNE ATAXIE

La présence d'une ataxie cérébelleuse ou simplement d'une atrophie cérébelleuse à l'IRM est décrite dans certains des syndromes décrits plus haut dans cette revue, mais il existe des tableaux où le syndrome cérébelleux est plus important, voire au premier plan. Au cours des ataxies spinocérébelleuses de transmission AD (SCAs), la présence de signes neurologiques non cérébelleux, centraux ou périphériques, est fréquente. Un syndrome par­kinsonien parfois inaugural, dopasensible, avec des dyskiné­sies dopa-induites, peut se rencontrer au cours des SCA 2, 3 et 17 [17]. Il s'agit de formes de début souvent plus tardif, corrélées à un nombre moindre d'expansions de trinucléoti­des. La présence d'une atrophie ponto-cérébelleuse et les antécédents familiaux sont des éléments d'orientation. Un syndrome parkinsonien, mais rarement isolé, peut également se rencontrer au cours de SCA6, 12,14 et 21 [17]. Au cours du FXTAS (Fragile X-associated tremor ataxia syn­drome), défini par une prémutation du gène FMR1, un syn­drome parkinsonien inaugural a été trouvé dans 13 % et au cours de l'évolution dans 64 % des cas d'une série de 22 patients [18]. Une dénervation DA était présente dans 47 % des cas. Une réponse à la lévodopa est parfois décrite.

SYNDROME PARKINSONIEN ASSOCIÉ À DES TROUBLES OCULAIRES

La présence de troubles oculomoteurs ou ophtalmologiques, bien qu'inconstante, est souvent un signe important d'orienta­tion du diagnostic. Une dégénérescence rétinienne associée à un syndrome parkinsonien, une épilepsie et un déclin cognitif débutant à l'âge scolaire et aboutissant au décès avant l'âge de 30 ans, oriente vers une ceroïde lipofuscinose juvénile (gène CNL3, AR) [19]. Une atrophie optique ou une rétinite pigmentaire se rencontrent au cours du PKAN [9]. La présence d'une cataracte bilatérale précoce est un élément d'orientation vers une xanthomatose cérébrotendineuse (AR) au cours de laquelle un syndrome parkinsonien, rarement isolé, associé à des signes pyramidaux, une ataxie, une polyneuropathie, une altération cognitive, des troubles psychiatriques, voire des xanthomes cutanés, peut apparaître dans 80 % des cas [20]. Le diagnostic repose sur le dosage du cholestanol. L'anneau de Kayser-Fleischer est pathognomonique d'une maladie de Wilson. Des troubles oculomoteurs sont fréquents (hypométrie des saccades) et peu spécifiques au cours des syndromes parkinsoniens. Néanmoins, une paralysie de la verticalité du regard chez un sujet jeune oriente préférentiellement vers un syndrome de Kufor-Rakeb {5] ou une maladie de Niemann­Pick de type C ou une mutation de FBX07 [4,5]. Une ophtal­moplégie horizontale oriente vers une maladie de Gaucher. Des crises oculogyres sont décrites dans tes mutations de FBX07 et dans le syndrome de déficit en transporteur de la

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• • •• • • C. TranchantSyndromes parkinsoniens atypiques et rares

dopamine [13]. Dans ce dernier et dans le syndrome l1le Perry [21 L un flutter oculaire peut également être rencontré,

SYNDROME PARK] 50 IEN ASSOCIÉ À IDES TROUS -S COGNITIFS

L'existence d'un retard mental ou l'apparition d'une détériora­tion cognitive sont fréquentes au cours de ces différents syn­dromes génétiques, et ont peu de valeur d'orientation chez l'enfant ou l'adolescent. Elle peut être au premier plan dans certains cas de mutation DNAJC6 [22] (AR), où le syndrome parkinsonien débute aux alentours de 10 ans, s'accompagne d'éléments dystoniques et souvent d'une épilepsie. L'IRM cérébrale est normale. Il existe une réponse à de faibles doses de L-Dopa mais des effets secondaires psychiques et moteurs de survenue précoce en gênent l'utilisation. Les patients ne marchent plus 10 à 15 ans après le début de la maladie. Citons néanmoins le syndrome de Ret! qui est dominé par un retard psychomoteur important, une cyphoscoliose, des troubles du langage, des stéréotypies médianes des mains très évocatrices, des mouvements anormaux dont une dysto­nie et un syndrome parkinsonien [23J, La transmission est liée à l'X (gène MECP2) et la maladie est présente essentiellement chez les femmes. Un des diagnostics différentiels est une encéphalopathie sévère de début précoce, liée au gène FOXG1 (AR), avec microcéphalie, stéréotypies de la langue et des mains, mouvements anormaux (athétose, dystonie, syndrome parkinsonien), impossibilité à la marche dans 90 % des cas et survie jusqu'à l'âge adulte exceptionnelle mais possible [24]. Le fait d'être porteur d'une délétion 22q11, responsable d'un syndrome de Di George (troubles de l'apprentissage, malfor­mations cardiaques, anomalies laryngo-trachéo-œsophagien­nes et du voile du palais, dysmorphie faciale, déficit immunitaire, hypocalcémie, épilepsie) multiplie par 70 le risque de développer une MPI volontiers précoce [25]. Lorsque la détérioration cognitive survient à l'âge adulte, une forme akinéto-rigide de maladie de Huntington, les maladies à prion familiales, certains types de démence, notamment fronto-temporale (DFT) (26], toutes de transmission AD, ainsi qu'un FXTAS (lié à l'X), doivent être discutées. Au cours des mutations de MAPT (protéine Tau) qui sont les plus fréquentes des formes familiales de DFT, l'âge de début moyen est de 49 ans (25-76), un syndrome parkinsonien, symétrique, initialement dopasensible, peut initier la triade composée de troubles du comportement et de la personnalité, d'une démence et d'un syndrome parkinsonien. L'évolution de ce type de pathologie est rapidement défavorable. Dans les muta­tions du gène de la progranuline (PGRN), l'âge de début est un peu plus tardif (59 ans, de 44 à 83 ans), la pénétrance de 90 % à 70 ans; la présence d'un syndrome parkinsonien modéré, en général non dopasensible, est décrite dans 40 à 60 % des cas, mais il apparaît après les troubles comportementaux. Des troubles phasiques ou une apraxie unilatérale orientant vers un syndrome cortico-basal, sont fréquents dans les mutations PGRN. Un syndrome parkinsonien, caractérisé par un syn­drome akinéto-rigide symétrique et des troubles de la marche, existent dans environ 1/3 des cas de DFT associée à C9orf72, avec un âge de débutà 55 ans (33-75). Les mutations du gène CHMP28 sont beaucoup plus rares; une dystonie, un syn­drome parkinsonien asymétrique, des myoclonies, des signes pyramidaux sont possibles, Quelques cas isolés de syndrome

parkinsonien dopasensible sont également décrits au cours de formes plus rares de DFT liées aux gènes VCP (valosing containing protein), TARD8P ou FUS. Dans tous ces cas, le DAT scan est perturbé. L'IRM cérébrale peut orienter la recherche génétique: atrophie symétrique fronto-temporale dans les mutations de MAPT, atrophie fronto-temporo-parié­tale asymétrique dans les mutations de PGRN ; atrophie également occipitale dans les mutations de C9orf72. Récem­ment a été décrit un syndrome neurodégénératif [27], AD, lié au gène PRKAR18 (protein kinase A type I-beta regula­tory subunit) , responsable d'un syndrome démentiel, de signes parkinsoniens et d'une atrophie diffuse à l'imagerie cérébrale,

SYNDRO E IPARKINSONlE ASSOCIÉ À DES TROUBLES PSYCHIAT lQUES

Les troubles psychiatriques, notamment comportementaux sont fréquents dans l'ensemble des formes juvéniles, dans la maladie de Huntington et la maladie de Wilson. Une dépres­sion sévère associée à des signes dysautonomiques avec hypoventilation et perte de poids oriente vers un syndrome de Perry (gène de la dynactine. AD) [21].

,pLACE DE L'IRM ENCÊPHAUQ

L'aspect de l'IRM cérébrale est un élément d'orientation important du diagnostic. Les atrophies du corps calleux

gum 2. IRM cérébrale. Hypersignaux des ganglions de la base dans un cas de maladie de Wilson.

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Figure 3. Scanner cérébral. Calcifications cérebrales dans un cas de mutation du géne SLC20A2.

Tableau 1. Principales causes génétiques de syndromes parkinsoniens rares classées en fonction du mode de transmission (à l'exception des formes génétiques de maladie de Parkinson typique).

Autosomique dominant Autosomique récessif Lié à l'X

Dystonie dopa-sensible (DYT 5a, GCH1) Dystonie Park de début rapide (DYT12, ATP1A3) Maladie de Huntington (IT4) Neuroferritinopathie (FTL) SCA2 SCA3 SCA17 Démences fronto-temporales et Parkinsonlsme

(MAPT, PGRN, C9orf72.. .) Syndrome de Perry (dynactine) Calcifications cérébrales familiales (SCL20A2 PDGFRB, PDGFB) Maladie à prion familiale (PRNP)

Wilson (ATP7B) PARK9 (Kufor-Rakeb, ATP13A2) PARK15 (FBXO!) PARK20 (SYNJ1) DYT5b (TR) DYT5c (sepiapterine) PLAN (PLA2G6) PKAN (PANK2) DTDS (SCL6A3) MPAN (C19orf12) DYT16 (PRKRA) Hypermanganésémie (SLC30A 10) SPG11 SPG15

FXTAS (FMR1) DYT3 (Lubag) Rett (MEPC) BPAN (WDR45) RAB-39B Mc Lead (XK)

SPG35 (FA2H) Neuroacanthocytosis (VPS13) Ceroid lipofuscinose (CNL3) Xanthomatose cérébrotendineuse (sterol 27 OHase) Maladie de Niemann-Pick C (NPC1, NPC2) Maladie de Gaucher (GBA, glucocerebrosidase) DNAJC6 FOXG1 COASY (CoPAN) POLG1

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• • • • • C. TranchantSyndromes parkinsoniens atypiques et rares

(SPG 11,15 et 35), cérébelleuses (SCA, Niemann-Pick C), striatales (maladie de Huntington) ou frontales ont déjà été évoquées plus haut. Les dépôts de fer localisés aux noyaux gris centraux, appa­raissant hypo-intenses en T2, FLAIR et T2 écho de gradient, et iso-intenses dans les séquences T1 et sur le scanner cérébral, définissent .Ie syndrome NBIA (neurodegenere­sence with brain Iron accumulation) [28]. On retrouve dans cette catégorie les mutations des gènes PKAN (NBIA1), PLA2G6 (NBIA2), ATP13A2 (NBIA3), FA2H (SPG35), C19orf72, WDR45 déjà cités, mais également le gène de la céruléoplasmine, dont les mutations sont rarement responsa­bles d'un syndrome parkinsonien (acéruléoplasminémie, AR), le gène copan, responsable du syndrome COASY pro­tein-associated neurodegeneration et le gène FTL, respon­sable de la neuroferritonopathie, de transmission AD, dont l'âge moyen de début est 40 ans (dystonie et chorée de distrîbution rostro-caudale, syndrome parkinsonien, ferriti­néme basse). Dans la neuroferritinopathie, l'IRM montre des dépôts de f1'lr plus diffus au niveau des ganglions de la base (pallidum, striatum, substance noire et noyau rouge) qui peuvent également être le siège de lésions nécrotiques. Les dépôts de manganèse apparaissant hyperintenses sur les séquences Ti et iso-intenses en T2, localisés au niveau des noyaux gris et du cervelet, sont évocatrices des mutations du gène SLC30A 10, AR, responsables d'une dystonie et d'un syndrome parkinsonien associés à une atteinte hépatique, à une polycytémie et à une élévation du taux de manganèse sérique [29]. Les dépôts de cuivre peuvent apparaître soit hypo-intenses, soit hyperintenses en T2 et iso- ou hyperin­tenses en T1 (Fig. 2). Ils sont présents dans la maladie de Wilson au niveau du putamen (72 %), du noyau caudé (61 %), du thalamus (58 %), du mésencéphale (49 %), protubérance (20 %), substance blanche (25 %), cortex (9 %), moelle (12 %) et cervelet (10 %). Les anomalies IRM y sont corrélées à la sévérité de la maladie [30]. La présence de calcifications cérébrales, hyperintenses au scanner, hypo- ou hyperintenses en T2, répondant à certains critères de taille, en général bilatérales et symétriques oriente vers des mutations des gènes SCL20A2, PDGFRB , PDGFB (Fig. 3). Le syndrome akinéto-rigide y est souvent associé à d'autres mouvements anormaux (chorée) et à des troubles cognitifs ou psychiatriques (31]. Des calcifications peuvent également orienter vers une maladie mitochondriale, notam­ment en cas de syndrome parkinsonien vers des mutations de POLG1 [32]. En conclusion, un syndrome parkinsonien peut survenir au cours de nombreux syndromes neurologiques génétiques. Le mode de transmission (Tableau 1), une analyse clinique précise et la réalisation d'une IRM cérébrale sont des élé­ments d'orientation majeurs du diagnostic. De nombreux syndromes restent cependant à définir et dans l'état actuel­des connaissances, il convient d'insister sur l'importance de ne pas méconnaître les rares formes curables (dystonie dopasensible, maladie de Wilson, xantomatose cérébroten­dineuse, hypermanganésémie, maladie de Niemann-Pick de type C ou maladie de Gaucher). Les techniques de biologie moléculaire (séquençage à haut débit) permettent actuellement d'étudier de manière simultanée l'ensemble des gènes impliqués, mais l'analyse des résultats ne peut se faire qu'avec des éléments cliniques et radiologiques précis.

Points essentiels

Un syndrome parkinsonie" dop<;Isensible peut révéler une maladie hérèdi aire mre. Le drapc:f'lux muges orlentan Vers une cause rare de syndrome parkinsonien sont le jeune âge dl..l palJent, les sL nes cliniques associés (spasticité, dystonie, ataxie, signes Mulamateurs, retan::i mental e.Jou déclin cognitîf), UJ1e IRM anormale. Certaines cause-s de syndromes parkilsornens Justifl­enl un traitement spécifique el ne dolven pas être méconnues. Le bilan biologique minimal doil comporter une IR cérébrale, un dosag du cuivr , de la cënJléoplasminc et s~lon le conlelrte . tesl é la fillpme dosage de la glucocérébrosldase, dl~ c~loleslanol, rech rche de m~ladie de l-iuntington et de SCA). (ls techniques de biologie moléculain !Xl ettent

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Déclaration d'i"Mr' lS

L'auteur déclare ne pas avoir de connits d'intérêts en relation avec cet article.

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